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mardi, 15 octobre 2024

15 octobre. Sainte Thérèse d'Avila, vierge, fondatrice des Carmes et des Carmélites déchaussés. 1582.

- Sainte Thérèse d'Avila, vierge, fondatrice des Carmes et des Carmélites déchaussés. 1582.

Pape : Grégoire XIII. Roi d'Espagne : Philippe II.

" Nous n'obtenons pas un pur et parfait amour de Dieu, parce que nous ne donnons pas tout à Dieu, mais seulement l'usufruit, et que nous nous réservons le fonds et l'héritage de nos affections."
Sainte Thérèse d'Avila.

Sainte Thérèse d'Avila. Anonyme. Savoie. XVIIe.

Thérèse de Cepeda y Ahumada naquit à Avila en Espagne, de parents illustres par leur piété comme par leur noblesse. Nourrie par eux du lait de la crainte du Seigneur, elle fournit dès le plus jeune âge un indice admirable de sa sainteté future.

Comme, en effet, elle lisait les actes des saints Martyrs, le feu du Saint-Esprit embrasa son âme au point que, s'étant échappée de la maison paternelle, elle voulait gagner l'Afrique afin d'y donner sa vie pour la gloire de Jésus-Christ et le salut des âmes. Ramenée par un de ses oncles, elle chercha dans l'exercice de l'aumône et autres œuvres pies une compensation à son désir ardent du martyre ; mais ses larmes ne cessaient plus, de s'être vu enlever la meilleure part.

Sainte Thérèse d'Avila. Pierre-Paul Rubens. XVIIIe.

A la mort de sa mère, la bienheureuse Vierge, suppliée par Thérèse de lui en tenir lieu, exauça le désir de son cœur ; toujours dès lors elle éprouva comme sa vraie fille la protection de la Mère de Dieu. Elle entra, dans sa vingtième année, chez les religieuses de Sainte-Marie du Mont Carmel ; dix-huit années durant, sous le faix de graves maladies et d'épreuves de toutes sortes, elle y soutint dans la foi les combats de la pénitence, sans ressentir le réconfort d'aucune de ces consolations du ciel dont l'abondance est, sur terre même, l'habituel partage de la sainteté.

Ses vertus étaient angéliques ; le zèle de sa charité la poussait, à travailler au salut, non d'elle seule, mais de tous. Ce fut ainsi que, sous l'inspiration de Dieu et avec l'approbation de Pie IV, elle entreprit de ramener la règle du Carmel à sa sévérité première, en s'adressant d abord aux femmes, aux hommes ensuite.

Extase de sainte Thérèse d'Avila. Jean-Baptiste Santerre. XVIIIe.

Entreprise sur laquelle resplendit la bénédiction toute-puissante du Dieu de bonté ; car, dans sa pauvreté, dénuée de tout secours humain, bien plus, presque toujours malgré l'hostilité des puissants , l'humble vierge put édifier jusqu'à trente-deux monastères. Ses larmes coulaient sans trêve à la pensée des ténèbres où infidèles et hérétiques étaient plongés ; et dans le but d'apaiser la divine colère qu'ils avaient encourue, elle offrait à Dieu pour leur salut les tortures qu'elle s'imposait dans sa chair.

Tel était l'incendie d'amour divin dont brûlait son cœur, qu'elle mérita de voir un Ange transpercer ce cœur en sa poitrine d'un dard enflammé, et qu'elle entendit le Christ, prenant sa main droite en la sienne, lui adresser ces mots :
" C'est à titre d'épouse que désormais tu prendras soin de mon honneur."

Par son conseil, elle émit le difficile vœu de faire toujours ce qui lui semblerait le plus parfait. Elle a laissé beaucoup d'ouvrages remplis d'une sagesse céleste ; en les lisant, l'âme fidèle se sent grandement excitée au désir de l'éternelle patrie.

Communion de sainte Thérèse d'Avila. Claudio Coelo. XVIIe.

Tandis qu'elle ne donnait que des exemples de vertus, telle était l'ardeur du désir qui la pressait de châtier son corps, qu'en dépit des maladies dont elle se voyait affligée, elle joignait à l'usage du cilice et des chaînes de fer celui de se flageller souvent avec des orties ou de dures disciplines, quelquefois de se rouler parmi les épines.

Sa parole habituelle était : " Seigneur, ou souffrir, ou mourir " ; car cette vie qui prolongeait son exil loin de la patrie éternelle et de la vie sans fin, lui paraissait la pire des morts.

Elle possédait le don de prophétie ; et si grande était la prodigalité du Seigneur à l'enrichir de ses dons gratuits, que souvent elle le suppliait à grands cris de modérer ses bienfaits, de ne point perdre de vue si promptement la mémoire de ses fautes. Aussi fût-ce moins de maladie que de l'irrésistible ardeur de son amour pour Dieu qu'elle mourut a Albe, au jour prédit par elle, munie des sacrements de l'Eglise, et après avoir exhorté ses disciples à la paix, à la charité, à l'observance régulière.

Extase de sainte Thérèse d'Avila. Le Bernin. XVIIe.

Ce fut sous la forme d'une colombe qu'elle rendit son âme très pure à Dieu, âgée de soixante-sept ans, l'an mil cinq cent quatre-vingt-deux , aux ides d'octobre selon le calendrier romain réformé (1). On vit Jésus-Christ assister, entouré des phalanges angéliques, à cette mort ; un arbre desséché, voisin de la cellule mortuaire, se couvrit de fleurs au moment même qu'elle arriva.

Le corps de Thérèse, demeuré jusqu'à ce jour sans corruption et imprégné d'une liqueur parfumée, est l'objet de la vénération des fidèles. Les miracles qu'elle opérait durant sa vie continuèrent après sa mort, et Grégoire XV la mit au nombre des Saints en 1622 en même temps que saint François-Xavier, saint Philippe de Néri, saint Ignace de Loyola et saint Isidore de Séville.

Sainte Thérèse d'Avila, saint François-Xavier, saint Philippe Néri,
saint Ignace de Loyola et saint Isidore de Séville aux pieds de
Notre Seigneur Jésus-Christ. Ces saints furent tous canonisés en
1622 par Grégoire XV. Guy François. Le Puy-en-Velay. XVIIe.

PRIERE

" Vous le trouviez déjà dans la souffrance de cette vie, ô Thérèse, le Bien-Aimé qui se révèle à vous dans la mort. " Si quelque chose pouvait vous ramener sur la terre, ce serait le désir d'y souffrir encore plus (Apparition au P. Gratien.)."

" Je ne m'étonne pas, dit en cette fête à votre honneur le prince des orateurs sacrés, je ne m'étonne pas que Jésus ait voulu mourir : il devait ce sacrifice à son Père. Mais qu'était-il nécessaire qu'il passât ses jours, et ensuite qu'il les finît parmi tant de maux ?
C'est pour la raison qu'étant l'homme de douleurs, comme l'appelait le Prophète
(Isai. LIII, 3.), il n'a voulu vivre que pour endurer ; ou, pour le dire plus fortement par un beau mot de Tertullien, il a voulu se rassasier, avant que de mourir, par la volupté de la patience : Saginari voluptate patientiae discessurus volebat (Tertull. De Patientia). Voilà une étrange façon de parler. Ne diriez-vous pas que, selon le sentiment de ce Père, toute la vie du Sauveur était un festin, dont tous les mets étaient des tourments ? Festin étrange, selon le siècle, mais que Jésus a jugé digne de son goût. Sa mort suffisait pour notre salut ; mais sa mort ne suffisait pas à ce merveilleux appétit qu'il avait de souffrir pour nous. Il a fallu y joindre les fouets, et cette sanglante couronne qui perce sa tête, et tout ce cruel appareil de supplices épouvantables; et cela pour quelle raison ? C'est que ne vivant que pour endurer, il voulait se rassasier, avant que de mourir, de la volupté de souffrir pour nous (Bossuet, Panegyr. de sainte Thérèse.)."

Jusque-là que, sur sa croix, " voyant dans les décrets éternels qu'il n'y a plus rien à souffrir pour lui : Ah ! dit-il, c'en est fait, tout est consommé (Johan. XIX, 3e.) : sortons, il n'y a plus rien à faire en ce monde ; et aussitôt il rendit son âme à son Père (Bossuet, Ibid.)."

Or, si tel est l'esprit du Sauveur Jésus, ne faut-il pas qu'il soit celui de Thérèse de Jésus, son épouse ? " Elle veut aussi souffrir ou mourir ; et son amour ne peut endurer qu'aucune cause retarde sa mort sinon celle qui a différé la mort du Sauveur (Ibid.)."

Sainte Thérèse d'Avila. Filippo della Valle.
Basilique Saint-Pierre, Rome. XVIIIe.

A nous d'échauffer nos cœurs par la vue de ce grand exemple.
" Si nous sommes de vrais chrétiens, nous devons désirer d'être toujours avec Jésus-Christ. Or, où le trouve-t-on, cet aimable Sauveur de nos âmes ? En quel lieu peut-on l'embrasser ? On ne le trouve qu'en ces deux lieux : dans sa gloire ou dans ses supplices, sur son trône ou bien sur sa croix. Nous devons donc, pour être avec lui, ou bien l'embrasser dans son trône, et c'est ce que nous donne la mort, ou bien nous unir à sa croix, et c'est ce que nous avons par les souffrances ; tellement qu'il faut souffrir .ou mourir, afin de ne quitter jamais le Sauveur. Souffrons donc, souffrons, chrétiens, ce qu'il plaît à Dieu de nous envoyer : les afflictions et les maladies, les misères et la pauvreté, les injures et les calomnies ; tâchons de porter d'un courage ferme telle partie de sa croix dont il lui plaira de nous honorer (Bossuet, Ibid.)."

" Vous que l'Eglise présente comme maîtresse et mère à ses fils dans les sentiers de la vie spirituelle, enseignez-nous ce fort et vrai christianisme. La perfection sans doute ne s'acquiert pas en un jour ; et, vous le disiez, " nous serions bien à plaindre, si nous ne pouvions chercher et trouver Dieu qu'après être morts au monde : Dieu nous délivre de ces gens si spirituels qui veulent, sans examen et sans choix, ramener tout à la contemplation parfaite (A l'évêque d'Avila, mars 1577, une des plus gracieuses lettres de la Sainte.) !"
Mais Dieu nous délivre aussi de ces dévotions mal entendues, puériles ou niaises, comme vous les appeliez, et qui répugnaient tant à la droiture, à la dignité de votre âme généreuse (Vie, XIII.) !

Vous ne désiriez d'autre oraison que celle qui vous ferait croître en vertus ; persuadez-nous, en effet, du grand principe en ces matières, à savoir que " l'oraison la mieux faite et la plus agréable à Dieu est celle qui laisse après elle de meilleurs effets s'annonçant par les œuvres, et non pas ces goûts qui n'aboutissent qu'à notre propre satisfaction (Au Père Gratien, 23 octobre 1377.)."
Celui-là seul sera sauvé qui aura observé les commandements, accompli la loi ; et le ciel, votre ciel, Ô Thérèse, est la récompense des vertus que vous avez pratiquées, non des révélations ni des extases qui vous furent accordées (Apparition à la Prieure de Véas.).

De ce séjour où votre amour s'alimente au bonheur infini comme il se rassasiait ici-bas de souffrances, faites que l'Espagne, où vous naquîtes, garde chèrement en nos temps amoindris son beau titre de catholique. N'oubliez point la si large part que la France, menacée dans sa foi, eut à votre détermination de rappeler le Carmel à son austérité primitive (Chemin de la perfect. I.). Puisse la bénédiction du nombre favoriser vos fils, non moins que celle du mérite et de la sainteté. Sous toutes les latitudes où l'Esprit a multiplié vos filles, puissent leurs asiles bénis rappeler toujours " ces premiers colombiers de la Vierge où l'Epoux se plaisait à faire éclater les miracles de sa grâce (Fondations, IV.)."

Carmel d'Avila où l'on vénère le corps de
sainte Thérèse d'Avila. Espagne.

Vous fîtes du triomphe de la foi, du soutien de ses défenseurs, le but de leurs oraisons et de leurs jeûnes (Chemin de la perfect. I, III.) : quel champ immense ouvert à leur zèle en nos tristes jours ! Avec elles, avec vous, nous demandons à Dieu " deux choses : la première, que parmi tant d'hommes et de religieux, il s'en rencontre qui aient les qualités nécessaires pour servir utilement la cause de l'Eglise, attendu qu'un seul homme parfait rendra plus de services qu'un grand nombre qui ne le seraient pas ; la seconde que dans la mêlée Notre-Seigneur les soutienne de sa main, pour qu'ils échappent aux périls et ferment l'oreille aux chants des sirènes... Ô Dieu ayez pitié de tant d'âmes qui se perdent, arrêtez le cours de tant de maux qui affligent la chrétienté et, sans plus tarder, faites briller votre lumière au milieu de ces ténèbres (Chemin de la perfection, I, III.)."

Rq : On trouvera la presque totalité des oeuvres de sainte Thérèse d'Avila sur la page de ce site :
http://www.jesusmarie.com/therese_d_avila.html

(1) Grégoire XIII avait arrêté que, pour opérer cette réforme, on supprimerait dix jours de l'année 1582, et que le lendemain du 4 octobre s'appellerait le 15 du même mois ; ce fut dans cette nuit historique du 4 au 15 que mourut sainte Thérèse.

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lundi, 14 octobre 2024

14 octobre. Saint Calixte Ier, pape et martyr. 222.

- Saint Calixte Ier, pape et martyr. 222.

Papes : Saint Zéphirin ; saint Urbain Ier. Empereur romain : Alexandre Sévère.

" Corona aurea super mitram ejus expressa signo sanctitatis."
" Vous verrez au-dessus de sa mitre une couronne d'or ; ce sera pour vous une preuve de sa sainteté."

Eccli., XXXIX, 14.

Saint Calixte. Missel Romain. Avignon. XIVe.

Celui-là fut un signe de contradiction dans Israël (Luc. II, 34.). Autour de lui ou contre lui se groupèrent de son temps les baptisés ; or, l'émoi qu'excitait son nom il y a seize cents ans n'apparut pas moindre, lorsqu'au milieu du siècle qui finit, la découverte d'un livre fameux offrit aux sectaires de nos jours l'occasion de se compter comme ceux d'autrefois contre Calixte et l'Eglise. Philosophumena ou réfutation des hérésies : c'était le titre du livre, qui remontait par sa date décomposition au troisième siècle de notre ère ; Calixte, dont on présentait le caractère et la vie sousles plus sombres couleurs, y était rangé parmi les pires corrupteurs de la doctrine.

Au IIIe siècle cependant, l'auteur des Philosophumena s'attaquant au Pontife qu'il eût voulu supplanter, dressant dans Rome, comme il l'avoue, chaire contre chaire, ne fit qu'afficher devant l'Eglise sa propre honte, en prenant place lui-même parmi les dissidents dont son ouvrage se donnait comme la réfutation et l'histoire. Le nom de ce premier des antipapes ne devait pas arriver jusqu'à nous ; mais, suprême châtiment ! dédaignée des contemporains, l'oeuvre de sa plume envieuse viendrait à l'heure voulue réveiller l'attention endormie de la lointaine postérité ; l'impartiale critique des derniers âges, écartant les insinuations, mais retenant les faits apportés par l'accusateur, les apprécierait à la lumière des multiples données de la science, et dégagerait de ses perfidies les éléments de la glorification la plus inattendue pour son rival détesté. Ainsi, une fois de plus, l'iniquité se serait menti à elle-même (Psalm. XXVI, 12.) ; ainsi se vérifierait la parole de l'Evangile du jour : Il n'y a rien de caché qui ne se découvre enfin, rien de secret qui ne doive être connu (Matth. X, 26.).

Saint Calixte. Gravure. Rome. XVIe.

Ecoutons le plus grand des archéologues chrétiens ; l'enthousiasme s'empare de son intelligence si sûre, si réservée, à tant de lumière jaillissant d'une telle source :

" Tout cela, s'écrie le Commandeur de Rossi dans l'étude de l'odieux document, tout cela me fait clairement voir pourquoi l'accusateur dit de Calixte avec ironie qu'il fut réputé le très admirable ; pourquoi, lorsque toute connaissance des actes de celui-ci était perdue, son nom pourtant est venu jusqu'à nous si grand et si vénéré ; pourquoi dans les siècles troisième et quatrième, où la mémoire de son gouvernement était fraîche encore, il fut plus honoré qu'aucun de ses prédécesseurs ou successeurs de l'âge des persécutions. Calixte régit l'Eglise quand elle était à l'apogée du premier stade de sa course divine, et s'acheminait à de nouveaux et plus grands triomphes. La foi chrétienne, embrassée d'abord par chaque croyant en son nom propre, était devenue la foi des familles, et les pères en faisaient profession pour eux et pour leurs enfants.

Ces familles formaient la presque majorité déjà dans chaque ville ; la religion du Christ était à la veille de devenir la religion publique du peuple et de l'empire. Que de problèmes nouveaux de droit social chrétien, de droit ecclésiastique, de discipline morale, ne surgissaient pas tous les jours dans le champ de l'Eglise, étant donnée sa grande situation de l'heure présente, étant donné l'avenir encore plus grand qui s'ouvrait devant elle !

Calixte résolut ces doutes ; il régla les jugements relatifs à la déposition des clercs, prit les mesures qui s'imposaient pour ne pas détourner les catéchumènes du baptême, les pécheurs de la pénitence ; il définit la notion de l'Eglise que le génie d'Augustin devait développer plus tard (Quo referendum aiebat Apostoli verbum : Tu quis es qui judices servum alienum ? Atque etiam lolii parabolam, Sinite zizania crescere cum tritico, id est, sinite peccatores in Ecclesia manere. Dicebat etiam Ecclesiae instar arcam Noe fuisse, qua canes, lupi, corvi, aliaque omnia pura et impura animantia comprehendebantur ; oportere autem item esse de Ecclesia. Philosophumena, Lib IX, de Callisto.). En face des lois civiles, il affirma le droit de la conscience chrétienne et celui de l'Eglise touchant le mariage de ses fidèles. Il ne connut esclaves ni libres, grands ou petits, nobles ou plébéiens dans la fraternité évangélique qui minait les bases de la société romaine et adoucissait l'inhumanité des mœurs. Et c'est pourquoi son nom est grand jusqu'à nos jours ; et c'est pourquoi la voix des jaloux ou de ceux qui mesuraient les temps à l'étroitesse de leur esprit superbe, fut étouffée sous le cri de l'admiration et méprisée." (De Rossi, Bullettino, 1866, N. 1, 2, 5, 6.).

Saint Calixte instituant les jeûnes.
Legenda aurea. Bx J. de Voragine. J. de Montbaston. XIVe.

L'espace nous manque pour faire suivre des développements qu'il comporterait cet exposé magistral. On sait comment, à l'heure où Cécile vierge et martyre céda aux Pontifes le lieu primitif de son repos dans la mort, Calixte, alors diacre de Zéphyrin, disposa l'hypogée des Cœcilii pour ses destinées nouvelles. Auguste crypte en laquelle, pour la  première fois, l'Etat reconnut à l'Eglise son droit de posséder sur terre ; sanctuaire autant que nécropole, où jusqu'au triomphe de la Croix Rome chrétienne accumula pour le lourde la résurrection ses  trésors. Jugé le plus digne de rappeler tant de gloires, le nom donné à ce Cimetière par excellence fut celui de notre grand Pontife martyr, bien que la Providence eût arrêté que lui-même n'y reposerait jamais. Sous le règne bienveillant d'Alexandre Sévère, il perdit la vie au quartier du Transtévère, dans une sédition des païens contre lui.

La cause en fut sans doute l'acquisition qu'il avait faite de la  fameuse Taberna meritoria du sol de laquelle, au temps d'Auguste, une fontaine d'huile avait jailli  et coulé tout un jour. Le Pontife érigea ce lieu en église, et le dédia à la Mère du Sauveur ; c'est la basilique de Sainte-Marie au delà du Tibre. La propriété en fut disputée à Calixte, et la cause déférée à l'empereur, qui décida pour les chrétiens (Lamprid. in Alex. Severo, C  XIX.), La mort violente de Calixte semble une vengeance des adversaires, et elle eut lieu tout près de l'édifice que sa fermeté avait conservé à l'Eglise. Les séditieux le précipitèrent dans un puits, que l'on  voit encore dans l'église de Saint-Calixte, à quelques pas seulement de la basilique Transtibérine. La sédition ne permit pas de transporter le corps du martyr sur la voie  Appienne; on le déposa dans un cimetière déjà ouvert  sur la voie Aurélia, où sa sépulture donna origine à un nouveau centre historique de Rome souterraine (Histoire de sainte Cécile, 1849, p. 5 ; Sainte Cécile et la société romaine aux deux premiers siècles, 1874, p. 424.).

Saint Calixte baptisant Palmatius et sa famille. Le consul Palmatius
sacrifiait aux idoles, il les brûla désormais. Speculum historiale.
V. de Beauvais. XVe.

Calixte, né à Rome, gouverna l'Eglise au temps de l'empereur Antonin Héliogabale. Il établit les Quatre-Temps, ordonnant que le jeûne dont la tradition venait des Apôtres y serait observé par tous. Il construisit la basilique de Sainte-Marie au delà du Tibre, et agrandit sur la voie Appienne un ancien cimetière où grand nombre de saints Pontifes et de Martyrs furent ensevelis ; on l'appela de lui le cimetière de Calliste.

De son temps, la partie la plus élevée de la ville de Rome fut détruite par un incendie, et la main gauche de la statue d'or de Jupiter fut fondue. Tous les prêtres vinrent alors demander à Alexandre qu'on apaisât la colère des dieux par des sacrifices. Or, pendant la cérémonie, tout à coup, par un ciel calme, le matin du jour de Jupiter (jeudi), quatre prêtres des idoles furent écrasés par la foudre, l’autel de Jupiter fut brûlé et le soleil s'obscurcit, au point que le peuple de Rome s'enfuit hors des murs de la ville.

Sous le prétexte de la purifier, le consul Palmatius, informé que Calixte avec ses clercs était caché au delà du Tibre, sollicita la destruction totale des chrétiens, auxquels on attribuait ces malheurs. Palmatius ayant pris le pouvoir s'y rendit en toute hâte, accompagné de soldats ; mais ceux-ci furent aussitôt frappés d'aveuglement ; alors, le consul effrayé eu apporta de suite la nouvelle à Alexandre.

L'empereur ordonna donc que le jour dédié à Mercure (mercredi), tout le peuple se rassemble pour sacrifier à ce dieu, afin d'obtenir de lui une réponse au sujet de ces accidents. Sur ces entrefaites, une vierge du temple, nommée Julienne, fut saisie par le démon, et s'écria :
" Le Dieu de Calixte est le Dieu vivant et véritable ; il est indigné de notre corruption."
Quand Palmatius eut entendu ces paroles, il alla, au delà du Tibre, trouver à Ravenne saint Calixte et se fit baptiser par lui, avec sa femme et sa famille.

Saint Calixte instituant les jeûnes. Vies de Saints. XIVe.

L'empereur, à cette nouvelle, manda le consul et l’adressa au sénateur Simplicius, afin qu'il le gagnât par des avis insinuants, car ce personnage était fort utile à l’Etat. Or, comme Palmatius persévérait dans les jeûnes et dans la prière, un soldat vint lui promettre que, s'il guérissait sa femme paralytique, il croirait aussitôt. Palmatius ayant prié, la femme fut guérie et accourut lui dire :
" Baptisez-moi an nom du Christ, qui m’a pris par la main et m’a fait lever."
Alors Calixte vint la baptiser avec son mari, Simplicius et beaucoup d'autres.
Quand l’empereur l’apprit, il ordonna de couper la tête de tous les baptisés. Privatus venait à peine d'embrasser la foi, qu'il mourait lui aussi pour elle sous les coups de fouets armés de plomb.

Pour Calixte, il le fit rester cinq jours sans manger ni boire. Mais lorsqu'il vit que le Saint était loin de perdre ses forces, il ordonna de le fouetter chaque jour ; ensuite, il le fit jeter du haut d'une fenêtre dans un puits, avec une pierre attachée au cou.

Le prêtre Astérius retira le corps du saint pape hors du puits, et l’ensevelit dans le cimetière de Calépodius, au troisième mille sur la voie Aurélia. C'était la veille des ides d'octobre. Son corps fut par la suite ramené dans la basilique de Sainte-Marie-Au-Delà-Du-Tibre, qu'il avait bâtie, et placé sous l'autel majeur où on l'entoure d'une grande vénération.
Quelques temps auparavant en effet, le corps du bienheureux Calépodius (ou Callopodius), prêtre et Martyr, ayant été jeté au Tibre, saint Calixte dans sa piété l'avait fait rechercher avec grand soin, et, l'ayant trouvé, ensevelit avec honneur.

Calliste avait siégé cinq ans, un mois et douze jours. Il avait notamment institué et fixé l'essentiel des jeûnes annuels. En cinq ordinations au mois de décembre, il avait créé seize prêtres, quatre diacres, huit évêques.

Abside de la basilique Sainte-Marie-Au-Delà-Tibre, construite par
saint Calixte ; on y vénère toujours ses saintes reliques. Rome IIIe-Ve.

PRIERE

" L'Esprit-Saint, qui garde l'Eglise, vous prépara comme un auxiliaire d'élite dans la souffrance et l'humiliation. Vous naquîtes esclave ; la fourberie judaïque sema de bonne heure les embûches sous vos pas ; jeune encore, les mines de Sardaigne comptaient en vous un forçat déplus, mais c'était pour le Seigneur. Serf de la peine, comme disait l'ancienne Rome, vous ne l'étiez plus de votre ancien maître ; et délivré des mines à l'heure marquée par Celui qui conduit les événements au gré de sa providence, le titre de Confesseur, en vous ennoblissant pour jamais, vous recommandait à l'attention maternelle de l'Eglise.

Tels apparurent dès lors votre mérite et vos vertus, qu'inaugurant le plus long pontificat de l'époque des martyrs, Zéphyrin vous choisit pour le conseiller, l'appui, le suppléant de sa vieillesse ; en attendant que l'Eglise, suffisamment instruite par l'expérience de ces dix-huit années, vous élût à son tour comme pasteur suprême.

Saint Calixte. Missel Romain. Berry. XIVe.

Combien grande vous la laissez aujourd'hui, cette noble Epouse du Fils de Dieu ! Toute la noblesse des anciens âges, toute la valeur morale, tout l'essor intellectuel de l'humanité apparaissent concentrés en elle à cette heure. Où sont les mépris de jadis, les calomnies d'antant ? Le monde n'ignore plus qu'il a devant lui la reine de l'avenir ; l'atrocité des persécutions que l'Etat païen lui réserve encore viendra de cette conviction qu'il s'agit pour lui de la lutte, et d'une lutte désespérée, pour la vie. Aussi hésite-t-il, et semble-t-il plutôt vouloir aujourd'hui transiger avec les chrétiens.

Vous fûtes l'initiateur des voies nouvelles, pleines de péril comme de grandeur, où entrait l'Eglise. De l'absolu et brutal Non licet esse vos (Il ne vous est pas permis d'être) des jurisconsultes bourreaux, vous sûtes le premier amener l'empire à reconnaître en quelque chose officiellement les droits de la communauté chrétienne : Cécile assurait par vous à celle-ci la propriété de la tombe, la faculté de se réunir, de se cotiser, pour honorer ses morts ; à Marie, Fons olei, et ce fut l'occasion de votre martyre, il vous était donné de consacrer le premier sanctuaire légalement acquis dans Rome aux chrétiens. Or, loin de céder, quoi que ce fût des droits de Dieu, en pactisant avec César, vous affirmiez dans le même temps à l'encontre de celui-ci, comme nul ne l'avait fait encore, l'indépendance absolue de l'Eglise concernant cette question du mariage soustraite de par le Christ-roi à la juridiction des pouvoirs civils. D'ores et déjà, " ne dirait-on pas une nation dans la nation ?" oui ; jusqu'à ce que la nation elle-même ait  passé tout entière  dans les rangs de ce peuple nouveau ". (Le Temps pascal, t. II ; Jeudi de la troisième semaine après Pâques).

Crypte des papes. Catacombes Saint-Calixte. IIIe.

Au sein de l'Eglise, autres soucis, l'ardeur des luttes doctrinales est à son comble et s'est portée sur le premier de nos mystères : Sabellius, condamné pour son audace à déclarer incompatible avec l'unité de Dieu la réelle distinction de la Trinité sainte, laisse le champ libre à l'école qui sépare les augustes personnes au risque de multiplier Dieu même. Puis c'est Montan, dont les disciples, ennemis des théories sabelliennes antérieurement à Sabellius même, escomptent la faveur du premier Siège pour leur système de fausse mystique et de réforme outrée. Mais comme le pilote expérimenté déjoue les écueils, entre les subtilités des dogmatisants, les prétentions des rigoristes, les utopies des politiques, vous dirigiez d'une main dont la sûreté était celle de l'Esprit-Saint lui-même la barque de Pierre à ses immortelles destinées. En la mesure où Satan vous déteste et vous poursuit jusqu'à nos jours, soyez glorifié à jamais ; bénissez en nous vos disciples et vos fils."

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