samedi, 19 octobre 2024
19 octobre. Saint Pierre d'Alcantara, de l'ordre des frères mineurs, confesseur. 1562.
- Saint Pierre d'Alcantara, de l'ordre des frères mineurs, confesseur. 1562.
Pape : Pie IV. Roi de France : Charles IX. Roi d'Espagne : Philippe II.
" Marchant dès son jeune âge dans l'innocence, évitant la sensualité et les plaisirs dangereux,fuyant le commerce des hommes, il s'adonnait à la contemplation des choses divines, et déjà embrasé de l'amour céleste, il croissait en sagesse et en grâce et, par la maturité de sa conduite, devançait le cours des années."
Bulle de sa canonisation.
Saint Pierre d'Alacantara. Luis Tristan.
Palais archi-épiscopal. Toléde. XVIe.
Pierre naquit à Alcantara, en Espagne, de nobles parents. Il fit présager dès ses plus tendres années sa sainteté future. Entré à seize ans dans l'Ordre des Mineurs, il s'y montra un modèle de toutes les vertus. Chargé par l'obéissance de l'office de prédicateur, innombrables furent les pécheurs qu'il amena à sincère pénitence.
Mais son désir était de ramener la vie franciscaine à la rigueur primitive ; soutenu donc par Dieu et l'autorité apostolique, il fonda heureusement le très étroit et très pauvre couvent du Pedroso, premier de la très stricte observance qui se répandit merveilleusement par la suite dans les diverses provinces de l'Espagne et jusqu'aux Indes. Sainte Thérèse, dont il avait approuvé l'esprit, fut aidée par lui dans son œuvre de la réforme du Carmel. Elle avait appris de Dieu que toute demande faite au nom de Pierre était sûre d'être aussitôt exaucée ; aussi prit-elle la coutume de se recommander à ses prières, et de l'appeler Saint de son vivant.
Extase de saint Pierre d'Alcantara.
Melchior Pérez Holguín. Bolivie. XVIIIe.
Les princes le consultaient comme un oracle ; mais sa grande humilité lui faisait décliner leurs hommages, et il refusa d'être le confesseur de l'empereur Charles-Quint. Rigide observateur de la pauvreté, il ne portait qu'une tunique, et la plus mauvaise qui se pût trouver. Tel était son délicat amour de la pureté, qu'il ne souffrit pas même d'être touché légèrement dans sa dernière maladie par le Frère qui le servait. Convenu avec son corps de ne lui accorder aucun repos dans cette vie, il l'avait réduit en servitude, n'ayant pour lui que veilles, jeûnes, flagellations, froid, nudité, duretés de toutes sortes. L'amour de Dieu et du prochain qui remplissait son cœur, y allumait parfois un tel incendie, qu'on le voyait contraint de s'élancer de sa pauvre cellule en plein air, pour tempérer ainsi les ardeurs qui le consumaient.
Son don de contemplation était admirable ; l'esprit sans cesse rassasié du céleste aliment, il lui arrivait de passer plusieurs jours sans boire ni manger. Souvent élevé au-dessus du sol,il rayonnait de merveilleuses splendeurs. Il passa à pied sec des fleuves impétueux. Dans une disette extrême, il nourrit ses Frères d'aliments procurés par le ciel. Enfonçant son bâton en terre, il en fit soudain un figuier verdoyant. Une nuit que, voyageant sous une neige épaisse, il était entré dans une masure où le toit n'existait plus, la neige, suspendue en l'air, fit l'office de toit pour éviter qu'il n'en fût étouffé.
Sainte Thérèse rend témoignage au don de prophétie et de discernement des esprits qui brillait en lui. Enfin, dans sa soixante-troisième année, à l'heure qu'il avait prédite, il passa au Seigneur, conforté par une vision merveilleuse et la présence des Saints. Sainte Thérèse, qui était loin de là, le vit au même moment porté au ciel ; et, dans une apparition qui suivit, elle l'entendit lui dire : " Ô heureuse pénitence, qui m'a valu si grande gloire !" Beaucoup de miracles suivirent sa mort, et Clément IX le mit au nombre des Saints.
Saint Pierre d'Alcantara (détail). D'après Claudio Coello. XVIIe.
" Le voilà donc le terme de cette vie si austère, une éternité de gloire !" (Ste Thérèse, Vie, XXVII.)
Combien furent suaves ces derniers mots de vos lèvres expirantes : " Je me suis réjoui de ce qui m'a été dit : Nous irons-dans la maison du Seigneur "(Psalm. CXXI, 1.). L'heure de la rétribution n'était pas venue pour ce corps auquel vous étiez convenu de ne donner nulle trêve en cette vie, lui réservant l'autre ; mais déjà la lumière et les parfums d'outre-tombe, dont l'âme en le quittant le laissait investi, signifiaient à tous que le contrat, fidèlement tenu dans sa première partie, le serait aussi dans la seconde. Tandis que, vouée pour de fausses délices à d'effroyables tourments, la chair du pécheur rugira sans fin contre l'âme qui l'aura perdue ; vos membres, entrés dans la félicité de l'âme bienheureuse et complétant sa gloire de leur splendeur, rediront dans les siècles éternels à quel point votre apparente dureté d'un moment fut pour eux sagesse et amour.
Et faut-il donc attendre la résurrection pour reconnaître que, dès ce monde, la part de votre choix fut sans conteste la meilleure ? Qui oserait comparer, non seulement les plaisirs illicites, mais les jouissances permises de la terre, aux délices saintes que la divine contemplation tient en réserve dès ce monde pour quiconque se met en mesure de les goûter ? Si elles demeurent au prix de la mortification de la chair, c'est qu'en ce monde la chair et l'esprit sont en lutte pour l'empire (Gal. V, 17.) ; mais la lutte a ses attraits pour une âme généreuse, et la chair même, honorée par elle, échappe aussi par elle à mille dangers.
Saint Pierre d'Alcantara donnant la sainte communion
à sainte Thérèse d'Avila. Livio Mehus. XVIIe.
Vous qu'on ne saurait invoquer en vain, selon la parole du Seigneur, si vous daignez vous-même lui présenter nos prières, obtenez-nous ce rassasiement du ciel qui dégoûte des mets d'ici-bas. C'est la demande qu'en votre nom nous adressons, avec l'Eglise, au Dieu qui rendit admirable votre pénitence et sublime votre contemplation (Collecte de la fête.). La grande famille des Frères Mineurs garde chèrement le trésor de vos exemples et de vos enseignements ; pour l'honneur de votre Père saint François et le bien de l'Eglise, maintenez-la dans l'amour de ses austères traditions. Continuez au Carmel de Thérèse de Jésus votre protection précieuse ; étendez-la, dans les épreuves du temps présent, sur tout l'état religieux. Puissiez-vous enfin ramener l'Espagne, votre patrie, à ces glorieux sommets d'où jadis la sainteté coulait par elle à flots pressés sur le monde ; c'est la condition des peuples ennoblis par une vocation plus élevée, qu'ils ne peuvent déchoir sans s'exposer à descendre au-dessous du niveau même où se maintiennent les nations moins favorisées du Très-Haut.
" Bienheureuse pénitence, qui m'a mérité une telle gloire !" C'était la parole du Saint de ce jour, en abordant les cieux ; tandis que Thérèse de Jésus s'écriait sur la terre : " Ah ! quel parfait imitateur de Jésus-Christ Dieu vient de nous ravir, en appelant à la gloire ce religieux béni, Frère Pierre d'Alcantara !"
Le monde, dit-on, n'est plus capable d'une perfection si haute ; les santés sont plus faibles, et nous ne sommes plus aux temps passés. Ce saint était de ce temps, sa mâle ferveur égalait néanmoins celle des siècles passés, et il avait en souverain mépris toutes les choses de la terre. Mais sans aller nu-pieds comme lui, sans faire une aussi âpre pénitence, il est une foule d'actes par lesquels nous pouvons pratiquer le mépris du monde, et que notre Seigneur nous fait connaître dès qu'il voit en nous du courage. Qu'il dut être grand celui que reçut de Dieu le saint dont je parle, pour soutenir pendant quarante-sept ans cette pénitence si austère que tous connaissent aujourd'hui !
Saint Pierre d'Alcantara. Bernardo Strozzi. XVIIe.
" De toutes ses mortifications, celle qui lui avait le plus coûté dans les commencements, c'était de vaincre le sommeil ; dans ce dessein, il se tenait toujours à genoux ou debout. Le peu de repos qu'il accordait à la nature, il le prenait assis, la tête appuyée contre un morceau de bois fixé dans le mur; eût-il voulu se coucher, il ne l'aurait pu, parce que sa cellule n'avait que quatre pieds et demi de long. Durant le cours de toutes ces années, jamais il ne se couvrit de son capuce, quelque ardent que fût le soleil, quelque forte que fût la pluie. Jamais il ne se servit d'aucune chaussure.
Il ne portait qu'un habit de grosse bure, sans autre chose sur la chair ; j'ai appris toutefois qu'il avait porté pendant vingt années un cilice en lames de fer-blanc, sans jamais le quitter. Son habit était aussi étroit que possible ; par-dessus il mettait un petit manteau de même étoffe ; dans les grands froids il le quittait, et laissait quelque temps ouvertes la porte et la petite fenêtre de sa cellule ; il les fermait ensuite, il reprenait son mantelet, et c'était là, nous disait-il, sa manière de se chauffer et de faire sentir à son corps une meilleure température.
Saint Jean de Capistran apparaissant à
saint Pierre d'Alcantara. Luca Giordano. XVIIe.
Il lui était fort ordinaire de ne manger que de trois en trois jours ; et comme j'en paraissais surprise, il me dit que c'était très facile à quiconque en avait pris la coutume. Sa pauvreté était extrême, et sa mortification telle qu'il m'a avoué qu'en sa jeunesse il avait passé trois ans dans une maison de son Ordre sans connaître aucun des Religieux, si ce n'est au son de la voix, parce qu'il ne levait jamais les yeux, de sorte qu'il n'aurait pu se rendre aux endroits où l'appelait la règle, s'il n'avait suivi les autres. Il gardait cette même modestie par les chemins. Quand je vins a le connaître, son corps était tellement exténué, qu'il semblait n'être formé que de racines d'arbres (Ste Thérèse, Vie, ch. XXVII, XXX, traduction Bouix.)."
On sait que trois familles illustres et méritantes composent aujourd'hui le premier Ordre de saint François ; le peuple chrétien les connaît sous le nom de Conventuels, Observantins et Capucins. Une pieuse émulation de réforme toujours plus étroite avait amené, dans l'Observance même, la distinction des Observants proprement ou primitivement dits, des Réformés, des Déchaussés ou Alcantarins, et des Récollets ; d'ordre plushistorique que constitutionnel, sil'onpeut ainsi parler, cette distinction n'existe plus depuis que, le 4 octobre 1897, en la fête du patriarche d'Assise, le Souverain Pontife Léon XIII a cru l'heure venue de ramener à l'unité la grande famille de l'Observance, sous le seul nom d'Ordre des Frères Mineurs qu'elle devra porter désormais (Constit apost. Felicitate quadam.).
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samedi, 05 octobre 2024
5 octobre. Saint Placide et ses compagnons, martyrs à Messine en Sicile. 541.
Pape : Vigile. Empereur romain d'Orient : Justinien Ier.
" Combattons énergiquement, afin que Dieu nous couronne pour l'éternité."
Saint Bonaventure. Serm. XII Pentec.

Saint Benoît ordonne saint Placide. Miracle de saint Maur marchant
Placide, né à Rome, eut pour père Tertullus, de la très noble famille des Anicii. Il fut, encore enfant, offert à Dieu et confié à saint Benoît. D'une admirable innocence, tels furent ses progrès dans la vie monastique, qu'il compta parmi les principaux disciples du maître. Il était présent, lorsqu'une source miraculeuse jaillit, à la prière de celui-ci, au désert de Sublac. Un autre prodige est celui dont il fut l'objet lorsque, tout jeune encore, étant allé puiser au lac il y tomba et fut sauvé, au commandement du bienheureux père, par le moine Maur courant à pied sec sur les eaux.
Il accompagna Benoît lors de sa retraite en Campanie et, dans sa vingt-deuxième année, fut envoyé en Sicile pour y défendre contre d'injustes déprédations les possessions et droits assurés par son père au monastère du Mont-Cassin. De grands et nombreux prodiges marquèrent sa route, et ce fut précédé de la renommée de sa sainteté qu'il parvint à Messine. Il lut le premier qui introduisit dans l'île la discipline monastique, en construisant non loin du port, sur le domaine paternel, un monastère où trente moines furent rassemblés.

Martyre de saint Placide et de ses compagnons. Correggio. XVIIe.
Rien qui l'emportât sur lui en placidité douce, en humilité ; en prudence, gravité, miséricorde, perpétuelle tranquillité d'âme, il surpassait tout le monde. La contemplation des choses célestes absorbait le plus souvent ses nuits, ne s'asseyant un peu que lorsque s'imposait la nécessité du sommeil. Combien grand n'était pas son amour du silence ! Fallait-il parler, tout son discours était du mépris du monde et de l'imitation de Jésus-Christ. Son zèle pour le jeûne était tel, qu'il s'abstenait toute l'année de chair et de laitage ; pendant le Carême, les mardi, jeudi et Dimanche, il se contentait de pain et d'eau fraîche, se passant les autres jours de toute nourriture. Il ne but jamais de vin, porta perpétuellement le cilice. Cependant si grands, si nombreux étaient les miracles de Placide, que leur éclat lui amenait en foule, implorant guérison, les malades non seulement du voisinage, mais encore de l'Etrurie et de l'Afrique ; toutefois il avait pris, dans son insigne humilité, l'habitude d'opérer au nom de saint Benoît ces divers miracles et de lui en attribuer le mérite.
Sa sainteté, ses prodiges favorisaient grandement les progrès de la religion chrétienne, quand, la cinquième année depuis sa venue en Sicile, eut lieu une irruption subite de Sarrasins. Or, il se trouva que dans ces mêmes jours Eutychius et Victorinus, frères de Placide, avec sa sœur la vierge Flavia, étaient arrivés de Rome pour lui faire visite ; les barbares, surprenant l'église du monastère pendant l'office de nuit, s'emparèrent d'eux, ainsi que de Donat, de Fauste, du diacre Firmat et des trente moines.

Eglise Saint-Placide. Messine, Sicile.
Donat eut aussitôt la tête tranchée. Les autres, amenés devant Manucha le chef des pirates, furent sommés d'adorer ses idoles ; ce qu'ayant sans faiblir refusé de faire, on les jeta pieds et poings liés en prison sans aucune nourriture, après les avoir frappés de verges, et avec ordre de les frapper tous les jours. Mais Dieu les soutint ; lorsque après beaucoup de jours on les ramena au tyran, leur constance dans la foi fut la même ; de nouveau flagellés à plusieurs reprises, on les suspendit nus la tête en bas au-dessus d'une fumée épaisse, pour les étouffer. Chacun les croyait morts ; le lendemain, ils reparaissaient pleins de vie, miraculeusement guéris, sans aucune blessure.
Alors le tyran s'en prit séparément à la vierge Flavia, et ne pouvant rien sur elle par menaces, il la fit suspendre nue par les pieds à une haute poutre Mais comme il lui imputait à infamie cette épreuve :
" L'homme et la femme, dit la vierge, ont un seul Dieu pour créateur et auteur ; c'est pourquoi mon sexe ne me sera pas imputé près de lui à démérite, ni davantage cette nudité que je supporte pour son amour à lui qui, pour moi, ne voulut pas être seulement dépouillé de ses vêtements, mais encore attaché aune croix."

La crucifixion, dite de Saint-Placide, fut réalisée par Velasquez
Sur cette réponse Manucha furieux, après avoir repris contre elle le supplice des verges et de la fumée, ordonne qu'on la livre à la prostitution. Mais la vierge priait ; Dieu paralysa ceux qui voulurent l'approcher, et les punit de douleurs subites en tous leurs membres. Après la vierge, ce fut au frère de soutenir l'assaut. Comme il dénonçait la vanité des idoles, Manucha lui fit briser à coups de pierres la bouche et les dents, puis commanda qu'on lui coupât la langue jusqu'à la racine ; mais le martyr n'en parlait pas avec moins de netteté et d'aisance. La colère du barbare s'accrut à ce prodige ; sur Placide, sa sœur et ses frères, renversés à terre, il ordonne qu'on entasse en poids énorme des ancres et des meules, sans pourtant arriver davantage a leur nuire. Enfin, de la seule famille de Placide trente-six martyrs eurent la tête tranchée avec leur chef, sur le rivage du port de Messine ; ils remportèrent la palme avec beaucoup d'autres, le trois des nones d'octobre, l'an du salut 539 ou 541. Quelques jours plus tard, Gordien, moine de ce même monastère échappé par la fuite, retrouva tous les corps intacts et les ensevelit avec larmes. Quant aux barbares, ils furent peu après engloutis par les ondes vengeresses de la mer en punition de leur cruauté.
En 1588. la découverte à Messine des reliques du martyr et de ses compagnons de victoire est venue confirmer la véracité des Actes de leur glorieuse Passion. Ce fut à cette occasion que le Pape Sixte-Quint étendit la célébration de leur fête à toute l'Eglise sous le rit simple.
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mercredi, 11 septembre 2024
11 septembre. Saint Patient, évêque de Lyon. 491.
" Nos oeuvres sont d'autant plus agréables au Souverain Juge que nous les faisons avec une charité plus ardente."
Saint Laurent Justinien.

Saint Grégoire de Tours écrivant. Missel de Besançon. XIVe.
L'histoire ne nous apprend rien de certain touchant la naissance, l'éducation et les premiers emplois de saint Patient, évêque de Lyon. Il fut choisi, pour gouverner l'Eglise de cette ville, après la mort de saint Eucher.
Il assista, vers l'an 470, à l'ordination de Jean, évêque de Châlon-sur-Saône, où se trouvèrent saint Euphrone, évêque d'Autun, et les autres prélats de la première Lyonnaise.
Sidoine Apollinaire, qui le regardait comme son évêque avant qu'il fût lui-même élevé à l'épiscopat, ne parle de lui qu'avec de grands éloges. Il témoigne qu'il ne lui manquait aucune des vertus qui forment le grand et le saint prélat. II relève principalement sa charité pastorale pendant une cruelle famine qui désola son diocèse et les provinces voisines occupées par les Burgondes.

Le roi Chilpéric et saint Grégoire de Tours.
Saint Grégoire de Tours n'a point oublié ce bel endroit de la vie de saint Patient, et il nous fait remarquer que cette famine était la même où le sénateur Ecdice, beau-frère de saint Sidoine Apoilinaire, fit paraître une charité semblable à l'égard de la province d'Auvergne. Ce généreux Chrétien fit le plus noble usage des grands biens de la famille de Sidoine et de la sienne, qui étaient les premières du pays ; car, voyant que la famine croissait de jour, il envoya de ses gens avec des chevaux et des chariots dans toutes les villes du voisinage, pour se faire amener tous ceux qui étaient les plus pressés par la disette et la misère.
Une si belle action, faite uniquement pour Dieu, comme le remarque saint Grégoire, méritait d'être consacrée dans les fastes de l'Eglise. C'est parce que nous n'aurons pas occasion d'en parler ailleurs, que nous l'avons jointe ici, pour n'en pas laisser perdre la mémoire.
La charité de saint Patient n'était pas moins d'éclat, puisque, selon saint Sidoine, elle s'étendit jusqu'aux extrémités des Gaules, sans se borner aux nécessités qu'il connaissait. Il considérait toujours la nature des besoins avant que de regarder la qualité des indigents. Il prévenait ceux qui ne pouvaient venir jusqu'à lui.
Sa vigilance et sa pénétration lui faisaient découvrir les misères les plus cachées du fond des provinces ; et comme il n'était pas moins touché de la honte et de la modestie des pauvres absents que des plaintes et des cris de ceux qui lui étaient présents, il n'était pas moins appliqué à essuyer les larmes de ceux qu'il ne pouvait voir que celles des personages qui s'exposaient à sa vue.

Saint Sidoine Apollinaire. Bréviaire. XIVe.
Sidoine ajoute que ce qu'il faisait pour l'extirpation des hérésies, la conversion des barbares, la réformation des moeurs de son peuple, l'embellissement des églises de son diocèse, lui était commun avec les autres saints prélats de son temps, mais qu'il ne partageait avec personne la gloire de s'être épuisé pour acheter des blés, de les avoir fait distribuer gratuitement par toutes les provinces des Gaules que les Wisigoths, conduits par leur roi Evaric, avaient ravagées le long du Rhône et de la Saône jusqu'à la Loire ; et d'avoir disposé divers magasins le long de ces rivières, principalement sur le Rhône, où il avait sauvé les villes d'Arles, de Riez, d'Avignon, d'Orange, de Viviers, de Valence et de Saint-Paul-Trois-Châteaux, qui le regardaient comme leur libérateur et comme un second Joseph.
L'Auvergne et tout le reste de l'Aquitaine avaient ressenti aussi les effets de ses libéralités dans ces désolations publiques, et ces provinces choisirent Sidoine Apollinaire pour lui en marquer dignement leur reconnaissance.
La grandeur et la solidité de la vertu de notre saint prélat ne parurent pas moins dans toutes ses autres actions. Il savait allier les règles de l'abstinence avec celles de la bienséance, qui l'obligeaient de bien recevoir ceux qui se présentaient à sa table. Ce sage tempérament lui servait à gagner les coeurs de ceux qu'il tâchait d'attirer à Dieu. Aussi le roi Gondebaud, fils de Chilpéric, oncle de sainte Clotilde, qui demeurait dans sa ville, avait coutume de louer les repas qu'il donnait, et la reine publiait avec admiration sa sobriété et ses jeûnes.
Tout croissait sous sa main dans la maison du Seigneur dont il avait l'intendance ; il n'y avait que le nombre des hérétiques qui diminuait de jour en jour, par l'application qu'il apportait à les convertir.
Les Burgondes, maîtres du pays, étaient Ariens de secte, et la plupart suivaient les impiétés des Photiniens , qui avaient poussé l'Arianisme jusqu'aux derniers excès. Saint Patient en ramena un très-grand nombre à l'Eglise par la force de ses prédications et par la douceur de la conduite qu'il gardait à leur égard.

Eglise Saint-Irénée de Lyon.
Notre Saint construisit de nouvelles églises ; d'autres furent restaurées et embellies par ses soins. C'est à lui, notamment, que se rapportent la construction de l'église primitive de Saint-Irénée, et la transformation en un riche sanctuaire de la grotte où saint Zacharie avait déposé les corps des glorieux Martyrs.
" Ici, sous un même toit, sont construits deux temples dont Patient fut le fondateur. Un rayon de lumière venant d'en haut éclaire les corps des martyrs, jadis ensevelis dans une grotte profonde. Le sanctuaire inférieur resplendit, tandis que le faîte de l'édifice surgit avec majesté dans les airs. Celui-là chemine sûrement vers le Ciel, qui prépare au Christ, sur la terre, d'aussi magnifiques demeures."
C'était bien là cette crypte, remarquable par la richesse de ses ornements, dont les historiens nous ont laissé la description, et qui, plus tard, fut indignement profanée et presque entièrement détruite par les Calvinistes.
Mais rien n'égale la magnificence des restaurations qu'il fit à la basilique principale des Machabées, si même, comme le texte de saint Sidoine semble le faire entendre, il ne la rebâtit pas entièrement. La solennité de la dédicace dura 8 jours, pendant lesquels Fauste, évêque de Riez, célèbre par son talent oratoire, se fit entendre fréquemment.
Saint Patient fit construire 2 autres églises, celles de Saint-Romain et de Saint-Pierre le Vieux. La première occupait la place où, suivant la tradition, les eaux qui tombaient de la colline, teintes du sang des confesseurs de la Foi, après le massacre ordonné par Sévère, avaient formé comme un lac avant de s'écouler dans la Saône. La seconde était destinée à perpétuer la date du jour où avait eu lieu ce massacre. C'était la veille de la fête de saint Pierre, Apôtre. On croit que saint Patient bâtit encore l'église de Saint-Pierre et saint-Saturnin, dont les historiens rapportent la fondation à l'an 490.

Basilique-cathédrale Sainte-Trophime d'Arles.
Saint Patient assista, l'an 475, au concile d'Arles, assemblé par les soins de Léonce, évêque de cette ville. On dit qu'il assembla quelque temps après un autre concile dans Lyon, et qu'il y produisit un travail où il avait rassemblé et réduit les dogmes ecclésiastiques. C'est néanmoins ce qu'il n'est pas aisé de vérifier, non plus que la souscription prétendue de notre Saint et des autres évêques à la lettre de Fauste.
Nous ne connaissons aucun écrit de lui ; cependant on lui attribue communément la 48e homélie de celles qui portent le nom d'Eusèbe d'Emèse. C'est une réfutation des erreurs des Photiniens et des Ariens. Mais on peut dire que l'Eglise lui est redevable de la Vie de saint Germain d'Auxerre, qu'il a fait écrire par Constance, prêtre de son clergé.
Il mourrut vers l'an 491, et peut-être le 14 septembre, jour auquel on célèbre sa fête à Lyon. C'est celui aussi où on a marqué son nom dans le martyrologe romain moderne. Il n'en est point fait mention dans les anciens. Son corps fut enterré, ou du moins transporté dans l'église Saint-Just. Ses reliques y furent trouvées longtemps après ; on les y conserva religieusement jusqu'au XVIe siècle, où elles furent dissipées avec beaucoup d'autres, dans les troubles des Huguenots qui ruinèrent l'église de Saint-Just.
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11 septembre. Saint Prote, saint Hyacinthe et sainte Eugénie *, frères, eunuques, martyrs. 262.
- Saint Prote, saint Hyacinthe et sainte Eugénie *, frères, eunuques, martyrs. 262.
Pape : Saint Denys. Empereur romain : Gallien.
" Le Ciel serait sans douceur si la vie était sans souffrance."
Saint Augustin.

Saint Prote et saint Hyacinthe et sainte Eugénie.
Extraits de La légende dorée du bienheureux Jacques de Voragine :
Prote et Hyacinthe furent, eu raison de leur illustre noblesse chez les Romains, attachés à la maison de la fille de Philippe, nommée Eugénie (qui est fêtée au 25 décembre, jour de son martyre), et ses émules dans l’étude de la philosophie. Le sénat avait, confié à ce Philippe la préfecture d'Alexandrie où il conduisit avec lui Claudia, sa femme, Avitus et Sergius, ses fils, et Eugénie, sa fille.
Or, Eugénie avait atteint la perfection dans la science des lettres et des arts libéraux ; Prote et Hyacinthe, qui avaient étudié avec elle, possédaient aussi toutes les sciences dans le plus haut degré. Parvenue à l’âge de quinze ans Eugénie fut demandée en mariage par Aquilin, fils du consul Aquilin. Eugénie lui dit :
" Quand on doit faire choix d'un mari, il faut moins s'attacher à la naissance qu'à la bonne conduite."
Les livres qui renferment la doctrine de saint Paul lui étant tombés entre les mains, elle commença à devenir chrétienne au fond du coeur.

Saint Prote et saint Hyacinthe.
Il était à cette époque permis aux chrétiens d'habiter dans les environs d'Alexandrie, et il arriva que Eugénie, allant à une maison de campagne comme pour se délasser, entendit les chrétiens qui chantaient :
" Omnes du gentium daemonia, Dominas autem caelos fecit " (Ps. XCV). (" Tous les dieux des nations sont des démons ; mais le Seigneur est le créateur des cieux ").
Alors elle dit aux jeunes Prote et Hyacinthe qui avaient étudié avec elle :
" Nous nous sommes livrés à une étude scrupuleuse des syllogismes des philosophes, mais les arguments d'Aristote, les idées de Platon, les avis de Socrate, en un mot, les chants des poètes, les maximes des orateurs et des philosophes sont effacés par cette sentence ; je ne dois qu'à une puissance usurpée le titre de votre maîtresse, mais la science m’a faite votre sœur, soyons donc frères et suivons Jésus-Christ."
Cette résolution leur plaît ; elle prend alors des habits d'homme, et vient au monastère dont le chef Hélénus ne permettait l’entrée à aucune femme. Cet Igélénus, dans une discussion avec un hérétique, n'ayant pu détruire la force des arguments qu'on lui opposait, fit allumer un grand feu afin que celui qui ne serait pas brûlé fût reconnu comme ayant la croyance véritable. Ce qui fut fait ; Hélénus entra le premier dans le feu d'où il sortit sain et entier ; mais l’hérétique ne voulant pas y entrer fut chassé par tous.
Or, Eugénie s'étant présentée à Hélénus et ayant dit qu'elle était un homme : " Tu as raison, lui répondit Hélénus, de te dire homme, car bien que tu sois une femme, tu te comportes comme un homme ".

Sainte Eugénie. Frontal de l'église Sainte-Eugénie.
Dieu en effet lui avait révélé son sexe. Elle reçut donc de ses mains, avec Prote et Hyacinthe, l’habit monastique et se fit appeler frère Eugène. Quand le père et la mère d'Eugénie virent son char revenir vide à la maison, ils en furent contristés et firent partout chercher leur fille, sans pouvoir la trouver. Ils interrogent des devins pour savoir ce qu'elle était devenue ; ceux-ci leur répondent qu'elle est transportée par les dieux parmi les astres. En conséquence son père fit élever une statue à sa fille qu'il commanda à tous d'adorer. Quant à Eugénie, elle persévéra avec ses compagnons dans la crainte de Dieu, et fut choisie pour gouverner la communauté après la mort du supérieur.
Il se trouvait alors à Alexandrie une matrone riche et noble du nom de Mélancie (Mélas, veut dire noir) que sainte Eugénie avait délivrée de la fièvre quarte en lui faisant des onctions avec de l’huile au nom de Jésus-Christ Pour cette raison, Mélancie envoya beaucoup de présents à Eugénie qui ne les accepta point. Or, cette matrone, dans la conviction que frère Eugène était un homme, lui faisait de trop fréquentes visites. En voyant sa bonne grâce, sa jeunesse et la beauté de son extérieur, elle brûla d'amour pour lui et se tourmenta l’esprit pour trouver le moyen d'avoir commerce ensemble. Alors feignant une maladie, elle envoya le prier de venir chez elle pour la voir. Quand il fut arrivé, elle lui déclara comment elle était éprise d'amour pour lui, elle lui exposa ses désirs et le pria d'avoir commerce avec elle.
Aussitôt elle le saisit, l’embrasse, le baise et l’exhorte à commettre le crime. Frère Eugène, rempli d'horreur de ces avances, lui dit : " C'est à juste titre que tu portes le nom de Mélancie : tu es remplie de noirceur et de perfidie ; tu es une noire et obscure fille des ténèbres, une amie du diable, un foyer de débauche, une soeur d'angoisses sans fin et une fille de mort éternelle ".
Mélancie se voyant déçue, dans la crainte qu'Eugène ne publiât le crime, voulut le découvrir la première et se mit à crier qu'Eugène a voulu la violer. Elle alla trouver le préfet Philippe et elle porta plainte en ces termes : " Un jeune homme perfide qui se dit Chrétien est venu chez moi pour me guérir ; il entre, se jette sur moi et veut me faire violence : si je n'avais été délivrée par le moyen d'une servante qui était dans l’intérieur de ma chambre, il m’eût fait partager sa débauche ".
Le préfet, à ce récit, fut enflammé de colère, et avait envoyé une multitude d'appariteurs, il fit prendre Eugène et les autres serviteurs de Jésus-Christ, qu'on avait chargés de chaînes : il fixa un jour où ils devaient tous être livrés aux morsures des bêtes.
Puis les ayant fait venir devant lui, il dit à Eugènie :
" Dis-moi, infâme scélérat, si votre Christ vous a enseigné, pour doctrine, de vous livrer à la corruption et d'oser attenter avec une impudente rage à la vertu des matrones ?"
Eugénie, qui conservait la tète baissée pour ne pas être reconnue, répondit :
" Notre-Seigneur a enseigné la chasteté et a promis la vie éternelle à ceux qui gardent la virginité. Nous pouvons montrer que cette Mélancie commet un faux témoignage ; mais il vaut mieux que nous souffrions, plutôt qu'elle soit punie après avoir été convaincue ; nous perdrions alors le fruit de notre patience. Toutefois qu'elle amène la servante qu'elle dit avoir été témoin de notre crime afin que par ses aveux les mensonges puissent être réfutés."

Martyr de sainte Eugénie, de saint Prote et de saint Hyacinthe.
Cette femme fut amenée, et comme elle avait été endoctrinée par sa maîtresse, elle ne cessait de prétendre contre Eugène qu'il avait voulu violer sa dame. Tous les gens de la maison, qui avaient été également corrompus, attestaient qu'il en était ainsi ; alors Eugénie dit :
" Le temps de se taire est passé et le temps de parler est arrivé : je ne veux pas qu'une impudique charge d'un crime les serviteurs de Jésus-Christ et que la fausseté soit glorifiée. Or, afin que la vérité l’emporte et que la sagesse triomphe de la malice, je démontrerai la vérité sans être mue par la vanité mais par la gloire de Dieu."
En disant ces mots, elle déchira sa tunique depuis sa tète jusqu'à la ceinture, et alors on vit qu'elle était une femme, puis elle dit au préfet :
" Tu es mon père, Claudia est ma mère ; ces deux jeunes gens qui sont assis avec toi, Avitus et Sergius, ce sont mes frères ; je suis Eugènie ta fille ; ces deux-ci, c'est Prote et Hyacinthe."
A ces mots, le père qui commençait à reconnaître sa fille se jeta dans ses bras pour l’embrasser ainsi que la mère, en versant un torrent de larmes.
Eugènie est aussitôt revêtue de ses habits couverts d'or et portée aux nues. Le feu du ciel tomba sur Mélancie et la consuma avec les siens. Ce fut ainsi qu'Eugénie convertit à la foi de Jésus-Christ. son père, sa mère, ses frères et toute sa famille ; de telle sorte que le père, ayant été cassé de sa dignité, fut ordonné évêque par les chrétiens, et fut tué par les infidèles après avoir persévéré dans le bien.

Martyr de saint Prote et saint Hyacinthe.
Claudia retourna à Rome avec ses deux fils et Eugénie et ils y convertirent beaucoup de personnes à Jésus-Christ. Or, Eugénie, par l’ordre de l’empereur, fut attachée à une grosse pierre et précipitée dans le Tibre ; mais la pierre s'étant brisée, Eugénie marchait saine et sauve sur les eaux. Alors elle est jetée dans une fournaise ardente ; mais la fournaise s'éteignit et devenait pour la martyre un lieu de rafraîchissement. Ensuite elle est renfermée dans un cachot obscur, mais une lumière toute resplendissante rayonnait pour elle ; et après avoir été laissée dix jours sans nourriture, le Sauveur lui apparut et lui dit eu lui présentant un pain très blanc : " Reçois cette nourriture de Ma main ; Je suis ton Sauveur, que tu as aimé de toute l’étendue de ton esprit ; le jour que Je suis descendu sur la terre, Je te prendrai moi-même ".
En effet, au jour de la naissance du Seigneur, un bourreau est envoyé lui couper la tête. Elle apparut ensuite à sa, mère et lui prédit qu'elle la suivrait. le dimanche après. Quand arriva le dimanche, Claudia s'étant mise en prières, rendit l’esprit.
Prote et Hyacinthe ayant été traînés au temple des idoles, brisèrent la statue en faisant une prière, et comme ils ne voulaient pas sacrifier, ils accomplirent dans la suite leur martyre en ayant la tête coupée. Or, ils pâtirent sous Valérien et Gallien, vers l’an du Seigneur 256 (262 selon les découvertes ultérieures à la rédaction de la Légende dorée du bienheureux Jacques de Voragine et exposées dans les Petits bollandistes).
* Nous incluons ici la vie de sainte Eugénie, fêtée au 25 décembre, jour de son martyre.
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mardi, 03 septembre 2024
3 septembre. Saint Pie X, pape, confesseur. 1914.

Giuseppe Sarto, plus connu sous le nom de Pape Pie X, naquit le 2 juin 1835 à Riese, une bourgade de 4 500 habitants, dont ses parents, Jean Baptiste Sarto et Marguerite Sanson, contractèrent mariage le 13 février 1833 à l'église paroissiale st. Mathieu. C'est justement là que fut baptisé le petit Joseph, le lendemain de sa venue au monde.
Issu d'une famille modeste, Jean Baptiste exerçait l'emploi d'huissier municipal ; quant à Marguerite, elle était couturière de campagne. De leur union naquirent dix enfants : Joseph, Giuseppe (Joseph), Ange, Thérèse, Rose, Antonia, Marie, Lucie, Anne, et Pierre ; mais le premier et le dernier des garçons (Joseph et Pierre), à peine nés s'envolèrent au Paradis. Voilà pourquoi le second enfant fut baptisé Giuseppe (Joseph). Pourtant, qui pouvait dire de ce dernier, qu'un jour il serait le successeur de saint Pierre !...
Comme dans toutes les modestes familles nombreuses, la famille Sarto devait faire attention, car les revenus étaient faibles, mais tous se résignaient à la volonté du Seigneur, contents de la table qu'il leur servait chaque jour.
Epouse et mère exemplaire, Marguerite s'efforçait d'inculquer à ses enfants les vertus chrétiennes qu'elle avait elle même hérité de ses parents.
C'est dans cet esprit que le petit Joseph grandissait. Souvent, il allait prier au sanctuaire de Cendrole, à un kilomètre de Riese, car déjà très jeune il avait une dévotion toute spéciale pour la Sainte Vierge. Jamais il ne manquait le catéchisme ni manquait à la Messe. C'était pour lui une joie d'assister aux offices et servir à l'autel comme enfant de chœur. À la maison, il se plaisait à construire avec ses frères de petits autels, où, avec une simplicité enfantine, il s'exerçait aux cérémonies de l'église. Ces actes de piété naïve déposaient en son cœur les premiers germes de cette vocation qui un jour devait faire de lui le saint Pape que nous connaissons.
Ce goût prononcé pour le catéchisme et la Messe ne manqua pas d'attirer l'attention de Don Fusarini, le curé qui l'avait baptisé. Quand il eut terminé, avec succès, ses études élémentaires, il apprit le latin et fréquenta comme externe, de 1846 à 1850, le collège de Castelfranco (à 7 km de Riese) pour des études secondaires. Sur ces entrefaites, Joseph Sarto reçut la Confirmation le 1er décembre 1845 dans la cathédrale d'Asolo, et la première Communion le 6 avril 1847.
Été comme hiver, il parcourait à pied deux fois par jour la route qui le conduisait de chez lui au collège, avec un morceau de pain dans la poche pour son repas. Excellent élève, il était toujours le premier. Après un brillant succès aux examens, le jeune garçon voulait entrer au Séminaire car il se sentait appelé par le sacerdoce. Ses parents n'étaient pas en état de faire des frais pour payer les études de leur fils. Les maigres revenus de ses parents suffisaient à peine à faire vivre la nombreuse famille, et il était impossible de s'engager dans des frais supplémentaires.
AU SEMINAIRE DE PADOUE

Le jeune Joseph entra au séminaire à l'automne de 1850 où il y resta pendant huit ans. Ses supérieurs avaient gardé de lui un très bon souvenir. Il devint bien vite pour ses condisciples un modèle d'humilité et de simplicité ; vertus qu'il sut toujours allier à une grande fermeté de caractère. Maîtres et élèves appréciaient son intelligence, mais lui n'en tirait point vanité, ni ne cherchait point à paraître.
A Riese, tout le monde connaissait la situation très modeste de la famille Sarto. Bien que reçu gratuitement au Séminaire pour ce qui regarde la pension, les parents devaient faire face aux frais d'habillement, aux achats de livres et tout ce qu'il faut à un élève de Grand Séminaire. Quelques familles, qui estimaient et aimaient le jeune Sarto lui fournissaient un peu d'argent pour ces dépenses.
Le 4 mai 1852 un grand malheur vint troubler la joie de Joseph Sarto : la mort de son père, qui du coup plongea la famille dans une situation économique plus que dramatique. En cette douloureuse circonstance, Don Fusarini, archiprêtre, fut vraiment son ange consolateur : il assura à son père mourant qu'il continuerait à aider son fils Joseph dans ses études et ne cesserait de soulager les misères de la famille. Ainsi, le jeune séminariste se remit entre les mains de Dieu et se résigna à Sa volonté divine en esprit de sacrifice.
Son attention était aussi tourné à la musique et au chant d'église, si bien que ses supérieurs firent de lui le maître de chapelle du Séminaire. À la fin de l'année scolaire 1857-58, Joseph Sarto termina ses brillantes études.
PREMIÈRE MESSE
Le 18 septembre 1858 il fut ordonné prêtre. L'ordination se fit à la cathédrale de Castelfranco, et le lendemain, assisté par le curé de Riese, il put chanter avec une grande dévotion se première Messe là même où il fut baptisé. Peu après il fut nommé vicaire à Tombolo.
CURÉ À SALZANO
Au mois de mai 1867, alors âgé de 32 ans, il fut nommé archiprêtre de Salzano où il restera pendant neuf ans. Ses revenus étaient un peu plus important ici, mais ils servaient aux pauvres et aux malades. Il pensait à tous, excepté à lui-même, heureux seulement quand il pouvait faire du bien au prochain.
En neuf ans, il avait gagné les cœurs des paroissiens par sa parole, par ses actes et l'exemple d'une vie sainte.
CHANOINE À TRÉVISE
Trévise est situé à trente kilomètres de Venise. En 1875, trois stalles de chanoines se trouvèrent vacantes à la cathédrale de Trévise. L’Évêque songea donc à l'archiprêtre Sarto, dont il appréciait les éminentes qualités d'esprit et de cœur. En apprenant que l'Évêque voulait le nommer chanoine, il demanda à être ; dispensé de cette charge, mais en vain. C'est donc le 21 juillet 1875 qu'il se rendit à la cathédrale de Trévise pour prendre possession de son canonicat.

Autant il était charitable pour les autres, autant par contre il était sévère pour lui-même : il se souciait peu de ses vêtements ou de ses chaussures. Quel bel exemple de charité pour son prochain... !
VICAIRE CAPITULAIRE
Après la mort de Mgr. Zinelli, survenu le 24 novembre 1879, il eut la charge de gouverner le diocèse de Trévise du 27 novembre 1879 au 23 juin 1880. Ce peu de temps lui suffit pour faire beaucoup : Il prêchait plus qu'à l'ordinaire, redressait les mauvaises habitudes, introduisait les réformes que les constitutions Apostoliques permettent aux vicaires capitulaires ; mais son plus grand souci était que le peuple fût instruit de la religion, les enfants catéchisés et préparés avec soin à la première Communion.
LE SIÈGE ÉPISCOPAL DE MANTOUE
Les multiples mérites de cet homme de Dieu, ses vertus remarquables, sa sainteté de vie, son zèle pour le salut des âmes, sa compétence à gouverner le diocèse de Trévise étaient choses bien connues du Pape Léon XIII, qui, voulant lui témoigner sa confiance, le nomma dans le Consistoire du 10 novembre 1884, à l'évêché de Mantoue.

Le 25 février 1885, Mgr. Sarto obtint l'exequatur à la Bulle pontificale qui le nommait à l'évêché de Mantoue ; et c'est le 18 avril 1885 qu'il fit son entrée solennelle dans cette ville sous les applaudissements de la foule joyeuse et au son des cloches de la citée.
Pour les hommes destiné à de grandes choses, les voies de la Providence sont souvent mystérieuses. Mgr Sarto dut faire face à beaucoup de difficultés ; sa nouvelle fonction se présentant toute hérissée d'épines : nombreuses étaient les réformes à faire ; mais avec une inaltérable confiance en Dieu, il se mit au travail.
Il s'occupa d'abord du clergé : afin de relancer les vocations, il demanda que chacun selon son pouvoir vînt en aide aux séminaristes, de qui dépendait tout espoir d'un avenir meilleur pour le diocèse. Le résultat fut positif car le nombre des clercs s'éleva à 147.
Mgr Sarto eut particulièrement à cœur de former les séminaristes à l'esprit sacerdotal, au zèle pour le salut des âmes jusqu'au sacrifice de soi-même. Pour chaque jeune homme qui souhaitait entrer au séminaire, il voulait savoir si celui-ci avait la vocation, s'il était pieux, s'il fréquentait les sacrements, s'il priait... Bref, il souhaitait de vrais futurs prêtres pour l’Église.
Face au laissé aller qu'il y avait déjà à cette époque là dans certaines paroisses, il décida la tenue d'un Synode diocésain au terme duquel on y édita certaines prescriptions relatives à l'instruction religieuse du peuple :
- Explication, chaque dimanche, de l’Évangile ;
- Meilleure préparation des enfants à la première Communion ;
- Création de cercles et associations catholiques de jeunes gens, pour les tenir éloignés des dangers du monde ;
- Réorganisation des confréries.
On peut considérer ce Synode comme le point de départ de la restauration morale et religieuse de tout le diocèse de Mantoue.
CARDINAL ET PATRIARCHE

En octobre de cette année là, il alla revoir sa mère bien-aimée et sa ville natale. Il baptisa un grand nombre d'enfants. Ce fut la dernière fois qu'il embrassa sa chère maman : celle-ci rendit sa belle âme à Dieu en février de l'année suivante. On grava sur sa tombe cette inscription composée par son fils :

FEMME EXEMPLAIRE, ÉPOUSE VERTUEUSE
MÈRE INCOMPARABLE
LE 4 MAI 1852
PERDIT SON MARI BIEN-AIME
JEAN-BAPTISTE SARTO
RÉSIGNÉE ET CALME
DANS LES PEINES COMME DANS LES JOIES
AVEC UN COURAGE VIRIL
ELLE ÉLEVA CHRÉTIENNEMENT SES NEUF ENFANTS
LE 2 FÉVRIER 1894
DANS SA QUATRE-VINGT UNIÈME ANNÉE
ELLE COURONNA
PAR LA MORT DU JUSTE
UNE VIE DE TRAVAIL ET DE SACRIFICE.
POUR LEURS CHERS PARENTS
LE CARDINAL JOSEPH SARTO
SON FRÈRE ET SES SŒURS
DEMANDENT
La perte de sa mère lui causa une grande douleur.
Le 25 novembre 1894, il officia pontificalement pour la première fois dans la Basilique Saint-Marc, à Venise. Le nouveau Patriarche recevait chaque jour quiconque avait besoin de lui et administrait le sacrement de Confirmation. Né pauvre lui-même, il vécut toujours pauvre d'esprit, plein de pitié pour les souffrances des malheureux ; aussi était-il toujours prêt à secourir ceux d'entre eux qui s'adressaient à lui. On peut dire que personne ne frappa vainement à sa porte sans avoir été secouru.
Souvent, il visitait les hôpitaux, les hospices d'aliénés et les prisons. Le zèle et l'activité du Cardinal Sarto n'avaient pas de bornes quand il s'agissait de soulager les misères humaines de toutes sortes.
Pour ses armoiries, Mgr Sarto choisit : " d'azur à l'ancre tridentée d'argent au naturel au dessus d'une mer agitée, illuminée d'une étoile d'or ".

Les 3 branches de l'ancre symbolisent la foi, la charité et l'espérance ; " que nous retenons pour notre âme comme une ancre sûre et ferme " (Hebr. VI-19) ; l'étoile rappelait Marie, Étoile de la mer. Devenu patriarche de Venise, il ajouta à ses armoiries le lion ailé tenant l’Évangile, qui représente l'évangéliste saint Marc, patron principal de l'auguste cité, avec ces mots : " Pax tibi Marce evangelista meus !" ; devenu Pape, Sa Sainteté Pie X a conservé le lion dans ses armes, y ajoutant seulement les insignes du Souverain Pontificat.
UN PAPE REMARQUABLE
Le 20 juillet 1903, Léon XIII rendit son âme à Dieu. Quelques jours plus tard, le 26, il quittait Venise pour se rendre au Conclave. Après les neuf jours de prières prescrites pour le Pontife défunt, le soir du 31 juillet, les Cardinaux entrèrent en Conclave ; ils étaient au nombre de 62.
Les premiers scrutins s'étaient orientés vers le cardinal Rampolla, collaborateur direct de Léon XIII, et fort intelligent ; " Rampolla avait pour lui tous ceux qui voulaient voir se poursuivre la politique libérale du Pape défunt ".
Le 1er août, le veto de l'empereur d'Autriche François-Joseph Ier fut apporté par l'évêque de Cracovie, contre le cardinal Rampolla. Ce veto, qui fut tant critiqué, sauva l’Église ; car, après sa mort, Mgr Jouin découvrit des documents prouvant qu'il était Franc-maçon.
Très régulièrement - et pendant une époque chaque samedi -, le cardinal Rampolla allait en Suisse y chercher les instructions du pouvoir occulte qu'il avait mission d'appliquer dans le gouvernement de la Sainte Église. D'après ces documents, il avait reçu l'ordre, pour la France, de faire rallier les catholiques à la république (c'est sous son influence que Léon XIII exécuta cette malheureuse disposition) ; et pour l'église, de fonder au Vatican même une loge dont les membres seraient destinés à occuper les plus hauts postes dans la hiérarchie ecclésiastique.
Suite à ce veto, le choix du Conclave se porta en faveur du Cardinal Sarto. A chaque tour de scrutin les voix allaient croissant, et il supplia très humblement ses collègues de ne plus voter pour lui. Il s'efforçait, après chaque tour, d'énumérer avec preuves à l'appui, les titres qui lui manquaient, d'après lui, pour pouvoir être Pape ; mais Dieu avait décidé autrement : Au septième tour le Cardinal Sarto fut élu Successeur de saint Pierre, le 4 août 1903, par 50 voix en sa faveur.

L'humble élu, la tête basse, les yeux fermés et les lèvres murmurant une prière, écoute la sentence, et selon la formule habituelle, le Cardinal doyen s'approche de lui et l'interroge :
" Acceptez-vous votre élection, selon les règles canoniques, au Souverain Pontificat ?"
L'auguste élu, levant au ciel des yeux baignés de larmes dit, à l'exemple du Sauveur au Jardin des Oliviers :
" Si ce calice ne peut être éloigné de moi, que la volonté de Dieu soit faite : J'accepte."
Le grand sacrifice est accompli ; Joseph Sarto, l'humble enfant de l'huissier municipal et de la couturière de campagne, est Pape !
Très émouvante fut la cérémonie du couronnement, le 9 août 1903, dans la basilique saint Pierre où Pie X y célébra sa toute première Messe en tant que Souverain Pontife. La cérémonie dura cinq heures.
Durant les onze années de son pontificat, ce ne sont pas moins de 3 300 documents officiels qu'il rédigera pour restaurer tout dans le Christ : " Nous déclarons que notre but unique, dans l'exercice du suprême Pontificat, est de tout restaurer dans le Christ afin que le Christ soit tout et en tout ", écrivait-il dans sa première Encyclique E Supremi Apostolatus du 4 octobre 1903.
LE DEFENSEUR DE JESUS-CHRIST ET DE SON ÉGLISE

Un témoin rapporte :
" Quel est le rôle d'un Pape ? demandais-je un jour au curé qui se chargeait de faire le catéchisme. Le Pape, me dit-il, en sa qualité de Vicaire de Jésus-Christ sur la terre et défenseur de l’Église, a pour rôle de maintenir intacte la foi et la doctrine catholique."
A peine monté sur le trône pontifical, Pie X se mit courageusement à l'œuvre et commença par revendiquer la pleine liberté du Sacré-Collège dans l'élection du Souverain Pontife.
Un peu plus d'un an après son élection, Pie X dut faire face à l'injuste loi française de séparation de l’Église et de l'état, votée par le parlement, le 9 décembre 1905. Les effets de cette loi se firent sentir aussitôt :
- Spoliation des biens du clergé ;
- Persécution contre les institutions de bienfaisance ;
- Dissolution des congrégations religieuses ;
- Attaque sans merci contre les Sœurs des hôpitaux, des écoles ; des orphelinats et des asiles d'aliénés.
C'est dans ce contexte que Pie X protesta énergiquement : par l'Encyclique Vehementer du 11 février 1906 ; le Pape condamna solennellement la loi de séparation ; puis, près d'un an plus tard, il condamna dans son Encyclique " Une fois encore " la persécution contre l’Église, en France.

L’Église du Portugal fut elle aussi persécutée, d'une manière plus violente et plus barbare que l'avait été celle de France. Là encore, Pie X se conduisit comme il s'était conduit pour la France : L'Encyclique Jamdudum in Lusitania du 24 mai 1911 condamna les lois de persécutions et renouvela l'appel à l'union et à la persévérance dans la foi catholique. Ainsi, une seconde fois, le Pape Pie X, avec une charité évangélique, vint au secours des victimes de la persécution, accueillant par la même occasion, au Vatican, les prêtres et évêques portugais.
Le 24 mai 1910, il publia l'Encyclique Editae saepe dans laquelle il mettait en relief sa force d'âme dans la lutte contre les erreurs du temps. Il indiquait les caractères qui distinguent la vraie réforme de la fausse, en démasquant les prétendus réformateurs dont le but inavoué était de détruire la foi. C'est pourquoi, Pie X exhortait tous les fidèles à vivre en bons chrétiens, à fréquenter les sacrements et à se dépenser pour le salut des âmes.
Il eut également à protester contre les vexations des indiens du Pérou et des autres pays voisins. Il le fit par la lettre Lamentabili, du 7 juin 1912, aux évêques de l'Amérique Latine.

Les incroyants eux-mêmes ne purent s'empêcher d'admirer l'œuvre de Pie X : c'est ainsi que, le 24 juin 1914, la Serbie conclut un Concordat aux termes duquel les catholiques de ce pays jouiraient désormais d'une pleine liberté dans l'exercice du culte, et un Séminaire ouvrit à Belgrade.
DÉFENSEUR ET VENGEUR DE LA FOI
Déjà à l'époque, des théories nouvelles menaçaient l’Église. Certains éprouvaient la démangeaison de réformer les doctrines catholiques en les remplaçant par d'autres mieux adaptées aux conditions des temps modernes ; comme si les dogmes catholiques devaient changer avec les idées des hommes et comme si c'était à la religion à s'adapter aux hommes, et non le contraire. Dieu devrait-il être au service de l'homme ?
Les modernistes commençaient à s'infiltrer. Pie X s'en inquiéta pour le salut des âmes et pour la doctrine même de Eglise. Le 8 septembre 1907, il publia son admirable Encyclique Pascendi dominici gregis contre le modernisme, qui faisait suite au décret Lamentabili sane exitu paru un trimestre plus tôt, le 3 juillet 1907. C'est aussi à cette époque qu'il intervint dans la question du Sillon.
LE RÉFORMATEUR

Le Pape Pie X réglementa aussi la prédication et l'enseignement du catéchisme. Rappelant aux curés leur devoir d'instruire le peuple des vérités de la religion, il voulut que, chaque dimanche et à chaque fête de l'année, ils expliquent le texte du catéchisme du Concile de Trente.
Le 20 décembre 1905, il publia le décret Sacra Tridentina Synodus où il exhortait à la Communion fréquente et quotidienne, tous les fidèles ayant atteint l'âge de raison.
Cette sollicitude du Saint-Père à rappeler tous les fidèles à la Communion fréquente et quotidienne produisit partout une bonne impression : les prêtres rivalisèrent de zèle pour répandre cette sainte pratique, et les fidèles répondirent avec empressement à l'appel du Souverain Pontife. Ce fut un véritable réveil universel de la dévotion à l'Eucharistie.
Constatant qu'un peu partout on retardait d'une façon abusive l'acte solennel de la première Communion, il décida que celle-ci se ferait désormais à l'âge de sept ans.
LE LITURGISTE

Le seul chant liturgique adopté par l'Eglise fut celui auquel St Grégoire le Grand a donné son nom. A côté du chant grégorien l’Église admit aussi la musique polyphonique, que le génie classique de Palestrina entre autres porta à son apogée au XVIe siècle.
Ca et là, les compositions profanes et théâtrales prenaient le pas sur le chant grégorien qui, par ailleurs commençait à être dénaturé par les liturgistes.
Dans son Encyclique Motu proprio du 22 novembre 1903, le Pape Pie X s'élevait avec force contre cette profanation. Il créa une commission spécialement chargée de rétablir dans sa beauté primitive le chant liturgique, et fonda l'école supérieure de musique sacrée.
A ses réformes nécessaires, il se devait d'y ajouter celle du Bréviaire et du Missel : par la Bulle Divino afflatu du 1er novembre 1911, il traça les grandes lignes de cette importante réforme, à l'issu de quoi le nouveau Bréviaire et le nouveau Missel furent publiés.
Comme chacun le sait, les Saints et les Bienheureux sont nos intercesseurs auprès de Dieu. Pie X canonisa quatre Saints et béatifia soixante-treize Bienheureux :
Canonisations :
- 11 décembre 1904 : saint Alexandre Sauli, barnabite, Supérieur de sa congrégation, puis évêque du diocèse d'Aléria. Saint Gérard Majella, Frère laïque chez les rédemptoristes. Nombreux miracles.
- 20 mai 1909 : saint Joseph Oriol, Chanoine de Sainte-Marie du Pin, près de Barcelone. Saint Clément-Marie Hofbauer, Rédemptoriste. Fonda à Varsovie une congrégation de son Ordre.
Béatifications :
- 18 décembre 1904 : Bx Gaspar del Buffalo, fondateur de la congrégation des Missionnaires du Précieux-sang.
- 27 décembre 1904 : Bx Etienne Bellesini, Ermite de l'Ordre de St. Augustin, puis curé de Notre-Dame de Gennazano.
- 1er janvier 1905 : Bx Agathange de Vendôme, Capucin à Vendôme, fut envoyé en Egypte. Martyr en Abyssinie. Bx Cassien de Nantes, Capucin. Martyrisé en Abyssinie.
- 8 janvier 1905 : Bx Jean-Marie Vianney, curé d'Ars, en France
- 15 janvier 1905 : Bx Marc Crison, Chanoine, brutalement tué par des soldats calvinistes à Körösi, en Hongrie. Bx Etienne Pongracz, Jésuite, brutalement tué par des soldats calvinistes à Körösi, en Hongrie.
Bx Melchior Grodecz, Jésuite, brutalement tué par des soldats calvinistes à Körösi, en Hongrie.
- 13 mai 1906 : Bse Julie Billiart, fondatrice de l'institut de N.D pour l'éducation chrétienne des filles, à Amiens (France).
- 20 mai 1906 : Huit Martyrs dominicains du Tonkin, missionnaires envoyés au Viêt-nam, Martyrisés à Tonkin, en 1745
- 27 mai 1906 : Les seize Carmélites de Compiègne, Religieuses Martyrs sous la Révolution française, exécutées en 1794.
- 10 juin 1906 : Bx Bonaventure Gran, Frère mineur, fonda plusieurs maisons de retraite de son Ordre, en Italie.
- 17 mai 1908 : Bse Marie-Madeleine Postel, Fondatrice des Sœurs des écoles chrétiennes.
- 24 mai 1908 : Bse Madeleine-Sophie Barat, Fondatrice de la congrégation du Sacré-Cœur de Jésus.
- 31 mai 1908 : Bx Gabriel dell'Addolorata, Passioniste.
- 18 avril 1909 : Bse Jeanne d'Arc, Fille de paysans, elle délivra la France des anglais.
- 25 avril 1909 : Bx Jean Eudes, fonda la congrégation N.D de la Charité du refuge, et la Société de Jésus et de Marie.
- 2 mai 1909 : Trente-quatre missionnaires Martyrs d'Extrême-Orient, missionnaires envoyés en Chine, martyrs.

Le cinquantième anniversaire de la proclamation du Dogme de l'Immaculée Conception fut pour Pie X un motif de faire aimer notre très sainte Vierge Marie. L'Encyclique Ad diem illum du 2 février 1904 exhorte tous les fidèles à honorer cette bonne Mère du Ciel et à implorer sa protection.
LE LÉGISLATEUR
Le 19 mars 1904, Pie X décida qu'il fallait codifier le Droit canonique. Dans ce but, il établit une commission de Cardinaux chargée d'établir des projets de lois. Le nouveau code fut publié sous Benoît XV, son successeur, mais cela n'enlève rien à la gloire de Pie X, qui vraiment mit toute son âme au service de son élaboration.
En France, la famille commençait à être attaquée par les idées franc-maçonnes. Aussi, pour protéger l'intégrité de la famille, Pie X modifia, par décret Ne temere, du 2 août 1907, les règles relatives aux fiançailles et à la célébration du mariage.
LA MORT DU SAINT PAPE

1914 : la première guerre mondiale allait éclater. Saint Pie X eut la claire pensée de l'affreuse tuerie qui se préparait. L'ardente prière pour la paix qu'il envoya à tous les catholiques du monde, le 2 août 1914, fut l'expression la plus émouvante de sa douleur et de ses avertissements.
Une bronchite avait affaibli sa robuste constitution. L'auguste malade priait pour la paix. Le 19 août 1914, le Prélat Sacriste lui administra les derniers sacrements. Il avait perdu déjà l'usage de la parole, mais gardé sa pleine lucidité. A une heure et quart du matin, dans la nuit du 19 au 20, le saint Pape rendit son âme à Dieu.
Pour être complet, il faut savoir que saint Pie X s'apprêtait à excommunier les princes et les gouvernants catholiques en cause dans le futur conflit. Son aura et le respect dont il était entouré étaient un obstacle au déclenchement du conflit et ses ennemis le trouvaient extrêmement embarrassant. Un certain nombre de commentateurs dignes de foi ont évoqué la possibilité que l'on ait empoisonné ce saint pape à la santé robuste...

Saint Pie X sur son lit de mort.
Pie X débute son testament par une invocation à la Très Sainte Trinité, suivie d'un acte de confiance en la divine miséricorde, puis il ajoute :
" Je suis né pauvre, j'ai vécu pauvre et je veux mourir pauvre. Je prie le Saint-Siège d'accorder à mes sœurs Anne et Marie une pension qui ne dépasse pas 300 francs par mois, et à mon valet de chambre une pension de 60 francs."
De plus, il légua 10 000 francs à ses neveux, mais en soumettant ce don à l'approbation de son Successeur.
Il demanda que ses funérailles soient aussi simples que les règles liturgiques le permettaient, défendit d'embaumer son corps, et voulut qu'on l'ensevelît dans les souterrains de la Basilique Vaticane.
La dépouille mortelle de Pie X, revêtue des ornements pontificaux, fut exposée dans la Salle du Trône, puis on le transporta à la Basilique saint Pierre et exposée dans la chapelle du Très-Saint-Sacrement. La cérémonie religieuse eut lieu le 23 août 1914.
Le premier procès en vue de sa canonisation eut lieu le 14 février 1923 et dura jusqu'en 1931. Douze années plus tard, le Pape Pie XII ouvrit le second procès et, le 3 juin 1951 au matin, après le chant des Litanies des Saints, Pie X fut solennellement proclamé Bienheureux dans la Basilique Saint-Pierre de Rome, puis enfin canonisé en 1954.

Verrière représentant saint Jean-Marie Vianney et saint Pie X.
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samedi, 03 août 2024
3 août. Le bienheureux Pierre-Julien Eymard, confesseur, fondateur des Pères du Saint-Sacrement. 1868.
- Le bienheureux Pierre-Julien Eymard, confesseur, fondateur des Pères du Saint-Sacrement et de celle des Servantes du Saint-Sacrement. 1868.
Pape : Pie IX. Empereur des français : Napoléon III.
" Les miracles visibles n'apparaissent que pour élever les coeurs à la foi des choses invisibles, afin que la merveille extérieure fasse
connaître la merveille, beacoup plus grand, de l'intérieur."
Saint Grégoire le Grand.
" Donnez-moi la croix, Seigneur, pourvu que vous me donniez aussi votre amour et votre grâce."
Le bienheureux Pierre-Julien Eymard.

Le bienheureux Pierre-Julien Eymard naquit le 4 février 1811 à La Mure d’Isère. Il y mourut, le 1er août 1868, à l’âge de 57 ans. Il fut béatifié par Pie XI, le 12 juillet 1925.
Mis en contact avec toutes les classes de la société et tous les états de vie, Pierre-Julien avait été providentiellement préparé à sa mission eucharistique. Tour à tour vicaire, curé, religieux et provincial chez les Frères Maristes, supérieur de collège et directeur du Tiers-ordre de Marie, catéchiste des chiffonniers de Paris, et, enfin, fondateur des Prêtres du Très Saint Sacrement, il a connu tous les besoins de toutes les catégories d’âmes et a compris l’influence et la force, pour elles, de l’Eucharistie.
Pierre-Julien eut une vie débordante d’activité. Ce fut cependant un grand mystique. En effet, dès l’âge de vingt six ans, alors qu’il n’était encore que vicaire à la Chatte, il fut, au cours d’une méditation devenue extase, favorisé d’une grâce mystique qui lui fit pénétrer la réalité de l’amour et de la bonté du Père. Pendant longtemps il en parla avec reconnaissance. Cette grâce fut le point de départ d’un apostolat dominé par une pensée dominante: devenir l’apôtre infatigable de l’amour de Dieu et travailler à la glorification du Sacrement de l’Amour du Fils : l’Eucharistie.
L’enfance et la jeunesse de Pierre-Julien Eymard furent relativement tristes. Il était le dixième enfant de Julien Eymard, son père, et quatrième de sa mère, deuxième femme de Julien devenu veuf. Un destin cruel semble avoir marqué la famille Eymard. Successivement moururent ses frères et sœurs aînés : Cécile, en 1805, François-Julien en 1807, Joseph-Justin-Julien en 1809. Du premier lit quatre enfants sur six étaient également morts. De ce qui aurait pu être sa grande famille, Pierre-Julien, notre futur saint, ne connut qu’Antoine et Marianne, respectivement âgés de dix-sept et de douze ans à sa naissance en 1811. On croit savoir que la mère de Julien était très pieuse. Quant à son père, Julien Eymard, coutelier de son état, il fut reçu dans la Confrérie des Pénitents du Saint-Sacrement le 8 décembre 1817.

Dans ce milieu sérieux et fervent, il n’est pas étonnant que la piété de Pierre-Julien ait été précoce. Un fait est dûment attesté : vers l’âge de cinq ans, le petit garçon fait une fugue. On le cherche partout... On le retrouve dans l’église, grimpé sur l’escabeau placé derrière l’autel :
" Que fais-tu là, demande sa sœur, impatiente.
– Je suis près de Jésus, et je l’écoute, répond naïvement le petit garçon."
A mesure qu’il grandit, Pierre-Julien est de plus en plus attiré par l’Eucharistie. Très jeune il désirera devenir prêtre. Son père, meurtri par tant de deuils subis, refusa : il ne pouvait pas accepter de perdre encore le dernier garçon qui lui restait et qui aurait dû prendre la succession de son entreprise.
Pierre-Julien connut donc des difficultés énormes pour faire ses études. Il apprit seul le latin, en cachette de son père. Le 5 août 1828, sa mère mourait ; le pauvre père restait seul avec sa fille Marianne et Pierre-Julien. Pierre-Julien se devait d’aider son père.
Enfin la foi du papa l’emporta, et Pierre-Julien fut reçu chez les Oblats de Marseille de Mgr de Mazenod, le 7 juin 1829...
Pour rattraper son retard scolaire, Pierre-Julien travaillait comme quatre. Il tomba rapidement malade ; on crut qu’il allait mourir. Mais il se rétablit lentement et, après la mort de son père, il entra au grand séminaire. Il fut ordonné prêtre le 20 juillet 1834 et nommé vicaire à la Chatte, dans l’Isère. Le 10 juin 1835 il était reçu tertiaire de l’Ordre des Capucins. C’est à la Chatte qu’il fut gratifié d’une grâce mystique exceptionnelle qu’il garda lontemps secrète, mais qui nourrit toute sa vie spirituelle.
Pierre-Julien crachait le sang. Il dut quitter la Chatte ; on le nomma curé de Monteynard où il resta deux ans. Fin 1839, il entra chez les Frères Maristes de Lyon et fut nommé directeur du collège de Belley. En janvier 1845, on lui conféra la charge de provincial dans sa congrégation, charge qu’il exerça pendant deux ans avant de devenir Visiteur Général.
En décembre 1845 le Père Eymard prit la direction de Tiers-Ordre de Marie au sein duquel il fonda de nombreuses branches.
Au sujet de la cérémonie de la Fête-Dieu à Lyon, le 25 mai 1845, le Père Eymard écrit, entre autres : “Je sens dans moi un grand attrait vers Notre-Seigneur ; jamais je ne l’avais éprouvé si fort. Cet attrait m’inspire dans mes prédications, conseils de piété, de porter tout le monde à la connaissance et à l’amour de Notre-Seigneur, de ne prêcher que Jésus-Christ et Jésus-Christ Eucharistique... ”
Cette grâce exceptionnelle est une grâce de foi et d’amour envers le Christ-Eucharistique. L’amour de Dieu est premier, mais il se concentre sur la contemplation du mystère de Jésus dans son Eucharistie.

En juin 1848 le Père Eymard est vivement frappé par l’intensité du culte eucharistique qui se déploie à Paris, grâce à l’adoration nocturne des hommes et à la création, par Adeline Dubouché, d’un Tiers-Ordre qui deviendra l’Adoration Réparatrice.
C’est ce que notre saint appellera une grâce de vocation. Emu à la vue du délaissement de tant de prêtres séculiers, et par le manque de direction spirituelle des hommes, le Père Eymard envisage la création “ d’un corps d’hommes comparable à l’Adoration Réparatrice en cours de création pour les femmes ".
L’époque était rude alors : le décret du 13 mars 1848 avait supprimé les congrégations religieuses en France, et de très nombreux religieux vivaient dispersés. À Mme Tholin-Bost qui avait créé l’Association de l’Adoration du Saint Sacrement à domicile, le Père Eymard écrivit, en octobre 1851 : “ J’ai souvent réfléchi sur les remèdes à cette indifférence universelle qui s’empare d’une manière effrayante de tant de catholiques, et je n’en trouve qu’un: l’Eucharistie, l’amour à Jésus Eucharistique. La perte de la foi vient de la perte de l’amour.”
Et en février 1852, à la même personne : “ Maintenant il faut se mettre à l’œuvre, sauver les âmes par la divine Eucharistie, et réveiller la France et l’Europe engourdies dans un sommeil l’indifférence parce qu’elles ne connaissent pas le don de Dieu : Jésus, l’Emmanuel Eucharistique. C’est la torche de l’amour qu’il faut porter dans les âmes fidèles et qui se croient pieuses, et ne le sont pas parce qu’elles n’ont pas établi leur centre et leur vie dans Jésus au saint Tabernacle.”
Les événements se succèdent, et en avril 1856, le Père Eymard est relevé de ses vœux qui le liaient à l’Ordre des Maristes. Il allait pouvoir travailler à la fondation d’une nouvelle congrégation. Le 13 mai 1956, il reçoit, de l’archevêque de Paris, Mgr Sibour, l’autorisation de fonder son œuvre, la Société du Saint-Sacrement. Mgr Sibour était, en effet, très désireux de voir commencer une Œuvre de la Première communion des adultes. Le Père Eymard sera assisté, pour cette fondation, par le Père de Cuers.
Le dénuement matériel des premiers temps sera extrême et les vocations se firent longtemps attendre. Enfin, le 6 janvier 1857, l’Adoration du Saint-Sacrement exposé était inaugurée dans l’Institut. Les épreuves detoutes sortes se multiplièrent...
Parallèlement à la Société du Saint-Sacrement, une communauté féminine se mettait en place : Les Servantes du Saint-Sacrement, et l’Œuvre de la Première Communion des adultes était fondée dès 1858.
Le Père Eymard décrit la situation des jeunes ouvriers parisiens de cette époque : “ A peine capables de travailler, les enfants pauvres de Paris sont placés dans les fabriques pour y gagner quelques sous d’abord, puis dix, puis un franc ; et cela aide à avoir un peu de pain pour sa pauvre famille, et à payer les quarante sous de loyer par semaine. S’il n’y a pas de place dans les fabriques de boutons, de papier, etc, l’enfant, avec sa petite hotte, part le matin ou le soir, chiffonner dans la ville. Que de centaines d’enfants en sont là dans Paris !...
Si du moins la vie religieuse compensait la misère de la vie du corps ! Mais, hélas ! elle est encore plus déplorable. Le petit ouvrier ne va pas à l’Église apprendre à connaître, à aimer et à servir Dieu ; ses parents ne lui en parlent pas. Ils ont été élevés ainsi, ou bien l’indigence les rend honteux et les abrutit.
Car Paris a son côté de missions étrangères, sa population nomade, sans autre religion que le culte des morts... Non, rien ne ressemble à ce Paris de la misère et de l’indifférence ! ”
Malgré les difficultés l’œuvre se développe et essaime en province. L’adoration du Saint-Sacrement est toujours la base de la vie de la congrégation.
Entre temps, au bord du découragement, le Père Eymard avait consulté le Saint Curé d’Ars. Le Père A.Tesnières raconte la rencontre :
“ ...Le Curé d’Ars éclata en sanglots et répondit : “ Mon bon ami, vous voulez que je prie le bon Maître pour vous ? Mais vous l’avez, vous, vous l’avez toujours devant vous ! ” Le Père touché des larmes du Curé laissa jaillir les siennes à son tour, et il s’efforçait de le consoler en lui disant : “ Pardonnez-moi, Monsieur le Curé, je ne voulais pas vous faire de peine, pardonnez-moi, je vous en prie. Et ils tombèrent dans les bras l’un de l’autre.”

Le 10 juin 1863, Pierre-Julien Aymard recevait le décret d’approbation de son institut, La Congrégation du Très Saint-Sacrement. L’approbation avait été donnée par le pape Pie IX le 8 mai précédent.
Le but essentiel de cette congrégation était double :
– rendre un culte solennel et perpétuel d’adoration à Notre Seigneur Jésus-Christ, demeurant perpétuellement au. Très-Saint-Sacrement de l’autel, pour l’amour de l’homme.
– se dévouer à l’amour et à la gloire de ce très auguste Sacrement par l’apostolat de chacun de ses membres qui, sous les auspices et la conduite de l’Immaculée Vierge Marie, doivent s’y appliquer dans la mesure de leur grâce et de leurs vertus.
Il convient d’ajouter que cette congrégation doit être, de par la volonté de son fondateur, entièrement dévouée au Successeur de Pierre.
Parallèlement à la fondation de la Congrégation du Très Saint-Sacrement, Pierre-Julien Eymard, de 1858 à 1865, oeuvra activement à la fondation d’une congrégation féminine : Les Servantes du Saint-Sacrement, entièrement centrée sur l’Eucharistie, tout en étant au service des pauvres. Les épreuves, là aussi, furent nombreuses et parfois très douloureuses.
En plus des activités liées au développement de ses communautés religieuses, le Père Eymard prêche beaucoup: il veut faire connaître l’Eucharistie, l’Amour qui institua l’Eucharistie, c’est-à-dire le Cœur de Jésus, le Cœur Eucharistique. Il n’hésitait pas à dire, au cours des retraites eucharistiques qu’il prêchait : “ Quand on veut donner un mouvement plus puissant, on double, on triple, on centuple la puissance du moteur. Le moteur divin, c’est l’amour, l’amour eucharistique.”
Il écrivait aussi à des correspondants : “ J’ai eu la consolation de parler de Jésus au Très Saint Sacrement à Rouen et à Tours; on est bien venu, on a écouté avec dévotion: ce sera la semence.”
“ Le Cœur Eucharistique de Jésus a eu sa belle part à Rouen et Tours. J’ai fait un sermon spécial à Tours. C’est la semence.”
“ Je viens de prêcher la neuvaine solennelle du Sacré-Cœur. Vous pensez bien que c’est surtout du Cœur Eucharistique de Notre Seigneur que j’ai parlé ; il n’est que là vivant, puis au ciel ! J’ai parlé de son amour, de l’ingratitude des hommes, du peu d’âmes fidèles et dévouées qui se donnent entièrement à lui.”
Au cours d’une retraite à Rome, en janvier 1865, le Père Eymard fait retour sur lui-même et écrit : “ J’ai vu comment je ne me suis donné à Notre Seigneur au Très Saint-Sacrement que par le dévouement de l’amour, que par le service, le culte, le zèle. La nature y trouvait son élément ; la vanité et l’activité de l’esprit aussi.”
Car la vie avec Jésus-Eucharistie doit être contemplation et don du coeur : “ Notre Seigneur m’a fait comprendre qu’il préfère le don de mon cœur à tous les dons extérieurs que je pourrais lui faire, quand même je lui donnerais les cœurs de tous les hommes, sans lui donner le mien.”
Sur sa vocation eucharistique il s’émerveille : “ Comme le Bon Dieu m’a aimé! Il m’a conduit par la main jusqu’à la Société du Très Saint-Sacrement ! Toutes mes grâces ont été des grâces de préparation, tous mes états, un noviciat ! Toujours le Saint-Sacrement a dominé. C’est la Très Sainte Vierge qui m’a conduit à Notre-Seigneur : à la communion de tous les dimanches par le Laus à 12 ans ; de la Société de Marie à celle du Très Saint Sacrement.”
À la messe d’action de grâce de cette longue retraite, le 21 mars 1865, saint Pierre-Julien Eymard écrit : “ ... de même je dois être anéanti à tout désir, à tout propre intérêt, et n’avoir plus que ceux de Jésus-Christ qui est en moi afin d’y vivre pour son Père. Et c’est pour être ainsi en moi qu’il se donne dans la Sainte Communion. C’est comme si le Sauveur disait : " En m’envoyant par l’Incarnation, le Père m’a coupé toute racine de recherche de moi-même, en ne me donnant pas la personne humaine, mais en m’unissant une personne divine afin de me faire vivre pour lui, ainsi par la communion tu vivras pour moi, car je serai vivant en toi. Je remplirai ton âme de mes désirs et de ma vie qui consumera et anéantira en toi tout ce qui est propre; tellement que ce sera moi qui vivrai et désirerai tout en moi, au lieu de toi. Et ainsi tu seras le corps de mon cœur ; ton âme, les facultés actives de mon âme; ton cœur, le réceptacle, le mouvement de mon cœur. Je serai la personne de ta personnalité, et ta personnalité sera la vie de la mienne en toi ".”
Le Père Eymard, dès lors, fait un vœu qui le livre définitivement au Christ Jésus dans une configuration au mystère de son Incarnation, à l’exemple de Marie : “ Oh ! Que je voudrais adorer Notre-Seigneur comme l’adorait cette bonne Mère !... Je vais faire toutes mes adorations en union avec cette Mère des adorateurs, cette Reine du Cénacle.”
Sur sa Congrégation : “ Ne serait-il pas nécessaire dans la Société d’avoir les contemplatifs et les apôtres ? D’avoir des adorateurs et des incendiaires, puisque Notre-Seigneur veut voir ce feu eucharistique incendier le monde... ”
Dans les constitutions de la Société du Saint-Sacrement, P.J.Eymard avait clairement indiqué la raison suprême de l’Institut : “ Afin que le Seigneur Jésus soit toujours adoré dans son Sacrement et glorifié socialement dans le monde entier.”
Voici quelques-unes de ses réflexions : “ Le mal du temps, c’est qu’on ne va pas à Jésus-Christ comme à son Sauveur et à son Dieu... L’amour divin qui n’a pas de vie, son centre, dans le Sacrement de l’Eucharistie, n’est point dans les vraies conditions de sa puissance : il s‘éteindra bientôt.
Que faire donc ? Remonter à la source, à Jésus... et surtout à Jésus dans l’Eucharistie.”
Les forces du Père Eymard commencent à décliner ; il sent la mort approcher. À l’une de ses dirigées il écrit, le 26 avril 1868 : “ Plus les années se multiplient, plus elles affaiblissent la nature : c’est la mort par degrés, il faut s’y résigner ! Mais heureusement que le coeur ne vieillit pas ; il se rajeunit, au contraire, en héritant de ce que les autres facultés perdent. Aimez bien Notre Seigneur.”
C’était comme son testament.
Le 21 juillet 1868 au soir, le Père Eymard usé, amaigri, incapable de prendre la moindre nourriture, arrive à La Mure, sur ordre formel du médecin, pour se reposer. Il a célébré la dernière Messe de sa vie à Grenoble, dans la chapelle consacrée à l'adoration perpétuelle. Sans un mot, il se met péniblement au lit: sa soeur descend vite chercher le médecin qui diagnostique une hémorragie cérébrale doublée d'un épuisement général. Le Père se confesse par signes. Le samedi 1er août, il reçoit l'Extrême-Onction à une heure du matin. Dès le lever du jour, un Père de sa Congrégation célèbre la Messe dans sa chambre et lui donne la Sainte Communion. On lui présente l'image de Notre-Dame de La Salette. Il la presse sur son coeur. Au début de l'après-midi, c'est à peine si l'on entend son dernier soupir: son âme est entrée au Ciel dans le Bonheur infini de Dieu, pour toujours. Il est mort à 57 ans dans la maison où il était né.
On connaît relativement peu la vie mystique de Pierre-Julien Eymard, ni ses combats avec Satan. Seul le frère Tesnière qui le soignait a pu apporter des témoignages. En voici un : “ Trois semaines avant sa mort le Père m’a dit avec l’accent de quelqu’un qui a besoin de se soulager d’un mauvais coup reçu : " Oh! que le diable est mauvais quand il vous bat. Ses soufflets sont secs, comme s’il frappait sur du marbre. Ah ! c’est qu’il frappe vraiment et non pas seulement d’une manière imaginaire ".”
Saint Pierre-Julien Eymard connut aussi les terribles épreuves de la nuit de l’esprit. C’est encore le Père Tesnière qui témoigne, lors lors du procès ordinaire de Paris : “ Il entra dans une voie d’oraison douloureuse : sécheresse du cœur, impuissance de l’esprit à raisonner sur les vérités ou même à se représenter les mystères : obscurité de la foi, insensibilité absolue, vains efforts pour formuler une prière dans son cœur, vains appels à Dieu qui semblait sourd à ses cris et s’éloignait à mesure qu’il le cherchait davantage... vues très claires de l’inutilité de ses efforts dans la prière comme de toutes ses actions dont il ne voyait que lacunes, défauts et fautes, et par suite tentations de découragement et de désespoir qui le poussaient à abandonner au moins la prière comme inutile ou même injurieuse à Dieu.
Telle fut la voie du Serviteur de Dieu durant ses dernières années... C’était donc plusieurs heures par jour qu’il devait affronter ce combat de la prière, mais il n’en abandonna jamais l’exercice ni par fatigue, ni par dégoût, et surmonta ainsi cette longue et rude épreuve. Mais aller à la prière équivalait pour lui à aller au sacrifice pour y immoler son âme sur le plus cruel des bûchers.”
SAINT PIERRE-JULIEN EYMARD ET L'EUCHARISTIE
Le Père Eymard, s’extasiant sur les merveilles de l’Eucharistie s’écrie :
“ L’institution de la divine Eucharistie est, au dire de Saint Thomas d’Aquin, le plus grand des miracles de Jésus-Christ : il les surpasse tous par son objet, il les domine par la durée. C’est l’Incarnation permanente, c‘est le sacrifice perpétuel de Jésus-Christ ; c’est le buisson ardent qui brûle toujours sur l’autel ; c’est la manne, véritable pain de vie, qui descend tous les jours du Ciel... Celui qui, du limon de la terre, a fait le corps de l’homme, peut bien changer le pain et le vin en son Corps et en son Sang. D’ailleurs l’homme change bien, naturellement, le pain qu’il mange et le vin qu’il boit, en sa chair et en son sang.”
Pour le Père Eymard, l’Eucharistie c’est Jésus passé, présent et futur. C’est la fin de sa vie mortelle, c’est l’expression de son Amour. Dans l’Eucharistie, tous les mystères divins sont glorifiés, et toutes les vertus sont présentes. “ L’Eucharistie est le royal mystère de la foi où toutes les vérités aboutissent comme les fleuves dans l’océan. Dire l’Eucharistie, c’est tout dire.”
Le Père Eymard envisageait l’Eucharistie, Pain de vie, sous tous ses aspects et, en particulier, sous celui de ses fruits et de son efficacité dans les âmes. Il ne craignait pas de déclarer : “ C’est le jansénisme qui, fermant les tabernacles, a préparé l’apostasie des peuples, dont la Révolution a été la manifestation ; c’est en ouvrant les tabernacles qu’on ramènera les nations à Dieu.”
Saint Pierre-Julien écrit : “ Je pose en principe que plus on doit être pur, plus on doit être saint, et plus on a besoin de communier...
Plus la vie que vous menez est sainte et difficile, plus vous devez vous approcher de la Table sainte.”
Pour être fort, il faut communier, il faut avoir faim. “ Vous dites : donnez-nous aujourd’hui notre pain quotidien. Désirez donc le pain de votre âme, et alors, venez le chercher.
Communiez donc, mais en regardant le Cœur de Notre-Seigneur qui vous appelle... Sans doute, lorsque la Communion sacramentelle ne vous sera pas possible, Dieu la remplacera par la communion de sa présence de grâce et d’amour; il faut cependant désirer la première, parce que Jésus et l’Église la veulent.”
“ Ni le Baptême qui donne la vie de la grâce, ni la Confirmation qui l’augmente, ni la Pénitence qui la restaure, ne suffisent. Tous ces sacrements sont une préparation à l’Eucharistie qui les complète et les couronne...
Jésus a dit: Celui qui demeure en moi porte beaucoup de fruits. Mais Comment demeurer en Jésus ? Il l’a bien précisé : celui qui mange ma chair et boit mon sang demeure en moi et moi en lui.“
“ L’Eucharistie est le pain des faibles, et elle est aussi le pain des forts. Elle est nécessaire aux uns comme aux autres. Aux faibles, c’est évident. Aux forts car l’Apôtre les avertit : ” Que celui qui a l’impression d’être debout prenne garde de tomber.” Ils portent leur trésor dans des vases d’argile; leur route est entourée de brigands.”
“ Jésus-Christ ne se cache dans ce mystère que par égard pour la faiblesse de l’homme, pour se manifester graduellement à lui, à mesure qu’il grandit dans l’amour...
Ainsi en l’Eucharistie l’âme n’épuise jamais Jésus. À mesure qu’elle entre dans les profondeurs insondables de sa bonté, elle y découvre toujours des trésors nouveaux. Jésus est toujours plus aimable à ses yeux. “ Celui qui m’aime, dit-il, sera aimé de mon Père, et moi aussi je l’aimerai et je me manifesterai à lui.
Qu’est-ce que cette manifestation de Jésus ? C’est le mystère de son amour qui devient lumière, douceur, force, joie, bonheur : le Ciel dans l’âme.”
“ Une seule chose est nécessaire ici-bas: aimer Dieu et le servir, et c’est la sainte Communion qui, en nous faisant vivre de Notre-Seigneur, alimente en nous cet amour et nous fait avancer dans la voie de la sainteté... La sainte Communion est la fin de la vie et sa perfection, elle est la dévotion royale et qui remplace tout. Elle est pour vous le grand exercice des vertus chrétiennes, l’acte souverain de l’amour, la pluie du matin.”
“ Jésus, par l’Eucharistie, répand d’abord dans notre âme, et, par elle dans nos sens, la grâce et l’onction de son amour... C’est une attraction délicieuse vers Jésus, qui nous fait désirer de le mieux connaître...
La Communion, voilà aussi le grand triomphe de Jésus-Christ en l’homme ; par elle, il l’unit à son corps et à son sang. C’est une fusion par l’amour et dans l’amour ; c’est un foyer d’amour divin qui s’allume dans l’homme et dont les étincelles embraseront toutes ses facultés pour le bien."
Etre prêtre
“ Pour être prêtre, dit notre Saint, il faut avoir le pouvoir d’offrir le sacrifice, qui est essentiel à la religion et au sacerdoce... C’est à la Cène que le Sauveur a consacré les premiers prêtres, lui, le souverain Prêtre selon l’ordre de Melchisédech... ”
Saint Pierre-Julien Eymard précise : " Jésus donne une victime à ses prêtres : Lui-même : “ L’autel, ce sont les mains de Jésus-Christ ; ce seront les mains des apôtres et, bientôt, les corps des martyrs sur lesquels on célébrera la sainte Messe. Le temple, c’est le Cénacle et toutes les églises catholiques de l’avenir. Jésus ajoute alors ces paroles effrayantes par leur puissance, adorables dans leurs effets : “ Faites ceci en mémoire de moi.” Faites ceci. Voilà l’ordre qui donne le pouvoir et imprime le caractère sacerdotal.
Oh ! comme Jésus fut heureux quand il eut fait, de ses apôtres, ses prêtres ! Comme son Cœur tressaillit de joie !... A peine eut-il institué l’Eucharistie et le sacerdoce... Jésus s’écria : Maintenant le Fils de l’Homme a été glorifié... ”
Ce qui frappe saint Pierre-Lulien, c‘est la condition humaine du prêtre revêtu d’un tel pouvoir. Il écrit : “ Quand je regarde le prêtre, que vois-je ? Jésus lui a laissé toutes les conséquences du péché originel dont il était souillé en naissant. Aussi puis-je trouver un prêtre pécheur, esclave de Satan, tout en gardant sa dignité et sa puissance. Quel contraste ! Quel déshonneur pour Jésus-Christ ! Le sacerdoce ne rend donc pas impeccable.
Pourquoi Notre-Seigneur a-t-il laissé au prêtre une humanité d’origine pécheresse ?
1. Par miséricorde pour lui, et par amour pour les fidèles... ;
2. Pour le tenir
– dans l’humilité : il se perdrait par orgueil, comme le séraphin Lucifer ;
– dans la vigilance : il se perdrait au milieu du monde ; il a besoin de ce voile de la pauvre humanité pour lui rappeler qu’il est homme, même au pied de l’autel ;
3. Par égard pour les âmes et pour que leur foi soit simple et forte ; car si la validité de la consécration était attachée à la perfection du consécrateur, qui oserait monter à l’autel ? Les prêtres les plus saints seraient les premiers à s’en croire indignes...
L’amour de Jésus-Christ a tranché la difficulté. Le pouvoir consécrateur est attaché au caractère de l’Ordre et à la volonté du prêtre. C’est un acte humain et divin du prêtre.
Les mauvais prêtres
Et que dire du mauvais prêtre, publiquement pécheur ? Consacrera-t-il l’Eucharistie ? Offrira-t-il Jésus en oblation au Père céleste ? Pourra-t-il donner Jésus comme pain de vie aux foules affamées ? Jésus répond :“ Oui, j’obéirai à un Judas comme à un saint, à un ennemi de mon amour comme au disciple de ma dilection... Comme j’ai obéi à mes bourreaux sur la Croix pour être la victime du salut du monde, j’obéirai de même au sacrificateur de mon Corps sur l’autel pour être un holocauste d’amour... ”
La Passion sera renouvelée par le divin Sacrement, tous les jours et partout dans le monde. Cela, Jésus le sait et il “ se voit trahi par l’apostasie, vendu par l’intérêt, crucifié par le vice qui le recevra dans un cœur coupable.”
Mais tout prêtre est sacré
Les chrétiens ne doivent donc pas s’arrêter à l’homme faible et même pécheur. Aussi le père Eymard a-t-il soin de les mettre en garde : “ Que les chrétiens se gardent de mépriser ce Jésus-Christ humilié ; leur plus grande punition serait de perdre la foi dans le sacerdoce ; qu’ils se gardent de naturaliser cet être divin ; ils épuiseraient pour eux les bienfaits de son ministère sacré. En voyant un prêtre, il faut se dire : que Jésus-Christ est bon, qu’il est grand !...
Pour avoir foi en l’Eucharistie, il faut d’abord avoir foi au sacerdoce. Le prêtre peut se présenter à nous comme un homme ordinaire, simple, pauvre, pécheur même. Le monde s’en montre scandalisé. Et cependant c’est le prêtre qui est le ministre consécrateur de l’Eucharistie. Pour croire à l’Eucharistie, il faut avant tout, croire à ce pouvoir du prêtre... C’est un pouvoir de glorification, car une messe rend plus de gloire à Dieu que les hommages de tous les êtres créés réunis, sur la terre et dans le ciel... Et ce pouvoir est attaché au caractère sacerdotal et non à la sainteté du prêtre.”
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jeudi, 01 août 2024
1er août. Dédicace de Saint-Pierre-Es-Liens. 439.
- A Rome sur le mont Esquilin*, la dédicace de Saint-Pierre-Es-Liens ou fête des chaînes du Prince des Apôtres. 439.
Sous saint Sixte III, pape, et grâce à la dévotion de l'impératrice Eudoxie.
" Heureux liens qui tenaient captifs les mains et les pieds de saint Pierre ; ils lui ont valu une couronne immortelle, et d'un Apôtre ils ont fait un martyr !"
Saint Augustin. Serm. XXIX de Sanctis.

Saint Pierre délivré par l'ange du Seigneur. Bible historiale.
L'Eglise a institué cette fête, non seulement pour rendre grâces à Dieu de l'insigne faveur qu'Il fit à l'assemblée des fidèles de Jérusalem, lorsqu'Il leur rendit le Prince des Apôtres que le roi Hérode, surnommé Agrippa, avait fait lier de deux chaînes, en attendant que la fête de Pâques fût passée pour le faire mourir ; mais aussi afin d'honorer ces chaînes, avec lesquelles les membres précieux de ce grand Apôtre avaient été attachés. Elle sait bien que lui-même les estimait plus que tous les trésors du monde, et qu'il préférait la qualité de captif et d'enchaîné pour Jésus-Christ à celle de Prince de son peuple et Chef de tous les disciples.

Saint Pierre délivré par l'ange du Seigneur. Murillo. XVIIe.
Saint Luc rapporte, dans les Actes des Apôtres, que cet Hérode, neveu du second par son père et petit-fils du premier, voulant gagner l'affection des Juifs, après avoir fait trancher la tête à saint Jacques le Majeur, frère de saint Jean l'Evangéliste, fit arrêter saint Pierre et l'envoya en prison, dans le dessein de le faire exécuter publiquement et devant une foule nombreuse assemblée à Jérusalem à l'occasion de la fête de Pâques. Craignant qu'il n'échappât à sa cruauté, il ne se contenta pas de le faire enfermé ; il le fit lier avec deux chaînes aux murs de la prison où il était et le donna en garde à des soldats qui en répondaient.

Saint Pierre délivré par l'ange du Seigneur.
Cependant les Chrétiens de la ville et des environs sentirent vivement ce coup et, sachant combien cet Apôtre était nécessaire à l'Eglise, qui, à peine naissante, se voyait exposée à de si terrible persécutions, ils envoyaient continuellementleur voeux et leurs soupirs ver le Ciel, suppliant le Souverain Pasteur de ne pas permettre que son troupeau fût si tôt privé de celui qu'Il lui avait donné pour Son vicaire.
Cette prière fut exaucée : la nuit même où saint Pierre devait être exécuté, comme il dormait paisiblement dans ses chaînes, au milieu de deux soldats, outre les autres gardes qui étaient en faction devant la porte, l'ange du Seigneur descendit du Ciel et remplit toute la prison d'une grande lumière et lui dit :
" Lève-toi promptement !"
Et comme saint Pierre se levait pendant que ses chaînes tombaient l'ange ajouta :
" Prend ta ceinture et chausse-toi ! Met ton manteau et suis-moi !"
Saint Pierre obéit et se mit à sa suite tout en pensant qu'il ne vivait qu'un songe et qu'il n'était pas délivré en réalité. Mais, passant devant tous les gardes qui ne s'apercevaient de rien, puis passant la porte de fer qui s'ouvrit toute seule sans que personne y mît la main, saint Pierre s'écria :
" Je reconnais maintenant que Dieu a envoyé véritablement Son ange et qu'Il m'a délivré de la main d'Hérode et de toute l'attente du peuple juif."
Tous les fidèles reçurent une joie incroyable de cette délivrance ; ils en rendirent beaucoup d'actions de grâces à Dieu, et s'étant procuré les chaînes dont l'Apôtre avait été lié, ils les gardèrent religieusement dans le trésor de l'église de Jérusalem, comme une très précieuse relique.

Saint Pierre et l'ange du Seigneur.
C'ets pour ce grand bienfait que la fête d'aujourd'hui a été instituée. On y doit honorer les peines et les souffrances de saint Pierre, le calme et la tranquillité qu'il avait en prison et sous ses liens, la constance et la joie avec lesquelles il attendait le coup de la mort, et l'égalité d'esprit qui parut an lui, tant dans l'humiliation de son emprisonnement que dans la gloire de sa délivrance.
On doit aussi remercier Notre Seigneur de la faveur qu'Il fit à son troupeau en lui rendant un si bon pasteur, des miracles qu'Il a opérés pour le délivrer, et des grands fruits qu'Il lui a fait produire depuis, tant parmi les Juifs que parmi les Gentils, pour le parfait établissement du Christianisme.

Saint Pierre délivré par l'ange. Philippe Rivière XVIIIe.
Saint Pierre eut encore d'autres liens que ceux qui l'enchainèrent à Jérusalem ; car étant à Rome pour y prêcher l'Evangile, et ayant gagné à Jésus-Christ un grand nombre de personnes des trois ordres qui composaient cette ville (des sénateurs, des chevaliers et de nombreux membres du peuple), l'empereur Néron le fit saisir et commanda qu'il fût mis en prison et enchaîné.
C'est de ces chaînes dont parle saint Alexandre, pape, lorsque, voyant sainte Balbine porter un respect singulier aux chaînes diont lui même venait d'être lié, il l'exorta à cherhcer plutôt les chaînes de saint Pierre : ce qu'elle fit aussitôt avec beucoup de succès et de consolations.

Basilique Saint-Pierre-Es-Liens. Rome. Cette basilique fut bâtit par
C'est donc à la fois les chaînes que porta le Prince des Apôtres à Rome puis à Jérusalem que nous fêtons aujourd'hui.

Les chaînes de saint Pierre. Basilique Saint-Pierre-Es-Liens. Rome.
Il serait trop long ici de rescencer le nombre formidable de miracles que ces précieuses chaînes opérèrent et tout autant le nombre d'églises qui vénèrent ces admirables reliques.

Les chaînes de saint Pierre. Basilique Saint-Pierre-Es-Liens. Rome.
* Le mont Esquilin, appelé aujourd'hui le mont de sainte Marie-Majeure, est l'une des sept collines de Rome, au sud du Quirinal et au nord du mont Coelius. Il fut renfermé dans la ville par Tulius Hostilius, troisième roi de Rome (671-639 av. J.-C.). C'est là qu'on exécutait les criminels. Il donnait son nom à la Porte Esquiline, une des portes occidentales de Rome, appelée aujourd'hui Porte Saint-Laurent.
Rq : On lira le petit livre de M. Paul Mencacci, " Les chaînes de saint Pierre ", que l'auteur, membre de l'Archiconfrérie romaine qui se dépensa tant pour ériger dans la ville éternelle un monument en l'honneur des saintes chaînes et dédié, à l'occasion de son jubilé épiscopal, au pape Pie IX. Ce livre est disponible en téléchargement sur l'excellente " bibliothèque Saint-Libère " : http://www.liberius.net/livre.php?id_livre=249
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