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lundi, 30 octobre 2023

30 octobre. Saint Marcel le Centurion, et ses enfants, martyrs à Tanger. 298.

- Saint Marcel le Centurion, et ses enfants, martyrs à Tanger. 298.

Pape : Saint Marcelin. Empereur romain d'Occident : Maximien Hercule. Empereur romain d'Orient : Dioclétien.

" Qui que vous soyez, qui aimez le monde, considérez où vous devez aboutir."
Saint Augustin.


Saint Marcel, son épouse None et leurs enfants.
Retable de saint Marcel, église Saint-Marcel de Léon. Espagne.

Dans les deux derniers siècles, les Chrétiens ont connu encore l'affligeant spectacle de voir les scélérats qui détenaient le pouvoir " épurer " l'armée. Echo sanglant parfois, plus sournois souvent de ce qui se passa dans les premières persécutions des deuxième et troisième siècle.

Commencée dans les provinces de Galère, l'un d'elle s'étendit à celle d'Hercule. La recherche directe des soldats chrétiens laissant trop de part à la camaraderie, les empereurs adoptèrent une mesure radicale. Chaque militaire dut prendre part, les jours de fêtes, aux cérémonies religieuses célébrées dans les camps. Dès lors c'était chaque chrétien qui se dénonçait lui-même : telle fut l'occasion du martyre du centurion Marcel.


Saint Marcel le Centurion. Eglise Saint-Marcel de Léon. Espagne.

On croit que saint Marcel naquit à Arzas, ville autrefois célèbre de Galicie. Il suivit l'exemple de ses ancêtres et embrassa le métier de la guerre dans l'espoir d'y faire une haute fortune. Etant en garnison dans la ville dont nous venons de parler, il s'y maria à une demoiselle de qualité appelée None ; il en eut douze enfants, savoir Claude, Luperie, Victoric, Eméthère, Célédoine, Servand, Germain, Aciste, Fauste, Janvier, Martial et Victorie. Comme il avait donné en diverses occasions des témoignages de sa valeur, il fut enfin élevé à la charge de centution.

Il ne pensait qu'à s'avancer de plus en plus dans les degrés de la hiérarchie militaire, lorsque, par les ferventes prédications d'un saint évêque nommé Décence, qui gouvernait l'église du Lieu, il fut converti avec sa femme et ses enfants à la religion chrétienne, pour la vérité de laquelle tous, excepté None, eurent la gloire de mourir.


Eglise Saint-Marcel de Léon. Espagne.

Dans la ville de Tanger, dont Fortunat était gouverneur, se célébrait alors l'anniversaire de la naissance de Maximien Hercule. Tous étaient réunis aux sacrifices qui accompagnaient les banquets.
Marcel, un des centurions de la légion Trajane, ne voyant dans tes banquets que des assemblées sacrilèges, s'approcha du trophée de drapeaux de la légion devant lequel on offrait les sacrifices, et lança à terre son ceinturon en disant :
" Je suis soldat de Jésus-Christ, le roi éternel."
Il lança aussi le cep de vigne, insigne de son grade, ses armes, et ajouta :
" A partir de ce jour, je cesse de servir vos empereurs, car je ne veux pas adorer vos dieux de bois et de pierre, sourdes et muettes idoles. Si c'est à cause du métier qu'on nous oblige à faire des sacrifices aux dieux et aux empereurs, je jette avec mépris le cep, le ceinturon, les drapeaux, je ne suis plus soldat."


Autel de Saint-Marcel. Eglise Saint-Marcel de Léon. Espagne.

Les assistants se regardèrent, ahuris, puis ils arrêtèrent Marcel et on envoya un rapport au commandant. Celui-ci fit écrouer le centurion. Quand toutes les ripailles furent bien finies, Fortunat se fit amener le centurion dans la salle d'honneur :
" Pourquoi as-tu, contrairement aux règlements, jeté le ceinturon, le cep et le baudrier ?
- Le 21 juillet, devant le trophée, pendant la célébration de la fête de l'empereur, j'ai dit publiquement que j'étais chrétien et ne pouvais servir que Jésus-Christ, Fils du Dieu tout-puissant.
- C'est trop violent pour que j'essaie d'étouffer l'affaire. J'enverrai un rapport aux empereurs et au César. Je ne te punis pas. On va te conduire à mon chef Aurélius Agricola, lieutenant du préfet du prétoire."

Le 30 octobre, le centurion Marcel ayant comparu à Tanger, l'appariteur dit :
" Le préfet Fortunatus a renvoyé devant ta puissance Marcel, centurion. Voici son rapport ; si tu l'ordonnes, je le lirai."
Agricola :
" Lis !"
L'appariteur lut :
" Fortunatus à Agricola, et le reste. Ce soldat ayant jeté le ceinturon militaire, s'est déclaré chrétien et a accumulé les blasphèmes contre César. C'est pourquoi nous te l'avons envoyé, et ton Illustration voudra bien nous faire parvenir les ordres qu'elle aura décrétés."


Saint Marcel dans sa geôle. Gravure du XVIIIe.

La lecture faite, Agricola dit :
" As-tu prononcé les paroles relatées dans le rapport du préfet ?
- Oui. »
- Tu servais comme centurion ordinaire ?
- Oui.
- Quelle fureur t'a fait renoncer au serment militaire et parler ainsi ?
- Il n'y a pas de fureur en ceux qui craignent Dieu.
- As-tu prononcé toutes les paroles consignées dans le rapport ?
- Oui.
- As-tu jeté tes armes ?
- Oui. Il ne convenait pas qu'un chrétien qui sert le Seigneur Christ servît dans les milices du siècle.
- La conduite de Marcel doit être punie suivant les règlements."

Et il dicta la sentence :
" Marcel, qui servait comme centurion ordinaire, a renoncé publiquement à son serment, a dit qu'il en était souillé et a prononcé d'autres paroles furieuses, relatées dans le rapport du préfet. J'ordonne qu'on lui coupe la tête."
En marchant au supplice, il dit à Agricola :
" Agricola ! Que Dieu te bénisse !"

Il était digne d'un martyr de quitter ainsi le monde. Presque aussitôt sa tête tomba pour le nom de Notre-Seigneur Jésus-Christ.

Statue de saint Servant, ou Servandus, l'un des fils de saint Marcel,
martyr lui-aussi, comme tous ses frères et soeurs.
Eglise de Saint-Marcel de Léon. Espagne.

Les enfants imitèrent la constance de leur père, puisqu'ils perdirent tous la vie par dibers supplices pour le soutien de l'Evangile ; on remarque entre autres que Claude, Luperce et Victoric furent pendus, puis décapités à Léon par le commandement de Diogénien, successeur de Fortunat, qui ne voulut pas les exposer à d'autres tourments de peur que les Chrétiens ne fussent fortifiés par leur exemple, et afin qu'eux mêmes n'eussent pas la gloire d'avoir beaucoup souffert pour Notre Seigneur Jésus-Christ.
None, leur pieuse mère, racheta leurs corps à prix d'argent et les enterra dans un lieu secret, d'où ils furent transférés dasn une église en leur honneur dans la même ville.

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dimanche, 29 octobre 2023

Fête du Christ-Roi. Dernier dimanche d'octobre. 1925.

- Fête du Christ-Roi. Dernier dimanche d'octobre. 1925.

Pape : Pie XI.


A LA MESSE

Une hérésie, récente dans sa forme contemporaine, le laïcisme, a prétendu pouvoir organiser la vie sociale en faisant comme si Dieu n'existait pas.

 
Le pape Pie XI, pour (ré)affirmer les droits de Notre Seigneur Jésus-Christ sur la cité et sur les hommes, a institué la fête du Christ Roi en 1925.

 
C'était bien le moins de sa part. Lâcheur qu'il fut objectivement de la sainte et héroïque résistance des Cristeros dans le Mexique des années 20 - 30, il rendit là - consciemment ou pas il importe peu - un bel hommage à nos frères martyrs abandonnés par le pape mais assurément pas par Notre Seigneur Jésus-Christ, et qui périrent massacrés et sans défense en criant et priant :


" VIVA CRISTO REY !"

 


Les Cristeros se battirent au cri de " Viva Cristo Rey !"
et sous la protection de Notre Dame de Guadalupe, laquelle
figurait sur les drapeaux de chacun des régiments de ses soldats.

Etonnante hérésie en vérité. Ses sectateurs - dont certains se disent et/ou se croient hélas Chrétiens - ont perdu ou ne savent pas le sens de ce qu'est une cité chrétienne. Toute société chrétienne doit être gouvernée chrétiennement par un ou des Chrétiens, puisqu'elle est nécessairement ordonnée aux fins dernières. En d'autres termes, une cité chrétienne doit établir les conditions les plus favorables possibles pour que le plus grand nombre possible des hommes et des familles qui la composent fasse son salut dans le Ciel.


Notre Dame de Guadalupe. Guadalupe signifie
" la Femme qui écrase le serpent ".

Parmi les pseudo-Chrétiens qui en tiennent pour les régimes contemporains, c'est une curiosité pour le simple bon-sens que de les voir tenir des propos aussi incongrus que ceux qui consistent à soutenir que l'on peut (ou qu'il faut) être laïc dans la vie publique et chrétien dans la vie privée. Faut-il s'étonner que les asiles d'aliénés soient plus remplis que jamais...


Le culte fut interdit au Mexique par la république laïque.
On disposa une banderole sur chaque tabernacle pour indiqué
que Notre Seigneur Jésus-Christ ne s'y trouvait plus.
" No Esta Aqui " : " Il n'est pas là ". Bien des tabernacles sont dans
ce cas aujourd'hui... et l'on ne l'indique plus par une banderole...

S'il est vrai que la chauve-souris de la fable ne disaient pas autre chose à leurs prédateurs, tantôt oiseau, tantôt rat..., le diable, " homicide dès le commencement " et " père du mesonge ", lui, et qui gouverne la contre-société et la contre-église de nos sinistres temps, n'est pas fabuliste et ricane de ces sottises : il veut damner le plus grand nombre d'âmes et il a mis en place la société qui favorise le plus possible ses épouvantables desseins.


Martyre du saint prêtre mexicain le père Francisco Vera.

" Seigneur Jésus-Christ, Ayez pitié de nous pauvres pécheurs. Venez régner sur nos âmes et Rebâtissez des cités chrétiennes, des cités selon Votre dilection !
Notre Dame, suppliez pour nous votre divin Fils, afin que son très humble et très misérable peuple soit exaucé !
Coeur Sacré de Jésus, Ayez pitié de nous ! Coeur Immaculée de Marie, intercédez pour nous !"

EPÎTRE

Lecture de la lettre de saint Paul Apôtre aux Colossiens. I, 12-20.

" Rendons grâces à Dieu le Père, qui nous a rendus capables d'avoir part à l'héritage des saints dans la lumière, en nous délivrant de la puissance des ténèbres, pour nous transporter dans le royaume de son Fils bien-aimé, par le sang duquel nous avons la rédemption, la rémission des péchés.

Il est l'image du Dieu invisible, né avant toute créature ; car c'est en lui que toutes choses ont été créées, celles qui sont dans les cieux et celles qui sont sur la terre, les choses visibles et les choses invisibles, Trônes, Dominations, Principautés, Puissances ; tout a été créé par lui et pour lui.

Il est, lui, avant toutes choses, et toutes choses subsistent en lui.
Il est la tête du corps de l'Eglise, lui qui est le principe, le premier-né d'entre les morts, afin qu'en toutes choses, il tienne, lui, la première place.

Car Dieu a voulu que toute la plénitude habitât en lui ; et il a voulu réconcilier par lui toutes choses avec lui-même, celles qui sont sur la terre, et celles qui sont dans les cieux, en faisant la paix par le sang de sa croix."

Saint Thomas d'Aquin. Commentaire de la lettre de saint Paul aux Colossiens (V. 12 à 20) :

" Nous rendons grâces à Dieu Créateur, et Père par adoption, qui noue a rendus dignes. Certains ont prétendu que les dons de la grâce sont accordés à raison des mérites et que Dieu donne sa grâce à ceux qui en sont dignes et non aux autres : erreur condamnée par l’Apôtre. Tout ce que tu as de dignité et de grâce, c’est Dieu qui l’a fait en toi; il est donc également l’auteur des effets de la grâce. "Par nous-mêmes, nous ne sommes pas capables de concevoir quelque chose comme venant de nous-mêmes ; notre aptitude vient de Dieu. (II Corinthiens III, 5).

Qui nous a rendus dignes d’avoir part au sort des saints dans la lumière. Si l’on considère leur nature, tous les hommes en ce monde sont bons. De cela il est juste qu’ils aient quelque chose de Dieu : les méchants ont pour leur part voluptés et les biens matériels : " Couvrons-nous de roses avant qu’elles se flétrissent, laissons partout des traces de nos réjouissances : c’est là notre part, c’est là notre destinée " (Sagesse II, 8).
Les saints ont pour part Dieu lui-même : " Tu es mon Seigneur, s’écrie le psalmiste. Toi seul es mon bien... Yahvé est la part de mon héritage et de ma coupe. Le cordeau a mesuré pour moi une portion délicieuse. Oui, un splendide héritage m’est échu " (Ps. XV, 1-16).
Et cette part des saints ne leur arrive pas par leur propre choix, mais par le choix de Dieu : " Ce n’est pas vous qui m’avez choisi, dit Jésus aux apôtres, c’est moi qui vous ai et établis " (Jean, XV, 16).

Le péché étant ténèbres, les pécheurs sont en puissance des ténèbres. " Nous avons à lutter, disait l’Apôtre aux Ephésiens (VI, 1) contre les puissances, contre les dominations de ce monde de ténèbres ". " Mais prophétisait Isaïe (XLIX, 25), " la capture du puissant lui sera enlevée et la " proie lui échappera " : " je sauverai tes fils ".
Il nous a donc délivrés de la puissance des ténèbres pour nous transporter dans le royaume de son Fils bien-aimé, afin que nous devenions le royaume de Dieu; ce qui a lieu quand nous sommes délivrés du péché : " Vous les avez faits rois et prêtres, et ils régneront sur la terre " (Apoc. V, 10) ; ou bien : afin que nous obtenions la vie éternelle.

Par le sang duquel nous avons la rédemption et la rémission des péchés. En effet, l’homme dans le péché est doublement esclave :
1. il est sous la servitude du pêché : " En vérité, dit Jésus, quiconque se livre au péché est esclave du péché " (Jean, VIII, 34) ;
2. de plus, il est soumis au châtiment et éloigné de Dieu : " Vos iniquités ont mis une séparation entre vous et votre Dieu ; vos péchés vous ont caché sa face pour qu’il ne vous entendit pas " (Isaïe, LIX, 2). Le Christ lève ces deux obstacles : homme, il se fait sacrifice pour nous et nous rachète de son sang " nous avons été rachetés à grand prix " (1ère Corinthiens VI, 10) ; Dieu, il paie la dette du péché.

Nous disons que Dieu est invisible parce qu’il dépasse la capacité de vision de toute intelligence créée, aucune intelligence créée ne pouvant, d’une connaissance naturelle, atteindre l’essence divine. " Dieu est grand au-dessus de toute science ", dit Job (XXXVI. 26). " Il habite une lumière inaccessible " (I Timothée VI, 16). Si les bienheureux le voient, c’est par grâce et non par nature. Denys en donne cette explication : Toute connaissance se termine à ce qui existe, c’est-à-dire à quelque nature qui participe à l’être. Mais Dieu est l’être même ; il n’y participe point, on y participe en lui. Aussi est il au-dessus de toute connaissance.

Or de ce Dieu invisible le Fils est l’image. Mais comment le Fils peut-il être appelé image, et pourquoi le Père est-il invisible ?
Trois conditions font une image :
1. qu’il y ait en elle une ressemblance ;
2. qu’elle soit détruite ou exprimée de l’objet auquel ressemble ;
3. enfin qu’elle s’achève à quelque chose qui tienne à l’espèce ou au signe de l’espèce reproduite.

Si, en effet, on a deux objets semblables, mais dont l’un ne vient pas de l’autre, on ne dit pas qu’il y a image : on ne dit pas, par exemple, qu’un oeuf est l’image d’un oeuf. C’est l’imitation qui fait l’image. De même il n’y a pas image si la ressemblance n’est pas dans l’espèce : ainsi la ressemblance dans les choses accidentelles du corps de l’homme, la couleur ou la quantité, ne peut produire l’image. Il faut que la ressemblance prenne la figure, car celle-ci est le signe déterminatif de l’espèce.

Ces conditions se réalisent dans la Trinité, Le Fils est semblable au Père, et le Père semblable au Fils ; mais le Fils reçoit cette ressemblance, du Père, tandis que le Père ne la reçoit pas de son Fils. Aussi nous disons que le Fils est l’image de son Père, mais non pas parce que la ressemblance vient du Père. De plus, cette ressemblance est dans l’espèce même : le Fils est représenté de qu quoi"imparfait par la parole intérieure de l’âme ; cette parole existe quand nous reproduisons actuellement la forme de l’objet connu et l’exprimons par une parole extérieure ; cette parole ainsi conçue est comme la ressemblance de l’objet que nous saisissons dans notre esprit. Elle lui est semblable quant à l’espèce. Et c’est ainsi que le Verbe divin est appelé image de Dieu.

L’Apôtre écrit : il est né avant toute créature. Les Ariens entendaient faussement cette parole et appelaient le Verbe " premier-né ", comme s’il était la première créature. Le sens est tout différent. Comment cette image est-elle engendrée ? En chaque être, la génération suit le mode de l’être et de sa nature : autre est le mode de génération des hommes, autre est celui des plantes ; Or la nature de Dieu est d’être l’intelligence même ; il faut donc qu’en lui la génération ou conception intellectuelle soit la génération ou conception de sa nature. En nous, la conception intelligible n’est pas la conception de notre propre nature, parce que en nous autre chose est connaître, autre chose notre nature. Cette image étant donc le verbe et la conception de l’intelligence, elle est le germe de la nature, et on dit qu’elle est engendrée parce qu’elle reçoit sa nature d’un autre.

Mais comment le Verbe est-il premier-né ? Dieu connaît et lui-même et la créature de la même manière, en son essence, où il voit tout comme dans la première cause effective. Le Fils est la conception intellectuelle de Dieu par laquelle il se connaît lui-même et par conséquent toute créature. En tant qu’il est engendré, le Fils est donc comme la représentation de toutes créatures et, comme tel, leur principe. Il est donc premier-né de toute créature parce qu’il est engendré comme principe de toute créature. Saint Paul l’explique dans les paroles suivantes.

Les Platoniciens supposent que les idées sont les principes et que toutes choses viennent à l’existence en participant à une idée, par exemple à l’idée d’homme. Pour nous, à la place de ces idées, nous mettons un seul principe, le Verbe, Fils de Dieu. En effet, l’ouvrier produit son ouvrage en le faisant participer à la forme qu’il a conçue intérieurement et qu’il revêt, en quelque sorte, d’une matière extérieure : ainsi l’architecte bâtit la maison selon la forme qu’il a conçue en son esprit. Et c’est ainsi que nous disons de Dieu qu’il a tout fait en sa sagesse, parce que la sagesse divine, par rapport aux créatures, est comme l’art du constructeur par rapport à l’édifice. Or cette forme et cette sagesse, c’est le Verbe en qui toutes choses ont été créées comme en une sorte d’exemplaire. " Dieu a parlé, dit le prophète, et toutes choses ont été faites ", car par son Verbe il a. tout créé.

Les Manichéens sont allés jusqu’à dire que les choses terrestres, parce qu’elles sont corruptibles, ont été faites par un Dieu mauvais ; et les choses célestes, incorruptibles, par le Dieu bon, le Père du Christ. C’est une erreur. Tout a été créé dans le Verbe.

Cela répond à une autre erreur, celle des Platoniciens qui croyaient que Dieu avait lui-même fait les créatures invisibles, les anges, mais qu’il avait fait les créatures corporelles par le moyen des anges.
Saint Paul exclut cette erreur : " Par la foi nous savons que le monde été formé par la parole de Dieu, en sorte que les choses que l’on voit n’ont pas été faites de ces choses qui parussent " (Hébreux XI, 3).
" Nous ne voyons qu’un petit nombre de ses oeuvres, mais le Seigneur a fait toutes choses " (Ecclés., XLIII, 36).
Cette distinction est selon la nature des êtres.

Mais il y a une autre distinction des êtres, celle qui se fait selon l’ordre et les degrés des créatures invisibles. Saint Paul l’indique : les Trônes, les Dominations, les Principautés, les Puissances. Là-dessus les Platoniciens sont en erreur : ils prétendaient qu’il y a dans les choses des perfections diverses, et ils attribuaient chacune ces perfections à un premier principe ; et ils terminaient le rang de ces principes selon le rang de ces perfections : ainsi ils plaçaient au sommet le premier être dont toutes choses reçoivent l’existence ; puis, venant de ce premier principe un second principe, la première intelligence de laquelle toutes choses recevraient participation à l’intelligence ; ensuite un troisième principe, la vie, dont tout recevrait participation à la vie. Mais nous ne pouvons ordonner ainsi les êtres, car, quelque perfection qu’il y ait dans les créatures, toutes le tirent d’un principe unique. C’est pourquoi saint Paul dit : Soit les Trônes, soit les Dominations, soit les Principautés, soit les Puissances, comme s’il voulait dire : Ces ordres ne dépendent point d’autres principes dépendant les uns des autres. Mais tous dépendent de Dieu même, unique et véritable.

S’il en est ainsi, dira-t-on, pourquoi saint Paul lui-même écrit-il dans l’épître aux Ephésiens (I, 22) : " Il y a fait asseoir le Christ à sa droite dans les cieux, au-dessus de toute Principauté et Puissance et Vertu et Domination et de tout nom qui se peut nommer. Il a tout mis sous ses pieds et il l’a donné pour chef suprême à l’Eglise ".
N’y a-t-il pas quelque contradiction entre ces deux textes ? Non. Car ici, dans l’épître aux Colossiens, l’Apôtre énumère par progression descendante et veut montrer comment la créature vient de Dieu ; Dans l’épître aux Ephésiens, au contraire, par progression ascendante pour montrer le Christ au-dessus de toute créature.

Toutefois, il y a une différence entre ces deux textes. Dans l’épître aux Ephésiens, l’ordre des Principautés est placé au-dessous des Puissances. Saint Grégoire, au contraire, suit l’ordre de l’épître aux Colossiens et place les Dominations, les Principautés et les Puissances dans la seconde hiérarchie, et dans la troisième les Vertus, les Archanges et les Anges. Mais saint Grégoire et Denys eux-mêmes font remarquer que les dons spirituels, d’après lesquels nous donnons un nom à ces ordres, sont communs à tous, bien que les uns prennent leur nom de tel don, les autres de tel autre.

L’explication en est prise dans les doctrines platoniciennes, d’après lesquelles ce qui convient à un être lui convient d’une triple manière :

1. ou à raison de son essence, quand les rapports se fondent sur les propriétés de la nature, comme il convient à l’homme d’être raisonnable ;
2. ou par participation, quand le rapport dépasse la nature, bien qu’il y ait une participation imparfaite, comme il convient à l’homme d’être intelligent, ce qui est au-dessus de l’être raisonnable, encore que l’homme en reçoive quelque participation ;
3. ou bien enfin par voie de causalité, quand la convenance est accidentelle, comme en tout ce qui est artificiel pour l’homme et qui se trouve en lui, non point comme en son siège matériel, mais au moyen de l’art.

Chaque être tire son nom de ce qui lui convient essentiellement : on ne désigne pas l’homme une créature intellectuelle ni apte à l’art, mais raisonnable.
Or, dans les anges, les dons qui appartiennent aux hiérarchies supérieures à raison de leur essence ne sont dans les choeurs inférieurs que par participation; et ceux que les anges inférieurs possèdent à raison de leur essence, les anges supérieurs les ont à titre de causalité. Voilà pourquoi les premiers choeurs tirent leurs noms des dons plus élevés.

Or quel est le don le plus élevé que puisse recevoir une créature ? Atteindre Dieu et entrer en participation de sa nature. Et ainsi les anges suprêmes tirent leur nom de leur don d’atteindre Dieu : Séraphin brûlant de Dieu, enflammés de Dieu; Chérubins, pleins de la connaissance de Dieu ; Trônes en qui Dieu est assis.
C’est qu’en effet on peut entrer en participation d’un autre être de trois manières :
1. d’abord en recevant les propriétés de sa nature ;
2. ou bien en le recevant lui-même par mode de connaissance ou d’intention ;
3. enfin en devenant l’instrument de son activité.
Ainsi, par exemple, on participe à l’art du médecin, ou en acquérant la science de cet art, ou en l’exerçant, La première manière est supérieure à la seconde, et celle-ci à la troisième.

Or, dans l’Écriture Sainte, le feu signifie quelque chose de divin : " Yahvé, ton Dieu, est-il écrit au Deutéronome (IV, 24) est un feu dévorant ". Le choeur suprême reçoit donc le nom de Séraphins, c’est brûlant de Dieu, participant à quelque propriété de Dieu ; le second chœur, le nom de Chérubins, possédant Dieu la connaissance ; le troisième Trônes ministres de sa puissance.

Pour les autres choeurs, ils ne reçoivent pas un nom du fait de leur union à Dieu mais d’une mission que Dieu leur confie. Les uns dirigent : les Dominations. Les autres exécutent les ordres si c’est en qualité de chefs, on les nomme Principautés ; si c’est à l’égard des créatures spirituelles : Puissances qui mettent les démons en fuite ; à l’égard des forces naturelles ; Vertus, qui accomplissent les miracles ; à l’égard hommes : les Archanges, qui s’occupent des évènements graves, et les Anges, qui veillent aux choses ordinaires.

Saint Paul de conclure : Tout a été fait par lui, où par la cause effective, et en lui, cause exemplaire. Saint Jean (I, 3), l’a écrit aussi : " Tout a été fait par lui, et sans lui rien n’a été fait ".

Tout est donc éternel ? Demandera-t-on. Prévenant la difficulté, l’Apôtre écrit que le Christ, lui, est avant toutes choses. Avant les temps et créatures : " Yahvé m’a possédé au commencement de ses voies, avant ses oeuvres les plus ancienne j’ai été fondé dès l’éternité " (Prov. VIII, 22). Avant toute dignité : " O Dieu, il est semblable à vous ?" (Ps. LXXXI, 1).

Toutes choses subsistent, c’est-à-dire sont conservées en lui. Par rapport aux créatures, Dieu est comme le soleil à la lune, qui perd sa lumière dès que le soleil se retire : " que Dieu retire sa puissance, à l’instant même tout défaille. Il soutient tout par la puissance de sa parole " (Hébreux VIII, 3).

Celui par qui nous sommes rachetés, le Christ, est le premier-né de toutes créatures. Mais auparavant il faut expliquer deux choses pour comprendre qu’il est la tête de l’Eglise.

D'abord, pourquoi dit-on que l’Église est un corps ?

Pour une double ressemblance avec le corps de l’homme: comme lui, elle a des membres distincts, et ces membres, bien que distincts, se servent l’un l’autre. L’Apôtre a indiqué cette diversité des membres en écrivant aux Ephésiens (IV, 11) : " Il a fait les uns apôtres, d’autres prophètes, d’autres évangélistes, d’autres pasteurs et docteurs, en vue du perfectionnement des saints, pour l’édification du corps du Christ ".
Et le service mutuel : Dieu a disposé le corps de manière que " les membres aient également soin les un des autres " (1 Corinthiens VI, 2). Ensuite, de même que le corps est un parce qu’il est un par une âme unique, de même l’Église par un même Esprit. " Il n’y a qu’un seul corps et un seul Esprit ", disait l’Apôtre au Ephésiens (IV, 4). Et dans la première aux Corinthiens (X, 17) : " Puisqu’il y a un seul pain, nous formons un seul corps, tout en étant plusieurs ; car nous participons tous à un même pain ".

Mais comment le Christ est-il la tête de l’Eglise ? Saint Paul l’explique ainsi : il est le principe, le " premier-né d’entre les morts afin qu’il tienne, lui, la primauté en tout ".
La tête a sur les autres membres trois privilèges :
1. en dignité, parce qu’elle est le principe, et qu’elle préside ;
2. en plénitude de vie, parce qu’elle réunit en elle tous les sens ;
3. en influence, parce qu’elle communique aux membres sensation et mouvement. Autant de motifs de dire que le Christ est la tête de l’Église : à cause de sa dignité, de la plénitude de sa grâce et de son influence.

L’Église vit en deux états : celui de la grâce dans le temps présent celui de la gloire dans l’éternité. Toutefois c’est une seule Église dont Christ est le chef, ici-bas et au ciel, parce qu'il est le premier en grâce et en gloire.

Le premier en grâce : Lui, il est le principe, dit saint Paul, car non seulement il possède la grâce en tant qu’homme, mais c’est par la foi en lui que nous sommes tous justifiés : " De même que par la désobéissance d’un seul homme tous ont été constitués péché de même par l’obéissance d’un seul tous sont constitués justes " (Romains V, 19). C’est pourquoi Lui, il est le principe " de la justification et de la grâce pour l’Église car même dans l’Ancien Testament c’est parla foi du Christ qu’il y a eu quelques justes. " Moi qui vous parle, disait-il aux Juifs, je suis le principe " (Jean, VIII, 25).

Le premier en gloire : il est le premier-né d’entre les morts. La résurrection est comme une seconde génération puisque l’homme y est restauré pour la vie éternelle ; c’est le nom qui lui donné en saint Matthieu (XI, 28) : " Au jour de la régénération, le Fils de l'homme sera assis sur le trône de sa gloire ". Le Christ étant le premier entre tous, il est le premier-né entre les morts, c’est-à-dire de ceux qui sont engendrés par la résurrection.
Mais Lazare ? dira-t-on.
Lazare et d'autres furent ressuscités, non pour la vie immortelle, mais pour reprendre la vie mortelle : le Christ, ressuscité d’entre les morts ne meurt plus. " Il est le témoin fidèle, dit saint Jean (Apoc., I, 5), le premier-né d’entre les morts ". " Maintenant le Christ est ressuscité d’entre les morts, il est les prémices de ceux qui se sont endormis " (I Corinthiens XV, 20). Et cela, pour qu’il ait la primauté en tout, dans l’ordre de la grâce et de la gloire, puisqu’il est le Premier-né.

D’autres saints ont reçu partiellement la grâce : le Christ l'a eue sans réserve. Il a plu à Dieu que toute sa plénitude habitât en lui. Chaque parole, ici, a du poids. Il a plu à Dieu : c’est dire que les dons du Christ homme ne lui sont point venus du destin ou de ses mérites, comme le prétendait Photin, mais du bon plaisir de Dieu élevant cet homme à l’unité avec une personne. divine : " Celui-ci est mon Fils bien-aimé en qui j’ai mis mes complaisances " (Matth., III, 17).

Toute sa plénitude, ajoute l’Apôtre : ceux-ci reçoivent tel don, ceux-là tel autre pour le Christ, dit saint Jean (XIII, 3), " il savait que son Père avait tout remis entre ses mains ". Ceux mêmes qui ne reçoivent qu’un don, n’en reçoivent pas la plénitude, ils n’ont pas toute la vertu, car peut-être malgré eux défaillent-ils sur quelque point. Mais le Christ, dit encore saint Jean (I, 14), " nous l’avons vu tout plein de grâce et de vérité ".

" Habitât en lui ". D’autres ont reçu l’usage de la grâce pour un temps ; les prophètes, par exemple, n'ont pas sans cesse l’esprit de prophétie dans le Christ la plénitude de la grâce est à demeure et il en use à son gré, en maître. Le Seigneur dit à saint Jean Baptiste : " Sur lui, tu verras l’Esprit descendre et demeurer " (Jean, I, 33).

" Il a voulu réconcilier par lui toutes choses avec lui-même, celles qui sont sur la terre et celles qui sont dans les cieux, en faisant la paix par le sang de sa croix ".
Il a plu à Dieu que la plénitude de la grâce habitât dans le Christ, non seulement pour qu’il la possédât, mais aussi pour qu’il la fît dériver sur nous. " Il a voulu réconcilier par lui toutes choses avec lui-même."

L’Apôtre l’écrivait aussi dans la première aux Corinthiens (V, 19) : " Dieu se réconciliait le monde dans le Christ ".
Ici il explique cette réconciliation et en quoi s’accordent maintenant ceux qui étaient divisés. Etre en désaccord, c’est avoir des volontés opposées ; se réconcilier, c’est s’entendre au moins sur un point. Or précisément les volontés auparavant en désaccord se sont mises en accord dans le Christ, volontés des hommes, de Dieu et des anges : des hommes, car le Christ est homme ; de Dieu, car il est Dieu aussi. Réconciliation des hommes entre eux : des Juifs qui voulaient la Loi et des Gentils qui n’en voulaient pas, et que le Christ met en accord, car d’une part il est juif et de l’autre il délivre des observances légales.

Cette réconciliation s’est faite par le sang de la croix. Entre Dieu et l’homme, la cause de discorde était le péché ; entre les Juifs et les Gentils, la Loi, écartant la cause du désaccord : " Vous avez pu vous approcher de la montagne de Sion, de la cité du Dieu vivant qui est la Jérusalem céleste, dés myriades qui forment le choeur des anges, de l’assemblée des premiers-nés inscrits dans les cieux, du Juge qui est le Dieu de tous, des esprits des justes parvenus à la perfection, de Jésus le médiateur de la nouvelle alliance " (Hébreux XIII, 22-23).

C’est ainsi qu’ont été réconciliées toutes choses avec Dieu, soit celles qui sont sur la terre, les Juifs et les Gentils, soit celles qui sont dans les cieux, Dieu et les anges. Aussi à la naissance du Christ, on entend ce cantique ; " Gloire à Dieu dans le ciel, sur la terre paix aux hommes objet de la bien vaillance divine " (Luc, II, 14)."

EVANGILE

Suite du saint Evangile de Jésus-Christ selon saint Jean. XVIII, 33-37.
 

" Pilate donc, étant rentré dans le prétoire, appela Jésus, et lui dit :

" Es-tu le roi des Juifs ?"
Jésus répondit :
" Dis-tu cela de toi-même, ou d'autres te l'ont-ils dit de moi ?"
Pilate répondit :
" Est-ce que je suis juif ? Ta nation et les chefs des prêtres t'ont livré à moi: qu'as-tu fait ?"
Jésus répondit :
" Mon royaume n'est pas de ce monde ; si mon royaume était de ce monde, mes serviteurs auraient combattu pour que je ne fusse pas livré aux Juifs, mais maintenant mon royaume n'est point d'ici-bas."
Pilate lui dit :
" Tu es donc roi ?"
Jésus répondit :
" Tu le dis, je suis roi. Je suis né et je suis venu dans le monde pour rendre témoignage à la vérité: quiconque est de la vérité écoute ma voix."

Saint Jean Chrysostome. Homélie LXXXIII :

" Pilate donc, voulant se débarrasser de leurs importunités, ne tira point le jugement en longueur. Etant rentré dans le palais, il interrogea Jésus, et lui dit : " Etes-vous le roi des Juifs ?"
Jésus lui répondit : Dites-vous cela de vous-même, ou d'autres vous l'ont-ils dit de moi ? "
Pourquoi Jésus-Christ lui fit-il cette question ? Pour découvrir la malignité des Juifs, car Pilate en avait déjà beaucoup entendu parler. Comme ils n'avaient donc rien de nouveau à dire contre Jésus, Pilate, pour ne pas entrer dans de longues discussions, expose à Jésus ce que les Juifs lui objectaient éternellement. Et comme il avait dit aux Juifs : " Jugez-le selon votre loi " ; eux, pour montrer que le crime dont ils accusaient Jésus ne regardait point leur religion ni leur loi, répondent : " Cela ne nous est pas permis ".
Il n'a point péché contre notre loi, son crime est un crime public. Voyant cela, Pilate, comme s'il eût été lui-même en péril, dit : " Etes-vous le roi des Juifs ?" Sur quoi Jésus-Christ, qui connaissait sa crainte, l'interroge à son tour : mais comme il voulait que Pilate accusât lui-même les Juifs, il dit : " D'autres vous l'ont-ils dit de moi ? "
Et Pilate déclare que les Juifs sont les auteurs de cette accusation, en disant : " Ne savez-vous pas bien que je ne suis pas juif ? Ceux de votre nation, et les princes des prêtres, vous ont livré entre mes mains qu'avez-vous fait ?" Pilate fait cette réponse pour s'excuser.
Ensuite, Jésus-Christ le reprenant de lui avoir dit : " Etes-vous roi ? " lui réplique : Ce sont les Juifs qui vous l'ont dit ? Pourquoi ne faites-vous pas une enquête exacte ? Les Juifs vous ont dit que je suis un méchant ; informez-vous, recherchez quel est le mal que j'ai fait. Mais vous ne le faites pas ; et vous m'exposez seulement leur accusation : " Le dites-vous de vous-même, ou d'ailleurs ?"
Après quoi Pilate, ne pouvant répondre sur-le-champ aux répliques que lui fait Jésus-Christ, se borne à alléguer ce qu'a fait le peuple: " Ils vous ont livré entre mes mains ", dit-il, il faut donc que je vous interroge sur ce que vous avez fait.
 

Notre Seigneur Jésus-Christ, Roi, devant Pilate. Le Tintoret. XVIIe.

Que lui repartit Jésus-Christ ? " Mon royaume n'est pas de ce monde ". Le Sauveur relève l'esprit de Pilate, qui n'était ni aussi méchant que les Juifs, ni semblable à eux, et il veut lui montrer qu'il n'est pas un pur homme, mais qu'il est Dieu et Fils de Dieu. Et que dit-il ? " Si mon royaume était de ce monde, mes gens auraient combattu pour m'empêcher de tomber entre les mains des Juifs ". Par cette réponse Jésus dissipe le soupçon de rébellion et de tyrannie que Pilate avait gardé jusqu'à ce moment.

Mais est-ce que le royaume de Jésus-Christ n'est pas de ce monde ? Certes, il en est. Comment alors expliquer ces paroles : " Il n'en est pas ?"
Cela ne signifie pas que Jésus-Christ ne commande point en ce monde, mais qu'il a aussi son royaume dans le ciel : et ce royaume n'est point humain, mais il est beaucoup plus grand et plus brillant. Si donc ce royaume est plus grand, comment a-t-il été pris par les gens du royaume de ce monde ? C'est en se livrant lui même volontairement à eux : mais il ne le cache point. Et que dit-il ? " Si j'étais de ce monde, mes gens auraient combattu pour m'empêcher de tomber entre les mains des Juifs ". Par où Jésus-Christ fait connaître la faiblesse du royaume terrestre, qui tire toute sa force et sa puissance de ses sujets. Mais le royaume céleste se, suffit à lui-même et n'a besoin de personne.

Les hérétiques saisissent ces paroles et s'en servent pour appuyer leur erreur : ils disent que Jésus-Christ n'a rien de commun avec le Créateur. Mais que répondront-ils à ce que l'Ecriture dit de ce même Jésus-Christ : " Il est venu chez soi ?" (Jean, I, 11.) Que répondront-ils à ce qu'il dit lui-même ; " Ils ne sont point du monde, comme je ne suis point " moi-même " du monde ?" (Jean, XVII, 14.)
C'est ainsi, c'est en ce sens qu'il dit que son royaume n'est point d'ici. En quoi il n'exclut pas le monde de son royaume, mais il montre, comme je l'ai dit, que son royaume n'est point humain , ni passager, ni périssable.
 

Notre Seigneur Jésus-Christ, Roi, devant Pilate. Duccio. XIVe.

Que répliqua Pilate ? " Vous êtes donc roi ?" Jésus lui repartit : " Vous le dites, que je suis roi. C'est pour cela que je suis né ".

Donc s'il est né roi, il est également né avec toutes les dépendances de la royauté; et il n'a rien qu'il ait reçu, mais il possède tout par lui-même. Lors donc que vous entendez ces paroles : " Comme le Père a la vie en lui-même, il a aussi donné au Fils d'avoir la vie " (Jean, V, 26), ne les entendez d'aucune autre chose que de la génération. Entendez et expliquez de même tous les autres endroits de l'Ecriture, qui sont semblables à celui-là. " Et je suis venu afin de rendre témoignage à la vérité " ; c'est-à-dire afin d'enseigner la vérité à tous les hommes, et de la leur persuader."

29 octobre. Saint Germain de Montfort, Bénédictin au diocèse d'Annecy. 1000.

- Saint Germain de Montfort, Bénédictin au diocèse d'Annecy. 1000.

Pape : Sylvestre II. Roi de France : Robert II, le Pieux. Roi de Bourgogne : Rodolphe III, le Pieux.

" Mon fils, avant toutes choses, appliquez-vous à l'humilité, qui est la plus parfaite des vertus, afin que vous puissiez monter au faîte de la perfection."
Saint Basile le Grand.

Saint Germain de Montfort. Heures à l'usage de Sarum. XVe.

Saint Germain naquit en Belgique, dans une petite ville des environs de Malines, appelée Montfort, d'une famille riche mais pieuse. Le nom de ses parents ne nous est pas parvenu ; on sait seulement qu'il eut un frère unique nommé Rodolphe. Nous ne connaissons pas d'une manière précise la date de sa naissance ; mais des documents dignes de foi la font remonter au commencement du Xe siècle, vers l'an 906.

Prévenu dès les premières années de sa vie des plus rares bénédictions et ayant reçu du Ciel, pour former sa jeunesse, des parents vertueux et zélés dont tout le soin fut de former son jeune coeur à l'amour de Dieu et à la pratique des vertus chrétiennes, et dont les exemples et les leçons le portaient continuellement au bien ; le jeune Germain fit des progrès rapides dans les voies du Salut, et il donna, dès sa plus tendre enfance, des marques non équivoques de sa sainteté future.

Aussi lisons-nous dans une légende tirée des archives du monastère de Talloires, comme dans plusieurs vies de saint Bernard de Menthon, dont il fut le précepteur, qu'étant à peine arrivé à l'âge de raison, il n'avait déjà de goût et d'attrait que pour la prière, la gloire de Dieu et la sanctification de son âme ; qu'il évitait avec soin les jeux et les autres amusements du jeune âge, et que, tandis que ses compagnons ne songeaient et ne s'occupaient qu'aux plaisirs et aux divertissements de l'enfance, il s'éloignait souvent de la maison paternelle pour aller épancher les sentiments et les affections de son coeur, devant son Dieu dans les églises, où il passait parfois des jours entiers en adoration et en prières.

Déjà alors il n'aimait à s'entretenir que des choses de Dieu, et sa conversation la plus ordinaire était dans le ciel et pour les choses du Ciel. Il avait aussi un très grand respect pour la vie ecclésiale ; et, dès qu'il fut sorti de la première enfance, il se rendait souvent à Malines pour avoir le bonheur de servir l'évêque pendant le saint Sacrifice de la Messe. On peut mieux se figurer que décrire les sentiments de dévotion et de ferveur qui animaient cette âme pleine de foi, dans cette action sainte, et comment, par la ferveur qu'il apportait à servir à l'autel, il se préparait dès lors, et sans le prévoir encore peut-être, à monter un jour lui-même à l'autel avec celte dévotion qui lui mérita, dans la suite, tant de faveurs et de grâces.

Ses vertueux parents, qui voulaient avant tout la gloire de Dieu et le Salut de leur fils, étaient bien loin de s'opposer à d'aussi saintes dispositions ; au contraire, ils bénissaient le Seigneur de ses vertus précoces et employaient tout leur soirs pour les fortifier et les augmenter. L'évêque de Malines, de son côté, touché de la modestie, du recueillement et des autres qualités de ce jeune enfant qu'il voyait souvent à l'église et qui lui servait la Messe avec une piété si peu ordinaire à cet âge, l'avait pris en affection particulière et lui faisait souvent de petits dons pour l'encourager et lui montrer son estime. Mais le pieux Germain, qui appréciait sans doute tout le prix de ces cadeaux d'un évêque, n'en gardait toutefois rien pour lui ; il savait qu'on ne peut aimer Dieu sans aimer aussi son prochain, et aussitôt il s'empressait de les donner aux pauvres, de même que ce qu'il recevait de la main de ses parents. C'est ainsi qu'il unissait déjà alors en lui, dans un degré bien parfait, les deux vertus fondamentales du Chrétien, celles d'où dépendent toutes les autres et qui renferment toute la loi : l'amour de Dieu et l'amour du prochain.

Parvenu à un âge un peu plus avancé, et probablement après avoir appris à la maison paternelle les premiers éléments des sciences, Germain fut envoyé à Paris avec Rodolphe, son frère unique, où il demeura quelques années, pendant lesquelles il fit des études distinguées et devint l'objet de l'admiration de tons ses condisciples. Au milieu des désordres et des scandales que cette grande capitale offrit toujours à la jeunesse et qui causèrent si souvent de honteux nauffrages à la vertu même la plus solide, notre jeune élève sut, par la prière, la vigilance, la fuite des occasions, la lecture des bons livres, la méditation de nos destinées éternelles, la mortification des sens et le jeûne, se prémunir contre tous les dangers ; ïl y fit des progrès aussi rapides dans la sanctification de son âme que dans l'acquisition des sciences humaines, et termina ses cours autant loué de sa rare piété qu'admiré pour ses talents et soit savoir.

Château de Menthon où naquit saint Bernard de Menthon
qui fut l'élève de saint Germain de Montfort. Savoie.

Dès son entrée dans celte école fameuse, on avait surtout remarqué en lui un grand mépris des créatures, une complète abnégation de lui-même, un zèle ardent pour le bien de l'Eglise, ce qui, d'après les Pères de l'Eglise, est la marque la plus certaine d'élection divine, une tendre dévotion pour la très-sainte Vierge dévotion qu'il soutint toute sa vie et qui lui valut dans la suite plusieurs apparitions de cette auguste Vierge.

Après avoir terminé ses études avec des succès aussi brillants et une piété aussi exemplaire, et avoir été revêtu du caractère sacré du sacerdoce, Germain, qui n'avait d'autres vues que de suivre en tout la volonté de son Dieu, le pria instamment de lui faire connaître ses desseins sur lui. Il fut exaucé, et voici comment : dans une des plus anciennes et des plus illustres familles de la Savoie, au château de Menthon, situé sur un riant coteau, au bord oriental du lac d'Annecy, le Seigneur avait accordé un fils à des parents vertueux. C'était Bernard de Menthon.

Dès son enfance, il montra les plus heureuses dispositions pour les sciences et surtout pour les vertus. Il avait alors atteint l'âge de sept ans, et le baron, son père, pensa à lui donner un précepteur.

Mais, comme les intérêts de la piété et de la religion furent toujours placés en première ligne dans nette illustre maison de Menthon, où l'on a toujours cru que la religion est le premier fondement de la véritable noblesse, Richard voulait avant tout un homme qui excellât dans la pratique des vertus Chrétiennes et dont les exemples et les leçons portassent son fils au bien en même temps qu'il l'instruirait des sciences humaines ; car il savait que rien n'est plus pernicieux à la jeunesse que les exemples des mauvais instituteurs, et que, partant, les parents ne doivent rien avoir plus à coeur que de choisir de bons maîtres pour diriger l'éducation de leurs enfants.

Ces motifs et un secret dessein de Dieu lui tirent demander notre Germain, homme aussi rare par la perfection de ses vertus que par celle de ses talents ; prêtre aussi versé dans les sciences de la terre que dans celles du Ciel. Germain regarda l'offre qu'on lui faisait comme une grâce venant du Ciel et une marque de la Volonté de Dieu, et, sans balancer, il se hâta d'arriver au château pour se livrer tout entier à la noble fonction que la Providence lui confiait. Il avait alors environ 25 ans. Le seul désir d'obéir à Dieu, de procurer Sa gloire, de contribuer à la sanctification du jeune Bernard et de travailler à son propre Salut, avait conduit Germain au château de Menthon. C'est à tout cela qu'il va s'appliquer sans relâche.

Statue de saint Bernard de Menthon.
Col du Petit-Saint-Bernard. Savoie.

Comme il avait médité bien des fois sur ces paroles de l'Esprit-Saint " Dieu résiste aux superbes ; mais il donne sa grâce abondante aux humbles ", son premier soin, dès qu'il y fut arrivé, fut de se raffermir dans cette précieuse vertu, l'humilité. Et, pour se prémunir contre les amorces de l'amour-propre et de l'orgueil auxquelles il se voit exposé au milieu des honneurs et de l'abondance dont il y est entouré, il fait ici ce qu'il a déjà fait dans la maison de son père et pendant tous ses cours à Paris il prie avec assiduité, il jeûne avec rigueur, il s'adonne avec ferveur aux exercices de la piété chrétienne, et surtout il s'emploie avec zèle pour former l'esprit et le coeur do son jeune élève. Dès son entrée au château, il considère le jeune Bernard comme une plante précieuse qu'il a mission de la part du ciel de cultiver, comme un coeur innocent qu'il doit porter à Dieu et former à la piété encore plus qu'à la science.

Sous la sage conduite de Germain, son saint précepteur, le jeune Bernard avait fait à Menthon des progrès si rapides dans les sciences, que, au rapport des historiens de sa vie, il arriva en peu de temps à un degré d'instruction où les autres ne parviennent qu'après de longues années. Aussi ses parents, voyant qu'il ne pouvait plus rien acquérir dans sa province, résolurent-ils de l'envoyer de bonne heure à Paris pour achever de le rendre tel qu'ils le désiraient.

Ils n'oublièrent point toutefois ce que la foi leur prescrivait par rapport à l'âme de leur fils ; c'est pourquoi ils préposèrent encore notre vertueux Germain à la garde de son innocence et le prièrent de vouloir bien l'accompagner à Paris et d'y continuer à cultiver ce riche fonds de nature et de grâce, comme il l'avait fait avec tant de succès dans leur château, Germain le promit avec bonheur. Ils partirent donc l'un et l'autre pour cette grande ville, accompagnés d'un gouverneur et de deux domestiques.

Saint Bernard avait alors 14 ans, et saint Germain, environ 32. Roland Viot, historien et prévôt du Grand-Saint-Bernard, vers l'an 1614, assure qu'ils entrèrent dans la célèbre université bâtie une centaine d'années auparavant par Charlemagne. C'est donc la même université où saint Germain avait déjà fait, quelques années plus tôt, des progrès si admirables dans les sciences et dans les vertus.

Pendant le séjour qu'ils y firent, Germain ne perdit pas un moment de vue son saint élève ; eu tout et partout il se montra vraiment l'ange tutélaire de cet enfant de bénédiction. Par ses soins, ses exhortations et ses conseils, Bernard se distingua bientôt dans l'étude de la philosophie, du droit et de la théologie, mais il se fit bien plus remarquer encore par son horreur pour le péché et son ardeur pour sa sanctification propre.
A la vue des désordres et des ravages affreux que le vice causait parmi ce concours prodigieux d'étudiants attirés de toutes parts dans cette école déjà si célèbre, souvent son coeur pur et innocent s'alarmait et se révoltait ; mais Germain était toujours là pour mettre son âme à l'abri des séductions. Il le prémunissait centre tous les dangers par la prière, la méditation des choses saintes, la fuite des occasions et la fréquentation des Sacrements ; il ne lui laissait pas perdre de vue la pensée de la présence de Dieu, et souvent, durant le jour, il élevait son âme au-dessus des choses de la terre par des considérations saintes et tentes embrasées de l'amour divin.

Bernard et Germain ayant été rappelés au château de Menthon, Germain y séjourna peu de temps, après quoi il se rendit immédiatement à Talloires, distant d'une demi-lieue, où vivaient déjà quelques cénobites sous la Règle de Saint-Benoît. Il y fut accompagné, dit l'auteur du Héros des Alpes, par une bonne partie des officiers du jeune baron. Or, l'on peut bien présumer que ce furent les exemples et les exhortations de Germain qui les avaient déterminés à cette vie plus parfaite ; car le zèle des Saints pour la gloire de Dieu et la perfection des âmes ne se lasse jamais.

Ayant entendu louer et vanter la régularité et la célébrité de l'abbé et des moines de Savigny, dans le diocèse de Lyon, dont la communauté de Talloires dépendait, il se sentit animé d'un désir ardent d'entrer dans cette maison sainte, où la Règle de Saint-Benoît était pratiquée avec toute la ferveur des premiers temps, et où chaque religieux était pour ainsi dire un Saint. C'est ainsi que les Saints aspirent toujours à ce qu'il y a de plus parfait et de plus propre à les faire avancer à grands pas dans la route de la perfection et du Salut.

Village de Talloires, sur les bords du lac d'Annecy. L'église
Saint-Maurice est l'ancienne église abbatiale de l'ancienne
abbaye bénédictine dont saint Germain de Montfort fut l'abbé.

Néanmoins, comme il ne voulait plus s'occuper que de Dieu et des choses du Ciel, il eut soin, avant de mettre son projet à exécution, de se débarrasser de tout ce qui pouvait encore attirer son esprit et ses pensées vers la terre. C'est pourquoi, s'appliquant à lui-même ces paroles du divin Naître " Si vous voulez étre parfait, vendez ce que vous avez, donnez-en le prix aux pauvres et me suivez ", il se rend incontinent auprès de son frère Rodolphe, à qui il fait part de son dessein. Rodolphe, pénétré lui-même de grands sentiments de piété et d'un grand zèle pour la gloire de Dieu et sa sanctification propre, se détermine avec joie à l'imiter. Ces deux frères vendent donc tout ce qu'ils possèdent et en donnent le prix aux pauvres.

Après cet acte sublime de charité et de désintéressement, Germain et son frère partent à l'instant pour le monastère de Savigny. ils y sont reçus par l'abbé Joire, homme également remarquable par sa science et ses vertus. C'est là qu'ils font leurs voeux et qu'ils s'engagent à suivre irrévocablement la Règle de Saint-Benoît dans toute sa rigueur.

Saint Germain était depuis quelque temps dans cet illustre monastère de Savigny qu'il édifiait par ses vertus, lorsque ses supérieurs, qui avaient remarqué en lui autant de capacité pour les affaires que de zèle pour la gloire de Dieu et sa propre sanctification, le renvoyèrent à Talloires pour y affermir la petite communauté de Bénédictins qui y existait sous la dépendance de Savigny (du temps de François de Sales, la communauté de Talloires se sépara de l'abbaye de Savigny ; placée pendant quelques années sous la juridiction des évêques de Genève, elle fut unie peu après à la congrégation du Mont-Cassin puis à celle de Savillien en Piémont. Son union à ces deux coongrégations perévéra jusqu'à la révolution en France), et qui y avait été fondée, à ce que l'on croit, du temps de Charlemagne. On lui associa son frère Rodolphe et quelques autres cénobites pour l'aider dans cette entreprise, et bientôt ils y eurent construit un monastère avec une église et fondé tout ce qui était nécessaire à l'entretiens des religieux.

Mais les soins extérieurs et pour ainsi dire matériels que Germain fut contraint de donner à la construction de ces édifices ne nuisirent point à l'avancement spirituel de son âme ; car non-seulement il rapportait et offrait à Dieu toutes ses peines et ses travaux, mais encore ii suivait tous les exercices de la communauté avec une ferveur digne des anciens cénobites. Sa fidélité et son ardeur toujours croissante étonnaient et édifiaient singulièrement les religieux même les plus réguliers et les plus saints de cette maison. Chacun s'efforçait à l'envi de l'imiter et de se former sur ses exemples, à l'esprit du saint patriarche du Mont-Cassin ; car alors on n'avait pas encore â déplorer ce funeste relâchement qui s'introduisit plus tard dans quelques-uns des membres de ce monastère de Talloires.

Ayant ainsi pleinement répondu aux desseins qu'on s'était proposés en l'envoyant à Talloires, Germain, qui croyait n'en avoir jamais assez fait pour la gloire de Dieu et son propre salut, retourne à Savigny et obtient du supérieur général la permission de vïsiter les principaux lieux de dévotion et spécialement la Terre sainte.

Cependant, pour leur procurer plus de mérite et de gloire, le Seigneur éprouve quelquefois ses Saints et permet qu'au milieu même de leurs plus excellents exercices, ils soient traversés, accablés par de graves tribulations. C'est ce que les légendes nous donnent lieu de remarquer encore dans notre glorieux saint Germain ; car elles ajoutent que, pendant ses pieux pèlerinages, il eut beaucoup à souffrir.

Au bout de trois ans environ, Germain, que ses pèlerinages et ses longues souffrances avaient de mieux en mieux rempli de l'esprit de Dieu et enflammé du désir du Ciel, revint à Talloires, apportant avec lui de Jérusalem plusieurs reliques précieuses qu'il déposa dans l'église du monastère, et qui y ont été conservées jusqu'à la Révolution française, époque où elles furent brûlées par les bêtes féroces républicaines, du moins en grand nombre, sous les marronniers, en face du couvent.

Chapelle Saint-Germain. Saint François de Sales la fit rebâtir
au XVIIe non loin de la grotte où saint Germain se retira.
Talloires, Savoie.

On ne sait pas au juste si ce fut avant ou après ce pèlerinage en Terre sainte que Germain fut élu prieur de la communauté de Talloires, qu'il avait déjà si grandement édifiée comme simple religieux ; mais on sait, par l'inscription de la grotte, qu'il l'était déjà l'an 989, et rien n'empêche de croire qu'il le fut plus tôt. L'obéissance à ses supérieurs et la crainte de résister à la volonté de Dieu firent que, malgré sa grande humilité et son extrême aversion pour les honneurs, il se soumit cependant à la dignité à laquelle on l'appelait. C'est ici une nouvelle carrière pour notre Saint, et un nouveau théâtre pour son zèle et ses vertus.

Plein de défiance de lui-même et de conflance en Dieu, saint Germain savait que toute sa force était dans le Seigneur, et que, sans son secours, il lui serait impossible de bien diriger la communauté à la tête de laquelle la divine Providence venait de le placer. C'est pourquoi son plus grand soin, dès qu'il fut nommé prieur, et pendant tout le reste de sa vie, fut de recourir au ciel, par de ferventes prières, afin d'obtenir pour les religieux qu'il devait conduire, et dont il devenait en quelque sorte le père, l'esprit de docilité, d'obéissance et de toutes les vertus ; et pour lui-même, les lurnières, la prudence, la fermeté et les autres qualités nécessaires dans un bon supérieur. Puis, sachant que la prière toute seule ne suffit pas à ceux qui sont chargés de conduire les autres ; mais qu'il faut encore les leçons jointes à l'exemple d'une vie sainte et parfaitement régulière, il s'efforça de devenir de plus en plus un modèle accompli de toutes les vertus et une image vivante de la perfection religieuse.

Par ses exemples, encore plus que par ses préceptes, il ne cessait d'exciter chacun de ses religieux à aimer sa cellule, à fuir l'oisiveté, à garder le silence, à s'affermir dans l'amour du travail, du jeûne, des veilles, de l'oraison et de la méditation continuelles ; à pratiquer la charité fraternelle et le support réciproque ; à aimer la sainte pauvreté et le détachement des choses de la terre ; à ne rien posséder en propre, suivant les prescriptions de la Règle ; à porter continuellement vers Dieu son esprit et son coeur et à ne rien faire que dans l'intention de Lui plaire ; en un mot, en tout et partout, il se montra un père très débonnaire, un maître très parfait et un supérieur très zélé.

D'après de telles impulsions, l'on vit bientôt le couvent de Talloires, où la Règle, il est vrai, n'avait pas encore été méprisée, prendre une ardeur toute nouvelle pour la piété, donner au monde l'exemple des plus austères vertus, et s'avancer avec une rapidité étonnante dans les sentiers de la plus haute perfection. C'était partout l'ordre le plus parfait, la régularité la plus entière. Chacun des religieux y travaillait à l'envi à son avancement spirituel ; tout y exhalait la bonne odeur des plus admirables vertus.

A un quart de lieue environ au-dessus de Talloires, dans le roc qui sert de base à la haute montagne de la Tournette et sur un précipice profond, se trouve une grotte solitaire taillée par la main du temps. Elle est placée à quelques pas en bas du presbytère et de l'église de Saint-Germain ; elle se trouve fermée de tous côtés par le rocher dans lequel elle s'enfonce, sauf au midi où l'on voit une muraille de date récente ; mais on peut supposer qu'un bloc éboulé du même rocher complétait autrefois sa clôture.

Dans cette grotte règne le silence le plus complet ; rien d'extérieur ne peut y distraire l'homme même le plus dissipé. C'est vraiment le lieu de la méditation et de la prière. Déjà même avant d'y être arrivé, tout prépare l'esprit et le coeur aux grandes pensées et aux saintes affections. Le sentier qui y conduit, les broussailles qu'il traverse, les aspérités du roc qu'il longe et qui parfois s'avance menaçant sur la tête ; l'abîme qu'on a à ses pieds, le bruit de l'eau qui tombe au fond en cascade écumeuse ; la vue ravissante du beau lac d'Annecy, des plaines et des coteaux qui l'avoisinent ; l'aspect de cette foule de montagnes aussi pittoresques que variées qui bordent son bassin ; tout cela forme à la fois quelque chose d'imposant et de grandiose, qui élève le spectateur au-dessus de la terre, le force en quelque sorte d'adorer et aimer l'auteur et le créateur de tant de merveilles, et de lui demander avec ferveur le secours de son bras tout puissant.

Une des vues que saint Germain de Montfort pouvait avoir depuis
sa retraite. Il aimait à contempler les merveilles de Dieu.
Talloires, Savoie.

Dès que saint Germain eut vu cet endroit si propre au recueillement de l'esprit et aux sainles ardeurs du coeur, il prit la résolution d'y terminer ses jours, Il savait du reste que la solitude est, comme dit saint Grégoire de Naziance, la mère des divins transports de l'âme vers le Ciel, ou, comme parle saint Jean Chrysostome, la soeur de lait des plus excellentes vertus. C'est pourquoi, d'après ce que les légendes nous apprennent, il demanda et obtint la permission de s'y retirer, afin de s'y occuper plus particulièrement de son Salut, et de s'y mieux préparer au grand voyage de son éternité.

Ce fut vers l'an 96O que ce nouveau Paul ou Antoine commença à venir se cacher dans les flancs du roc suspendu sur l'abîme dont nous venons de parler. Les légendes nous disent qu'il y demeura 40 ans, jusqu'au moment de sa mort, Il y montait tous les matins à l'aube du jour, après avoir assisté à l'Office de la nuit et célébré la sainte Messe au couvent de Talloires. Puis il y demeurait la journée entière, enseveli, pour ainsi dire, tout vivant dans ce creux, séparé de tout commerce humain et n'ayant à traiter qu'avec Dieu seul ; là, rien de terrestre, rien d'humain n'occupait son esprit. Sa vie entière, du matin jusqu'au soir, se passait dans la prière, l'oraison, la méditation des vertus éternelles, la contemplation des choses divines et les exercices de la pénitence la plus austère, Il y jeûnait tous les jours avec rigueur et ne prenait un peu de nourriture que sur le soir, au coucher du soleil, époque à laquelle il redescendait à Talloires pour assister à l'office de la nuit et remonter encore le lendemain, après s'être muni du pain des anges au saint autel.

Une tradition universelle dans le pays raconte que, arrivé un peu au bas du sentier qui conduit à la grotte, et à quelques pas au-dessus de l'endroit nommé le Saut du Moine, notre Saint se mettait chaque jour à genoux sur une pierre plate, ou espèce de roc, placée à côté et au niveau du chemin, pour y faire une sainte préparation à ses exercices de la journée. On ajoute que, pour mieux fixer ses pensées, il traçait sur la pierre avec le doigt une petite croix qu'il baisait au commencement et à la fin de sa prière, et que la croix ainsi que l'empreinte de ses genoux et de ses mains y demeurèrent et y demeurent encore gravées. Les mains sont fermées et les articulations des doigts bien distinctes.

Pour perpétuer le souvenir de ce prodige, on avait construit, sur l'endroit même, un petit oratoire qui malheureusement tombe en ruine ; et, quoique la pierre soit à découvert depuis bien longtemps, les vestiges de la croix, des genoux et des mains y sont encore parfaitement dessinés, et attirent la vénération d'un grand nombre de fidèles.

Après avoir achevé sa prière préparatoire à cet endroit, saint Germain entrait dans sa grotte pour s'y livrer chaque jour avec plus d'ardeur à ses saints exercices, et n'en plus sortir que sur le soir, au coucher du soleil.

Un jour, et ce trait mérite d'être cité à cause du nombre et de l'uniformité des témoignages qui le rapportent, ainsi que des monuments qui le confirment, un jour, disons-nous, de malheureux individus, poussés, on ne sait par quels motifs, résolurent d'empêcher notre Saint de se rendre à son ermitage. Ils se placèrent pour cela à l'entrée du sentier qui y conduit, et lui en refusèrent obstinément le passage.

L'homme de Dieu, qui a mis toute sa confiance dans le Seigneur, ne se déconcerte pas ; mais, sans plus mot dire, il va plus loin, monte sur le rocher qui forme la grotte, fait une prière, s'avance sur le faîte de l'abîme, et, inspiré et soutenu par Celui qu'il sert, il se laisse tomber et se trouve sans aucun mal à l'entrée de sa retraite, malgré les obstacles de ses persécuteurs.

Les vestiges de ses deux pieds sont demeurés gravés et parfaitement dessinés sur la pierre, au rapport d'un très-grand nombre de personnes qui les ont vus, et qui ont surtout admiré les doigts parfaitement réguliers et distincts. Mais malheureusement ces vestiges ont été cachés, il n'y a pas très-longtemps [1er quart du XIXe], à l'époque où l'on a converti en jardin le petit plateau d'au-dessus de la grotte.

D'après une autre tradition très-répandue et presque universelle dans Talloires et les environs, nous apprenons aussi que, étant sur la fin de sa vie et ne pouvant presque plus marcher, par suite de son ascèse et du poids de ses années, il assistait néanmoins exactement à l'Office conventuel du soir à Talloires, et que souvent il y était transporté et en revenait par miracle. On ajoute que, plus d'une fois, pour s'en assurer, des personnes l'ont épié et l'ont vu réellement dans sa grotte du rocher jusqu'au moment précis où l'on sonnait l'office, et qu'à cet instant il disparaissait et se trouvait le premier dans l'église du monastère.

Ces traits n'ont certainement rien d'impossible ; nous les citons cependant, non pas pour en vouloir faire une certitude, mais seulement à cause du grand nombre de personnes vraiment dignes de foi qui assurent uniformément les avoir entendu raconter maintes et maintes fois à leurs parents, lesquels certifiaient aussi les avoir appris de leurs aïeux, et ainsi de suite.

Tandis que Germain se sanctifiait ainsi dans sa retraite par la pratique des plus admirables et des plus héroïques vertus, le baron et la baronne de Menthon, qui n'avaient point encore cessé de regretter leur fils unique, le retrouvèrent au sommet du Mont-Joux, aujourd'hui le Grand-Saint-Bernard. L'étonnante sainteté de cet enfant chéri avait fait une si forte impression sur le coeur des deux nobles vieillards, qu'à leur retour ils réformèrent tout leur train et ne voulurent plus travailler que pour le ciel, ni songer à autre chose qu'à leur éternité ; trop heureux d'avoir un Saint dans leur famille, ils ne s'efforcèrent plus que d'en imiter les vertus. Pour mieux y réussir, ils rappelèrent de sa solitude Germain, jadis précepteur de leur fils ; car ils appréciaient en ce moment mieux que jamais les hautes vertus de ce saint prêtre, en voyant celles qu'il avait su inspirer à leur cher enfant. Puis ils le prièrent de vouloir bien être désormais leur confesseur et leur directeur dans les voies du salut, et de ne les plus considérer à l'avenir que comme des âmes qui cherchaient à aller au Ciel par ses soins et ses conseils.

Saint Germain, loin de se rappeler ce qui s'était passé autrefois à son égard, accepte cet emploi avec un vif plaisir ; car il y voit de nouveaux Saints à former, de nouvelles âmes à conduire à Dieu. Il retourne donc à leur château. A peine y était-il arrivé que déjà le feu divin qui le consumait était passé tout entier dans le coeur de ses nobles pénitents ; et dès ce moment on ne vit plus dans ce manoir antique que les marques de la plus parfaite et de la plus éminente piété, tellement qu'on l'aurait pris plutôt pour un monastère que pour une place forte.

Après la mort du baron et de la baronne de Menthon, Germain retourna à sa chère solitude, et employa le legs qu'il avait reçu à faire bâtir une cellule et un oratoire ou chapelle, à quelques pas au-dessus de sa grotte, dans l'endroit même où se trouvent actuellement le presbytère et l'église paroissiale de Saint-Germain.

Dès lors, il ne descendait plus aussi souvent à Talloires à raison de son âge avancé, et peut-être aussi pour mieux se séparer dc tout commerce avec les hommes et n'avoir plus d'autres rapports qu'avec Dieu seul ; mais il passait la nuit dans sa cellule, et il célébrait la sainte messe dans la chapelle qu'il venait de faire construire. Pendant la journée, il continuait à.se retirer dans sa grotte, où il s'occupait uniquement de Dieu et de son éternité, qu'il voyait s'approcher, et où il vivait comme si son âme eût déjà été dans le ciel et son corps dans la tombe.

Il y jouissait en quelque sotte des avant-goûts des délices du paradis, et les légendes nous assurent qu'il y fut favorisé de plusieurs apparitions de la très sainte Vierge, de saint Martin de Tours et de saint Benoît, pour lesquels il eut toute sa vie une très-grande dévotion.

Enfin, après avoir passé environ quarante ans dans cette solitude, notre saint anachorète, qui n'était plus fait pour la terre, s'endormit doucement dans le Seigneur, vers l'an 1000. I1 est certain qu'il mourut duos sa cellule et non dans la grotte.

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29 octobre. Saint Salve, évêque d'Amiens. 615.

- Saint Salve, évêque d'Amiens. 615.

Pape : Saint Dieudonné. Roi de France : Clotaire II.

" Le pain de l'âme, c'est la justice ; heureux seulement ceux qui en ont faim, parce qu'ils seront rassasiés."
Saint Bernard.

Saint Salve préside à la translation des reliques de saint Firmin.
Speculum historiale. V. de Beauvais. XVe.

Salvi, Scaulve, Saulve, Sauve, Salvian, Salvius, Salvus. Plusieurs saints ont porté ce nom, entre autres un martyr, contemporain de saint Augustin ; un ëvêque d'Angoulême, martyrisé dans le Hainaut, en 798 ; et un évêque d'Albi, mort en 587. La similitude de ces noms a donné lieu à de nombreuses confusions. Baronius et Chastelain ont confondu notre évêque avec le martyr du IVe siècle. Molanus, Meyer, Aubert le Mire, avec l'évêque d'Angoulême ; saint Antonin, Volateran et Belleforest, avec l'évêque d'Albi. Cette dernière erreur s'explique d'autant mieux qu'il s'agit de deux Saints ayant ëtê moines avant d'être évêques, dont le nom est le même, et dont les sièges offrent aussi une grands similitude de nom. On sait, en effet, qu'Ambianensis a été souvent contracté en Ambiensis (Flodoard), ce qui ne fait qu'une lettre de différence avec Albiensis.

Saint Salve est la plus grande figure que nous offre l'histoire de l'Eglise d'Amiens au VIIe siècle ; successeur d'un prélat illustre par sa sainteté, il ne parut inférieur à saint Honoré ni en science, ni en vertus, ni par les faveurs extraordinaires dont le Seigneur daigna le combler.

Salve naquit dans l'Amiénois, au vie siècle. Sa naissance était distinguée. Dès sa jeunesse, il quitta le monde pour se consacrer entièrement à Dieu II était pieux, sage dans le conseil, non moins remarquable par la beauté de ses traits que par son éloquence et la profondeur de son savoir. Il s'en alla, a l'extrémité du Ponthieu, fonder un monastère sous l'invocation de la sainte Vierge et de l'apôtre saint Pierre, au lieu où s'éleva plus tard la ville de Montreuil-sur-Mer.

Eglise Saint-Saulve. Montreuil. Pas-de-Calais.

Nous ignorons si ce fut avant son entrée dans la vie religieuse, ou depuis, dans un voyage qu'il aurait fait à Amiens, que Salve fut témoin du plus célèbre des miracles qui signalèrent la vie de saint Honoré l'apparition d'une main divine au-dessus de l'autel, pendant la messe tout ce que nous savons sur la présence de saint Salve à ce prodige se bornant à la mention de ce fait.

L'occupation journalière de Salve, dans sa pieuse retraite, était le jeûne et la prière. Venir en aide à ses frères, vaincre constamment l'antique ennemi, gagner des âmes à Dieu, étaient ses œuvres. Les vertus du saint moine furent si éclatantes, qu'après la mort de l'abbé, que lui et ses frères avaient placé a la tête du monastère, il fut élu, d'une voix unanime, pour le remplacer. Elevé à cette dignité, son mérite devint encore plus évident aux yeux de tous. Moine pieux et lérvent, il devint un abbé d'un mérite exemplaire, toujours le premier à accomplir la règle, et ses disciples trouvaient en lui, à la fois, un modèle et un père. De nombreux miracles attestèrent dès lors sa sainteté.

Dans le même temps où Salve édifiait ainsi, par ses vertus et ses exemples, la partie de la portion du diocèse d'Amiens qui borde la mer, saint Honoré, évoque d'Amiens, vint, a mourir à Port, lieu de sa naissance, à quelques lieues du monastère où vivait notre Saint. Dès que la nouvelle de ce décès fut parvenue aux oreilles du roi, il envoya dans la ville d'Amiens des délégués, dont le principal était saint Achaire, évcque de Noyon et de Tournai, pour faire procéder a l'élection d'un nouveau prélat. L'évêque de Noyon était, spécialement, chargé de veiller a ce que le clergé et le peuple d'Amiens se choisissent un évêque selon Dieu.

Saint Salve priant pour découvrir le corps de saint Firmin.
Speculum historiale. V. de Beauvais. XVe.

Un jeûne de trois jours fut ordonné pour demander au Seigneur de vouloir bien désigner celui que sa divine Providence destinait à monter sur le siège. d'Amiens, et chacun fit au ciel d'ardentes prières à cet effet. La demande des Amiénois fut exaucée les trois jours écoulés, ils entendirent
une voix céleste leur adresser ces paroles :
" Sachez que j'ai choisi Salve et vous l'ai donné pour évêque."
Tous furent remplis de joie par cette miraculeuse réponse ; l'humble religieux, seul, n'avait pas ratifié le choix divin : son humilité lui faisait regarder l'épiscopat comme un fardeau au-dessus de ses forces.

Mais Dieu avait parlé, les Amiénois obéirent. Salve fut enlevé de force de sa cellule et placé malgré lui sur ce siège illustre qui avait déjà été occupé par tant de saints Pontifes, et dont il devait lui-même, rehausser la splendeur.

Devenu évêque d Amiens, il s'attira bientôt. l'amour et le respect de ses diocésains, et la renommée de son mérite se répandit également au loin. Le roi l'appela à siéger dans ses conseils, tandis que les Amiénois, dont il s'était rapidement gagné tous les cœurs, réunirent en lui deux qualités de magistrat et d'évêque, le déclarant seigneur temporel de la ville épiscopale.

Cathédrale Notre-Dame. Amiens. Picardie. France.

Lors de son avènement, l'église cathédrale d'Amiens était encore celle élevée, hors des murs de la cité, par saint Firmin le Confesseur, sur le tombeau de saint Firmin le Martyr, et dédiée à Notre-Dame des Martyrs. Comme elle était trop éloignée do la ville, Salve en construisit une autre, dans son enceinte, au lieu où nous voyons actuellement la basilique de Notre-Dame. Cette nouvelle cathédrale était une construction somptueuse pour l'époque, quoique bâtie principalement en bois. Elle fut, plus tard, brûlée par les Normands. Saint Salve y transféra toutes les reliques conservées jusqu'alors dans l'église Notre-Dame des Martyrs, à laquelle il laissa quelques prêtres pour y célébrer l'office divin, et qui devint plus tard l'abbaye de Saint-Acheul.

Le saint évéque fit encore construire dans Amiens une autre église, qu'il dédia aux saints apôtres Pierre et Paul, et qui fut remplacée ensuite par la collégiale de saint Firmin le Confesseur, détruite a la Révolution par les bêtes féroces.

Saint Salve désirait vivement pouvoir vénérer dans sa nouvelle cathédrale, les précieuses reliques do saint Firmin le martyr. Le lieu précis de la sépulture du premier évêque d'Amiens était ignoré, bien que l'on sût qu'il était dans l'enceinte de l'église Notre-Dame des Martyrs, ce qui, du reste, était indiqué par de fréquents miracles. Le saint évêque résolut de s'adresser à Dieu pour en obtenir la révélation.

Après un triduum de prières, un rayon céleste, plus brillant que la lumière du jour, indiqua à saint Salve la place où reposait ce saint trésor qu'il s'empressa de lever de terre et de transférer à Amiens, au milieu des plus grands prodiges. Le récit détaillé de cette translation, à laquelle assistèrent les évêques de Beauvais, de Cambrai, de Thérouanne et de Noyon, appartient à l'histoire des reliques de saint Firmin.

Saint Salve (3e à partir de la gauche). Portail Saint-Firmin.
Cathédrale Notre-Dame. Amiens. Picardie.

Salve, suivant le devoir d'un bon pasteur, parcourait assidûment son diocèse, annonçant à tous la parole de la vie éternelle. Il contribua beaucoup a déraciner des cœurs de ses ouailles les derniers vestiges du paganisme, et engendra à Notre Seigneur Jésus-Christ, par l'Evangile, d'innombrables fils.

Souvent, avec la santé de l'âme, il rendait à ses diocésains celle du corps, car Dieu se plaisait à confirmer ses paroles par des prodiges. L'auteur de sa Vie nous apprend qu'en parcourant ainsi son diocèse, il rendit la vue à un aveugle, délivra du démon la fille d'un nommé Guadon, etc. Un de ses plus célèbres miracles fut la guérison d'un enfant sourd et muet, auquel il rendit l'ouïe et la parole, qu'il baptisa et nomma Ingaud, et qui, après avoir été son disciple sur la terre, partage maintenant sa gloire dans les cieux.

Salve ne renferma pas son zèle dans la seule étendue de son diocèse ; il fit partie, comme nous l'avons dit, des conseils du roi, dans lesquels il s'opposa, avec un esprit vraiment épiscopal, aux désirs des méchants et a la corruption des ennemis du Christ. Humble et doux pour tous, dur seulement pour lui-même, pauvre de volonté, mais riche en libéralités, non seulement il distribuait ses biens aux pauvres ; mais il se donnait lui-même à tous, dans les ardeurs d'une inépuisable charité, qui le portait non seulement à enrichir ses ouailles en s'appauvrissant, mais à se sacrifier pour elles.

Pendant que le saint Evêque distribuait des secours temporels et spirituels aux malades, au milieu d'une contagion publique, il fut atteint a son tour par le fléau, et mourut victime de son dévouement le 28 octobre, vers l'an 615. Les miracles qui avaient illustré sa vie, giorifiérent son tombeau après sa mort.

Cathédrale Notre-Dame. Amiens. Picardie. France.

REPRESENTATION ET ICONOGRAPHIE

La clôture du choeur de Notre-Dame d'Amiens, consacrée à l'histoire de saint Firmin le Martyr, contient dans sa seconde travée quatre scènes où figure saint Salve :
- la première arcade représente la prédication du saint évêqne une trentaine de personnages sont reçus dans une église : les hommes sont debout et ont la tête couverte ; les femmes sont assises sur des pliants. Saint Salve, monté dans une chaire de forme sexagonale, engage les fidèles à prier Dieu pour obtenir révélation du lieu où reposent les reliques du martyr saint Firmin ;
- la deuxième arcade représente le rayon miraculeux saint Salve a vu un rayon miraculeux émaner du trône céleste pour désigner la sépulture de son saint prédécesseur. il est descendu de chaire, a quitté sa chape et, revêtu seulement de l'aube et du manipule, il s'est mis à genoux au pied de l'autel et contemple le prodige qui vient de s'accomplir ;
- la troisième arcade représente l'invention des reliques saint Salve vient de déterrer à moitié le corps de saint Firmin qui est revêtu de ses insignes pontificaux. Il est accompagné de quatre évêques, d'un prêtre en aube, d'un chanoine portant l'aumusse (1), de clercs en tunique, d'acolytes portant croix et chandeliers, etc. Leurs physionomies expriment le ravissement qu'ils éprouvent en respirant une odeur miraculeuse ;
- la quatrième arcade représente la translation des reliques elles sont transférëes dans une châsse, de Saint-Acheul à Amiens, par six lévites, diacres et prêtres. La procession s'ouvre par une confrérie qui porte des flambeaux et se termine par cinq évêques crossés et mitrés. Les arbres verts et les épis mûris rappellent le prodige du changement de saison. On voit sur la route deux malades qui sont guéris par l'intercession de saint Firmin.

Au portail Saint-Firmin, à Notre-Dame d'Amiens, on voit la statue de saint Salve, portant l'étole, le manipule, la chasuble, la mitre et la crosse.

On conservait jadis à Saint-Firmin-en-Castillon trois grandes tapisseries où figurait saint Salve, découvrant et transférant les reliques de saint Firmin.

Mentionnons encore un vitrail moderne à Villers-Bretonneux et un tableau à la chapelle de l'évêché.

Eglise Notre-Dame de Saint-Acheul. Ancienne cathédrale
fondée par saint Salve. Amiens. Picardie.

CULTE ET RELIQUES

Le culte de saint Salve était fort populaire au moyen Âge. On lui bâtit à Amiens une chapelle qui a disparu depuis longtemps et dont on ignore même l'ancien emplacement. Une autre chapelle lui fut dédiée dans la cathédrale d'Amiens ; mais, quand on y eut placé le crucifix miraculeux du Sauveur, désigné vulgairement sous ]e nom de Saint-Sauve ou Saint-Saulve, notre saint évêque, qui devait être perpétuellement la victime d'une confusion de noms, se vit peu à peu oublié, et la piété populaire, ne restant fidèle qu'au nom de Saint-Sauve, s'adressa exclusivement à l'image bizantine qui représente Jésus crucifié.

L'évêque Arnoul, qui mourut en 1246, légua une somme de quatre livres pour qu'on célébrât plus solennellement ]a fête de saint Salve.

Bien qu'il soit mort le 28 octobre, on ne faisait sa fête que le 29, parce qu'elle coïncidait avec celle, très solennelle et de premier ordre, des saints apôtres Simon et Jude. Elle est inscrite dans tous les bréviaires amiénois dans l'ancien Propre de Saint-Dorent de Roye et dans le Propre de Saint-Vatery dans l'ancien bréviaire de Noyon (1764), qui se trompe en faisant de notre Saint le patron d'une église de ce diocèse, tandis que c'est saint Sauve, évêque d'Angoulême, qui est le patron d'Essigny ; enfin dans le Propre actuel d'Arras.

Le nom de saint Salve est inscrit dans les litanies amiénoises du XIIe siècle, dans le martyrologe romain, dans ceux de Du Saussay, de Chastelain, de Galesinus, de Hugues Ménard, etc., qui ont commis la même erreur de date, en confondant saint Salve, évêque d'Amiens, avec le martyr saint Salvius.

Il y avait une confrérie de Saint-Sauve à Waben, paroisse de l'ancien doyenné de Montreuil. Une impasse, à Abbeville, porte le nom de Saint-Salve. L'ancienne abbaye montreuilloise de ce nom ne s'est même pas survécu dans quelques ruines. C'est l'Hôtel de Ville qui est construit sur son emplacement.

Saint Salve fut enseveli dans la cathédra]e de Notre-Dame-des-Martyrs (Saint-Acheul) mais ses reliques furent transférées vers l'an 695 à l'église de l'abbaye de Montreuil, qui prit bientôt le nom de Saint-Salve. Le 11 juin 1111, saint Geoffroy, évêque d'Amiens, les transféra dans une nouvelle châsse. Une troisième translation eut lieu le 2S mai 1702. Le 24 août 1729, l'évêque Pierre de Sabatier fit à Montreuil la reconnaissance des reliques de saint Salve. Dans ces diverses ouvertures de châsse, on retira quetques ossements du Saint pour les donner a l'abbaye de Sainte-Austreberte de Montreuil, l'abbaye de Saint-Vincent de Laon, et à la cathédrale de Cantorbery.

Il ne reste plus aujourd'hui, à Montreuil, qu'un ossement de saint Salve dans un petit reliquaire en argent. La grande châsse et deux autres reliquaires, l'un en forme de pyramide, l'autre en forme de bière, furent envoyés à la Monnaie par Le Bon, lors de la mission que ce conventionnel remplit à Montreuil en 1793...

Cette notice, due à M. Charles Salmon, est tirée de La semaine religieuse du diocèse d'Amiens ; complétée avec l'Hagiographie du diocèse d'Amiens par M. l'abbé Corblet.

Chanoine portant l'aumusse sur les épaules.

(1). L'aumusse est un capuchon avec une pélerine courte y tenant, qu'on portait au dehors pour présever la tête et le cou du froid. On les doublait souvent alors de fourrures. Les aumusses, au XIIIème étaient assez profondes pour pouvoir cacher un objet dans la pointe.

Elle est devenue, comme partie du costume de choeur, un insigne distinctif des chanoines concédé aussi aux bénéficiers de certains chapitres.

On en trouvera la description précise et étendue dans " Le costume et les usages ecclésiastiques selon la tradition romaine ", Tome Ier, p. 317, de Mgr Xavier Barbier de Montault, consultable sur le site de l'excellente bibliothèque en ligne Saint-Libère :

http://www.liberius.net/livres/000000235.pdf

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samedi, 28 octobre 2023

28 octobre. Saint Simon et saint Jude, Apôtres, Martyrs en Perse. Ier siècle.

- Saint Simon et saint Jude, Apôtres, Martyrs en Perse. Ier siècle.

Pape : Saint Alexandre Ier. Roi de Perse : Chosroës Ier. Empereur romain : Trajan.

" Fecerat hos fratres eadem natalis origo :
Mors tamen una magis fecit et una fides."

" Un même sang les avait rendus frères ;
Une même foi et un même martyre ont mis le dernier sceau à cette fraternité."

Hugues Vaillant, Fasti sacri.


Saint Simon et saint Jude. Heures à l'usage de Paris. XVe.

Simon signifie obéissant ou triste. Il eut deux surnoms, car on l’appela Simon le Zélé, et Simon le Cananéen, de Cana, bourg de la Galilée, où le Seigneur changea l’eau en vin. En outre Zélé et Cananéen sont tout un, puisque Cana signifie zèle. Or, saint Simon posséda l’obéissance en accomplissant les préceptes ; la tristesse en compatissant aux affligés ; le zèle en travaillant constamment avec ardeur au salut des âmes.

Jude veut dire confessant ou glorieux : ou bien il vient de donnant jubilation. En effet, il confessa la foi, il posséda la gloire du royaume et la jubilation de la joie intérieure. Il eut beaucoup de surnoms, car :
1. il fut appelé Judas, frère de Jacques, comme frère de saint Jacques le Mineur ;
2. il fut appelé Thaddée, qui veut dire s'emparant du prince, ou bien Thaddée vient de Thadea et Deus. Thadea signifie vêtement royal. Il fut le vêtement royal de Dieu par les vertus qui l’ont orné et par où il a pris le prince Jésus-Christ. Thaddée vient aussi de Quasi tam Deus, c'est-à-dire grand comme Dieu, par son adoption ;
3. dans l’Histoire ecclésiastique, il fut nommé Leben, qui veut dire coeur, ou petit coeur, c'est-à-dire qui orne son coeur, ou bien Lebens, comme on dirait Lebes, bassin ; coeur par sa magnanimité ; petit cœur par sa pureté ; bassin par sa plénitude de grâces, puisqu'il a mérité d'être comme une chaudière, un vase de vertus et de grâces.
Leur passion et leur légende furent écrites en hébreu par Abdias, évêque de Babylone, qui avait reçu l’épiscopat des mains des apôtres eux-mêmes. Throphée, disciple d'Abdias, les traduisit en grec, et Africanus en latin.


Saint Simon et saint Jude. Bréviaire romain. XVe.

Simon de Cana et Jude Thaddée étaient les frères de saint Jacques le mineur, et fils de Marie Cléophé qui fut mariée à Alphée. Jude fut envoyé à Abgare, roi d'Edesse, par saint Thomas, après l’ascension de Notre Seigneur Jésus-Christ. On lit en effet dans l’Histoire ecclésiastique (Eusèbe, I, I, ch. XIII.) que cet Abgare adressa une lettre ainsi conçue à Notre Seigneur Jésus-Christ :
" Abgare, roi, fils d'Euchassias, à Jésus, le bon Sauveur, qui a apparu dans le pays de Jérusalem, salut.
J'ai entendu parler de vous et des guérisons que vous faites, sans employer ni médicaments, ni herbes : d'un mot vous faites voir les aveugles, marcher droit les boiteux, les lépreux sont purifiés et les morts reviennent à la vie. Ayant entendu raconter de vous toutes ces merveilles, je pense de deux choses l’une, ou que vous êtes Dieu et que vous êtes descendu du ciel afin d'opérer ces prodiges, ou que vous êtes le fils de Dieu, si vous agissez ainsi.
C'est pourquoi je vous écris pour vous prier de prendre la peine de venir me voir et me guérir d'une douleur qui me tourmente depuis longtemps. J'ai su encore que les Juifs murmurent contre vous et veulent vous faire un mauvais parti, venez donc chez moi ; j'ai une ville petite, il est vrai, mais convenable, qui peut suffire à deux personnes."

Notre Seigneur Jésus-Christ lui répondit en ces termes :
" Vous êtes bienheureux d'avoir cru en moi, sans m’avoir vu ; car il est écrit de moi que ceux qui ne me voient pas, croiront, et que ceux qui me voient, ne croiront point. Quant à ce que vous m’avez écrit d'aller chez vous, il faut que s'accomplissent toutes les choses pour lesquelles j'ai été envoyé, et ensuite que je sois reçu de celui qui m’a envoyé. Après mon ascension, je vous enverrai un de mes disciples pour vous guérir, et vous vivifier."


Saint Simon et saint Jude. Graduel à l'usage de
l'abbaye Notre-Dame de Fontevrault. XIIIe.

Alors Abgare comprenant qu'il ne pouvait pas voir Notre Seigneur Jésus-Christ en personne, envoya - c'est ainsi qu'on le trouve dans une histoire antique, d'après le témoignage de saint Jean Damascène (I. IV.) - un peintre à Jésus pour faire son portrait afin de voir au moins dans son image celui qu'il ne pouvait voir en personne. Mais quand le peintre était auprès de Jésus, il ne pouvait voir distinctement sa face, ni tenir les yeux fixés sur lui, à cause de l’éclat extraordinaire qui partait de sa tête, de sorte qu'il ne put le peindre comme il en avait reçu l’ordre. Le Seigneur, voyant cela, prit un vêtement qui servait de linge au peintre, et le mettant sur sa figure, il y imprima ses traits et l’envoya au roi Abgare qui le désirait. Or, tel était le portrait du Seigneur d'après cette histoire antique, toujours selon le témoignage de saint Jean de Damas :
" Il avait de beaux yeux, des sourcils épais, la figure longue et légèrement penchée, ce qui est un signe de maturité."


Saint Simon et saint Jude. Bréviaire à l'usage de Paris. XVe.

Or, cette lettre de Notre Seigneur Jésus-Christ a, dit-on, une telle vertu, que dans cette ville d'Edesse aucun hérétique ni aucun païen n'y saurait vivre, et un tyran quelconque n'oserait y faire mal à personne (Ordéric Vital, l. II.). En effet, s'il arrive qu'une nation vienne attaquer cette ville à main armée, un enfant, debout au haut de la porte, lit cette lettre et le même jour, les ennemis, soit qu'ils aient peur, prennent la fuite, soit qu'ils veulent la paix, entrent en composition avec les citoyens ; c'est ce qu'on rapporte être autrefois arrivé : mais dans la suite la ville fut prise et profanée par les Sarrasins ; elle avait perdu son privilège en raison des péchés innombrables qui s'étaient commis publiquement dans tout l’Orient.


Saint Simon et saint Jude. Bréviaire franciscain. XVe.

Quand Notre Seigneur Jésus-Christ fut monté au ciel (Eusèbe, I, I, ch. XIII.), l’apôtre saint Thomas envoya Thaddée, autrement dit Jude, au roi Abgare, pour accomplir la promesse de Dieu. Arrivé auprès d'Abgare, après qu'il lui eut déclaré être le disciple à lui promis par Jésus, le roi vit dans le visage de Thaddée une splendeur admirable et divine. A cette vue, stupéfait et effrayé, il adora le Seigneur en disant :
" Vraiment vous êtes le disciple de Jésus, fils de Dieu, qui m’a écrit : " Je vous enverrai quelqu'un de mes disciples pour vous guérir et vous donner la vie "."
Thaddée lui dit :
" Si vous croyez au Fils de Dieu, vous obtiendrez dit ce que votre cœur désire."
Abgare répondit :
" Je crois de vrai, et les Juifs qui l’ont crucifié je les égorgerais volontiers, si j'en avais le pouvoir et si l’autorité des Romains n'était pour moi un obstacle insurmontable."
Or, comme Abgare était lépreux, lit-on en quelques livres, Thaddée prit la lettre du Sauveur en frotta la face du roi et aussitôt il recouvra la santé la plus parfaite.


Saint Simon et saint Jude. Bréviaire à l'usage de Langres. XVe.

Par la suite, saint Jude prêcha dans la Mésopotamie et dans le Pont, et saint Simon en Egypte.
Ensuite, ils vinrent tous les deux en Perse où ils rencontrèrent deux magiciens, Laroës et Arphaxat, que saint Mathieu avait chassés de l’Ethiopie. A cette époque, Baradach, général du roi de Babylone, avant de partir pour combattre les Indiens, ne pouvait obtenir aucune réponse de ses dieux. Mais en allant au temple d'une ville voisine, on apprit que l’arrivée des apôtres était la cause pour laquelle les dieux ne pouvaient répondre.

Alors le général les fit chercher et quand il les eut trouvés, il leur demanda qui ils étaient et ce qu'ils étaient venus faire. Les apôtres répondirent :
" Si c'est notre nation que vous voulez connaître, nous sommes hébreux ; si c'est notre condition, nous déclarons être les serviteurs du Christ ; si vous voulez savoir le motif de notre venue, c'est pour vous sauver."
Le général leur répartit :
" Quand je serai revenu vainqueur, je vous entendrai."
Les apôtres lui dirent :
" Il y aurait pour vous bien plus d'avantage à connaître celui qui peut ou vous faire remporter la victoire ou du moins disposer les rebelles à la paix."
Le général leur répondit :
" Je vois que vous êtes plus puissants que nos dieux ; annoncez-nous donc d'avance, je vous prie, l’issue de la guerre."
Les apôtres lui dirent :
" Afin que vous sachiez que vos dieux sont des menteurs, nous leur ordonnons de répondre à vos demandes, et, en disant ce qu'ils ignorent, nous allons vous prouver qu'ils ont menti en tout point."
Alors les prêtres des idoles prédirent une grande bataille dans laquelle beaucoup de monde serait massacré de part et d'autre. Les apôtres se mirent alors à rire, et le général leur dit :
" Moi, je suis saisi de crainte, et vous, vous riez ?"
Les apôtres répondirent :
" Ne craignez rien, car la paix est entrée ici avec nous, et demain, à la troisième heure, les ambassadeurs des Indiens viendront vous trouver, faire leur soumission et implorer la paix."
Alors les prêtres se mirent à éclater de rire aussi, en disant au général :
" Ces gens-là veulent vous inspirer de la sécurité, afin que ne vous tenant pas sur vos gardes, vous soyez défait par nos ennemis."
Les apôtres reprirent :
" Nous ne vous avons pas dit : attendez un mois, mais un jour, et demain vous serez vainqueur et vous aurez la paix."
Alors le général les fit garder tous les deux, afin de leur rendre hommage, s'ils avaient dit la vérité sur ce qui devait échoir, ou bien de les punir pour leur mensonge criminel.


Saint Simon et saint Jude face aux mages.
Vies de saints. J. de Montbaston. XIVe.
 
Le lendemain donc, ce que les apôtres avaient prédit, s'étant réalisé, et le général ayant voulu faire brûler les prêtres, il en fut empêché par les apôtres qui avaient été envoyés non pour tuer les vivants, mais pour ressusciter les morts.
Alors le général, plein d'admiration de ce qu'ils n'avaient pas laissé tuer les prêtres des idoles et de ce qu'ils ne voulaient accepter rien de leurs richesses, les conduisit au roi :
" Prince, lui dit-il, voici des dieux cachés sous des figures d'hommes !"
Et après lui avoir raconté,. en présence des magiciens, tout ce qui s'était passé, ceux-ci, excités par l’envie, dirent que c'étaient des gens rusés et qu'ils méditaient de mauvais projets contre l’État. Le général leur dit :
" Si vous l’osez, luttez avec eux."
Les magiciens lui dirent :
" Si tu veux voir qu'ils ne pourront parler en notre présence, qu'on amène ici les hommes les plus éloquents, et si, devant nous, ils osent ouvrir la bouche, vous aurez la preuve que nous ne sommes propres à rien."
Un grand nombre d'avocats ayant été amenés, à l’instant, ils devinrent muets en présence des mages, au point qu'ils ne pouvaient pas même manifester par des signes qu'ils étaient incapables de parler. Et les magiciens dirent au roi :
" Afin que tu saches que nous sommes des dieux, nous allons leur permettre de parler, mais ils ne pourront se promener; puis nous leur rendrons la faculté de marcher, mais nous ferons qu'ils ne voient pas, bien qu'ayant les yeux ouverts."


Saint Simon et saint Jude face aux mages. Legenda aurea.
Bx J. de Voragine. J. de Besançon. XVe.

Quand tout cela eut été exécuté, le général mena les avocats honteux et confus aux apôtres : mais les avocats ayant vu que ceux-ci étaient vêtus grossièrement, ils les méprisèrent intérieurement. Simon leur dit :
" Souvent il arrive que dans des écrins d'or et semés de pierreries se trouvent renfermés des objets sans valeur, et que dans les plus viles bottes de bois soient rangés des colliers de perles d'un grand prix. Or, qui désire devenir le propriétaire d'une chose, fait moins d'attention au contenant qu'au contenu. Promettez-nous donc d'abandonner le culte des idoles et d'adorer le Dieu invisible ; de notre côté, nous ferons le signe de la croix sur vos fronts et vous pourrez confondre les magiciens."
 
Après en avoir fait la promesse et avoir été signés au front, les avocats retournèrent de nouveau chez le roi, auprès duquel se trouvaient encore les magiciens, qui n'eurent plus le moindre empire sur eux ; et ils s'en moquèrent devant tout le monde; alors les magiciens irrités firent venir beaucoup de serpents.

Saint Jude. Georges de La Tour. XVIe.
 
Aussitôt le roi donna ordre de faire venir les apôtres qui remplirent leurs manteaux des serpents et les jetèrent sur les magiciens en disant :
" Au nom du Seigneur, vous ne mourrez point, mais vous serez déchirés par les serpents et vous pousserez des cris de douleur qui ressembleront à des mugissements."
Et comme les serpents leur rongeaient les chairs, et que ces malheureux hurlaient comme des loups, le roi et les autres priaient les apôtres de laisser tuer les magiciens par les serpents. Les apôtres leur répondirent :
" Nous avons été envoyés pour ramener de la mort à la vie, mais non pour précipiter de la vie dans la mort."
Et, après avoir fait une prière, ils ordonnèrent aux serpents de reprendre tout le poison qu'ils avaient injecté, et ensuite de retourner dans leur repaire. Or, les douleurs supportées par les magiciens, au moment où les serpents reprirent leur poison, furent plus vives que celles qu'ils avaient ressenties quand leurs chairs étaient dévorées. Les apôtres leur dirent :
" Pendant trois jours, vous ressentirez de la douleur ; mais, le troisième jour, vous serez guéris, afin que vous renonciez alors à votre malice."
Trois jours s'étant écoulés, sans que les magiciens pussent ni manger, ni boire, ni dormir, tant leurs souffrances étaient grandes, les apôtres vinrent les trouver et leur dirent :
" Le Seigneur n'agrée pas qu'on le serve par force ; levez-vous donc, soyez guéris, et allez avec la faculté de faire librement ce que vous voulez."
 

Saint Simon et saint Jude face aux mages mordus par les serpents.
Speculum historiale. V. de Beauvais. XVe.

Ils persistèrent dans leur malice, et s'enfuirent loin des apôtres, contre lesquels ils ameutèrent Babylone presque tout entière.
Après, quoi, la fille d'un général conçut par fornication, et en mettant un fils au monde, elle accusa un saint diacre de lui avoir fait violence, en disant qu'elle avait conçu de son fait. Or, comme les parents voulaient tuer le diacre, les apôtres arrivent et s'informent de l’époque de la naissance de l’enfant. On leur répondit :
" Aujourd'hui même, à la première heure du jour."
Alors, les apôtres dirent :
" Apportez l’enfant, et faites venir aussi le diacre que vous accusez."
Quand cela fut fait, les apôtres dirent à l’enfant :
" Dis, enfant, au nom du Seigneur, si ce diacre a eu pareille audace."
A cela, l’enfant reprit :
" Ce diacre est chaste et saint; jamais il n'a souillé sa chair."
Or, comme les parents de la jeune fille insistaient pour que les apôtres demandassent quel avait été l’auteur du crime, ceux-ci répondirent :
" Notre devoir est de délivrer les innocents, mais non de perdre les coupables."
 
A la même époque, deux tigres très féroces, renfermés chacun dans une fosse, s'échappèrent et dévorèrent tous ceux qu'ils rencontraient. Les apôtres vinrent à eux et, au nom du Seigneur, ils les rendirent doux comme des agneaux. Les apôtres voulurent s'en aller, mais, sur la prière qu'on leur en fit, ils restèrent encore un an et trois mois ; dans cet intervalle, plus de soixante mille hommes, sans compter les petits enfants, furent baptisés avec le roi et les princes.
 

Saint Simon et saint Jude délivrant les mages des serpents.
Legenda aurea. Bx J. de Voragine. Jean Le Tavernier. XVe.

Les magiciens dont on vient de parler vinrent à une ville nommée Suanir, où se trouvaient 70 prêtres des idoles qu'ils animèrent contre les apôtres, afin qu'à leur arrivée en ce pays, on les forçât à sacrifier ou qu'on les exterminât. Lors donc que les apôtres eurent parcouru toute la province et qu'ils furent parvenus jusqu'à cette ville, les prêtres et tout le peuple se saisissent d'eux et les conduisent au temple du Soleil, Les démons se mirent alors à crier, par l’organe des énergumènes :
" Qu'y a-t-il entre vous et nous, apôtres du Dieu vivant ? Voici qu'à votre entrée, nous sommes brûlés par les flammes."
L'ange du Seigneur apparut dans le même moment aux apôtres, et leur dit :
" Choisissez de deux choses l’une, ou bien que ces gens meurent à l’instant, ou bien que vous soyez martyrs."
Les apôtres répondirent :
" Il faut adorer la miséricorde de Dieu, afin qu'elle les convertisse et qu'elle nous conduise à la palme du martyre."
Après avoir imposé silence, les apôtres dirent :
" Pour vous convaincre que ces idoles sont pleines de démons, voyez, nous leur commandons de sortir et de briser chacun sa statue."
 
Aussitôt, deux Ethiopiens, noirs et nus, sortirent, au grand effroi de tout le monde, des statues et, après les avoir brisées, se retirèrent en poussant des cris horribles. A cette vue, les prêtres se jetèrent sur les apôtres et les égorgèrent tout aussitôt.
Or, à l’instant même, quoique le ciel fût fort serein ; il se fit entendre des coups de tonnerre si violents, que le temple se fendit, en trois endroits, et que deux magiciens, frappés par la foudre, furent réduits en charbon. Le roi transporta les corps des apôtres dans sa ville, et fit élever en leur honneur une église d'une magnificence admirable.
 

Saint Simon et saint Jude face aux idoles. Martyre de nos deux Saints.
Speculum historiale. V. de Beauvais. XVe.

Quant à saint Simon, on trouve en plusieurs endroits qu'il fut attaché à une croix, fait attesté par saint Isidore, dans son Livre sur la mort des Apôtres ; par saint Eusèbe, dans son Histoire ecclésiastique ; par le vénérable Bède, dans son Commentaire sur les actes des Apôtres, et par maître Jean Beleth, dans sa Somme.
 
Ils prétendent qu'après avoir prêché en Égypte, il revint à Jérusalem, et quand saint Jacques le Mineur fut mort, il fut choisi d'une voix unanime par les apôtres, pour être évêque de cette ville ; avant son décès, on raconte qu'il ressuscita trente morts. Aussi chante-t-on dans son office :
" Il rendit la vie à trente personnes englouties ans les flots."
 

Martyre de saint Simon et saint Jude.
Livre d'images de Madame Marie. Hainaut. XIIIe.

Après avoir gouverné l’église de Jérusalem de longues années, et être parvenu à l’âge de 120 ans, du temps de l’empereur Trajan, Atticus, qui exerçait les fonctions de consul à Jérusalem, le fit prendre et accabler d'outrages. En dernier lieu, il le fit attacher à une croix, tout le monde et le juge admirant qu'un vieillard de 120 ans subît le supplice de la croix. Cependant quelques-uns disent, et cela est exact, que ce ne fut pas l’apôtre Simon qui souffrit le martyre de la croix et fut évêque de Jérusalem, mais que ce fut un autre Simon, fils de Cléophé, frère de Joseph ; fait attesté par saint Eusèbe, évêque de Césarée, dans sa chronique. Saint Isidore et Bède le Vénérable le disent aussi en leurs chroniques ; car saint Isidore et saint Eusèbe rétractèrent, dans la suite, ce qu'ils avaient avancé d'abord ; ceci se prouve par l’autorité de Bède, qui se reproche dans ses rétractations d'avoir partagé ce sentiment. Usuard atteste la même chose aussi dans son Martyrologe.


Martyre de saint Simon et saint Jude.
Vies de saints. Le Maître de Fauvel. XIVe.

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vendredi, 27 octobre 2023

27 octobre. Saint Vincent, sainte Sabine et sainte Christèle, martyrs à Avila en Espagne. 304.

- Saint Vincent, sainte Sabine et sainte Christèle, martyrs à Avila en Espagne. 304.

Pape : Saint Marcelin. Empereur romain d'Occident : Maximien Hercule. Empereur romain d'Orient : Dioclétien.

" Combattons énergiquement, afin que Dieu nous couronne pour l'éternité."
Saint Bonaventure. Serm. XII Pentec.

Martyre de saint Vincent, de sainte Sabine te de sainte Cristèle.
Bas-relief. Basilique Saint-Vincent. Avila, Espagne.

Dacien, ce cruel exécuteur de la rage des empereurs Dioclétien et Maximien, étant venu en Espagne, plutôt pour persécuter les Chrétiens que pour en gouverner les provinces, fit arrêter saint Vincent, qu'en lui déféra comme un des plus zélés défenseurs du culte de Jésus-Christ.

Pour tâcher de corrompre sa Foi, il lui démontra que c'était une folie de s'exposer à perdre la vie à la fleur de son âge par de cruels supplices, pour défendre l'honneur d'un homme que l'on avait crucifié, et qu'il ferait beaucoup mieux d'obéir aux ordres des empereurs qui commandaient de sacrifier aux divinités païennes. Puis, voyant que le saint martyr, bien loin de se rendre à ses désirs, confessait généreusement la divinité de Jésus-Christ, et déclamait contre Jupiter, se moquant de cette idole incestueuse et adultère, il commanda qu'on le menât devant la statue de l'idole, et que s'il ne lui offrait de l'encens, il fût à l'heure même torturé, déchiré, rompu de coups, et enfin mis à mort par le dernier supplice.

Les bourreaux se saisirent aussitôt de lui et l'entraînèrent au lieu désigné par le président ; mais, par un grand miracle, ayant mis le pied sur une pierre dure, Vincent y imprima son vestige, de même que si c'eût été de la cire molle ; les bourreaux en furent tellement touchés, que, pour avoir le temps de se faire instruire des mystères de la Foi Chrétienne, ils retournèrent à Dacien ; et feignant que Vincent demandait 3 jours pour délibérer, ils obtinrent de lui cette surséance.

Pendant ce temps, ils le retirèrent chez eux : Sabine et Christète, soeurs de notre invincible Martyr, le vinrent voir ; et, se jetant à ses pieds, elles le prièrent et le conjurèrent avec larmes, de prendre la fuite avec elles pour leur servir de père et de mère et être leur soutien dans la rigueur de cette persécution. Vincent eut bien de la peine à le faire ; mais, enfin, considérant la jeunesse de ces Vierges, et s'imaginant qu'elles pourraient succomber à la cruauté des supplices si elles n'étaient soutenues par ses exhortations et par son exemple, il usa de la liberté que lui donnèrent ceux qui le retenaient, et se retira avec ses soeurs à Avila.

Basilique Saint-Vincent. Les précieuses reliques de nos Saints
y sont toujours conservées. Avila. Espagne. XIIe.

Le président en fut bientôt averti, et il envoya en même temps des cavaliers pour les suivre. Ils les atteignirent en cette ville ; et, comme ils avaient ordre de les tourmenter et de les faire mourir, ils exercèrent contre ces innocentes victimes toutes les cruautés dont l'impiété est capable. Enfin, après avoir disloqué tous leurs membres sur le chevalet et leur avoir déchiré le corps à coups de fouet, ils leur mirent la tête sur des pierres et la leur écrasèrent avec des cailloux et des leviers.

Leurs dépouilles sacrées demeurèrent ensuite exposées à la voirie pour être dévorées par les animaux ; mais, Ô conduite admirable de la divine Providence ! Un serpent d'une grosseur prodigieuse, qui causait de grands maux dans le pays, sortit des rochers voisins de la ville pour les venir garder.

Un Juif s'étant donc approché pour les insulter, il fut saisi par ce monstre et n'échappa à sa cruauté que par la promesse qu'il fit de se convertir au Christ et de donner honorable sépulture aux saints martyrs, et de faire bâtir une église en leur honneur. Il accomplit depuis lors ce qu'il avait promis.

Le serpent qui garda les dépouilles sacrées des martyrs est leur caractéristique la plus ordinaire.
On les représente aussi en groupe, comme ayant souffert ensemble le martyre.

On trouve l'Office de saint Vincent et de ses soeurs dans les anciens Bréviaires et Missels Mozarabes. Nous avons conservé lé récit du père Giry.

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27 octobre. Saint Elesbaan, roi d'Ethiopie. 523.

- Saint Elesbaan, roi d'Ethiopie. 523.

Papes : Saint Homisdas (523 +) ; Jean Ier. Empereur romain d'Orient : Justin Ier.

" Un Chrétien doit comprendre qu'il doit accomplir son titre par les bonnes oeuvres plutôt que par le nom."
Saint Augustin.

Saint Elesbaan, roi d'Ethiopie, sur le commandement de l'empereur
Justin, va porter la guerre contre l'usurpateur Danaan et libérer
ainsi les Chrétiens yéménites persécutés par cette bête féroce.
Chronique historique. Manuscrit du XIXe.

Les Ethiopiens Axumites, dont les possessions s'étendaient depuis la côte occidentale de la mer Rouge jusque fort avant dans le Continent, étaient un peuple très florissant au 6ème siècle. Le roi, qui les gouvernait sous l'empereur Justin l'Ancien, se nommait Elesbaan. Ce prince, dans toutes ses actions et dans toutes ses entreprises, ne se proposait d'autre but que le bonheur de ses sujets et la gloire de Dieu. Quelques auteurs prétendent qu'il avait été converti de l'idolâtrie au Christianisme. Quoi qu'il en soit, ses vertus montrèrent combien une nation est fortunée lorsqu'elle a des maîtres qui ont su s'affranchir de l'esclavage des passions. Si Elesbaan prit les armes, ce ne fut que pour défendre la cause de la justice, et il fit servir la victoire au triomphe de l'une et de l'autre.

Les Homérites, parmi lesquels il y avait un grand nombre de Juifs, habitaient sur la côte orientale de la mer Rouge, au Yemen. Ils étaient gouvernés, dans le temps dont nous parlons, par Dunaan ou Danaan, que les Syriens et Arabes appelent Dsunowa. C'était un Juif qui s'était emparé du pouvoir. La haine qu'il portait au Christianisme le rendit persécuteur des amis du Christ. Il bannit en 526 saint Grégence, Arabe de naissance, et archevêque de Taphar, métropole du pays.

Saint Elesbaan. Psautier éthiopien d'Abbadie. Vers 1450.

Il fit décapiter saint Aréthas avec 4 autres Chrétiens (nommé au 27 juillet) qui avaient confessé généreusement la Foi. Saint Aréthas, nommé aussi Harith ou Haritz, était gouverneur de la ville de Nagran, l'ancienne capitale du Yémen. Non seulement il refusa de sauver sa vie en apostasiant, mais il exhorta tous les autres Chrétiens à rester fidèlement attachés à Dieu. On l'enleva de la ville, et on le conduisit sur le bord d'un ruisseau, où il fut exécuté en 523.

Duma, ou plutôt Reuma ou Remi, sa femme, et ses filles souffrirent également la mort pour la même cause. On les honore comme martyrs, avec 340 autres Chrétiens que Dunaan condamna aussi à mort. Ils sont nommés au 24 octobre dans les calendriers d'Occident et d'Orient ainsi que dans celui des Moscovites.

L'empereur Justin, dont les Chrétiens persécutés avaient imploré la protection, engagea saint Elesbaan à porter ses armes dans l'Arabie et à chasser l'usurpateur. Ce prince zélé déféra aux justes désirs de l'empereur ; il attaqua et défit le tyran. Mais il usa de la victoire avec beaucoup de modération. Il rétablit le Christianisme, rappela saint Grégence, et fit rebâtir l'église de Taphar. Il mit sur le trône Abraamius ou Ariat, Chrétien fort zélé, qui se conduisit par les conseils de saint Grégence. Ce saint évêque eut une conférence publique avec les Juifs, où la vraie Foi triompha. Il écrivit aussi contre les vices un livre que nous avons encore en grec, et qui est dans la bibliothèque impériale de Vienne. Il mourut le 19 décembre 552.

Notre Dame et son divin Fils. Psautier éthiopien d'Abbadie. Vers 1450.

Saint Elesbaan, suivant Baillet, ne fut pas plus tôt de retour dans ses Etats, qu'il abdiqua la couronne. Mais on lit dans la légation de Nonnus, qu'il régnait à Axuma, capitale de l'Ethiopie, plusieurs années après la guerre dont nous venons de parler. Ce bon prince, dégoûté enfin du monde, laissa le gouvernement à son fils, qui fut héritier de son zèle et de sa piété.

Il envoya son diadème à Jérusalem ; puis, s'étant déguisé, il sortit de la ville pendant la nuit, et alla se renfermer dans un monastère situé sur une montagne déserte. Il n'emporta avec lui qu'une coupe pour boire et une natte pour se coucher. Il ne vécut plus désormais que de pain, auquel il joignait de temps en temps quelques herbes crues. L'eau devint son unique boisson. Il voulut être traité comme les autres frères, et il était toujours le premier aux différents exercices. Il n'eut plus de communication avec les personnes du monde, afin de se livrer tout entier à la prière et la contemplation. Il est nommé en ce jour dans le martyrologe romain.

On le représente quelquefois comme solitaire, agenouillé devant une croix, et la couronne à terre près de lui.

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