dimanche, 23 juin 2024
23 juin. Sainte Audrey ou Edeltrude ou encore Etheldrède, reine, vierge et abbesse d'Ely. 679.
Répandant la lumière de la grâce sur toutes nos routes.
Née d'une noble et royale lignée,
Elle apporte du Christ son Roi une meilleure vie."
Bède le vénérable.
Saint Bernard. Lib. Med, c. 17.
Pour ses amis et sa famille, cette autrefois célèbre sainte femme Anglo-Saxone était Etheldred. Son nom en Vieil Anglais était " Aethelthryth ", signifiant " noble force ", qui prendra la forme par la suite d'Etheldred puis d'Audrey. Baptisée par saint Félix, l'Apôtre de l'Est-Anglie, c'est aussi lui qui l'instruira dans la Foi. Pour le pauvre peulple, elle était Audrey ou Audry, et le terme " clinquant " vint à l'origine des colliers bon marchés vendus lors des fêtes de sainte Audrey et qui qu'on croyait à même de guérir les maladies du cou et de la gorge. Ceci parce qu'Etheldred avait eu à souffrir d'un cancer du cou, qu'elle attribua à une punition divine pour avoir eu un jour la vanité de porter un riche collier. Elle eut une énorme tumeur à son cou quand elle mourrut, mais selon saint Bède, quand sa soeur sainte Sexburge fit ouvrir sa tombe, on trouva son corps incorrompu et la tumeur avait guéri.
Etheldred était une femme de noble naissance, fille du roi Anna d'Est Anglie, et soeur des saints Sexburge, Ethelburge, Erconwald, et Withburge. Elle naquit à une époque où les religieux étaient incompris dans leur désir d'une conversion complète de leurs vies pour Dieu. Pour Etheldred, la prière, la Sainte Communion et les oeuvres de miséricorde étaient des parties essentielles de sa Foi en Jésus-Christ. Depuis sa jeunesse, elle s'était dévouée à la piété, la pûreté et l'humilité. Bien qu'elle sembla destinée à la vie du cloître, à deux reprises, sainte Etheldred sera mariée et libérée de ces liens non-souhaités.
Bannière de procession de sainte Audrey.
A l'âge de 14 ans, Etheldred fut mariée à Tonbert. Parfois certains saints avaient à fuir un mariage quand ils se sentaient voués à la vie religieuse, mais Etheldred fit confiance à Dieu. Elle accepta calmement le mariage, et trouva que Tonbert était aussi dévot qu'elle, et fut heureux qu'ils puissent vivre dans la continence. Après 3 (ou 5) années ensemble, Tonbert mourrut.
Durant un certain temps, elle profita d'une vie solitaire sur l'île d'Ely, qui avait été une partie de sa dot, mais par raison d'Etat, elle fut à nouveau mariée. Son second mari, Egfrid, fils du roi Oswy de Northumbrie, était encore enfant à l'époque. Etheldred, bien qu'étant elle-même encore jeune, le traitta comme son fils ou frère, plutôt que comme un époux. Elle lui enseigna le catéchisme et dirigea sa croissance spirituelle, essayant clairement de le préparer à accepter un mariage de continence.
Détail d'une fresque. Cathédrale d'Ely. Angleterre. XVIe.
Mais après 12 ans de relations, Egfrid, devenu adulte, tenta d'en faire sa femme dans les faits autant que dans le nom. Ceci alarma Etheldred, qui chercha alors le conseil de l'archévêque saint Wilfrid d'York. Il la libéra de son mariage et lui conseilla de se retirer dans l'abbaye Bénédictine de Coldingham. Enfin, elle pouvait accomplir les désirs de son coeur. Elle prit le voile à Coldingham sous sainte Ebba.
Au début, Egfrid tenta de persuader Wilfrid d'ordonner à sa femme de revenir auprès de lui, mais sans succès. En 672, elle fonda le double monastère, où se trouve à présent la cathédrale d'Ely, et elle le gouverna comme abbesse. Egfrid envoya des hommes d'armes à Ely pour tenter de la forcer à revenir, mais l'expédition fut sans succès.
Scènes de la vie de sainte Audrey. Robart Pigott. XVIe.
Après avoir fondé Ely, Etheldred cessa de porter des fins vêtements de lin et ne porta plus que des vêtements de laine. Sauf à Pâques, Pentecôte et Epiphanie, elle ne se lavait que dans l'eau froide. A moins d'être malade ou aux grandes fêtes d'Eglise, sinon elle se contentait d'un repas par jour. Elle priait pour ceux ne pouvant plus prier, et veillait souvent à l'église de minuit jusqu'à l'aube. Sept ans après la fondation de l'abbaye d'Ely, elle mourrut de la peste.
Saint Bède écrivit une longue hymne à la louange d'Etheldred qui, à voir le nombre d'églises et de calendriers comportant son nom, dû avoir été la plus vénérée de toutes les saintes femmes Anglo-Saxonnes. Ceci est en partie dû aux innombrables miracles qui résultèrent de son intercession, qui fit d'Ely un important lieu de pélerinage (Attwater, Bénédictins, Bentley, Encyclopaedia).
Scènes de la vie de sainte Audrey. Robart Pigott. XVIe.
Dans l'art, sainte Etheldred est couronnée, tenant une crosse, un livre, et un bâton bourgeonnant. Elle peut parfois être représentée :
- assoupie sous un arbre en fleurs ;
- avec un livre et un lys ;
- avec une fontaine jaillissant à ses pieds ;
- avec le démon qui la fuit.
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samedi, 22 juin 2024
22 juin. Saint Paulin, évêque de Nole. 434.
- Saint Paulin, évêque de Nole. 434.
Pape : Sixte III. Empereur romain d'Occident : Valentinien III.
" Allez dans la Campanie, voyez Paulin, cet homme si grand par sa naissance, par son génie et par ses richesses ; voyez avec quelle générosité c serviteur de Dieu s'est dépouillé de tout pour ne posséder que Dieu ; voyez comme il a renoncé à l'orgueil du monde pour embrasser l'humilité de la croix ; voyez comment il emploie présentement à louer Dieu ces trésors de science qui sont perdus quand on ne les consacrent pas à celui qui les a donnés."
Saint Augustin. Ep. XXVI ad Livent.
Il n'y a jamais eu personne qui ait fait plus d'efforts pour se cacher et pour se rendre inconnu dans le monde que saint Paulin ; et il n'y a jamais eu personne qui ait reçu plus de louanges, personne que les saints Pères se soient plus étudiés à relever par leurs éloges. Saint Ambroise, saint Augustin, saint Jérôme et saint Grégoire le Grand, que l'Eglise latine reconnaît pour ses 4 principaux docteurs, ont voulu être ses panégyristes, et ils ont été suivis en cela par beaucoup d'autres Pères qui ont cru que c'était louer la vertu même que de donner des louanges à cet excellent évêque de Nole. II naquit, vers l'année 353, à Bordeaux ou à Embrau, qui n'en est éloigné que de 4 lieues. Ses parents étaient de Rome, et des plus nobles de cette ville, maîtresse du monde ; ils comptaient dans leur maison des consuls et des patrices, et plusieurs même estiment que son père était de la famille des Anicius, la plus illustre de toutes les familles de Rome. Ils avaient de si riches possessions, non-seulement dans l'Italie, mais aussi dans les Gaules et dans l'Espagne, que le poète Ausone ne fait point difficulté de les appeler des royaumes. [Ponce Paulin, père de notre Saint, était préfet du prétoire dans les Gaules, et le premier magistrat de l'empire d'Occident].
Paulin reçut une éducation conforme à sa naissance ; et, lorsqu'il fut en âge d'étudier, il eut pour précepteur le même Ausone, qui passait pour le premier orateur et le plus excellent poète de son temps. Le disciple ne fut pas longtemps sans égaler et même sans surpasser son maître ; il devint si éloquent, que saint Jérôme, ayant lu une apologie qu'il avait faite pour la défense de l'empereur Théodose contre les calomnies des païens, la loua comme un des ouvrages les plus éloquents de cette époque, et dit que Théodose était heureux d'avoir pour défenseur un tel panégyriste. Il ajoute que Paulin est un écrivain accompli et que l'Eglise acquerrait un grand trésor s'il voulait s'appliquer à composer sur l'Ecriture sainte et sur les mystères de notre religion. Ausone même avoue qu'il était devenu meilleur poète que lui, et qu'il avait remporté en ce genre d'écriture un prix d'honneur que lui-même n'avait pas remporté.
Ces excellentes qualités, jointes aux biens immenses dont il se vit bientôt l'héritier, le rendirent célèbre par tout le monde. On dit qu'il fut quelque temps à la cour de l'empereur Valentinien l'ainé, et plaida aussi, étant jeune, plusieurs causes au barreau. Dieu lui donna une femme digne de lui et dont la noblesse et les grandes richesses étaient relevées par une vertu au-dessus du commun.
Bréviaire franciscain. XVe.
C'est la célèbre Thérasie, espagnole, qui contribua si heureusement à lui faire quitter le monde, et qui fut la compagne inséparable de sa vie pauvre et retirée, comme nous le dirons dans la suite. L'empereur trouva tant de jugement et de solidité dans son esprit, qu'il le fit consul à un âge où à peine les autres commencent à être employés aux affaires publiques, et lui donna ensuite le gouvernement de Rome, sous le nom de préfet. Lorsqu'il se fut très-dignement acquitté de ces grandes charges, les diverses négociations dont on le chargea et ses affaires domestiques l'obligèrent pendant 15 ans à divers voyages, tant dans les Gaules qu'en Italie et en Espagne.
Dans ces voyages, il alla quelquefois à Milan, où il eut le bonheur de fréquenter saint Ambroise, qui conçut pour lui une affection toute singulière, comme il le témoigne dans son épître 45. il y fut aussi connu de saint Augustin et d'Alipius, auxquels il a depuis écrit plusieurs lettres. Il eut un fils à Alcala de Hénarès, qui est une ville de l'Espagne Tarragonaise ; mais il ne le posséda que 8 jours, et, quoiqu'il eût souhaité fort longtemps cette bénédiction de son mariage, il en fut privé presque aussitôt qu'il l'eut reçue, afin que rien ne l'empèchât de renoncer entièrement au monde.
Ce qui commença à l'en dégager, ce fut un pèlerinage au tombeau de saint Félix, prêtre de Nole et martyr. Les grands miracles qui se firent devant ses yeux lui donnèrent tant d'affection pour ce glorieux martyr de Jésus-Christ, qu'il résolut dès lors, quoiqu'il n'eùt que 27 ans, de se retirer dans les terres qu'il avait auprès de cette ville, pour y passer le reste de sa vie en hommè privé. Il fut néanmoins encore plus de 15 ans sans exécuter ce dessein.
Les entretiens qu'il eut avec saint Ambroise et les sages conseils de Thérasie, son épouse, aidèrent aussi beaucoup à lui faire connaître la vanité des grandeurs du siècle ; mais celui qui acheva sa conversion fut saint Delphin, évêque de Bordeaux. II reçut de lui le baptême à l'âge de 38 ans, comme il paraît par une épître qu'il écrivit peu de temps après à saint Augustin, touchant ses 5 livres contre les Manichéens.
Ensuite il se retira, pour la seconde fois, en Espagne, et s'arrêta à Barcelone, où il commença à faire profession de la vie solitaire ; mais comme sa conduite donnait de l'admiration à tout le peuple, et que sa chasteté, sa modestie, son insigne charité et son oraison continuelle le faisaient juger digne des emplois ecclésiastiques, un jour de la Nativité de Notre-Seigneur, les clercs et les laïques demandèrent instamment à l'évêque Lampius qu'il l'ordonnât prêtre. Saint Paulin s'y opposa de toutes ses forces, non pas, comme il le dit lui-même en l'épître VIe, qu'il dédaignât d'être le ministre de Jésus-Christ dans cette église peu considérable, mais parce qu'il regardait le sacerdoce comme une dignité au-dessus de ses mérites, et que, d'ailleurs, il avait résolu de vivre dans la retraite auprès de Nole, dans la Campanie. Il se rendit néanmoins enfin à leur volonté, mais à condition qu'il ne serait nullement lié à l'église de Barcelone, et qu'il aurait une entière liberté de s'en aller quand il le voudrait.
En effet, après avoir séjourné 4 ans en Espagne, le désir de la vie parfaite embrasant son coeur de plus en plus, il vendit les biens qu'il avait en ce pays, et en distribua le prix aux pauvres; il repassa ensuite dans les Gaules, pour y faire la même chose. Il donna la liberté à ses esclaves, il ouvrit ses greniers, qui étaient remplis de grains, aux nécessiteux, et employa l'argent qu'il tira de la vente de ses terres et de ses maisons à racheter les captifs, à délivrer les prisonniers, à relever une infinité de familles que divers accidents avaient ruinées, à payer les dettes de ceux qui étaient persécutés par leurs créanciers, à fournir de quoi à un grand nombre de veuves et d'orphelins, à marier de pauvres filles que la nécessité aurait pu engager dans le désordre, à pourvoir aux secours des malades, et, pour tout dire en un mot, à enrichir les pauvres en s'appauvrissant lui-même.
Se voyant ainsi déchargé du poids, difficile à porter, des richesses, il se rendit à Milan, où saint Ambroise le reçut avec une joie et une tendresse merveilleuses et le pria même de trouver bon qu'il le mit au nombre des prêtres de son église ; notre Saint ne put le lui refuser, quoiqu'il se conservât toujours la liberté d'aller où Dieu l'appellerait. On a cru, avec beaucoup de raison, que ce grand docteur, qui était déjà fort âgé, jetait les yeux sur lui pour lui succéder après sa mort ; mais comme elle arriva dans un temps où saint Paulin était fort éloigné de Milan, le vieillard saint Simplicien fut mis en sa place.
Après que notre Saint eut fait quelque séjour dans cette ville, capitale de la Ligurie, il passa à Rome, capitale de l'empire. Le peuple, qui l'avait vu autrefois dans ses dignités éminentes de consul et de préfet, et qui connaissait ses rares qualités et l'excellence de sa vertu, l'y reçut avec un honneur extraordinaire. Il fut visité, principalement dans une maladie, par tout ce qu'il y avait de magistrats et de grands seigneurs en cette ville.
Ceux des villes voisines qui ne purent pas lui rendre ce devoir par eux-mêmes lui envoyèrent des députés pour lui témoigner la joie qu'ils avaient de son retour, et la part qu'ils prenaient à son incommodité. Il y eut même peu d'évêques des environs qui ne le vinssent voir ou qui ne lui écrivissent, pour le congratuler de ce qu'il avait quitté les espérances du monde pour embrasser l'état ecclésiastique.
Ces témoignages d'estime et de respect donnèrent de la jalousie aux principaux du clergé de Rome, et, au lieu d'être les premiers à lui faire honneur, ils n'eurent pour lui que de la froideur et de l'indifférence, et lui suscitèrent même quelque persécution. Le souverain Pontife ne lui témoigna pas non plus beaucoup d'amitié ; et il se plaint lui-même, en sa première épître à Sévère, de la réception un peu froide qu'il lui fit. Mais comme c'était le pape Sirice, qui a mérité, par sa piété et par les grands services qu'il a rendus à l'Eglise, d'être mis au nombre des Saints, il faut croire, avec le cardinal Baronius, que ce qui l'aigrit contre saint Paulin, ne fut autre chose qu'un zèle un peu trop ardent pour l'observance de la discipline ecclésiastique, qu'il crut avoir été violée dans l'ordination de ce saint prêtre car il avait été promu au sacerdoce aussitôt après son baptême et sans avoir passé par les degrés inférieurs, ou sans y être demeuré un temps suffisant, avant de monter plus haut. Néanmoins, Paulin n'était point coupable, puisque, s'il avait souffert cette ordination, ce n'était que par force et contre sa volonté ; et, d'ailleurs, cette manière de conférer les ordres sans garder les interstices, ni même les degrés ecclésiastiques, était en ce temps-là, autorisée par beaucoup d'exemples.
Quoi qu'il en soit, ce grand personnage se voyant devenu une occasion de plainte et de murmure, sortit promptement de Rome et se rendit, selon le dessein qu'il avait conçu 15 ans auparavant, à une maison qui lui appartenait auprès de Nole. Thérasia, son épouse, l'y suivit aussi ; mais ils logèrent séparément : et, ayant pris l'un et l'autre un habit de pénitence semblable à celui des solitaires, ils se mirent à pratiquer chacun de son côté toutes les pratiques de la vie religieuse. Un changement si admirable fit aussitôt grand bruit dans le monde ; les païens, encore nombreux dans le sénat et dans les premières magistratures de l'empire, en parlèrent avec beaucoup d'indignation, et comme d'une action extravagante.
Il y eut même des personnes considérables parmi les fidèles qui ne le purent goûter; elles disaient ouvertement que Paulin, étant capable de rendre de si grands services à l'Etat, commettait une injustice en lui dérobant ses soins, ses conseils et sa personne, pour mener une vie oisive dans un lieu champêtre et éloigné de la compagnie des autres hommes. Ausone, son ancien précepteur, fut surtout de ce nombre ; et il en écrivit souvent à ce cher disciple, dès le temps même qu'il quitta l'Aquitaine pour se retirer à Barcelone. Mais la grâce du Saint-Esprit, qui voulait donner aux grands du monde, en la personne de Paulin, un excellent modèle du mépris de toutes les choses de la terre, le fortifia contre ces plaintes et lui fit connaître, par expérience, que ce qu'il avait quitté était beaucoup moindre que ce qu'il gagnait en suivant Jésus-Christ ; elle lui mit dans la bouche des réponses si saintes et si évangéliques, qu'elles servent encore aujourd'hui de justification à tous ceux qui, imitant son exemple, renoncent aux plus grands emplois et aux fortunes les plus avantageuses pour suivre l'étendard de la Croix, et pour se faire humbles disciples d'un Dieu pauvre et souffrant pour l'amour des hommes.
Aussi, tandis que Paulin était blâmé par les gens du siècle, il était, au contraire, loué par tout ce qu'il y avait alors de docteurs et de saints personnages sur la terre. Saint Martin, qui vivait encore, et qui l'avait autrefois guéri par attouchement, d'une grande incommodité à l'oeil, le proposait à ses disciples comme un exemple achevé de la perfection évangélique, et leur disait souvent qu'il était presque le seul dans le monde qui eût accompli les préceptes de l'Evangile ; que c'était lui qu'il fallait suivre, que c'était lui qu'il fallait imiter, et que la plus grand bonheur de son siècle était d'avoir porté un homme si rare et si admirable. C'est ce que rapporte Sulpice Sévère, en la vie de ce saint évêque de Tours.
Saint Paulin de Nôle. Père Pierre Lacour. XIXe.
Saint Ambroise n'en parlait aussi que comme d'un prodige ; et, dans l'épître à Saban, il ne peut assez relever sa générosité d'avoir quitté ce que le monde a de plus éclatant pour embrasser l'abjection et la pauvreté de la vie religieuse. Saint Jérôme lui écrivit de Bethléem et le dissuada du voyage de Jérusalem, où notre Saint avait dessein de se retirer pour une plus grande perfection, lui représentant que son désert de la Campanie était beaucoup plus tranquille et plus propre aux exercices de la vie monastique, que cette ville, qui était alors pleine de trouble et de confusion.
Il lui prescrivit en même temps quelques règles de la vie solitaire qu'il avait embrassée, et lui témoigna qu'il ne pouvait assez louer sa résolution, d'autant plus recommandable, que ce qu'il avait abandonné pour Dieu avait plus de charmes pour l'arrèter dans le siècle. Dans une autre épître, adressée à Julien, il l'appelle un prêtre d'une foi très-fervente, et dit que, s'il avait quitté des richesses temporelles, il en était devenu plus riche par l'heureuse possession de Jésus-Christ, et que, s'il avait renoncé aux premiers honneurs de l'empire, la vie humble et abjecte à laquelle il s'était consacré l'avait rendu incomparablement plus glorieux qu'il n'était auparavant, puisque ce que l'on perd pour Jésus-Christ ne se perd point, mais se change en quelque chose de meilleur et de plus utile. Saint Augustin et saint Alipius liérent aussi une étroite amitié avec notre Saint, et se firent gloire d'avoir un fréquent commerce de lettres avec lui.
Le premier, lui adressant un jour un de ses disciples, lui mande qu'il l'envoie à son école, parce qu'il est sûr qu'il profitera beaucoup plus par son exemple, qu'il ne pouvait profiter de toutes les remontrances et de toutes les exhortations qu'il lui faisait ; et, écrivant à Décentius, il lui conseilla d'aller voir Paulin, parce qu'il trouverait en sa personne la modestie d'un véritable disciple de Jésus-Christ. Il y eut même une illustre compagnie d'évêques d'Afrique, qui, remplis d'une haute idée de sa sainteté, lui envoyèrent des députés avec une lettre, pour lui témoigner l'estime et la vénération qu'ils avaient pour son mérite. Le pape saint Anastase, qui succéda à Sirice, conçut aussi les mêmes sentiments pour lui ; car, à peine fut-il élevé au souverain pontificat, qu'il écrivit en sa faveur à tous les évêques de Campanie, leur témoignant l'amour qu'il avait pour ce saint prêtre. Et, une fois que notre Saint vint à Rome, pour assister à la solennité de la fête de saint Pierre, il l'y reçut avec de grandes démonstrations de bienveillance et d'honneur ; depuis, il l'invita à l'anniversaire de son couronnement : invitation que les papes ne faisaient ordinairement qu'aux évêques.
Enfin, saint Paulin était si célèbre par toute l'Europe, qu'on le proposait continuellement pour exemple à ceux qu'on voulait détromper de l'estime des biens de la terre et attirer au service de Jésus-Christ, comme fit saint Eucher dans son épître à Valérien. Ainsi, sa conduite fut d'une grande utilité pour toute l'Eglise, et elle servit non-seulement à la conversion d'une infinité de pécheurs, mais aussi à mettre en honneur la vie monastique et à la faire embrasser, par un grand nombre de personnes de toutes sortes de conditions.
Saint Paulin de Nole exorcisant un possédé. Bréviaire romain. XVe.
Au reste, c'est une chose merveilleuse que la modestie et l'humilité avec lesquelles il recevait toutes ces louanges. Il ne manquait jamais, dans ses réponses, d'en témoigner son mécontentement, parce qu'il ne voyait rien en lui que de méprisable, et qu'il ne souhaitait aussi que du mépris. Sulpice Sévère l'ayant prié de lui envoyer son portrait, il ne fit point difficulté de traiter cette demande de folie, et lui répondit qu'il ne pouvait pas la lui accorder, parce qu' il ne portait plus l'image de Dieu dans sa pureté, l'ayant, disait-il, souillée par la corruption de l'homme terrestre.
Cependant, ayant appris que, malgré ce refus, ce fidèle ami l'avait fait peindre dans un baptistère, à l'opposite de saint Martin, il lui en exprima sa douleur, et tourna cette action à son propre désavantage, disant que cela s'était fait par une conduite particulière de la divine Providence, afin que les nouveaux baptisés eussent devant les yeux, en sortant des fonts baptismaux, d'un côté celui qu'ils devaient imiter en la personne de saint Martin, et de l'autre, celui dont ils devaient fuir l'exemple, en la personne du pécheur Paulin.
Comme ce n'est pas assez d'entrer dans la voie de la perfection, si l'on n'y persévère avec constance, notre Saint persévéra toute sa vie dans l'amour de la pauvreté et de la mortification. Il avait changé sa vaisselle d'argent en vaisselle de bois et de terre, et jamais il n'en voulut avoir d'autre. Sa table était si frugale, que les religieux les plus austères avaient de la peine à en supporter la rigueur. La viande et le poisson en étaient bannis, et l'on n'y servait point d'autres mets que des herbes et des légumes. Ayant tout donné, il était lui-même dans la disette ; et cette nécessité lui attira une des plus rudes humiliations dont un homme de son rang soit capable ; ceux qui l'avaient autrefois honoré pour ses grands biens et pour les avantages qu'ils espéraient de sa libéralité, et les esclaves mêmes qu'il avait affranchis, l'abandonnèrent et le traitèrent quelquefois avec mépris.
Cependant il croyait toujours n'avoir rien souffert pour Dieu :
" Ô misérables que nous sommes ! disait-il, nous pensons avoir donné quelque chose à Dieu, nous nous trompons, nous trafiquons seulement avec lui, nous avons peu quitté pour avoir beaucoup, nons avons abandonné les choses de la terre qui ne sont rien, pour acquérir les biens du Ciel qui sont solides, permanents et véritables. Ô ! que nous avons les choses à bon marché ! Dieu nous a rachetés bien plus cher : il nous a donné son sang et sa vie, dont le prix est infini, pour acquérir de misérables esclaves !"
Etant dans ces sentiments, il ne s'arrêtait jamais dans le chemin de la perfection ; mais il s'y avançait à tous moments par la pratique de toutes les vertus, tant intérieures qu'extérieures.
Nous avons déjà remarqué que saint Jérôme l'appelle, dans une de ses épîtres, " un prêtre d'une foi trés-fervente " ; mais cette foi éclata principalement lorsque les Goths eurent pris Nole, et lui eurent enlevé à lui-même tout ce qu'il avait dans sa maison pour sa subsistance.
Saint Augustin, au premier livre de la Cité de Dieu, chapitre X, rapporte que ces barbares s'étant alors saisis de sa personne, et voulant le tourmenter pour l'obliger dedéclarer où était son trésor, il disait à Dieu, dans le secret de son coeur :
" Seigneur, ne souffrez pas que je sois tourmenté pour de l'or ou de l'argent ; car vous savez où sont tous mes biens."
Saint Paulin échangé contre un esclave. Vies de saints. R. de Montbaston. XIVe.
Cette prière, animée d'une foi vive et d'une parfaite confiance en la bonté divine, fut si efficace, qu'on ne lui fit aucun mal, et qu'il ne fut point non plus emmené en captivité. Cependant, sa nécessité devint si grande, qu'à peine avait-il du pain pour se nourrir, parce que, les Goths ayant tout enlevé, il n'était rien resté dans Nole pour la subsistance de ceux qu'ils y avaient laissés.
Mais dans une si grande misère, il ne pouvait manger un morceau de pain sans en faire part à ceux qu'il voyait dans la même peine, parce qu'il savait que Dieu, qui nourrit les oiseaux du ciel et les animaux de la terre, ne manquerait jamais de lui donner les choses nécessaires à la vie. On raconte qu'un pauvre étant venu lui demander l'aumône, il l'envoya à Thérasie, qui, de son épouse, était devenue sa soeur, lui disant de donner à ce pauvre ce qu'elle pourrait ; elle lui répondit qu'il ne restait plus en sa maison qu'un petit pain qui ferait tout son diner.
" Donnez-le, répliqua le Saint ; Jésus-Christ, qui demande par la bouche et par la main de ce pauvre, doit être préféré à nous."
Thérasie, contre sa coutume, n'en fit rien, parce qu'elle jugea sans doute, selon la prudence humaine, que, dans un besoin égal, la vie de ce grand homme était préférable à celle du mendiant, et qu'ainsi il valait mieux garder le pain que de le donner à cet étranger. Mais elle apprit bientôt que la Foi de Paulin était plus opulente et plus efficace que la précaution timide et défiante dont elle avait usé ; car, incontinent après, il arriva des hommes qui lui amenaient une grande provision de blé et de vin, s'excusant d'ailleurs et du peu qu'ils apportaient et de leur retardement, sur ce qu'une tempête avait submergé un de leurs vaisseaux qui était chargé de froment.
" Voilà, dit alors Paulin à Thérasie, le châtiment de votre incrédulité. Vous avez dérobé au pauvre le pain que je lui voulais donner, et Dieu, en punition, nous a privés de ce vaisseau de blé que sa providence nous envoyait."
Cette grande foi était dans notre saint prêtre la source de toutes les autres vertus. On ne peut assez dignement représenter sa douceur, sa miséricorde pour toutes sortes d'affligés, sa recounaissancé pour ceux qui lui faisaient du bien, sa vénération pour les excellents prélats qui vivaient do son temps, sa dévotion envers les Saints, et surtout envers saint Félix, dont il rendit la mémoire si célèbre par tout le monde ; et, enfin, son grand amour pour Jésus-Christ dont, selon le témoignage de saint Augustin, il jetait partout une odeur très-sainte et très-agréable.
Il y avait 15 ans que Paulin vivait dans la retraite, lorsqu'on l'élut pour succéder à Paul, évêque de Nole, qui mourut sur la fin de l'année 409.
" Dans la prélature, dit Uranius, un de ses prêtres, en l'abrégé de sa vie, il n'affecta point de se faire craindre, mais il s'étudia à se faire aimer de tout le monde. Comme il n'était point touché des injures que l'on faisait à sa personne, rien n'était capable de le mettre en colère ; il ne séparait jamais la miséricorde du jugement ; mais s'il était obligé de châtier, il le faisait d'une telle manière, qu'il était aisé de voir que c'étaient des châtiments de père, et non pas des vengeances de juge irrité. Sa vie était l'exemple de toutes sortes de bonnes oeuvres, et son accueil était le soulagement de tous les misérables. Qui a jamais imploré son secours sans en recevoir une consolation très-abondante ? Et quel pécheur a-t-il jamais rencontré qu'il ne lui ait présenté la main pour le relever de sa chute ? Il était humble, bénin, charitable, miséricordieux et pacifique ; il n'eut jamais de fierté ni de dédain pour qui que ce fût. II encourageait les faibles, il adoucissait ceux qui étaient d'une humeur emportée et violente. Il aidait les uns par l'autorité et le crédit que lui donnait sa charge, d'autres par la profusion de ses revenus, dont il ne se réservait que ce qui lui était absolument nécessaire ; d'autres, enfin, par ses sages conseils, dont on trouvait toujours de grands trésors dans sa conversation et dans ses lettres. Personne n'était éloigné de lui sans désirer de s'en approcher ; et personne n'avait le bonheur de lui parler sans souhaiter de ne s'en séparer jamais."
En un mot, comme sa réputation était si grande, qu'à peine il y avait un seul lieu sur la terre où le nom de Paulin ne fût célèbre ; aussi ses bienfaits étaient si étendus, que les îles et les solitudes les plus éloignées en étaient participantes. Comme le remarque l'auteur des livres de la " Vocation des Gentils ", qui sont attribués à saint Prosper, quoique Paulin eût abandonné ses propres biens pour Jésus-Christ, il ne laissa pas, néanmoins, d'avoir grand soin des biens ecclésiastiques de son évêché, parce qu'il n'ignorait pas qu'il n'en était que le dépositaire et le gardien ; et que, étant le patrimoine des pauvres, il était obligé de les conserver pour ceux en faveur desquels les fidèles les avaient donnés à l'Eglise. Mais il en conserva les fonds avec soin, il en distribua les revenus avec une liberté sans mesure ; de sorte qu'il n'était pas moins pauvre dans l'épiscopat qu'il l'avait été dans le monastère ; rien ne demeurant entre ses mains, il était autant dans la disette, sous l'éclat de la prélature, qu'il l'était sous l'humble habit de religieux.
Il ne faut pas oublier ici que ses éminentes vertus lui attirèrent même la vénération des empereurs. Honorius, fils du grand Théodose, avait pour lui la plus grande estime ; il voulut qu'il fût presque le seul arbitre du différend qui survint dans l'Eglise romaine pour la succession au pontificat du pape saint Zozime. Car, ayant ordonné l'assemblée d'un Concile pour examiner les prétentions d'Eulalius, schismatique, contre le droit légitime de saint Boniface, et sachant que ce saint évêque n'y pouvait pas assister, parce qu'il était tombé malade, il fit différer ce concile jusqu'à ce qu'il fut entré en convalescence. Il lui écrivit ensuite une lettre pleine d'un souverain respect, lui témoignant que rien ne pouvait être décidé sans lui ; il le prie de se trouver au Concile pour apprendre au monde la volonté de Dieu, pour déclarer à l'Eglise quel était son véritable pasteur, et pour lui donner à lui-même sa bénédiction.
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vendredi, 21 juin 2024
21 juin. Saint Louis de Gonzague, prêtre de la Compagnie de Jésus. 1591.
Saint Louis de Gonzague.
Saint Louis de Gonzague et saint François de Paule. Venise. XVIIIe.
Saint Louis de Gonzague eut pour père Ferdinand de Gonzague, marquis de Castiglione degli Stivere. Il naquit en l'an 1568. Avant sa naissance, sa mère, en danger de mort, avait fait voeu de consacrer son enfant à Notre-Dame de Lorette, si elle obtenait une heureuse délivrance. Encore au berceau, s'il se présentait un pauvre, Louis pleurait jusqu'à ce qu'on lui eût fait l'aumône ; son visage respirait un tel air de vertu, que ceux qui le portaient dans leurs bras croyaient tenir un Ange.
A l'âge de cinq ans, il avait retenu et répété quelques paroles grossières qu'il avait entendues sortir de la bouche des soldats de son père, sans les comprendre; il en fut repris et en montra tant d'horreur, qu'il pleura cette faute, la plus grande de sa vie, et qu'il en fit pénitence jusqu'à la mort. Le père de Louis, qui songeait à la fortune de son fils, l'envoya successivement chez plusieurs princes, en qualité de page ; mais Dieu, qui avait d'autres vues, voulait ainsi montrer ce jeune Saint aux cours d'Europe, pour leur faire voir que la piété est de toutes les conditions, et l'innocence de tous les âges. Dans ces milieux mondains où il vivait comme n'y vivant pas, ses progrès dans la sainteté furent surprenants.
A huit ou neuf ans, il fit le voeu de virginité perpétuelle ; sa délicatesse était si angélique, que jamais il ne regarda une femme en face, pas même sa mère ; jamais il ne permit à son valet de chambre de l'aider à s'habiller, et sa pudeur était si grande, qu'il n'osa même pas lui laisser voir le bout de ses pieds nus. Vers l'âge de onze ans, il fit sa Première Communion des mains de saint Charles Borromée.
A seize ans, il se décida à entrer dans la Compagnie de Jésus. Peu de vocations ont été aussi éprouvées que la sienne : son père fut pour lui, pendant quelques temps, d'une dureté sans pareille ; mais il dut enfin céder devant la Volonté de Dieu, et Louis entra au noviciat des Jésuites, à Rome. Il y parut dès les premiers jours comme un modèle digne d'être proposé aux plus parfaits ; on vit en lui un prodige de mortification, un ange de pureté, une merveille d'amour de Dieu. La seule vue de Louis dissipait chez les autres les plus violentes tentations de la chair. Jamais il n'avait ressenti la concupiscence charnelle, et malgré cela il était cruel pour son propre corps à l'égal des Saints les plus austères.
Obligé par ses supérieurs, pour cause de santé, à ne pas se laisser absorber dans la pensée de Dieu, il devait s'écrier souvent, emporté par l'amour au-delà de l'obéissance :
" Éloignez-Vous de moi, Seigneur !"
Son premier miracle après sa mort fut la guérison de sa mère, à laquelle il apparut souriant et resplendissant de gloire. Ce fut le signal d'une dévotion qui fut récompensée par de nombreux prodiges.
Aussi, de quel prix n'était pas à vos yeux ce céleste trésor de l'oraison, toujours à notre portée comme il le fut à la vôtre ! Mais pour y trouver comme vous la voie abrégée de toute perfection, selon vos propres paroles, il y faut la persévérance et le soin d'éloigner de l'âme, par une répression généreuse de la nature, toute émotion qui ne serait pas de Dieu. Comment une eau bourbeuse ou agitée par les vents, reproduirait-elle l'image de celui qui se tient sur ses bords ? Ainsi l'âme souillée, et celle-là même qui, sans être l'esclave des passions, n'est point maîtresse encore de toute agitation provenant de la terre, n'arrivera point au but de l'oraison qui est de reproduire en elle l'image tranquille de son Dieu.
La reproduction du grand modèle fut parfaite en vous ; et l'on put constater combien la nature en ce qu'elle a de bon, loin de pâtir et de perdre, gagne au contraire à cette refonte au divin creuset. Même en ce qui touche les plus légitimes affections, vous n'aviez plus de regards du côté de la terre ; mais voyant tout en Dieu, combien les sens n'étaient-ils pas dépasses dans leur infirmité menteuse, et combien aussi par là même croissait votre amour ! Témoin vos suaves prévenances, ici-bas et du haut du ciel, pour l'admirable mère que vous avait donnée le Seigneur : où trouver plus de tendresse que dans les épanchements de la lettre si belle écrite par vous à cette digne mère d'un saint, dans les derniers jours de votre pèlerinage ? et quelle délicatesse exquise ne vous conduisait pas à lui réserver votre premier miracle, une fois dans la gloire ! Par ailleurs, l'Esprit-Saint, en vous embrasant de tous les feux de la divine charité, développait en vous pour le prochain un amour immense; caria charité est une; et on le vit bien, quand vous sacrifiâtes votre vie pour les malheureux pestiférés.
Ne cessez pas, illustre Saint, d'assister nos misères ; soyez propice à tous. Conduite par le successeur de Pierre au pied de votre trône, la jeunesse surtout se réclame de votre puissant patronage. Dirigez ses pas sollicités en tant de sens contraires ; que la prière et le travail pour Dieu soient sa sauvegarde ; éclairez-la, lorsque s'impose à elle le choix d'un état de vie. Puissiez-vous, durant ces critiques années de l'adolescence, user pour elle largement de votre beau privilège et protéger dans vos dévots clients l'angélique vertu ! Enfin, ô Louis, que ceux-là même qui ne vous auront pas imité innocent, vous suivent du moins dans la pénitence, ainsi que l'Eglise le demande au Seigneur en ce jour de votre fête."
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jeudi, 20 juin 2024
20 juin. Saint Silvère, pape et martyr. 538.
- Saint Silvère, pape et martyr. 537.
Papes : Saint Agapet (prédécesseur) ; Vigile (successeur). Empereur romain d'Orient : Justinien Ier.
" De même que les étoiles semblent disparaître pendant le jour pour ne briller que pendandt la nuit ; ainsi la véritable vertu, que l'on ne distingue pas toujours dans la prospérité, se montre à découvert dans l'adversité."
Saint Bernard.
Martyre de saint Sylvère. Bréviaire romain. XVe.
Saint Silvère fut pape de juin 536 au 11 novembre 537. En 536, Agapet Ier avait reçu du roi des Ostrogoths, qui occupaient alors une bonne partie de l'Italie, la mission de se rendre à Constantinople pour essayer de sonder Justinien. Le Basileus, qui tenait l'Afrique, semblait préparer un débarquement dans la péninsule.
Agapet mourut à Constantinople le 22 avril, après une victoire remportée sur le patriarche Anthime, un protégé de l'impérieuse et hérétique impératrice Théodora. Le pape avait su persuader à Justinien que la présence d'Anthime au principal siège ecclésiastique de l'Orient était un scandale dangereux pour l'Église, et Justinien avait chassé le prélat au début de mars.
A Rome, le roi Goth s'occupa de faire élire un successeur au pape défunt. Son candidat fut un fils du pape Hormisdas, mort en 523, nommé Silvère ; c'était un sous-diacre de la Curie. D'ordinaire, on élisait un diacre ou un prêtre. D'après le " Liber pontificalis ", le clergé romain fit opposition à Silvère. Puis finalement le favori des Goths passa.
A ce moment, Bélisaire, à la tête du corps expéditionnaire envoyé par Justinien, débarquait dans le sud de l'Italie. Les Goths reculèrent vers le Nord, laissant à Rome une petite garnison. Silvère négocia avec le général byzantin et, dans la nuit du 9 au 10 décembre, il lui fit ouvrir une porte de Rome. Les Goths filèrent par une autre porte. Mais ils revinrent en force à la fin de février 537 et bloquèrent Rome.
Silvère, candidat des Goths, était quelque peu suspect à Bélisaire. Le diacre Vigile, jadis volontaire pour occuper le siège de Rome, puis nonce à Constantinople, se chargea de noircir Silvère, son rival. Il était recommandé à la femme de Bélisaire, Antonine, une intrigante, par Théodora qui voulait que Rome soutînt le monophysisme.
Bélisaire pressentit Silvère : ne pourrait-il pas faire ce qu'on escomptait de Vigile ? Silvère refusa. On fit courir alors une fausse lettre du pape de Rome où le pontife promettait aux Goths l'entrée libre par la porte Asinaria, proche du Latran, la résidence apostolique. Silvère, pour écarter les suspicions, se retira sur l'Aventin, à Sainte-Sabine. Mais il fut convoqué au Pincio, où Bélisaire avait son quartier général. Le général et Antonine l'accusèrent de haute trahison ; deux clercs entrèrent, enlevèrent au pontife son pallium et lui firent endosser un habit de moine. On l'expédia en Asie, à Patare de Lycie. Les Romains apprirent que Silvère était devenu moine, ils ne devaient plus le revoir. Bélisaire fit proclamer Vigile pape.
Mais l'évêque de Patare, ayant su de Silvère comment les choses s'étaient passées, prit sa défense courageusement. Il alla jusqu'au Basileus. " Il y a ici-bas beaucoup de rois, mais pas un comme ce pape préposé à l'Eglise de Rome. Et ils l'ont expulsé !"
Ainsi protestait l'énergique prélat. Justinien se décida à renvoyer Silvère à Rome. Si après enquête sa lettre aux Goths était trouvée fausse, on lui rendrait son Église ; sinon, on le laisserait vivre, en lui conservant le titre d'évêque, mais hors de Rome. Malgré Théodora, Silvère fut rapatrié.
Cependant Vigile veillait. L'enquête par ses soins tourna contre Silvère. On interna son rival à Palmaria, petite île au large du golfe de Gaëte. Nourri au pain de tribulation et à l'eau d'angoisse ", comme dit le Liber ponlificalis dans une formule empruntée au troisième livre des Rois (XXII, 27.), Silvère trépassa probablement le 2 décembre 538, victime, estime la sainte Église, de sa fidélité à l'orthodoxie chalcédonienne.
C'est Adon qui a choisi la date du 20 juin pour inscrire Silvère dans son martyrologe.
PRIERE
" Les eaux de la tribulation ont traversé votre âme (Psalm. LXV, III, 2.), saint Pontife. Ce ne sont point les césars idolâtres qui furent vos persécuteurs. Ce ne fut pas même, comme pour Jean Ier votre prédécesseur presque immédiat sur le siège pontifical et dans l'arène du martyre, un prince hérétique qui déchargea sur vous sa haine de sectaire. Mais la rancune d'une femme indigne, servie par des trahisons parties du sanctuaire, s'acharna contre vous. Avant même que la mort eût fait en vous son œuvre, il se serait trouvé quelqu'un parmi vos fils pour convoiter le lourd fardeau de votre héritage.
Mais quel homme donc eût pu dénouer l'indissoluble lien qui vous attachait à l'Eglise ? L'usurpateur n'eût été qu'un intrus ; jusqu'à ce que les mérites tout-puissants de votre mort glorieuse eussent obtenu le changement du mercenaire en légitime pasteur, et fait de Vigile lui-même l'héritier de votre courage*. Ainsi l'invisible chef de l'Eglise aurait-il permis, pour la honte de l'enfer, que l'ambition portât ses scandales dans le Saint des Saints même. L'inébranlable foi des peuples, en ce siècle qui fut le vôtre, n'en devait point souffrir ; et la lumière résultant de ces faits lamentables apprendrait mieux aux âges suivants que le caractère personnel d'un pape, et ses fautes mêmes, n'affectent point les célestes prérogatives assurées par Dieu au vicaire de son Christ. Gardez en nous, Ô Silvère, le fruit de ces tristes enseignements. Bien pénétré des vrais principes, le peuple chrétien ne verra jamais s'affaiblir en lui le respect dû à Dieu dans ses représentants, quels qu'ils soient ; et le scandale, d'où qu'il vienne, sera impuissant à entamer sa foi."
* Notre rôle ici n'est point de devancer l’Église dans la défense de quelques-uns de ses Pontifes. Toutefois, l'apologétique a d'autres devoirs ; le nôtre est de rappeler que la mémoire du successeur de saint Silvère a trouvé de savants défenseurs. Vigile n'est point, il est vrai, l'objet d'un culte public, et dès lors l’Église n'a pas à répondre de sa sainteté ; il en est autrement pour Silvère ; mais toute apologie du premier qui ne va pas à diminuer la grandeur morale de ce dernier, garantie par l’Église, est licite et louable. [Dom Prosper Guéranger in L’Année liturgique].
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mercredi, 19 juin 2024
19 juin. Sainte Julienne de Falconieri, vierge. 1340.
- Sainte Julienne de Falconieri, vierge. 1340.
Pape : Benoît XII. Empereur germanique : Louis V de Bavière.
" Levez-vous et suivez moi afin que vous ne fouliez pas davantage la terre, mais que vous montiez au ciel."
Saint Antoine de Padoue. De passion. salvat.
Anonyme italien. XVe.
Trente-sept années avant la naissance de Julienne, il sembla que Florence allait devenir, sous l'influence d'un tel voisinage, un paradis nouveau : tant la sainteté y parut commune, tant les prodiges s'y vulgarisèrent. Sous les yeux de l'enfer en furie, la Mère de la divine grâce, aimée, chantée par ses dévots clients, multipliait ses dons. Au jour de son Assomption, sept personnages des plus en vue par la noblesse, la fortune et les charges publiques , avaient été soudain remplis d'une flamme céleste qui les portait à se consacrer sans partage au culte de Notre-Dame ; bientôt, sur le passage de ces hommes disant adieu au monde, les enfants à la mamelle s'écriaient tout d'une voix dans la ville entière : " Voici les serviteurs de la Vierge Marie !"
Parmi les innocents dont la langue se déliait ainsi pour annoncer les mystères divins, était un nouveau-né de l'illustre famille des Benizi; on le nommait Philippe, et il avait vu le jour en cette fête même de l'Assomption où Marie venait de fonder, pour sa louange et celle de son Fils, le très pieux Ordre des Servîtes.
Nous aurons à revenir sur cet enfant, qui fut le propagateur principal du nouvel Ordre ; car l’Église célèbre sa naissance dans le ciel au lendemain de l'Octave de la grande fête qui le vit naître ici-bas. Il devait être devant Dieu le père de Julienne. En attendant, les sept conviés de Marie au festin de la pénitence, tous fidèles jusqu'à la mort, tous inscrits eux-mêmes au catalogue des Saints, s'étaient retirés à trois lieues de Florence au désert du mont Senario. Là, Notre-Dame mit sept années à les former au grand dessein dont ils étaient, à leur insu, les instruments prédestinés. Durant un si long temps, selon le procédé divin tant de fois relevé par nous en ces jours, l’Esprit-Saint commença par éloigner d'eux toute autre pensée que celle de leur propre sanctification, les employant à la mortification des sens et de l'esprit dans l'exclusive contemplation des souffrances du Seigneur et de sa divine Mère. Deux d'entre eux descendaient chaque jour à la ville, pour y mendier leur pain et celui de leurs compagnons. L'un de ces mendiants illustres était Alexis Falconiéri, le plus avide d'humiliations parmi les sept. Son frère, qui continuait d'occuper un des principaux rangs parmi les citoyens, était digne du bienheureux et s'honorait de ces héroïques abaissements. Aussi le vit-on, avec le concours de la religieuse cité sans distinction de classes, doter d'une magnifique église la pauvre retraite que les solitaires du mont Senario avaient fini par accepter, comme pied-à-terre, aux portes de Florence.
Sainte Julienne de Falconieri - Pier Leone Ghezzi. XVIIIe siècle.
Pour honorer le mystère où leur auguste Souveraine s'était elle-même déclarée la servante du Seigneur, les Servites de Marie voulurent qu'on y représentât sur la muraille la scène où Gabriel salua pleine de grâce dans son humilité l'impératrice de la terre et des cieux. L’Annonciade fut le nom du nouveau monastère, qui devint le plus considérable de l'Ordre. Entre les merveilles que la richesse et l'art des siècles suivants ont réunies dans son enceinte, le principal trésor reste toujours cette fresque primitive dont le peintre, moins habile que dévot à Marie, mérita d'être aidé par les anges. D'insignes faveurs, descendant sans interruption de l'image bénie, amènent jusqu'en nos temps la foule à ses pieds; si la ville des Médicis et des grands-ducs, englobée dans le brigandage universel de la maison de Savoie, a gardé mieux que plusieurs autres l'ardente piété des beaux temps de son histoire, elle le doit à son antique madone, et à ses saints qui semblent composer à Notre-Dame un cortège d'honneur.
Ces détails étaient nécessaires pour faire mieux comprendre le récit abrégé où l’Église renferme la vie de notre Sainte. Née d'une mère stérile et d'un père avancé en âge, Julienne fut la récompense du zèle que ce père, Carissimo Falconiéri, avait déployé pour l'Annonciade. C'est près de la sainte image qu'elle devait vivre et mourir ; c'est près d'elle encore que reposent aujourd'hui ses reliques sacrées. Élevée par saint Alexis, son oncle, dans l'amour de Marie et de l'humilité, elle se dévoua dès son plus jeune âge à l'Ordre qu'avait fondé Notre-Dame, n'ambitionnant qu'un titre d'oblate, qui lui permît de servir au dernier rang les serviteurs et servantes de la Mère de Dieu ; c'est ainsi que , plus tard , elle fut reconnue comme institutrice du tiers-ordre des Servites, et se vit à la tête de la première communauté des Mantelées ou tertiaires de son sexe. Mais son influence auprès de Dieu s'étendit bien plus, et l'Ordre entier la salue comme sa mère ; car ce fut elle qui véritablement acheva l'œuvre de sa fondation, et lui donna stabilité pour les siècles à venir.
L'Ordre, en effet, que quarante années de miraculeuse existence et le gouvernement de saint Philippe Benizi avaient merveilleusement étendu, traversait alors une crise suprême, d'autant plus redoutable que de Rome même partait la tempête. Il s'agissait d'appliquer partout les canons des conciles de Latran et de Lyon, qui prohibaient l'introduction d'Ordres nouveaux dans l’Église; l'établissement des Servites étant postérieur au premier de ces conciles, Innocent V résolut leur suppression. Déjà défense avait été faite aux supérieurs de recevoir aucun novice à la profession ou à la vêture ; et, en attendant la sentence définitive, les biens de l'Ordre étaient considérés d'avance comme dévolus au Saint-Siège. Philippe Benizi allait mourir, et Julienne n'avait pas quinze ans. Toutefois, éclairé d'en haut, le saint n'hésita pas : il confia l'Ordre à Julienne, et s'endormit dans la paix du Seigneur. L'événement justifia sa confiance : à la suite de péripéties qu'il serait long de rapporter, Benoît XI, en 1304, donnait aux Servites la sanction définitive de L’Église. Tant il est vrai que dans les conseils de la Providence ne comptent ni le rang, ni le sexe, ni l'âge! La simplicité d'une âme qui a blessé le cœur de l’Époux, est plus forte en son humble soumission que l'autorité la plus haute, et sa prière ignorée prévaut sur les puissances même établies de Dieu.
Imagerie populaire du XIXe.
Julienne, de la noble famille des Falconiéri, eut pour père l'illustre fondateur de l'église dédiée à la Mère de Dieu saluée par l'Ange, monument splendide qui se voit encore à Florence. Il était déjà avancé en âge, ainsi que Reguardata son épouse jusque-là stérile, lorsqu'en l'an mil deux cent soixante-dix naquit notre sainte. Elle fournit dès le berceau un présage non minime de sa sainteté future, en prononçant d'elle-même de ses lèvres vagissantes les très doux noms de Jésus et de Marie.
Elle fut initiée dès son berceau à la piété et à la vertu, si bien que saint Alexis Falconiéri, de
l'Ordre des Servites, disait à la mère ravie :
" Ce n'est pas une fille, c'est un Ange que Dieu vous a donné ; Il la destine à de grandes choses."
Les journées de la sainte enfant se passaient presque entières en pieux exercices. Sa mère, y trouvant de l'excès, la grondait :
" Julienne, disait-elle, si tu n'apprends pas ce que doit savoir une maîtresse de maison, je ne pourrais pas te trouver un mari.
- Ne craignez rien, ma mère, répondait finalement Julienne ; quand le temps sera venu, la Sainte Vierge y pourvoira."
Le temps venu, Julienne refusa de se marier, et offrit à Dieu sa virginité.
Enfant, elle s'adonna tout entière aux vertus chrétiennes et y excella de telle sorte que saint Alexis, son oncle paternel, dont elle suivait les instructions et les exemples, n'hésitait pas à dire à sa mère qu'elle avait enfanté non une femme, mais un ange. Son visage, en effet, était si modeste, son cœur si pur de la plus légère tache et de la moindre inclination mauvaise, que jamais, dans tout le cours de sa vie, elle ne leva les yeux pour considérer le visage d'un homme; le seul mot de péché la faisait trembler, et il arriva qu'un jour, au récit d'un crime, elle tomba soudain comme inanimée. Elle n'avait pas encore achevé sa quinzième année, que, laissant de côté les biens considérables qui lui venaient par sa famille et dédaignant les noces d'ici-bas, elle voua solennellement à Dieu sa virginité entre les mains de saint Philippe Benizi, et, la première, reçut de lui l'habit dit des Mantelées.
L'exemple de Julienne fut suivi par beaucoup de nobles femmes, et on vit la mère elle-même se ranger sous la direction de sa fille, de sorte que, leur nombre augmentant peu à peu, elle institua ces Mantelées en Ordre religieux, leur donnant des règles de pieuse vie qui révèlent sa sainteté et sa haute prudence. Saint Philippe Benizi connaissait si bien ses vertus que, près de mourir, il ne crut pouvoir recommander à personne mieux qu'à Julienne, non seulement les femmes, mais l'Ordre entier des Servîtes dont il avait été le propagateur et le chef. Cependant elle n'avait d'elle-même sans cesse que de bas sentiments ; maîtresse des autres, elle servait ses sœurs dans toutes les plus viles occupations domestiques. Elle passait des jours entiers à prier, très souvent ravie en extase; et pour le temps de reste, elle l'employait à apaiser les discordes des citoyens, à retirer les pécheurs de leurs voies mauvaises et à soigner les malades; plus d'une fois, appliquant sa bouche à la pourriture qui découlait de leurs ulcères, elle les rendit à la santé. Elle avait l'habitude de broyer son corps par les fouets, les cordes à nœuds, les ceintures de fer, prolongeant ses veilles ou couchant sur la terre nue. Deux jours dans la semaine, le Pain des anges était sa seule nourriture. Le samedi, elle ne prenait que du pain et de l'eau, et les quatre autres jours elle se contentait d'aliments grossiers en petite quantité.
Cette dureté de vie la fit tomber dans un mal d'estomac, qui, s'aggravant, la réduisit à l'extrémité lorsqu'elle était dans sa soixante-dixième année. Elle supporta d'un visage gai et d'une âme ferme les souffrances de cette longue maladie ; sa seule plainte était que, ne pouvant prendre et retenir aucune nourriture, le respect dû au divin Sacrement la tenait éloignée de la table eucharistique.
Le plus beau triomphe de Julienne, ce fut sa mort. Comme nous l'avons vu, gémissant de ne pouvoir communier, elle supplia qu'au moins on lui montre la Sainte Hostie, et, quand on lui procura ce bonheur, elle pria qu'on lui place le corporal avec l'Hostie sur sa poitrine ; mais à peine son vœu était-il exaucé, que l'Hostie disparaissait et que Julienne, transportée d'amour, rendait le dernier soupir en disant : " Mon doux Jésus !"
Le visage serein et souriant. On comprit le miracle, lorsque le corps de la vierge dut être disposé selon l'usage pour la sépulture : on trouva en effet, au côté gauche de la poitrine, imprimée sur la chair comme par un sceau la forme d'une hostie représentant l'image de Jésus crucifié.
La renommée de ce prodige et de ses autres miracles lui attira la vénération , non seulement de Florence , mais de tout l’univers chrétien ; pendant près de quatre siècles entiers elle s accrut de telle sorte, qu'enfin Benoit XIII ordonna qu'on en fit l'Office propre au jour de sa fête dans tout l'Ordre des Servites de la Bienheureuse Vierge Marie. Sa gloire éclatant de jour en jour par des miracles nouveaux, Clément XII, le magnifique protecteur du même Ordre, inscrivit Julienne au catalogue des saintes Vierges.
PRIERE
" Servir Marie était, Ô Julienne, la seule noblesse qui arrêtât vos pensées ; partager ses douleurs, la récompense unique qu'ambitionnât en ses abaissements votre âme généreuse. Vos vœux furent satisfaits. Mais, du haut de ce trône où elle règne maintenant sur les hommes et les anges, celle qui se confessa la servante du Seigneur et vit Dieu regarder sa bassesse (Luc. I, 48, 52.), voulut aussi vous exalter comme elle-même au-dessus des puissants. Trompant l'obscurité silencieuse où vous aviez résolu de faire oublier l'éclat humain de votre naissance, votre gloire sainte éclipsa bientôt l'honneur, pourtant si pur, qui s'attachait dans Florence au nom de vos pères ; c'est à vous, humble tertiaire, servante des serviteurs de Notre-Dame, que le nom des Falconiéri doit d'être aujourd'hui connu dans le monde entier.
Bien mieux : au pays des vraies grandeurs, dans la cité céleste où l'Agneau, par ses rayons inégalement distribués sur le front des élus, constitue les rangs de la noblesse éternelle, vous brillez d'une auréole qui n'est rien moins qu'une participation de la gloire de Marie. Comme elle fit en effet pour l’Église après l'Ascension du Seigneur, vous-même, en ce qui touche l'Ordre glorieux des Servîtes, laissant à d'autres l'action qui paraît au dehors et l'autorité qui régit les âmes, n'en fûtes pas moins dans votre humilité la maîtresse et la mère de la famille nouvelle que Dieu s'était choisie. Plus d'une fois dans le cours des âges la divine Mère voulut ainsi glorifier ses imitatrices, en faisant d'elles jusque-là, contre leur attente, ses copies très fidèles. Dans la famille confiée à Pierre par son divin Fils, Notre-Dame était la plus soumise au gouvernement du vicaire de l'Homme-Dieu et des autres Apôtres ; tous cependant savaient qu'elle était leur reine, et la source des grâces d'affermissement et d'accroissement répandues sur l’Église. De même, Ô Julienne, la faiblesse du sexe et de l'âge n'empêcha point un Ordre puissant de vous proclamer sa lumière et sa gloire, parce que le Très-Haut, libre en ses dons, voulut accorder à votre jeunesse les résultats refusés à la maturité, au génie, à la sainteté de Philippe Benizi votre père.
Continuez votre aide à la famille pieuse des Servîtes de Marie. Étendez votre assistance bénie à tout l'Ordre religieux si éprouvé de nos jours. Que Florence garde par vos soins, comme son souvenir le plus précieux, celui des faveurs de Notre-Dame et des saints qu'a produits en elle la foi des vieux âges. Que toujours l’Église ait à chanter, pour des bienfaits nouveaux, la puissance que l’Époux divin daigna vous octroyer sur son Cœur. En retour de la faveur insigne par laquelle il voulut couronner votre vie et consommer en vous son amour, soyez propice à nos derniers combats ; obtenez-nous de ne point mourir sans être munis du viatique sacré. L'Hostie sainte, proposée par une autre Julienne à nos adorations plus spéciales en ces jours, illumine de ses feux toute cette partie du Cycle. Qu'elle soit l'amour de notre vie entière ; qu'elle nous fortifie dans la lutte suprême. Puisse notre mort être aussi le passage heureux du banquet divin d'ici-bas aux délices de l'union éternelle."
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mardi, 18 juin 2024
18 juin. Saint Ephrem, diacre d'Edesse et Docteur de l'Eglise. 378.
Tob. XI, 17.
Ce grand Docteur qui illustra l'Église de Syrie, naquit à Nisibe, en Mésopotamie, vers l'an 306. Ephrem fut consacré à Dieu dès son enfance. Quoique pauvre et vivant uniquement des produits de la terre, sa famille possédait l'insigne privilège de compter plusieurs martyrs dans ses rangs et ses parents avaient eu l'insigne honneur de confesser Notre Seigneur Jésus-Christ publiquement - et en en réchappant - pendant la persécution de Dioclétien.
Bien qu'encore jeune, Éphrem alla trouver saint Jacques de Nisibe qui l'éleva comme un fils. Prévenu des lumières de l'Esprit-Saint, il s'ensevelit dans la solitude vers sa dix-huitième année, et établit sa demeure dans une grotte au pied d'un rocher.
Ce précoce anachorète passait ses jours et ses nuits à méditer les Saintes Écritures tout en se livrant aux plus rudes exercices de la pénitence. Il couchait sur la dure et passait des journées entières sans manger. En guise de travail, il tissait des voiles de navire au profit des pauvres. Porté à la colère, par tempérament, il dompta si bien les penchants viciés de sa nature, qu'on le surnomma : la douceur de Dieu.
Ordonné diacre par l'évêque de Nisibe, saint Éphrem fut chargé d'annoncer la parole de Dieu. Prédicateur inspiré, il parlait avec une éloquence qui subjuguait ses auditeurs. Ses discours portaient la lumière et la conviction dans les âmes des fidèles qui accouraient l'entendre prêcher.
Ménées des Grecs. Chypre. XIIIe.
La pensée à laquelle saint Éphrem revient sans cesse dans ses exhortations comme dans ses conversations et ses prières publiques, est celle du jugement dernier. Dans l'une de ses prédications, il engagea un dialogue avec son auditoire sur le grand Jour du Jugement. Il en fit une représentation si terrifiante par l'inquiétude des demandes et l'effrayante précision des réponses, que cette harangue est demeurée célèbre dans toute la chrétienté d'Orient.
Apôtre de la pénitence, saint Éphrem en représentait lui-même un parfait modèle pour tous. Par son exemple et ses paroles, il convertit un grand nombre d'idolâtres et d'hérétiques. Il combattit victorieusement ces derniers par des écrits d'une science magistrale.
Obligé de quitter la ville de Nisibe tombée aux mains des Perses, le saint diacre se retira à Édesse où il passa les dix dernières années de sa vie. Il résolut de s'adonner plus que jamais à la prière.
Saint Ephrem et saint Basile le Grand.
Comme son détachement du monde le portait vers la solitude, il ne voulut quitter sa retraite que pour prêcher la parole de Dieu et exercer la charité envers les pauvres et les malades. Il rédigea de volumineux commentaires sur l'Écriture Sainte, des homélies, des instructions pour les monastères, des hymnes et des poèmes. Ces nombreuses compositions dans lesquelles il chante les mystères de la religion, les gloires du Christ et de Sa Sainte Mère qu'il affectionnait particulièrement, lui ont mérité le surnom de: harpe du Saint-Esprit.
Arrivé dans une extrême vieillesse, il interrompit ses travaux pour visiter saint Basile, archevêque de Césarée. Le grand évêque conçut une profonde vénération pour saint Éphrem et voulut l'ordonner prêtre ; mais le saint diacre avait le sacerdoce en une si haute estime, qu'il ne voulut jamais consentir à être revêtu de cette dignité suréminente.
De retour à Édesse, saint Éphrem s'enferma dans une cellule afin de se préparer au passage du temps à l'éternité. Sur ces entrefaites, la famine et la peste éclatèrent dans la ville. Aussitôt, l'homme de Dieu accourut pour combattre le double fléau. Il secourait nuit et jour les pauvres pestiférés et leur administrait les sacrements. La peste fut finalement vaincue après trois mois d'héroïques efforts.
En retournant dans sa cellule, saint Éphrem y emportait le germe d'une maladie mortelle. La fièvre l'accula bientôt à l'agonie et à une mort imminente. Toute la ville d'Édesse accourut pour saluer une dernière fois cet inestimable bienfaiteur de leurs âmes. Rendu au terme de son pèlerinage terrestre, saint Éphrem s'endormit du sommeil des bienheureux, le 18 juin 378, soit quelques semaines après le décès de saint Basile le Grand.
Interprète des Livres Saints, théologien, orateur et poète sacré, saint Éphrem est assurément le plus illustre écrivain de tout l'Orient chrétien. Saint Éphrem est le patron de l’Église Syriaque catholique.
Le titre le plus populaire pour saint Éphrem est " Harpe de l'Esprit ".
Le pape Benoît XV l'a proclamé Docteur de l'Église universelle et a déplacé sa fête en ce jour.
PRIERE POUR LES JOURS DE JEÛNE
" Seigneur et maître de ma vie,
Ne m'abandonnez pas à l'esprit d'oisiveté, d'abattement,
De domination et de vaines paroles.
Mais accordez-moi l'esprit d'intégrité, d'humilité,
De patience et d'amour,
A moi votre serviteur.
Oui, Seigneur Roi,
Donnez-moi de voir mes fautes
Et de ne pas juger mon frère,
car Vous êtes béni dans les siècles des siècles.
Ainsi soit-il.
Ô Dieu, purifie-moi, pêcheur." (12 fois).
PRIERE A MARIE
" Vierge Souveraine, Génitrice de Dieu, salut de la famille unie des chrétiens, vous ne cessez de jeter sur nous le regard d'une tendre mère. Vous nous aimez comme si nous étions vos enfants, toujours disposée à nous chérir, vous répandez sur nous d'ineffables bienfaits : vous nous protègez et vous nous sauvez ; veillant sur nous avec sollicitude, vous nous délivrez du danger des tentations, et de la multitude des pécheurs qui nous environnent ; pleins de reconnaissance, nous vous remercions, nous célébrons votre munificence, nous publions vos bienfaits, nous chantons à haute voix vos merveilles, nous louons votre sollicitude, votre prévoyance, nous élevons dans nos hymnes votre puissance tutélaire, nous immortalisons votre inépuisable miséricorde.
Les bienfaits que vous avez répandus sur nous par le passé sont gravés dans notre mémoire, et nous nous souvenons à quels dangers imminents vous nous avez arrachés ; nous vous adressons ce cantique de grâces, comme une dette que nous acquittons, cantique toujours au-dessous de voss bienfaits. Eh ! Quelle voix pourrait les célébrer dignement ? Cependant, nous prenons courage, nous implorons humblement votre miséricorde, pour que vous entendiez les cris de détresse de vos serviteurs.
Déposez notre demande aux Pieds de ce Dieu que vous avez engendré, pour qu'Il nous sauve de la damnation éternelle, et que nous puissions louer le Nom trois fois saint du Père, du Fils et du saint Esprit ; et aujourd'hui et dans l'éternité des siècles.
Vous voyez, Ô très sainte Souveraine Enfantrice de Dieu, vous voyez tous les pièges dont nous enveloppe l'esprit malin, l'esprit impur. Voyez toutes les passions criminelles qu'il éveille en nous, et dont il nous enlace comme d'un réseau. Apparaissez et ne repoussez point notre prière. Pourquoi détourner votre visage et oublier notre faiblesse ? Écartez les embûches du démon qui nous tente, soyez notre asile dans cette guerre, apaisez par votre intercession bienfaisante la Colère divine que nos égarements ont excitée ; ajoutez ce nouveau bienfait à tant d'autres, et nous célébrerons dans nos cantiques votre nom, celui de votre Fils et notre Dieu qui, de même que son Père, est sans commencement."
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lundi, 17 juin 2024
17 juin. Saint Hervé, confesseur, ermite et abbé. 568.
Saint Bernard. Serm. IV de Adventu.
Saint Hervé et son loup. Eglise Saint-Hervé de Lanhouarneau.
Le culte de saint Hervé est si public et si ancien en Bretagne, qu'on ne peut douter raisonnablement s'il y a eu un saint de ce nom ; mais l'on en pourrait douter si l'on ne consultait que ses actes, qui sont remplis de tant de fables, qu'ils ont plus l'air d'un roman fait à plaisir que de l'histoire d'une personne qui ait vraiment existé.
Ces actes se trouvent dans le Légendaire manuscrit de l'église de Treguer, qui peut avoir trois à quatre cents ans d'antiquité, dans un autre manuscrit de l'abbaye Saint-Vincent du Mans du XVe siècle, et dans un autre de l'abbaye Saint-Gildas-des-Bois ; mais ces deux derniers, non plus que l'ancien bréviaire de Léon, ne rapportent pas la vie de saint Hervé toute entière, comme elle l'est dans le Légendaire de Treguer.
D'un autre côté, le Légendaire de Treguer retranche beaucoup de choses des préliminaires de la vie du Saint, qui se trouvent dans les autres manuscrits. On est à plaindre, quand on cherche à s'instruire, de ne trouver dans ce sortes de Légendaires fabuleux, que des ténèbres, au lieu de lumières ; cependant, pour ne pas laisser tout à fait inconnu un saint aussi fameux que Hervé, nous tâcherons de tirer ce qu'il peut y avoir de bon dans ces Légendaires, c'est-à-dire de trouver des raisins dans les ronces et des figues dans les plantes épineuses.
Saint Hervé guidé par le petit Guiharan. Chapelle Saint-Hervé.
Harvian, qu'on donne pour père à saint Hervé, était de l'île de Bretagne, et avait passé à la cour du roi Childebert, où la double profession de poète et de musicien lui avait donné quelque distinction. Mais, si les vers et les chants l'avait rendu agréable au roi, il en mérita encore plus l'estime par la sainteté d'une vie chaste, chrétienne, exemplaire.
Après avoir passé quelques temps à la cour, il obtint son congé du roi qui lui donna des lettres pour Conomor, son lieutenant dans l'Armorique, par lesquelles il lui commandait de procurer à Harvian la commodité d'un vaisseau pour repasser dans l'île de Bretagne. Mais il arriva des choses qui déterminèrent Harvian à demeurer en Armorique.
Il y épousa une fille à peu près de même profession que lui, appelée Rivanone, dont il eut un fils qui naquit aveugle et qui fut appelé Hoüarvé, Harvian, Hoüarn ou encore Hervé, car on écrit son nom de toutes ces manières différentes. La mère de Hervé était des environs de Lan-nuzan, elle le mit au monde à Lan-Rigur (Rigur était le nom de son frère) et l'éleva dans le canton de Keran ; tous nom qui ne nous instruisent pas beaucoup, mais qui pourront être reconnu par les gens du pays de Léon.
Statue de saint Hervé. Chapelle Saint-Hervé.
Le petit aveugle avait, dit-on, l'esprit fort ouvert et la mémoire très fidèle ; mais la preuve qu'on en donne passe toute croyance, et c'est, qu'instruit par sa mère, il savait dès l'âge de sept ans, tout le psautier, avec les hymnes ecclésiastiques. Sa mère se retira dans une solitude avec quelques filles, et y passa saintement le reste de ses jours. Saint Hervé voulant recevoir sa bénédiction avant qu'elle mourût, alla dans le pays d'Ack trouver un saint homme nommé Urfoed, qui était son parent, pour le prier de s'informer du lieu de retraite de sa mère, afin qu'il pût s'y faire conduire. Urfoed prit volontiers cette peine et découvrit enfin la solitude où Rivanone passait sa vie dans une austère pénitence. Elle fit prier son fils de ne point s'éloigner de la demeure d'Urfoed, jusqu'à ce qu'elle le fît avertir du temps de sa mort. Hervé, se rendant à ses ordres, demeura quelques temps dans ce lieu qui lui fut cédé par Urfoed. Le saint homme s'en alla d'un autre côté, bâtit un oratoire dans une forêt que les Actes apellent Duna, où il finit ses jours dans les exercices de la vie érémitique.
Hervé, trop respecté à son gré, à cause de ce qu'il faisait lui-même, résolut de changer de demeure. Il se fit conduire d'abord au lieu où saint Urfoed s'était retiré. [Saint Hervé s'était attaché un loup qui le guidait dès qu'il avait un trajet à faire]. Il trouva non seulement qu'il était mort, mais que son oratoire même, bâti peu solidement, avait été ruiné par les bêtes de la forêt. Il le rebâtit, avec le secours des gens du canton, qui y dressèrent un autel, et munirent le tombeau de saint Urfoed de grandes pierres, pour en conserver plus sûrement et les reliques et la mémoire.
Chapelle Saint-Hervé. Gourin. Evêché de Vannes. Bretagne.
Hervé alla ensuite trouver l'évêque de Léon qui l'ordonna exorciste. Le saint aveugle se borna à ce degré, et, voulant désormais se fixer quelque part pour toujours, il marcha du côté de l'Orient, et s'arrêta dans un champ du côté de Landivisiau, qui lui fut donné par le propriétaire appelé Innoc, et de quelques seigneurs, tant de Léon que de Cornouailles, l'un desquels était nommé Rivallon, ou Tyrmallon, qui parait avoir été du pays d'Ack, et l'autre avait nom Guegon ou Wicon, qui était de Cornouailles, et qui donna au Saint une terre considérable, appelée Lan-Quedré. Ses Actes parlent aussi d'un comte Helen qu'il alla trouver, et chez qui il fit un miracle. On ne peut pas deviner ce que c'est que ce comte Helen ou Alain.
On dit aussi qu'il se trouva à l'assemblée de quelques évêques qui se rendirent sur le Mené-bré, l'une des plus hautes montagnes de la province, pour y excommunier Conomor, lieutenant de Childebert ; ce fameux Conomor meurtrier du prince Jona, et noirci de beaucoup d'autres crimes détestables. Saint Hervé fut aussi en commerce avec saint Maïan [saint Méen ?], qui gouvernait qui gouvernait quelques moines dans un monastère dont la situation ne nous est point marquée, non plus que la demeure du saint abbé Grednon, Gredeon, ou Goüeznou, dont il est parlé dans la même occasion qui a donné lieu de faire mention de saint Maïan. Il parait cependant que saint Grednon ou Goüeznou n'était pas loin de la côte et de l'écueil appelé Rots-huzan.
Eglise Saint-Hervé. On y conserve une petite partie des reliques
Six jours avant sa mort, saint Hervé fut averti par un ange, que Dieu l'appellerait à lui dans ce terme. Il attendit avec joie le moment qui devait déterminer son exil. Sainte Christine, nièce de sa mère, et qui l'avait accompagné dans sa retraite jusqu'à la fin, pria saint Hervé de ne la point laisser sur la terre quand il passerait à une meilleure vie. Il lui promit qu'il demanderait pour elle à Dieu ce qu'elle souhaitait ; et en effet, quand il eut rendu tranquillement l'esprit, après avoir reçu de son évêque l'absolution et le Saint Viatique, la sainte fille expira dans le moment au pied du lit du saint abbé ; ce qui nous fait voir que la clôture n'était point une règle de son monastère, ou que la parenté si proche de ces deux saintes personnes donnait à Christine des privilèges que les autres n'auraient pas eus.
Outre l'évêque de Léon, il assita aux obsèques de saint Hervé plusieurs prêtres et trois abbés, saint Conogan, saint Maïan et saint Mornrod. Ils l'enterrèrent entre l'autel et la balustrade orientale et munirent son cercueil de lames de fer et de plomb.
Il mourut le 22 du mois de juin selon ses Actes. Cependant, l'ancien Bréviaire de Léon met sa fête au 17 juin et l'église de Nantes la célèbre au 18 juillet.
Eglise Saint-Hervé de Lanhouarneau ; c'est en ce lieu
L'église où saint Hervé fut enterré a depuis porté son nom et s'appelle encore aujourd'hui Lan-Hoüarné, qui est une église paroissiale de l'évêché de Léon, entre Landivisiau et Lesneven. Le corps du Saint y demeura, dit saint Albert la Grand, jusqu'à l'an 878. Pour éviter la rage des Normands, il fut transféré à la Chapelle du château de Brest, où il fut jusqu'en 1002. Le duc Geoffroy Ier, l'ayant fait mettre dans une châsse d'argent, en fit présent à l'évêché de Nantes. Saint Albert le Grand le nomme Hérvé et le fait confesseur et aumonier du duc.
L'évêque mit la châsse au Trésor de son église et elle s'y est conservée jusqu'à ce que les bêtes féroces révolutionnaires les détruisent. Les serments ordonnés par la justice, ajoute [saint Albert le Grand], se faisaient autrefois sur cette châsse, comme il parait sur un Rituel de Nantes dressé vers l'an 1225, et les parjures étaient sévèrement punis.
L'église de Faouët, dans l'ancien diocèse de Tréguier, a saint Hervé pour patron et possède une petite portion de ses reliques. Il y en a aussi dans l'ancienne cathédrale de Léon.
Fils de barde et de poète - Harvian son père et Rivanone sa mère exerçaient ces professions -, saint Hervé est entre autre le patron des poètes et des musiciens bretons.
Bras-reliquaire de saint Hervé.
* Notice de dom Guy-Alexis Lobineau, " Les vies des saints de Bretagne ", à Rennes, par la compagnie des Imprimeurs-Libraires, 1725, pp 111 & 112.
Rq : " Les vies des saints de Bretagne et des personnes d'une éminente piété qui ont vécu dans la même province " de dom Guy-Alexis Lobineau est disponible en consultation et téléchargement sur le site de la Bibliothèque nationale de France : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k114592x
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