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jeudi, 22 février 2024

22 février. Chaire de saint Pierre à Antioche. 59.

- Chaire de saint Pierre à Antioche. 59.

" Pierre est l'organe du collège des Apôtres, l'axe et la clef de voute de la société."
Saint Jean Chrysostome, hom. LV in cap XVI Matth.


Pour la seconde fois, Pierre reparaît avec sa Chaire sur le Cycle de la sainte Eglise ; mais aujourd'hui ce n'est plus son Pontificat dans Rome, c'est son épiscopat à Antioche que nous sommes appelés à vénérer. Le séjour que le Prince des Apôtres fit dans cette dernière ville fut pour elle la plus grande gloire qu'elle eût connue depuis sa fondation ; et cette période occupe une place assez notable dans la vie de saint Pierre pour mériter d'être célébrée par les chrétiens, Cornélius avait reçu le baptême à Césarée des mains de Pierre, et l'entrée de ce Romain dans l'Eglise annonçait que le moment était venu où le Christianisme allait s'étendre en dehors de la race juive.

Quelques disciples, dont saint Luc n'a pas conservé les noms, tentèrent un essai de prédication à Antioche, et le succès qu'ils obtinrent porta les Apôtres à diriger Barnabé de Jérusalem vers cette ville. Celui-ci étant arrivé ne tarda pas à s'adjoindre un autre Juif converti depuis peu d'années, et connu encore sous le nom de Saül, qu'il devait plus tard échanger en celui de Paul, et rendre si glorieux dans toute l'Eglise. La parole de ces deux hommes apostoliques dans Antioche suscita au sein de la gentilité de nouvelles recrues, et il fut aisé de prévoir que bientôt le centre de la religion du Christ ne serait plus Jérusalem, mais Antioche ; l'Evangile passant ainsi aux Gentils, et délaissant la ville ingrate qui n'avait pas connu le temps de sa visite.

La voix de la tradition tout entière nous apprend que Pierre transporta sa résidence dans cette troisième ville de l'Empire romain, lorsque la foi du Christ y eut pris le sérieux accroissement dont nous venons de raconter le principe. Ce changement de lieu, le déplacement de la Chaire de primauté montraient l'Eglise avançant dans ses destinées, et quittant l'étroite enceinte de Sion, pour se diriger vers l'humanité tout entière.


Nous apprenons du pape saint Innocent Ier qu'une réunion des Apôtres eut lieu à Antioche. C'était désormais vers la Gentilité que le vent de l'Esprit-Saint poussait ces nuées rapides et fécondes, sous l'emblème desquelles Isaïe nous montre les saints Apôtres. Saint Innocent, au témoignage duquel se joint celui de Vigile, évêque de Thapsus, enseigne que l'on doit rapporter au temps de la réunion de saint Pierre et des Apôtres à Antioche ce que dit saint Luc dans les Actes, qu'à la suite de ces nombreuses conversions de gentils, les disciples du Christ furent désormais appelés Chrétiens.

Antioche est donc devenue le siège de Pierre. C'est là qu'il réside désormais ; c'est de là qu'il part pour évangéliser diverses provinces de l'Asie ; c'est là qu'il revient pour achever la fondation de cette noble Eglise. Alexandrie, la seconde ville de L'empire, semblerait à son tour réclamer l'honneur de posséder le siège de primauté, lorsqu'elle aura abaissé sa tête sous le joug du Christ ; mais Rome, préparée de longue main parla divine Providence à l'empire du monde, a plus de droits encore. Pierre se mettra en marche, portant avec lui les destinées de l'Eglise ; là où il s'arrêtera, là où il mourra, il laissera sa succession. Au moment marqué, il se séparera d'Antioche, où il établira pour évêque Evodius son disciple.

Evodius sera le successeur de Pierre en tant qu'Evêque d'Antioche ; mais son Eglise n'héritera pas de la principauté que Pierre emporte avec lui. Ce prince des Apôtres envoie Marc son disciple prendre possession d'Alexandrie en son nom ; et cette Eglise sera la seconde de l'univers, élevée d'un degré au-dessus d'Antioche, par la volonté de Pierre, qui cependant n'y aura pas siégé en personne. C'est à Rome qu'il se rendra, et qu'il fixera enfin cette Chaire sur laquelle il vivra, il enseignera, il régira, dans ses successeurs.


Chaire de saint Pierre. Cathédrale Sainte-Pierre. Poitiers.

Telle est l'origine des trois grands Sièges Patriarcaux si vénérés dans l'antiquité : le premier, Rome, investi de la plénitude des droits du prince des Apôtres, qui les lui a transmis en mourant ; le deuxième, Alexandrie, qui doit sa prééminence à la distinction que Pierre en a daigné faire en l'adoptant pour le second ; le troisième, Antioche, sur lequel il s'est assis en personne, lorsque, renonçant à Jérusalem, il apportait à la Gentilité les grâces de l'adoption. Si donc Antioche le cède pour le rang à Alexandrie, cette dernière lui est inférieure, quant à l'honneur d'avoir possédé la personne de celui que le Christ avait investi de la charge de Pasteur suprême. Il était donc juste que l'Eglise honorât Antioche pour la gloire qu'elle a eue d'être momentanément le centre de la chrétienté : et telle est l'intention de la fête que nous célébrons aujourd'hui.

Les solennités qui se rapportent à saint Pierre ont droit d'intéresser particulièrement les enfants de l'Eglise. La fête du père est toujours celle de la famille tout entière ; car c'est de lui qu'elle emprunte et sa vie et son être. S'il n'y a qu'un seul troupeau, c'est parce qu'il n'y a qu'un seul Pasteur ; honorons donc la divine prérogative de Pierre, à laquelle le Christianisme doit sa conservation, et aimons à reconnaître les obligations que nous avons au Siège Apostolique. Au jour où nous célébrions la Chaire Romaine, nous avons reconnu comment la Foi s'enseigne, se conserve, se propage par l'Eglise-Mère, en laquelle résident les promesses faites à Pierre. Honorons aujourd'hui le Siège Apostolique, comme source unique du pouvoir légitime par lequel les peuples sont régis et gouvernés dans l'ordre du salut éternel.


Saint Pierre et les clefs du Royaume.
" Cathédrale " Saint-Isaac de Saint-Petersbourg. Russie.

Le Sauveur a dit à Pierre :
" Je te donnerai les Clefs du Royaume des cieux."
C'est-à-dire de l'Eglise.
Il lui a dit encore :
" Pais mes agneaux, pais mes brebis."
Pierre est donc prince : car les Clefs, dans l'Ecriture, signifient la principauté ; il est donc Pasteur, et Pasteur universel : car, dans le troupeau, il n'y a rien en dehors des brebis et des agneaux. Mais voici que, par la bonté divine, nous rencontrons de toutes parts d'autres Pasteurs : les Evêques, " que l'Esprit-Saint a posés pour régir l'Eglise de Dieu ", gouvernent en son nom les chrétientés, et sont aussi Pasteurs. Comment ces Clefs, qui sont le partage de Pierre, se trouvent-elles en d'autres mains que dans les siennes ? L'Eglise catholique nous explique ce mystère dans les monuments de sa Tradition. Elle nous dit par Tertullien que le Seigneur a " donné les Clefs à Pierre, et par lui à l'Eglise " ; par saint Optât de Milève, que, " pour le bien de l'unité, Pierre a été préféré aux autres Apôtres, et a reçu seul les Clefs du Royaume des cieux, pour les communiquer aux autres " ; par saint Grégoire de Nysse, que " le Christ a donné par Pierre aux Evêques les Clefs de leur céleste prérogative " ; par saint Léon le Grand, que " le Sauveur a donné par Pierre aux autres prince ces des Eglises tout ce qu'il n'a pas jugé à propos de leur refuser ".

L'Episcopat est donc à jamais sacré ; car il se rattache à Jésus-Christ par Pierre et ses successeurs ; et c'est ce que la Tradition catholique nous atteste de la manière la plus imposante, applaudissant au langage des Pontifes Romains qui n'ont cessé de déclarer, depuis les premiers siècles, que la dignité des Evêques était d'être appelés à partager leur propre sollicitude, in partem sollicitudinis vocatos.


Eglise Saint-Pierre creusée dans une grotte. Antioche.

C'est pourquoi saint Cyprien ne fait pas difficulté de dire que " le Seigneur, voulant établir la dignité épiscopale et constituer son Eglise, dit à Pierre : " Je te donnerai les Clefs du Royaume des cieux " ; et c'est de là que découle l'institution des Evêques et la disposition de l'Eglise ". C'est ce que répète, après le saint Evêque de Carthage, saint Césaire d'Arles, dans les Gaules, au Ve siècle, quand il écrit au saint pape Symmaque :
" Attendu que l'Episcopat prend sa source dans la personne du bienheureux Apôtre Pierre, il suit de là, par une conséquence nécessaire, que c'est à Votre Sainteté de prescrire aux diverses Eglises les règles auxquelles elles doivent se conformer."
 
Cette doctrine fondamentale, que saint Léon le Grand a formulée avec tant d'autorité et d'éloquence, et qui est en d'autres termes la même que nous venons de montrer tout à l'heure par la Tradition, se trouve intimée aux Eglises, avant saint Léon, dans les magnifiques Epîtres de saint Innocent Ier qui sont venues jusqu'à nous.

C'est ainsi qu'il écrit au concile de Carthage que " l'Episcopat et toute son autorité émanent du Siège Apostolique " ; au concile de Milève, que " les Evêques doivent considérer Pierre comme la source de leur nom et de leur dignité " ; à saint Victrice, Evêque de Rouen, que " l'Apostolat et l'Episcopat prennent en Pierre leur origine ".

Nous n'avons point ici à composer un traité polémique ; notre but, en alléguant ces titres magnifiques de la Chaire de Pierre, n'est autre que de réchauffer dans le cœur des fidèles la vénération et le dévouement dont ils doivent être animés envers elle. Mais il est nécessaire qu'ils connaissent la source de l'autorité spirituelle qui, dans ses divers degrés, les régit et les sanctifie. Tout découle de Pierre, tout émane du Pontife Romain dans lequel Pierre se continuera jusqu'à la consommation des siècles. Notre Seigenur Jésus-Christ est le principe de l'Episcopat, l'Esprit-Saint établit les Evêques ; mais la mission, l'institution, qui assigne au Pasteur son troupeau et au troupeau son Pasteur, Jésus-Christ et l'Esprit-Saint les donnent par le ministère de Pierre et de ses successeurs.


Maître-autel de l'église Saint-Pierre. Antioche. Actuelle Turquie.

Qu'elle est divine et sacrée, cette autorité des Clefs, qui, descendant du ciel dans le Pontife Romain, dérive de lui par les Prélats des Eglises sur toute la société chrétienne qu'elle doit régir et sanctifier ! Le mode de sa transmission par le Siège Apostolique a pu varier selon les siècles ; mais tout pouvoir n'en émanait pas moins de la Chaire de Pierre.

Au commencement, il y eut trois Chaires : Rome, Alexandrie et Antioche ; toutes trois, sources de l'institution canonique pour les Evêques de leur ressort ; mais toutes trois regardées comme autant de Chaires de Pierre, fondées par lui pour présider, comme l'enseignent saint Léon, saint Gélase et saint Grégoire le Grand. Mais, entre ces trois Chaires, le Pontife qui siégeait sur la première ne recevait que du Ciel son institution, tandis que les deux autres Patriarches n'exerçaient leurs droits qu'après avoir été reconnus et confirmés par celui qui occupait à Rome la place de Pierre.

Plus tard, on voulut adjoindre deux nouveaux Sièges aux trois premiers ; mais Constantinople et Jérusalem n'arrivèrent à un tel honneur qu'avec l'agrément du Pontife Romain. Puis, afin que les hommes ne fussent pas tentés de confondre les distinctions accidentelles dont avaient été décorées ces diverses Eglises, avec la divine prérogative de l'Eglise de Rome, Dieu permit que les Sièges d'Alexandrie, d'Antioche, de Constantinople et de Jérusalem fussent souillés par l'hérésie ; et que, devenues autant de Chaires d'erreur, elles cessassent de transmettre la mission légitime, à partir du moment où elles avaient altéré la foi que Rome leur avait transmise avec la vie.

Nos pères les ont vues tomber successivement, ces colonnes antiques que la main paternelle de Pierre avait élevées ; mais leur ruine lamentable n'atteste que plus haut combien est solide l'édifice que la main du Christ a bâti sur Pierre. Le mystère de l'unité s'est alors révélé avec plus d'éclat ; et Rome, retirant à elle les faveurs qu'elle avait versées sur des Eglises qui ont trahi cette Mère commune, n'en a paru qu'avec plus d'évidence le principe unique du pouvoir pastoral.


Eglise Chaire-de-saint-Pierre-à-Antioche.
Tourmignies. Boulonnais. France. XIe.

C'est donc à nous, prêtres et fidèles, à nous enquérir de la source où nos pasteurs ont puisé leur pouvoir, de la main qui leur a transmis les Clefs. Leur mission émane-t-elle du Siège Apostolique ? S'il en est ainsi, ils viennent de la part de Notre Seigneur Jésus-Christ qui leur a confié, par Pierre, son autorité ; honorons-les, soyons-leur soumis. S'ils se présentent sans être envoyés par le Pontife Romain, ne nous joignons point à eux ; car le Christ ne les connaît pas. Fussent-ils revêtus du caractère sacré que confère l'onction épiscopale, ils ne sont rien dans l'Ordre Pastoral ; les brebis fidèles doivent s'éloigner d'eux.

C'est ainsi que le divin Fondateur de l'Eglise ne s'est pas contenté de lui assigner la visibilité comme caractère essentiel, afin qu'elle fût cette Cité bâtie sur la montagne, et qui frappe tous les regards ; il a voulu encore que le pouvoir céleste qu'exercent les Pasteurs dérivât d'une source visible, afin que chaque fidèle fût à même de vérifier les titres de ceux qui se présentent à lui pour réclamer son âme au nom du Christ. Le Seigneur ne devait pas moins faire pour nous, puisque d'autre part il exigera au dernier jour que nous ayons été membres de son Eglise, et que nous ayons vécu en rapport avec lui par le ministère des pasteurs légitimes. Honneur donc et soumission au Christ en son Vicaire ; honneur et soumission au Vicaire du Christ dans les pasteurs qu'il envoie !


Le pape saint Libère - qui ne tomba jamais dans l'hérésie,
car un pape ne le peut pas -, successeur de saint Pierre, traça
dans la neige le périmètre de la basilique Sainte-Marie-Majeure.
Chapelle Borghese. Basilique Sainte-Marie-Majeure. Rome.

Rq : La basilique Sainte-Marie-Majeure fut le siège du patriarche latin d'Antioche à Rome. Mgr Roberto Vicentini fut le dernier prélat à porter le titre de patriarche latin d'Antioche entre 1925 et 1953. Ensuite le titre resta vacant jusqu'à sa " suppression " (!?) en 1964.

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mercredi, 21 février 2024

21 février. Saint Pépin de Landen, duc de Brabant. 640.

- Saint Pépin de Landen, duc de Brabant. 640.

Pape : Saint Séverin (+640) ; Jean IV. Roi d'Austrasie : Sigebert III. Roi de Neustrie et de Bourgogne : Clovis II.

" Bienheureux le riche qui a été trouvé sans tache et ne s'est point attaché à l'or."

Eccli., XXXI, 8.


Saint Pépin de Landen administrant.
Illustration d'un manuscrit du IXe.

Ce saint duc était le fils du prince Carloman et de la princesse Emegarde. Il fut maire du palais sous Clotaire II, Dagobert Ier et Sigebert II, rois de France, et exerça cette grande charge, qui était peu différente de l'autorité royale, avec une rare prudence.

Il ne pouvait rien ajouter à sa fidélité pour son roin ni à son amour pour son peuple. Il embrassait, avec une constance invincible, les justes intérêts de l'un et de l'autre, sans souffrir que, pour favoriser le peuple, on fît tort au rdroits du roi ; ni que, sous prétexte des droits du roi, l'on opprimât et accablât le peuple, parce qu'il préférait les volontés de Dieu à celles des hommes, et savait qu'il défend de favoriser les puissants au préjudice des faibles. Ainsi, il rendait au peuple ce que la justice voulait qu'on lui rendît, et à César ce qui appartenait légitimement à César.


Clotaire II recevant l'hommage des Lombards.
Saint Pépin de Landen est déjà présent au côté du roi.
Illustration d'un manuscrit du XIIIe.

Il n'en faut point de meilleure preuve que son désir d'avoir pour associé, dans sa conduite, saint Arnoul, évêque de Metz ; il ne faisait rien sans son conseil, connaissant son éminente vertu et sa grande capacité dans le gouvernement de l'Etat. Après la mort de saint Arnoul, il prit pour collègue, dans l'administration des affaires, un autre grand saint, Cunibert, archevêque de Cologne. On peut assez juger avec quelle ardeur il embrassait les choses justes, puisqu'il choisissait des hommes si excellents et si incorruptibles pour être les directeurs de ses conseils et les fidèles témoins de ses actions.


Clotaire II, Dagobert son fils, saint Arnoul de Metz et
saint Pépin de Landen. Grandes chroniques de France. XVe.

Le roi Clotaire II ne se contenta pas de mettre entre les mains de cet excellent prince la première charge de son Etat, en le faisant maire du palais : il l'honora aussi de toute sa confiance, et lui donna tout le pouvoir qu'un grand ministre peut espérer. Ayant résolu d'associer son fils Dagobert à une partie de sa puissance et de partager avec lui ses Etats, en le mettant, dès son vivant, en possession du royaume d'Austrasie, il choisit, parmi tous les grands de la cour, cet homme admirable pour lui confier entièrement la conduite de ce jeune prince, qui devait n'agir que d'après ce conseiller (622).


Statue de Dagobert Ier. XIXe. Versailles.

Pépin s'acquitta si dignement de cette charge, qu'il n'oublia rien de ce qui pouvait imprimer dans l'esprit de Dagobert la crainte de Dieu et l'amour de la justice : il lui mettait souvent devant les yeux cette belle parole de l'Evangile :
" Le trône d'un roi qui rend justice aux pauvres ne sera jamais ébranlé."

Ainsi, ce fut par sa prudence que Dagobert gouverna si bien et si heureusement, non seulement l'Austrasie, mais aussi tous les Etats que son père lui laissa en mourant. Son frère Caribert, et plusieurs grands les lui ayant disputés, cette faction fut bientôt dissipée par la valeur de Pépin, qui n'était pas moins généreux dans la guerre que juste et sage dans la paix ; et Dagobert, après s'être maintenu dans le droit qui lui appartenait, gagna de telle sorte le coeur de tous ses sujets par sa libéralité, sa justice, sa douceur et toutes les autres qualités dignes d'un grand roi, qu'il égala et surpassa même la réputation de ses plus illustres prédécesseurs ; son règne eût été des plus beaux, s'il eût toujours suivi les avis d'un si saint et si habile maître.


Dagobert chassant saint Amand malgré la protestation
de saint Pépin de Landen. Vie de saint Amand. XIIe.

Mais, comme rien n'est plus difficile que de conserver son esprit pur au milieu de la corruption du siècle, et son corps chaste au milieu des plaisirs qui accompagnent la prospérité et la souveraine puissance, ce roi se plongea dans la volupté, et il eut recours à des moyens injustes pour satisfaire à ses dépenses folles et désordonnées. Saint Pépin, qui en eut le coeur tout percé de douleur, l'en reprit sévèrement, et lui reprocha son ingratitude envers Dieu. Ce prince reçut d'abord si mal les avis de notre saint, qu'il pensa même à le faire mourir, étant poussé en cela par quelques grands de sa cour qui haïssaient Pépin et portaient envi à sa vertu.


Dagobert implorant le pardon de saint Amand qu'il avait chassé
en présence de saint Pépin de Landen. Vie de saint Amand. XIIe.

Mais Dieu, qui est le protecteur des justes, délivra Pépin de ce péril. Le roi comprit enfin la justesse de ses remontrances et eut plus de vénération que jamais pour le mérite et la vertu d'un si grand ministre. Pour lui en donner une preuve non équivoque, il mit entre ses mains son fils Sigisbert, qu'il envoya régner en Austrasie sous sa conduite (633). Ainsi Sigisbert étant roi de nom et saint Pépin gouvernant en effet le royaume, l'Austrasie se trouva délivrée des grandes incursions des Barbares qu'elles souffrait auparavant. Il les réprima, les resserra dans leurs pays ; et, après la mort de Dagobert, il eût mis Sigebert en possession de tous ses Etats, si son père ne l'eût obligé, dès son vivant, de se contenter de l'Austrasie et de laisser le royaume de France à Clovis, son puîné.


Baptême de saint Sigebert par saint Amand de Troyes en présence
de Dagobert et de saint Pépin de Landen.
Chroniques françaises. Guillaume Crétin. XVIe.

Notre saint duc mourut le 21 février 640 au château de Landen, en Brabant ; l'affliction que toute l'Austrasie en conçut fut si extraordinaire, qu'elle ne le pleura pas moins que l'un de ses meilleurs rois : car sa vie était toute sainte, sa réputation sans tache, sa sagesse et sa conduite admirables ; et on pouvait le nommer, avec vérité, le protecteur des lois, le soutien des faibles, l'ennemi de la division, l'ornement de la cour, l'exemple des grands, le conducteur des rois et le père de la patrie.


Statue de saint Pépin de Landen. Louvain. Belgique.

Son corps fut d'abord déposé au lieu où il mourut, puis fut transféré au monastère de Nivelle. Au reste, il faut prendre garde de ne le point confondre avec deux autres Pépin dont le nom est célèbre dans notre histoire :
- le premier, Pépin d'Héristal, aussi maire du palais et père de Charles Martel ;
- le second, Pépin le Bref, fils du même Charles Martel, et le premier de nos rois de la seconde race.


Abbatiale Sainte-Gertrude vue du cloître. Nivelles. Brabant.

Saint Pépin de Landen, dont nous parlons, est le plus ancien des trois, et fut l'aïeul de Pépin d'Héristal par sa fille sainte Begghe, qui, ayant épousé Ansegise, fils de saint Arnoul, lui donna ce fils pour le bien de la France et le soutien de cette grande et illustre monarchie qui vécut aussi longtemps qu'elle fut le soutien fidèle de notre sainte mère l'Eglise.


Saint Amand bénissant donnant le voile à
Ideburge veuve de saint Pépin. Vie de saint Amand. XIIe.

Il reste à remarquer que la maison de saint Pépin n'était qu'une compagnie de Saints et de Saintes : car sa femme, nommée Itte, ou Ideburge, soeur de saint Modoald, archevêque de Trèves, après avoir vécu saintement dans le mariage, à l'exemple de son mari, ne s'occupa, quand elle fut veuve, qu'à pratiquer toutes sortes de bonnes oeuvres ; et elle reçut enfin, des mains de saint Amand, le voile sacré de religieuse dans le célèbre monastère de Nivelle, qu'elle avait elle-même fait bâtir. Elle y passa le reste de ses jours dans une si grande perfection, qu'elle offrait à toutes les religieuses qui y demeuraient un rare exemple de vertu.


Sainte Wautrude et sainte Gertrude.
Livre d'images de Madame Marie. Hainaut. XIIIe.

L'aînée des filles de saint Pépin et d'Ideburge, la grand et illustre sainte Gertrude, abbesse du même monastère de Nivelle, fut si éminente en sainteté, qu'on peut la considérer comme une des plus belles lumières de la religion.


Sainte Gertrude de Nivelle, fille de saint Pépin. Gravure du XVIIIe.

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samedi, 17 février 2024

17 février. Saint Polychrone, évêque de Babylone, et ses compagnons, martyrs. 251.

- Saint Polychrone, évêque de Babylone, et ses compagnons, martyrs. 251.

Pape : Saint Corneille. Empereur romain : Trajan Dèce.

" Je vous donnerai des paroles et une sagesse à laquelle vos ennemis ne pourront résister et à laquelle il leur sera impossible de contredire."
Saint Luc ; XXI, 25.


Martyre de saint Polychrone et de saint Parménius.
Speculum historiale. V. de Beauvais. XVe.

Saint Polychrone, dont le martyrologe fait aujourd'hui mémoire, fut évêque de Babylone, en Chaldée, au IIIe siècle sous l'empire de Dèce. Cet empereur, s'étant rendu maître de ce pays par la force des armes, persécuta cruellement les Chrétiens, et, sachant que Polychrone en était le père, et comme le chef, il le fit prendre avec Parménius, Elymas et Chrysotèle, prêtres, Luc et Muce, diacres.

Tous ces siants furent conduits au temple des idoles pour leur offrir de l'encens et pour reconnaître leur divinité ; mais Polychrone, prenant la parole pour tous les autres, répondit :
" Pour nous, nous nous offrons nous-mêmes en sacrifice à Notre Seigneur Jésus-Christ, et nous ne nous inclinerons jamais devant le démon, ni devant ces idoles, qui sont travaillées par les mains des hommes."
L'empereur, transporté de colère, les fit jeter en prison et remit leur affaire au jugement d'un de ses prêteurs, appelé Appolo Valérien.

Celui-ci, faisant comparaître les Martyrs devant son tribunal, s'adressa au saint évêque et lui parla en ces termes :
" Es-tu ce Polychrone sacrilège qui méprise les dieux et les commandements des princes ?"
Le saint prélat ne lui répondit rien ; l'empereur, qui assitait à cet interrogatoire, dit au clergé de Polychrone :
" Quoi ! Votre prince se tait ?"
Alors le prêtre Parménius répondit :
" Notre Père ne s'est pas tu sans raison, mais il l'a fait pour obéir au commandement de Notre Seigneur Jésus-Christ qui a dit à ses Apôtres ; " Gardez-vous de jeter des perles devant les pourceaux, de crainte que, les foulant aux pieds, ils ne se jettent sur vous-mêmes " (Matth., VII, 6.)."

Le tyran, entendant cela, fut vivement irrité ; il commanda qu'on arrachât la langue à celui qui avait parlé de la sorte : ce qui fut exécuté, et néanmoins le prêtre, quoiqu'il eût la langue coupée, ne laissa pas de crier au saint prélat :
" Mon bienheureux Père Polychrone, priez pour moi, parce que je vois le Saint-Esprit qui règne en vous et qui, scellant votre bouche sacrée, répand dans la mienne une douceur de miel."

Dèce commanda à Polychrone de sacrifier aux dieux, afin de jouir par ce moyen, de son amitié et de se rendre digne de ses faveurs ; mais comme le saint évêque ne lui répondait pas un mot, il le fit frapper si cruellement sur la bouche que ce bienheureux martyr, élevant les yeux au ciel, rendit l'âme à Dieu dans les douleurs de ce supplice. Dèce fit jeter son corps devant le temple de Saturne. La nuit suivante, deux illustres seigneurs persans, saint Abdon et saint Sennen, qui étaient secrètement chrétiens, l'enlevèrent et l'ensevelirent avec honneur auprès de la ville de Babylone.


Saint Abdon et saint Sennen. Bréviaire à l'usage de Paris. XVe.

Pour les autres Saints, prêtres et diacres, l'empereur les fit traîner après lui, chargés de fers et de chaînes ; mais comme elles se brisèrent toutes d'elles-mêmes, ce prince, attribuant ce miracle aux prestiges de l'art magique, les fit tourmenter sur le chevalet. Tandis que l'on étendait leurs membres, ils criaient à Parménius qu'il priât Notre Seigneur Jésus-Christ de leur donner la patience. Alors ce saint prêtre, bien que privé de sa langue, répondit :
" Que Dieu, le Père de Notre Seigneur Jésus-Christ, vous donne la consolation de son divin Esprit, qui règne par tous les siècles."
Et ils répondirent :
" Ainsi soit-il."
Dèce, entendant cela, s'irrita plus que jamais, et commanda qu'on les jetât dans le feu ; mais ce fut sans effet, et l'on entendit une voix du ciel qui disait :
" Venez à moi, humbles de coeur."

Enfin, il furent décapités, et leurs corps jetés à la voierie ; on les fit garder par des soldats, et défense très expresse fut faote de leur donner la sépulture. Mais cela n'empêcha pas les courageux seigneurs Abdon et Sennen de leur rendre les mêmes devoirs qu'ils avaient rendus au saint évêque Polychrone ; ce qui leur mérita eux-mêmes quelques temps plus tard la couronne du martyre.


Martyre de saint Abdon et de saint Sennen.
Dessin. Etienne Parrocel. XVIIIe.

Rq : Le martyre de saint Polychrone et de ses compagnons est rapporté par Surius, en son quatrième tome, au 10 août. Le cardinal Baronius en fait une mémoire en ses Remarques sur le martyrologe, le 17 février, jour auquel saint Polychrone endura la mort pour Notre Seigneur Jésus-Christ. Le vénérable Bède, Usuard et Adon ne l'ont pas oublié en leurs Catalogues des Saints. Il y a diverses opinions touchant l'année de son triomphe ; Baronius le marque en l'année 253, Bollandus veut que ce soit 251.

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mercredi, 31 janvier 2024

31 janvier. Saint Pierre Nolasque, cofondateur de l'Ordre de la Merci pour le rachat des captifs. 1256.

- Saint Pierre Nolasque, cofondateur de l'Ordre de la Merci pour le rachat des captifs. 1256.
 
Pape : Alexandre IV. Roi de France : Saint Louis. Roi de Castille et de Léon : Alphonse X. Saint Empire : Guillaume Ier, roi des Romains (1254-1256). Roi d'Angleterre : Henri III.

" La miséricorde donne un coeur compatissant pour la misère, chasse du coeur toute dureté, inonde le coeur d'une admirable suavité."
Saint Antoine de Padoue, Serm. XXII, après la Trinité.


Saint Pierre Nolasque. Anonyme français. XVIIe.

Le Rédempteur des captifs, Pierre Nolasque, vient s'associer aujourd'hui sur le Cycle à son maître Raymond de Pegnafort ; et tous deux présentent pour hommage au Rédempteur universel les milliers de chrétiens qu'ils ont rachetés de l'esclavage, par la vertu de cette charité, qui, partie de Bethléhem, a trouvé asile en leurs cœurs.

Né en France, dans notre Languedoc, Pierre a choisi pour seconde patrie l'Espagne, parce qu'elle offrait à son zèle une terre de dévouement et de sacrifices. Comme le Médiateur descendu du ciel, il s'est voué au rachat de ses frères ; il a renoncé à sa liberté pour procurer la leur ; et afin de leur rendre une patrie, il est resté en otage sous les liens de la servitude. Son dévouement a été fécond ; par ses efforts, un nouvel Ordre religieux s'est élevé dans l'Eglise, composé tout entier d'hommes généreux, qui, durant six siècles, n'ont prié, travaillé, vécu, que pour procurer le bienfait de la liberté à d'innombrables captifs, qui, sans eux, languissaient dans les fers, au péril de leurs âmes.


Vision de saint Pierre Nolasque. F. de Zurbaran. XVIIe.

Gloire à Marie, qui a suscité ces Rédempteurs mortels ! Gloire l'Eglise catholique, qui les a produits de son sein toujours fécond ! Mais par-dessus tout, gloire à l'Emmanuel, qui dit, en entrant dans ce monde :
" Ô Père ! Les holocaustes pour le péché de l'homme ne vous ont point apaisé ; suspendez vos coups ; me voici. Vous m'avez donné un corps ; je viens, je m'immole !" (Psalm. XXXIX, 8.).
Le dévouement du divin Enfant ne pouvait demeurer stérile. Il a daigné nous appeler ses frères, et s'offrir en notre place ; quel cœur d'homme pourrait désormais être insensible aux maux et aux dangers de ses frères ?

L'Emmanuel a récompensé Pierre Nolasque, en l'appelant à lui à l'heure même où, douze siècles plus tôt, il naissait à Bethléhem. C'est du milieu des joies de la nuit de Noël que le Rédempteur mortel est parti pour aller rejoindre l'immortel Rédempteur. Au dernier moment, les lèvres défaillantes de Pierre murmuraient leur dernier cantique de la terre ; et quand il fut arrivé à ces paroles :
"Le Seigneur a envoyé la Rédemption à son peuple ; il a scellé avec lui son alliance pour jamais, son âme bienheureuse s'envola libre au ciel."


Le pape Grégoire IX. Manuscrit du XIIIe.

La sainte Eglise a dû assigner à la mémoire de Pierre un autre anniversaire que celui de son heureux trépas, puisque ce jour appartient tout entier à l'Emmanuel ; mais il était juste que l'élu marqué par une si haute faveur que de naître au ciel à l'heure où Jésus naît à la terre, reçût une place sur le Cycle avant la fin des quarante jours consacrés à la Naissance du divin libérateur.

Saint Pierre Nolasque naquit d'une illustre famille, près de Castelnaudary, dans le village autrefois appelé Le Récaud (ou Recaudum) et aujourd'hui appelé Le Mas-Saintes-Puelles, à la fin du XIIe siècle, probablement en 1189. Il excella, toute sa vie, dans la pratique de la charité à l'égard du prochain. On raconte qu'en présage de cette vertu, lorsqu'il était encore au berceau, un essaim d'abeilles vint construire un rayon de miel dans sa main droite. Dès son adolescence il perdit ses parents.


Saint Pierre Nolasque embarque pour un voyage destiné à
racheter des captifs chrétiens retenus en esclavage
par les Maures musulmans. Francisco Pacheco. XVIIe.

L'hérésie des Albigeois ravageait alors le Midi de la France. Pour s'y soustraire, il vendit son patrimoine, et se retira en Espagne, où il était appelé par le roi Jacques d'Aragon. Il se rendit ensuite à Barcelone, et y consacra toute sa fortune au rachat des captifs enlevés sur mer par les Sarrasins. Mais le sacrifice de ses biens ne suffisait pas à sa charité. Il voulait encore se vendre lui-même pour délivrer ses frères et se charger de leurs chaînes. Dieu lui fit connaître combien ce désir Lui était agréable. Une nuit qu'il priait en songeant à la délivrance des captifs, la Sainte Vierge lui apparut et lui recommanda d'établir, en Son honneur, un Ordre religieux consacré à cette oeuvre de charité. Il s'empressa d'obéir à cet avertissement céleste, d'autant plus que le roi et Raymond de Pennafort avaient reçu en même temps la même révélation.

Il fonda l'Ordre de Notre-Dame de la Merci pour la Rédemption des Captifs avec le soutien de Jacques Ier d'Aragon dont saint Pierre Nolasque avait été le précepteur. Le pape Grégoire IX approuva la création de l'ordre en 1235 et leur donna la règle de saint Augustin. Le caractère particulier de cet Ordre, c'est qu'il joignait aux trois voeux ordinaires de Religion un quatrième voeu : celui de se livrer en gage aux païens, s'il en était besoin, pour la délivrance des chrétiens.


Statue de Jacques Ier d'Aragon. Madrid.

A cet exemple héroïque de charité il joignait celui de toutes les vertus. Favorisé du don de prophétie, il prédit au roi d'Aragon la conquête du royaume de Valence sur les Maures. Il était soutenu par de fréquentes apparitions de son Ange Gardien et de la Vierge Mère de Dieu.

Saint Louis, lors d'un voyage qu'il fit en Languedoc en 1243 pour combattre les Albigeois, insista pour recevoir notre saint qu'il tenait en très grande estime et affection au point de correspondre souvent avec lui et de recourir très fréquemment à sa prière et à sa bénédiction pour toutes ses entreprises.

Enfin, accablé par l'âge, le travail et la pénitence, il reçut l'avertissement de sa mort prochaine. Lorsqu'on lui eut administré les derniers sacrements, il exhorta encore ses frères à la charité envers les captifs. Puis, en disant ces paroles :
" Le Seigneur a envoyé la Rédemption à Son peuple."
Il rendit son âme à Dieu, au milieu de la nuit de Noël, l'an 1256.


Grégoire IX condamnant le Talmud et faisant brûler
les exemplaires saisis. XVe.
 
PRIERE
 
" Vous êtes venu apporter du ciel un feu sur la terre, Ô Emmanuel, et vous nous dites que votre plus ardent désir est de le voir s'enflammer. Votre désir a été comblé dans le cœur de Pierre Nolasque, et dans celui de ses enfants. C'est ainsi que vous daignez associer des hommes à vos desseins d'amour et de miséricorde, et qu'en rétablissant l'harmonie entre Dieu et nous, vous resserrez l'union primitive entre nous et nos frères. Nous ne pouvons vous aimer, Ô céleste Enfant, sans aimer tous les hommes ; et si vous venez à nous comme notre rançon et notre victime, vous voulez que nous soyons prêts aussi à nous sacrifier les uns aux autres.

Ô Pierre ! Vous avez été l'apôtre et le modèle de cette charité ; c'est pour cela que le Seigneur a voulu vous glorifier en vous appelant à la cour de son Fils, au jour anniversaire de la Naissance de ce Sauveur. Ce doux mystère qui, tant de fois, soutint votre courage, ranima vos dévouements, vous est apparu dans toute sa grandeur ; mais vos yeux ne voient plus seulement, comme nous, le tendre Enfant qui sourit dans son berceau ; c'est le Roi vainqueur, le Fils de Jéhovah dans sa splendeur divine, qui éblouit vos regards. Marie ne vous apparaît plus, comme à nous, pauvre et humblement penchée sur la crèche qui contient tout son amour ; à vos yeux, elle brille éclatante sur son trône de Reine, et resplendit d'un éclat qui ne le cède qu'à celui de la majesté divine. Et votre cœur n'est point troublé de cette gloire; car, au ciel, vous êtes dans votre patrie. Le ciel est le temple et le palais de la charité ; et la charité, dès ici-bas, remplissait votre cœur ; elle était le principe de tous ses mouvements."

Apparition de Saint Pierre à saint Pierre Nolasque.
Francisco de Zurbaran. XVIIe.

Priez, afin que nous connaissions davantage ce véritable amour de Dieu et des hommes qui nous rend semblables à Dieu. Il est écrit que celui qui demeure dans la charité, demeure en Dieu et Dieu en lui (I, Johan. IV.) ; faites donc que le mystère de charité que nous célébrons nous transforme en Celui qui fait l'objet de tous nos sentiments, dans ce temps de grâces et de merveilles. Donnez-nous d'aimer nos frères comme nous-mêmes, de les supporter, de les excuser, de nous oublier pour leur être utiles. Que nos exemples les soutiennent, que nos paroles les édifient ; que leurs âmes soient gagnées et consolées par notre affection ; que leurs corps soient soulagés par nos largesses.
 
Eglise Saintes-Puelles et Saint-Pierre Nolasque.
Le Mas-Saintes-Puelles,
village natal de saint Pierre Nolasque. Languedoc.

Priez pour la France, votre patrie, Ô Pierre ! Secourez l'Espagne, au sein de laquelle vous avez fondé votre sublime Institut. Protégez les restes précieux de cet Ordre par lequel vous avez opéré tant de miracles de charité. Consolez et délivrez les captifs que la main des hommes retient dans les prisons ou dans l'esclavage. Obtenez pour nous tous cette sainte liberté des enfants de Dieu dont parle l'Apôtre, et qui consiste dans l'obéissance à la loi de Dieu. Quand cette liberté régnera dans les cœurs, elle affranchira les corps. En vain l'homme extérieur cherche à être libre, si l'homme intérieur est asservi. Faites, Ô Rédempteur de vos frères, que les liens de l'erreur et du péché cessent d'enchaîner nos sociétés ; c'est alors que vous les aurez rendues à la vraie liberté, qui produit et règle toutes les autres."

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vendredi, 26 janvier 2024

26 janvier. Saint Polycarpe, évêque de Smyrne, martyr. 166.

- Saint Polycarpe, évêque de Smyrne, martyr. 166.
 
Papes : Saint Anicet (+166) ; saint Soter. Empereurs romains : Lucius Verus ; Marc-Aurèle.

" Ecris à l'ange de Smyrne : Je connais ta tribulation et ta pauvreté, mais tu es riche. Celui qui aura remporté la victoire, la mort ne le touchera pas une seconde fois."
Apocal., II, 8-11.


Saint Polycarpe. Mosaïque. Basilique
Saint-Apollinaire-la-Neuve. Ravenne. VIe.

Au milieu des douceurs qu'il goûte dans la contemplation du Verbe fait chair, Jean le Bien-Aimé voit arriver son cher disciple Polycarpe, l'Ange de l'Eglise de Smyrne, tout resplendissant de la gloire du martyre. Ce sublime vieillard vient de répondre, dans l'amphithéâtre, au Proconsul qui l'exhortait à maudire le Christ :
" Il y a quatre-vingt-six ans que je le sers, et il ne m'a jamais fait de mal ; que dis-je ? Il m'a comblé de biens. Comment pourrais-je maudire mon Roi qui m'a sauvé ?"
 
Après avoir passé par le feu et par le glaive, il est arrivé aux pieds de ce Roi Sauveur, et va jouir éternellement du bonheur de sa présence, en retour des quatre-vingt-six ans qu'il l'a servi, des fatigues qu'il s'est données pour conserver dans son troupeau la foi et la charité, et de la mort sanglante qu'il a endurée.

Comme son maître apostolique, il s'est opposé avec énergie aux efforts des hérétiques qui altéraient la foi. Fidèle aux ordres de cet angélique confident de l'Homme-Dieu, il n'a pas voulu que celui qui corrompt la foi du Christ reçût de sa bouche le salut ; il a dit à l'hérésiarque Marcion qu'il ne le reconnaissait que pour le premier-né de Satan. Adversaire énergique de cette orgueilleuse secte qui rougissait de l'Incarnation d'un Dieu, il nous a laissé cette admirable Epître aux Philippiens, dans laquelle il dit :
" Quiconque ne confesse pas que Jésus-Christ est venu dans la chair, est un Antéchrist."

Il convenait donc qu'un si courageux témoin fût appelé à l'honneur d'assister près du berceau dans lequel le Fils de Dieu se montre à nous dans toute sa tendresse, et revêtu d'une chair semblable à la nôtre. Honorons ce disciple de Jean, cet ami d'Ignace, cet Evêque de l'âge apostolique, qui mérita les éloges de Jésus-Christ même, dans la révélation de Pathmos. Le Sauveur lui avait dit par la bouche de Jean :
" Sois fidèle jusqu'à la mort ; et je te donnerai la couronne de vie." (Apoc. II, 10.).
Polycarpe a été fidèle jusqu'à la mort ; c'est pourquoi il assiste couronné, en ces jours anniversaires de l'avènement de son Roi parmi nous.

D'après une Icône du IXe.

Polycarpe signifie fruit abondant. Il fut un personnage d'une très éminente sainteté et d'une profonde doctrine. Saint Polycarpe, étant encore petit, fut amené par des marchands des contrées du levant en la ville de Smyrne, en Asie, où il fut acheté par une femme noble appelée Caliste, qui l'adopta ensuite pour son fils.

Il fut ordonné diacre, prêtre et évêque de cette même ville par saint Jean dont il était un disciple. Il était regardé, après le martyre de saint Ignace d'Antioche, avec lequel il entretenait une relation de profonde et sainte amitié - au point que saint Ignace, à Troade, sur le chemin de Rome où il allait remporter la couronne du martyre, lui envoya plusieurs lettres -, comme le docteur de l'Asie (y compris par les païens) et le chef de l'Asie entière. Outre saint Jean, il avait eu pour maître quelques-uns des Apôtres et d'autres disciples qui avaient connu et vu Notre Seigneur Jésus-Christ. Il écrivit aux Philippiens une Epître fort utile, qui se lit encore aujourd'hui dans les Eglises d'Asie.

Saint Polycarpe était très instruit des vérités du Christianisme, les ayant apprises de ceux même qui avaient vu Notre Seigneur Jésus-Christ et conversé avec Lui ; aussi avait-il en horreur tout ce qui attaquait la foi. Lorsqu'il entendait parler de quelque erreur, il se bouchait les oreilles ; un fois même s'écria-t-il :
" Oh ! Mon Dieu, fallait-il me conserver la vie jusqu'à cette heure pour que j'eusse la douleur d'entendre des choses aussi étranges ?"

Sous l'empire d'Antonin le Pieux, alors qu'Anicet gouvernait l'Eglise, quelques difficultés sur le jour de la Pâque le firent venir à Rome, où il ramena à la foi plusieurs fidèles, qui s'étaient laissé séduire par les artifices de Marcion et de Valentin

Il leur avait raconté entre autre qu'il avait vu et entendu saint Jean, son maître avec lequel il se tenait alors, dire en présence de l'hérétique Cérinthe rencontré aux bains :
" Fuyons d'ici, mes enfants, et retirons-nous, de peur que ces bains ne tombent et que nous demeurions sous leurs ruines ; car Cérinthe, ennemi de la vérité, s'y lave."

Gravure du XVIIe.

A l'image de saint Jean, saint Polycarpe, ayant un jour rencontré Marcion, cet hérésiarque lui dit :
" Me connais-tu ?"
Polycarpe lui répondit :
" Oui.
- Et qui suis-je ?" répondit Marcion.
" Vous êtes le premier-né de Satan."

Quelque temps après, sous le règne de Marc-Antonin et de Lucius Aurelius Commode, dans la quatrième persécution depuis celle de Néron, il fut condamné devant le tribunal du Proconsul de Smyrne, et livré au feu, avec les clameurs de tout le peuple assemblé dans l'amphithéâtre ; nous l'allons lire maintenant, avec d'autant plus de sainte passion et de confiance que ses actes furent écrits dans l'année qui suivit le martyre de notre saint :


" L'Église de Dieu établie à Smyrne, à l'Église de Dieu établie à Philomelicum et à toutes les parties de l'Église sainte et catholique répandue dans le monde entier : que la miséricorde, la paix et la charité de Dieu le Père et de Notre-Seigneur Jésus-Christ surabonde en vous.

Mes frères, nous vous écrivons au sujet de nos martyrs et du bienheureux Polycarpe, dont le martyre, comme le sceau d'un homme puissant, a mis fin à l'état de persécution. Presque tout ce qui l'a précédé est arrivé afin que Dieu eût occasion de nous témoigner combien ce martyre était en conformité avec l'Évangile. Car Polycarpe a attendu d'être trahi, comme l'a été le Seigneur lui-même, afin que nous soyons ses imitateurs " et que chacun regarde plutôt l'intérêt des autres que le sien propre ". C'est en effet le propre d'une charité véritable et profonde que de chercher à procurer non seulement son salut, mais encore celui de ses frères.

Tous les témoignages rendus furent heureux et courageux, ils sont arrivés selon qu'il a plu à Dieu. Il convient que dans notre grande ferveur nous attribuions à Dieu la force des événements. Qui donc n'admirerait pas leur vaillance, leur patience et leur amour pour Dieu ? Ils étaient tellement déchirés par les fouets que leurs veines, leurs artères, tout le dedans de leur corps était à nu. Ils furent si fermes, néanmoins, que les assistants s'attendrissaient et pleuraient tandis qu'eux-mêmes ne faisaient entendre ni un murmure ni une plainte, nous montrant à tous qu'à cet instant où on les torturait, les martyrs du Christ étaient ravis hors du corps, ou plutôt, que le Christ lui-même les assistait et causait avec eux. Impatients de la grâce du Christ, ils méprisaient les tourments, et en une heure ils se rachetaient de la mort éternelle.

Le feu leur faisait l'effet d'une fraîcheur délicieuse. Leur pensée était occupée de ce feu éternel et inextinguible, auquel ils échappaient ainsi ; leur coeur considérait les biens que l'oreille n'a jamais entendus, que l'oeil n'a pas vus, que l'esprit de l'homme n'a pu concevoir, qui sont réservés à ceux qui auront souffert. Le Christ les leur faisait entrevoir, et cela suffisait à les enlever à l'humanité pour en faire des anges par avance. Enfin livrés aux bêtes, ils subirent d'effroyables tortures, furent traînés sur un sable composé de coquillages pointus, et plusieurs autres horreurs leur furent infligées comme pour arracher l'apostasie à leur lassitude. Le diable s'ingénia à raifiner contre eux. Grâce à Dieu, il n'en put vaincre aucun.

Germanicus, vaillant entre tous, relevait par des paroles intrépides le courage des autres ; son combat contre les bêtes fut sublime. Le proconsul le conjurait d'avoir pitié de lui-même, de son jeune âge, mais lui, avide de sortir d'un monde pervers, marcha droit à la bête et la frappa.
La foule entière, confondue par cette bravoure, hurla :
" A mort les athées ! Qu'on cherche Polycarpe !"


Saint Polycarpe. Speculum historiale. V. de Beauvais. XVe.

Un seul faiblit, c'était un Phrygien nommé Quintus, récemment sorti de sa province. A la vue des bêtes, il se mit à trembler. Et c'était justement celui qui avait poussé les autres à venir se dénoncer avec lui. Le proconsul vint à bout de lui faire prêter serinent et de sacrifier.
C'est pourquoi, mes frères, nous ne louons pas ceux qui vont s'offrir d'eux-mêmes ; l'Évangile d'ailleurs n'enseigne rien de pareil.

L'admirable Polycarpe ne s'émut point et même ne voulut pas quitter la ville, quoiqu'on fît auprès de lui de vives instances pour qu'il s'éloignât. Enfin il céda, et se retira avec quelques compagnons dans une petite maison de campagne, située non loin de la ville ; il y passa les jours et les nuits dans une prière continuelle, selon sa coutume, pour l'Église universelle. Tandis qu'il priait, il aperçut dans une vision son oreiller qui brûlait. Il vint à ses compagnons et leur dit :
" Je serai brûlé vif."
Ceci se passait trois jours avant son arrestation.

Averti de l'approche de la police, il changea de retraite. Les gens de police, n'ayant rien trouvé, mirent la main sur deux jeunes esclaves ; l'un deux, mis à la torture, trahit son maître. Il ne pouvait plus songer à se dérober, maintenant que c'était son propre entourage qui le livrait. L'irénarque Hérode voulait le faire conduire dans le stade, afin qu'il pût achever sa vie en véritable disciple du Christ. Quant aux traîtres, ils partageraient le sort de Judas.

Un des deux jeunes gens consentit à servir de guide à une escouade de gens d'armes à pied et à cheval que l'on aurait pu croire à la poursuite de quelque bandit. C'était un vendredi, 22 février, à l'heure du dîner. Vers le soir ils arrivèrent à sa nouvelle retraite. Polycarpe pouvait encore fuir ; il ne le voulut pas :
" Que la volonté de Dieu soit faite."
Les gens le trouvèrent dans la chambre haute d'une maisonnette ; il s'était couché. Averti de leur arrivée par le bruit qu'ils faisaient, il descendit et se mit à causer avec les soldats.

Sa vieillesse et son sang-froid les frappèrent d'admiration, ils ne s'expliquaient pas qu'on se fût donné tant de mal pour prendre ce vieillard. Polycarpe leur fit servir à boire et à manger à volonté, et demanda seulement une heure pour prier librement. Ils y consentirent. Deux heures durant il pria, debout et à haute voix. Ses auditeurs étaient stupéfaits, plusieurs éprouvèrent des remords d'avoir marché contre un si saint vieillard.

Après qu'il eut terminé sa prière, dans laquelle il recommandait au Seigneur tous ceux qu'il avait connus dans sa longue vie, petits et grands, illustres et obscurs, et toute l'Eglise catholique répandue dans le monde, l'heure du départ arriva. On le mit sur un âne et l'on prit la route qui conduisait à Smyrne ; c'était le jour du grand sabbat, samedi 23 février.


Chemin faisant, on rencontra l'irénarque Hérode et son père Nicetas, qui firent monter Polycarpe dans leur voiture. Ils le mirent au milieu d'eux et essayèrent de le gagner :
" Quel mal y a-t-il à dire Kyrios Kaesar, à faire un sacrifice et le reste et à se sauver ainsi ?"
D'abord Polycarpe ne répondit pas ; puis sur leurs instances, il dit ces seules paroles :
" Je ne ferai pas ce que vous me conseillez."
Ses deux compagnons, désappointés, lui dirent des paroles outrageantes et le poussèrent si brutalement hors de la voiture qu'il tomba sur la route et s'écorcha la jambe. Il se releva, et, toujours leste et de bonne humeur, suivit à pied avec les soldats. On se dirigea vers le stade. Le peuple y était déjà rassemblé. C'était un vacarme infernal.

Au moment où Polycarpe fut introduit dans le stade, le tumulte était indescriptible, mais les chrétiens ne laissèrent pas d'entendre ces paroles qui semblaient venir du ciel :
" Sois fort, sois viril, Polycarpe."
On mena l'évêque au proconsul, qui lui demanda s'il était Polycarpe. Sur sa réponse affirmative, le proconsul l'importunait pour lui faire renier sa foi :
" Au nom du respect que tu dois à ton âge " , lui disait-il et d'autres choses de ce genre qui sont ordinaires en pareille circonstance, " jure par le Génie de César, repens-toi ; crie : Plus d'athées ".
Polycarpe alors, promenant un regard sévère sur la foule qui couvrait les gradins, la montra de la main :
" Oui, certes, plus d'athées !"
Et il leva les yeux au ciel et poussa un profond soupir.

Statius Quadratus lui dit :
" Jure et je te renvoie, insulte le Christ."
Polycarpe répondit :
" Il y a quatre-vingt-six ans que je le sers, et il ne m'a jamais fait de mal, comment pourrais-je insulter mon Roi et mon Sauveur ?"

Le proconsul revint à la charge et dit :
" Jure par le Génie de César."
Polycarpe répondit :
" Si tu te fais un point d'honneur de me faire jurer par le Génie de César, comme tu t’appelles ; et si tu feins d'oublier qui je suis, écoute : Je suis chrétien. Veux-tu savoir ce qu'est la religion chrétienne ? Accorde-moi un jour de répit et prête-moi attention."
Le proconsul :
" Persuade le peuple."
Polycarpe :
" Avec toi, cela vaut la peine de discuter. Nous avons pour maxime de rendre aux puissances et aux autorités établies par Dieu les honneurs qui leurs sont dus, pourvu que ces marques de respect n'aient rien de blessant pour notre conscience. Quant à ces gens-là, je ne daignerai jamais entrer en explication avec eux.
- J'ai des bêtes féroces, je vais te faire jeter à elles si tu ne te repens.
- Fais-les venir. Nous ne reculons pas, nous autres, pour aller du mieux au pire ; il m'est bon, au contraire, de passer des maux de cette vie à la suprême justice.
- Puisque tu méprises les bêtes, je te ferai brûler, si tu ne changés d'avis.
- Tu me menaces d'un feu qui brûle une heure, et s'éteint aussitôt ; ne sais-tu pas qu'il y a le feu du juste jugement et de la peine éternelle, qui est réservé aux impies ? Vraiment pourquoi tous ces retards ? Apporte ce que tu voudras !"

Polycarpe dit ces choses et d'autres encore avec une fermeté et une joie débordantes ; la grâce divine illuminait son visage, à ce point que ce n'était pas lui que l'interrogatoire avait troublé, mais le proconsul. Celui-ci confondu envoya le héraut au milieu du stade crier par trois fois :
" Polycarpe s'est avoué chrétien !"
Aussitôt la foule des païens et des Juifs, très nombreux à Smyrne, hurla :
" Le voilà, le docteur de l'Asie, le père des chrétiens, le destructeur de nos dieux, celui qui enseigne à pas sacrifier, à ne pas adorer !"


Saint Polycarpe face au proconsul. Martyre de saint Polycarpe.
Speculum historiale. V. de Beauvais. XVe.

En même temps ils demandaient à Philippe de Tralles, asiarque en exercice, de lancer un lion sur Polycarpe. Philippe s'en défendit ; les jeux d'animaux étaient terminées.
" Au feu donc !" cria-t-on de toutes parts.
C'était la vision des jours précédents qui allait s'accomplir, lorsqu'après avoir vu le coussin sur lequel il reposait la tête entouré de flammes, il avait dit aux fidèles qui l'entouraient : " Je serai brûlé vif ".

Tout cela se passa en moins de temps qu'on n'en met à le dire, la foule se répandit dans les boutiques et les bains pour y chercher du bois et des fagots ; les Juifs montraient à cette besogne, selon leur habitude, un zèle tout particulier.
Quand le bûcher fut prêt, Polycarpe se dépouilla de tous ses vêtements, ôta sa ceinture, essaya aussi de se déchausser. Il ne le fit pas sans quelque difficulté ; car, en temps ordinaire, les fidèles qui l'entouraient avaient coutume de s'empresser pour lui éviter cette peine, tant ils étaient jaloux du privilège de toucher son corps vénérable. Même avant le martyre on l'honorait déjà à cause de sa sainteté.

On le plaça au milieu de l'appareil qui servait à fixer le patient et on allait l'y clouer, mais il dit :
" Laissez-moi. Celui qui me donne la force de supporter le feu m'accordera aussi la force de rester immobile sur le bûcher, sans qu'il soit besoin pour cela de vos clous."
On ne le cloua donc pas, mais on le lia. Debout contre un poteau, les mains attachées derrière le dos, il semblait un bélier de choix pris dans le troupeau et destiné à l'oblation. Il leva les yeux au ciel et dit :
" Seigneur Dieu tout-puissant, Père de Jésus-Christ, fils aimé et béni, par lequel nous avons appris à te connaître, Dieu des anges, des puissances, de toute créature, et de toute la race des justes qui vivent sous ton regard ; je te bénis, parce qu'en ce jour, à cette heure même, tu as daigné m'admettre, avec tes martyrs, à boire le calice de ton Christ, afin que je ressuscite à la vie éternelle de l'âme et du corps, incorruptible par le Saint-Esprit. Daigne me recevoir aujourd'hui parmi eux en ta présence, comme un sacrifice abondant et agréable ; puisque le sort que tu me réservais et que tu m'as montré dans une vision s'accomplit en ce moment, Ô Dieu, qui dis la vérité, et ne connais pas le mensonge. C'est pourquoi je te loue, je te bénis, je te rends gloire pour tous les bienfaits par le Pontife éternel et céleste, par Jésus-Christ, ton Fils tant aimé, par lequel à Toi avec Lui et l'Esprit-Saint, gloire maintenant et dans les siècles futurs. Amen."

Après qu'il eut dit Amen et qu'il eut achevé sa prière, les valets du bourreau mirent le feu au bois. Dès que la flamme commença à briller, nous fûmes témoins d'un miracle ; et nous avons été épargnés afin que nous puissions en faire aux autres le récit. La flamme sembla s'arrondir en voûte au-dessus du corps du martyr et présenter l'aspect d'une voile de navire gonflée par le vent. Le vieillard, placé au centre de cette chapelle ardente, nous apparaissait non comme une chair qui brûle, mais comme un pain doré dans le four ou comme un lingot d'or ou d'argent dans la fournaise. Nous sentions pendant ce temps une odeur délicieuse comme celle de l'encens ou des plus précieux parfums.


Cependant les impies voyaient que les flammes ne consumaient point le condamné ; on donna ordre au confector d'aller lui donner un coup de couteau. Le sang jaillit avec tant d'abondance que le brasier en fut éteint. Et le peuple voyait avec étonnement la différence qu'il y a entre les infidèles et les élus. Parmi ces derniers nous comptons l'incomparable martyr Polycarpe, qui fut parmi nous notre docteur tout rempli de l'esprit des apôtres et des prophètes, évêque de l'Église catholique de Smyrne. Toute parole sortie de sa bouche a été ou sera accomplie.

Cependant l'ennemi, haineux et méchant, l'adversaire de la race des justes voyait ce glorieux martyre, il savait la pureté irréprochable du saint dès son enfance, et ne pouvait douter qu'il eût reçu la couronne immortelle et la récompense promise ; aussi s'efforça-t-il de nous priver de ses reliques, quoique un grand nombre voulussent les recueillir et souhaitassent de posséder ses précieux restes. Le démon suggéra donc à Nicétas, père d'Hérode et frère d'Alcé, d'aller trouver le proconsul afin qu'on refusât aux chrétiens l'autorisation d'enlever le corps du martyr, de crainte, ajoutait-il, qu'ils n'abandonnassent pour lui le Crucifié.

Tout ceci se passait à l'instigation des Juifs, qui, montant la garde auprès du bûcher, avaient aperçu les chrétiens qui s'empressaient de retirer ce qui pouvait l'être de ce saint corps. Ces malheureux ignoraient que nous ne pouvons délaisser le Christ, qui, pour le salut de tous ceux qui seront sauvés, a souffert malgré son innocence à la place des coupables, et que nous ne pouvons adorer que lui. Nous l'adorons comme Fils de Dieu ; pour les martyrs, nous les honorons comme disciples et imitateurs du Christ, et à cause de leur incomparable tendresse pour le Roi et Maître.
Daigne le Seigneur nous faire les compagnons de leur sort et de leur fidélité !

Le centurion, voyant la turbulence des Juifs, fit replacer le corps sur le bûcher et, comme c'était l'usage, fit brûler le cadavre. Nous vînmes recueillir les os, plus précieux pour nous que les pierres précieuses et l'or le plus pur, et ils furent déposés dans un lieu convenable. C'est là que nous nous réunirons dès que nous le pourrons, dans l'allégresse et la joie, et Dieu nous fera la grâce de célébrer le jour anniversaire de son martyre, pour honorer, d'une part, la mémoire de ceux qui ont déjà combattu, et de l'autre, former et préparer les générations suivantes à faire de même.


Eglise Saint-Polycarpe. Smyrne : actuelle Izmir. Turquie.

Voici tout ce que nous savons touchant Polycarpe, qui souffrit le martyre à Smyrne avec onze compagnons originaires de Philadelphie. Toutefois sa mémoire est l'objet de plus de vénération que celle des autres martyrs, à ce point qu'il n'est pas de lieu où les païens eux-mêmes ne s'entretiennent de ce docteur incomparable, de ce martyr fameux dont nous souhaitons tous d'imiter la confession tout imprégnée de l'esprit de l'Évangile. Après avoir affronté un juge inique, il fut vainqueur et reçut la couronne d'immortalité ; réuni aux apôtres et à tous les justes, il glorifie Dieu le Père tout-puissant, rend grâces à Jésus-Christ, au Sauveur de nos âmes, au Maître de notre corps et au Pasteur de l'Église catholique répandue dans le monde entier.

" Vous nous aviez demandé le récit détaillé des événements, nous vous envoyons un tableau abrégé de la situation de notre frère Marcion. Après que vous aurez lu la lettre, faites-la parvenir aux frères les plus éloignés, afin qu'eux aussi rendent gloire à Dieu de ce qu'il a fait un choix parmi ses serviteurs.

A Celui qui peut nous conduire tous par sa grâce et sa miséricorde dans son éternel royaume par son Fils unique Jésus-Christ, à Lui, gloire, honneur, puissance, majesté dans les siècles. Saluez tous les saints en notre nom.

Ceux qui sont avec nous et le scribe lui-même, Evariste, avec toute sa famille vous saluent.

Polycarpe souffrit le martyre le second jour du mois de Xanthice, sept jours avant les calendes de mars, le jour du grand sabbat, à la huitième heure. Il fut fait prisonnier par Hérode, sous le pontificat do Philippe de Tralles. Statius Quadratus était proconsul de la province d'Asie et Notre-Seigneur Jésus-Christ régnait dans tous les siècles, à qui soit gloire, honneur, majesté, royauté éternelle pendant toutes les générations. Amen !

Nous vous en prions, mes frères, allez, marchez dans la parole évangélique de Jésus-Christ, avec qui gloire soit au Père et au Saint-Esprit à cause du salut des saints qu'il a appelés, comme il a accordé le martyre au bienheureux Polycarpe.
Puissions-nous à sa suite parvenir dans le royaume de Jésus-Christ !

Caius a écrit tout ceci d'après la copie qui appartenait à Irénée, disciple de Polycarpe, avec qui il vécut longtemps.

Moi Socrate, Corinthien, j'ai transcrit sur la copie de Caius. La grâce pour tous. Et moi, Pione, j'ai écrit tout ceci d'après l'exemplaire qui vient d'être ainsi signalé. Je l'avais cherché, mais le bienheureux Polycarpe m'en fit révélation comme je le dirai ailleurs. J'ai recueilli ces faits dont le temps avait presque amené la disparition, afin que Notre Seigneur Jésus-Christ me réunisse moi aussi avec ses élus dans son royaume céleste. A lui, avec le Père et le Saint-Esprit, gloire dans les siècles des siècles.
Amen."

Saint Polycarpe et saint Ignace d'Antioche et la Sainte Eucharistie.
Guy François. Le Puy-en-Velay. XVIIe.

PRIERE

" Vous avez rempli toute l'étendue de votre nom, Ô Polycarpe ! car vous avez produit beaucoup de fruits pour le Sauveur, durant les quatre-vingt-six ans que vous avez passés à son service. Ces fruits ont été les âmes nombreuses que vous avez gagnées au Christ, les vertus qui ont orné votre vie, enfin votre vie elle-même que vous avez rendue comme un fruit mûr à ce Sauveur. Quel bonheur a été le vôtre, d'avoir reçu les leçons du disciple qui se reposa sur la poitrine de Jésus ! Après une séparation de plus de soixante années, vous allez le rejoindre aujourd'hui ; et cet ineffable maître vous salue avec transport. Vous adorez ensemble ce divin Enfant dont vous avez imité la simplicité, et que vous aimiez uniquement ; demandez-lui pour nous de lui être comme vous " fidèles jusqu'à la mort ".

Cultivez encore du haut du ciel, Ô Polycarpe, ce champ de l'Eglise, que vous avez fécondé par vos labeurs et arrosé de votre sang. Rétablissez la foi et l'unité au sein des Eglises de l'Asie qui furent édifiées par vos mains vénérables. Hâtez, par vos prières, la dissolution de l'Islamisme, qui n'a dû ses succès et sa durée qu'aux tristes effets du schisme byzantin. Souvenez-vous de la France à qui vous avez envoyé d'illustres Apôtres, martyrs comme vous. Bénissez paternellement l'Eglise de Lyon qui vous révère comme son fondateur par le ministère de votre disciple Pothin, et qui prend elle-même une part si glorieuse dans l'Apostolat des Gentils, par son Oeuvre de la Propagation de la Foi.


Saint Polycarpe et saint Benoît méditant la Passion. Anonyme.
Abbatiale Saint-Polycarpe. Près Carcassone. Languedoc. XVIIe.

Veillez sur la conservation de la foi dans sa pureté ; gardez-nous du contact des séducteurs. L'erreur que vous avez combattue, et qui ne veut voir dans les mystères du Fils de Dieu incarné que des symboles stériles, s'est ranimée de nos jours. Marcion a reparu avec ses mythes orgueilleux ; soufriez sur ces derniers débris d'un système suranné qui égare encore quelques âmes. Rendant hommage à la Chaire Apostolique, vous aussi vous avez voulu voir Pierre ; et Rome vous a vu venir conférer avec son Pontife des intérêts de votre Eglise de Smyrne. Vengez les droits de ce Siège auguste, d'où découle, pour nos Pasteurs, la seule mission légitime, et pour tous, les enseignements souverains de la foi. Obtenez-nous de passer les derniers jours de cette pieuse quarantaine dans un recueillement profond et dans l'amour de notre Roi nouveau-né. Que cet amour, joint à la pureté de nos cœurs, nous obtienne faveur et miséricorde ; et, pour consommer notre carrière, demandez pour nous la couronne de vie."
.
Rq : On lira avec fruit cette remarquable " Vie de saint Polycarpe, l'ange de l'église de Smyrne et l'apôtre des Gaules " qui fut composée par M. l'abbé Octave Mirzan, prêtre de la basilique Saint-Jean-l'Evangéliste de Smyrne en 1893 :

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jeudi, 25 janvier 2024

25 janvier. La conversion de saint Paul. 34 ou 35.

- La conversion de saint Paul. 34 ou 35.
 
Pape : Saint Pierre. Empereur romain : Tibère. Roi de Chalcis (Syrie) et de Palestine : Hérode-Agrippa II*.

" Qui lupus rax furebat,
Nunc in agnum vertitum."
" Sous l'action de la grâce,
Le loup devient agneau."
Santeuil, in conversione Pauli.


Parmigianino. XVIe.

Nous avons vu la Gentilité, représentée aux pieds de l'Emmanuel par les Rois Mages, offrir ses mystiques présents, et recevoir en retour les dons précieux de la foi, de l'espérance et de la charité. La moisson des peuples est mûre ; il est temps que le moissonneur y mette la faucille. Mais quel sera-t-il, cet ouvrier de Dieu ? Les Apôtres du Christ vivent encore à l'ombre de la montagne de Sion. Tous ont reçu la mission d'annoncer le salut jusqu'aux extrémités du monde ; mais nul d'entre eux n'a reçu encore le caractère spécial d'Apôtre des Gentils. Pierre, l'Apôtre de la Circoncision, est destiné particulièrement, comme le Christ, aux brebis perdues de la maison d'Israël (Matth. XV, 24.).

Toutefois, comme il est le Chef et le fondement, c'est à lui d'ouvrir !a porte de l'Eglise aux Gentils. Il le fait avec solennité, en conférant le Baptême au centurion romain Cornélius.


Bible. Ardennes. XVIe.

Cependant, l'Eglise est en travail ; le sang du Martyr Etienne, sa dernière prière, vont enfanter un nouvel Apôtre, l'Apôtre des nations. Saul, citoyen de Tarse, n'a pas vu le Christ dans sa vie mortelle ; et le Christ seul peut faire un Apôtre. Du haut des cieux où il règne impassible et glorifié, Jésus appellera Saul à son école, comme il appelait, durant les années de sa prédication, à suivre ses pas et à écouter sa doctrine, les pêcheurs du lac de Génésareth. Le Fils de Dieu enlèvera Saul jusqu'au troisième ciel, il lui révélera tous ses mystères ; et quand Saul, revenu sur la terre, aura été, comme il le raconte, voir Pierre (Gal. I, 18.) et comparer son Evangile avec le sien, il pourra dire :
" Je ne suis pas moins Apôtre que les autres Apôtres."


Bruegel l'ancien. XVIe.

C'est dans ce glorieux jour de la Conversion de Saul, qui bientôt s'appellera Paul, que ce grand œuvre commence. C'est aujourd'hui que retentit cette voix qui brise les cèdres du Liban (Psalm. XXVIII, 5.), et dont la force souveraine fait d'abord un chrétien du Juif persécuteur, qui bientôt sera un Apôtre. Cette admirable transformation avait été prophétisée par Jacob, lorsque, sur sa couche funèbre, il dévoilait l'avenir de chacun de ses enfants, dans la tribu qui devait sortir d'eux. Juda eut les premiers honneurs : de sa race royale, le Rédempteur, l'attente des nations, devait naître. Benjamin fut annoncé, à son tour, sous des traits plus humbles, mais néanmoins glorieux : il sera l'aïeul de Paul, et Paul, l'Apôtre des nations.


Bible. Champagne. XIIe.

Le vieillard avait dit :
" Benjamin est un loup ravisseur : le matin, il enlève la proie ; mais le soir, il distribue la nourriture." (Gen. XLIX, 27.).

Celui qui, dans la matinée fougueuse de son adolescence, se lance comme un loup respirant la menace et le carnage, à la poursuite des brebis du Christ, n'est-ce pas, comme le dit un antique Docteur, Saul sur la route de Damas, porteur et exécuteur des ordres des pontifes du temple maudit, et tout couvert du sang d'Etienne qu'il a lapidé par les mains de tous ceux dont il gardait les vêtements ? Celui qui, sur le soir, ne ravit plus la dépouille du juste, mais, d'une main charitable et pacifique, distribue à ceux qui ont faim la nourriture qui leur donne la vie, n'est-ce pas Paul, Apôtre de Jésus-Christ, embrasé de l'amour de ses frères, et se faisant tout à tous, jusqu'à désirer d'être anathème pour eux ?


Bréviaire à l'usage de Besançon. XVe.

Telle est la force victorieuse de notre Emmanuel, toujours croissante et à laquelle rien ne résiste. S'il veut pour premier hommage la visite des bergers, il les fait convier par ses Anges, dont les doux accords ont suffi pour amener ces cœurs simples à la crèche où repose sous de pauvres langes l'espoir d'Israël. S'il désire l'hommage des princes de la Gentilité, il fait lever au ciel une étoile symbolique, dont l'apparition, aidée du mouvement intérieur de l'Esprit-Saint, détermine ces hommes de désirs à venir, du fond de l'Orient, déposer aux pieds d'un humble enfant leurs dons et leurs cœurs. Quand le moment est venu de former le Collège Apostolique, il s'avance sur les bords de la mer de Tibériade, et cette seule parole : " Suivez-moi ", a suffi pour attacher à ses pas les hommes qu'il a choisis. Au milieu des humiliations de sa Passion, un regard de sa part change le cœur du Disciple infidèle. Aujourd'hui, du haut du Ciel, tous les mystères accomplis, voulant montrer que lui seul est maître de l'Apostolat, et que son alliance avec les Gentils est consommée, il tonne sur la tête de ce Pharisien fougueux qui croit courir à la ruine de l'Eglise ; il brise ce cœur de Juif, et il crée par sa grâce ce nouveau cœur d'Apôtre, ce vase d'élection, ce Paul qui dira désormais :
" Je vis, mais ce n'est pas moi, c'est le Christ qui vit en moi." (Gal. XI, 20.).


Caravaggio. XVIe.

Mais il était juste que la commémoration de ce grand événement vînt se placer non loin du jour où l'Eglise célèbre le triomphe du premier des Martyrs. Paul est la conquête d'Etienne. Si l'anniversaire de son martyre se rencontre sous les feux du solstice d'été, il ne pouvait manquer d'apparaître auprès du berceau de l'Emmanuel, comme le plus brillant trophée du Proto-martyr ; les Mages le réclamaient aussi comme le conquérant de cette Gentilité dont ils ont été les prémices.


Bible. Champagne. XIIIe.

Enfin, pour compléter la cour de notre grand Roi, il convenait que les deux puissantes colonnes de l'Eglise, l'Apôtre des Juifs et l'Apôtre des Gentils, s'élevassent aux côtés de la crèche mystique : Pierre, avec ses clefs ; Paul, avec son glaive. C'est alors que Bethléhem nous semble, de plus en plus, la figure de l'Eglise, et les richesses du Cycle en cette saison plus éblouissantes que jamais.

SÉQUENCE

Célébrons, par les chants des anciennes Liturgies, cette journée consacrée par la conquête d'un si grand Apôtre. La prose suivante, qui appartient au dixième siècle, se trouve de bonne heure dans les anciens Missels des Eglises d'Allemagne. Elle est empreinte d'un caractère mystérieux qui ne manque pas de grandeur :


Bréviaire franciscain. XVe.

" Le Seigneur a dit : Je le convertirai du sein de Basan (la région de stérilité) ; je le mènerai jusqu'au fond des abîmes de la foi, profonds comme la mer.

Ce qu'il a dit il l'a fait, renversant Saul et relevant Paul,

Par son Verbe incarné, en qui il a fait les siècles.

S'élançant à la poursuite de ce Verbe, le Juif a entendu : " Saul, Saul, pourquoi me persécuter ?"

Je suis le Christ ; il t'est dur de regimber contre l'aiguillon.

A la face du Seigneur, la terre a été émue ; elle a tremblé ; mais bientôt elle s'est reposée.

Paul a reconnu le Seigneur, il a cru, il a cessé de persécuter les Chrétiens.

Sorti des rangs ennemis, pour revenir à vous, Ô Dieu, il est devenu la langue de vos chiens fidèles.

C’est Paul qui, par la bouche de vos Pontifes, proclame vos commandements.

Il enseigne que le crucifié n'est autre que le Christ-Dieu,

Qui règne avec le Père et le Saint-Esprit, Celui dont Paul est le témoin.

Par lui la langue des Pontifes, parcourant et humectant les deux molaires delà Loi et de l'Evangile, a fait broyer,

A préparé ces remèdes divers qui sont la santé des blessés, la nourriture de ceux qui ont faim.

Par les prières de Paul, regardez-nous, Ô Christ ! Et vivifiez les pécheurs ;

Vous qui avez converti, pour la conversion des autres, Paul le vase d'élection.

Quand il prêchait Dieu, la mer le vit et s'enfuit, le Jourdain a reculé vers sa source.

La multitude des nations remontant des profondeurs de l'abîme des vices, à la confusion de Og, roi de Basan.

N'adore plus que vous seul, Ô Christ Créateur, qu'elle confesse être venu, comme Rédempteur, dans la chair.

Amen."

SÉQUENCE

Les Missels Romains-Français nous donnent cette belle Prose d'Adam de Saint-Victor :


Benozzo di Lese di Sandro. XIVe.

" Du cœur et de la voix fais retentir les cieux, entonne le chant du triomphe, Ô Eglise des Gentils !

Paul, le Docteur des nations, a parcouru sa carrière triomphant et glorieux.

C'est le jeune Benjamin, loup ravisseur qui dévore sa proie ; des fidèles c'est l'ennemi.

Loup à l'aurore, agneau sur le soir ; après les ténèbres, l'astre s'est levé. Paul annonce l'Evangile.

Il s'est lancé dans le chemin de la mort ; mais celui qui est la Voie de la vie, l'arrête sur la route de Damas.

Il respirait la menace ; mais il cède enfin : renversé, il obéit ; on l'entraîne comme un prisonnier.

On le mène à Ananie : le loup est conduit à la brebis ; sa rage tombe apaisée.

Il descend dans la fontaine sacrée ; l'eau salutaire change en parfum les poisons de son âme.

Vase sacré, vase divin, vase qui épanche le doux vin de la doctrine et de la grâce,

Il parcourt les synagogues, il établit la foi du Christ sur la série des Prophètes.

Il prêche la doctrine de la croix ; pour la croix il est tourmenté, il meurt de mille morts.

Mais il survit toujours comme une hostie vivante, et son invincible constance triomphe de tous les supplices.

Choisi pour leur Apôtre, il instruit les Gentils, il triomphe des sages du monde par la sagesse de Dieu.

Ravi au troisième ciel, il voit le Père et le Fils en une seule substance.

Rome la puissante et la savante Grèce courbent la tête, s'instruisent des mystères ; la foi du Christ se propage.

La croix triomphe, Néron sévit, et le glaive moissonne Paul, dont la parole a fait croître la foi.

Ainsi, déposant le fardeau de la chair, Paul contemple le vrai Soleil, le Fils unique du Père.

Dans la lumière, il voit cette lumière, dont la puissance daigne nous garder de l'infernal gémissement.

Amen."


Livre des merveilles. Maître de la Mazarine. XVe.
 
PRIERE
 
" Nous vous rendons grâces, Ô Jésus, qui avez aujourd'hui terrassé votre ennemi par votre puissance, et l'avez relevé par votre miséricorde. Vous êtes véritablement le Dieu fort ; et vous méritez que toute créature célèbre vos victoires. Qu'ils sont merveilleux, vos plans pour le salut du monde ! Vous associez des hommes à l'œuvre de la prédication de votre parole, à la dispensation de vos Mystères ; et, pour rendre Paul digne d'un tel honneur, vous employez toutes les ressources de votre grâce vous vous plaisez à faire du meurtrier d'Etienne un Apôtre, afin que votre puissance souveraine éclate à tous les yeux, afin que votre amour pour les âmes apparaisse dans sa plus gratuite générosité, afin que la grâce surabonde où le péché avait abondé.

Hans Speckaert. Flandres. XVIe.

Visitez-nous souvent, Ô Emmanuel, par cette grâce qui change les cœurs ; car nous désirons une vie abondante, et nous sentons que son principe est souvent près de nous échapper. Convertissez-nous, comme vous avez converti l'Apôtre ; après nous avoir convertis, assistez-nous ; car sans vous nous ne pouvons rien faire. Prévenez-nous, suivez-nous, accompagnez-nous, ne nous quittez jamais, et de même que vous nous avez donné le commencement, assurez-nous la persévérance jusqu'à la fin.
 
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Conversion de saint Paul. Legenda aurea.
Bx J. de Voragine. Jacques de Besançon. XVe.

Donnez-nous de reconnaître, avec crainte et avec amour, ce don mystérieux de la grâce que nulle créature ne saurait mériter, et auquel cependant une volonté créée peut mettre obstacle. Nous sommes des captifs : vous seul possédez l'instrument à l'aide duquel nous pouvons briser nos chaînes ; vous le placez dans nos mains, en nous engageant à en user : de sorte que notre délivrance est votre ouvrage et non le nôtre ; et que notre captivité, si elle persévère, ne peut être attribuée qu'à notre négligence et à notre lâcheté. Donnez-nous, Seigneur, cette grâce ; et daignez recevoir la promesse que nous vous faisons d'y joindre humblement notre coopération.


Conversion de saint Paul. Bible historiale.
Guiard des Moulins. Abbaye de Saint-Omer. XIVe.

Aidez-nous, Ô grand Paul, à répondre aux desseins de la miséricorde de Dieu sur nous ; obtenez que nous soyons subjugués par la douceur du Dieu enfant. Sa voix ne retentit pas ; il n'éblouit pas nos yeux par sa lumière ; mais il se plaint que trop souvent nous le persécutons. Inspirez à nos cœurs de lui dire comme vous :
" Seigneur, que voulez-vous que je fasse ?"
Il nous répondra d'être simples et enfants comme lui, de reconnaître enfin son amour qui apparaît dans ce mystère, de rompre avec le péché, de combattre les mauvaises inclinations, d'avancer dans la sainteté en suivant ses exemples.
Vous avez dit, Ô Apôtre :
" Que celui qui n'aime pas Notre Seigneur Jésus-Christ soit anathème !" Faites-le-nous connaître de plus en plus, afin que nous l'aimions, et que de si doux mystères ne deviennent pas, par notre ingratitude, la cause de notre réprobation.


Karel Dujardin. XVIIe.

Vase d'élection, convertissez les pécheurs qui ne pensent point à Dieu. Sur la terre, vous vous êtes dépensé tout entier pour le salut des âmes ; au ciel où vous régnez, continuez votre ministère, et demandez au Seigneur, pour ceux qui persécutent Jésus, ces grâces qui triomphent des plus rebelles. Apôtre des Gentils, jetez les yeux sur tant de peuples assis encore dans l'ombre de la mort. Autrefois vous étiez partagé entre deux ardents désirs : celui d'être avec Notre Seigneur Jésus-Christ, et celui de rester sur la terre pour travailler au salut des peuples. Maintenant, vous êtes pour jamais avec ce Sauveur que vous avez prêché ; n'oubliez pas ceux qui ne le connaissent point encore. Suscitez des hommes apostoliques pour continuer vos travaux. Rendez féconds leurs sueurs et leur sang.


Livre d'images de Madame Marie. Hainaut. XIIIe.

Veillez sur le Siège de Pierre, votre frère et votre chef ; soutenez l'autorité de cette Eglise Romaine qui a hérité de vos pouvoirs, et qui vous regarde comme son second appui. Vengez-la partout où elle est méconnue ; détruisez les schismes et les hérésies ; remplissez tous les pasteurs de votre esprit, afin que, comme vous, ils ne se cherchent point eux-mêmes, mais uniquement et toujours les intérêts de Jésus-Christ."
 
* Hérode-Agrippa II, arrière petit-fils d'Hérode le Grand. Les Actes des Apôtres (Act. XXV, 13 ; Act. XXVI, 32), nous montrent qu'il assista avec sa sœur Bérénice à l'interrogatoire de Saint Paul par le procurateur Festus.
Il soutint les Romains pendant la révolte juive qui aboutit à la chute du Temple de Jérusalem (70).

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jeudi, 18 janvier 2024

18 janvier. Chaire de saint Pierre à Rome.

- Chaire de saint Pierre à Rome.
 
" Tu es Petrus, et super hanc Petram aedificabo Ecclesiam meam. Et portae inferi non praevalebunt adversus eam. Et tibi dabo claves regni coelorum : et quodcumque ligaveris super terram, erit ligatum et in coelis, et quodcumque solveris super terram, erit solutum et in coelis."
" Tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Eglise, et les portes de l'enfer ne prévaudront point contre elle. Et je te donnerai les clefs du royaume des cieux : tout ce que tu lieras sur la terre sera lié dans les cieux, et tout ce que tu délieras sur la terre sera délié dans les cieux."
Notre Seigneur Jésus-Christ à saint Pierre. Saint Matthieu, XVI, 18-19.
 

Roman de Dieu et de sa mère. XVe.

L’archange avait annoncé à Marie que le Fils qui naîtrait d'elle serait Roi, et que son Royaume n'aurait point de fin ; instruits par l'Etoile, les Mages vinrent, du fond de l'Orient, chercher ce Roi en Bethléhem ; mais il fallait une Capitale à ce nouvel Empire ; et parce que le Roi qui devait y établir son trône devait aussi, selon les conseils éternels, remonter bientôt dans les cieux, il était nécessaire que le caractère visible de sa Royauté reposât sur un homme qui fût, jusqu'à la fin des siècles, le Vicaire du Christ.

Pour cette sublime lieutenance, l'Emmanuel choisit Simon, dont il changea le nom en celui de Pierre, déclarant expressément que l'Eglise tout entière reposerait sur cet homme, comme sur un rocher inébranlable. Et comme Pierre devait aussi terminer par la croix ses destinées mortelles, le Christ prenait l'engagement de lui donner des successeurs dans lesquels vivraient toujours Pierre et son autorité.

Mais quelle sera la marque de cette succession, dans l'homme privilégié sur qui doit être édifiée l'Eglise jusqu'à la fin des temps ? Parmi tant d'Evêques, quel est celui dans lequel Pierre se continue ? Ce Prince des Apôtres a fondé et gouverné plusieurs Eglises; mais une seule, celle de Rome, a été arrosée de son sang ; une seule, celle de Rome, garde sa tombe : l'Evêque de Rome est donc le successeur de Pierre, et, par là même, le Vicaire du Christ. C'est de lui, et non d'un autre, qu'il est dit : " Sur toi je bâtirai mon Eglise ". Et encore : " Je te donnerai les Clefs du Royaume des cieux ". Et encore : " J'ai prié pour toi, pour que ta foi ne défaille pas ; confirme tes frères ". Et encore : " Pais mes agneaux; pais mes brebis ".


Chaire de saint Pierre.

L'hérésie protestante l'avait si bien compris, que longtemps elle s'efforça de jeter des doutes sur le séjour de saint Pierre à Rome, croyant avec raison anéantir, par ce stratagème, l'autorité du Pontife Romain, et la notion même d'un Chef dans l'Eglise. La science historique a fait justice de cette puérile objection ; et depuis longtemps, les érudits de la Réforme sont d'accord avec les catholiques sur le terrain des faits, et ne contestent plus un des points de l'histoire les mieux établis par la critique.

Ce fut pour opposer l'autorité de la Liturgie à une sr étrange prétention des Réformateurs, que Paul IV, en 1558, rétablit au dix-huit janvier l'antique fête de la Chaire de saint Pierre à Rome ; car, depuis de longs siècles, l'Eglise ne solennisait plus le mystère du Pontificat du Prince des Apôtres qu'au vingt-deux février. Désormais, ce dernier jour fut assigné au souvenir de la Chaire d'Antioche, la première que l'Apôtre ait occupée.

Aujourd'hui donc, la Royauté de notre Emmanuel brille de tout son éclat ; et les enfants de l'Eglise se réjouissent de se sentir tous frères et concitoyens d'un même Empire, en célébrant la gloire de la Capitale qui leur est commune à tous. Lorsque, regardant autour d'eux, ils aperçoivent tant de sectes divisées et dépourvues de toutes les conditions de la durée, parce qu'un centre leur manque, ils rendent grâces au Fils de Dieu d'avoir pourvu à la conservation de son Eglise et de sa Vérité, par l'institution d'un Chef visible dans lequel Pierre se continue à jamais, comme le Christ lui-même dans Pierre. Les hommes ne sont plus des brebis sans pasteur ; la parole dite au commencement se perpétue, sans interruption, à travers les âges ; la mission première n'est jamais suspendue, et, par le Pontife Romain, la fin des temps s'enchaîne à l'origine des choses.

" Quelle consolation aux enfants de Dieu !" S'écrie a Bossuet, dans le Discours sur l'Histoire universelle ; " mais quelle conviction de la vérité quand ils voient que d'Innocent XI, qui remplit aujourd'hui (1681) si dignement le premier Siège de l'Eglise, on remonte, sans interruption, jusqu'à saint Pierre, établi par Jésus-Christ prince des Apôtres : d'où, en reprenant les Pontifes qui ont servi sous la Loi, on va jusqu'à Aaron et jusqu'à Moïse ; de là jusqu'aux Patriarches et jusqu'à l'origine du monde !


Bible historiale. Guiard des Moulins. Saint-Omer. XIVe.

Pierre, en entrant dans Rome, vient donc accomplir et expliquer les destinées de cette cité maîtresse ; il vient lui promettre un Empire plus étendu encore que celui qu'elle possède. Ce nouvel Empire ne s'établira point parla force, comme le premier. De dominatrice superbe des nations qu'elle avait été jusqu'alors, Rome, parla charité, devient Mère des peuples; mais, tout pacifique qu'il est, son Empire n'en sera pas moins durable."

Ecoutons saint Léon le Grand, dans un de ses plus magnifiques Sermons, raconter, avec toute la pompe de son langage, l'entrée obscure, et pourtant si décisive, du Pêcheur de Génésareth dans la capitale du paganisme :

" Le Dieu bon, juste et tout-puissant, qui n'a jamais dénié sa miséricorde au genre humain, et qui, par l'abondance de ses bienfaits, a fourni à tous les mortels les moyens de parvenir à la connaissance de son Nom, dans les secrets conseils de son immense amour, a pris en pitié l'aveuglement volontaire des hommes, et la malice qui les précipitait dans la dégradation, et il leur a envoyé son Verbe, qui lui est égal et coéternel. Or, ce Verbe, s'étant fait chair, a si étroitement uni la nature divine à la nature humaine , que l'abaissement de la première jusqu'à notre abjection est devenu pour nous le principe de l'élévation la plus sublime.

Mais, afin de répandre dans le monde entier les effets de cette inénarrable faveur, la Providence a préparé l'Empire romain, et en a si loin reculé les limites, qu'il embrassât dans sa vaste enceinte l'universalité des nations. C'était, en effet, une chose merveilleusement utile à e l'accomplissement de l'œuvre divinement projetée, que les divers royaumes formassent la confédération d'un Empire unique, afin que la prédication générale parvînt plus vite à l'oreille des peuples, rassemblés qu'ils étaient déjà sous le régime d'une seule cité.

Cette cité, méconnaissant le divin auteur de ses destinées, s'était faite l'esclave des erreurs de tous les peuples, au moment même où elle les tenait presque tous sous ses lois, et croyait a encore posséder une grande religion, parce qu'elle ne rejetait aucun mensonge ; mais plus durement était-elle enlacée par le diable, plus merveilleusement fut-elle affranchie par le Christ.


Antiphonaire à l'usage de la collégiale Saint-Pierre d'Angers. XVe.

En effet, lorsque les douze Apôtres, après avoir reçu par l'Esprit-Saint le don de parler toutes les langues, se furent distribué les diverses parties de la terre, et qu'ils eurent pris possession de ce monde qu'ils devaient instruire de l'Evangile, le bienheureux Pierre, Prince de l'ordre Apostolique, reçut en partage la citadelle de l'Empire romain, afin que la Lumière de vérité, qui était manifestée pour le salut de toutes les nations, se répandît plus efficacement, rayonnant du centre de cet Empire sur le monde entier.

Quelle nation, en effet, ne comptait pas de nombreux représentants dans cette ville ? Quels peuples eussent jamais pu ignorer ce que Rome avait appris ? C'était là que devaient être écrasées les opinions de la philosophie ; là que devaient être dissipées les vanités de la sagesse terrestre ; là que le culte des démons devait être confondu ; là enfin devait être détruite l'impiété de tous les sacrifices, dans ce lieu même où une superstition habile avait rassemblé tout ce que les diverses erreurs avaient jamais produit.

Est-ce que tu ne crains pas, bienheureux Apôtre Pierre, de venir seul dans cette ville ? Paul l'Apôtre, le compagnon de ta gloire, est encore occupé à fonder d'autres Eglises ; et toi, tu t'enfonces dans cette forêt peuplée de bêtes farouches, tu marches sur cet océan dont la profondeur est pleine de tempêtes, avec plus de courage qu'au jour où tu marchais sur les eaux. Tu ne redoutes pas Rome, la maîtresse du monde, toi qui, dans la maison de Caïphe, avais tremblé à la voix d'une servante de ce prêtre. Est-ce que le tribunal de Pilate, ou la cruauté des Juifs, étaient plus à craindre que la puissance d'un Claude ou la férocité d'un Néron ? Non ; mais la force de ton amour triomphait de la crainte, et tu n'estimais pas redoutables ceux que tu avais reçu la charge d'aimer. Sans doute, tu avais déjà conçu le sentiment de cette intrépide charité, au jour où la profession de ton amour envers le Seigneur fut sanctionnée par le mystère d'une triple interrogation. Aussi n'exigea-t-on autre chose de ton âme, si ce n'est que, pour paître les brebis de Celui que tu aimais, ton cœur dépensât pour elles la substance dont il était rempli.

Ta confiance, il est vrai, devait s'accroître au souvenir des miracles si nombreux que tu avais opérés, de tant de précieux dons de la grâce que a tu avais reçus, et des expériences si multipliées de la vertu qui résidait en toi. Déjà tu avais instruit les peuples de la Circoncision, qui avaient cru à ta parole ; déjà tu avais fondé l'Eglise d'Antioche, où commença d'abord la dignité du nom Chrétien ; déjà tu avais soumis aux lois de la prédication évangélique le Pont, a la Galatie, la Cappadoce, l'Asie et la Bithynie ; et alors, sûr du progrès de ton œuvre et de la durée de ta vie, tu vins élever sur les remparts de Rome le trophée de la Croix du Christ, là même où les conseils divins avaient préparé pour toi l'honneur de la puissance suprême, et la gloire du martyre."

L'avenir du genre humain par l'Eglise est donc pour jamais fixé à Rome, et les destinées de cette ville sont pour toujours enchaînées à celles du Pontife immortel. Divisés, de races, de langages, d'intérêts, nous tous, enfants de l'Eglise, nous sommes Romains dans l'ordre de la religion; et ce titre de Romains nous unit par Pierre à Jésus-Christ, et forme le lien de la grande fraternité des peuples et des individus catholiques.


Bible historiale. Guiard des Moulins. XVe.

Notre Seigneur Jésus-Christ par Pierre, Pierre par son successeur, nous régissent dans l'ordre du gouvernement spirituel. Tout pasteur dont l'autorité n'émane pas du Siège de Rome, est un étranger, un intrus. De même, dans l'ordre de la croyance, Jésus-Christ par Pierre, Pierre par son successeur, nous enseignent la doctrine divine, et nous apprennent à discerner la vérité de l'erreur. Tout Symbole de foi, tout jugement doctrinal, tout enseignement, contraire au Symbole, aux jugements, aux enseignements du Siège de Rome, est de l'homme et non de Dieu, et doit être repoussé avec horreur et anathème. En la fêle de la Chaire de saint Pierre à Antioche, nous parlerons du Siège Apostolique comme source unique de la puissance de gouvernement dans l'Eglise ; aujourd'hui, honorons la Chaire romaine comme la source et la règle de notre foi.

Empruntons encore ici le sublime langage de saint Léon, et interrogeons-le sur les titres de Pierre à l'infaillibilité de l'enseignement. Nous apprendrons de ce grand Docteur à peser la force des paroles que le Christ prononça pour être le titre suprême de notre foi, dans toute la durée des siècles :

" Le Verbe fait chair était venu habiter au milieu de nous, et le Christ s'était dévoué tout entier à la réparation du genre humain. Rien qui n'eût été réglé par sa sagesse, rien qui se fût trouvé au-dessus de son pouvoir. Les éléments lui obéissaient, les Esprits angéliques étaient à ses ordres; le mystère du salut des hommes ne pouvait manquer son effet ; car Dieu, dans son Unité et dans sa Trinité, daignait s'en occuper lui-même. Cependant de ce monde tout entier, Pierre seul est choisi, pour être préposé à la vocation de toutes les nations, à tous les Apôtres, à tous les Pères de l'Eglise. Dans le peuple de Dieu, il y aura plusieurs prêtres et plusieurs pasteurs; mais Pierre régira, par une puissance qui lui est propre, tous ceux que le Christ régit lui-même d'une manière plus élevée encore. Quelle grande et admirable participation de son pouvoir Dieu a daigné donner à cet homme, ô frères chéris ! S'il a voulu qu'il y eût quelque chose de commun entre lui et les autres pasteurs, il l'a fait à la condition de donner à ceux-ci, par Pierre, tout ce qu'il voulait bien ne pas leur refuser.


Heures à l'usage de Rome. XVe.

Le Seigneur interroge tous les Apôtres sur l'idée que les hommes ont de lui. Les Apôtres sont d'accord, tant qu'il ne s'agit que d'exposer les différentes opinions de l'ignorance humaine. Mais quand le Christ en vient à demander à ses disciples leur propre sentiment, celui-là est le premier à confesser le Seigneur, qui est le premier dans la dignité apostolique. C'est lui qui dit :
" Vous êtes le Christ, Fils du Dieu vivant."
Jésus lui répond :
" Tu es heureux, Simon, fils de Jonas ; car ni la chair ni le sang ne t'ont révélé ces choses, mais mon Père qui est dans les cieux. C'est-à-dire : Oui, tu es heureux, car mon Père t'a instruit ; les pensées de la terre ne t'ont point induit en erreur, mais l'inspiration du ciel t'a éclairé. Ce n'est ni la chair ni le sang, mais Celui-là même dont je suis le Fils unique, qui m'a fait connaître à toi. Et moi, ajoute-t-il, je te le dis : De même que mon Père t'a dévoilé ma divinité, à mon tour, jeté fais connaître ton excellence. Car tu es Pierre, c'est-à-dire, de même que je suis la Pierre inviolable, la Pierre angulaire qui réunit les deux murs, le Fondement si essentiel que l'on n'en saurait établir un autre : ainsi, toi-même, tu es Pierre, car tu reposes sur ma solidité, et les choses qui me sont propres par la puissance qui est en moi, te sont communes avec moi par la participation que je t'en fais. Et sur cette pierre je bâtirai mon Eglise ; et les portes de l’enfer ne prévaudront point contre elle. Sur la solidité de cette pierre, je bâtirai le temple éternel ; et mon Eglise, dont le faîte montera jusqu'au ciel, s'élèvera sur la fermeté de cette foi."

La veille de sa Passion, qui devait être une épreuve pour la constance de ses disciples, le Seigneur dit ces paroles :
" Simon, Simon, Satan a demandé à vous cribler comme le froment ; mais j'ai prié pour toi, afin que ta foi ne défaille pas. Quand tu seras converti , confirme tes frères."
Le péril de la tentation était commun à tous les Apôtres ; tous avaient besoin du secours de la protection divine ; car le diable se proposait de les remuer tous, et de les écraser tous. Cependant le Seigneur ne prend un soin spécial que de Pierre seul ; ses prières sont pour la foi de Pierre, comme si le salut des autres était en sûreté, par cela seul que l'âme de leur Prince n'aura point été abattue. C'est donc sur Pierre que le courage de tous s'appuiera, que le secours de la grâce divine sera ordonné, afin que la solidité que le Christ attribue à Pierre, soit par Pierre conférée aux Apôtres.


Retable de la chaire de saint Pierre. Le Bernin. Rome. XVIIe.

Dans un autre Sermon, l'éloquent Docteur nous fait voir comment Pierre vit et enseigne toujours dans la Chaire Romaine :
" La disposition établie par Celui qui est la Vérité même, persévère donc toujours, et le bienheureux Pierre, conservant la solidité qu'il a reçue, n'a jamais abandonné le gouvernail de l'Eglise. Car tel est le rang qui lui a été donné au-dessus de tous les autres, que, lorsqu'il est appelé Pierre, lorsqu'il est proclamé Fondement, lorsqu'il est constitué Portier du Royaume des cieux, lorsqu'il est établi Arbitre pour lier et délier, avec une telle force dans ses jugements qu'ils sont ratifiés jusque dans les cieux, nous sommes à même de connaître, par le mystère de si hauts titres, le lien qu'il avait avec le Christ. Maintenant, c'est avec plus de plénitude et de puissance qu'il remplit la mission qui lui fut confiée ; et toutes les parties de son office et de sa charge, il les exerce en Celui et avec Celui par qui il a été glorifié.

Si donc, sur cette Chaire, nous faisons quelque chose de bien, si nous décrétons quelque chose de juste, si nos prières quotidiennes obtiennent quelque grâce de la miséricorde de Dieu, c'est par l'effet des œuvres et des mérites de celui qui vit dans son Siège et y éclate par son autorité. Il nous l'a mérité, frères chéris, par cette confession qui, inspirée à son coeur d'Apôtre par Dieu le Père, a dépassé toutes les incertitudes des opinions humaines, et mérité de recevoir cette fermeté de la Pierre que nuls assauts ne pourraient ébranler. Chaque jour, dans toute l'Eglise, c'est Pierre qui dit: Vous êtes le Christ, Fils du Dieu vivant ; et toute langue qui confesse le Seigneur est instruite par le magistère de cette voix. C'est cette foi qui triomphe du diable, et brise les liens de ceux t qu'il tenait captifs. C'est elle qui introduit au ciel les fidèles au sortir de ce monde; et les portes de l'enfer ne peuvent prévaloir contre elle. Telle est, en effet, la force divine qui la garantit, que jamais la perversité hérétique ne l'a pu corrompre, ni la perfidie païenne la surmonter."

" Qu'on ne dise donc point, s'écrie Bossuet, dans le Sermon sur l'Unité de l'Eglise, qu'on ne dise point, qu'on ne pense point que ce ministère de saint Pierre finit avec lui : ce qui doit servir de soutien à une Eglise éternelle, ne peut jamais avoir de fin. Pierre vivra dans ses successeurs, Pierre parlera toujours dans sa Chaire : c'est ce que disent les Pères ; c'est ce que confirment six cent trente Evêques, au Concile de Chalcédoine."
 
Et encore :
" Ainsi l'Eglise Romaine est toujours Vierge ; la foi Romaine est toujours la foi de l'Eglise ; on croit toujours ce qu'on a cru, la même voix retentit partout ; et Pierre demeure, dans ses successeurs, le fondement des fidèles. C'est Jésus-Christ qui l'a dit; et le ciel et la terre passeront plutôt que sa parole."

De Concordia Evangelistarum. XIIe.

Tous les siècles chrétiens ont professé cette doctrine de l'infaillibilité du Pontife romain enseignant l'Eglise du haut de la Chaire apostolique. On la trouve enseignée expressément dans les écrits des saints Pères, et les Conciles œcuméniques de Lyon et de Florence se sont énoncés, dans leurs actes les plus solennels, d'une manière assez claire pour ne laisser aucun doute aux chrétiens de bonne foi. Néanmoins, l'esprit d'erreur, à l'aide de sophismes contradictoires, et en présentant sous un faux jour quelques faits isolés et mal compris, essaya, durant une période trop longue, de faire prendre le change aux fidèles d'un pays dévoué d'ailleurs au siège de Pierre. L'influence politique fut la première cause de cette triste scission, que l'orgueil d'école rendit trop durable. Le seul résultat fut d'affaiblir le principe d'autorité dans les contrées où elle régna, et d'y perpétuer la secte janséniste, dont les erreurs avaient été condamnées par le Siège Apostolique. Les hérétiques répétaient, après l'Assemblée de Paris en 1682, que les jugements qui avaient proscrit leurs doctrines, n'étaient pas en eux-mêmes irréformables.

L'Esprit-Saint qui anime l'Eglise a enfin extirpé cette funeste erreur. Dans le Concile du Vatican, il a dicté la sentence solennelle qui déclare que désormais ceux qui refuseraient de reconnaître pour infaillibles les décrets rendus solennellement par le Pontife romain en matière de foi et de morale, ont cessé par là même de faire partie de l'Eglise catholique. C'est en vain que l'enfer a tenté d'entraver les opérations de l'auguste assemblée, et si le Concile de Chalcédoine s'était écrié :
" Pierre a parlé par Léon " ; si le troisième Concile de Constantinople avait répété : " Pierre a parlé par Agathon " ; le Concile du Vatican a proclamé : " Pierre a parlé et parlera toujours par le Pontife romain ".

Remplis de reconnaissance pour le Dieu de vérité qui a daigné élever et garantir de toute erreur la Chaire romaine, nous écouterons avec soumission d'esprit et de cœur les enseignements qui en descendent. Nous reconnaîtrons l'action divine dans la fidélité avec laquelle cette Chaire immortelle a su conserver la vérité sans tache durant dix-huit siècles, tandis que les Sièges de Jérusalem, d'Antioche, d’Alexandrie et de Constantinople ont pu à peine la garder quelques centaines d'années, et sont devenus l'un après l'autre ces chaires de pestilence dont parle le Prophète.


Heures à l'usage d'Autun. XVe.

En ces jours consacrés à honorer l'Incarnation du Fils de Dieu et sa naissance du sein d'une Vierge, rappelons-nous que c'est au Siège de Pierre que nous devons la conservation de ces dogmes qui sont le fondement de notre Religion tout entière. Non seulement Rome nous les a enseignés par les apôtres auxquels elle donna mission de prêcher la foi dans les Gaules ; mais quand les ténèbres de l'hérésie tentèrent de jeter leur ombre sur de si hauts mystères, ce fut Rome encore qui assura le triomphe de la vérité par sa décision souveraine. A Ephèse, où il s'agissait, en condamnant Nestorius, d'établir que la nature divine et la nature humaine, dans le Christ, ne forment qu'une seule personne, et que, par conséquent, Marie est véritablement Mère de Dieu ; à Chalcédoine, où l'Eglise avait à proclamer, contre Eutychès, la distinction des deux natures dans le Verbe incarné, Dieu et homme: les Pères de deux Conciles œcuméniques déclarèrent qu'ils ne faisaient que suivre, dans leur décision, la doctrine qui leur était transmise par les lettres du Siège Apostolique.

Tel est donc le privilège de Rome, de présider par la foi aux intérêts de la vie future, comme elle présida par les armes, durant des siècles, aux intérêts de la vie présente, dans le monde connu alors. Aimons et honorons cette ville Mère et Maîtresse, notre patrie commune ; et, d'un cœur filial, célébrons aujourd'hui sa gloire.

HYMNE

Voici ces admirables strophes où Prudence exprime avec tant de noblesse la prière que fit saint Laurent en faveur de Rome chrétienne, pendant que les charbons ardents dévoraient ses membres sur le gril embrasé :



Bréviaire à l'usage de Besançon. XVe.

" Ô Christ ! Dieu unique, splendeur, vertu du Père, auteur de la terre et des cieux, toi dont la main éleva ces remparts,

Toi qui as placé le sceptre de Rome au-dessus des destinées de l'humanité ! dans tes conseils, tu as voulu que le monde entier cédât à la toge, et se soumit aux armes du Romain,

Afin de réunir sous une loi unique tant de nations divisées de mœurs, de coutumes, de langage et de sacrifices.

Le moment est venu ; le genre humain tout entier a passé sous l'empire de Rémus ; l'unité remplace maintenant la dissemblance des usages.

Ton dessein, Ô Christ, a été d'enlacer l'univers d'une même chaîne sous l'empire du nom Chrétien.

Fais donc, fais chrétienne aujourd'hui, en faveur des Romains qui sont à toi, cette Rome, l'instrument et le centre de l'unité pour les autres villes qui invoquent ton Nom ;

Car c'est en elle que les membres se réunissent dans un seul tout mystérieux.

L'univers a subi la loi de douceur ; que le jour vienne où sa superbe capitale,

Sous ce joug de grâce qui a réuni les races les plus ennemies, adoucisse aussi sa fierté; que Romulus à son tour devienne fidèle, et que Numa s'abaisse devant la foi.

Dans le secret sanctuaire de son foyer, le successeur des Catons vénère honteusement encore les Pénates autrefois chassés de Troie.

Le Sénat honore encore Janus aux deux visages; il persiste à rendre un culte dégoûtant, hérité de ses pères, au dieu Sterculus et au vieux Saturne.

Efface, Ô Christ, ce déshonneur; envoie ton Gabriel montrer aux aveugles fils d'Iule quel est le Dieu véritable.

Déjà, nous Chrétiens, nous possédons le gage assuré de cette espérance ; déjà règnent dans Rome les deux Princes des Apôtres.

L'un, noble instrument de la vocation des Gentils ; l'autre, assis sur la première Chaire, a reçu le soin d'ouvrir et de fermer les portes de l'éternité.

Fuis, adultère, incestueux Jupiter, délivre Rome de ta présence ; fuis et laisse en sa liberté le peuple du Christ.

C'est Paul qui te poursuit ; c'est le sang de Pierre qui crie contre toi; paie maintenant les forfaits de Néron.

Je vois venir un prince, un Empereur serviteur de Dieu ; son zèle s'indignera de voir Rome esclave de ces sacrifices d'ignominie.

Il viendra fermer les temples ; il en scellera les portes d'ivoire. Par son ordre, d'éternels verrous en défendront le seuil.

De ce jour, le marbre ne verra plus l'impur sang des victimes souiller sa blancheur, et les idoles, spectacle désormais innocent , demeureront debout sans hommages."

HYMNE

L'Hymne qui suit est suspendue à la balustrade de la Confession de saint Pierre, dans la Basilique Vaticane, pour l'usage des pèlerins :


Heures à l'usage de Rome. XVe.

" Saint Apôtre, porte-clefs des cieux, secourez-nous par vos prières, rendez-nous accessibles les portes des palais célestes.

Vous avez lavé votre péché dans les larmes abondantes de la pénitence, obtenez que nous aussi lavions des pleurs nos crimes par continuels.

Un Ange vint délier vos chaînes ; vous, daignez nous arracher aux liens criminels qui nous captivent.

Ô pierre solide de l'Eglise, colonne qui ne peut fléchir ! Donnez-nous force et constance ; que l'erreur en nous ne renverse pas la foi.

Protégez Rome que vous avez jadis consacrée par votre sang ; sauvez les nations qui se confient en vous.

Soyez le défenseur de la société des fidèles qui vous honorent ; que la contagion ne vienne pas lui nuire, ni la discorde la diviser.

Détruisez les artifices que l'ancien ennemi a dressés contre nous, comprimez sa fureur atroce, et que sa rage ne s'exerce pas sur nous.

Contre ses assauts furieux, donnez-nous des forces au moment de la mort, afin que, dans ce combat suprême, nous puissions demeurer victorieux.

Amen."

PRIERE

" Nous sommes donc établis sur Jésus-Christ dans notre foi et dans nos espérances, Ô Prince des Apôtres, puisque nous sommes établis sur vous qui êtes la Pierre qu'il a posée. Nous sommes donc les brebis du troupeau de Jésus-Christ, puisque nous vous obéissons comme à notre pasteur. En vous suivant, Ô Pierre, nous sommes donc assurés d'entrer dans le Royaume des cieux, puisque vous en tenez les clefs. Quand nous nous glorifions d'être vos membres, Ô notre Chef, nous pouvons donc nous regarder comme les membres de Jésus-Christ même ; car le Chef invisible de l'Eglise ne reconnaît point d'autres membres que ceux du Chef visible qu'il a établi. De même, quand nous gardons la foi du Pontife Romain, quand nous obéissons à ses ordres, c'est votre foi, Ô Pierre, que nous professons, ce sont vos commandements que nous suivons ; car si le Christ enseigne et régit en vous, vous enseignez et régissez dans le Pontife Romain.


Psautiers et heures à l'usage de Beaune. XIVe.

Grâces soient donc rendues à l'Emmanuel qui n'a pas voulu nous laisser orphelins, mais qui, avant de retourner dans les cieux, a daigné nous assurer, jusqu'à la consommation des siècles, un Père et un Pasteur. La veille de sa Passion, voulant nous aimer jusqu'à la fin, il nous laissa son corps pour nourriture et son sang pour breuvage. Après sa glorieuse Résurrection, au moment de monter à la droite de son Père, ses Apôtres étant réunis autour de lui , il constitua son Eglise comme une immense bergerie, et il dit à Pierre : " Pais mes brebis , pais mes agneaux ". Par ce moyen, Ô Christ, vous assuriez la perpétuité de cette Eglise ; vous établissiez dans son sein l'unité, qui seule pouvait la conserver et la défendre des ennemis du dehors et du dedans. Gloire à vous, architecte divin, qui avez bâti sur la Pierre ferme votre édifice immortel ! Les vents ont soufflé, les tempêtes se sont déchaînées, les flots ont battu avec rage ; mais la maison est demeurée debout, parce qu'elle était assise sur le roc. (Matth. VII, 25.).

Rome ! en ce jour où toute l'Eglise proclame ta gloire, et se félicite d'être bâtie sur ta Pierre, reçois les nouvelles promesses de notre amour, les nouveaux serments de notre fidélité. Toujours tu seras notre Mère et notre Maîtresse, notre guide et notre espérance. Ta foi sera à jamais la nôtre ; car quiconque n'est pas avec toi n'est pas avec Jésus-Christ. En toi tous les hommes sont frères, et tu n'es point pour nous une cité étrangère, ni ton Pontife un souverain étranger. Nous vivons par toi de la vie du cœur et de l'intelligence ; et tu nous prépares à habiter un jour cette autre cité dont tu es l'image, cette cité du ciel dont tu formes l'entrée.

Bénissez, Ô Prince des Apôtres, les brebis confiées à votre garde ; mais souvenez-vous de celles qui sont malheureusement sorties du bercail. Loin de vous, des nations entières que vous aviez élevées et civilisées par la main de vos successeurs, languissent, et ne sentent pas encore le malheur d'être éloignées du Pasteur. Le schisme glace et corrompt les unes ; l'hérésie dévore les autres. Sans le Christ visible dans son Vicaire, le Christianisme devient stérile et peu à peu s'anéantit. Les doctrines imprudentes qui tendent à amoindrir la somme des dons que le Seigneur a conférés à celui qui doit tenir sa place jusqu'au jour de l'éternité, ont trop longtemps desséché les cœurs de ceux qui les professaient; trop souvent elles les ont disposés à substituer le culte de César au service de Pierre. Guérissez tous ces maux, Ô Pasteur suprême ! Accélérez le retour des nations séparées ; hâtez la chute de l'hérésie du seizième siècle ; ouvrez les bras à votre fille chérie, l'Eglise d'Angleterre : qu'elle refleurisse comme aux anciens jours. Ebranlez de plus en plus l'Allemagne et les royaumes du Nord ; que tous ces peuples sentent qu'il n'y a plus de salut pour la foi qu'à l'ombre de votre Chaire. Renversez le colosse monstrueux du Septentrion, qui pèse à la fois sur l'Europe et sur l'Asie, et déracine partout la vraie religion de votre Maître. Rappelez l'Orient à son antique fidélité ; qu'il revoie, après une si longue éclipse, ses Sièges Patriarcaux se relever dans l'unité de la soumission à l'unique Siège Apostolique.



Institution de l'Eglise. Recueil de peintures sacrées.
Illustrateur : Gondar. Ethiopie. XVIIIe.

Nous enfin qui, par la miséricorde divine et par l'effet de votre paternelle tendresse, sommes demeurés fidèles , conservez-nous dans la foi Romaine, dans l'obéissance à votre successeur. Instruisez-nous des mystères qui vous ont été confiés ; révélez-nous ce que le Père céleste vous a révélé à vous-même. Montrez-nous Jésus, votre Maître ; conduisez-nous à son berceau, afin qu'à votre exemple, et sans être scandalisés de ses abaissements, nous ayons le bonheur de lui dire comme vous : Vous êtes le Christ, le Fils du Dieu vivant !"

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