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mercredi, 11 septembre 2024

11 septembre. Saint Prote, saint Hyacinthe et sainte Eugénie *, frères, eunuques, martyrs. 262.

- Saint Prote, saint Hyacinthe et sainte Eugénie *, frères, eunuques, martyrs. 262.

Pape : Saint Denys. Empereur romain : Gallien.

" Le Ciel serait sans douceur si la vie était sans souffrance."
Saint Augustin.


Saint Prote et saint Hyacinthe et sainte Eugénie.
Bréviaire romain. XVe.

Extraits de La légende dorée du bienheureux Jacques de Voragine :

Prote et Hyacinthe furent, eu raison de leur illustre noblesse chez les Romains, attachés à la maison de la fille de Philippe, nommée Eugénie (qui est fêtée au 25 décembre, jour de son martyre), et ses émules dans l’étude de la philosophie. Le sénat avait, confié à ce Philippe la préfecture d'Alexandrie où il conduisit avec lui Claudia, sa femme, Avitus et Sergius, ses fils, et Eugénie, sa fille.

Or, Eugénie avait atteint la perfection dans la science des lettres et des arts libéraux ; Prote et Hyacinthe, qui avaient étudié avec elle, possédaient aussi toutes les sciences dans le plus haut degré. Parvenue à l’âge de quinze ans Eugénie fut demandée en mariage par Aquilin, fils du consul Aquilin. Eugénie lui dit :
" Quand on doit faire choix d'un mari, il faut moins s'attacher à la naissance qu'à la bonne conduite."
Les livres qui renferment la doctrine de saint Paul lui étant tombés entre les mains, elle commença à devenir chrétienne au fond du coeur.


Saint Prote et saint Hyacinthe.
Bréviaire à l'usage du diocèse de Paris. XVe.

Il était à cette époque permis aux chrétiens d'habiter dans les environs d'Alexandrie, et il arriva que Eugénie, allant à une maison de campagne comme pour se délasser, entendit les chrétiens qui chantaient :
" Omnes du gentium daemonia, Dominas autem caelos fecit " (Ps. XCV). (" Tous les dieux des nations sont des démons ; mais le Seigneur est le créateur des cieux ").

Alors elle dit aux jeunes Prote et Hyacinthe qui avaient étudié avec elle :
" Nous nous sommes livrés à une étude scrupuleuse des syllogismes des philosophes, mais les arguments d'Aristote, les idées de Platon, les avis de Socrate, en un mot, les chants des poètes, les maximes des orateurs et des philosophes sont effacés par cette sentence ; je ne dois qu'à une puissance usurpée le titre de votre maîtresse, mais la science m’a faite votre sœur, soyons donc frères et suivons Jésus-Christ."

Cette résolution leur plaît ; elle prend alors des habits d'homme, et vient au monastère dont le chef Hélénus ne permettait l’entrée à aucune femme. Cet Igélénus, dans une discussion avec un hérétique, n'ayant pu détruire la force des arguments qu'on lui opposait, fit allumer un grand feu afin que celui qui ne serait pas brûlé fût reconnu comme ayant la croyance véritable. Ce qui fut fait ; Hélénus entra le premier dans le feu d'où il sortit sain et entier ; mais l’hérétique ne voulant pas y entrer fut chassé par tous.

Or, Eugénie s'étant présentée à Hélénus et ayant dit qu'elle était un homme : " Tu as raison, lui répondit Hélénus, de te dire homme, car bien que tu sois une femme, tu te comportes comme un homme ".


Sainte Eugénie. Frontal de l'église Sainte-Eugénie.
Le maître de Soriguela. IXe. Cerdagne, Catalogne.

Dieu en effet lui avait révélé son sexe. Elle reçut donc de ses mains, avec Prote et Hyacinthe, l’habit monastique et se fit appeler frère Eugène. Quand le père et la mère d'Eugénie virent son char revenir vide à la maison, ils en furent contristés et firent partout chercher leur fille, sans pouvoir la trouver. Ils interrogent des devins pour savoir ce qu'elle était devenue ; ceux-ci leur répondent qu'elle est transportée par les dieux parmi les astres. En conséquence son père fit élever une statue à sa fille qu'il commanda à tous d'adorer. Quant à Eugénie, elle persévéra avec ses compagnons dans la crainte de Dieu, et fut choisie pour gouverner la communauté après la mort du supérieur.

Il se trouvait alors à Alexandrie une matrone riche et noble du nom de Mélancie (Mélas, veut dire noir) que sainte Eugénie avait délivrée de la fièvre quarte en lui faisant des onctions avec de l’huile au nom de Jésus-Christ Pour cette raison, Mélancie envoya beaucoup de présents à Eugénie qui ne les accepta point. Or, cette matrone, dans la conviction que frère Eugène était un homme, lui faisait de trop fréquentes visites. En voyant sa bonne grâce, sa jeunesse et la beauté de son extérieur, elle brûla d'amour pour lui et se tourmenta l’esprit pour trouver le moyen d'avoir commerce ensemble. Alors feignant une maladie, elle envoya le prier de venir chez elle pour la voir. Quand il fut arrivé, elle lui déclara comment elle était éprise d'amour pour lui, elle lui exposa ses désirs et le pria d'avoir commerce avec elle.

Aussitôt elle le saisit, l’embrasse, le baise et l’exhorte à commettre le crime. Frère Eugène, rempli d'horreur de ces avances, lui dit : " C'est à juste titre que tu portes le nom de Mélancie : tu es remplie de noirceur et de perfidie ; tu es une noire et obscure fille des ténèbres, une amie du diable, un foyer de débauche, une soeur d'angoisses sans fin et une fille de mort éternelle ".

Mélancie se voyant déçue, dans la crainte qu'Eugène ne publiât le crime, voulut le découvrir la première et se mit à crier qu'Eugène a voulu la violer. Elle alla trouver le préfet Philippe et elle porta plainte en ces termes : " Un jeune homme perfide qui se dit Chrétien est venu chez moi pour me guérir ; il entre, se jette sur moi et veut me faire violence : si je n'avais été délivrée par le moyen d'une servante qui était dans l’intérieur de ma chambre, il m’eût fait partager sa débauche ".

Le préfet, à ce récit, fut enflammé de colère, et avait envoyé une multitude d'appariteurs, il fit prendre Eugène et les autres serviteurs de Jésus-Christ, qu'on avait chargés de chaînes : il fixa un jour où ils devaient tous être livrés aux morsures des bêtes.

Puis les ayant fait venir devant lui, il dit à Eugènie :
" Dis-moi, infâme scélérat, si votre Christ vous a enseigné, pour doctrine, de vous livrer à la corruption et d'oser attenter avec une impudente rage à la vertu des matrones ?"
Eugénie, qui conservait la tète baissée pour ne pas être reconnue, répondit :
" Notre-Seigneur a enseigné la chasteté et a promis la vie éternelle à ceux qui gardent la virginité. Nous pouvons montrer que cette Mélancie commet un faux témoignage ; mais il vaut mieux que nous souffrions, plutôt qu'elle soit punie après avoir été convaincue ; nous perdrions alors le fruit de notre patience. Toutefois qu'elle amène la servante qu'elle dit avoir été témoin de notre crime afin que par ses aveux les mensonges puissent être réfutés."


Martyr de sainte Eugénie, de saint Prote et de saint Hyacinthe.
Speculum historiale. V. de Beauvais. XVe.

Cette femme fut amenée, et comme elle avait été endoctrinée par sa maîtresse, elle ne cessait de prétendre contre Eugène qu'il avait voulu violer sa dame. Tous les gens de la maison, qui avaient été également corrompus, attestaient qu'il en était ainsi ; alors Eugénie dit :
" Le temps de se taire est passé et le temps de parler est arrivé : je ne veux pas qu'une impudique charge d'un crime les serviteurs de Jésus-Christ et que la fausseté soit glorifiée. Or, afin que la vérité l’emporte et que la sagesse triomphe de la malice, je démontrerai la vérité sans être mue par la vanité mais par la gloire de Dieu."
En disant ces mots, elle déchira sa tunique depuis sa tète jusqu'à la ceinture, et alors on vit qu'elle était une femme, puis elle dit au préfet :
" Tu es mon père, Claudia est ma mère ; ces deux jeunes gens qui sont assis avec toi, Avitus et Sergius, ce sont mes frères ; je suis Eugènie ta fille ; ces deux-ci, c'est Prote et Hyacinthe."
A ces mots, le père qui commençait à reconnaître sa fille se jeta dans ses bras pour l’embrasser ainsi que la mère, en versant un torrent de larmes.

Eugènie est aussitôt revêtue de ses habits couverts d'or et portée aux nues. Le feu du ciel tomba sur Mélancie et la consuma avec les siens. Ce fut ainsi qu'Eugénie convertit à la foi de Jésus-Christ. son père, sa mère, ses frères et toute sa famille ; de telle sorte que le père, ayant été cassé de sa dignité, fut ordonné évêque par les chrétiens, et fut tué par les infidèles après avoir persévéré dans le bien.


Martyr de saint Prote et saint Hyacinthe.
Vies de saints. R. de Monbaston. XIVe.

Claudia retourna à Rome avec ses deux fils et Eugénie et ils y convertirent beaucoup de personnes à Jésus-Christ. Or, Eugénie, par l’ordre de l’empereur, fut attachée à une grosse pierre et précipitée dans le Tibre ; mais la pierre s'étant brisée, Eugénie marchait saine et sauve sur les eaux. Alors elle est jetée dans une fournaise ardente ; mais la fournaise s'éteignit et devenait pour la martyre un lieu de rafraîchissement. Ensuite elle est renfermée dans un cachot obscur, mais une lumière toute resplendissante rayonnait pour elle ; et après avoir été laissée dix jours sans nourriture, le Sauveur lui apparut et lui dit eu lui présentant un pain très blanc : " Reçois cette nourriture de Ma main ; Je suis ton Sauveur, que tu as aimé de toute l’étendue de ton esprit ; le jour que Je suis descendu sur la terre, Je te prendrai moi-même ".

En effet, au jour de la naissance du Seigneur, un bourreau est envoyé lui couper la tête. Elle apparut ensuite à sa, mère et lui prédit qu'elle la suivrait. le dimanche après. Quand arriva le dimanche, Claudia s'étant mise en prières, rendit l’esprit.

Prote et Hyacinthe ayant été traînés au temple des idoles, brisèrent la statue en faisant une prière, et comme ils ne voulaient pas sacrifier, ils accomplirent dans la suite leur martyre en ayant la tête coupée. Or, ils pâtirent sous Valérien et Gallien, vers l’an du Seigneur 256 (262 selon les découvertes ultérieures à la rédaction de la Légende dorée du bienheureux Jacques de Voragine et exposées dans les Petits bollandistes).

* Nous incluons ici la vie de sainte Eugénie, fêtée au 25 décembre, jour de son martyre.

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mardi, 10 septembre 2024

10 septembre. Saint Nicolas de Tolentino, de l'ordre des Ermites de Saint-Augustin, confesseur. 1310.

- Saint Nicolas de Tolentino, de l'ordre des Ermites de Saint-Augustin, confesseur. 1310.

Pape : Clément V. Roi de France : Philippe IV le Bel. Empereur germanique : Henri VIII (Henri VII de Luxembourg). Roi d'Angleterre : Edouard II.

" La chair a soif de Dieu quand le jeûne l'épuise et la dessèche."
Saint Bernard de Clairvaux.


Saint Nicolas de Tolentino (Détail). Il Garofalo. XVIe.

Admis dans la famille religieuse des Ermites de Saint-Augustin au moment où elle se groupait et se constituait sous la direction du Vicaire du Christ, saint Nicolas de Tolentino (du nom de cette vile où il séjourna le plus longtemps) mérita d'en être le thaumaturge. Quand il mourut, en 1310, l'exil d'Avignon commençait pour les Pontifes romains ; sa canonisation, retardée près d'un siècle et demi parles troubles de ces temps, marqua la fin des lamentables dissensions qui suivirent l'exil.

La paix perdue depuis tant d'années, la paix dont désespéraient les plus sages : c'était l'ardente prière, la solennelle adjuration d'Eugène IV, lorsque, au soir d'un laborieux pontificat, il confiait la cause de l'Eglise à l'humble serviteur de Dieu placé par lui sur les autels. Ce fut, au témoignage de Sixte Quint (1), le plus grand des miracles de saint Nicolas ; miracle qui porta ce dernier Pontife à ordonner la célébration de sa fête sous le rit double, en un temps où pareil honneur était plus rare qu'aujourd'hui.

La Sainte Famille avec saint Nicolas de Tolentino.
Ludovico Mazzolino. XVIe.

Nicolas de Tolentino était né de parents pieux au bourg de Saint-Ange dans la Marche d'Ancône. Le désir d'avoir des enfants ayant conduit par suite d'un vœu à Bari son père et sa mère, ils y reçurent de saint Nicolas de Myre l'assurance qu'ils étaient exaucés : d'où le nom qu'ils donnèrent ensuite à leur fils.

Parmi les nombreuses vertus dont dès l'enfance il fut le modèle, brilla surtout l'abstinence ; âgé de sept ans à peine, à l'exemple de son bienheureux patron, il commença de jeûner plusieurs jours de la semaine, coutume qu'il garda depuis, se contentant de pain et d'eau.


Saint Nicolas de Tolentino. Ambroise Fredeau. XVIIe.

Déjà inscrit dans la milice cléricale et chanoine, il était jeune encore, lorsque entendant un prédicateur de l'Ordre des Ermites de Saint-Augustin parler sur le mépris du monde, il fut tellement embrasé de son discours qu'il entra aussitôt dans cet Ordre. On l'y vit observer une forme si parfaite de vie religieuse, qu'il était la lumière de tous en charité, humilité, patience et toutes vertus, ne portant qu'un habit grossier, matant son corps par les disciplines et les chaînes de fer, s'abstenant de chair et de presque tous mets.

On rapporte plusieurs visions d'âmes du Purgatoire qui lui devaient leur délivrance. Après avoir édifié successivement plusieurs couvents, le fervent religieux est envoyé à Tolentino, où il passe les trente dernières années de sa vie. Là il s'occupe à catéchiser les ignorants, à prêcher la parole de Dieu, à confesser les pécheurs ; les coeurs les plus rebelles se rendent à ses exhortations, il embrase les plus indifférents du feu de l'amour divin, il ébranle les plus obstinés, sa douceur ramène les plus désespérés dans la voie du salut. Le salut des autres ne lui fait pas négliger le sien. On ne saurait dire quand il terminait son oraison ; on le trouvait toujours absorbé en Dieu ; il aimait surtout à méditer les souffrances de Jésus-Christ.


Saint Nicolas de Tolentino rescussitant un petit garçon.
Il Garofalo. XVIe.

Nicolas était la terreur du démon, qui venait souvent troubler son oraison en imitant devant lui le cri de tous les animaux, en ébranlant la charpente de la maison, et faisant trembler sa cellule. Un jour l'esprit de ténèbres entra près de lui sous la forme d'un oiseau énorme, qui éteignit, renversa et brisa la lampe par un mouvement de ses ailes ; Nicolas ramassa les morceaux et les rejoignit si merveilleusement, qu'il ne parut pas trace de l'accident. Le démon alla jusqu'à le frapper et à le laisser pour mort ; notre saint demeura boiteux toute sa vie des coups qu'il avait reçus. Il partageait avec les pauvres le pain qu'on lui donnait à ses repas, et, un jour, son supérieur lui demandant ce qu'il portait : " Ce sont des fleurs " dit-il, et il montra le pain changé en roses. De ce jour, son supérieur lui permit de faire ses aumônes sans craindre pour l'approvisionnement du monastère.


Saint Nicolas de Tolentino rescussitant des oiseaux. Il Garofalo. XVIe.

Malgré les embûches de Satan qui cherchait à le troubler en diverses manières, il ne relâchait rien de son zèle pour l'oraison. Enfin, durant les six mois qui précédèrent sa mort, il entendit chaque nuit les concerts des Anges ; c'était l'avant-goût des joies du paradis, et pénétré de leur douceur, il redisait souvent le mot de l'Apôtre : " Je désire de mourir et d'être avec le Christ."


Basilique Saint-Nicolas-de-Tolentino. On y conserve
les saintes reliques de notre saint. Tolentino.

Son désir s'accomplit le 10 de septembre 1310, ainsi qu'il l'avait annoncé à ses frères.
Récitant le psaume In te Domine speravi (Seigneur j'ai espéré en vous), il rendit son âme à Notre Père des Cieux en disant le verset : " In manus tuas, Domine, commendo spiritum meum ".

Il fut, après comme avant son trépas, illustré beaucoup de miracles : un grand nombre ayant été reconnus canoniquement, le Pape Eugène IV, comme on l'a vu, le mit au nombre des Saints.

(1). Sixti V, Const. Sancta Romana umversalis Ecclesia.

ACTIONS DE GRACE DES ÂMES DU PURGATOIRE ENVERS LEUR LIBERATEUR

" Salvasti nos de affigentibus nos, et odientes nos confudisti."
" Vous nous avez délivrés de nos persécuteurs, et vous avez confondu ceux qui nous haissaient."

Ps. XIII, 8.

Des âmes que l'illustre saint Nicolas de Tolentino avait délivrée par ses prières lui adressèrent les paroles du psaume que je viens de prendre pour épigraphe. Une des plus grandes vertus de cet admirable serviteur de Dieu fut sa charité son dévouement pour l'Eglise souffrante. Pour elle il jeûnait souvent au pain et à l'eau, il se donnait des disciplines cruelles, il se mettait autour des reins une chaîne de fer étroitement serrée.
Ce fut surtout lorsque l'obéissance l'eut forcé à se laisser ordonner prêtre qu'il témoigna cet empressement et ce zèle en offrant l'auguste sacrifice.

Aussi les âmes qu'il soulageait par tant de suffrages lui apparurent-elles plusieurs fois pour en réclamer de lui la continuation.


Saint Nicolas de Tolentino devant la Très Sainte Trinité.
Jean Latour. XVIIIe. Eglise Saint-Jean. Liège.

Il demeurait à Vallimanèse près de Pise tout occupé de ses excercices spirituels lorsqu'un samedi pendant la nuit comme il s'était retiré pour prendre un peu de repos, il vit en songe une personne toute dolente qui le supplia de monter pour elle au saint autel la matinée suivante et aussi pour quelques autres âmes qui souffraient d'une manière affreuse dans le Purgatoire.
Nicolas reconnaissait la voix mais ne pouvait se rappeler distinctement celui qui l'interpellait. Il lui demanda donc qui il était :
" Je suis, répondit l'apparition, l'âme de votre défunt ami le frère Pellegrino d'Osima, qui ai pu éviter, par la divine miséricorde, les châtiments éternels dus à mes fautes, mais non pas l'expiation douloureuse qui leur est réservée pour un temps. Je viens, au nom de beaucoup d'âmes aussi malheureuses que moi, vous supplier de dire pour nous demain la sainte Messe, et nous espérons de là ou notre délivrance
entière ou du moins un grand soulagement."

Le saint lui répondit avec sa bonté accoutumée :
" Que le Seigneur daigne vous secourir par les mérites de son sang, par lequel il vous a rachetées ! Mais pour cette messe de Requiem, je ne puis la dire demain : c'est moi qui dois chanter au coeur la messe du couvent, et le dimanche il ne nous est pas permis de faire l'office des morts."
Alors l'âme soupirant et gémissant ajouta :
" Ah ! Venez avec moi, je vous en conjure pour l'amour de Dieu ; venez contempler nos souffrances, et vous ne me refuserez plus : vous êtes trop bon pour nous laisser dans de pareilles angoisses."
Il lui sembla qu'il était transporté dans une plaine immense ou il aperçut une grande multitude d'âmes de tout état de tout âge et de toute condition livrées à des tortures diverses et épouvantables du geste et de la voix elles imploraient tristement son assistance.
" Voilà, lui dit le frère Pellegrino, la malheureuse situation de ceux qui m'ont député auprès de vous. Nous avons la confiance que le Seigneur ne refuserait rien à vos sacrifices, et que sa divine miséricorde nous délivrerait."


Saint Nicolas de Tolentino conversant avec son ange gardien. XVe.
Basilique de Saint-Nicolas-de-Tolentino. Tolentino.

Le serviteur de Dieu à ce spectacle trois fois lamentable ne pouvait contenir son émotion. Il se mit aussitôt à genoux et pria avec grande ferveur pour tant d'infortunés. Il eût voulu que ses larmes éteignissent le feu qui les consumait.

Le matin venu, dès qu'il fut réveillé, il courut chez le prieur lui raconter en détail toute sa vision et lui exposer la demande que le frère Pellegrino lui avait faite d'une messe de Requiem ce jour-là même. Le père ne put l'entendre sans partager sa vive émotion et, cédant à ce sentiment, il le dispensa non-seulement pour ce jour-là mais pour toute la semaine suivante de la messe conventuelle afin qu'il pût vaquer au soulagement des âmes qui paraissaient l'avoir imploré.

Heureux de cette permission Nicolas se rendit incontinent à la sacristie et célébra avec une extraordinaire ardeur. De plus, il passa le jour et même la nuit à toutes sortes de bonnes oeuvres dans la même intention.
Macérations, jeûnes, disciplines, oraisons prolongées, l'auteur de sa vie assure que le démon le troubla plusieurs fois visiblement dans ce saint exercice, mais en vain. Il continua ainsi toute la semaine alors il revit l'âme du frère Pellegrino, mais non plus dans son état de douleur, dans ses flammes, dans sa tristesse.

Une robe blanche le recouvrait il était environné d'une splendeur toute céleste dans laquelle se jouaient une quantité d'autres âmes aussi heureuses toutes ensemble lui rendaient grâce et l'appelaient leur libérateur puis elles s'élevèrent au Ciel en chantant : " Salvasti nos de affligentibus nos, et odientes nos confudisti !"

V. Surius, Vita S. Nicol. Tol., 10 sept ; Jourdain de Saxe, Vies des frères ermites de Saint-Augustin.

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lundi, 09 septembre 2024

9 septembre. Saint Omer, ou Audomar, moine de Luxeuil, évêque de l'ancien siège de Thérouanne, au diocèse d'Arras. 670.

- Saint Omer, ou saint Audomar, moine de Luxeuil, évêque de l'ancien siège de Thérouanne, au diocèse d'Arras. 670.

Pape : Saint Vitalien. Roi de France : Clotaire III.

" Le Christ est la vérité, et celui qui suit le Christ aime la vérité."

Thomas a Kempis.


Saint Omer. Anonyme des Flandres. XVIe.

Saint Omer naquit, vers la fin du VIe siècle, à Guldindal, ou Goldenthal (le Val d'Or), près de Constance, de parents illustres par leur piété et leur naissance. Son père s'appelait Friulphe et sa mère Domitta. Ils eurent grand soin de former dans les lettres et la vertu ce cher fils, qui était l'unique fruit de leur mariage. Après la mort de Domitta, la grâce croissant en lui avec l'âge, il résolut de renoncer au monde et de se faire religieux ; il détermina ùêùe son père à l'y suivre. Ils vendirent donc leurs biens pour en distribuer l'argent aux nécessiteux ; et ainsi, pauvres des biens de la terre, mais riches des biens du ciel, morts au monde et ne vivant qu'en Jésus-Christ, fidèle à la grâce et ennmis du démon, il se rendirent au monastère de Luxeuil, dans la Franche-Comté, où, en 612 ou 615, ils furent cordialement accueillis par l'abbé, saint Eustaise, qui, après les avoir soumis à de rudes épreuves pour les débarrasser de tous lien terrestre et surtout de leur mutuel attachement, les admit ensemble à la profession. Friulphe y persévéra jusqu'à la fin et mourut saintement.


Réception d'Omer et de son père Friulf à Luxeuil.
Vie de Saint Omer. XIe.

Saint Omer se rendit bientôt le modèle des autres frères. Il était chaste de corps et d'esprit, le premier à l'obéissance et à la pratique de l'humilité, le plus éclairé dans la science de Jésus crucifié, le plus aimable par sa charité et par sa douceur, et le plus exact dans l'austérité des jeûnes et des veilles. Cette ferveur ne se ralentit point dans la suite des années, comme il n'arrive que trop souvent aux jeunes gens qui commence à servir Dieu avec beaucoup d'ardeur, et se relâchent a^rès pâr leur négligence ; elle augmenta tellement, que sa réputation se répandit par toute la France. Le roi Dagobert, étant informé de la haute vertu de notre saint, le fit élire évêque de Thérouanne, par les suffrages libres du clergé et du peuple ; saint Achaire, évêque de Noyon, y contribua beaucoup.


Saint Omer et saint Bertin arrivent dans le pays des Morins ;
édification du monastère.
Porte du trésor de l'abbaye Saint-Bertin-Saint-Omer. XVIe.

Saint Omer trouva dans son diocèse une occupation digne de son zèle. Les Morins (c'est ainsi que l'on appelle les peuples du diocèse de Thérouanne) étaient retombés dans l'idolâtrie, d'où ils avaient été tirés par les prédications de saint Victoric et de saint Fuscien, illustres martyrs de Notre Seigneur Jésus-Christ, à Amiens, où ils furent mis à mort par la cruauté du préfet Rictiovare. Il travailla avec tant d'application à ramener ses ouailles à la religion chrétienne, qu'après les avoir éclairés des lumières de l'Evangile, il fit brûler leurs idoles et bannit entièrement de son diocèse le culte des faux dieux. Il fut assisté, dans cette sainte expédition, par saint Bertin, saint Mommolin et saint Bertrand, qui, tous trois, secondèrent merveilleusement son zèle comme ses fidèles disciples.


Saint Omer convertissant les Morins. Vie de saint Omer. XIe.

On rapporte de saint Omer un événement surprenant qui arriva lorsqu'il était à Boulogne, petite ville de son diocèse ; et, comme il peut servir d'un grand exemple pour montrer l'obéissance que l'on doit à ses supérieurs, nous avons cru devoir le mettre ici. Un clerc lui demanda la permission d'aller se divertir sur le bord de la mer. Le Saint, à qui Dieu avait révélé le malheur qu'il lui arriverait s'il y allait, lui défendit de le faire.


Le clerc désobéissant vient demander à saint Omer la permission,
qu'il lui refuse, de se promener au bord de la mer.
Vie de saint Omer. XIe.

Le clerc ne laissa pas de passer outre, et, ayant trouvé un petit bateau qui servait à passer la rivière à l'endroit où elle se jette dans la mer, il se mit dedans pour se promener le long du rivage. Mais un furieuse tempête s'éleva soudainement et il se vit bientôt en danger de faire naufrage. Le péril le fit rentrer en lui-même ; il eut regret de sa faute, et, se voyant à la merci des flots et des vents, il implora l'assistance du saint évêque

Après sa prière, il aborda à terre, mais il fut bien surpris de se voir sur la côte d'Angleterre. La crainte de tomber entre les mains des pirates, dans ce peys éloigné, lui fit redoubler ses prières ; il conjura à nouveau le ciel de ne point l'abandonner. Il remonte dans son bateau et, après une navigation heureuse, le ciel le comble et il revient à l'endroit même d'où il était parti.

Notre clerc courut alors vers saint Omer, se prosterna devant lui pour lui demander pardon de sa désobéissance, lui raconta tout ce qui s'était passé et le remercia des grâces qu'il avait reçues par son intercession. Saint Omer le reprit sévèrement de sa faute, et, lui ayant fait faire réflexion sur la punition que Dieu tire de ceux qui méprisent les ordres de leurs supérieurs, il lui fit défense de dire à qui que ce fût la merveille qui était arrivé : ce que le jeune ckerc exécuta fidèlement, puisqu'il ne raconta le fait qu'après la mort de saint Omer.


Saint Omer pardonne au clerc désobéissant. Vie de saint Omer. XIe.

Mais, quoiqu'il fît son possible pour demeurer caché aux yeux des hommes, le ciel découvrit, par le prodige suivant, combien notre saint était agréable à Dieu. Faisant la visite de son docèse, il se reposa sous un arbre près d'un village appelé Jernac, ou Journy, pour se délasser un peu de la fatigue du chemin. A son réveil, il fit planter, au même endroit où il s'était assis, une croix de bois sur laquelle, la nuit suivante, on vit paraître une admirable clarté. Depuis, les fidèles honorèrent singulièrement ce même lieu, comme ayant été consacré par la présence d'un si saint homme. Tous les malades qui le visitent par dévotion y reçoivent la guérison de leurs maux.


Saint Omer fait planter une croix à Journy. Vie de saint Omer. XIe.

Entre les conversions qu'il fit, on remarque particulièrement celle d'Adroald. C'était un seigneur des plus considérables du pays par sa naissance et par ses richesses, mais il faisait cruellement une guerre aux Chrétiens. Saint Omer entreprit cette conversion qui eut un plein succès. Dès lors, Adroald pratiqua généreusement les conseils évangéliques : car, n'ayant point d'enfant, il donna tous ses biens à l'Eglise, et particulièrement sur la terre de Sithiü, où notre Saint fit bâtir un monastère en l'honneur de la sainte Vierge. Un historien de la vie de notre Saint s'exclame d'ailleurs :
" Que vous êtes louable et heureux, Adroald, de vous être ainsi dépouillé des biens de la terre pour en revêtir Notre Seigneur Jésus-Christ ! Vous avez renoncé à un héritage temporel pour vous rendre l'héritier du ciel ; vous n'aviez point de postérité, et, par votre libéralité, vous en avez acquis une si nombreuse, qu'elle se substituera jusqu'à la fin des siècles."


Saint Omer baptisant Adroald. Vie de saint Omer. XIe.

Après avoir gouverné avec une vigilance vraiment pastorale l'église de Thérouanne près de trente années, la Providence divine priva notre Saint de la vue du corps afin qu'étant éclairé spirituellement des lumières de la foi, il s'approchât davantage du ciel, où il devait bientôt recevoir la récompense de tous ses travaux. Cette cécité néanmoins ne l'ayant pas empêcher d'assister, avec plusieurs autres évêques, à la translation du corps de saint Vaast qui se fit environ l'an 667, il y recouvra la vue par l'attouchement des reliques et l'intercession du grand saint. Mais saint Omer, qui avait déjà goûté à l'avantage qu'il y a d'avoir les yeux fermés à toutes les choses du monde, supplia le saint, par son intercession, de lui renvoyer son infirmité.


Saint Omer. Sacramentaire à l'usage
de Saint-Bertin-Saint-Omer. XIIe.

En 667 selon certains, en 670 selon d'autres, saint Omer étant en tournée, fut pris de fièvre dans un lieu nommé Wavrans, ou Wauvrans (à quelque distance de Saint-Omer et à trois milles de Saint-Bertin) : il comprit alors que sa dernière heure était proche. Il se fit porter à l'église, où, fondant en larmes, il offrit à Dieu l'encens de ses prières, et reçut, avec les sentiments de la plus touchantes piété, le corps et le sang de Notre Seigneur Jésus-Christ. Après la communion, il se mit au lit, où, parmi le chant d'une mélodie céleste, son âme quitta sa demeure pour aller se présenter devant la majesté de Dieu. Il s'exhala en ce moment de son corps une si suave odeur qu'elle surpassait celle des plus excellents parfums.


Décès de saint Omer, pleuré par ses disciples et
un grand concours de peuple. Vie de saint Omer. XIe.

CULTE ET RELIQUES

Dans les sceaux de la ville de Saint-Omer, il tient souvent un écusson chargé de la croix à deux branches qui est le blason de la cité. Comme on le voit, cet attribut indique le patronage du Saint, et non une circonstance de sa vie.


Tombeau de saint Omer. Cathédrale Notre-Dame de Saint-Omer. XIVe.

On le représente faisant sourdre une fontaine pour baptiser un enfant maladif et aveugle qu'on lui présenta lorsqu'il œuvrait à la nouvelle conversion de ses ouailles et qui recouvra la vue et la santé en recevant le sacrement.


Le baptême administré à l'enfant aveugle lui rend
la vue et la santé. Vie de saint Omer. XIe.

On le voit aussi tantôt ayant dans les mains une petite église et à ses pieds un petit enfant qui semble sortir de terre, tantôt tenant sa crosse épiscopale et deux grappes de raisin et avec une châsse à ses pieds.


Cathédrale, aujourd'hui basilique Notre-Dame. Saint-Omer.

Saint Bertin, averti du décès de saint Omer par révélation, s'empressa de se rendre à Wavrans, à la tête de tous ses religieux. Notre Saint lui avait spécialement recommandé de l'ensevelir dans l'église de la sainte Vierge qu'il avait construite dans ce but entre autres.

L'église où il fut enterré devint plus tard la cathédrale de Saint-Omer. Son corps y fut conservé, moins quelques parties concédées à diverses églises et monastères. Au XVIIe siècle, on voyait encore au monastère Saint-Bertin le pluvial de saint Omer, espèce de manteau ainsi appelé à cause du capuchon qui servait à se protéger de la pluie.

Hugues, abbé de Saint-Quentin, ayant essayé d'enlever le corps de saint Omer pour en enrichir son monastère, ne put dépasser le village de Lisbourg car tout à coup, la bière devint si lourde qu'il ne fut plus possible de la déplacer. Hugues fit alors rappeler l'évêque de Thérouanne, Folquin, afin qu'il rapporte les précieuses reliques. Ce dernier le fit enterrer dans un lieu secret et institua une fête au cour du mois de juin pour commémorer cet événement.

La bière fut retrouvée en 955, et l'authenticité de ces reliques fut plusieurs fois reconnue dans l'église Notre-Dame.

En 1269, le chef de saint Omer fut mis à part. Avant la malheureuse révolution qui eut lieu en France, il était encore conservé dans un buste-reliquaire de vermeil offert par Mahaut, comtesse de Flandre.


Saint Omer. Bréviaire à l'usage de Paris. XVe.

Un pieux orfèvre racheta ce reliquaire pendant la révolution et le remit, avec ses précieuses reliques à des personnes de confiance. L'authenticité fut reconnue en 1803, et l'on transféra le chef de saint Omer dans un nouveau buste-reliquaire représentant l'évêque. Une partie de son chef fut transférer dans la cathédrale d'Arras par Mgr de La Tour d'Auvergne qui céda en contrepartie à Thérouanne des reliques de saint Vaast.


Saint Omer. Eglise Saint-Omer. Orval. Cotentin. XVIIe.
 
Rq : Pendant les guerres effroyables que menèrent les Protestants par toute l'Europe, Charles Quint pris et détruisit Thérouanne ; laquelle était hélas devenue un nid de féroces Calvinistes qui avaient purgé et massacré tout ce qui était catholique. Le siège épiscopal fut transféré à cette époque à Saint-Omer, bastion catholique.

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dimanche, 08 septembre 2024

8 septembre. Nativité de la Bienheureuse Vierge Marie.

- La nativité de la Bienheureuse Vierge Marie, à Jérusalem dans la Maison Probatique.

" Marie naît pour devenir l'instrument du salut du monde, la médiatrice des anges et des hommes, la réparatrice de l'univers."
M. l'abbé Combalot. Conférence sur les grandeurs de Marie.

Nativité de la Bienheureuse Vierge Marie. Fra Filippo Lippi. XVe.

La maison probatique est la maison de saint Joachim et de sainte Anne qui se trouve à proximité du Temple et non loin de la Piscine probatique.

La porte Saint-Etienne s’appelait au temps du Christ la porte des brebis, parce que les animaux destinés à être sacrifiés au Temple passaient par là. A côté de la porte, deux énormes bassins de retenue, profonds de 13 mètres, avaient été creusés dans le roc pour retenir les eaux de ruissellement issues de la colline.

La porte Saint-Etienne, anciennement Porte des brebis. Jérusalem.

Une canalisation permettait d’alimenter en eau le Temple tout proche. Au temps d’Hérode le Grand, les nombreux sacrifices et les ablutions rituelles employaient d’énormes quantités d’eau qui nécessitèrent de nouveaux travaux plus proches du Temple.

Reste de la piscine probatique. Jérusalem.

De ce fait les anciennes citernes devinrent des bains publics et évidemment des thermes où se pratiquait le culte d’Esculape, le dieu d’Epidaure chargé par les Anciens de guérir les malades. On trouvait donc dans cette ancienne dépendance du Temple un complexe païen associant sanctuaire et pratiques magiques, piscine, promenade et peut-être un portique construit entre les deux bassin qui expliquerait l’expression de saint Jean : la piscine aux cinq portiques. Elle fut bientôt transformée en église puis en Basilique.

Il faut assurément chercher l'origine de la fête de la Nativité de la sainte Vierge en Orient où le synaxaire de Constantinople la marquait déjà au 8 septembre1, selon ce qu’avait décrété l’empereur Maurice (582 + 602). Il est probable que l’Eglise de Jérusalem fut la première à honorer le souvenir de la Nativité de Notre-Dame qu’elle célébrait dans une basilique proche de la piscine probatique, sur l’emplacement de la maison où, suivant la tradition, serait née la sainte Vierge.

La Nativité de la sainte Vierge est mentionnée dans les homélies d'André de Crète (660-740) :

" Aujourd'hui comme pour des noces, l'Eglise se pare de la perle inviolée, de la vraie pureté. Aujourd'hui, dans tout l'éclat de sa noblesse immaculée, l'humanité retrouve, grâce aux mains divines, son premier état et son ancienne beauté. Les hontes du péché avaient obscurci la splendeur et les charmes de la nature humaine ; mais, lorsque naît la Mère de celui qui est la Beauté par excellence, cette nature recouvre en elle ses anciens privilèges, elle est façonnée suivant un modèle parfait et entièrement digne de Dieu.

Et cette formation est une parfaite restauration et cette restauration est une divinisation et cette divinisation, une assimilation à l'état primitif. Aujourd'hui, contre toute espérance, la femme stérile devient mère et cette mère, donnant naissance à une descendance qui n'a pas de mère, née elle-même de l'infécondité, a consacré tous les enfantements de la nature. Aujourd'hui est apparu l'éclat de la pourpre divine, aujourd'hui la misérable nature humaine a revêtu la dignité royale.

Aujourd'hui, selon la prophétie, le sceptre de David a fleuri en même temps que le rameau toujours vert d'Aaron, qui, pour nous, a produit le Christ rameau de la force. Aujourd'hui, une jeune vierge est sortie de Juda et de David, portant la marque du règne et du sacerdoce de celui qui a reçu, suivant l'ordre de Melchisédech, le sacerdoce d'Aaron. Pour tout dire en un mot, aujourd'hui commence la régénération de notre nature, et le monde vieilli, soumis à une transformation divine, reçoit les prémices de la seconde création."

A Rome, on célébrait alors la dédicace de la basilique du martyr Adrien et il faudra attendre le pontificat du pape Serge Ier (687-701) pour trouver une trace incontestable de la célébration de la Nativité de la sainte Vierge où le Pape, en sandales, faisait procession de la basilique Saint-Adrien à celle de Sainte-Marie-Majeure. Les vieux livres liturgiques assignaient à cette fête les mêmes chants qu'à la solennité de l'Assomption.

Benoît XIV (1740-1758), dans l’Histoire des Mystères et des fêtes, raconte que chaque année, au 8 septembre, un solitaire entendait des chants célestes ; quand il en demanda la cause à Dieu, il lui fut répondu que c'était en l'honneur de la naissance de la Vierge Marie qui se célébrait au Ciel et qu'il en était averti car Marie étant née pour les hommes, il devrait faire en sorte que cette fête fût aussi célébrée sur terre. Le solitaire se rendit auprès du Pape qui, au récit de la vision, institua la fête de la Nativité de la sainte Vierge.

En France, la fête la Nativité de sa sainte Vierge porta longtemps le titre de Notre-Dame Angevine, rappelant que la Vierge Marie, apparut, en 430, près de Saint-Florent, au saint évêque Maurille d'Angers pour lui demander l'institution de la fête de sa Nativité . Avec le concours efficace du roi Robert le Pieux, Fulbert, évêque de Chartres (+1028) contribua beaucoup à introduire la fête de la Nativité de la sainte Vierge dans le nord du Royaume ; la nuit même de cette fête, sa cathédrale ayant été détruite par un incendie, il jeta les fondement de celle que nous connaissons aujourd’hui, dédiée à la Nativité de Notre-Dame.

A la mort le pape Célestin IV (1243), Frédéric II retint prisonniers des cardinaux pour que le conclave ne se réunît pas ; les prisonniers firent le vœu solennel de donner un octave à cette fête s'ils étaient rendus à la liberté ; libérés, ils élurent Innocent IV qui, au premier concile de Lyon (1245) accomplit le vœu. Grégoire XI fit une vigile qui fut célébrée à Anagni.

L'Ecriture ne parle guère de la naissance de la Sainte Vierge et il faut se référer ici aux traditions comme le firent les textes apocryphes en termes merveilleux.

Protévangile de Jacques

Naissance de Marie, la sainte qui engendra Dieu, très glorieuse mère de Jésus-Christ.

Nativité de la Bienheureuse Vierge Marie. Anonyme, XVIIe. Bavière.

Ch. Ier

Dans les histoires des douze tribus d'Israël, on dit que Joachim était un homme comblé de richesses, mais qu'il apportait des offrandes doubles, en disant : " Ce que je donne en excédent sera pour tous ; je l'offre en expiation de mes péchés, pour que le Seigneur me soit propice ".
Etant arrivé le jour solennel du Seigneur où les fils d'Israël apportaient leurs offrandes, Ruben se dressa devant Joachim et lui dit : " Il ne t'est pas permis d'être le premier à déposer tes offrandes, car tu n'as pas engendré en Israël ".
Et Joachim fut comblé de tristesse, et il alla consulter les documents des douze tribus du peuple, disant : " Je verrai dans les documents des douze tribus d'Israël si j'ai été seul à n'avoir pas engendré en Israël ". Il chercha et trouva que tous les justes avaient engendré de la postérité en Israël. Mais il se souvint aussi du patriarche Abraham, et qu'en ses derniers jours Dieu lui avait donné un fils, Isaac.
Alors, comblé de tristesse, Joachim ne se présenta point devant sa femme, mais il se rendit au désert ; il y planta sa tente et jeûna quarante jours et quarante nuits, se disant à lui-même : " Je ne descendrai ni manger ni boire avant que le Seigneur mon Dieu m'ait visité, et la prière sera ma nourriture et ma boisson ".

Ch. II

Cependant sa femme Anne pleurait, ayant deux raisons de gémir. " Je me désolerai sur mon veuvage, disait-elle ; je me désolerai sur ma stérilité ".
Etant arrivé le jour solennel du Seigneur, Judith, sa servante, lui dit : " Jusques à quand auras-tu l'âme abattue ? Voici le jour solennel du Seigneur ; tu n'as pas le droit de pleurer. Mais prends ce serre-tête que m'a donné mon ancienne maîtresse ; je ne puis m'en orner car je suis serve et il porte le signe de la race royale ".
Anne répondit : " Eloigne-toi ; je ne ferai rien de tel, car le Seigneur m'a comblée d'humiliations. Sans doute est-ce un méchant qui t'a donné ce bandeau et tu essaies de me faire complice de ta faute ". Mais Judith répartit : " Quel mal pourrais-je te vouloir pire que celui que tu as, puisque le Seigneur a clos ton sein, afin qu'il n'engendre pas de postérité en Israël !"
Alors, au comble de l'affliction, Anne ôta ses habits de deuil, elle se lava la tête, revêtit ses habits de noce, et, vers la neuvième heure, descendit se promener au jardin. Elle vit un laurier, s'assit sous ses branches et se mit à invoquer le Tout-Puissant : " Dieu de mes pères, bénis-moi, exauce ma supplication, comme tu as béni Sarah dans ses entrailles et lui as donné son fils Isaac ".

Saint Joachim présentant la Vierge enfant au temple.
Claude François. XVIIe.

Ch. III

Et levant les yeux vers le ciel, elle vit dans le laurier un nid de passereaux, et elle se reprit à gémir, se disant pour elle-même :
" Pitié de moi ! qui donc m'a engendrée, quelles entrailles m'ont enfantée, pour que je sois devenue maudite parmi les fils d'Israël, que je doive être chassée avec outrage du Temple du Seigneur ?"
" Pitié de moi ! à quoi donc ressemblé-je ? Pas même aux petits oiseaux du ciel , car les oiseaux du ciel sont féconds devant vous, Seigneur."
" Pitié de moi ! à quoi donc ressemblé-je ? Pas même aux bêtes sauvages de la terre, car les bêtes sauvages de la terre sont fécondes devant vous, Seigneur."
" Pitié de moi ! à quoi donc ressemblé-je ? Pas même à ces eaux que voilà, car ces eaux sont fécondes devant vous, Seigneur. Pitié de moi ! à quoi donc ressemblé-je ? Pas même à cette terre que voilà, car cette terre porte des fruits en leur temps, et elle vous bénit, Seigneur !"

Ch. IV

Or voici qu'un ange du Seigneur apparut et lui dit : " Anne, Anne, le Seigneur a entendu ta plainte. Tu concevras, tu engendreras, et l'on parlera de ta progéniture par toute la terre ". Anne répondit : " Aussi vrai que vit le Seigneur mon Dieu, si j'enfante soit un fils, soit une fille, je le consacrerai au Seigneur mon Dieu pour qu'il le serve tous les jours de sa vie !"
Alors deux anges arrivèrent auprès d'elle, lui disant : " Voici que Joachim, ton homme, s'en vient vers toi avec ses troupeaux, car un ange du Seigneur est descendu à lui et lui a dit : Joachim, Joachim, le Seigneur a entendu ta plainte. Descends d'ici, car voici que ta femme Anne va concevoir dans ses entrailles ".
Et Joachim descendit. Il appela ses bergers et leur dit : " Apportez-moi dix agneaux sans tache et parfaits ; ils seront pour le Seigneur mon Dieu. Apportez-moi aussi douze des veaux les plus tendres ; ils seront pour les prêtres et le Conseil des Anciens. Et cent chevreaux seront pour tout le peuple ".
Et voici que Joachim arriva avec ses troupeaux. Anne, qui se trouvait debout sur le seuil, le vit venir, courut à lui et s'accrochant à son cou, lui dit : " Maintenant, je sais que le Seigneur Dieu m'a comblée de bénédictions, car j'étais comme veuve et je ne le suis plus ; j'étais stérile et mes entrailles vont concevoir ". Et ce fut le premier soir que Joachim reposa dans sa maison.

Ch. V

Le lendemain, il vint présenter ses offrandes, se disant en lui-même : " Si le Seigneur Dieu m'est propice, il m'accordera de voir le disque d'or du prêtre !" (*) Il présenta donc ses offrandes, et fixa ses regards sur le disque du prêtre, lorsque celui-ci monta à l'autel, et il sut ainsi qu'il n'y avait aucune faute en lui. Et Joachim dit alors : " Maintenant, je sais que le Seigneur m'est propice et que mes péchés sont effacés ! Il descendit donc du temple du Seigneur, justifié, et il retourna dans sa maison ".
Or les mois d'Anne s'accomplissaient, et, au neuvième, elle enfanta. Et elle demanda à la sage-femme : " Qu'ai-je mis au monde ?" Celle-ci répondit : " Une fille ". Et Anne reprit : " Elle a été glorifiée en ce jour, mon âme !"
Et elle coucha l'enfant. Puis les jours d'usage étant accomplis, elle se releva, se lava, donna le sein à son enfant et l'appela Marie.

Sainte Anne conduisant la Bienheureuse Vierge Marie au Temple.
J. Stella. XVIIe.

(*) Ce " test " que Joachim se propose à lui-même peut se comprendre ainsi : le Grand Prêtre, en tenue de cérémonie, portait un disque d'or dont il est question dans la Bible ( Exode, XXVIII, 36, 37 ; Lévitique, VIII, 9 ). Au moment où le Grand Prêtre traversait le sacré parvis pour se rendre à l'autel ou au Saint des Saints, il passait assez loin des simples fidèles, massés dans le parvis des Israélites. Pour discerner le disque d'or sans doute fallait-il qu'un éclat de lumière le fît briller. C'est cet éclat que Joachim demande comme un signe.

Saint Jean Damascène : Ière homélie pour la nativité de la Vierge Marie

" Neuf mois étant accomplis, Anne mit au monde une fille et l'appela du nom de Marie. Quand elle l'eut sevrée, la troisième année, Joachim et elle se rendirent au temple du Seigneur et, ayant offert au Seigneur des victimes, ils présentèrent leur petite fille Marie pour qu'elle habitât avec les vierges qui, nuit et jour, sans cesse, louaient Dieu.

Quand elle eut été amenée devant le temple du Seigneur, Marie gravit en courant les quinze marches sans se retourner pour regarder en arrière et sans regarder ses parents comme le font les petits enfants. Et cela frappa d'étonnement toute l'assistance, au point que les prêtres du Temple eux-mêmes étaient dans l'admiration.

Puisque la Vierge Marie devait naître d'Anne, la nature n'a pas osé devancer le germe béni de la grâce. Elle est restée sans fruit jusqu'à ce que la grâce eût porté le sien. En effet il s'agissait de la naissance, non d'un enfant ordinaire, mais de cette première-née d'où allait naître le premier-né de toute créature, en qui subsistent toutes chose. O bienheureux couple, Joachim et Anne ! Toute la création vous doit de la reconnaissance, car c'est en vous et par vous qu'elle offre au créateur le don qui surpasse tous les dons, je veux dire la chaste Mère qui était seule digne du Créateur.

Aujourd'hui sort de la souche de Jessé le rejeton sur lequel va s'épanouir pour le monde une fleur divine. Aujourd'hui Celui qui avait fait autrefois sortir le firmament des eaux crée sur la terre un ciel nouveau, formé d'une substance terrestre ; et ce ciel est beaucoup plus beau, beaucoup plus divin que l'autre, car c'est de lui que va naître le soleil de justice, celui qui a créé l'autre soleil....

Que de miracles se réunissent en cette enfant, que d'alliances se font en elle ! Fille de la stérilité, elle sera la virginité qui enfante. En elle se fera l'union de la divinité et de l'humanité, de l'impassibilité et de la souffrance, de la vie et de la mort, pour qu'en tout ce qui était mauvais soit vaincu par le meilleur. O fille d'Adam et Mère de Dieu ! Et tout cela a été fait pour moi, Seigneur ! Si grand était votre amour pour moi que vous avez voulu, non pas assurer mon salut par les anges ou quelque autre créature, mais restaurer par vous-même celui que vous aviez d'abord créé vous-même. C'est pourquoi je tressaille d'allégresse et je suis plein de fierté, et dans ma joie, je me tourne vers la source de ces merveilles, et emporté par les flots de mon bonheur, je prendrai la cithare de l'Esprit pour chanter les hymnes divins de cette naissance...

Aujourd’hui le créateur de toutes choses, Dieu le Verbe compose un livre nouveau jailli du cœur de son Père, et qu’il écrit par le Saint-Esprit, qui est langue de Dieu…

Ô fille du roi David et Mère de Dieu, Roi universel. O divin et vivant objet, dont la beauté a charmé le Dieu créateur, vous dont l'âme est toute sous l’action divine et attentive à Dieu seul ; tous vos désirs sont tendus vers cela seul qui mérite qu'on le cherche, et qui est digne d'amour ; vous n'avez de colère que pour le péché et son auteur. Vous aurez une vie supérieure à la nature, mais vous ne l'aurez pas pour vous, vous qui n'avez pas été créée pour vous. Vous l'aurez consacrée tout entière à Dieu, qui vous a introduite dans le monde, afin de servir au salut du genre humain, afin d'accomplir le dessein de Dieu, I'Incarnation de son Fils et la déification du genre humain. Votre cœur se nourrira des paroles de Dieu : elles vous féconderont, comme l'olivier fertile dans la maison de Dieu, comme l'arbre planté au bord des eaux vives de l'Esprit, comme l'arbre de vie, qui a donné son fruit au temps fixé : le Dieu incarné, la vie de toutes choses. Vos pensées n'auront d'autre objet que ce qui profite à l'âme, et toute idée non seulement pernicieuse, mais inutile, vous la rejetterez avant même d'en avoir senti le goût.

Vos yeux seront toujours tournés vers le Seigneur, vers la lumière éternelle et inaccessible ; vos oreilles attentives aux paroles divines et aux sons de la harpe de l'Esprit, par qui le Verbe est venu assumer noire chair... vos narines respireront le parfum de l'époux, parfum divin dont il peut embaumer son humanité. Vos lèvres loueront le Seigneur, toujours attaché aux lèvres de Dieu. Votre bouche savourera les paroles de Dieu et jouira de leur divine suavité. Votre cœur très pur, exempt de toute tache, toujours verra le Dieu de toute pureté et brûlera de désir pour lui. Votre sein sera la demeure de celui qu'aucun lieu ne peut contenir. Votre lait nourrira Dieu, dans le petit enfant Jésus. Vous êtes la porte de Dieu, éclatante d'une perpétuelle virginité. Vos mains porteront Dieu, et vos genoux seront pour lui un trône plus sublime que celui des chérubins... Vos pieds, conduits par la lumière de la loi divine, le suivant dans une course sans détours, vous entraîneront jusqu'à la possession du Bien-Aimé. Vous êtes le temple de l'Esprit-Saint, la cité du Dieu vivant, que réjouissent les fleuves abondants, les fleuves saints de la grâce divine. Vous êtes toute belle, toute proche de Dieu ; dominant les Chérubins, plus haute que les Séraphins, très proche de Dieu lui-même.

Salut, Marie, douce enfant d'Anne ; l’amour à nouveau me conduit jusqu’à vous. Comment décrire votre démarche pleine de gravité ? votre vêtement ? le charme de votre visage ? cette sagesse que donne l'âge unie à la jeunesse du corps ? Votre vêtement fut plein de modestie, sans luxe et sans mollesse. Votre démarche grave, sans précipitation, sans heurt et sans relâchement. Votre conduite austère, tempérée par la joie, n'attirant jamais l'attention des hommes. Témoin cette crainte que vous éprouvâtes à la visite inaccoutumée de l'ange ; vous étiez soumise et docile à vos parents ; votre âme demeurait humble au milieu des plus sublimes contemplations. Une parole agréable, traduisant la douceur de l'âme. Quelle demeure eût été plus digne de Dieu ? Il est juste que toutes les générations vous proclament bienheureuse, insigne honneur du genre humain. Vous êtes la gloire du sacerdoce, l’espoir des chrétiens, la plante féconde de la virginité. Par vous s'est répandu partout l'honneur de la virginité Que ceux qui vous reconnaissent pour la Mère de Dieu soient bénis, maudits ceux qui refusent...

Ô vous qui êtes la fille et la souveraine de Joachim et d'Anne, accueillez la prière de votre pauvre serviteur qui n'est qu'un pécheur, et qui pourtant vous aime ardemment et vous honore, qui veut trouver en vous la seule espérance de son bonheur, le guide de sa vie, la réconciliation auprès de votre Fils et le gage certain de son salut. Délivrez-moi du fardeau de mes péchés, dissipez les ténèbres amoncelées autour de mon esprit, débarrassez-moi de mon épaisse fange, réprimez les tentations, gouvernez heureusement ma vie, afin que je sois conduit par vous à la béatitude céleste, et accordez la paix au monde. A tous les fidèles de cette ville, donnez la joie parfaite et le salut éternel, par les prières de vos parents et de toute l'Eglise."


Prière en l'honneur de la nativité de Notre Dame :

" Ô Marie,
Vierge heureuse et bénie,
Permettez-moi de m'approcher de votre berceau,
Et de joindre mes louanges
A celles que vous rendent les anges
Qui vous entourent, heureux d'être les témoins
Des merveilles de votre naissance.


Agenouillé devant vous,
je vous fais l'offrande de mon coeur ;
Reine du ciel et de la terre,
recevez-moi et gardez-moi.


Je vous salue, Marie,
Ô fruit de pureté !
La terre maudite s'étonne d'avoir pu vous produire.
Ô Marie, pleine de grâces,
Vous relevez l'espoir des enfants d'Eve chassé du paradis
Et vous ranimez leur confiance.
Au jour de votre entrée dans le monde,
Nous avons relevés nos fronts abattus :
Votre naissance annonce celle du Rédempteur,
Comme l'aurore annonce la venue du jour.


Je vous salue, Marie, Ô étoile de Jacob !
Le soleil de justice va se lever, le jour de la grâce va luire,
et c'est vous qui avez hâté sa venue.
Vos désirs, plus ardents que ceux des patriarches et des prophètes,
Attirent le véritable Emmanuel dans votre sein,
Et c'est à vous qu'il appartiendra de nous donner le Verbe fait chair.


Que vos saintes mains, Ô Marie,
Répandent dans mon coeur avec profusion
L'humilité, l'innocence, la simplicité,
La douceur et la charité :


Que ces vertus de votre coeur saisissent le mien
Pour que j'appartienne avec vous au Christ, mon Seigneur,
Et qu'en lui je sache offrir le bien que je fais et le mal que je souffre
Pour la plus grande gloire de Dieu qui est le salut des pécheurs."

Rq : On lira l'homélie de saint Bernard de Clairvaux pour la nativité de la Bienheureuse Vierge Marie ; L'aqueduc :
http://www.abbaye-saint-benoit.ch/saints/bernard/tome03/h....
On lira aussi la nativité de la Bienheureuse Vierge Marie dans la Légende dorée du bienheureux Jacques de Voragine :
http://www.abbaye-saint-benoit.ch/voragine/tome03/132.htm

samedi, 07 septembre 2024

7 septembre. Saint Cloud, prince, moine et prêtre. 560.

- Saint Cloud, prince, moine et prêtre. 560.
 
Pape : Pélage Ier. Roi des Francs : Clotaire Ier. Empereur romain d'Orient : Justinien Ier.
 
" Le coeur de l'homme, faussé et perverti, place le bonheur des mortels dans la splendeur des palais, sans s'inquiéter de la souillure et de la ruine des âmes."
Saint Augustin, évêque d'Hippone.
 
Sainte Clotilde et ses trois petits fils dont l'aîné saint Cloud.
Grandes chroniques de France. XIVe.
 
 Saint Clodoald, vulgairement appelé saint Cloud, est le premier prince franc que l'Eglise ait honoré d'un culte public. Il naquit en 522. Son père Clodomir, roi d'Orléans, l'ainé des fils de sainte Clotilde, ayant défait en bataille rangée saint Sigismond, roi de Bourgogne, et l'ayant fait son prisonnier de guerre, avec sa femme et ses enfants, les fit tous cruellement mourir, sans que ni le respect de la dignité royale dont Sigismond était revêtu, ni la considération de la parenté (car il était son cousin issu de germain), ni les remontrances de saint Avit, abbé de Micy, qui fit son possible pour le détourner de ce meurtre, pussent rien gagner sur la férocité de son esprit.

Cette inhumanité fut bientôt sévèrement punie, non-seulement en sa personne, mais aussi en celles de ses propres enfants. Ayant remporté une seconde victoire près de Vienne, en Dauphiné, sur Gondemar, frère de saint Sigismond, comme il poursuivait les fuyards avec ardeur, il s'éloigna trop de ses gens et tomba entre les mains d'une troupe d'ennemis qui le tuèrent, lui coupèrent la tête et la mirent au bout d'une lance pour la faire voir aux Francs.

Après sa mort, ses enfants : Thibault, Gonthaire et Clodoald, (vulgairement Cloud), se trouvèrent sous la conduite de sainte Clotilde, leur grand-mère, qui les éleva chrétiennement et avec le plus grand soin, en attendant qu'ils partageassent les Etats de leur père, gouvernés pendant ce temps par des lieutenants.
 
Eglise Saint-Cloud de Rodhon. Orléanais.
 
 Mais Childebert, roi de Paris, leur oncle, qui convoitait le royaume d'Orléans, leur héritage, invita Clotaire, roi de Soissons, à partager son infâme dessein. Il s'agissait de faire mourir leurs neveux ou de les reléguer dans un cloître. Clotaire opina pour la mort. Ces oncles barbares égorgèrent de leurs propres mains les deux aînés, Thibault et Gonthaire. Cloud, par une protection spéciale de la Providence, échappa au massacre.
 
Assassinat de Thibault et de Gonthaire. Manuscrit du XVe.
 
 Bientôt après, il se coupa lui-même les cheveux, cérémonie par laquelle il déclarait qu'il renonçait à la royauté. Depuis, il trouva diverses occasions de recouvrer les Etats de son père ; mais il ne voulut point en profiter. La grâce lui avait ouvert les yeux sur la vanité des grandeurs terrestres. Il préféra une vie humble et tranquille dans les rigueurs de la solitude, à une vie éclatante, mais périlleuse dans un palais royal et au milieu d'une foule de courtisans ; il se consacra entièrement au service de Dieu. Son étude ne fut plus que la lecture des Livres Sacrés ; son plaisir, de vivre la plus sévère ascèse.

Après avoir distribué aux églises et aux pauvres les biens que ses oncles n'avaient pu lui ravir, il se retira auprès d'un saint religieux, nommé Séverin, qui menait une vie solitaire et contemplative dans un ermitage aux portes de Paris. Le jeune prince reçut de ses mains l'habit religieux, et demeura quelque temps en sa compagnie, pour s'y former à toutes les vertus monastiques.
 
Saint Cloud reçu par saint Séverin. Gravure, XVIIe.
 
 Childebert et Clotaire ne purent pas ignorer que c'était lui ; mais, comme ils le virent sans prétention, ils le laissèrent en liberté et lui donnèrent même quelques héritages pour vivre plus commodément dans le lieu de sa retraite.

Cependant, ne se croyant pas assez solitaire, ou pour quelques raisons que son histoire ne marque pas, il quitta les environs de Paris et se retira secrètement en Provence, hors de la vue et de l'entretien de toutes les personnes de sa connaissance.

Pendant qu'il se construisait, de ses propres mains, une petite cellule, un pauvre se présenta devant lui et lui demanda l'aumône. Il était lui-même si pauvre, qu'il n'avait ni or, ni argent, ni provisions qu'il pût lui donner ; mais il se dépouilla généreusement de sa propre cuculle et lui en fit présent.

Cet acte de charité fut si agréable à Dieu, que, pour en découvrir le mérite, il rendit la nuit suivante cette cuculle toute lumineuse entre les mains du pauvre qui l'avait reçue. Les habitants des environs furent témoins de ce miracle, et reconnurent par là que saint Cloud était un excellent serviteur du Christ. Ils le vinrent donc trouver pour honorer sa sainteté et pour recevoir ses instructions ; mais leurs trop grandes déférences leur firent perdre un si précieux trésor : car saint Cloud, voyant qu'il n'était pas plus caché en Provence qu'à Paris, s'en retourna dans son premier ermitage.

Peut-être que l'appréhension d'être élevé à la prélature l'avait fait fuir, et que le sujet de sa crainte était passé par l'élection d'un autre à cette dignité.
 
Saint Cloud faisant l'aumône.
Speculum historiale. V. de Beauvais. XVe.
 
 A peine fut-il revenu qu'Eusèbe, alors évêque de Paris, l'ordonna prêtre à la sollicitation du peuple, qui ne put souffrir un si saint homme dans un Ordre inférieur. Les exemples des vertus qu'il fit paraître dans cette dignité le firent encore plus respecter qu'auparavant.

On admirait en lui le pouvoir de la grâce, qui, d'un prince, ou pour mieux dire d'un roi légitime, avait fait un humble serviteur de la maison de Dieu. On louait hautement son humilité, sa modestie, son détachement des choses du monde, son amour pour la pénitence et sa charité incomparable.

Ce grand homme ne put souffrir longtemps ces honneurs, et, pour les éviter, il se retira sur une montagne, le long de la Seine, à deux lieues au-dessous de Paris, en un lieu que l'on appelait Nogent, mais qui, depuis, a changé de nom pour prendre celui de Saint-Cloud.
 
Saint Cloud délivrant un possédé.
Speculum historiale. V. de Beauvais. XVe.
 
 Après y avoir vécu quelque temps solitaire, il y fit bâtir un monastère qu'il dota des biens que les rois, ses oncles, lui donnèrent. Il le fit dépendant, avec son église et tous ses revenus, de l'église cathédrale de Paris, dont il était le prêtre, comme ils en dépendaient encore en 1685. Il y gagna plusieurs personnes à Jésus-Christ, qui furent ravies d'y vivre religieusement sous sa conduite.

Enfin, il y mourut saintement le 7 septembre, vers l'an 560. Sa mort, qu'il avait prédite avant qu'elle arrivât, fut suivie de plusieurs miracles. On enterra son corps dans le même monastère, qui, depuis, a été changé en collégiale. Cette église est aujourd'hui paroissiale, et l'on y garde encore quelques-unes des reliques du Saint.
 
Eglise Saint-Clodoald. Saint-Cloud, Île-de-France.
 
 Les 4 Martyrologes ordinaires font une honorable mention de ce bienheureux prince. Les Parisiens célèbrent sa fête avec beaucoup de piété ; et, durant toute son octave, il y a un grand concours de peuple qui visite son église.

On peut voir dans toute son histoire, que ce que le monde appelle infortune est souvent le chemin du vrai bonheur, et que Dieu sait admirablement tirer le bien du mal, l'élévation de la plus grande humiliation. Ainsi, la véritable prudence est de s'abandonner entièrement à la conduite de Sa Divine Providence, et d'aimer les états, même les plus bas et les plus humiliés, où il Lui plaît de nous mettre.

On le représente çà et là comme solitaire, agenouillé devant une croix, et la couronne à terre près de lui.
 
Chapelle Saint-Cloud. Elliant. Cornouailles, Bretagne.

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vendredi, 06 septembre 2024

6 septembre. Saint Zacharie, 11e des 12 petits prophètes. Ve siècle avant Notre Seigneur Jésus-Christ.

- Saint Zacharie, 11e des 12 petits prophètes. Ve siècle avant Notre Seigneur Jésus-Christ. Ve s. av. Notre Seigneur Jésus-Christ.
 
Puits de Moïse. Saint Zacharie.
Chartreuse de Champmol. Dijon. Bourgogne.
 
Zacharie, fils de Barachie et petit-fils d'Addo, commença à prophétiser l'an du monde 3484, le 8e mois de la 2de année du règne de Darius, premier fils d'Hystaspe et roi de Perse (521-485). Contemporain du prophète Aggée, il y a apparence qu'il se joignit à lui pour engager les Juifs à reprendre l'oeuvre de la reconstruction du temple, interrompue depuis longtemps.

Il les exhorta aussi à se convertir au Seigneur et à ne pas imiter l'endurcissement de leurs pères, si souvent châtiés pour n'avoir pas écouté les Prophètes.

Dieu fit voir à Zacharie, dans deux visions différentes, et sous plusieurs figures, la succession des quatre monarchies, savoir des Assyriens, des Chaldéens, des Perses et des Grecs, qui devait se terminer au règne de Jésus-Christ dont il décrit la vie et la passion.
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Vision de saint Zacharie. Gustave Doré. XIXe.
 
Il parle aussi de son entrée à Jérusalem et des 30 pièces d'argent qui furent le prix de son sang.
 
Zacharie est le plus fécond, mais aussi, au jugement de saint Jérôme, le plus obscur des 12 petits Prophètes. Sa prophétie, dans nos Bibles, contient 14 chapitres.

Une controverse, jusqu'ici demeurée sans solution définitive, s'est élevée entre les commentateurs, au sujet d'un texte fameux de l'Evangile où Notre Seigneur s'adresse aux Juifs et qui parait se rapporter à Zacharie :
" Je vous ai envoyé des prophètes, des sages, des docteurs ; vous les avez égorgés. Aussi du sang des justes versé sur la terre depuis l'innocent Abel jusqu'à Zacharie, fils de Barachie, que vous avez tué entre le temple et l'autel, retombera sur vos tètes."

Toutefois la tradition juive ou chrétienne n'a gardé aucun souvenir du meurtre du prophète Zacharie. On peut donc adopter sur ce point le système de saint Epiphane, qui appliquait les paroles de Notre-Seigneur au grand-prêtre Zacharie, mis à mort entre le temple et l'autel, sous le règne de Joas (870-831).
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Saint Zacharie. Antoine Coypel. Château de Versailles. XVIIe.
 
Les Grecs et les Moscovites honorent la mémoire du prophète Zacharie au 8 février ; les Latins lui ont assigné le 6 septembre. Quelques synaxaires grecs marquent aussi sa mémoire au 16 mai, et les Egyptiens font sa fête le 9 septembre.

On lit dans l'historien grec Sozomène (Ve s.), que le corps du prophète Zacharie fut trouvé dans le territoire d'Eleuthéropolis, dans un bourg nommé Caphar. Il était intact, vêtu d'une robe blanche, et mis dans un cercueil de plomb, enfermé dans un autre de bois.

On le représente, comme les autres Prophètes, déroulant un cartouche où se lisent les principaux textes de sa prophétie.

On peut voit dans la collection des Bollandistes, au 6 septembre, les arguments que le père Stilting a réunis pour soutenir l'identité du Zacharie dont parle Notre-Seigneur avec le prophète.
Bergier, dans son Dictionnaire de théologie, les a repris en sous-oeuvre et développés avec une nouvelle force.

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jeudi, 05 septembre 2024

5 septembre. Saint Laurent Justinien, premier patriarche de Venise, confesseur. 1455.

- Saint Laurent Justinien, premier patriarche de Venise, confesseur. 1455.

Papes : Nicolas V ; Calixte III. Roi de France : Charles VII. Souverain du Saint-Empire : Frédéric III de Habsbourg. Roi de Castille et de Léon : Henri IV. Roi d'Aragon et de Naples : Alphonse V le Magnanime.

" Le premier sacrifice de justice que l'homme doit faire à Dieu, celui qui Lui est le plus agréable et qui le fait avancer davantage dans la perfection, c'est le sacrifice d'un coeur contrir à cause de ses péchés passés."
Esprit de saint Laurent Justinien.

Buste de saint Laurent Justinien. Venise.
 
Laurent naquit à Venise de l'illustre famille des Justiniani (ou Giustiniani). Il montra dès l'enfance une gravité rare. Son adolescence se passait dans les exercices de la piété, lorsque, invité par la Sagesse divine aux noces très pures du Verbe et de l'âme, il conçut la pensée d'embrasser l'état religieux. C'est pourquoi, préludant secrètement à cette milice nouvelle, il affligeait son corps en différentes manières et couchait sur la planche nue. Puis, comme un arbitre appelé à prononcer, il prenait séance entre, d'une part, les austérités du cloître, de l'autre, les douceurs du siècle et le mariage que lui préparait sa mère ; alors, tournant les yeux vers la croix du Christ souffrant : " C'est vous, disait-il, Seigneur, qui êtes mon espérance ; c'est là que vous avez placé pour moi votre asile très sûr."

Ce fut vers la congrégation des chanoines réguliers de Saint-Georges-in-Alga que le porta sa ferveur. On l'y vit inventer de nouveaux tourments pour sévir plus durement contre lui-même, se déclarant une guerre d'ennemi acharné, ne se permettant aucun plaisir.

Plus jamais il n'entra dans le jardin de sa famille, ni dans la maison paternelle, si ce n'est pour rendre les derniers devoirs à sa mère mourante, ce qu'il fit sans une larme. Non moindre était son zèle pour l'obéissance, la douceur, l'humilité surtout : il allait au-devant des offices les plus abjects du monastère ; il se plaisait à mendier par les lieux les plus fréquentés de la ville, cherchant moins la nourriture que l'opprobre ; les injures, les calomnies ne pouvaient l'émouvoir ni lui l'aire rompre le silence.

Quand, par une grande chaleur, on lui proposait de boire :
" Si nous ne pouvons supporter la soif, disait-il, comment supporterons-nous le feu du purgatoire ?"

Saint Laurent Justinien général de son ordre.
Francesco Morone. XVIe.
 
Il dut un jour subir une opération par le fer et par le feu ; aucune plainte ne sortit de sa bouche : " Allons, disait-il au chirurgien dont la main tremblait, coupez hardiment ; cela ne vaut pas les ongles de fer avec lesquels on déchirait les martyrs."

A un frère qui se lamentait parce que le grenier de la communauté avait brûlé : " Pourquoi donc, dit-il, avons-nous fait le voeu de pauvreté ? Cet incendie est une grâce de Dieu pour nous !"
Ses vertus l'élevèrent bientôt aux fonctions de général de son Ordre.

Saint Laurent Justinien adorant le Saint Enfant Jésus
dans une vision. Giordano Luca.
Eglise Sainte Marie-Madeleine. Rome. XVII.

Son grand secours était dans la prière continuelle ; souvent l'extase le ravissait en Dieu ; telle était l'ardeur dont brûlait son âme, qu'elle embrasait ses compagnons, les prémunissant contre la défaillance, les affermissant dans la persévérance et l'amour de Jésus-Christ.

Vision de saint Laurent Justinien. A. Pellegrini. XVIIe.
 
Elevé par Eugène IV à l'épiscopat de sa patrie, l'effort qu'il fit pour décliner l'honneur ne fut dépassé que par le mérite avec lequel il s'acquitta de la charge. Il ne changea en rien sa manière de vivre, gardant jusqu'à la fin pour la table, le lit, l'ameublement, la pauvreté qu'il avait toujours pratiquée. Il ne retenait à ses gages qu'un personnel réduit de familiers, disant qu'il avait une autre grande famille, par laquelle il entendait les pauvres du Christ. Quelle que fût l'heure, on le trouvait toujours abordable ; sa paternelle charité se donnait a tous, n'hésitant pas à s'endetter pour soulager la misère.

Comme on lui demandait sur quelles ressources il comptait, ce faisant, il répondait :
" Sur celles de mon Seigneur, qui pourra facilement payer pour moi."

Saint Laurent Justinien donnant la sainte communion
à des religieuses cloîtrées. F. Morone.
 
 Et toujours, par les secours les plus inattendus, la Providence divine justifiait sa confiance : " Allons quêter des mépris, disait-il à son compagnon de quête, lorsqu'il y avait quelque avanie à souffrir ; nous n'avons rien fait, si nous n'avons renoncé au monde."

Il bâtit plusieurs monastères de vierges, et forma diligemment leurs habitantes à marcher dans les voies de la vie parfaite. Son zèle s'employa à détourner les matrones vénitiennes des pompes du siècle et des vaines parures, comme à réformer la discipline ecclésiastique et les mœurs.

Aussi fût-ce à bon droit que le même Eugène IV l'appela, en présence des cardinaux, la gloire et l'honneurde la prélature. Ce fut également pour reconnaître son mérite, que le successeur d'Eugène, Nicolas V, ayant transféré le titre patriarcal de Grado à Venise, l'institua premier patriarche de cette ville.

Saint Laurent Justinien prenant possession de
l'archevêché-patriarcat de Venise. Domenico Corvi.
Basilique Saint-Marc. Venise. XVIIe.
 
Honoré du don des larmes, il offrait tous les jours au Dieu tout-puissant l'hostie d'expiation. C'est en s'en acquittant une fois dans la nuit de la Nativité du Seigneur, qu'il mérita de voir sous l'aspect d'un très bel enfant le Christ Jésus. Efficace était sa garde autour du bercail à lui confié ; un jour, on sut du ciel que l'intercession et les mérites du Pontife avaient sauvé la république. Eclairé de l'esprit de prophétie, il annonça d'avance plusieurs événements que nul homme ne pouvait prévoir.

Maintes fois ses prières mirent en fuite maladies et démons. Bien qu'il n'eût presque point étudié la grammaire, il a laissé des livres remplis d'une céleste doctrine et respirant l'amour.

Cependant la maladie qui devait l'enlever de ce monde venait de l'atteindre ; ses gens lui préparaient un lit plus commode pour sa vieillesse et son infirmité ; mais lui, manifestant sa répulsion pour des délices trop peu en rapport avec la dure croix de son Seigneur mourant, voulut qu'on le déposât sur sa couche ordinaire. Sentant venue la fin de sa vie : " Un chrétien, dit-il avec saint Martin, doit mourir sur la cendre et le cilice." " Je viens à vous, Ô bon Jésus !" dit-il, les yeux levés au ciel. Ce fut le huit janvier qu'il s'endormit dans le Seigneur.

Saint Laurent Justinien sur son lit de mort. F. Morone.

Combien sa mort avait été précieuse, c'est ce qu'attestèrent les concerts angéliques entendus par plusieurs Chartreux, et la conservation de son saint corps qui, pendant plus de deux mois que la sépulture en fut dilférée, demeura sans corruption, avec les couleurs de la vie et exhalant un suave parfum. D'autres miracles suivirent aussi cette mort, lesquels amenèrent le Souverain Pontife Alexandre VIII à l'inscrire au nombre des Saints. Innocent XII désigna pour sa fête le cinquième jour de septembre, où il avait été d'abord élevé sur la chaire des pontifes.

EXTRAITS DE SAINT LAURENT JUSTINIEN

" Venez, vous tous que sollicite l'attrait du bien immuable, et qui vainement le demandez à ce siècle qui passe ; je vous dirai ce que le ciel a fait pour moi. Comme vous jadis je cherchais fiévreusement ; et ce monde extérieur ne donnait point satisfaction à mon désir brûlant. Mais, par la divine grâce qui nourrissait mon angoisse, enfin m'est apparue, plus belle que le soleil, plus suave que le baume, Celle dont alors le nom m'était ignoré. Venant à moi, combien son visage, était doux ! combien pacifiante était sa voix, me disant : " Ô toi dont la jeunesse est toute pleine de l'amour que je t'inspire, pourquoi répandre ainsi ton cœur ? La paix que tu cherches par tant de sentiers divers est avec moi ; ton désir sera comblé, je t'en donne ma foi : si, cependant, tu veux de moi pour épouse."

J'avoue qu'à ces mots défaillit mon cœur ; mon âme fut transpercée du trait de son amour. Comme toutefois je désirais savoir son nom, sa dignité, son origine, die me dit qu'elle se nommait la Sagesse de Dieu, laquelle, invisible d'abord au sein du Père, avait pris d'une Mère une nature visible pour être plus facilement aimée. Alors, en grande allégresse, je lui donnai consentement ; et elle, me donnant le baiser, se retira joyeuse."

[...] " Depuis, la flamme de son amour a été croissant, absorbant mes pensées. Ses délices durent toujours ; c'est mon épouse bien-aimée, mon inséparable compagne. Par elle, la paix que je cherchais fait maintenant ma joie. Aussi, écoutez-moi, vous tous : allez à elle de même; car elle met son bonheur à ne rebuter personne."

Saint Laurent Justinien. Fasciculus amoris, chap. XVI.

PRIERE ET ELOGE DE SAINT LAURENT JUSTINIEN

" Ô Sagesse qui résidez sur votre trône sublime, Verbe par qui tout fut fait, soyez-moi propice dans la manifestation des secrets de votre saint amour."

C'était, Laurent, votre prière, lorsque craignant d'avoir à répondre du talent caché si vous gardiez pour vous seul ce qui pouvait profitera plusieurs, vous résolûtes de divulguer d'augustes mystères. Soyez béni d'avoir voulu nous faire partager le secret des cieux. Par la lecture de vos dévots ouvrages, par votre intercession près de Dieu, attirez-nous vers les hauteurs comme la flamme purifiée qui ne sait plus que monter toujours. Pour l'homme, c'est déchoir de sa noblesse native que de chercher son repos ailleurs qu'en Celui dont il est l'image. Tout ici-bas n'est que pour nous traduire l'éternelle beauté, nous apprendre à l'aimer, chanter avec nous notre amour.

Quelles délices ne furent pas les vôtres, à ces sommets de la charité, voisins du ciel, où conduisent les sentiers de la vérité qui sont les vertus ! C'est bien de vous-même en cette vie mortelle que vous faites le portrait, quand vous dites de l'âme admise à l'ineffable intimité de la Sagesse du Père : Tout lui profite ; où qu'elle se tourne, elle n'aperçoit qu'étincelles d'amour ; au-dessous d'elle, le monde qu'elle a méprisé se dépense à servir sa flamme ; sons, spectacles, suavités, parfums, aliments délectables, concerts de la terre et rayonnement des cieux, elle n'entend plus, elle ne voit plus dans la nature entière qu'une harmonie d'épithalame et le décor de la fête où le Verbe l'a épousée. Ô ! Puissions-nous marcher comme vous à la divine lumière, vivre d'union et de désir, aimer plus toujours, pour toujours être aimé davantage."

De castoconnubio Verbi et animae.

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