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dimanche, 05 mai 2024

5 mai. Saint Pie V, pape. 1572.

- Saint Pie V, pape. 1572.
 
Papes : Jules II ; Grégoire XIII (1572). Empereurs : Maximilien Ier ; Maximilien II. Rois de France : Louis XII ; Charles IX.
 
" Et les philistins furent saisis d'épouvante disant : " Dieu est venu dans le camp d'Israël "."
I, Reg., IV, 7.
 

Déjà de nombreux Pontifes ont paru sur le Cycle, où ils forment une éclatante constellation près du Christ ressuscité qui, en ces jours, donna à Pierre leur prédécesseur les clefs du ciel. Nos saints Anicet, Soter, Caïus, Clet et Marcellin, tenaient en main la palme du martyre ; saint Léon seul avait combattu sans répandre son sang ; mais son grand coeur n'eût pas reculé devant ce suprême témoignage. Or voici qu'en ce jour un émule de saint Léon, donné à l'Eglise dans ces derniers siècles, vient s'unir à lui et se mêler au groupe triomphant. Comme saint Léon, saint Pie V a lutté avec ardeur contre l'hérésie ; comme saint Léon, il a sauvé son peuple du joug des barbares.

La vie entière de Pie V a été un combat. Dans les temps agités où il fut placé au gouvernail de la sainte Eglise, l'erreur venait d'envahir une vaste portion de la chrétienté, et menaçait le reste. Astucieuse et souple dans les lieux où elle ne pouvait développer son audace, elle convoitait l'Italie ; son ambition sacrilège était de renverser la chaire apostolique, et d'entraîner sans retour le monde chrétien tout entier dans les ténèbres de l'hérésie. saint Pie V défendit avec un dévouement inviolable la Péninsule menacée. Avant d'être élevé aux honneurs du pontificat suprême, il exposa souvent sa vie pour arracher les villes à la séduction. Imitateur fidèle de saint Pierre Martyr, on ne le vit jamais reculer en présence du danger, et partout les émissaires de l'hérésie s'enfuirent à son approche.


Placé sur la chaire de saint Pierre, il sut imprimer aux novateurs une terreur salutaire, il releva le courage des souverains de l'Italie, et, par des rigueurs modérées, il vint à bout de refouler au delà des Alpes le fléau qui allait entraîner la destruction du christianisme en Europe, si les Etats du Midi ne lui eussent opposé une barrière invincible. Le torrent de l'hérésie s'arrêta. Depuis lors, le protestantisme, réduit à s'user sur lui-même, donne le spectacle de cette anarchie de doctrines qui eût désolé le monde entier, sans la vigilance du Pasteur qui, soutenant avec un zèle indomptable les défenseurs de la vérité dans tous les Etats où elle régnait encore, s'opposa comme un mur d'airain à l'envahissement de l'erreur dans les contrées où il commandait en maître.

Un autre ennemi, profitant des divisions religieuses de l'Occident, s'élançait en ces mêmes jours sur l'Europe, et l'Italie n'allait être que sa première proie. Sortie du Bosphore, la flotte ottomane se dirigeait avec fureur sur la chrétienté ; et c'en était fait, si l'énergique Pontife n'eût veillé pour le salut de tous. Il sonne l'alarme, il appelle aux armes les princes chrétiens. L'Empire et la France, déchirés par les factions que l'hérésie a fait naître dans leur sein, entendent l'appel, mais ils restent immobiles ; l'Espagne seule, avec Venise et la petite flotte papale, répondent aux instances du Pontife, et bientôt la croix et le croissant se trouvent en présence dans le golfe de Lépante.
 
Les prières de Pie V décidèrent la victoire en faveur des chrétiens, dont les forces étaient de beaucoup inférieures à celles des Turcs. Nous retrouverons ce grand souvenir sur le Cycle, en octobre, à la fête de Notre-Dame du Rosaire.
 

Bataille de Lépante. Fernando Bertelli. XVIe.

Mais il faut rappeler aujourd'hui la prédiction que fit le saint Pape, sur le soir de la grande journée du 7 octobre 1571. Depuis six heures du matin jusqu'aux approches de la nuit, la lutte durait entre la flotte chrétienne et la flotte musulmane. Tout à coup le Pontife, poussé par un mouvement divin, regarda fixement le ciel ; il se tint en silence durant quelques instants, puis se tournant vers les personnes qui étaient présentes :
" Rendons grâces à Dieu ; la victoire est aux Chrétiens !"
 
Bientôt la nouvelle arriva à Rome ; et dans toute la chrétienté on ne tarda pas à savoir qu'un Pape avait encore une fois sauvé l'Europe. La défaite de Lépante porta à la puissance ottomane un coup dont elle ne s'est jamais relevée ; l'ère de sa décadence date de cette journée fameuse.

Les travaux de saint Pie V pour la régénération des moeurs chrétiennes, l'établissement de la discipline du concile de Trente, et la publication du Bréviaire et du Missel réformés, ont fait de son pontificat de six années l'une des époques les plus fécondes dans l'histoire de l'Eglise. Plus d'une fois les protestants se sont inclinés d'admiration en présence de ce vigoureux adversaire de leur prétendue réforme.
" Je m'étonne, disait Bacon, que L'Eglise Romaine n'ait pas encore canonisé ce grand homme."

Saint Pie V ne fut, en effet, placé au nombre des Saints qu'environ cent trente ans après sa mort : tant est grande l'impartialité de l'Eglise Romaine, lors même qu'il s'agit de décerner les honneurs de l'apothéose à ses chefs les plus respectés.
 

La gloire des miracles couronna dès ce monde le vertueux Pontife : nous rappellerons ici deux de ses prodiges les plus populaires. Traversant un jour, avec l'ambassadeur de Pologne, la place du Vatican, qui s'étend sur le sol où fut autrefois le cirque de Néron, il se sent saisi d'enthousiasme pour la gloire et le courage des martyrs qui souffrirent en ce lieu dans la première persécution. Il se baisse, et prend dans sa main une poignée de poussière dans ce champ du martyre, foulé par tant de générations de fidèles depuis la paix de Constantin. Il verse cette poussière dans un linge que lui présente l'ambassadeur ; mais lorsque celui-ci, rentré chez lui, ouvre le linge, il le trouve tout imprégné d'un sang vermeil que l'on eût dit avoir été versé à l'heure même : la poussière avait disparu. La foi du Pontife avait évoqué le sang des martyrs, et ce sang généreux reparaissait à son appel pour attester, en face de l'hérésie, que l'Eglise Romaine, au XVIe siècle, était toujours celle pour laquelle ces héros avaient donné leur vie sous Néron.

La perfidie des hérétiques tenta plus d'une fois de mettre fin à une vie qui laissait sans espoir de succès leurs projets pour l'envahissement de l'Italie. Par un stratagème aussi lâche que sacrilège, secondés par une odieuse trahison, ils enduisirent d'un poison subtil les pieds du crucifix que le saint Pontife avait dans son oratoire, et sur lequel il collait souvent ses lèvres. Pie V, dans la ferveur de sa prière, se prépare à donner cette marque d'amour au Sauveur des hommes sur son image sacrée ; mais tout à coup, Ô prodige ! Les pieds du crucifix se détachent de la croix, et semblent fuir les baisers respectueux du vieillard. Saint Pie V comprit alors que la malice de ses ennemis avait voulu transformer pour lui en instrument de mort jusqu'au bois qui nous a rendu la vie.


Un dernier trait encouragera les fidèles, par l'exemple du grand Pontife, à cultiver la sainte Liturgie dans le temps de l'année où nous sommes. Au lit de la mort, jetant un dernier regard sur l'Eglise de la terre qu'il allait quitter pour celle du ciel, et voulant implorer une dernière fois la divine bonté en faveur du troupeau qu'il laissait exposé à tant de périls, il récita d'une voix presque éteinte cette strophe des Hymnes du Temps pascal :
" Créateur des hommes, daignez, en ces jours remplis des allégresses de la Pâque, préserver votre peuple des assauts de la mort."
 
Ayant achevé ces paroles sacrées, il s'endormit paisiblement dans le Seigneur.
 

Saint Pie V, né à Bosco, ville de Lombardie, mais originaire de Bologne et de la noble famille des Ghisleri, entra à l'âge de quatorze ans dans l'Ordre des Frères Prêcheurs. On admirait en lui la patience, l'humilité profonde, la grande austérité de la vie, l'amour pour l'oraison, l'observance régulière et le zèle le plus ardent pour l'honneur de Dieu. Ses progrès dans la philosophie et la théologie furent si remarquables, qu'il fut chargé durant beaucoup d'années, et avec un grand succès, de l'enseignement de ces sciences. Il exerça la prédication en beaucoup de lieux, avec un grand profit pour ses auditeurs. Il remplit longtemps avec une force d'âme invincible les fonctions d'inquisiteur, et préserva, au péril même de sa vie, un grand nombre de villes de la séduction de l'hérésie qui faisait des efforts pour les envahir.

Paul IV, dont il était très estimé à cause de ses rares vertus, l'éleva au siège de Népi et Sutri, et deux ans après il fut admis parmi les cardinaux-prêtres de l'Eglise romaine. Transféré par Pie IV à l'Eglise de Montréal dans le Piémont, et ayant remarqué plusieurs abus qui s'étaient répandus dans ce diocèse, il en fit la visite complète ; et tout étant réglé, il revint à Rome, où il fut chargé des plus graves affaires, dans l'expédition desquelles il prit toujours le parti de la justice, et déploya une constance et une liberté apostoliques. A la mort de Pie IV, il fut élu Pape contre l'attente de tout le monde ; mais, sauf l'extérieur, il ne changea rien dans sa manière de vivre. On remarqua en lui un zèle incessant pour la propagation de la foi, une application infatigable au rétablissement de la discipline ecclésiastique, une vigilance assidue pour l'extirpation des erreurs, une bienfaisance sans bornes pour soulager les nécessités des indigents, un courage invincible pour soutenir les droits du Siège Apostolique.


Bataille de Lépante. Paul Véronèse.
Eglise Saint-Pierre-Martyr. Murano. XVIe.

Il équipa, nous l'avons déjà évoqué, une flotte puissante contre Sélim, sultan des Turcs, dont les succès avaient élevé l'audace, et remporta sur lui, à Lépante, une éclatante victoire, plus encore par ses prières à Dieu que par la force des armes. Il connut par la révélation divine, et manifesta aux personnes qui se trouvaient avec lui, cet heureux événement à l'heure même qu'il s'accomplissait. Il préparait une nouvelle expédition contre les Turcs, lorsqu'il fut atteint d'une grave maladie. Il en supporta avec une souveraine patience les cruelles douleurs, et étant arrivé à l'extrémité, et ayant reçu les divins sacrements, il rendit son âme à Dieu avec tranquillité, l'an mil cinq cent soixante-douze, âgé de soixante-huit ans, et ayant siège six ans, trois mois et vingt-quatre jours.

Son corps est entouré d'une grande vénération de la part des fidèles dans la Basilique de Sainte-Marie-Majeure, à cause des nombreux miracles que Dieu a opérés par son intercession. Ces prodiges ayant été prouvés juridiquement, il a été inscrit au nombre des Saints par le pape Clément XI.

HYMNES

Saint Pie V est une des premières gloires de l'Ordre de Saint-Dominique ; nous emprunterons donc au Bréviaire de ce saint Ordre les Hymnes qu'il consacre à la louange de l'illustre Pontife :


Notre Seigneur Jésus-Christ en Croix. A ses pieds saint Hyacinthe,
saint Pierre-Martyr (ou " de Vérone "), saint Thomas d'Aquin, sainte
Catherine de Sienne, saint Vincent Ferrier, saint Pie V et
saint Antonin de Florence. Abraham van Diepenbeeck. XVIe.

" Que l'orgue fasse entendre ses joyeux concerts à l’honneur de Pie ; que tous les nuages se dissipent devant l'allégresse de ce jour sacré.

Sous le nom de Michel, on le vit terrasser le dragon dans la lutte ; sous le nom de Pie, il sut réprimer l'adversaire impie.

Il fut le bouclier de l'Eglise dans les périls qui l'assaillaient ; sa forte épée moissonna les sectateurs de l'hérésie.

Imitateur du zèle de Phinéès, il veilla pour la défense des murs de la cité sainte ; il repoussa les barbares qui allaient envahir le sol chrétien, et détourna le cimeterre que la rage du Turc avait tiré contre les fidèles.

Il rétablit avec sollicitude la règle des moeurs, et opposa une barrière invincible au progrès de la secte impie.

Il ne tint pas renfermées dans ses coffres les richesses de l'Etat ; mais il sut épuiser le trésor dans les nécessités publiques.

Père rempli de bonté envers les pauvres, sa main les secourut avec profusion ; par ses largesses il nourrit un peuple que la disette avait réduit à l'extrémité.

Créateur des hommes, daignez, en ces jours remplis des allégresses de la Pâque, préserver votre peuple des assauts de la mort.

Amen."
 

Saint Pie V, saint Thomas d'Aquin et saint Pierre-Martyr.
Sebastiano Ricci. Eglise Sainte-Marie-du-Rosaire. XVIIIe.

" Le mépris des hommes pour le culte de Dieu a déchaîné le fléau de la guerre ; la vengeance a suivi le crime, et le châtiment s'apprête à fondre sur la terre.

Dans le péril où nous sommes, quel autre habitant des cieux pourrions-nous invoquer, Ô Pie, qui soit pour nous d'un secours plus efficace ?

Nul homme, Ô bienheureux Pontife, ne s'est dévoué avec plus d'ardeur que vous à procurer sur la terre la gloire du grand Dieu ;

Nul défenseur n'a plus vaillamment détourné le joug auquel les barbares allaient asservir les nations chrétiennes.

Plus puissant encore au ciel, jetez un regard sur ceux qui vous implorent ; apaisez les discordes entre les citoyens : repoussez les fureurs de l'ennemi.

Obtiens que la terre recouvre les douceurs de la paix ; rendus à la sécurité, nous chanterons d'un coeur plus joyeux nos cantiques à la louange de Dieu.

A vous la gloire, heureuse Trinité, Dieu unique ! A vous honneur et puissance dans les siècles des siècles !

Amen."

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lundi, 29 avril 2024

29 avril. Saint Pierre Martyr ou saint Pierre de Vérone, de l'Ordre des Frères prêcheurs, martyr. 1252.

- Saint Pierre Martyr ou saint Pierre de Vérone, de l'Ordre des Frères prêcheurs, martyr. 1252.
 
Papes : Innocent III ; Innocent IV. Empereurs : Philippe ; Conrad IV.
 
" Je crois, Seigneur, mais aidez la faiblesse de ma foi."
Saint Marc, IX, 23.

" Veritas !"
Cri et devise des croisés pour la foi et contre les hérétiques manichéens dits " Cathares " ou " Albigeois ".
 

Grandes heures d'Anne de Bretagne. XVIe.

Le héros que la sainte Eglise députe aujourd'hui vers Jésus ressuscité, a combattu si vaillamment que le martyre a couronné jusqu'à son nom. Le peuple chrétien l'appelle saint Pierre Martyr, en sorte que son nom et sa victoire ne se séparent jamais. Immolé par un bras hérétique, il est le noble tribut que la chrétienté du xuie siècle offrit au Rédempteur. Jamais triomphe ne recueillit de plus solennelles acclamations.

Au siècle précédent, la palme cueillie par Thomas de Cantorbéry fut saluée avec transport par les peuples qui n'aimaient rien tant alors que la liberté de l'Eglise ; celle de Pierre fut l'objet d'une ovation pareille. Rien ne surpasse l'enthousiame du grand Innocent IV, dans la Bulle pour la canonisation du martyr :
" La foi chrétienne appuyée sur tant de prodiges brille aujourd'hui d'un éclat nouveau. Voici qu'un nouvel athlète vient par son triomphe raviver nos allégresses. Les trophées de la victoire éclatent à nos regards, le sang répandu élève sa voix, la trompette du martyre retentit, la terre arrosée d'un sang généreux fait entendre son langage, la contrée qui a produit un si noble guerrier proclame sa gloire, et jusqu'au glaive parricide qui l'a immolé acclame sa victoire. Dans sa joie, l'Eglise-mère entonne au Seigneur un cantique nouveau, et le peuple chrétien va trouver matière à des chants d'allégresse qui n'avaient pas retenti encore. Un fruit délicieux cueilli dans le jardin de la foi vient d'être placé sur la table du Roi éternel. Une grappe choisie dans la vigne de l'Eglise a rempli de son suc généreux le calice royal ; la branche dont elle a été détachée par le fer était des plus adhérentes au cep divin. L'Ordre des Prêcheurs a produit une rose vermeille dont le parfum réjouit le Roi céleste. Une pierre choisie dans l'Eglise militante, taillée et polie par l'épreuve, a mérité sa place dans l'édince du ciel." (Constitution Magnis et crebris du 9 des calendes d'avril 1253.).


Statue de saint Pierre de Vérone.
Eglise Saint-Etienne. Puy-d'Arnac. Limousin. XVIIe.

Ainsi s'exprimait le Pontife suprême, et les peuples répondaient en célébrant avec transport le nouveau martyr. Sa fête était gardée comme les solennités antiques par la suspension des travaux, et les fidèles accouraient aux églises des Frères-Prêcheurs, portant des rameaux qu'ils présentaient pour être bénits en souvenir du triomphe de Pierre Martyr. Cet usage s'est maintenu jusqu'à nos temps dans l'Europe méridionale, et les rameaux bénits en ce jour par les Dominicains sont regardés comme une protection pour les maisons où on les conserve avec respect.

Quel motif avait donc enflammé le zèle du peuple chrétien pour la mémoire de cette victime d'un odieux attentat ? C'est que Pierre avait succombé en travaillant à la défense de la foi, et les peuples n'avaient alors rien de plus cher que la foi. Pierre avait reçu la charge de rechercher les hérériques manichéens, qui depuis longtemps infectaient le Milanais de leurs doctrines perverses et de leurs mœurs aussi odieuses que leurs doctrines. Sa fermeté, son intégrité dans l'accomplissement d'une telle mission, le désignaient à la haine des Patarins ; et lorsqu'il tomba victime de son noble courage, un cri d'admiration et de reconnaissance s'éleva dans la chrétienté. Rien donc de plus dépourvu de vérité que les déclamations des ennemis de l'Eglise et de leurs imprudents fauteurs, contre les poursuites que le droit public des nations catholiques avait décrétées pour déjouer et atteindre les ennemis de la foi.


Saint Lazare et saint Pierre de Vérone. Chapelle de la Miséricorde.
Saint-Martin-de-Vésubie. Comté de Nice. XVIIe.

Dans ces siècles, aucun tribunal ne fut jamais plus populaire que celui qui était chargé de protéger la sainte croyance, et de réprimer ceux qui avaient entrepris de l'attaquer. Que l'Ordre des Frères-Prêcheurs, chargé principalement de cette haute magistrature, jouisse donc, sans orgueil comme sans faiblesse, de l'honneur qu'il eut de l'exercer si longtemps pour le salut du peuple chrétien. Que de fois ses membres ont rencontre une mort glorieuse dans l'accomplissement de leur austère devoir ! Saint Pierre Martyr est le premier des martyrs que ce saint Ordre a fournis pour cette grande cause ; mais les fastes dominicains en produisent un grand nombre d'autres, héritiers de son dévouement et émules de sa couronne. La poursuite des hérétiques n'est plus qu'un fait de l'histoire ; mais, à nous catholiques, il n'est pas permis de la considérer autrement que ne la considère l'Eglise.

Aujourd'hui elle nous prescrit d'honorer comme martyr un de ses saints qui a rencontré le trépas en marchant à l'encontre des loups qui menaçaient les brebis du Seigneur ; ne serions-nous pas coupables envers notre mère, si nous osions apprécier autrement qu'elle le mérite des combats qui ont valu à Pierre la couronne immortelle ? Loin donc de nos coeurs catholiques cette lâcheté qui n'ose accepter les courageux efforts que firent nos pères pour nous conserver le plus précieux des héritages ! Loin de nous cette facilité puérile à croire aux calomnies des hérétiques et des prétendus philosophes contre une institution qu'ils ne peuvent naturellement que détester ! Loin de nous cette déplorable confusion d'idées qui met sur le même pied la vérité et l'erreur, et qui, de ce que l'erreur ne saurait avoir de droits, a osé conclure que la vérité n'en a pas à réclamer !


Saint Pierre de Vérone et une donatrice.
Ambrogio di Stefano da Fessano. XVe.

Saint Pierre Martyr, né à Vérone de parents infectés des erreurs des Manichéens, combattit presque dès son enfance contre les hérésies. A l'âge de sept ans, comme il allait aux écoles, son oncle paternel, qui était hérétique. lui ayant demandé ce qu il y avait appris.il répondit qu'il y avait appris le Symbole de la foi chrétienne : et ni les caresses ni les menaces de son père et de son oncle ne purent ébranler sa constance dans la vraie doctrine. Parvenu à l'adolescence, il vint à Bologne pour faire ses études. Ce fut là qu'étant appelé par le Saint-Esprit à un genre de vie plus élevé, il entra dans l'Ordre des Frères-Prêcheurs.

Très vite, ses vertus brillèrent avec un grand éclat dans la religion et dans l'étude, au point qu'il fut très rapidement apte à recevoir les ordres sacré, et il conserva coeur et ses sens dans une telle pureté, que jamais il ne se sentit souillé d'aucun péché mortel. Il mortifiait sa chair par les jeûnes et les veilles, et il élevait son esprit à la contemplation vies choses divines. Occupé sans cesse à l'oeuvre du salut des âmes, il avait un don particulier pour réfuter les hérétiques. Il mettait tant de force dans sa prédication, qu'une multitude innombrable de personnes affluait autour de lui pour l'entendre, et beaucoup se convertissaient et faisaient pénitence.


Legenda aurea. Bx J. de Voragine. XVe.

Le démon, irrité, résolut de le traverser par toutes les voies imaginables. Notre Saint prêchait à Florence : c'était dans le vieux marché, parce que les églises n'étaient pas assez vastes pour le grand nombre de personnes qui accourait pour l'entendre.
Ce monstre d'enfer y parut sous la forme d'un cheval noir courant à toute bride ; il semblait prêt à fendre la foule et à écraser tous ceux qu'il rencontrerait sur son passage ; mais le Saint faisant le signe de la Croix, dissipa ce fantôme, et tout le peuple le vit s'évanouir comme de la fumée.

Après la prédication, saint Pierre se mettaut ordinairement au confessionnal pour y recevoir les pénitents. Un jour, il s'en trouva un qui, touché du regret de ses fautes, s'accusa d'avoir donné un coup de pied à sa mère ; le saint Confesseur lui en fit une sévère réprimande et, pour l'exciter davantage à la sainte contrition, il lui dit que le pied qui avait ainsi frappé sa mère mériterait d'être coupé. Dès qu'il fut rentré chez lui, le pénitent se coupa lui-même le pied. Saint Pierre, que le peuple accusait déjà d'imprudence, l'ayant appris, vint trouver le pénitent, prit son pied, le réunit à sa jambe et, ayant fait le signe de la Croix, le remit en son premier état. Ce miracle fit concevoir plus d'estime que jamais pour sa sainteté et sa très-sage conduite.

Notre Dame et son Divin Fils avec saint Géminien de Modène,
saint Jean-Baptist0e, saint Pierre de Vérone et saint Georges.
Giovanni Francesco Barbieri, dit Le Guerchin. XVIIe.

Cependant Dieu éprouve la vertu de ses Saints. Alors qu'il était un jour au couvent de Saint-Jean-Baptiste, à Côme, Notre Père des cieux favorisa saint Pierre de Vérone de plusieurs visites du ciel ; ainsi, les saintes Agnès et Cécile lui apparurent dans sa cellule et conférèrent avec lui d'une voix claire et intelligible. Un des religieux du couvent, passant devant la cellule de notre Saint, entendant cette conférence, s'imagina que c'était effectivement avec des femmes que saint Pierre s'entretenait. Il alla donc chercher d'autres frère pour témoins, leur fit constater derrière la porte les entretiens que notre saint avait avec sainte Agnès et sainte Cécile, et ils s'en furent tous se plaindre au chapître et au supérieur.

Saint Pierre, par humilité, et voulant tenir discrète les faveurs qu'il avait reçues du ciel, ne s'en défendit point. Le supérieur relégua alors notre Saint au couvent d'Iësi, dans la Marche d'Ancône, pour y mener une vie retirée et ne plus paraître en public.
Un jour, au pied de la Croix, il lui arriva de s'en plaindre amoureusement à Notre Seigneur Jésus-Christ :
" Eh quoi ! Mon Dieu ! Vous savez mon innocence ! Comment souffrez-vous que je demeure si longtemps dans l'infâmie ?"
Notre Seigneur lui répondit :
" Et moi, Pierre, n'étais-je pas innocent ? Avais-je mérité les opprobres et les douleurs dont j'ai été accablé dans le cours de ma Passion ? Apprends donc de moi à souffrir avec joie les plus grandes peines, sans avoir commis les crimes pour lesquels on te les impose."
Dès lors, profondément touché par les paroles du divin Maître, notre Saint mit toute son ardeur à souffrir dans la joie et la félicité son humiliation.
Bientôt, Dieu fit paraître la vérité de ce qui s'était passé au couvent de Côme et saint Pierre de Vérone fut rappeler de son exil et parut devant ses frères avec encore plus d'éclat qu'auparavant.


Martyre de saint Pierre de Vérone.
Cathédrale Saint-Louis. La Rochelle. XVIIIe.

Dès qu'il fut délivré de sa prison, il reprit les armes de la parole de Dieu pour combattre l'hérésie. Le pape Grégoire IX, qui connaissait sa science et son zèle, le nomma inquisiteur général de la foi en 1232.
C'est principalement à Milan que saint Pierre travaillait de toutes ses forces à la conversion de hérétiques. Un jour qu'il se décourageait quelque peu, Notre Dame la très sainte Vierge Marie lui apparut et l'encouragea :
" Pierre, j'ai prié pour toi, afin que ta foi ne soit jamais ébranlée ; continue donc et persévère en ton premier travail."

Il passa alors à Céséna, où il convertit un grand nombre d'hérétiques et guérit des malades, à Ravenne, à Mantoue, à Venise, etc.
Enfin, il arriva au couvent de Côme, dont il avait été nommé prieur, charge qu'il avait déjà tenu dans les couvents de Gênes, Aoste et Iësi.

L'ardeur de sa foi l'enflammait tellement , qu'il souhaitait de mourir pour elle, et demandait instamment à Dieu cette grâce. Ce furent les hérétiques qui la lui procurèrent, selon qu'il l'avait annoncé lui-même peu auparavant dans une prédication. Comme il exerçait la charge d'Inquisiteur, un jour qu'il allait de Côme à Milan, un impie meurtrier nommé Carino lui déchargea sur la tète deux coups d'épée. Le saint, presque mort, prononça avant de rendre le dernier soupir le Symbole de la foi que dans son enfance il avait confessée avec le courage d'un homme. L'assassin revint à la charge, et lui ayant plongé son épée dans le flanc, le saint alla au ciel recevoir la palme du martyre, l'an du salut 1252, avec le religieux qui l'accompagnait, nommé Dominique.

L'assassin Carino martyrisant saint Pierre de Vérone et
le religieux qui l'accompagnait, saint Dominique.
Livre d'images de Madame Marie. Hainaut. Fin du XIIIe.

Son corps fut porté dans l'église Saint-Eustorge de Milan et sa sainteté éclata bientôt par un grand nombre de miracles. Son assassin, qui avait échappé à la justice, rentra bientôt en lui-même, regretta très amèrement son crime et demanda à entré dans l'ordre des frères prêcheurs : ce qui lui fut accordé.

L'année suivante Innocent IV l'inscrivit au nombre des Martyrs le 25 mars et ordonna qu'on le fêterait le 29 avril et non le 5 du même mois qui fut le jour de son martyre parce que ce jour pouvait être occupé par Pâques.


Saint Pierre de Vérone. Gravure italienne du XVIe.
 
PRIERE
 
" Vous avez vaincu, Ô Pierre ! Et votre zèle pour la défense de la foi a obtenu sa récompense. Vous désiriez ardemment répandre votre sang pour la plus sainte des causes, et confirmer par votre sacrifice les fidèles du Christ dans la fermeté de leur croyance. Le Seigneur a comblé vos vieux, et il a voulu que votre immolation coïncidât avec les têtes de notre divin Agneau pascal, que vous suivez dans son triomphe comme vous l'avez suivi dans son immolation. Le fer parricide s'abattit sur votre tète vénérable, votre sang généreux coulait en ruisseaux sur la terre, et de votre doigt vous traciez encore sur le sable, en mourant, les premières paroles du Symbole pour lequel vous donniez votre vie.

Protecteur du peuple chrétien , quel autre mobile que celui de la charité vous dirigea dans vos travaux ? Soit que votre parole vive et lumineuse reconquit sur l'erreur les âmes abusées, soit que marchant droit à l'ennemi, votre vigueur le forçât à fuir loin des pâturages qu'il venait empoisonner, vous n'eûtes qu'un but, celui de préserver les faibles de la séduction. Combien d'âmes simples auraient joui avec délices de la vérité divine que la sainte Eglise faisait arriver jusqu'à elles, et qui, misérablement trompées par les prédicants de l'erreur, sans défense contre le sophisme et le mensonge, perdent le don de la foi et s'éteignent dans l'angoisse ou dans la dépravation ! La société catholique avait prévenu de tels dangers.

Elle ne souffrait pas que l'héritage conquis au prix du sang des martyrs fût en proie aux ennemis jaloux qui avaient résolu de s'en emparer. Elle savait que l'attrait de l'erreur se rencontre souvent au fond du cœur de l'homme déchu, et que la vérité, immuable en elle-même, n'est assurée de demeurer en possession de notre intelligence qu'autant qu'elle y est défendue par la science ou par la foi : la science qui est le partage du petit nombre, la foi contre laquelle l'erreur conspire sans cesse, sous les apparences de la vérité. Dans les âges chrétiens, on eût regardé comme coupable autant qu'absurde de garantir à l'erreur la liberté qui n'est due qu'à la vérité, et les pouvoirs publics se considéraient comme investis du devoir de veiller au salut des faibles, en écartant d'eux les occasions de chute, comme le père de famille prend soin d'éloigner de ses enfants les périls qui leur seraient d'autant plus funestes que leur inexpérience ne les soupçonne pas.

Obtenez-nous, Ô saint martyr, une estime toujours plus grande de ce don précieux de la foi qui nous maintient dans le chemin du ciel. Veillez avec sollicitude à sa conservation en nous et en tous ceux qui sont confiés à notre garde. L'amour de cette sainte foi s'est refroidi chez plusieurs ; le contact de ceux qui ne croient pas les a accoutumés à des complaisances de pensée et de parole qui les ont énervés. Rappelez-les, Ô Pierre, à ce zèle pour la vérité divine qui doit être le trait principal du chrétien. Si, dans la société où ils vivent, tout conspire pour égaliser les droits de l'erreur et ceux de la vérité, qu'ils se sentent d'autant plus obligés à professer la vérité et à détester l'erreur. Réchauffez donc en nous tous, Ô saint martyr, l'ardeur de la foi, " sans laquelle il est impossible à l'homme d'être agréable à Dieu " (Heb.XI, 6.). Rendez-nous délicats sur ce point de première importance pour le salut, afin que, notre foi prenant toujours de nouveaux accroissements, nous méritions de voir éternellement au ciel ce que nous aurons cru fermement sur la terre."

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vendredi, 26 avril 2024

27 avril. Saint Pierre Canisius de Nimègue, docteur de l'Eglise, apôtre de l'Allemagne. 1597.

- Saint Pierre Canisius de Nimègue, docteur de l'Eglise, apôtre de l'Allemagne. 1597.

Pape : Clément VIII. Empereur du Saint-Empire : Rodolphe II de Habsbourg.

" Renoncez-vous à vous-même, pour ne pas être renoncer par le Christ ; reniez-vous, pour être reçu par le Christ."
Salvien.


Saint Pierre Canisius. Gravure du XVIe.

Humilité et soumission, ces deux mots résument toute l'oeuvre de saint Ignace, dont saint Pierre Canisius fut l'un des premiers et des plus grands disciples. On a souvent tourné en dérision cette sublimité de l'obéissance recommandée aux religieux de la Compagnie de Jésus. On s'est moqué du fameux perinde ac cadaver. Mais a-t-on réfléchi que ce grand précepte de la soumission est la condition sine qua non de toute autorité divine ou humaine ? Conçoit-on une royauté, comprend-on une armée, imagine-t-on une traversée maritime sans l'obéissance au chef du pouvoir, de l'expédition ou du vaisseau ? La soumission est la garantie de toute puissance.

Et l'humilité, cette vertu qu'il n'est donné à l'homme de comprendre que se lève les yeux en haut, n'a-t-elle pas été de tous temps le cartère distinctif de la vraie grandeur ? L'orgueil qui lui est opposé, comme l'indépendance à la soumission, ne sont-ils pas les deux vices fondamentaux qui ont amené la ruine du protestantisme ?

Luther et saint Ignace naissent en même temps : l'un prêche la révolte à l'autorité, et ses premiers disciples appliquant rigoureusement les principes de leur maître, arrivent à l'impuissance et à l'alarchie ; l'autre recommande à ses enfants la soumission à l'autorité, et trois siècles ne font qu'assurer à son oeuvre une plus longue durée.

Magnifique et vivant enseignement que cette lutte perpétuelle de la vérité contre l'erreur ! Chaque ère qui se lève sur le monde l'atteste, mais chaque ère aussi vient proclamer plus haut le triomphe de cette vérité immuable comme son principe, qui est le bien et le vrai éternel, sur l'erreur qui, malgré ses formes chaque jour différentes, n'est que ruine et poussière ; car elle ne s'appuie que sur le faux et sur le mal.


Martin Luther. Lucas Cranach. XVIe.

Notre saint du jour n'est plus " populaire ". Et pour cause ! Il fut un combattant jamais vaincu des droits de l'Eglise contre les désordres de l'anarchie, un champion de la vérité contre les sectateurs des ténèbres du mensonges. Nos temps qui s'enfoncent chaque jour un peu plus sous l'empire du prince de ce monde combattent ardemment - jusque dans leur commémoraison - des figures comme celle de saint Pierre Canisius. Ce champion du concile de Trente ne saurait guère plus plaire à la secte usurpatrice du si beau nom catholique qui plastronne à Rome et coule lentement dans un syncrétisme satanique.

N'importe ! Honorons en ce 27 avril, le grand saint Pierre Canisius, infatigable apôtre de la vérité, de Notre Seigneur Jésus-Christ et de son Eglise, et de Notre Dame pour laquelle il avait - avec saint Michel archange - une particulière et tendre dévotion.

La famille de Pierre Canisius était l'une des plus distinguées de la Hollande ; son père, d'abord conseiller du duc Charles de Lorraine, fut ensuite bailli de Verdun. Né en 1521, c'est sous le toit paternel que Pierre passa, dans l'innocence, ses premières années. Puis, il fut envoyé à Cologne, pour y apprendre les belles-lettres. En peu de temps, il eut achevé son cours d'humanités et reçut le grade de docteur en droit civil. Il vint alors à Louvain pour s'initier au droit canonique.

On était alors aux plus mauvais jours du XVIe siècle. Luther s'était levé du sein de l'Eglise, impétueux, opiniâtre, orgueilleux à l'excès. Poussé par l'esprit du mal et de la révolte, cet homme avait dépouillé sa robe de moine et, l'anathème à la bouche, avait voué au catholicisme la plus implacable des haines ; il avait juré la ruine de la Papauté. Canisius naissait à Nimègue pendant que le moine brûlait, à Wittemberg, les bulles de Léon X.


Le Pape Léon X.

Rien désormais ne devait arrêter l'hérésiarque. Il jeta du même coup le gant au Pape et à l'empereur Charles Quint. Le Pape, assisté de Jésus-Christ, résiste et triomphe ; mais l'empereur, d'abord fidèle, se trouble bientôt à la vue de la guerre qui le menace et, au prix de concessions malheureuses, achète la soumission momentanée de ses sujets révoltés. Quand Luther meurt, dans une agonie ignoble et digne de celui qui l'inspira depuis qu'il avait quitter l'Eglise, son oeuvre est achevée, la prétendue Réformation a jeté dans l'Europe entière ses racines profondes.

Elles se développe rapidement. L'Allemagne qui les reçoit avec le plus de faveur doit en être la première victime ; avec la foi catholique la constitution impériale est menacée ; les princes, qui ne sont plus obéis, se révoltent à leur tour contre Charles Quint ; le sang coule à flots de tous côtés.

L'Eglise se reccueille un instant : puis assistée de l'Esprit Saint, elle se lève tout entière à la voix de son chef, et s'affirme plus vivante et plus forte que jamais. A la ligue formée à Smalkalde par les protestants, elle oppose le concile de Trente... C'est saint Pierre Canisius qui doit nous introduire dans l'assemblée des Pères de l'Eglise.

C'est là que se forma le jeune religieux ; aussi ses progrès dans la voie de la perfection furent si rapides que son noviciat à peine achevé à Cologne sous la direction du Père Pierre Lefèvre, il fut jugé digne de la prêtrise et tout aussitôt appelé à succéder à ce même Pierre Lefèvre, dans la charge de supérieur. Nous le retrouvons expliquant aux théologiens de l'Université les épîtres de saint Paul, et les Evangiles aux élèves du collège du Mont, et préparant en même temps une édition des oeuvre du mystique Jean Tauler et une nouvelle édition des oeuvres de saint Cyrille d'Alexandrie et de saint Léon le Grand. Mais tout à coup il est convié à de plus grandes destinées. De ce moment commence sa lutte contre la Révolution ou prétendue Réforme.


Charles Quint. Tiziano Vecellio. XVIe.

Un grand scandale est venu fondre sur l'Eglise d'Allemagne : l'archevêque de Cologne, Hermann de Weda, s'est laissé séduire et entraîné dans l'hérésie. A la vue de la trahison de son pasteur, la cité s'indigne ; le clergé, l'Université, les magistrats, jaloux de conserver intact le trésor de leur foi, se décident à demander la déposition du coupale. Toutefois, nul n'osait se rendre près de Charles Quint et de Georges d'Autriche, prince-évêque de Liège, pour présenter une aussi grave requête. On jette les yeux sur notre saint : c'est lui qui sera, près de l'empereur et du cardinal, l'interprète chargé de réclamer contre l'indignité du coupable. Délicate mission qui témoigne de l'estime qu'on avait déjà pour le jeune jésuite !
Dieu seconde alors l'envoyé des habitants de Cologne ; le Pape excommunie Hermann et le remplace par un saint prêtre.

Pendant son voyage, le saint s'était rencontré à Ulm avec le cardinal Othon Truchess, évêque d'Augsbourg. Le prélat, frappé de son rare mérite, résolut de l'envoyer au concile de Trente comme son théologien. Saint Ignace de Loyola, consulté, répondit au cardinal que son choix ne pouvait mieux tomber. Ce fut en vain qu'au retour de son négociateur, Cologne fit valoir ses droits sur lui ; Canisius avait sa place marquée au sein des Pères du concile.

La réunion des Pères de l'Eglise à cette époque semblait impossible. L'empereur Charles-Quint pris entre les Catholiques et les Protestants, ne voulait rien faire qui semblât favoriser les uns ou les autres ; le roi de France ne souhaitait pas une assemblée où le Pape serait le maître : enfin le Pape lui-même pouvait craindre quelque entreprise contre son autorité : et cependant, au milieu de tant de difficultés et d'entraves, l'oeuvre de Dieu s'accomplit, et la foi fut sauvée. Eternel enseignement que de tout temps Dieu se plaît à donner aux audacieux qui voudrait résister à son Christ et à son Eglise.
 

Saint Ignace de Loyola.

Parmi la foule nombreuse de prélats et de théologiens appelés au concile par la voix du Pontife romain, Canisius, dès le début des sessions, fut placé au premier rang. Au moment où, les préliminaires terminés, le concile allait commencer ses séances dogmatiques, des fièvres se déclarèrent à Trente et le siège de l'assemblée fut transféré à Cologne. Assisté du savant jésuite Jacques Laynez, théologien du Pape, Canisius fut chargé de faire le relevé exact des erreurs avancées au sujet des sacrements par les hérétiques et de reccueillir dasn les monuments de la tradition les bases des règles définitives. L'attente de saint Ignace et du cardinal Othon Truchess ne fut pas trompée : chaque fois que le jeune jésuite élevait la voix au sein de l'assemblée, les Pères du concile admiraient en lui l'homme de Dieu, venant avec sa noble et touchante éloquence remuer les coeurs et convaincre les esprits.

Mais voici qu'après les troubles qui suivirent le meurtre du duc de Plaisance l'assemblée est dissoute : notre saint Pierre Canisius est appelé à Rome par saint Ignace. Nous le retrouverons bientôt à la prochaine session du concile.

Saint Ignace et saint Pierre Canisius avaient, il semble, hâte de se mieux connaître... Qui dira les épanchements de ces deux âmes ! Saint Ignace initiait saint Pierre Canisius aux secrets desseins du Seigneur sur son oeuvre naissante, et, qui sait ? dans sa sublime bonté, le Très-Haut déchirant les voiles de l'avenir, leur montraiet peut-être cette compagnie de Jésus embrassant l'univers entier de flammes de l'amour divin et tout à la fois régénérant l'ancien monde et convertissant le nouveau.


Saint Pierre Canisius conférant avec le cardinal
Othon Truchess et un légat apostolique.

Tout, au temps de saint Ignace, était à fonder : il fallait des maîtres capables d'éclipser leurs rivaux hérétiques. On sait que Luther dut une partie de sa puissance à son éloquence ardente, à sa facilité prodigieuse pour traiter les matières philosophiques et religieuses dans sa langue maternelle ; les disciples qui devaient le remplacer dans son enseignement l'imitaient et acquéraient très vite ce prestige qui éblouit les esprits faibles. Saint Ignace forma des maîtres qui surpassèrent bien vite les prétendus réformateurs.

Saint Pierre Canisius, après cinq mois passés dans la prière et l'étude près de son supérieur, partit pour Messine ; et lui qui peu de temps auparavant siégeait parmi les Pères du concile, eut à enseigner la réthorique. Pendant un an, il s'acquitta de cette mission avec ce dévouement, cet amour du devoir qui lui faisait trouver du charme au moindre des emplois. Il devait reparaître bientôt sur une plus vaste scène.

Il est subitement rappelé par Rome pour y prononcer ses voeux solennels : c'était, pour ainsi parler, l'achèvement de l'homme de Dieu. Pierre se consacre solennellement et irrévocablement à l'oeuvre de la Providence ; Ignace peut mourir en paix, il compte un vaillant lutteur de plus dans son armée d'élite.

C'est à l'Allemagne qu'appartient désormais le religieux profès ; nous allons voir ce vrai réformateur à l'oeuvre.


Le duc Guillaume de Bavière. Peter Gartner. XVIe.

Le duc Guillaume a fait demander de saints maîtres pour relever l'instruction publique en Bavière. Canisius, Le Jay, Salmeron, trois disciples prédestinés du général de la Compagnie de Jésus, reçoivent l'ordre de se rendre à Ingolstadt pour y fonder un collège. Ils int pour tout bagage le crucifix, les Exercices spirituels et le Ration studiorum ou " plan d'études ". Avec ces deux petits livres, les Jésuites ont remué le monde ; dans le premier, ils puisent cette force surhumaine qui les guide au-delà des mers vers les peuples infidèles ; le second leur sert de règle infaillible dans l'oeuvre d'éducation de la jeunesse.

Le duc Guillaume n'eut qu'à se louer des Jésuites ; le succès le plus éclatant vint couronner leurs efforts. L'Université nomme Canisius son recteur ; il se défend de cet honneur, mais Ignace ordonne, et le religieux se soumet. De ce jour tout prospère, les livres entachés d'hérésie sont enlevés aux étudiants, les discussions entre maîtres et élèves s'apaisent, la parole du saint ranime au coeur de la jeunesse le respect et l'amour du travail. Aussi, l'Université veut perpétuer la mémoire de son recteur et inscrit son éloge dans ses annales.

Quand les six mois de son rectorat furent achevés, l'apôtre d'Ingolstadt put rendre grâces à Celui qui se plaisait à répandre tant de faveurs par ses mains.

Le bruit de ses merveilles se répandait rapidement dans l'Allemagne ; de tous côtés, des lettres et des prières étaient adressées aux supérieurs de Canisius ; on le voulait partout. Ferdinand, roi des Romains, appuyé par le souverain Pontife, obtint sa présence à Vienne.


Ferdinand, roi des Romains.

L'Autriche, à son arrivée, présentait un spectacle navrant. Le clergé séculier, les Ordres religieux, les écoles, étaient infectés de la lèpre hideuse dont Luther avait partout déposé le germe. Les villes n'avaient plus de pasteurs, les sacrements n'étaient plus administrés, les cérémonies religieuses n'étaient plus célébrées. Saint Pierre Canisius est d'abord effrayé de l'immensité du mal, mais bientôt il se prosterne devant Dieuet obtient de lui que l'Autriche soit régénérée.

Notre saint se multiplie ; il prêche à la cour, il prêche au peuple, il catéchise les enfants. Soudain, terrible châtiment de Dieu ! La peste éclate dans la ville ; c'est encore notre saint qu'on retrouve au chevet des mourants, soignant les corps et régénérant les coeurs des malheureux Viennois. Enfin, il obtient du Saint-Père un jubilé, c'est lui qui en est le prédicateur ; et au milieu d'un concours immense, il venge l'honneur méconnu des indulgences.

En même temps, la générosité de nobles familles aidant, il ouvre un pensionnat ; les fils des plus nobles habitants y accourent. Bientôt l'angélique Stanislas Kotska, guidé par la Vierge Marie, viendra se former là aux saintes vertus qui doivent charmer le monde. Vienne renaissait à la foi ; le roi des Romains voulut récompenser le zèle de l'apôtre, en lui offrant le siège épiscopal de ce diocèse, qu'il venait de transformer si heureusement. Notre saint accepta pendant quelques temps le devoir d'une charge si lourde mais il en refusa les honneurs.

Nous l'avons dit : à l'apostaolat de la parole, saint Pierre Canisius sut joindre l'apostolat de la plume. Faisons halte, pour ainsi dire, au milieu de sa vie, pour parler de celui de ses ouvrages qui est rester le plus célèbre et le plus populaire ; son catéchisme.

Ferdinand, ce prnce que nous voyions tout à l'heure si plein d'admiration pour le saint, avait réclamé de saint Ignace un exposé court et solide de la doctrine chrétienne. C'est à Canisius, comme au plus capable, que fut confié une oeuvre aussi importante. Cet abrégé de la doctrine chrétienne, Summa doctrinae christianae, restera, avec le catéchisme du concile de Trente, comme un éternel monument du triomphe de l'Eglise sur l'erreur au temps de Luther.
 

Saint Pierre Canisius. Gravure du XVIe.

A peine le livre eut-il paru, que Ferdinand, par un rescrit solennel, le répandit dans tout l'empire. Philippe II d'Espagne imita bientôt son oncle, et le fit imprimer dans les Etats de l'ancien et du nouveau monde ? Il fut traduit dans toutes les langues de l'Europe : la Russie, la Pologne, la Suède, le Danemark, l'Angleterre, l'Irlande, la Hollande et la Suisse, connurent à peine, pendant bien longtemps, d'autre exposition élémentaire de la foi catholique.

" En 1686, nous dit le révérend Père Alet, quand le catéchisme de Canisius fut publié à Paris par l'autorité de Mgr de Harlay, on était au moins, la préface le constate, à la quatre centième édition."

La raison de ce succès et en même temps son plus grand éloge sont tombés des lèvres augustes de Pie IX, dans le bref de la béatification de saint Pierre Canisius :
" Ayant remarqué que l'hérésie se propageait partout au moyen de petits livres, Canisius pensa qu'il n'y avait pas de meilleur remède contre le mal qu'un bon abrégé de la Doctrine chrétienne. Il composa donc le sien, mais avec tant d'exactitude, de clarté et de précisions qu'il n'en existe pas de plus propre à instruire et à confirmer les peuples dans la foi catholique."

Dominé par les sentiments de cette extrême humilité qui le caractérisait, saint Pierre Canisius avait résolu de ne pas se faire connaître comme l'auteur du catéchisme, mais le secret, peut-être mal gardé, fut bientôt divulgué, et la renommée de notre saint s'en accrut immensément. Ce ne fut plus l'Allemagne seulement qui réclama sa présence ; la Transylvanie, la Hongrie, la Silésie, la Pologne se le disputèrent bientôt.


La Summa doctrinae christianae.

Nommé sur ces entrefaites provincial d'Allemagne par saint Ignace, le saint s'occupa d'abord d'assurer l'existence complète des collèges de Prague, d'Ingolstadt et de Munich ; puis au moment où il allait se rendre en Bavière, il fut appelé au colloque de Worms.

Les Protestants avaient demandé aux seigneurs d'Allemagne, présents à la diète de Ratisbonne, qu'un certain nombre d'hommes choisis dans les deux camps vinssent se réunir en conféérence dans la ville de Worms? Cette proposition plus à Ferdinand : il voulait ménager les susceptibilités des princes luthériens, dont il allait avoir besoin pour faire la guerre aux Musulmans. Saint Pierre Canisius, malgré une certaine répugnance, se rendit au colloque sur le désir de ses supérieurs : il y trouva déjà réunis le vieux Philippe Mélanchton, l'âme damnée de Luther, Erasme Scneff, Henri Buttinger et Flach Francowitz, tous prédicants acharnés du " pur Evangile ". Il y eut d'abord, il faut le dire, et le triomphe n'en fut que plus éclatant, il y eut peu d'enthousiasme du côté des catholiques, les discussions chaque jour renouvelées n'amenaient point de vrais résultats. Saint Pierre Canisius eut alors recours à son grand moyen ; il pria, et une inspiration du ciel le secourut aussitôt.


Philippe Mélanchton. Lucas Cranach. XVIe.

Il était facile de voir que les théologiens de l'hérésie ne s'entendaient pas entre eux, même sur les articles les plus essentiels. Or, le colloque n'avait été accordé qu'aux seuls partisans de la Confession d'AUgsbourg. Il insinua donc que, pour éviter la confusion, il serait utile d'écarter les docteurs qui n'admettraient pas cette règle de foi. On ne saurait dire combien cette proposition inattendue déconcerta les dissidents. Les voilà qui commencent à s'attaquer les uns les autres. Les Sacramentaires condamnent les Anabaptistes, les Anabaptistes les Sacramentaires et ainsi des différentes sectes. Mélanchton, malgré son grand âge, a le chagrin de se voir insulté par ses disciples. Bientôt on en vient aux injures, aux outrages les plus violents, et l'on pu craindre un moment qu'il n'y eut une véritable mêlée. Enfin, les plus emportés ont le dessus, et cinq, qui avaient montré plus de modération, sont réduits à quitter la place. Ils s'éloignent, en laissant entre les mains du président une protestation contre l'indigne conduite de leurs collègues.

Le colloque ne pouvait plus se prolonger dans des conditions si nouvelles. Le roi des Romains décida que l'assemblée était dissoute et l'on se sépara, à la grande désolation des hérétiques, qui s'en prirent à saint Pierre Canisius de leur échec. En effet, amis et ennemis s'accordaient à reconnaître que c'était à lui que revenait l'honneur d'un résultat si heureux pour la cause catholique.

Les Luthériens vaincus essayèrent alors leurs armes les plus honteuses contre celui qu'on appelait déjà le " marteau des hérétiques " : ils inventèrent contre lui des fables ridicules, répandirent partout les plus infâmes calomnies. L'homme de Dieu redoubla de patience et méprisa ces attaques et s'ingénia sans s'émouvoir à multiplier contre ses adversaires les actes de la plus ardentes charité. On l'appelait dans l'Alsace supérieure, il en traversa toutes les villes en faisant le bien et en guérissant les tristes blessures que la prétendue Réforme infligeait à l'Eglise.


Buste de saint Pierre Canisius. Munich. XVIIe.

Mais le mal s'aggravait toujours et il venait d'atteindre la Pologne? Le Pape aussitôt y envoie un nonce apostolique ; deux théologiens l'accompagnent ; l'un est notre saint. A son arrivée, il trouva la religion dans le plus grand des périls.

Ce malheureux pays était alors gouverné par l'indolent Sigismond. Ce prince, à la vue des ravages déjà causés par la prétendue Réforme, réunit une diète à Piotrkow. Mais l'élan et l'enthousiasme manquèrent d'abord à cette assemblée ; saint Pierre Canisius essaya à plusieurs reprise de remuer la foi dans les coeurs indifférents, ses efforts furent à la fin récompensés. Sigismond, stimulé par lui, déclara solennellement qu'il n'entendait point qu'on touchât aux droits de l'Eglise.

Cependant les sessions du concile de Trente, un instant suspendues, allaient reprendre leur cours. Pie V, l'empereur Ferdinand et les légats apostoliques jugèrent d'un commun accord que la présence de Canisius était nécessaire ; ils n'avaient pas oublié cette éloquence si douce à la fois et si ferme qui les avaient aussi de quel poids était l'autorité de Canisius, de quelle valeur serait une décision motivée par lui.


Edition du catéchisme de saint Pierre Canisius.

Arrivé à Trente le 14 mai 1562, il trouva le saint cardinal Osius, son ami, tout près de mourir. Mais la joie que ressentit le prélat à embrasser celui qu'il désirait voir si ardemment lui rendit soudain la santé.

A la reprise des travaux de l'assemblée, Canisius fut chargé de présider une commission qui dut revoir l'Index ou Catalogue des livres condamnés. Plusieurs fois le saint apôtre eut à traîter devant les Pères le grand sujet de l'Eucharistie. C'est alors que son coeur débordait vraiment sur ses lèvres. La foi l'inspirait et les théologiens assemblés rendaient grâces à Dieu qui leur parlait par une bouche si éloquente. Quant à l'orateur, il écrivait à ce propos :
" Il m'a été commandé de parler au Concile, c'est à d'autres que le succès était recommandé. Le Seigneur m'a aidé en vue des prières de notre Compagnie. A Lui seul toute la gloire."

Le Concile se sépara définitivement en 1563. Restait maintenant à faire accueillir ses décisions par les princes de l'Allemagne.

Le souverain Pontife, dans son anxiété, ne savait qui charger d'une aussi délicate mission, quand il jeta les yeux sur Canisius ; il le nomma aussitôt nonce apostolique et l'envoya en Allemagne. La tâche fut remplie au-delà de toute espérance, et bientôt l'on vit les seigneurs promulguer les décrets du Concile apportés par le nonce. Cette mission touchait à sa fin quand le Pape Pie V ordonna à Canisius de se rendre à la diète d'Augsbourg qui s'ouvrait le 24 mars 1566.


Eglise Saint-Pierre-Canisius de Vienne. Autriche.

Un nouveau péril menaçait l'Eglise. L'Islamisme était prêt à fondre sur la Chrétienté. Pour détourner ce fléau, il fallait une armée puissante. Les Protestants refusaient de souscrire aux subsides nécessaires pour lever des troupes. A la diète, ce fut encore Canisius qui par sa fermeté triompha de toutes ces résistances, et on le vit provoquer de la part des Catholiques une adhésion solennelle aux décrets du Concile de Trente.

Après tant de labeurs, le repos semblait permis ; mais pour le saint le repos était dans la lutte même. Le souverain Pontife apprend un jour que les principautés hérétiques de Magdebourg on t composé et publié les annales ecclésiastiques intitulées : Centuries de Magdebourg. C'était un odieux pamphlet, rempli des calomnies les plus perfides contre l'Eglise catholique. Le saint Pape, ému d'une telle nouvelle, ordonne à Canisius de réfuter cette mordante satire, et le bienheureux donne au monde le livre des Altérations de la parole divine, chef-d'oeuvre de controverse en même temps que brillante apologie de la Religion.


Le pape Grégoire XIII.

A peine la réfutation a-t-elle paru que Grégoire XIII envoie Canisius en députation auprès des princes de l'Allemagne, pour les engager à consolider l'établissement du collège germanique en fondant dans leur pays d'autres collèges et des séminaires en faveur de la jeunesse allemande.

D'Allemagne, saint Pierre Canisius revient à Rome pour régler les affaires de la fondation du collège germanique, puis il repart pour le colloque de Nuremberg, accompagnant l'évêque de Brescia. Le colloque est différé, et tandis que le saint se croit un instant libre, voici qu'il lui reste à accomplir une dernière et magnifique mission.

Une supplique des évêques de Bâle, de Constance et de Lausanne était venue signaler à Grégoire XIII le danger que la foi courait dans la Suisse catholique. L'évêque de Verceil, chargé par le Pape de rendre compte de l'état du pays, écrivit à Rome que le seul moyen de sauver la religion était d'y établir un collèges dirigé par les Pères de la Compagnie de Jésus. Ce projet fut approuvé, mais lorsqu'on apprit en Suisse que les Jésuites étaient sur le point d'arriver, Protestants et Catholiques s'unirent dans les plus menaçantes déclamations. Les calomnies répandues à dessein sur la compagnie de Jésus portaient leurs fruits. Un seul homme, pensa-t-on à Rome, est capable de triompher de ces résistances. C'était nommer Canisius. La présence seule du saint apôtre changea l'aspect de ce pays.


Saint Pierre Canisius prêchant. Suisse. XVIIe.

A peine arrivé à Fribourg, le saint fut l'objet de la vénération de tous : un collège y fit fondé et Canisius se plut à le diriger lui-même. Quoique recteur de la maison qui veanit de s'ouvrir, notre saint trouvait encore le temps de prêcher, de visiter les malades et de convertir les dissidents.

Les Fribourgeois s'attachaient de plus en plus à leur apôtre. Un jour, les Luthériens de Genève, de Lausanne, de Bâle, envoient à Fribourg de honteux libelles contre la Compagnie de Jésus. Le canton de Fribourg répond à ces calomnies en s'engageant par un serment solennel à maintenir toujours intacte la foi catholique.

Le 5 août 1596, les bâtiments du collège venaient d'être terminés : on en fit la solennelle inauguration. A la fin de la cérémonie, le saint vieillard appuyé sur son bâton voulut remercier les Fribourgeois de leurs généreux sacrifices et de leurs fidélité : il les supplia de ne jamais trahir leur sainte foi et leur promit le dévouement impérissable de la Compagnie de Jésus.


Cathédrale Saint-Nicolas de Fribourg. Suisse.

Ce fut son Nunc dimittis. Ne désirant plus rien que le ciel, le saint vieillard se renferma tout entier en Dieu. Bientôt, pour que rien ne manquât à ses mérites déjà si nombreux, il fut atteint d'une hydrophisie qui lui fit souffrir un véritable martyre. Le 20 décembre 1597, après quatre mois de souffrances aigües, il déclara que sa vie sur la terre était enfin terminée et le lendemain, vers trois heures de l'après-midi, en présence de ses frères, il rendit à Dieu sa belle âme. Il était âgé de 78 ans ; il en avait passé 54 dans la Compagnie de Jésus.

A peine la nouvelle se fut-elle répandue, qu'on eut dit qu'une calamité publique avait soudain fondue sur la cité. On se pressait en foule aux portes du collège, on attendait avec anxiété que les restes du saint fussent exposés à la vénération publique. Enfin, une chapelle ardente fut disposée, et les Fribourgeois purent venir en foule s'agenouiller près du corps du bienfaiteur. Les uns restaient là immobiles et comme attendant que ses lèvres vinssent se ranimer pour leur adresser de saintes paroles ; d'autres se prosternaient pour baiser avec respect les mains et les pieds du serviteur de Dieu ; quelques uns, voulant à tout prix satisfaire leur dévotion, lui coupaient en cachette une mèche de cheveux ; on alla jusqu'à mettre en lambeaux ses vêtements sacrés.

Le surlendemain, le clergé, le sénat, la magistrature firent élever le corps et lui rendirent les honneurs funèbres, aux frais du trésor public, dans la cathédrale Saint-Nicolas, où il fut inhumé, avec la réserve que la précieuse dépouille serait rendue aux Jésuites dès qu'ils disposeraient d'une église pour la recevoir.


Eglise Saint-Michel de Fribourg. Le corps de notre saint
y repose toujours dans une magnifique châsse. Suisse.

L'oraison funèbre du vénérable défunt fut prononcée par le prévôt du Chapitre. Les Fribourgeois, jalous de perpétuer à jamais la mémoire de saint Pierre Casinius, firent graver sur sa tombe une inscription qui retraçait en termes magnifiques les services que le saint apôtre avait rendu à la cause de la Religion.

Le 20 novembre 1864, Rome était en fête. Pie IX ordonnait qu'aux yeux de la ville et du monde le titre et les honneurs de Bienheureux fussent décernés au vénérable Pierre Canisius.

Canonisé, il a été proclamé Docteur de l'Eglise en 1925 et sa fête fut déplacée du 20 décembre au 27 avril.

On représente saint Pierre Canisius ayant près de lui un chien qui aboie contre l'hérésie. En effet, son nom hollandais, De Hond, signifie chien. C'est aussi la raison pour laquelle les Luthériens, furieux de leurs défaites systématiques contre lui et mécontents de ses oeuvres, l'appellent encore aujourd'hui le chien de Nimègue.
 

Statue de saint Pierre Canisius dans sa ville natale, Nimègue.

On peut trouver sa châsse dans la chapelle du Collège Saint-Michel de Fribourg autrefois tenu par les Jésuites.

Rq : On téléchargera le trésor qu'est le Catéchisme de saint Pierre Canisius sur ce lien : http://liberius.net/auteur.php?id_auth=10

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