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vendredi, 08 septembre 2023

8 septembre. Nativité de la Bienheureuse Vierge Marie.

- La nativité de la Bienheureuse Vierge Marie, à Jérusalem dans la Maison Probatique.

" Marie naît pour devenir l'instrument du salut du monde, la médiatrice des anges et des hommes, la réparatrice de l'univers."
M. l'abbé Combalot. Conférence sur les grandeurs de Marie.

Nativité de la Bienheureuse Vierge Marie. Fra Filippo Lippi. XVe.

La maison probatique est la maison de saint Joachim et de sainte Anne qui se trouve à proximité du Temple et non loin de la Piscine probatique.

La porte Saint-Etienne s’appelait au temps du Christ la porte des brebis, parce que les animaux destinés à être sacrifiés au Temple passaient par là. A côté de la porte, deux énormes bassins de retenue, profonds de 13 mètres, avaient été creusés dans le roc pour retenir les eaux de ruissellement issues de la colline.

La porte Saint-Etienne, anciennement Porte des brebis. Jérusalem.

Une canalisation permettait d’alimenter en eau le Temple tout proche. Au temps d’Hérode le Grand, les nombreux sacrifices et les ablutions rituelles employaient d’énormes quantités d’eau qui nécessitèrent de nouveaux travaux plus proches du Temple.

Reste de la piscine probatique. Jérusalem.

De ce fait les anciennes citernes devinrent des bains publics et évidemment des thermes où se pratiquait le culte d’Esculape, le dieu d’Epidaure chargé par les Anciens de guérir les malades. On trouvait donc dans cette ancienne dépendance du Temple un complexe païen associant sanctuaire et pratiques magiques, piscine, promenade et peut-être un portique construit entre les deux bassin qui expliquerait l’expression de saint Jean : la piscine aux cinq portiques. Elle fut bientôt transformée en église puis en Basilique.

Il faut assurément chercher l'origine de la fête de la Nativité de la sainte Vierge en Orient où le synaxaire de Constantinople la marquait déjà au 8 septembre1, selon ce qu’avait décrété l’empereur Maurice (582 + 602). Il est probable que l’Eglise de Jérusalem fut la première à honorer le souvenir de la Nativité de Notre-Dame qu’elle célébrait dans une basilique proche de la piscine probatique, sur l’emplacement de la maison où, suivant la tradition, serait née la sainte Vierge.

La Nativité de la sainte Vierge est mentionnée dans les homélies d'André de Crète (660-740) :

" Aujourd'hui comme pour des noces, l'Eglise se pare de la perle inviolée, de la vraie pureté. Aujourd'hui, dans tout l'éclat de sa noblesse immaculée, l'humanité retrouve, grâce aux mains divines, son premier état et son ancienne beauté. Les hontes du péché avaient obscurci la splendeur et les charmes de la nature humaine ; mais, lorsque naît la Mère de celui qui est la Beauté par excellence, cette nature recouvre en elle ses anciens privilèges, elle est façonnée suivant un modèle parfait et entièrement digne de Dieu.

Et cette formation est une parfaite restauration et cette restauration est une divinisation et cette divinisation, une assimilation à l'état primitif. Aujourd'hui, contre toute espérance, la femme stérile devient mère et cette mère, donnant naissance à une descendance qui n'a pas de mère, née elle-même de l'infécondité, a consacré tous les enfantements de la nature. Aujourd'hui est apparu l'éclat de la pourpre divine, aujourd'hui la misérable nature humaine a revêtu la dignité royale.

Aujourd'hui, selon la prophétie, le sceptre de David a fleuri en même temps que le rameau toujours vert d'Aaron, qui, pour nous, a produit le Christ rameau de la force. Aujourd'hui, une jeune vierge est sortie de Juda et de David, portant la marque du règne et du sacerdoce de celui qui a reçu, suivant l'ordre de Melchisédech, le sacerdoce d'Aaron. Pour tout dire en un mot, aujourd'hui commence la régénération de notre nature, et le monde vieilli, soumis à une transformation divine, reçoit les prémices de la seconde création."

A Rome, on célébrait alors la dédicace de la basilique du martyr Adrien et il faudra attendre le pontificat du pape Serge Ier (687-701) pour trouver une trace incontestable de la célébration de la Nativité de la sainte Vierge où le Pape, en sandales, faisait procession de la basilique Saint-Adrien à celle de Sainte-Marie-Majeure. Les vieux livres liturgiques assignaient à cette fête les mêmes chants qu'à la solennité de l'Assomption.

Benoît XIV (1740-1758), dans l’Histoire des Mystères et des fêtes, raconte que chaque année, au 8 septembre, un solitaire entendait des chants célestes ; quand il en demanda la cause à Dieu, il lui fut répondu que c'était en l'honneur de la naissance de la Vierge Marie qui se célébrait au Ciel et qu'il en était averti car Marie étant née pour les hommes, il devrait faire en sorte que cette fête fût aussi célébrée sur terre. Le solitaire se rendit auprès du Pape qui, au récit de la vision, institua la fête de la Nativité de la sainte Vierge.

En France, la fête la Nativité de sa sainte Vierge porta longtemps le titre de Notre-Dame Angevine, rappelant que la Vierge Marie, apparut, en 430, près de Saint-Florent, au saint évêque Maurille d'Angers pour lui demander l'institution de la fête de sa Nativité . Avec le concours efficace du roi Robert le Pieux, Fulbert, évêque de Chartres (+1028) contribua beaucoup à introduire la fête de la Nativité de la sainte Vierge dans le nord du Royaume ; la nuit même de cette fête, sa cathédrale ayant été détruite par un incendie, il jeta les fondement de celle que nous connaissons aujourd’hui, dédiée à la Nativité de Notre-Dame.

A la mort le pape Célestin IV (1243), Frédéric II retint prisonniers des cardinaux pour que le conclave ne se réunît pas ; les prisonniers firent le vœu solennel de donner un octave à cette fête s'ils étaient rendus à la liberté ; libérés, ils élurent Innocent IV qui, au premier concile de Lyon (1245) accomplit le vœu. Grégoire XI fit une vigile qui fut célébrée à Anagni.

L'Ecriture ne parle guère de la naissance de la Sainte Vierge et il faut se référer ici aux traditions comme le firent les textes apocryphes en termes merveilleux.

Protévangile de Jacques

Naissance de Marie, la sainte qui engendra Dieu, très glorieuse mère de Jésus-Christ.

Nativité de la Bienheureuse Vierge Marie. Anonyme, XVIIe. Bavière.

Ch. Ier

Dans les histoires des douze tribus d'Israël, on dit que Joachim était un homme comblé de richesses, mais qu'il apportait des offrandes doubles, en disant : " Ce que je donne en excédent sera pour tous ; je l'offre en expiation de mes péchés, pour que le Seigneur me soit propice ".
Etant arrivé le jour solennel du Seigneur où les fils d'Israël apportaient leurs offrandes, Ruben se dressa devant Joachim et lui dit : " Il ne t'est pas permis d'être le premier à déposer tes offrandes, car tu n'as pas engendré en Israël ".
Et Joachim fut comblé de tristesse, et il alla consulter les documents des douze tribus du peuple, disant : " Je verrai dans les documents des douze tribus d'Israël si j'ai été seul à n'avoir pas engendré en Israël ". Il chercha et trouva que tous les justes avaient engendré de la postérité en Israël. Mais il se souvint aussi du patriarche Abraham, et qu'en ses derniers jours Dieu lui avait donné un fils, Isaac.
Alors, comblé de tristesse, Joachim ne se présenta point devant sa femme, mais il se rendit au désert ; il y planta sa tente et jeûna quarante jours et quarante nuits, se disant à lui-même : " Je ne descendrai ni manger ni boire avant que le Seigneur mon Dieu m'ait visité, et la prière sera ma nourriture et ma boisson ".

Ch. II

Cependant sa femme Anne pleurait, ayant deux raisons de gémir. " Je me désolerai sur mon veuvage, disait-elle ; je me désolerai sur ma stérilité ".
Etant arrivé le jour solennel du Seigneur, Judith, sa servante, lui dit : " Jusques à quand auras-tu l'âme abattue ? Voici le jour solennel du Seigneur ; tu n'as pas le droit de pleurer. Mais prends ce serre-tête que m'a donné mon ancienne maîtresse ; je ne puis m'en orner car je suis serve et il porte le signe de la race royale ".
Anne répondit : " Eloigne-toi ; je ne ferai rien de tel, car le Seigneur m'a comblée d'humiliations. Sans doute est-ce un méchant qui t'a donné ce bandeau et tu essaies de me faire complice de ta faute ". Mais Judith répartit : " Quel mal pourrais-je te vouloir pire que celui que tu as, puisque le Seigneur a clos ton sein, afin qu'il n'engendre pas de postérité en Israël !"
Alors, au comble de l'affliction, Anne ôta ses habits de deuil, elle se lava la tête, revêtit ses habits de noce, et, vers la neuvième heure, descendit se promener au jardin. Elle vit un laurier, s'assit sous ses branches et se mit à invoquer le Tout-Puissant : " Dieu de mes pères, bénis-moi, exauce ma supplication, comme tu as béni Sarah dans ses entrailles et lui as donné son fils Isaac ".

Saint Joachim présentant la Vierge enfant au temple.
Claude François. XVIIe.

Ch. III

Et levant les yeux vers le ciel, elle vit dans le laurier un nid de passereaux, et elle se reprit à gémir, se disant pour elle-même :
" Pitié de moi ! qui donc m'a engendrée, quelles entrailles m'ont enfantée, pour que je sois devenue maudite parmi les fils d'Israël, que je doive être chassée avec outrage du Temple du Seigneur ?"
" Pitié de moi ! à quoi donc ressemblé-je ? Pas même aux petits oiseaux du ciel , car les oiseaux du ciel sont féconds devant vous, Seigneur."
" Pitié de moi ! à quoi donc ressemblé-je ? Pas même aux bêtes sauvages de la terre, car les bêtes sauvages de la terre sont fécondes devant vous, Seigneur."
" Pitié de moi ! à quoi donc ressemblé-je ? Pas même à ces eaux que voilà, car ces eaux sont fécondes devant vous, Seigneur. Pitié de moi ! à quoi donc ressemblé-je ? Pas même à cette terre que voilà, car cette terre porte des fruits en leur temps, et elle vous bénit, Seigneur !"

Ch. IV

Or voici qu'un ange du Seigneur apparut et lui dit : " Anne, Anne, le Seigneur a entendu ta plainte. Tu concevras, tu engendreras, et l'on parlera de ta progéniture par toute la terre ". Anne répondit : " Aussi vrai que vit le Seigneur mon Dieu, si j'enfante soit un fils, soit une fille, je le consacrerai au Seigneur mon Dieu pour qu'il le serve tous les jours de sa vie !"
Alors deux anges arrivèrent auprès d'elle, lui disant : " Voici que Joachim, ton homme, s'en vient vers toi avec ses troupeaux, car un ange du Seigneur est descendu à lui et lui a dit : Joachim, Joachim, le Seigneur a entendu ta plainte. Descends d'ici, car voici que ta femme Anne va concevoir dans ses entrailles ".
Et Joachim descendit. Il appela ses bergers et leur dit : " Apportez-moi dix agneaux sans tache et parfaits ; ils seront pour le Seigneur mon Dieu. Apportez-moi aussi douze des veaux les plus tendres ; ils seront pour les prêtres et le Conseil des Anciens. Et cent chevreaux seront pour tout le peuple ".
Et voici que Joachim arriva avec ses troupeaux. Anne, qui se trouvait debout sur le seuil, le vit venir, courut à lui et s'accrochant à son cou, lui dit : " Maintenant, je sais que le Seigneur Dieu m'a comblée de bénédictions, car j'étais comme veuve et je ne le suis plus ; j'étais stérile et mes entrailles vont concevoir ". Et ce fut le premier soir que Joachim reposa dans sa maison.

Ch. V

Le lendemain, il vint présenter ses offrandes, se disant en lui-même : " Si le Seigneur Dieu m'est propice, il m'accordera de voir le disque d'or du prêtre !" (*) Il présenta donc ses offrandes, et fixa ses regards sur le disque du prêtre, lorsque celui-ci monta à l'autel, et il sut ainsi qu'il n'y avait aucune faute en lui. Et Joachim dit alors : " Maintenant, je sais que le Seigneur m'est propice et que mes péchés sont effacés ! Il descendit donc du temple du Seigneur, justifié, et il retourna dans sa maison ".
Or les mois d'Anne s'accomplissaient, et, au neuvième, elle enfanta. Et elle demanda à la sage-femme : " Qu'ai-je mis au monde ?" Celle-ci répondit : " Une fille ". Et Anne reprit : " Elle a été glorifiée en ce jour, mon âme !"
Et elle coucha l'enfant. Puis les jours d'usage étant accomplis, elle se releva, se lava, donna le sein à son enfant et l'appela Marie.

Sainte Anne conduisant la Bienheureuse Vierge Marie au Temple.
J. Stella. XVIIe.

(*) Ce " test " que Joachim se propose à lui-même peut se comprendre ainsi : le Grand Prêtre, en tenue de cérémonie, portait un disque d'or dont il est question dans la Bible ( Exode, XXVIII, 36, 37 ; Lévitique, VIII, 9 ). Au moment où le Grand Prêtre traversait le sacré parvis pour se rendre à l'autel ou au Saint des Saints, il passait assez loin des simples fidèles, massés dans le parvis des Israélites. Pour discerner le disque d'or sans doute fallait-il qu'un éclat de lumière le fît briller. C'est cet éclat que Joachim demande comme un signe.

Saint Jean Damascène : Ière homélie pour la nativité de la Vierge Marie

" Neuf mois étant accomplis, Anne mit au monde une fille et l'appela du nom de Marie. Quand elle l'eut sevrée, la troisième année, Joachim et elle se rendirent au temple du Seigneur et, ayant offert au Seigneur des victimes, ils présentèrent leur petite fille Marie pour qu'elle habitât avec les vierges qui, nuit et jour, sans cesse, louaient Dieu.

Quand elle eut été amenée devant le temple du Seigneur, Marie gravit en courant les quinze marches sans se retourner pour regarder en arrière et sans regarder ses parents comme le font les petits enfants. Et cela frappa d'étonnement toute l'assistance, au point que les prêtres du Temple eux-mêmes étaient dans l'admiration.

Puisque la Vierge Marie devait naître d'Anne, la nature n'a pas osé devancer le germe béni de la grâce. Elle est restée sans fruit jusqu'à ce que la grâce eût porté le sien. En effet il s'agissait de la naissance, non d'un enfant ordinaire, mais de cette première-née d'où allait naître le premier-né de toute créature, en qui subsistent toutes chose. O bienheureux couple, Joachim et Anne ! Toute la création vous doit de la reconnaissance, car c'est en vous et par vous qu'elle offre au créateur le don qui surpasse tous les dons, je veux dire la chaste Mère qui était seule digne du Créateur.

Aujourd'hui sort de la souche de Jessé le rejeton sur lequel va s'épanouir pour le monde une fleur divine. Aujourd'hui Celui qui avait fait autrefois sortir le firmament des eaux crée sur la terre un ciel nouveau, formé d'une substance terrestre ; et ce ciel est beaucoup plus beau, beaucoup plus divin que l'autre, car c'est de lui que va naître le soleil de justice, celui qui a créé l'autre soleil....

Que de miracles se réunissent en cette enfant, que d'alliances se font en elle ! Fille de la stérilité, elle sera la virginité qui enfante. En elle se fera l'union de la divinité et de l'humanité, de l'impassibilité et de la souffrance, de la vie et de la mort, pour qu'en tout ce qui était mauvais soit vaincu par le meilleur. O fille d'Adam et Mère de Dieu ! Et tout cela a été fait pour moi, Seigneur ! Si grand était votre amour pour moi que vous avez voulu, non pas assurer mon salut par les anges ou quelque autre créature, mais restaurer par vous-même celui que vous aviez d'abord créé vous-même. C'est pourquoi je tressaille d'allégresse et je suis plein de fierté, et dans ma joie, je me tourne vers la source de ces merveilles, et emporté par les flots de mon bonheur, je prendrai la cithare de l'Esprit pour chanter les hymnes divins de cette naissance...

Aujourd’hui le créateur de toutes choses, Dieu le Verbe compose un livre nouveau jailli du cœur de son Père, et qu’il écrit par le Saint-Esprit, qui est langue de Dieu…

Ô fille du roi David et Mère de Dieu, Roi universel. O divin et vivant objet, dont la beauté a charmé le Dieu créateur, vous dont l'âme est toute sous l’action divine et attentive à Dieu seul ; tous vos désirs sont tendus vers cela seul qui mérite qu'on le cherche, et qui est digne d'amour ; vous n'avez de colère que pour le péché et son auteur. Vous aurez une vie supérieure à la nature, mais vous ne l'aurez pas pour vous, vous qui n'avez pas été créée pour vous. Vous l'aurez consacrée tout entière à Dieu, qui vous a introduite dans le monde, afin de servir au salut du genre humain, afin d'accomplir le dessein de Dieu, I'Incarnation de son Fils et la déification du genre humain. Votre cœur se nourrira des paroles de Dieu : elles vous féconderont, comme l'olivier fertile dans la maison de Dieu, comme l'arbre planté au bord des eaux vives de l'Esprit, comme l'arbre de vie, qui a donné son fruit au temps fixé : le Dieu incarné, la vie de toutes choses. Vos pensées n'auront d'autre objet que ce qui profite à l'âme, et toute idée non seulement pernicieuse, mais inutile, vous la rejetterez avant même d'en avoir senti le goût.

Vos yeux seront toujours tournés vers le Seigneur, vers la lumière éternelle et inaccessible ; vos oreilles attentives aux paroles divines et aux sons de la harpe de l'Esprit, par qui le Verbe est venu assumer noire chair... vos narines respireront le parfum de l'époux, parfum divin dont il peut embaumer son humanité. Vos lèvres loueront le Seigneur, toujours attaché aux lèvres de Dieu. Votre bouche savourera les paroles de Dieu et jouira de leur divine suavité. Votre cœur très pur, exempt de toute tache, toujours verra le Dieu de toute pureté et brûlera de désir pour lui. Votre sein sera la demeure de celui qu'aucun lieu ne peut contenir. Votre lait nourrira Dieu, dans le petit enfant Jésus. Vous êtes la porte de Dieu, éclatante d'une perpétuelle virginité. Vos mains porteront Dieu, et vos genoux seront pour lui un trône plus sublime que celui des chérubins... Vos pieds, conduits par la lumière de la loi divine, le suivant dans une course sans détours, vous entraîneront jusqu'à la possession du Bien-Aimé. Vous êtes le temple de l'Esprit-Saint, la cité du Dieu vivant, que réjouissent les fleuves abondants, les fleuves saints de la grâce divine. Vous êtes toute belle, toute proche de Dieu ; dominant les Chérubins, plus haute que les Séraphins, très proche de Dieu lui-même.

Salut, Marie, douce enfant d'Anne ; l’amour à nouveau me conduit jusqu’à vous. Comment décrire votre démarche pleine de gravité ? votre vêtement ? le charme de votre visage ? cette sagesse que donne l'âge unie à la jeunesse du corps ? Votre vêtement fut plein de modestie, sans luxe et sans mollesse. Votre démarche grave, sans précipitation, sans heurt et sans relâchement. Votre conduite austère, tempérée par la joie, n'attirant jamais l'attention des hommes. Témoin cette crainte que vous éprouvâtes à la visite inaccoutumée de l'ange ; vous étiez soumise et docile à vos parents ; votre âme demeurait humble au milieu des plus sublimes contemplations. Une parole agréable, traduisant la douceur de l'âme. Quelle demeure eût été plus digne de Dieu ? Il est juste que toutes les générations vous proclament bienheureuse, insigne honneur du genre humain. Vous êtes la gloire du sacerdoce, l’espoir des chrétiens, la plante féconde de la virginité. Par vous s'est répandu partout l'honneur de la virginité Que ceux qui vous reconnaissent pour la Mère de Dieu soient bénis, maudits ceux qui refusent...

Ô vous qui êtes la fille et la souveraine de Joachim et d'Anne, accueillez la prière de votre pauvre serviteur qui n'est qu'un pécheur, et qui pourtant vous aime ardemment et vous honore, qui veut trouver en vous la seule espérance de son bonheur, le guide de sa vie, la réconciliation auprès de votre Fils et le gage certain de son salut. Délivrez-moi du fardeau de mes péchés, dissipez les ténèbres amoncelées autour de mon esprit, débarrassez-moi de mon épaisse fange, réprimez les tentations, gouvernez heureusement ma vie, afin que je sois conduit par vous à la béatitude céleste, et accordez la paix au monde. A tous les fidèles de cette ville, donnez la joie parfaite et le salut éternel, par les prières de vos parents et de toute l'Eglise."


Prière en l'honneur de la nativité de Notre Dame :

" Ô Marie,
Vierge heureuse et bénie,
Permettez-moi de m'approcher de votre berceau,
Et de joindre mes louanges
A celles que vous rendent les anges
Qui vous entourent, heureux d'être les témoins
Des merveilles de votre naissance.


Agenouillé devant vous,
je vous fais l'offrande de mon coeur ;
Reine du ciel et de la terre,
recevez-moi et gardez-moi.


Je vous salue, Marie,
Ô fruit de pureté !
La terre maudite s'étonne d'avoir pu vous produire.
Ô Marie, pleine de grâces,
Vous relevez l'espoir des enfants d'Eve chassé du paradis
Et vous ranimez leur confiance.
Au jour de votre entrée dans le monde,
Nous avons relevés nos fronts abattus :
Votre naissance annonce celle du Rédempteur,
Comme l'aurore annonce la venue du jour.


Je vous salue, Marie, Ô étoile de Jacob !
Le soleil de justice va se lever, le jour de la grâce va luire,
et c'est vous qui avez hâté sa venue.
Vos désirs, plus ardents que ceux des patriarches et des prophètes,
Attirent le véritable Emmanuel dans votre sein,
Et c'est à vous qu'il appartiendra de nous donner le Verbe fait chair.


Que vos saintes mains, Ô Marie,
Répandent dans mon coeur avec profusion
L'humilité, l'innocence, la simplicité,
La douceur et la charité :


Que ces vertus de votre coeur saisissent le mien
Pour que j'appartienne avec vous au Christ, mon Seigneur,
Et qu'en lui je sache offrir le bien que je fais et le mal que je souffre
Pour la plus grande gloire de Dieu qui est le salut des pécheurs."

Rq : On lira l'homélie de saint Bernard de Clairvaux pour la nativité de la Bienheureuse Vierge Marie ; L'aqueduc :
http://www.abbaye-saint-benoit.ch/saints/bernard/tome03/h....
On lira aussi la nativité de la Bienheureuse Vierge Marie dans la Légende dorée du bienheureux Jacques de Voragine :
http://www.abbaye-saint-benoit.ch/voragine/tome03/132.htm

samedi, 05 août 2023

5 août. Notre-Dame des Neiges, dédicace de la basilique Sainte-Marie-Majeure. 366.

- Notre-Dame des Neiges, dédicace de la basilique Sainte-Marie-Majeure. 366.

" La neige la plus pure n'est qu'un emblème imparfait de la pureté virginale de la très-sainte Virge Marie."
Sophrom. epise., de Assumpt. B. M. V.


Fresque du couronnement de la très-sainte Vierge Marie. Détail.
Basilique Sainte-Marie-Majeure. Rome.

Rome, que Pierre, au premier de ce mois, a délivrée de la servitude, offre un spectacle admirable au monde. Sagesse, qui depuis la glorieuse Pentecôte avez parcouru la terre, en quel lieu fut-il vrai à ce point de chanter que vous avez foulé de vos pieds victorieux les hauteurs superbes (Eccli. XXIV, 8-11.) ? Rome idolâtre avait sur sept collines étalé son faste et bâti les temples de ses faux dieux ; sept églises apparaissent comme les points culminants sur lesquels Rome purifiée appuie sa base désormais véritablement éternelle.

Or cependant, par leur site même, les basiliques de Pierre et de Paul, celles de Laurent et de Sébastien, placées aux quatre angles extérieurs de la cité des Césars, rappellent le long siège poursuivi trois siècles autour de l'ancienne Rome et durant lequel la nouvelle fut fondée. Hélène et son fils Constantin, reprenant le travail des fondations de la Ville sainte, en ont conduit plus avant les tranchées ; toutefois l'église de Sainte-Croix-en-Jérusalem, celle du Sauveur au Latran, qui furent leur œuvre plus spéciale, n'en restent pas moins encore au seuil de la ville forte du paganisme, près de ses portes et s'appuyant aux remparts : tel le soldat qui, prenant pied dans une forteresse redoutable, investie longtemps, n'avance qu'à pas comptés , surveillant et la brèche qui vient de lui donner passage, et le dédale des voies inconnues qui s'ouvrent devant lui.


Façade de la basilique Sainte-Marie-Majeure. Rome.

Qui plantera le drapeau de Sion au centre de Babylone ? Qui forcera l'ennemi dans ses dernières retraites, et chassant les idoles vaincues, fera son palais de leurs temples ? Ô vous à qui fut dite la parole du Très-Haut : Vous êtes mon Fils, je vous donnerai les nations en héritage (Psalm. II.) ; Ô très puissant, aux flèches aiguës renversant les phalanges (Psalm. XLIV.), écoutez l'appel que tous les échos de la terre rachetée vous renvoient eux-mêmes : Dans votre beauté, marchez au triomphe, et régnez (Ibid.) Mais le Fils du Très-Haut a aussi une mère ici-bas ; le chant du Psalmiste, en l'appelant au triomphe, exalte aussi la reine qui se tient à sa droite en son vêtement d'or (Ibid.) : si de son Père il tient toute puissance (Matth. XXVIII, 18.), de son unique mère il entend recevoir sa couronne (Cant. III, 11.), et lui laisse en retour les dépouilles des forts (Psalm. LXVII, 13 ; Isai. LIII, 12.). Filles de la nouvelle Sion, sortez donc, et voyez le roi Salomon sous le diadème dont l'a couronné sa mère au jour joyeux où, prenant par elle possession de la capitale du monde, il épousa la gentilité (Cant. III, 11.).

Jour, en effet, plein d'allégresse que celui où Marie pour Jésus revendiqua son droit de souveraine et d'héritière du sol romain ! A l'orient, au plus haut sommet de la Ville éternelle, elle apparut littéralement en ce matin béni comme l'aurore qui se lève, belle comme la lune illuminant les nuits, plus puissante que le soleil d'août surpris de la voir à la fois tempérer ses ardeurs et doubler l'éclat de ses feux par son manteau de neige, terrible aussi plus qu'une armée (Cant. VI, 9.) ; car, à dater de ce jour, osant ce que n'avaient tenté apôtres ni martyrs, ce dont Jésus même n'avait point voulu sans elle prendre pour lui l'honneur, elle dépossède de leurs trônes usurpés les divinités de l'Olympe. Comme il convenait, l'altière Junon, dont l’autel déshonorait l'Esquilin, la fausse reine de ces dieux du mensonge fuit la première à l'aspect de Marie, cédant les splendides colonnes de son sanctuaire souillé à la seule vraie impératrice de la terre et des deux.


Arrière de la basilique Sainte-Marie-Majeure. Rome.

Quarante années avaient passé depuis ces temps de Silvestre où " l'image du Sauveur, tracée sur les murs du Latran, apparut pour la première fois, dit l'Eglise, au peuple romain " (Lectiones IIi Noct. in Dedic. basilicae Salvatoris.). Rome, encore à demi païenne, voit aujourd'hui se manifester la Mère du Sauveur; sous la vertu du très pur symbole qui frappe au dehors ses yeux surpris, elle sent s'apaiser les ardeurs funestes qui firent d'elle le fléau des nations dont maintenant elle aussi doit être la mère, et c'est dans l'émotion d'une jeunesse renouvelée qu'elle voit les souillures d'autrefois céder la place sur ses collines au blanc vêtement qui révèle l'Epouse (Apoc. XIX, 7-8.).

Déjà, et dès les temps de la prédication apostolique, les élus que le Seigneur, malgré sa résistance homicide, recueillait nombreux dans son sein, connaissaient Marie, et lui rendaient à cet âge du martyre des hommages qu'aucune autre créature ne reçut jamais: témoin, aux catacombes, ces fresques primitives où Notre-Dame, soit seule, soit portant l'Enfant-Dieu, toujours assise, reçoit de son siège d'honneur, la louange, les messages, la prière ou lès dons des prophètes, des archanges et des rois (Cimetières de Priscille, de Néréc et Achillée, etc.). Déjà dans la région transtibérine, au lieu où sous Auguste avait jailli l'huile mystérieuse annonçant la venue de l'oint du Seigneur, Calliste élevait vers l'an 222 une église à celle qui demeure à jamais le véritable fons olei, la source d'où sort le Christ et s'écoule avec lui toute onction et toute grâce. La basilique que Libère, aimé de Notre-Dame, eut la gloire d'élever sur l'Esquilin, ne fut donc pas le plus ancien monument dédié par les chrétiens de Rome à la Mère de Dieu ; la primauté qu'elle prit dès l'abord, et conserva entre les églises de la Ville et du monde consacrées à Marie, lui fut acquise par les circonstances aussi solennelles que prodigieuses de ses origines.
 
PRIERE
 
" Es-tu entré dans les trésors de la neige, dans mes réserves contre l'ennemi pour le jour du combat ? Disait à Job le Seigneur (Job. XXXVIII, 22-23.). Au cinq août donc, pour continuer d'emprunter leur langage aux Ecritures (Eccli. XLIII, 14-15,19-20.), à l’ordre d'en haut, les trésors s'ouvrirent, et la neige s envolant comme l'oiseau précipita son arrivée, et sa venue fut le signal soudain des jugements du ciel contre les dieux des nations. La tour de David (Cant. IV, 4.) domine maintenant les tours de la cité terrestre ; inexpugnable en la position qu'elle a conquise, elle n'arrêtera qu'avec la prise du dernier fort ennemi ses sorties victorieuses. Qu'ils seront beaux vos pas dans ces expéditions guerrières, Ô fille du prince (Cant. VII, 1.), Ô reine dont l'étendard, par la volonté de votre Fils adoré, doit flotter sur toute terre enlevée à la puissance du serpent maudit ! L'ignominieuse déesse qu'un seul de vos regards a renversée de son piédestal impur, laisse Rome encore déshonorée par la présence de trop de vains simulacres.
 
 
Ô notre blanche triomphatrice, aux acclamations des nations délivrées, prenez la voie fameuse qu'ont suivie tant de triomphateurs aux mains rougies du sang des peuples ; traînant à votre char les démons démasqués enfin, montez à la citadelle du polythéisme, et que la douce église de Sainte-Marie in Ara cœli remplace au Capitole le temple odieux de Jupiter. Vesta, Minerve, Cérès, Proserpine, voient leurs sanctuaires et leurs bois sacrés prendre à l'envi le titre et les livrées de la libératrice dont leur fabuleuse histoire offrit au monde d'informes traits, mêlés à trop de souillures. Le Panthéon, devenu désert, aspire au jour où toute noblesse et toute magnificence seront pour lui dépassées par le nom nouveau qui lui sera donné de Sainte-Marie-des-Martyrs. Au triomphe de votre Assomption dans les cieux, quel préambule, Ô notre souveraine, que ce triomphe sur terre dont le présent jour ouvre pour vous la marche glorieuse !"

La basilique de Sainte-Marie-des-Neiges, appelée aussi de Libère son fondateur, ou de Sixte troisième du nom qui la restaura, dut à ce dernier de devenir le monument de la divine maternité proclamée à Ephèse ; le nom de Sainte-Marie-Mère, qu'elle reçut à cette occasion, fut complété sous Théodore Ier (642-649), qui l'enrichit de sa relique la plus insigne, par celui de Sainte-Marie de la Crèche : nobles appellations que résume toutes celle de Sainte-Marie Majeure, amplement justifiée par les faits que nous avons rapportés, la dévotion universelle, et la prééminence effective que lui maintinrent toujours les Pontifes romains.


Fresque du couronnement de la très-sainte Vierge Marie.
Dôme de la basilique Sainte-Marie-Majeure. Rome.

La dernière dans l'ordre du temps parmi les sept églises sur lesquelles Rome chrétienne est fondée, elle ne cédait le pas au moyen âge qu'à celle du Sauveur ; dans la procession de la grande Litanie au 25 avril, les anciens Ordres romains assignent à la Croix de Sainte-Marie sa place entre la Croix de Saint-Pierre au-dessous d'elle et celle de Latran qui la suit (Museum italicum : Joann. Diac. Lib. de Eccl. Lateran. XVI, de episcopis et cardinal, per patriarchatus dispositis ; romani Ordin. XI, XII.). Les importantes et nombreuses Stations liturgiques indiquées à la basilique de l'Esquilin, témoignent assez de la piété romaine et catholique à son endroit. Elle eut l'honneur de voir célébrer des conciles en ses murs et élire les vicaires de Jésus-Christ ; durant un temps ceux-ci l'habitèrent, et c'était la coutume qu'aux mercredis des Quatre-Temps, où la Station reste toujours fixée dans son enceinte, ils y publiassent les noms des Cardinaux Diacres ou Prêtres qu'ils avaient résolu de créer (Paulus de Angelis, Basilicae S. Mariœ Maj. descriptio, VI, v.).

Quant à la solennité anniversaire de sa Dédicace, objet de la fête présente, on ne peut douter qu'elle n'ait été célébrée de bonne heure sur l'Esquilin. Elle n'était pas encore universelle en l'Eglise, au XIIIe siècle ; Grégoire IX en effet, dans la bulle de canonisation de saint Dominique qui était passé le six août de la terre au ciel, anticipe sa fête au cinq de ce mois comme étant libre encore, à la différence du six occupé déjà, comme nous le verrons demain, par un autre objet. Ce fut seulement Paul IV qui, en 1558, fixa définitivement au quatre août la fête du fondateur des Frères Prêcheurs ; or la raison qu'il en donne est que la fête de Sainte-Marie-des-Neiges, s'étant depuis généralisée et prenant le pas sur la première, aurait pu nuire dans la religion des fidèles à l'honneur dû au saint patriarche, si la fête de celui-ci continuait d'être assignée au même jour (Pauli IV Const. Gloriosus in Sanctis suis.). Le bréviaire de saint Pie V promulguait peu après pour le monde entier l'Office dont voici la Légende.

Sous le pontificat du Pape Libère, Ie patrice romain Jean et son épouse d'égale noblesse, n'ayant point eu d'enfants auxquels ils pussent laisser leurs biens après eux, vouèrent leur héritage à la très sainte Vierge Mère de Dieu, la suppliant par de ferventes et assidues prières de signifier en quelque manière l'œuvre pie à laquelle elle préférait qu'on employât cet argent. La bienheureuse Vierge Marie, écoutant avec bonté ces prières et ces vœux partis du cœur, y répondit par un miracle.


Fresque de l'Epiphanie. Basilique Sainte-Marie-Majeure. Rome.

Aux nones d'août, époque habituelle pour Rome des plus grandes chaleurs, la neige couvrit de nuit une partie de la colline Esquiline. Cette même nuit, la Mère de Dieu donnait en songe avis à Jean et à son épouse, séparément, qu'ils eussent à construire au lieu qu'ils verraient couvert de neige une église qui serait consacrée sous le nom de la Vierge Marie : ainsi voulait-elle être instituée leur héritière. Jean l'ayant fait savoir au Pape Libère, celui-ci déclara avoir eu la même vision.

Solennellement accompagné des prêtres et du peuple, il vint donc à la colline couverte de neige, et y détermina l'emplacement de l'église qui fut élevée aux frais de Jean et de son épouse. Sixte III la restaura plus tard. On l'appela d'abord de divers noms, basilique de Libère, Sainte-Marie de la Crèche. Mais de nombreuses églises ayant été bâties dans la Ville sous le nom de la sainte Vierge Marie, pour que la basilique qui l'emportait sur les autres de même nom en dignité et par l'éclat de sa miraculeuse origine, fût aussi distinguée par l'excellence de son titre, on la désigna sous celui d'église de Sainte-Marie- Majeure. On célèbre la solennité anniversaire de sa dédicace en souvenir du miracle de la neige tombée en ce jour.


Monument du Pape Paul V. Chapelle Borghese.
Basilique Sainte-Marie-Majeure. Rome.
 
PRIERE

" Quels souvenirs, Ô Marie, ravive en nous cette fête de votre basilique Majeure ! Et quelle plus digne louange, quelle meilleure prière pourrions-nous vous offrir aujourd'hui que de rappeler, en vous suppliant de les renouveler et de les confirmer à jamais, les grâces reçues par nous dans son enceinte bénie ? N'est-ce pas à son ombre, qu'unis à notre mère l'Eglise en dépit des distances, nous avons goûté les plus douces et les plus triomphantes émotions du Cycle inclinant maintenant vers son terme ?

C'est là qu'au premier dimanche de l'Avent a commencé l'année, comme dans " le lieu le plus convenable pour saluer l'approche du divin Enfantement qui devait réjouir le ciel et la terre, et montrer le sublime prodige de la fécondité d'une Vierge " (Temps de l'Avent). Débordantes de désir étaient nos âmes en la Vigile sainte qui, dès le matin, nous conviait dans la radieuse basilique " où la Rose mystique allait s'épanouir enfin et répandre son divin parfum. Reine de toutes les nombreuses églises que la dévotion romaine a dédiées à la Mère de Dieu, elle s'élevait devant nous resplendissante de marbre et d'or, mais surtout heureuse de posséder en son sein, avec le portrait de la Vierge Mère peint par saint Luc, l'humble et glorieuse Crèche que les impénétrables décrets du Seigneur ont enlevée à Bethléhem pour la confier à sa garde. Durant la nuit fortunée, un peuple immense se pressait dans ses murs, attendant l'heureux instant où ce touchant monument de l'amour et des abaissements d'un Dieu apparaîtrait porté sur les épaules des ministres sacrés, comme une arche de nouvelle alliance, dont la vue rassure le pécheur et fait palpiter le cœur du juste " (Le Temps de Noël).
 

Tombeau de saint Pie V. Détail. Chapelle Sixtine.
Basilique Sainte-Marie-Majeure. Rome.

Hélas ! Quelques mois écoulés à peine nous retrouvaient dans le noble sanctuaire, " compatissant cette fois aux douleurs de notre Mère dans l'attente du sacrifice qui se préparait " (La Passion ; Station du Mercredi saint). Mais bientôt, quelles allégresses nouvelles dans l'auguste basilique !
" Rome faisait hommage delà solennité pascale à celle qui, plus que toute créature, eut droit d'en ressentir les joies, et pour les angoisses que son cœur maternel avait endurées, et pour sa fidélité à conserver la foi de la résurrection durant les cruelles heures que son divin Fils dut passer dans l'humiliation du tombeau." ( Le Temps Pascal, t. I,p. 185.).

Eclatant comme la neige qui vint du ciel marquer le lieu de votre prédilection sur terre, Ô Marie, un blanc troupeau de nouveau-nés sortis des eaux formait votre cour gracieuse et rehaussait le triomphe de ce grand jour. Faites qu'en eux comme en nous tous, ô Mère, les affections soient toujours pures comme le marbre blanc des colonnes de votre église aimée, la charité resplendissante comme l’or qui brille à ses lambris, les œuvres lumineuses comme le cierge de la Pâque, symbole du Christ vainqueur de la mort et vous faisant hommage de ses premiers feux.
"

jeudi, 03 août 2023

3 août. Invention de saint Étienne, premier martyr. 415.

- Invention de saint Étienne, premier martyr, et des saints Nicomède, Gamaliel, et Abibas (ou Abibon). 415.
 
Pape : Saint Innocent Ier. Empereur romain d'Orient : Flavius Honorius.
 
" La manière dont le Seigneur a glorifié le corps de son martyr, nous rappelle le respect que nous devons à notre corps."
L'abbé C. Martin. Panégyr.
 

Saint Étienne. Giotto di Bondone. XIVe.

Sollicité par l'approche du triomphe de Laurent, Etienne se lève pour assister à ses combats ; rencontre toute de grâce et de force, où l'éternelle Sagesse se révèle dans la disposition du Cycle sacré (Sap. VIII, 1.). Mais la fête présente nous réserve aussi d'autres enseignements.


Saint Étienne prêchant puis devant le Grand Prêtre.
Mariotto di Nardo. XVe.

La première résurrection (Apoc. XX.) se poursuit pour les Saints. A la suite de Nazaire et de Celse, après tous les Martyrs que la victoire du Christ a montrés selon la divine promesse participants de sa gloire (Johan. XVII, 22, 24.), le porte-enseigne de la blanche armée sort lui-même glorieux du tombeau pour la conduire à de nouveaux triomphes. Les farouches auxiliaires de la colère du Tout-Puissant contre Rome idolâtre, après avoir réduit en poudre les faux dieux, doivent être domptés à leur tour ; et cette seconde victoire sera l'œuvre des Martyrs assistant l'Eglise de leurs miracles, comme la première fut celle de leur foi méprisant la mort et les tourments (I Johan. V, 4.). La manière reçue en nos jours d'écrire l'histoire ignore cet ordre de considérations ; ce ne peut être une raison pour nous de sacrifier à l'idole : l'exactitude dont se targue en ses données la science de ce siècle, n'est qu'une preuve de plus que le faux s'alimente d'omissions souvent mieux que d'affirmations directement contraires au vrai.


Invention de saint Étienne.
De cluniacensis coenobio. Cluny. Bourgogne. XIIIe.

Or, autant le silence est profond aujourd'hui sur ce point, autant pourtant il est assuré que les années qui virent les Barbares s'implanter dans l'empire, et bientôt le renverser, furent signalées par une effusion delà vertu d'en haut comparable de plus d'un côté à celle qui avait marqué le temps de la prédication des Apôtres. Il ne fallait rien moins, d'une part pour rassurer les croyants, de l'autre pour imposer le respect de l’Église à la brutalité de ces envahisseurs qui ne connaissaient que le droit de la force, et n'éprouvaient que mépris pour la race qu'ils avaient vaincue.


Lapidation puis funérailles de saint Étienne. Mariotto di Nardo. XVe.

L'intention providentielle qui multiplia autour du grand fait de la chute de Rome, en 410, les découvertes des corps saints, se manifeste pleinement dans la plus importante, objet de la fête de ce jour. L'année 415 avait sonné déjà. L'Italie, les Gaules, l'Espagne, dont l'Afrique allait bientôt partager le désastre, étaient en pleine invasion. Dans l'universelle ruine, les chrétiens, qui seuls gardaient avec eux l'espérance du monde, s'adressaient à tous les sanctuaires pour obtenir qu'au moins, selon l'expression du prêtre espagnol Avitus, " le Seigneur donnât mansuétude à ceux qu'il laissait prévaloir " (Aviti Epist. ad Palchon., De reliquiis S. Stephani.).


Le corps de saint Étienne gardé par des animaux Fleur des histoires.
Jean Mansel. XVe.

C'est alors qu'eut lieu la révélation merveilleuse où la sévère critique de Tillemont, convaincue par le témoignage de toutes les chroniques et histoires, lettres et discours du temps (Idath, Marcellini, Sozomenis, Augustini, etc.), reconnaît " l'un des plus célèbres événements du Ve siècle " (Mem. eccl. II, p. 12.). L'évêque Jean de Jérusalem recevait, par l'intermédiaire du prêtre Lucien, un message d'Etienne premier martyr et de ses compagnons de sépulture, ainsi conçu :
" Ouvre en hâte notre tombe, pour que par nous Dieu ouvre au monde la porte de sa clémence, et qu'il prenne son peuple en pitié dans la tribulation qui est partout."

 
Les anges apaisant l'océan alors que sainte Julie transporte le corps
de saint Étienne de Jérusalem à Contantinople après son invention.
Inhumation de saint Étienne à coté de saint Laurent à Rome.
Mariotto di Nardo. XVe.

Et la découverte, accomplie au milieu de prodiges, était notifiée au monde entier comme le signe de salut (Luciani Epist. ad omnem Ecclesiam,De revelatione S. Stephani.) ; et la poussière du corps d'Etienne, répandue en tous lieux comme un gage de sécurité et de paix (Aviti Epist.), produisait d'étonnantes conversions (Severi Epist. ad omnem Eccl., Devirtutibus S. Steph.), d'innombrables miracles en tout semblables " à ceux des temps anciens " (Aug. De civit. Dei, XXII, 8.), rendant témoignage à cette même foi du Christ que le protomartyr avait quatre siècles plus tôt confessée dans la mort (Ibid. 8, 9.).


Saint Étienne disputant avec les Juifs. Lapidation de saint Etienne.
Bréviaire de Martin d'Aragon. XIVe.

Tel était le caractère de cette manifestation extraordinaire, où les résurrections elles-mêmes se produisaient en nombre stupéfiant, que saint Augustin, parlant à son peuple, estimait prudent d'élever sa pensée d’Étienne simple serviteur au Christ seul Maître (Sermo 319, al. De diversis 51.).
" Mort, il rend les morts vivants, disait-il, parce qu'en effet il n'est pas vraiment mort (Ibid.). Mais, comme autrefois durant sa vie mortelle, c'est uniquement par le nom du Christ qu'il agit maintenant : tout ce que vous voyez se faire ainsi par la mémoire d’Étienne se fait en ce seul nom, pour que le Christ soit exalté, pour que le Christ soit adoré, pour que le Christ soit attendu comme juge des vivants et des morts." (Sermo 316, al. de diversis 94.).


Invention de saint Etienne. Legenda aurea.
Bx J. de Voragine. J. de Besançon. XVe.

Terminons par cette louange qu'adressait, quelques années plus tard, à Etienne Basile de Séleucie, et qui résume si bien la raison de la fête :
" Il n'est pas de lieu, de territoire, de nation, de lointaine frontière, qui n'ait obtenu le secours de vos bienfaits. Il n'est personne, étranger, citoyen, Barbare ou Scythe, qui n'éprouve par votre intercession le sentiment des réalités supérieures." (Basil. Selbuc. Oratio 41, de S. Stephano.).


Martyre de saint Etienne. Sacramentaire de Drogon. France. IXe.

Voici la Légende, qui abrège et complète le récit du prêtre Lucien.

Au temps de l'empereur Honorius , on trouva près de Jérusalem les corps des saints Étienne premier martyr, Gamaliel, Nicodème et Abibas. Longtemps oubliés dans un lieu obscur et négligé, ils furent révélés divinement au prêtre Lucien. Gamaliel lui apparut pendant qu'il dormait, en la forme d'un vieillard vénérable et majestueux, lui montra le lieu où gisaient les corps, et lui ordonna d'aller trouver Jean, évêque de Jérusalem, pour obtenir qu'on leur donnât une sépulture plus convenable.

L'évêque de Jérusalem convoque à cette nouvelle les évêques et les prêtres des villes voisines, et se rend au lieu désigné. On creuse ; on découvre les tombeaux, d'où s'exhale une très suave odeur. Au bruit de l'événement une grande foule s'était rassemblée, parmi laquelle beaucoup d'infirmes et de malades en diverses manières furent guéris et retournèrent chez eux bien portants. On transporta en grande pompe le très saint corps d’Étienne dans la sainte église de Sion, puis sous Théodose le Jeune à Constantinople, enfin, sous le Souverain Pontife Pelage Ier, à Rome, à l’Agro Verano, où il fut placé dans le tombeau de saint Laurent Martyr.


Invention du corps de saint Étienne et de saint Gamaliel.
Speculum historiale. V. de Beauvais. François. XVe.

PRIERE

" Quel complément précieux du récit des saints Livres nous fournit cette histoire de votre Invention, Ô Protomartyr ! Nous savons maintenant quels étaient " ces hommes craignant Dieu qui ensevelirent Etienne, et firent ses funérailles avec un grand deuil " (Act. VIII, 2.). Gamaliel, le maître du Docteur des nations, avait été, comme son disciple et avant lui, la conquête du Seigneur; inspiré par Jésus à qui en mourant vous remettiez votre âme (Ibid. VII, 58.), il honora dans le trépas l'humble athlète du Christ des mêmes soins que Joseph d'Arimathie, le noble décurion, avait prodigués à l'Homme-Dieu, et fit placer votre corps dans le tombeau neuf qu'il s'était aussi préparé pour lui-même. Bientôt le compagnon du pieux labeur de Joseph au grand Vendredi, Nicodème, poursuivi par les Juifs dans cette persécution où vous parcourûtes le premier l'arène, trouvait asile près de vos restes vénérés, en attendant d'y goûter le repos de la mort des saints. Le grand nom de Gamaliel en imposait aux fureurs de la synagogue (Act. V, 34-39.) ; tandis qu'Anne et Caïphe maintenaient par la faveur précaire de Rome le pouvoir sacerdotal aux mains de leurs proches, le petit-fils d'Hillel gardait pour les siens la primauté de la science et voyait sa descendance aînée rester, quatre siècles durant, dépositaire de la seule autorité morale qu'Israël dispersé reconnût encore.


Martyre de saint Étienne. Livre d'images de Madame Marie.
Hainaut. XIIIe.

Mais pourtant plus heureux fut-il d'avoir, en écoutant les Apôtres et vous-même, Ô Étienne, passé de la science des ombres à la lumière des réalités, de la Loi à l’Évangile, de Moïse à celui que Moïse annonçait (Ibid. VII, 37.) ; plus heureux que son aîné fut le fils de sa tendresse, Abibas, baptisé avec lui dans sa vingtième année, et qui, passant à Dieu, remplit la tombe qui le reçut près de la vôtre de la très suave odeur d'une pureté digne des cieux : combien touchante n'apparut pas la dernière volonté de l'illustre père, lorsque, son heure venue, il donna ordre qu'on rouvrît pour lui le tombeau d'Abibas et qu'on ne vît plus dans le père et l'enfant que deux frères jumeaux engendrés ensemble à la seule vraie lumière (Luciani Epist.) !

La munificence du Seigneur Christ vous avait dignement, Ô Étienne, entouré dans la mort. Nous rendons grâces au noble personnage qui vous donna l'hospitalité du dernier repos ; nous le remercions d'avoir lui-même, au temps voulu, rompu le silence gardé alors à son sujet par la délicate réserve des Écritures. C'est bien littéralement qu'ici encore nous constatons l'efficacité de la volonté par laquelle l'Homme-Dieu entend partager avec les siens tout honneur (Johan. XVII, 24.). Votre sépulcre lui aussi fut glorieux (Isai. XI, 10.) ; et quand il s'ouvrit, comme pour celui du Fils de l'homme, la terre aussi trembla, les assistants crurent que le ciel était descendu, le monde délivré d'une sécheresse désolante et de mille maux se reprit à espérer parmi les ruines. Aujourd'hui que notre Occident vous possède, que Gamaliel cède à Laurent ses droits d'hospitalité, levez-vous encore, Ô Étienne ; et, de concert avec le grand diacre romain, délivrez-nous des Barbares nouveaux, en faisant qu'ils se convertissent ou disparaissent de la terre donnée par Dieu à son Christ (Psalm. Il, 8.)."

dimanche, 02 juillet 2023

2 juillet. La Visitation de la Très Sainte Vierge Marie à sainte Elisabeth.

- La Visitation de la Très Sainte Vierge Marie à sainte Elisabeth.

" Si vous aimez Marie, si vous cherchez à lui plaire, imitez sa modestie. Ce n'est pas seulement dans son silence qu'éclate son humilité ; ses paroles à l'archange Gabriel et à sa cousine Elisabeth la proclament d'une manière plus frappante encore."
Saint Bernard. Hom. de Praerogat. B. M. V.

Ghirlandaio. XVe.

Déjà, dans les jours qui précédèrent la naissance du Sauveur, la visite de Marie à sa cousine Elisabeth a fait l'objet de nos méditations. Mais il convenait de revenir sur une circonstance aussi importante de la vie de Notre-Dame; la simple mémoire de ce mystère, au Vendredi des Quatre-Temps de l'Avent, ne suffisait point à faire ressortir ce qu'il renferme par lui-même d'enseignement profond et de sainte allégresse. En se complétant dans le cours des âges, la sainte Liturgie devait exploiter cette mine précieuse, à l'honneur de la Vierge-mère. L'Ordre de saint François et quelques églises particulières, comme celles du Mans, de Reims et de Paris, avaient déjà pris les devants, lorsqu'Urbain VI, en l'année 1389, institua la solennité du présent jour. Le Pape conseillait le jeûne en la vigile de la fête, et ordonnait qu'elle fût suivie d'une Octave; il accordait à sa célébration les mêmes indulgences qu'Urbain IV avait, dans le siècle précédent, attachées à la fête du Corps du Seigneur. La bulle de promulgation, arrêtée par la mort du Pontife, fut reprise et publiée par Boniface IX qui lui succéda sur le Siège de saint Pierre.

Nous apprenons des Leçons de l'Office primitivement composé pour cette fête, que le but de son institution avait été, dans la pensée d'Urbain, d'obtenir la cessation du schisme qui désolait alors l'Eglise. Exilée de Rome durant soixante-dix ans, la papauté venait d'y rentier à peine ; l'enfer, furieux d'un retour qui contrariait ses plans opposés là comme partout à ceux du Seigneur, s'en était vengé en parvenant à ranger sous deux chefs le troupeau de l'unique bercail. Telle était l'obscurité dont de misérables intrigues avaient su couvrir l'autorité du légitime pasteur, qu'on vit nombre d'églises hésiter de bonne foi et, finalement, préférer la houlette trompeuse du mercenaire. Les ténèbres devaient même s'épaissir encore, et la nuit devenir un moment si profonde, que les ordres de trois papes en présence allaient se croiser sur le monde, sans que le peuple fidèle, frappé de stupeur, parvînt à discerner sûrement la voix du Vicaire du Christ. Jamais situation plus douloureuse n'avait été faite à l'Epouse du Fils de Dieu. Mais Notre-Dame, vers qui s'était tourné le vrai Pontife au début de l'orage, ne fit point défaut à la confiance de l'Eglise.

Anonyme. Collégiale Notre-Dame. Beaune. XVIIe.
 
Durant les années que l'insondable justice du Très-Haut avait décrété de laisser aux puissances de l'abîme, elle se tint en défense, maintenant si bien la tête de l'ancien serpent sous son pied vainqueur, qu'en dépit de l'effroyable confusion qu'il avait soulevée, sa bave immonde ne put souiller la foi des peuples ; leur attachement restait immuable à l'unité de la Chaire romaine, quel qu'en fût dans cette incertitude l'occupant véritable. Aussi l'Occident, disjoint en fait, mais toujours un quant au principe, se rejoignit comme de lui-même au temps marqué par Dieu pour ramener la lumière. Cependant, l'heure venue pour la Reine des saints de prendre l'offensive, elle ne se contenta pas de rétablir dans ses anciennes positions l'armée des élus ; l'enfer dut expier son audace, en rendant à l'Eglise les conquêtes mêmes qui lui semblaient depuis des siècles assurées pour jamais. La queue du dragon n'avait point encore fini de s'agiter à Baie, que Florence voyait les chefs du schisme grec, les Arméniens, les Ethiopiens, les dissidents de Jérusalem, de Syrie et de Mésopotamie, compenser par leur adhésion inespérée au Pontife romain les angoisses que l'Occident venait de traverser.

Il restait à montrer qu'un pareil rapprochement des peuples au sein même de la tempête, était bien l'œuvre de celle que le pilote avait, un demi-siècle auparavant, appelée au secours de la barque de Pierre. On vit les factieux de l'assemblée de Bàle en donner la preuve, trop négligée par des historiens qui ne soupçonnent plus l'importance des grands faits liturgiques dans l'histoire de la chrétienté ; sur le point de se séparer, les derniers tenants du schisme consacrèrent la quarante-troisième session de leur prétendu concile à promulguer, pour ses adhérents, cette même fête de la Visitation en l'établissement de laquelle Urbain VI avait dès l'abord mis son espoir. Malgré la résistance de quelques obstinés, le schisme était vraiment fini dès lors ; l'orage se dissipait : le nom de Marie, invoqué des deux parts, resplendissait comme le signe de la paix sur les nuées (Gen. IX, 12-17.). Ainsi l'arc-en-ciel unit dans sa douce lumière les extrémités opposées de l'horizon. Contemplez-le, dit l'Esprit-Saint, et bénissez celui qui l'a fait ; car il est beau dans sa splendeur ! Il embrasse les cieux dans le circuit de sa gloire (Eccli. XLIII, 12-13.). Si l'on se demande pourquoi Dieu voulut que le mystère de la Visitation, et non un autre, devînt, par cette solennité qui lui fut consacrée, le monument de la paix reconquise : il est facile d'en trouver la raison dans la nature même de ce mystère et les circonstances où il s'accomplit.

Dessin. Giovanni Mauro della Rovere. XVIe.

C'est là surtout que Marie apparaît, en effet, comme la véritable arche d'alliance : portant en elle, non plus les titres périmés du pacte de servitude conclu au bruit du tonnerre entre Jéhovah et les Juifs ; mais l'Emmanuel, témoignage vivant d'une réconciliation plus vraie, d'une alliance plus sublime entre la terre et les cieux. Par elle, mieux qu'en Adam, tous les hommes seront frères ; car celui qu'elle cache en son sein sera le premier-né de la grande famille des fils de Dieu. A peine conçu, voici que pour lui commence l'œuvre d'universelle propitiation. Levez-vous, ô Seigneur, vous et l'arche d'où votre sainteté découlera sur le monde (Psalm. CXXXI, 8.). De Nazareth aux montagnes de Judée, dans sa marche rapide, elle sera protégée par l'aile des chérubins jaloux de contempler sa gloire. Au milieu des guerriers les plus illustres et des chœurs d'Israël, David conduisit l'arche figurative de la maison d'Abinadab à celle d'Obedédom (II Reg. VI.) ; mieux que lui, Dieu votre Père saura entourer l'arche sacrée du Testament nouveau, lui composant une escorte de l'élite des célestes phalanges.

Heureuse fut la demeure du lévite devenu, pour trois mois, l'hôte du Très-Haut résidant sur le propitiatoire d'or ; plus fortunée sera celle du prêtre Zacharie, qui, durant un même espace de temps, abritera l'éternelle Sagesse nouvellement descendue au sein très pur où vient de se consommer mer l'union qu'ambitionnait son amour ! Par le péché d'origine, l'ennemi de Dieu et des hommes tenait captif, en cette maison bénie, celui qui devait en être l'ornement dans les siècles sans fin ; l'ambassade de l'ange annonçant la naissance de Jean, sa conception miraculeuse, n'avaient point exempté le fils de la stérile du tribut honteux que tous les fils d'Adam doivent solder au prince de la mort, à leur entrée dans la vie. Mais, les habitants d'Azot en firent autrefois l'expérience, Dagon ne saurait tenir debout devant l'arche (I Reg. V.) : Marie paraît, et Satan renversé subit dans l'âme de Jean sa plus belle défaite, qui toutefois ne sera point la dernière ; car l'arche de l'alliance n'arrêtera ses triomphes qu'avec la réconciliation du dernier des élus.

Giovanni Francesco da Rimini. XVe.

Célébrons cette journée par nos chants d'allégresse ; car toute victoire, pour l'Eglise et ses fils, est en germe dans ce mystère : désormais l'arche sainte préside aux combats du nouvel Israël. Plus de division entre l'homme et Dieu, le chrétien et ses frères ; si l'arche ancienne fut impuissante à empêcher la scission des tribus, le schisme et l'hérésie n'auront licence de tenir tête à Marie durant plus ou moins d'années ou de siècles, que pour mieux enfin faire éclater sa gloire. D'elle sans cesse, comme en ce jour béni, s'échapperont, sous les yeux de l'ennemi confondu, et la joie des petits, et la bénédiction de tous, et la perfection des pontifes (Psalm. CXXXI, 8-9, 14-18.). Au tressaillement de Jean, à la subite exclamation d'Elisabeth, au chant de Zacharie, joignons le tribut de nos voix ; que toute la terre en retentisse. Ainsi jadis était saluée la venue de l'arche au camp des Hébreux ; les Philistins, l'entendant, savaient par là que le secours du Seigneur était descendu ; et, saisis de crainte, ils gémissaient, disant :
" Malheur à nous : il n'y avait pas si grande joie hier ; malheur à nous !" (I Reg. IV, 5-8.).

Oui certes, aujourd'hui avec Jean, le genre humain tressaille et il chante ; oui certes, aujourd'hui à bon droit l'ennemi se lamente : le premier coup du talon de la femme (Gen. III, 11.) frappe aujourd'hui sa tête altière, et Jean délivré est en cela le précurseur de nous tous. Plus heureux que l'ancien, le nouvel Israël est assuré que jamais sa gloire ne lui sera ôtée ; jamais ne sera prise l'arche sainte qui lui fait traverser les flots (Josué, III, IV.) et abat devant lui les forteresses (Ibid. VI.). Combien donc n'est-il pas juste que ce jour, où prend fin la série de défaites commencée en Eden, soit aussi le jour des cantiques nouveaux du nouveau peuple ! Mais à qui d'entonner l'hymne du triomphe, sinon à qui remportela victoire ? Levez-vous donc, levez-vous, Debbora ; levez-vous et chantez le Cantique (Judic. V, 12.). Les forts avaient disparu, jusqu'à ce que s'élevât Marie, la vraie Debbora, jusqu'à ce que parût la Mère en Israël (Ibid. 7.).

Bas-relief. Eglise Saint-Pierre-Saint-Ebons. Sarrancolin. Béarn. XVIe.

" C'est moi, c'est moi, dit-elle en effet, qui chanterai au Seigneur, qui célébrerai le Dieu d'Israël (Ibid. 3.). Selon la parole de mon aïeul David, magnifiez avec moi le Seigneur, et tous ensemble exaltons son saint nom (Psalm. XXXIII, 4.). Mon cœur, comme celui d'Anne, a tressailli en Dieu son Sauveur (I Reg. II, 1.). Car, de même qu'en Judith sa servante, il a accompli en moi sa miséricorde (Judith, XIII, 18.) et fait que ma louange sera dans toutes les bouches jusqu'à l'éternité (Ibid. 23, 31 ; XV, 11.). Il est puissant celui qui a fait en moi de grandes choses (Exod. XV, 2-3, 11.) ; il n'est point de sainteté pareille à la sienne (I Reg. II, 2.). Ainsi que par Esther, il a pour toutes les générations sauvé ceux qui le craignent (Esther, IX, 28.) ; dans la force de son bras (Judith, IX, 11.), il a retourné contre l'impie les projets de son cœur, renversant l'orgueilleux Aman de son siège et relevant les humbles; il a fait passer des riches aux affamés l'abondance (I Reg. II, 4-3.) ; il s'est ressouvenu de son peuple et a eu pitié de son héritage (Esther, X, 12.). Telle était bien la promesse que reçut Abraham, et que nos pères nous ont transmise : il a fait comme il avait dit." (Ibid. XIII, 15 ; XIV, 5.).

Filles de Sion, et vous tous qui gémissiez dans les fers de Satan, l'hymne de la délivrance a donc retenti sur notre terre. A la suite de celle qui porte en son sein le gage de l'alliance, formons des chœurs ; mieux que Marie sœur d'Aaron, et à plus juste titre, elle préside au concert d'Israël (Exod. XV, 20-21.). Ainsi elle chante en ce jour de triomphe, rappelant tous les chants de victoire qui préludèrent dans les siècles de l'attente à son divin Cantique. Mais les victoires passées du peuple élu n'étaient que la figure de celle que remporte, en cette fête de sa manifestation, la glorieuse souveraine qui, mieux que Debbora, Judith ou Esther, a commencé de délivrer son peuple ; en sa bouche, les accents de ses illustres devancières ont passé de l'aspiration enflammée des temps de la prophétie à l'extase sereine qui marque la possession du Dieu longtemps attendu. Une ère nouvelle commence pour les chants sacrés : la louange divine reçoit de-Marie le caractère qu'elle ne perdra plus ici-bas, qu'elle gardera jusque dans l'éternité.

Les considérations qui précèdent nous ont été inspirées par le motif spécial qui porta l'Eglise, au XIVe siècle, à instituer cette fête. En rendant Rome à Pie IX exilé, au 2 juillet de l'année 1849 (Voir au 1er juillet, en la fête du Précieux Sang), Marie a montré de nouveau dans nos temps que cette date était bien pour elle une journée de victoire. Mais le mystère de la glorieuse Visitation est si vaste, que nous ne saurions, eu égard aux limites qui nous sont imposées, songer à épuiser ici tous les enseignements qu'il renferme. Quelques-uns d'eux, au reste, nous ont été donnés dans les jours de l'Avent; d'autres plus récemment, à l'occasion de la fête de saint Jean-Baptiste et de son Octave ; d'autres enfin seront mis en lumière par l'Epître et l'Evangile de la Messe qui va suivre.

Heures à l'usage de Paris. XVe.

HYMNE

" Salut, astre des mers.
Mère de Dieu féconde !
Salut, Ô toujours Vierge,
Porte heureuse du ciel !


Vous qui de Gabriel
Ayez reçu l’Ave,
Fondez-nous dans la paix,
Changeant le nom d’Eva.


Délivrez les captifs,
Eclairez les aveugles,
Chassez loin tous nos maux,
Demandez tous les biens.


Montrez en vous la Mère ;
Vous-même offrez nos vœux
Au Dieu qui, né pour nous,
Voulut naître de vous.


Ô Vierge incomparable,
Vierge douce entre toutes !
Affranchis du péché,
Rendez-nous doux et chastes.


Donnez vie innocente
Et sûr pèlerinage,
Pour qu'un jour soit Jésus
Notre liesse à tous.


Louange à Dieu le Père,
Gloire au Christ souverain ;
Louange au Saint-Esprit ;
Aux trois un seul hommage.


Amen."

V/. " Vous êtes bénie entre toutes les femmes.
R/. Et le fruit de vos entrailles est béni."

Josse Lieferinxe. XVe.

SEQUENCE

" Venez, glorieuse souveraine ; Marie, vous-même visitez-nous : illuminez nos âmes malades, donnez-nous de vivre saintement.

Venez, vous qui sauvâtes le monde, enlevez la souillure de nos crimes ; dans cette visite à votre peuple, écartez tout péril de peine.

Venez, reine des nations, éteignez les flammes du péché ; quiconque s'égare, redressez-le , donnez à tous vie innocente.

Venez, visitez les malades ; Marie, fortifiez les courages par la vertu de votre impulsion sainte, bannissez les hésitations.

Venez, étoile, lumière des mers, faites briller le rayon de la paix ; que Jean tressaille devant son Seigneur.

Venez, sceptre des rois, ramenez les foules errantes à l'unité de foi qui est le salut des citoyens des cieux.

Venez, implorez pour nous ardemment les dons de l'Esprit-Saint, afin que nous suivions une ligne plus droite dans les actes de cette vie.

Venez, louons le Fils, louons l'Esprit-Saint, louons le Père, unique Dieu : qu'il nous donne secours.

Amen."

Ecole française. XVIIe.

En ce jour où Satan voit pour la première fois reculer son infernale milice devant l'arche sainte, deux combattants de l'armée des élus font cortège à leur Reine. Députés vers Marie par Pierre lui-même en son Octave glorieuse, ils ont dû cet honneur à la foi qui leur fit reconnaître dans le condamné de Néron le chef du peuple de Dieu.

Le prince des Apôtres attendait son martyre au fond de la prison Mamertine, lorsque la miséricorde divine amena près de lui deux soldats romains, ceux-là mêmes dont les noms sont devenus inséparables du sien dans la mémoire de l'Eglise. L'un se nommait Processus, et l'autre Martinien. Ils furent frappés de la dignité de ce vieillard confié à leur garde pour quelques heures, et qui ne devait remonter à la lumière que pour périr sur un gibet. Pierre leur parla de la vie éternelle et du Fils de Dieu qui a aimé les hommes jusqu'à donner son sang pour leur rachat. Processus et Martinien reçurent d'un cœur docile cet enseignement inattendu, ils l'acceptèrent avec une foi simple, et demandèrent la grâce de la régénération. Mais l'eau manquait dans le cachot, et Pierre dut faire appel au pouvoir de commander à la nature que le Rédempteur avait confié à ses Apôtres, en les envoyant dans le monde. A la parole du vieillard, une fontaine jaillit du sol, et les deux soldats furent baptisés dans l'eau miraculeuse. La piété chrétienne vénère encore aujourd'hui cette fontaine, qui ne diminue ni ne déborde jamais. Processus et Martinien ne tardèrent pas à payer de leur vie l'honneur qu'ils avaient reçu d'être initiés à la foi chrétienne par le prince des Apôtres, et ils sont honorés entre les martyrs (" Sainte Cécile et la société romaine aux deux premiers siècles.").

Leur culte remonte aussi haut que celui de Pierre même. A l'âge de la paix, une basilique s'éleva sur leur tombe. Saint Grégoire y prononça, en la solennité anniversaire de leurs combats, la trente-deuxième de ses Homélies sur l'Evangile ; le grand Pape rend témoignage aux miracles qui s'opéraient dans ce lieu sacré, et il célèbre en particulier le pouvoir que les deux saints martyrs ont de protéger leurs dévots clients au jour des justices du Seigneur (In Ev. Hom. XXXII, 7-9.). Plus tard, saint Paschal Ier enrichit de leurs corps la basilique du prince des Apôtres. Ils occupent aujourd'hui la place d'honneur dans le bras gauche de la croix latine formée par l'immense édifice, et donnent leur nom à tout ce côté du transept où le concile du Vatican a tenu ses sessions immortelles ; il convenait que l'auguste assemblée poursuivît ses travaux sous le patronage des deux vaillants soldats, gardiens de Pierre et sa conquête aux jours de sa glorieuse confession. N'oublions point ces illustres protecteurs de l'Eglise. La fête de la Visitation, d'institution plus récente que la leur, ne l'a cependant point amoindrie ; si maintenant leur gloire se perd, pour ainsi dire, en celle de Notre-Dame, leur puissance n'a pu que s'accroître à ce rapprochement avec la douce souveraine de la terre et des deux.

Paolo Schiavo. XVe.

PRIERE

" Quelle est celle-ci, qui s'avance belle comme l'aurore à son lever, terrible comme une armée rangée en bataille (Cant. VI, 9.) ? Ô Marie, c'est aujourd'hui que, pour la première fois, votre douce clarté réjouit la terre. Vous portez en vous le Soleil de justice ; et sa lumière naissante frappant le sommet des monts, tandis que la plaine est encore dans la nuit, atteint d'abord le Précurseur illustre dont il est dit qu'entre les fils des femmes il n'est point de plus grand. Bientôt l'astre divin, montant toujours, inondera de ses feux les plus humbles vallées. Mais que de grâce en ces premiers rayons qui s'échappent de la nuée sous laquelle il se cache encore ! Car vous êtes, Ô Marie, la nuée légère, espoir du monde, terreur de l'enfer (III Reg. XVIII, 44 ; Isai. XIX, 1.) ; en sa céleste transparence, contemplant de loin les mystères de ce jour, Elie le père des prophètes et Isaïe leur prince découvrirent tous deux le Seigneur. Ils vous voyaient hâtant votre course au-dessus des montagnes, et ils bénissaient Dieu; car, dit l'Esprit-Saint, lorsque l'hiver a enchaîné les neuves, desséché les vallées, brûlé les montagnes, le remède à tout est dans la hâte de la nuée (Eccli. XLIII, 21-24.).

Hâtez-vous donc, Ô Marie ! Venez à nous tous, et que ce ne soient plus seulement les montagnes qui ressentent les bienfaits de votre sereine influence : abaissez-vous jusqu'aux régions sans gloire où la plus grande partie du genre humain végète, impuissante à s'élever sur les hauteurs ; que jusque dans les abîmes de perversité les plus voisins du gouffre infernal, votre visite fasse pénétrer la lumière du salut. Oh ! puissions-nous, des prisons du péché, de la plaine où s'agite le vulgaire, être entraînés à votre suite ! Ils sont si beaux vos pas dans nos humbles sentiers (Cant. VII, 1.), ils sont si suaves les parfums dont vous enivrez aujourd'hui la terre (Ibid. I, 5.) ! Vous n'étiez point connue, vous-même vous ignoriez, Ô la plus belle des filles d'Adam, jusqu'à cette première sortie qui vous amène vers nos pauvres demeures (Ibid, 7.) et manifeste votre puissance. Le désert, embaumé soudain des senteurs du ciel, acclame au passage, non plus l'arche des figures, mais la litière du vrai Salomon, en ces jours mêmes qui sont les jours des noces sublimes qu'a voulu contracter son amour (Ibid. III, 6-11.). Quoi d'étonnant si d'une course rapide elle franchit les montagnes, portant l'Epoux qui s'élance comme un géant de sommets en sommets (Psalm. XVIII, 6-7.) ?

Mariotto Albertinelli. XVIe.

Vous n'êtes pas, Ô Marie, celle qui nous est montrée dans le divin Cantique hésitante àl'action malgré le céleste appel, inconsidérément éprise du mystique repos au point de le placer ailleurs que dans le bon plaisir absolu du Bien-Aimé. Ce n'est point vous qui, à la voix de l'Epoux, ferez difficulté de reprendre pour lui les vêtements du travail, d'exposer tant qu'il le voudra vos pieds sans tache à la poussière des chemins de ce monde (Cant. V, 2-10.). Bien plutôt : à peine s'est-il donné à vous dans une mesure qui ne sera connue d'aucune autre, que, vous gardant de rester absorbée dans la jouissance égoïste de son amour, vous-même l'invitez à commencer aussitôt le grand œuvre qui l'a fait descendre du ciel en terre :
" Venez, mon bien-aimé, sortons aux champs, levons-nous dès le matin pour voir si la vigne a fleuri, pour hâter l'éclosion des fruits du salut dans les âmes ; c'est là que je veux être à vous." ( Cant. VII, 10-13.).

Et, appuyée sur lui, non moins que lui sur vous-même, sans rien perdre pour cela des délices du ciel, vous traversez notre désert (Ibid. VIII, 5.) ; et la Trinité sainte perçoit, entre cette mère et son fils, des accords inconnus jusque-là pour elle-même ; et les amis de l'Epoux, entendant votre voix si douce (Ibid. 13.), ont, eux aussi, compris son amour et partagé vos joies. Avec lui, avec vous, de siècle en siècle, elles seront nombreuses les âmes qui, douées de l'agilité de la biche et du faon mystérieux, fuiront les vallées et gagneront les montagnes où brûle sans fin le pur parfum des cieux (Ibid. 14.).

Heures à l'usage de Rome. XVe.

Bénissez, Ô Marie, ceux que séduit ainsi la meilleure part. Protégez le saint Ordre qui sefait gloire d'honorer spécialement le mystère de votre Visitation ; fidèle à l'esprit de ses illustres fondateurs, il ne cesse point de justifier son titre, en embaumant l'Eglise de la terre de ces mêmes parfums d'humilité, de douceur, de prière cachée, qui furent pour les anges le principal attrait de ce grand jour, il y a dix-huit siècles. Enfin, ô Notre-Dame, n'oubliez point les rangs pressés de ceux que la grâce suscite, plus nombreux que jamais en nos temps, pour marcher sur vos traces à la recherche miséricordieuse de toutes les misères ; apprenez-leur comment on peut, sans quitter Dieu, se donner au prochain : pour le plus grand honneur de ce Dieu très-haut et le bonheur de l'homme, multipliez ici-bas vos fidèles copies. Que tous enfin, vous ayant suivie en la mesure et la manière voulues par Celui qui divise ses dons à chacun comme il veut (I Cor. XII, 11.), nous nous retrouvions dans la patrie pour chanter d'une seule voix avec vous le Magnificat éternel !"

vendredi, 16 juin 2023

16 juin. Notre Dame du Mont Carmel et le saint Scapulaire. 1251.

- Notre Dame du Mont Carmel et le saint Scapulaire. 1251.

" Celui qui mourra revêtu du saint Scapulaire, sera préservé des feux éternels ; c'est un signe de salut, une sauvegarde dans les périls et le gage d'une paix et d'une protection spéciale jusqu'à la fin des siècles."
Paroles de Notre Dame à saint Simon de Stock.


Notre Dame du Mont Carmel remettant
le saint Scapulaire à saint Simon de Stock.

L'Ordre du Carmel a une origine aussi ancienne que glorieuse ; cet Ordre n'est que la continuation de l'école des prophètes établie au mont Carmel par le prophète Élie. Les disciples de cette école furent au premier rang parmi les convertis au christianisme naissant, et le Carmel devint le berceau de la vie monastique depuis Jésus-Christ.

Après la dispersion des Apôtres, l'an 38, ils bâtirent une chapelle en l'honneur de Marie et se vouèrent tout spécialement à célébrer Ses louanges. Plus tard, ils eurent beaucoup à souffrir des Sarrasins et des Musulmans.

C'est à l'occasion des épreuves subies par l'Ordre du Carmel au temps des Croisades que les Carmes vinrent en France avec le roi saint Louis. Ils y établirent plusieurs maisons et allèrent même s'implanter en Angleterre, où ils eurent le bonheur de voir saint Simon de Stock embrasser leur Institut. Ce grand Saint devint, en 1245, supérieur général des Carmes, et n'oublia rien pour rallumer la dévotion à Marie dans son Ordre.

La fête de Notre-Dame du Mont-Carmel a pour but de rappeler une grâce insigne accordée par Marie à l'Ordre du Carmel et par lui à toute l'Église. Dans la nuit du 16 juillet, Simon Stock demandait, avec une ferveur toute spéciale, la protection de la Sainte Vierge sur son Institut. Au lever de l'aurore, Marie lui apparut, accompagnée d'une multitude d'anges, environnée de lumière et vêtue de l'habit du Carmel. Son visage était souriant ; dans ses mains Elle tenait le scapulaire de l'Ordre. Devant le saint, Elle s'en revêtit Elle-même, en disant :
" Reçois, mon cher fils, ce Scapulaire de ton Ordre comme le signe distinctif de ma confrérie et la marque du privilège que j'ai obtenu pour toi et les enfants du Carmel. Celui qui mourra revêtu de cet habit sera sauvé, il ne souffrira jamais les feux éternels. C'est un signe de salut. Une sauvegarde dans les dangers, un gage de paix et d'éternelle alliance."

Le Saint fit des miracles pour confirmer la réalité de cette vision. Ce fut l'origine de la Confrérie de Notre-Dame du Mont-Carmel, pour les chrétiens qui, ne pouvant embrasser la Règle, veulent attirer sur eux les bénédictions promises au scapulaire. Le privilège le plus considérable accordé à la confrérie du Mont-Carmel après celui que Marie fit connaître à saint Simon Stock, est celui qui fut révélé au Pape Jean XXII : la délivrance du purgatoire, le samedi après leur mort, des confrères du Mont-Carmel qui auront été fidèles à l'esprit et aux règles de la Confrérie.


Le saint Scapulaire.

Outre ces deux privilèges, il y a de nombreuses indulgences attachées au scapulaire.

La signification profonde du Scapulaire est éminemment consolante. En effet, il s'agit de sauver les âmes de l'enfer en les unissant à son Ordre dont la Vierge est la Reine et les aidera à aller au Ciel. Pie XII, dans la lettre " Neminem profecto " du 11 février 1950, écrivait à ce sujet :
" II ne s'agit pas d'une chose de peu d'importance, mais bien d'acquérir la vie éternelle en vertu de cette promesse de la Bienheureuse Vierge que la tradition rapporte ; il s'agit donc d'une affaire de toutes la plus importante et de la manière de la conduire à terme en toute sécurité. Le Scapulaire comme vêtement de la Vierge, c’est le signe et le gage de la protection de la Mère de Dieu."
Le 6 août 1950, le même Pape ajoutait :
" Combien d'âmes, en des circonstances humainement désespérées, ont dû leur suprême conversion et leur salut éternel au Scapulaire dont ils étaient revêtus ! Combien aussi, dans les dangers du corps et de l'âme, ont senti, grâce à lui, la protection maternelle de Marie !"

Le Scapulaire est un vêtement, c'est l'habit de la Vierge. Dans la Sainte Écriture, le vêtement est signe d'une dualité : il symbolise la chute originelle de l'homme déchu de la grâce et la possibilité pour lui de revêtir une gloire perdue (Gen 3.). Par là même, le vêtement est le signe de la nature spirituelle de l'homme et de sa destinée surnaturelle. Le prophète Isaïe (61, 10) chante dans son action de grâce :
" Je suis plein d'allégresse dans le Seigneur, mon âme exulte en mon Dieu, car il m’a revêtu de vêtements de salut, il m’a drapé d’un manteau de justice, comme l’époux qui se coiffe d’un diadème, comme la fiancée qui se pare de ses bijoux."
Le fils prodigue, à son retour, a été revêtu par son père de la plus belle robe, signe de pardon (Luc XV, 22.).
L'apôtre saint Paul nous montre quels sont les vêtements du bon soldat du Christ : " Mettez tous vos soins à vous revêtir de L’armure de Dieu... Ceignez vos reins de la ceinture de la chasteté... Revêtez la cuirasse de la justice... Prenez Le bouclier de la foi... Couvrez-vous la tête du casque du salut " (Ep. VI.).
L'Apocalypse de saint Jean nous montre au jugement dernier une foule immense devant l’Agneau, vêtue de robes blanches (Apoc VII, 14.).

Le Scapulaire est lui aussi un vêtement de salut, une cuirasse et un bouclier spirituels, une robe d'innocence dont nous revêt la Mère de Dieu. L'habit est un signe d'appartenance de celui qui le porte à la personne de qui il l'a reçu, et, en retour, de la protection de cette personne. Le Scapulaire manifeste donc, de la part de celui qui le porte, la consécration et l'appartenance volontaire à Marie, et de la part de Notre-Dame, l'engagement à secourir celui qui le porte en toute occasion, particulièrement à l'heure de la mort.

Saint Louis-Marie Grignion de Montfort, dans son Traité de la vraie dévotion à la Sainte Vierge, donne aux dévots serviteurs de Marie (au nombre desquels ceux qui portent le Scapulaire auront à cœur d'être comptés) un programme de vie en l'honneur de la Mère de Dieu :
" Faire toutes nos actions par Marie, avec Marie, en Marie et pour Marie, afin de les faire plus parfaitement par Jésus-Christ, avec Jésus-Christ, en Jésus et pour Jésus." (n. 43.).

A propos du port du scapulaire mais aussi des autres vraies dévotions et instruments de dévotions extérieures, le même saint Louis-Marie nous encourage :
" Les pratiques extérieures bien faites aident les intérieures, soit parce qu'elles font ressouvenir l'homme, qui se conduit toujours par les sens, de ce qu'il fait ou doit faire ; soit parce qu'elles sont propres à édifier le prochain qui les voit, ce que ne font pas celles qui sont purement intérieures.
Qu'aucun mondain donc ne critique ni ne mette ici le nez pour dire que la vraie dévotion est dans le cœur, qu'il faut éviter ce qui est extérieur, qu'il peut y avoir de la vanité, qu'il faut cacher sa dévotion, etc...
Je leur réponds avec mon Maître : " que les hommes voient vos bonnes œuvres, afin qu ils glorifient votre Père qui est dans les cieux (Matth. V, 16.), non pas, comme dit saint Grégoire, qu'on doive faire ses actions et dévotions extérieures pour plaire aux hommes et en tirer quelques louanges, ce serait vanité ; mais on les fait quelquefois devant les hommes, dans la vue de plaire à Dieu et de le faire glorifier par là, sans se soucier des mépris ou des louanges des hommes "."

Plus loin, le même saint remarque :
" Une des raisons pourquoi si peu de chrétiens pensent à leurs voeux du saint baptême et vivent avec autant de libertinage que s'ils n'avaient rien promis à Dieu, comme les païens, c'est qu'ils ne portent aucune marque extérieure qui les en fasse ressouvenir."


Notre Dame remettant le chapelet à saint Dominique
et le saint scapulaire à saint Simon de Stock.

Ô COMBIEN DE MIRACLES ET DE GRÂCES !

- Le Vénérable François de Yepes, tertiaire du Carmel, voyait souvent des démons qui s'efforçaient de le tenter. Un jour, alors qu'il baisait respectueusement son Scapulaire avant de le mettre, Satan s'approcha de lui, portant une chaîne d'or, et lui dit :
" Allons donc, porte plutôt cette chaîne d'or, et jette loin de nous cet objet qui nous est insupportable et ne sert qu'à nous tourmenter. Et cesse de persuader tant de personnes de le vénérer et de le porter."

Une nuit où il avait fait tomber son Scapulaire en se donnant la discipline, il vit les démons s'approcher de lui, et, tandis qu'il se hâtait de remettre le manteau de Marie, lui crier avec fureur :
" Enlève, enlève cet habit qui nous fait perdre tant d'âmes : car elles nous échappent, celles qui, en étant revêtues, meurent pieusement ". François de Yepes leur fit avouer que trois choses les tourmentaient et leur étaient insupportables : " le Nom de Jésus, le Nom de Marie et le Scapulaire du Carmel "."

- Saint Alphonse de Liguori était mort en 1787 avec le Scapulaire du Mont-Carmel. Or, quand, au cours de son procès de béatification, on ouvrit sa tombe, on constata que le corps du saint évêque était réduit en poussière, ainsi que ses vêtements. Seul son Scapulaire était parfaitement intact ! Cette relique précieuse est aujourd'hui exposée au Monastère Saint Alphonse de Rome. Un siècle plus tard, le même phénomène de conservation miraculeuse du Scapulaire fu constaté lorsqu'on examina les reliques de saint Jean Bosco.

- Un vieil homme est amené, inconscient, à l'hôpital Saint-Simon de Stock, à New-York. L'infirmière, voyant sur sa chemise un Scapulaire brun, appelle un prêtre. Pendant que celui-ci récite les prières des agonisants, le malade ouvre les yeux et murmure :
" Mon Père, je ne suis pas catholique.
- Pourquoi alors portez-vous le Scapulaire ?
- J'ai promis à des amis de le porter et de dire chaque jour un " Je vous salue, Marie ".
- Vous êtes mourant, lui dit le prêtre. Voulez-vous devenir catholique ?
- Oui, mon Père. Toute ma vie, je l'ai désiré."
Le prêtre le prépare rapidement, puis le baptise et lui donne les derniers sacrements. Peu de temps après, le vieil homme mourait doucement. La Bienheureuse Vierge Marie avait pris sous sa protection cette âme revêtue de son Habit.

QUESTIONS PRATIQUES CONCERNANT LE SCAPULAIRE

1. On devient membre de la Confrérie du Scapulaire de Notre-Dame du Mont-Carmel par la réception du Scapulaire, qui doit obligatoirement être " imposé " , c'est à dire placé autour des épaules, en utilisant le rituel prévu à cet effet.
En cas d'urgence (péril de mort) et s'il était impossible de trouver un prêtre, un laïc pourrait imposer, à lui-même ou à un autre, en récitant une prière à la Sainte Vierge, un scapulaire précédemment bénit par un prêtre.

2. Tout prêtre ou diacre peut désormais faire l'imposition du Scapulaire (il n'est plus nécessaire, comme par le passé, d'une autorisation spéciale de l'Ordre des Carmes déchaux). Il faut pour cela utiliser une des formules de bénédiction prévues par le Rituel romain. Certains laïcs, munis des pouvoirs nécessaires donnés par l'Ordre du Carmel, peuvent également l'imposer.

3. Le Scapulaire du Mont Carmel est composé de deux morceaux de laine brune de forme rectangulaire ou carrée, non tricotés mais tissés, reliés entre eux par deux fils de manière à pouvoir être portés, un morceau sur la poitrine et l'autre sur le dos. L'image de la Sainte Vierge n'est pas nécessaire, mais c'est une pieuse et louable coutume qu'elle y soit attachée.

4. Le Scapulaire doit être porté de manière moralement continuelle (donc aussi pendant la nuit) ; on peut bien sûr l'enlever pour se laver, sans cesser de bénéficier de la promesse. Il peut être dissimulé sous les vêtements. Il est bénit une fois pour toutes lors de l'imposition. Lorsqu'un Scapulaire est sali ou usé, on peut donc le remplacer sans aucune nouvelle cérémonie de bénédiction ou d'imposition (la bénédiction du premier Scapulaire passe aux suivants).

5. La médaille du Scapulaire.
Le Pape Saint Pie X a concédé la faculté de remplacer le Scapulaire de tissu par une médaille, surtout en raison de la rapide corruption de l'étoffe dans les pays chauds. Cette concession a été depuis étendue au monde entier. On peut donc avec la médaille du Scapulaire bénéficier des trois promesses de la Très Sainte Vierge :
- préservation des flammes éternelles,
- libération du purgatoire (privilège sabbatin),
- protection contre les dangers de l'âme et du corps.

Il faut toutefois remarquer que la médaille ne peut être imposée. Il est donc indispensable de recevoir, selon les normes prescrites ci-dessus, un premier Scapulaire en tissu : seulement après, on peut le remplacer par la médaille (préalablement bénite avec la formule de bénédiction du Scapulaire, ou par un simple signe de croix).

La médaille doit représenter d'un côté Notre Seigneur montrant son Coeur, de l'autre la Sainte Vierge. On peut porter la médaille du Scapulaire autour du cou ou sur soi d'une autre manière. Si l'on change de médaille, il n'est pas nécessaire que la nouvelle médaille reçoive une bénédiction. Cependant, il faut insister sur le fait que l'Église préfère le Scapulaire en étoffe, parce que celui-ci représente mieux le vêtement donné par la Sainte Vierge à saint Simon Stock.

La concession de la médaille n'est qu'une dispense, et les papes saint Pie X et Benoît XV qui l'ont octroyée, ont ajouté qu'ils désiraient que les fidèles continuent à porter, si possible, le Scapulaire en laine.

On peut d'ailleurs remédier à l'inconvénient de l'usure du tissu, en protégeant le Scapulaire avec une enveloppe en plastique, ou plus simplement en changeant souvent de Scapulaire. Le Scapulaire usé doit être brûlé ou jeté enveloppé, de manière à ne pas risquer d'être profané.

mercredi, 31 mai 2023

31 mai. Marie Reine, Mère et Médiatrice de toutes grâces. XIXe.

- Notre Dame la Très Sainte Vierge Marie, Reine, Mère et Médiatrice de toutes grâces. XIXe.


Que la très Sainte Vierge Marie soit la Médiatrice de toutes les grâces, ce n'est pas une doctrine nouvelle, et l'Office et la Messe approuvée par le pape Pie XI ne sont que la confirmation officielle d'une vérité qui découle de la Maternité divine de Marie et de tout le plan de Dieu dans l'ordre de notre salut.
 
Cette fête était de plus en plus dans les voeux des serviteurs les plus fervents et les plus éclairés de la très Sainte Vierge ; elle dérive de toute la doctrine de l'Église, de l'enseignement des Docteurs et des Saints ; il suffit de nommer, parmi d'autres, saint Éphrem, saint Bernard, saint Bernardin, saint Louis-Marie Grignion de Montfort, dont le Traité de la vraie dévotion à la Sainte Vierge est, en quelque sorte, l'illustration magnifique de cette Médiation universelle de la Mère de Dieu.

Le titre par excellence de Marie, Sa gloire suprême, le principe de toutes Ses grandeurs et de toutes Ses vertus, c'est Sa Maternité divine. Si la tradition de l'Église L'appelle la Trésorière du Royaume des Cieux, la Toute-puissance suppliante, la Dispensatrice de la grâce, la Corédemptrice, la Reine du Ciel et de la terre, etc., c'est en raison de Sa divine Maternité. Mais le titre qui semble le mieux résumer tous les autres et le plus heureusement exprimer la mission de la glorieuse Mère de Dieu, c'est celui de Médiatrice de toutes les grâces, Médiatrice d'intercession, et de plus, Médiatrice de dispensation et de distribution de toutes les grâces.

C'est bien à cette doctrine que reviennent ces paroles des plus grands docteurs et serviteurs de Marie :
" Tout ce qui convient à Dieu par nature convient à Marie par grâce... Telle a été la Volonté de Dieu, qu'Il a voulu que nous recevions tout par Marie... Tous les dons, vertus, grâces du Saint-Esprit Lui-même, sont administrés par les mains de Marie, à qui Elle veut, quand Elle veut, autant qu'Elle veut..."

Toute la Liturgie mariale suppose ou exprime la doctrine de Marie Médiatrice universelle de toutes les grâces.

Piéta. Anonyme italien. XVIIe.

PRIERE

" Ô Marie, très Sainte Mère de Dieu et Mère des hommes, en ce mois où par toute la terre, jusque dans les endroits les plus petits et les plus reculés, vous allez être encore plus louée et priée par toutes les âmes ferventes et chrétiennes, en ce mois où vous allez obtenir de Dieu des bienfaits plus grands et plus nombreux pour tous, nous voulons, nous aussi, vous témoigner davantage notre dévotion et notre amour.
 
Priez pour nous, Sainte Vierge Marie, obtenez-nous tout ce qui peut faire notre bonheur en ce monde et en l’autre ; inspirez-nous de vous prier, de vous honorer, de vous aimer, pour que toujours, par votre protection, nous soyons bénis et aimés de Dieu, à la vie et à la mort.
 
Et vous, ô Bienheureuse Jeanne d’Arc, priez aussi pour nous, afin qu’à votre exemple nous ayons de plus en plus de la dévotion pour la Très Sainte Vierge, et qu’ainsi nous méritions plus de grâces pour nous et pour l’Eglise et la France que vous avez tant aimées."

mercredi, 24 mai 2023

24 mai. Notre Dame Auxiliatrice.

- Notre Dame Auxiliatrice.


Francesco Morone. XVIe.

Depuis que nous sommes entrés dans les joies pascales, le Cycle n'a cessé, pour ainsi dire, de nous apporter jour par jour de nouveaux noms à saluer, de nouvelles gloires à honorer ; et tous ces noms, toutes ces gloires se sont montrés à nous tout rayonnants des feux du soleil de la Pâque. Cependant aucune fête consacrée à Marie n'est venue réjouir nos coeurs, en nous retraçant quelqu'un des mystères ou quelqu'une des grandeurs de cette auguste reine. Avril voit, il est vrai, la fête des Sept-Douleurs dans les années où la Pâque descend jusqu'au dix de ce mois et au-dessous ; mais les mois de mai et de juin s'écoulent sans amener aucune solennité spéciale en l'honneur de la Mère de Dieu. Il semble que la sainte Eglise veuille honorer dans un respectueux silence les quarante jours durant lesquels Marie, après tant d'angoisses, se repose dans la possession de son fils ressuscité. En méditant le mystère pascal dans le cours de cette mystérieuse période, nous devons donc avoir soin de ne jamais isoler le fils de la mère et nous demeurerons dans la vérité. Jésus, durant ces quarante jours, se communique fréquemment à ses disciples, hommes faibles et pécheurs ; peut-il se séparer un instant de sa mère, à la veille de la nouvelle et dernière épreuve qu'elle doit subir, lorsque les portes du ciel s'ouvriront pour recevoir son fils ? Bien souvent Jésus se montre à ses regards, et la comble de ses caresses filiales ; mais dans les intervalles de ces visites il ne la quitte pas ; non seulement son souvenir, mais sa présence reste tout entière dans l'âme de Marie, avec tout le charme d'une intime et ineffable possession.

Aucune fête n'aurait pu exprimer un tel mystère ; toutefois l'Esprit-Saint, qui gouverne les sentiments de la sainte Eglise, a fait naître insensiblement dans les cœurs des fidèles la pensée de décerner des hommages spéciaux à Marie dans tout le cours du mois de mai, qui s'écoule, presque chaque année, tout entier au milieu des joies du Temps pascal. Sans doute d'heureuses harmonies ont aidé la piété à concevoir la gracieuse idée de consacrer mai à Marie ; mais si nous réfléchissons à l'influence céleste et mystérieuse qui conduit tout dans l'Eglise, nous comprendrons qu'il existe, au fond de cette détermination, une intention divine d'unir aux allégresses maternelles dont surabonde en ces jours le cœur immaculé de Marie, la joie qui remplit les cœurs de ses enfants de la terre, dans le cours de ce mois employé tout entier à célébrer ses grandeurs et ses miséricordes.

Or voici cependant une fête de Marie en ce jour. Hâtons-nous de dire qu'elle n'est pas inscrite sur le Cycle universel delà sainte Eglise ; mais ajoutons en même temps qu'elle est tellement répandue, avec l'agrément du Siège Apostolique, que cette Année liturgique eût été comme incomplète, si nous n'eussions pas donné place à cette solennité. Son but est d'honorer la Mère de Dieu sous le titre de Secours des Chrétiens ; appellation méritée par les innombrables faveurs que cette toute-puissante Auxiliatrice n'a cessé de répandre sur la chrétienté. Depuis le jour dont nous devons célébrer bientôt l'anniversaire, et dans lequel l'Esprit-Saint descendit sur Marie au Cénacle, afin qu'elle commençât à exercer sur l'Eglise militante son pouvoir de Reine, jusqu'aux dernières heures de la durée de ce monde, qui pourrait énumérer toutes les occasions dans lesquelles elle a signalé et signalera son action protectrice sur l'héritage de son fils ?

Les hérésies se sont levées tour à tour pleines de rage, appuyées sur le bras des puissants de la terre; il semblait qu'elles allaient dévorer la race des fidèles; tour à tour elles sont tombées les unes sur les autres, atteintes d'un coup mortel ; et la sainte Eglise nous révèle que c'est le bras de Marie qui chaque fois a frappé ce coup. Si des scandales inouïs, des tyrannies sans nom, ont semblé entraver un moment la marche de l'Eglise, le bras toujours armé de l'invincible Reine a dégagé le passage ; et l'Epouse du Rédempteur s'est avancée libre et fière, laissant derrière elle ses entraves brisées et ses ennemis abattus. C'est en repassant dans son esprit tant de merveilles que le grand pape saint Pie V, au lendemain de la victoire de Lépante, où notre auguste triomphatrice venait d'anéantir pour jamais la puissance navale des Ottomans, jugea que l'heure était venue d'inscrire dans les Litanies de la sainte Vierge, a la suite des titres pompeux dont l'Eglise la salue, celui de Secours des Chrétiens, AUXILIUM CHRISTIANORUM.


D'après Luca Signorelli.

Il était réservé à notre siècle de voir un Pontife, décoré aussi du nom de Pie, relever encore ce beau titre, et en faire l'objet d'une fête commémorative de tous les secours que Marie a daigné apporter à la chrétienté dans tous les âges. Le jour désigné à cet effet ne pouvait être mieux choisi. Le 24 mai de Tannée 1814 éclaira dans Rome le plus magnifique triomphe dont les fastes de la chrétienté aient enregistré le souvenir. Ce fut un grand jour, celui où Constantin traça les fondements de la basilique vaticane en l'honneur du Prince des Apôtres, sous les yeux de Sylvestre bénissant le César qui abordait au christianisme ; mais ce fait imposant n'était qu'un signe de la dernière et décisive victoire remportée par l'Eglise sur toute la surface de la terre, dans la récente persécution de Dioclétien. Ce fut un grand jour, celui où Léon III, vicaire du Roi des rois, posa sur la tête de Charlemagne la couronne impériale, et renoua de ses mains apostoliques la chaîne brisée des Césars ; mais Léon III ne faisait que donner une expression solennelle au pouvoir que l'Eglise exerçait déjà de toutes parts au sein des nations nouvelles, qui recevaient d'elle l'idée de la souveraineté chrétienne, la consécration de ses droits et la sanction de ses devoirs. Ce fut un grand jour, celui où Grégoire XI ramena dans la ville de saint Pierre la majesté papale, après un triste exil de soixante-dix années à Avignon; mais Grégoire XI ne faisait que remplir un devoir ; et il n'avait tenu qu'à ses prédécesseurs d'accomplir avant lui ce retour que réclamaient impérieusement les nécessités de la chrétienté.

Le 24 mai 1814 efface par son éclat tous ces jours, si glorieux qu'ils aient été. Pie VII rentre dans Rome aux acclamations de la ville sainte, dont la population tout entière, transportée d'enthousiasme, est allée au-devant de lui, des palmes à la main, et au cri de l'Hosanna. Il sort d'une captivité de cinq années, durant lesquelles le gouvernement spirituel de la chrétienté a été totalement suspendu. Les puissances coalisées contre son oppresseur n'ont pas eu l'honneur de briser ses fers ; celui-là même qui le retenait loin de Rome l'a déclaré libre d'y retourner dès les derniers mois de l'année précédente; mais le Pontife a voulu prendre son temps, et ce n'est que le 25 janvier qu'il a quitté Fontainebleau. Rome, dans laquelle il va rentrer, a été réunie à l'empire français, il y a cinq ans, par un décret où se lisait le nom de Charlemagne ; elle s'est vue, elle, la ville de saint Pierre, réduite en chef-lieu de département, administrée par un préfet ; et comme pour effacer à jamais le souvenir de ce que fut la ville des Papes, son nom a été donné en apanage à l'héritier présomptif de la couronne impériale de France.

Quel jour que le 24 mai qui éclaira le retour triomphal du Pontife en qualité de Pasteur et de Souverain dans les murs de cette cité sacrée, d'où il avait été arraché la nuit par des soldats ! Sur sa route à petites journées, Pie VII a rencontré les armées, et l'Europe s'est inclinée devant son droit. Ce droit surpasse en ancienneté comme en dignité celui de tous les rois ; et tous, sans distinction d'hérétiques, de schismatiques ou de catholiques, se feront un devoir de le reconnaître solennellement.

Mais tout ceci ne nous révèle pas encore en son entier l'étendue du prodige qu'a daigné opérer la toute-puissante Auxiliatrice. Pour le saisir tel qu'il est, il importe de se rappeler que ce miracle ne s'accomplit pas au siècle de saint Silvestre et de Constantin, ni au siècle de saint Léon III et de Charlemagne, ni au siècle où la grande prophétesse Catherine de Sienne intimait les ordres du ciel aux populations de l'Italie et aux Papes d'Avignon. Le siècle témoin de cette merveille est le XIXe ; et il la voit s'effectuer dans les années où il subit encore le joug flétrissant du voltairianisme, où vivent encore de toutes parts les auteurs et les complices des crimes et des impiétés qui furent comme le couronnement du XVIIIe siècle. Tout était contre un résultat aussi plein et aussi inattendu ; la conscience catholique était loin d'être éveillée alors comme elle l'est aujourd'hui ; l'action céleste avait à se manifester directement, et c'est afin de révéler à la chrétienté qu'il en a été ainsi, que Rome a érigé en trophée à Marie, Secours des Chrétiens, la journée du 24 mai de chaque année.

Cherchons maintenant à saisir l'intention divine dans la double restauration que le Christ opère aujourd'hui par la main de son auguste mère. Pie VII avait été enlevé de Rome et détrôné; il est rétabli dans Rome comme Pape et comme souverain temporel. Aux jours des fêtes de la Chaire de saint Pierre à Rome et à Antioche, nous avons établi la doctrine de l'Eglise qui nous enseigne que la succession aux droits conférés par le Christ à saint Pierre est attachée à la qualité d'Evêque de Rome. Il suit de là que la résidence dans la ville de Rome est à la fois le droit et le devoir du successeur de Pierre, sauf le cas où il jugerait, dans sa sagesse, devoir s'en éloigner pour un temps. Celui-là donc qui, par les moyens de la force matérielle, retient hors de Rome le Souverain Pontife, ou l'empêche d'y résider, agit contre la volonté divine ; car le pasteur doit habiter au milieu de son troupeau ; et le Christ ayant préposé l'Eglise Romaine à toutes les Eglises du monde, elles ont droit à trouver dans Rome, prédestinée à un tel honneur par tout son passé, celui qui est en même temps le docteur infaillible delà foi et la source de tout pouvoir spirituel. Le premier bienfait dont nous sommes redevables à Marie en ce jour est donc d'avoir restitué l'Epoux à l'Epouse, et rétabli dans ses conditions normales le gouvernement suprême de la sainte Eglise.

Le second bienfait est d'avoir remis le Pontife en possession de la puissance temporelle, qui est la plus sûre garantie de son indépendance dans l'exercice de son pouvoir spirituel. De tristes faits inscrits dans l'histoire ont révélé plus d'une fois les dangers d'un état de choses qui mettrait le Pape sous la dépendance d'un prince ; et l'expérience du passé démontre que la ville de Rome, si elle n'est pas placée sous le domaine de la papauté, pourrait encourir, aux yeux de la chrétienté, le reproche de n'avoir pas toujours su veiller à la liberté ou à la dignité de l'Eglise dans l'élection du Pontife suprême. La sagesse divine a pourvu au besoin de l'immense troupeau du Christ, en préparant de bonne heure les bases du domaine temporel de la papauté sur Rome et son territoire, avant même que l'épée des Francs intervînt pour venger, pour constituer et agrandir ce précieux domaine qui est un bien de la chrétienté. Quiconque ose l'envahir porte la plus sensible atteinte à la liberté de l'Eglise tout entière ; et nous entendions, il y a un mois, le grand docteur saint Anselme nous enseigner que " Dieu n'aime rien tant en ce monde que la liberté de son Eglise ". Aussi l'a-t-il vengée toujours.

La souveraineté pontificale sur Rome et sur le territoire affecté à l'Eglise puise donc sa raison d'être dans les nécessités de l'ordre surnaturel. Il s'ensuit que cette souveraineté dépasse en dignité toutes les autres, et qu'étant vouée au service de Dieu sur la terre, elle doit être rangée parmi les choses sacrées. Quiconque ose l'envahir n'est plus seulement spoliateur, mais sacrilège ; et les anathèmes de l'Eglise tombent sur lui de tout leur poids. L'histoire est là tout entière pour nous redire combien a été lamentable le sort de tous les princes qui, ayant bravé l'anathème, ont négligé de donner satisfaction à l'Eglise, et osé affronter la justice de celui qui a conféré à Pierre le pouvoir de lier et de délier.


La Virgen de las Cuevas. F. de Zurbaran. XVIIe.

Enfin, la souveraineté étant le fondement de toutes les sociétés humaines, et sa conservation sur la terre important au plus haut point au maintien de l'ordre et de la justice, elle doit être sauvegardée avant tout en celui qui en est la plus haute expression ici-bas ; c'est-à-dire dans le Pontife romain, dont les droits temporels sont les plus anciens que l'on puisse constater aujourd'hui, et chez qui le suprême pouvoir spirituel relève encore la dignité royale. Quiconque attaque ou renverse la souveraineté temporelle du Pape, attaque et renverse donc toutes les souverainetés ; car il n'en est pas une autre qui puisse soutenir le parallèle avec celle-ci, pas une qui puisse prétendre à être épargnée, si celle-ci succombe.

Gloire soit donc à Marie en ce vingt-quatrième jour de mai, consacré à reconnaître le double bienfait qu'elle a signalé, en déployant la puissance de son bras pour opérer d'un même coup le salut de l'Eglise et celui de la société ! Unissons-nous aux vives acclamations des Romains, fidèles alors, et faisant retentir dans un même enthousiasme l’Alleluia de la Pâque et l’Hosanna au Vicaire de Dieu, au Père de la Patrie. Le souvenir de saint Pierre délivré de sa prison et rendu à la liberté, planait sur cette foule passionnée d'amour pour un Pontife que tant d'épreuves avaient rendu plus auguste encore. Le char s'avançait par la voie Flaminienne ; il fut dételé et traîné par les citoyens ivres de joie jusqu'à la Basilique vaticane, où le Pontife avait hâte d'épancher ses actions de grâces sur le tombeau du Prince des Apôtres.

Mais ne terminons pas cette journée sans avoir célébré la miséricordieuse intervention de notre puissante Auxiliatrice. Si elle se montre quelquefois terrible dans la protection qu'elle répand sur son peuple, son cœur de mère ne saurait se défendre de la pitié pour les vaincus; à eux aussi, quand ils sont abattus, elle sait se montrer secourable. Témoin le grand guerrier dont elle triompha le vingt-quatre mai, et que sa bonté entreprit ensuite de réduire, en le ramenant à la foi de ses pères. Du sein d'une île perdue dans l'immensité de l'Océan, Pie VII vit un jour arriver un message. Le prince détrôné sur lequel il avait répandu l'huile sainte à Notre-Dame, et qui depuis avait eu le malheur d'attirer sur lui ces foudres spirituelles dont Dieu même gouverne l'emploi, demandait au Pontife, au seul roi de Rome, la faveur de ne pas vivre privé plus longtemps des augustes Mystères dont le sacerdoce catholique est le ministre accrédité par le ciel. Marie avait en vue une seconde victoire.

Pie VII, dont le prince ne prononçait le nom qu'avec attendrissement dans les jours de son exil, qu'il appelait " un agneau " (Las Cases, Mémorial de Sainte-Hélène.), Pie VII qui avait, aux yeux de toute l'Europe, ouvert un asile dans Rome aux membres de cette famille descendue de tant de trônes à la fois, se hâte de remplir le vœu de son ancien adversaire ; et bientôt le Sacrifice qui réconcilie le ciel et la terre est offert en présence du vaincu, dans cette île anglaise et protestante. Marie avançait dans sa conquête.


Psautier cistercien. XIIIe.

Mais la divine justice, avant de pardonner, voulait que l'expiation fut complète et solennelle. Celui qui, en relevant les autels de la France, fut l'instrument du salut de tant de millions d'âmes, ne devait pas périr ; mais il avait osé tenir captif au château de Fontainebleau le Pontife suprême, et ce fut en ce même château de Fontainebleau, et non ailleurs, qu'il lui fallut signer l'acte de son abdication. Il avait retenu cinq années dans les fers le Vicaire de Dieu ; cinq années de captivité, de souffrances et d'humiliations, lui furent infligées. La loi du talion accomplie, le ciel laissa à Marie le soin d'achever son triomphe. Réconcilié avec l'Eglise sa mère, muni des divins Sacrements qui purifient toute âme et la préparent pour l'éternité, Napoléon rendit la sienne à Dieu le cinq mai, dans le mois consacré à Marie,dans le mois qui contient le noble anniversaire que nous fêtons aujourd'hui. Et si l'on ose pénétrer la pensée de Dieu dans le choix du jour marqué éternellement pour ce grand trépas, ce jour n'est-il pas celui où nous avons célébré la fête de saint Pie V, le jour où Rome offrait ses voeux au septième Pie, au Pie réconciliateur, dont le nom qui devait reparaître encore en nos temps avec tant de gloire, signifie la tendre compassion et la miséricorde ?


Heures à l'usage d'Avignon. XVe.

" Dieu est pie et miséricordieux, pius et misericors ", dit la Sagesse dans le livre de l'Ecclésiastique (Psalm. CXX.). Marie aussi est pie et miséricordieuse ; et c'est pour cela que nous la saluons aujourd'hui de ce beau titre d'Auxiliatrice. Qu'il s'agisse du salut de l'Eglise entière, qu'il s'agisse du salut d'une âme en particulier, Marie est et demeure à jamais le Secours des chrétiens. Dieu l'a voulu ainsi, et nous entrons dans ses intentions, lorsque nous professons une confiance sans bornes dans le bras d'une si puissante reine et dans le cœur d'une si tendre mère.

Le secours de la Mère de Dieu s'est souvent fait sentir au peuple chrétien d'une manière miraculeuse, lorsqu'il s'est agi de repousser les ennemis de la religion. C'est pour cette raison que le très saint pontife Pie V. après l'insigne victoire remportée par les chrétiens sur les Turcs, dans le golfe de Lépante, par l'intercession de la bienheureuse Vierge, ordonna que parmi les titres d'honneur qui sont attribués à la reine des cieux dans les Litanies de Lorette, on insérerait désormais celui de Secours des Chrétiens. Mais un des faits les plus mémorables et les plus dignes d'être comptés parmi les traits miraculeux de cette protection, est celui qui se rapporte au souverain pontife Pie VII, qui ayant été enlevé du Siège apostolique de Pierre par le conseil des impies secondes de la force armée, et, chose inouïe dans les annales qui relatent les persécutions de l'Eglise ! Ayant été détenu sous la garde la plus sévère, principalement à Savone, durant plus de cinq ans, le gouvernement de l'Eglise de Dieu lui étant rendu impossible par toute espèce d'entraves, lut tout à coup et contre l'attente universelle rétabli sur le trône pontifical, aux applaudissements et par le concours du monde entier.

Ce qui arriva encore une seconde fois, lorsqu'une nouvelle tempête l'ayant contraint de sortir de Rome, et de se retirer en Ligurie avec le sacré Collège des cardinaux, un nouveau bienfait de Dieu apaisa l'orage qui menaçait l'Eglise des plus grands malheurs, et permit au Pontife de rentrer à Rome, au milieu des transports de joie de la chrétienté tout entière. Mais auparavant le Pontife avait voulu accomplir un désir qu'il avait conçu, et que sa captivité l'avait seule empêche d'effectuer. Ce fut de placer solennellement et de ses propres mains une couronne d'or sur l'insigne image de la Vierge Mère de Dieu, honorée à Savone sous le titre de Mère de la Miséricorde. Le même pontife Pie VII ayant la conscience intime de tous ces faits ; et rapportant avec raison leur admirable vicissitude à l'intercession de la très sainte Mère de Dieu, dont il avait demandé le secours avec instance, en même temps qu'il le faisait implorer par tous les fidèles, institua en l'honneur de la Vierge .Mère une fête solennelle qui doit être célébrée à perpétuité le vingt-quatre de mai, anniversaire de son heureux retour à Rome ; et il approuva un Office propre pour cette fête, afin que le souvenir et l'action de grâces pour un tel bienfait demeurassent à jamais présents à la pensée des fidèles.


Saint Jean Bosco avait une grande dévotion pour
Notre Dame Auxiliatrice ; il oeuvra sa vie durant pour
la propagation de son culte.

" J'ai levé mes yeux vers les montagnes d'où vient le Secours, et le Secours que j'attends vient du Seigneur, qui a fait le ciel et la terre." (Psalm. CXX. — 2.).
C'est ainsi que priait Israël. L'Eglise chrétienne répète la même prière ; mais pour elle le secours est plus voisin et plus prompt. Les vœux du Psalmiste ont été remplis; les cieux se sont abaissés, et le divin Secours est maintenant tout près de nous. Jésus, Fils de Dieu et fils de Marie, est ce Secours, et il accomplit à tout instant cette promesse qu'il nous avait faite par son Prophète :
" Au jour de ton salut, je suis devenu ton Auxiliaire." (Isai. XLIX. 8.).

Mais ce Roi des rois a voulu nous donner une Reine, et cette Reine est Marie sa mère. Dans son amour, il a fait dresser pour elle un trône à sa droite, comme fit Salomon pour sa mère Bethsabée (III Reg. II, 19.), et il a voulu que du haut de ce trône Marie fût aussi le Secours des chrétiens. C'est la sainte Eglise qui nous l'enseigne, en inscrivant ce beau titre sur la Litanie ; c'est Rome même qui nous convie à nous unir à elle aujourd'hui, afin de rendre gloire à la céleste Auxiliatrice pour l'un de ses plus signalés bienfaits.

PRIERE

" Nous venons donc mêler aux allégresses pascales, Ô notre Reine, les joies qu'inspire à tout enfant de l'Eglise le souvenir de votre intervention en faveur de la chrétienté, en ce jour mémorable où Rome revit son Pasteur et son Roi. Recevez nos hommages, Ô vous qui avez remporté la victoire. Ce mois tout entier retentit de vos louanges ; mais elles montent vers vous plus joyeuses en ce jour. Daignez donc abaisser vos regards sur Rome et sur son Pontife. De nouveaux périls se sont élevés ; la pierre posée par Jésus est redevenue un signe de contradiction, et les vagues mugissantes de l'impiété la couvrent de leur écume. Nous savons, Ô Marie, que cette pierre ne peut être déracinée, et que la sainte Eglise pose sur elle en sûreté ; mais nous savons aussi que les destinées de cette Eglise ne sont pas éternelles ici-bas. Un jour elle doit être enlevée dans les cieux, et ce jour sera le dernier que verra ce monde coupable. Jusqu'à ce moment terrible, n'êtes-vous pas, Ô Marie, notre toute-puissante Auxiliatrice ? Ô ! Daignez étendre ce bras auquel rien ne résiste. Souvenez-vous de cette Rome à qui votre culte fut si cher, où tant de nobles sanctuaires proclament la gloire de votre nom. L'heure dernière de ce monde n'a pas encore sonné ; venez en aide à la plus sainte des causes ; ne permettez pas que la ville sainte soit foulée plus longtemps sous les pieds des impies ; conservez-lui son Pontife, et rendez l'indépendance qui lui est nécessaire à celui en qui nous vénérons le Vicaire du Roi des rois.

Mais Rome n'est pas le seul point de la terre qui appelle votre puissant secours, Marie ! De toutes parts la Vigne de votre fils est exposée aux ravages du sanglier. Le mal est partout, l'erreur est partout, la séduction est partout ; il n'est aucune contrée où l'Eglise ne soit dans la souffrance, où sa liberté ne soit violée ou menacée. Les sociétés, entraînées loin de la tradition chrétienne dans leurs lois et dans leurs mœurs, sont frappées d'impuissance et sans cesse au moment de rouler dans l'abîme. Secourez le monde dans un aussi grand péril, Ô notre Auxiliatrice ! Vous en avez la force et le pouvoir ; ne laissez pas périr la race que Jésus a rachetée, et qu'il vous a léguée du haut de sa croix.


Vierge à l'enfant accompagnée de Saint Dominique
et de sainte Marie-Madeleine. XVe.

Ô Marie, Secours des Chrétiens, vous êtes l'espoir de nos âmes ; et nos âmes sont menacées par le même ennemi qui s'attaque aux sociétés humaines. Dans sa rage infernale, il poursuit l'image de votre divin fils dans l'homme et dans l'humanité. Venez au secours de vos enfants. Arrachez-les à la dent meurtrière du serpent. Le monstre connaît votre puissance ; il sait que vous pouvez sauver sa victime tant qu'elle n'est pas sortie encore des conditions du temps, et que l'éternité ne s'est pas encore ouverte pour elle. Vous avez, Ô Marie, remporté d'éclatants triomphes pour le salut de vos enfants ; ne vous lassez pas, nous vous en supplions, d'être secourable pour les pauvres pécheurs. C'est vous surtout, et les faits le prouvent, que Jésus avait en vue lorsque, voulant remplir de convives la salle du festin éternel, il dit aux ministres de son amour :
" Forcez-les d'entrer." (Luc. XIV, 23.).

Nos voix suppliantes montent vers vous, Ô notre Auxiliatrice, car nos besoins nous pressent ; mais nous n'avons garde d'oublier les devoirs particuliers qui vous sont dus en ces jours où la sainte Eglise honore vos ineffables relations avec votre fils ressuscité. Avec quelles délices elle s'identifie aux transports de bonheur qui ont tout à coup remplacé dans votre âme les angoisses du Calvaire et du sépulcre ! C'est à la mère consolée en son fils, triomphante en son fils, que nous offrons, avec les fleurs du printemps, l'hommage annuel de nos louanges dans tout le cours du mois dont les grâces et la splendeur offrent tant d'harmonies avec votre immortelle beauté. En retour, conservez à nos âmes l'éclat qu'elles ont puisé dans la Pâque au contact de votre divin ressuscité, et daignez nous préparer vous-même à recevoir dignement les dons de l’Esprit-Saint qui viendra bientôt, resplendissant des feux de la Pentecôte, sceller par sa descente en nous l'oeuvre de la régénération pascale."

HYMNE

" Nous vous appelons la Mère de notre Rédempteur et Maître, Ô Vierge belle entre toutes mais vous êtes aussi la gloire des chrétiens et leur Secours dans l'infortune.

Que les portes de l'enfer se déchaînent, que l'antique ennemi frémisse, qu'il suscite des colères contre le peuple que Dieu s'est consacré ;

Ses fureurs et sa rage ne sauraient nuire aux âmes pures qui implorent la Vierge ; car elle les couvre et les fortifie de son secours céleste.

Lorsqu'une telle protectrice daigne se déclarer pour nous, aussitôt s'arrête la fureur des guerres, et l'on voit succomber et fuir les bataillons ennemis qui s'avançaient avec fureur.

De même que s'élève sur la sainte montagne de Sion la citadelle construite avec solidité, la tour de David protégée par mille boucliers, et défendue par une vaillante garnison;

Ainsi la Vierge, que la main du Seigneur lui-même a comblée des dons célestes, écarte de son bras invincible les coups que le démon dirige contre ceux qui la servent avec ferveur.

Trinité digne de toutes nos louanges, accordez-nous de vous honorer durant les années éternelles ; agréez aujourd'hui la foi de nos cœurs, avec les cantiques que nos voix font monter vers vous.

Amen."

SAINT JEAN-BOSCO ET NOTRE DAME AUXILIATRICE

Pour étendre la dévotion à Marie-Auxiliatrice, si populaire à Turin, Don Bosco résolut d'élever, en son honneur, une belle église au Valdocco. Pie IX qui, à peine instruit de ces desseins insista sur le fait que le titre de Marie Auxiliatrice attirerait certainement les faveurs de la Reine du Ciel et il envoya un don de cinq cents francs pour coopérer à la construction de l'église, et il accompagna cette offrande d'une bénédiction toute spéciale.

Fort de cette approbation, Don Bosco choisit un terrain convenable, tout à côté de l'Oratoire. La pose de la pierre angulaire eut lieu solennellement le 27 avril 1865.
Quand la première main fut mise aux travaux, il n'y avait en caisse que quarante centimes, l'argent envoyés par le Saint-Père ayant été absorbés par le payement du terrain.

On comptait sur diverses promesses faites soit par la municipalité, soit par des personnes charitables. Mais, sous je ne sais quels prétextes, ces engagements ne furent pas tenus tout d'abord. Si l'aide des hommes fit ainsi défaut, ce fut sans doute pour que l'intervention de la Reine du Ciel se manifestât d'une façon plus éclatante, et pour qu'il fût clairement démontré qu'elle voulait non seulement un édifice idéal dans les coeurs, mais encore un édifice réel, où son divin Fils serait honoré par son intermédiaire. Sans se laisser arrêter par ces difficultés, Don Bosco mit résolument les ouvriers à la besogne, et fit creuser les fondations.

Après la première quinzaine de ce travail, il se trouva dû, aux terrassiers, mille francs. Ces braves gens ne pouvaient attendre plus longtemps leur salaire, et il fallait absolument payer les journées faites. Dans cet embarras, Don Bosco pensa à une personne qui avait commencé une neuvaine quelques jours auparavant et qui avait promis une offrande en cas de réussite.

C'était une dame qu'il avait eu l'occasion de visiter dans l'exercice de son saint ministère. Elle était fort gravement malade, retenue dans son lit, depuis trois mois, par une fièvre continuelle, avec grande toux et épuisement complet :
" Oh ! Lui avait-elle dit, pour recouvrer un peu de santé, je serais bien disposée à dire toutes les prières qu'on m'indiquera, et à faire quelque offrande. Ce serait une grande faveur pour moi si je pouvais seulement sortir du lit, et faire quelques pas dans ma chambre.
- Ferez-vous ce que je vous indiquerai ?
- Bien certainement.
- Alors commencez tout de suite une neuvaine à Notre-Dame Auxiliatrice.
- Comment cela ?
- Pendant neuf jours, vous direz, trois fois par jour, le Pater, Ave, Gloria et Salve Regina.
- Je le ferai. Et quelle œuvre de charité faudra-t-il joindre ?
- Si vous le voulez, et si vous éprouvez quelque amélioration dans votre santé, vous ferez une offrande pour l'église de Notre-Dame Auxiliatrice qui se commence au Valdocco.
- Oui, oui, bien volontiers : si dans le cours de cette neuvaine j'obtiens seulement de pouvoir sortir du lit et faire quelques pas dans ma chambre, j'enverrai une offrande pour l'église qu'on élève en l'honneur de la Sainte Vierge Marie."


Cette promesse était la seule ressource sur laquelle pût compter Don Bosco à l'heure présente. On était précisément au huitième jour de la neuvaine, et ce ne fut pas sans une certaine anxiété qu'il alla s'enquérir du résultat. La servante, qui lui ouvrit la porte, s'écria en le voyant :
" Madame est guérie ; elle est déjà sortie deux fois pour aller à l'église rendre grâce à Dieu."
En effet, la maîtresse survint toute joyeuse :
" Je suis guérie, mon Père. Je suis déjà allée remercier la sainte Vierge. Voici l'offrande que j'ai préparée ; c'est la première, mais ce ne sera certainement pas la dernière."
Et elle remit à Don Bosco un petit paquet.

Quand il fut chez lui, il l'ouvrit et trouva précisément cinquante napoléons d'or. On peut dire que les mille francs dont il avait besoin ce jour-là tombèrent vraiment de la main de la Sainte Vierge.

Quoique Don Bosco eût évité soigneusement de parler de ce fait, il ne tarda pas à s'ébruiter ; et presque aussitôt il se produisit un concours extraordinaire de personnes faisant des neuvaines à Notre-Dame Auxiliatrice, et promettant des dons à son église si elles étaient exaucées.

Qui pourrait raconter les guérisons sans nombre qui eurent lieu, les grâces de toutes sortes, spirituelles et temporelles qui furent accordées ! Turin, Gênes, Bologne, Naples, Milan, Florence, Rome, puis Palerme, Vienne, Paris, Londres, Berlin, retentirent des louanges de Notre-Dame Auxiliatrice. On n'eut jamais recours en vain à son intercession.

Les offrandes arrivèrent en grand nombre, parant à tous les besoins. Au moment où les travaux étaient poussés avec la plus grande activité, les dons parurent se ralentir un moment. Mais voici que le choléra survient ; beaucoup de cœurs sont émus, soit par la crainte du fléau, soit par la reconnaissance d'y avoir échappé, et les ressources arrivent plus abondantes que jamais.

D'autres eurent l'idée d'intéresser Notre-Dame Auxiliatrice soit à leur commerce, soit à la prospérité de leurs terres, promettant, en faveur de son église, la dîme des bénéfices ou des récoltes. Ils n'eurent pas lieu de se repentir de ce contrat, et le résultat dépassa toutes les espérances.

Le croira-t-on ! L'église de Notre-Dame Auxiliatrice fut érigée presque sans qu'une quête ait eu lieu ; les ressources arrivèrent toujours d'elles-mêmes et à point. La dépense totale fut d'un peu plus d'un million ; or, un registre, parfaitement tenu, prouve que, sur cette somme considérable, huit cent cinquante mille francs furent l'offrande de personnes qui avaient obtenu des grâces ou des faveurs signalées, et qui témoignaient ainsi leur reconnaissance. On peut dire que chaque pierre de l'édifice est un signe de la bonté et de la puissance de Marie Auxiliatrice.

Et longue serait l'énumération s'il fallait parler de tous les autres dons de remerciements faits à l'église : calices, ciboires, ostensoirs, lampes, ornements précieux, autels, chandeliers, statues, tableaux, etc, etc.

Le nouveau temple, commencé en 1865, fut achevé en trois ans, et on put le consacrer le 9 juin 1868.

Les fêtes qui eurent lieu à cette occasion durèrent huit jours et attirèrent un concours immense de peuple. L'auguste Pape Pie IX avait bien voulu accorder une indulgence plénière, applicable aux âmes du Purgatoire, à tous ceux qui, confessés et communiés, feraient une visite à l'église de Marie Auxiliatrice dans les premiers huit jours de sa consécration. L'affluence fut telle que, pendant les cérémonies, on ne pouvait ni entrer ni sortir ; et cependant il n'y eut ni désordre, ni accident.

Les fêtes se terminèrent le 17 juin, par un service funèbre en faveur de tous les bienfaiteurs défunts.

Cette église de Notre-Dame Auxiliatrice, Don Bosco l'avait vue en songe, dans ses plus minutieux détails, bien avant qu'elle existât ; et, lorsqu'on lui objectait les difficultés que devait présenter une construction aussi considérable, il se contentait de sourire. La sainte Vierge lui avait inspiré cette œuvre, elle la voulait, elle lui en avait désigné l'emplacement, et dès lors Don Bosco savait que tous les obstacles allaient se dissiper, comme un léger brouillard sous les rayons puissants du soleil. C'est Marie elle-même qui s'est bâti ce temple.

Aedificavit sibi domum Maria.


Basilique Notre-Dame-Auxiliatrice. Turin.