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jeudi, 30 mai 2024

11 juin 2023. Fête-Dieu ou dimanche du Saint-Sacrement.

- Le dimanche dans l'Octave du Saint-Sacrement, ou de la Fête-Dieu.

" Christum regem adoremus dominantem gentibus, qui se manducantibus dat spiritus pinguedinem."
" Adorons le Christ roi Seigneur des nations, engraissant l'âme de qui le prend en nourriture."



Institution du Saint-Sacrement par Notre Seigneur Jésus-Christ.
Fra Angelico. Couvent San Marco. Florence. XVe.

A LA MESSE

Par suite des mesures consenties entre le Saint-Siège et le Gouvernement français pour la réduction des fêtes, au commencement de ce siècle, la plupart des Eglises de France célèbrent aujourd'hui seulement la solennité du Corps du Seigneur. La Messe que l'on chante dans ces Eglises est celle du jour même de la fête (page 299), avec mémoire du Dimanche en la manière ordinaire. Dans les lieux au contraire où la solennité s'est célébrée à son jour, on fait seulement mémoire de la fête à la Messe de ce Dimanche qui est le deuxième après la Pentecôte.

ÉPÎTRE

Lecture de l'Epître du bienheureux Jean, Apôtre. I, Chap. III.


La messe miraculeuse. Détail.
Simone Martini. Eglise Saint-François. Assise. XVe.

" Mes bien-aimés, ne vous étonnez pas, si le monde vous hait. Pour nous, nous reconnaissons , à l'amour que nous avons pour nos frères, que nous sommes passés de la mort à la vie. Celui qui n'aime pas demeure dans la mort : tout homme qui hait son frère est un homicide. Or, vous savez que nul homicide n'a la vie éternelle résidant en soi. Nous avons reconnu l'amour de Dieu envers nous, en ce qu'il a donné sa vie pour nous, et nous aussi nous devons donner nos vies pour nos frères. Celui qui possède le bien de ce monde, si voyant son frère dans la nécessité, il lui ferme son cœur, comment l'amour de Dieu demeurerait-il en lui ? Mes petits enfants, aimons, non de parole ni de langue, mais d'oeuvre et en vérité."


En 1135, à l'issue de la messe, saint Bernard brandit
le Saint-Sacrement et obtint la soumission du duc d'Aquitaine,
Guillaume X qui soutenait l'antipape Anaclet II.
Eglise Saint-Laurent. Parthenay. Poitou. XIXe.

Ces touchantes paroles du disciple bien-aimé ne pouvaient mieux être rappelées au peuple fidèle qu'en la radieuse Octave qui poursuit son cours. L'amour de Dieu pour nous est le modèle comme la raison de celui que nous devons à nos semblables ; la charité divine est le type de la nôtre.
" Je vous ai donné l'exemple, dit le Sauveur, afin que, comme j'ai fait à votre égard, vous fassiez vous-mêmes." (Johan. XIII, 15.).
Si donc il a été jusqu'à donner sa vie, il faut savoir aussi donner la nôtre à l'occasion pour sauver nos frères. A plus forte raison devons-nous les secourir selon nos moyens dans leurs nécessités, les aimer non de parole ou de langue, mais effectivement et en vérité.

Or le divin mémorial, qui rayonne sur nous dans sa splendeur, est-il autre chose que l'éloquente démonstration de l'amour infini, le monument réel et la représentation permanente de cette mort d'un Dieu à laquelle s'en réfère l'Apôtre ?

Aussi le Seigneur attendit-il, pour promulguer la loi de l'amour fraternel qu'il venait apporter au monde, l'institution du Sacrement divin qui devait fournir à cette loi son puissant point d'appui. Mais à peine a-t-il créé l'auguste Mystère, à peine s'est-il donné sous les espèces sacrées :
" Je vous a donne un commandement nouveau, dit-il aussitôt ; et mon commandement, c'est que vous vous aimiez les uns les autres comme je vous ai aimés." (Ibid. XIII, 34. ; XV, 12.).
Précepte nouveau, en effet, pour un monde dont l'égoïsme était l'unique loi ; marque distinctive qui allait foire reconnaître entre tous les disciples du Christ (Ibid XIII, 35.), et les vouer du même coup à la haine du genre humain (Tacit. Ann. XV.) ; rebelle à cette loi d'amour. C'est à l'accueil hostile fait par le monde d'alors au nouveau peuple, que répondent les paroles de saint Jean dans notre Epître :
" Mes bien-aimés, ne vous étonnez pas que le monde vous haïsse. Nous savons, nous, que nous sommes passés de la mort à la vie, parce que nous aimons nos frères. Celui qui n'aime pas demeure dans la mort."

L'union des membres entre eux par le Chef divin est la condition d'existence du christianisme ; l'Eucharistie est l'aliment substantiel de cette union, le lien puissant du corps mystique du Sauveur qui, par elle, croît tous les jours dans la charité (Eph. VI, 16.). La charité, la paix, la concorde, est donc, avec l'amour de Dieu lui-même, la plus indispensable et la meilleure préparation aux sacrés Mystères. C'est ce qui nous explique la recommandation du Seigneur dans l'Evangile :
" Si, lorsque vous présentez votre offrande à l'autel, vous vous souvenez là même que votre frère a quelque chose contre vous, laissez là votre offrande devant l'autel, et allez d'abord vous réconcilier avec votre frère, et venez ensuite présenter votre offrande." (Matth. V, 23-24.).

EVANGILE

La suite du saint Evangile selon saint Luc. Chap. XIV.



Dispute du Saint-Sacrement. Raphaël. XVIe.

" En ce temps-là, Jésus dit aux Pharisiens cette parabole : Un homme fit un grand souper, et il y convia beaucoup de gens. Et à l'heure du souper, il envoya son serviteur dire aux conviés de venir, parce que tout était prêt. Et tous commencèrent à s'excuser.
Le premier lui dit :
" J'ai acheté une maison de campagne, et il faut que je l'aille voir : je vous prie de m'excuser."
Et le second dit :
" J'ai acheté cinq paires de boeufs, et je vais les essayer : je vous prie de m'excuser."
Et un autre dit :
" J'ai épousé une femme, et c'est pourquoi je ne puis venir."
Et le serviteur étant de retour, rapporta tout ceci à son maître. Alors le père de famille irrité dit à son serviteur :
" Va vite par les places et les rues de la ville, et amène ici les pauvres et les infirmes, les aveugles et les boiteux."
Et le serviteur dit :"
" Seigneur, il a été fait comme vous avez commandé, et il y a encore de la place."
Et le maître dit au serviteur :
" Va par les chemins et le long des haies, et contrains d'entrer, afin que ma maison se remplisse. Car je vous le dis, aucun de ces gens qui avaient été invités ne goûtera de mon souper."


Retable du Saint-Sacrement. Eglise Saint-Thégonnec.
Saint-Thégonnec. Bretagne. XVIIe.

La fête du Corps du Seigneur n'était point encore établie, que déjà cet Evangile était attribué au présent Dimanche. C'est ce que témoignent, pour le XIIe siècle, Honorius d'Autun (Gemma anim. IV, 45-46.) et Rupert (De div. Off. XII, 2.). Le divin Esprit, qui assiste l'Eglise dans l'ordonnance de sa Liturgie, préparait ainsi à l'avance le complément des enseignements de cette grande solennité.

La parabole que propose ici le Sauveur à la table d'un chef des Pharisiens (Luc. XIV, 1.) reviendra sur ses lèvres divines au milieu du temple, dans les jours qui précéderont immédiatement sa Passion et sa mort (Matth. XXII, 1-14.). Insistance significative, qui nous révèle assez l'importance de l'allégorie. Quel est, en effet, ce repas aux nombreux invités, ce festin des noces, sinon celui-là même dont la Sagesse éternelle a fait les apprêts dès l'origine du monde ? Rien n'a manqué aux magnificences de ces divins apprêts : ni les splendeurs de la salle du festin élevée au sommet des monts (Isai. 11, 2.) et soutenue parles sept colonnes mystérieuses (Prov. IX, 1.) ; ni le choix des mets, ni l'excellence du pain, ni les délices du vin servis sur la table royale.

Elle-même, de ses mains, la Sagesse du Père a pressuré dans la coupe la grappe de cypre (Cant. I, 13.) au suc généreux, broyé le froment levé sans semence d'une terre sacrée, immolé la victime (Prov. IX, 2.). Israël, l'élu du Père (Eccli. XXIV, 13.), était l'heureux convive qu'attendait son amour ; elle multipliait ses messages aux fils de Jacob. La Sagesse de Dieu s'était dit : " Je leur enverrai les prophètes et les apôtres " (Luc. XI, 49.). Mais le peuple aimé, engraissé de bienfaits, a regimbé contre l'amour ; il a prisa tâche de provoquer par ses abandons méprisants la colère du Dieu son Sauveur (Deut. XXXII, 15-16.). La fille de Sion, dans son orgueil adultère, a préféré le libelle de répudiation au festin des noces (Isai. I, 1.) ; Jérusalem a méconnu les célestes messages, tué les prophètes (Matth. XXIII, 34-37.), et crucifié l'Epoux.

Mais, alors même, la Sagesse éternelle offre encore aux fils ingrats d'Abraham, d'Isaac et de Jacob, en souvenir de leurs pères, la première place à son divin banquet ; c'est aux brebis perdues delà maison d'Israël que sont d'abord envoyés les Apôtres (Ibid. X, 6 ; Act., XIII, 46.).
" Ineffables égards, s'écrie saint Jean Chrysostome ! Le Christ appelle les Juifs avant la croix ; il persévère après son immolation et continue de les appeler. Lorsqu'il devait, semble-t-il, les accabler du plus dur châtiment, il les invite à son alliance et les comble d'honneurs. Mais eux, qui ont massacré ses prophètes et qui l'ont tué lui-même, sollicités par un tel Epoux, conviés à dételles noces par leur propre victime, ils n'en tiennent nul compte, et prétextent leurs paires de bœufs, leurs femmes ou leurs champs." (Hom. 69 in Matth.).

Bientôt ces pontifes, ces scribes, ces pharisiens hypocrites, poursuivront et tueront les Apôtres a leur tour ; et le serviteur de la parabole ne ramènera de Jérusalem au banquet du père de famille que les pauvres, les petits, les infirmes des rues et places de la ville, chez qui du moins l'ambition, l'avarice ou les plaisirs n'auront point fait obstacle à l'avènement du royaume de Dieu.

C'est alors que se consommera la vocation des gentils, et le grand mystère de la substitution du nouveau peuple à l'ancien dans l'alliance divine. " Les noces de mon Fils étaient prêtes, dira Dieu le Père à ses serviteurs ; mais ceux que j'y avais invités n'en ont point été dignes. Allez donc ; quittez la ville maudite qui a méconnu le temps de sa visite " (Luc. XIX, 44.) ; " sortez dans les carrefours, parti courez toutes les routes, cherchez dans les champs de la gentilité, et appelez aux noces tous ceux que vous rencontrerez " (Matth. XXII, 8-14.).

Gentils, glorifiez Dieu pour sa miséricorde (Rom. XV, 9.). Conviés sans mérites de votre part au festin préparé pour d'autres, craignez d'encourir les reproches qui les ont exclus des faveurs promises à leurs pères. Boiteux et aveugle appelé du carrefour, sois empressé à la table sacrée. Mais songe aussi, par honneur pour Celui qui t'appelle, à déposer les vêtements souillés du mendiant du chemin. Revêts en hâte la robe nuptiale. Ton âme est reine désormais par l'appel à ces noces sublimes :
" Orne-la donc de pourpre, dit saint Jean Chrysostome ; mets-lui le diadème, et place-la sur un trône. Songe aux noces qui t'attendent, aux noces de Dieu ! De quels tissus d'or, de quelle variété d'ornements ne doit pas resplendir l'âme appelée à franchir le seuil de cette salle du festin, de cette chambre nuptiale !" (Hom. 69 in Matth.).

30 mai. Sainte Jeanne d'Arc, vierge et martyre. 1431.

- Sainte Jeanne d'Arc, vierge et martyre. 1431.

Pape : Martin V. Roi de France : Charles VII.

" En Nom Dieu ! Les hommes d'armes batailleront, et Messire Dieu leur donnera la victoire !"
Sainte Jeanne d'Arc à Poitiers. Mars 1430.


Sainte Jeanne d'Arc au couronnement de Charles VII. Ingres. XIXe.

Sainte Jeanne d'Arc montre une fois de plus, et d'une manière particulièrement éclatante, deux choses : combien Dieu aime la France et comme il est vrai qu'Il Se plaît à choisir les plus faibles instruments pour l'accomplissement des plus grandes choses.

A ce sujet, l'humble copiste d'Hodie Mecum souhaite faire une mise au point.

Bien des partis, des courants, des pseudos monarchistes même, tous prétendument amoureux de la France et de la patrie, réclament pour eux la mémoire et l'exemple de notre Sainte, recourent à son intercession par d'étranges et bien peu orthodoxes prières poétiques, analogiques ou métaphoriques, au gré de leurs intérêts immédiats, et surtout de la captation de l'attention de braves gens généreux mais égarés dans des " actions " politiques vaines et dont l'issue est toujours, oui toujours ! perdue !


Charles VII. Jean Fouquet. XVe.

Depuis plus de 300 ans environ, c'est-à-dire, depuis que Louis XIV et ses successeurs, de suspectes mémoires au moins à ce titre, refusèrent d'arborer et de brandir fièrement sur les étendards francs, le Sacré-Coeur de Notre Seigneur Jésus-Christ (que nous fêtons d'ailleurs aujourd'hui), Souverain-Prêtre et Souverain-Roi et Souverain-Maître de la France - demande présentée par Notre Seigneur Jésus-Christ Soi-même par l'intermédiaire de sainte Marguerite-Marie Alacoque -, ces faux dévôts de sainte Jeanne d'Arc toujours édulcorent et jettent un voile sur quelqu'aspect de la vie de la sainte, sur le surnaturel divin qui éclate magnifiquement à tous les moments de cette épopée catholique et française.

Tronquée par eux, dissimulée, quand ce n'est pas habilement ridiculisée, la geste chrétienne et toute miraculeuse de notre petite et sainte bergère, devient un récit fastidieux, incompréhensible, légendaire, incertain.


Vision de saint Michel Archange par sainte Jeanne d'Arc.
E. Thirion, XIXe.

Nous donnons quelques ressources bibliographiques, à la fin de cette trop courte notice, qui sont à consulter en priorité. Elles n'ont rien à voir avec les élucubrations nationalistes, matérialistes, modernistes et libérales qui pullulent depuis un siècle-et-demi, et qui ne sauraient bien entendu satisfaire toute âme authentiquement chrétienne, toute personne, française ou non, authentiquement attachée à la France et à sa mission élective et particulière dans l'histoire.

Nous allons rappeler le contexte historique dans lequel " Monseigneur Dieu " sucita une nouvelle fois une humble bergère pour, entre autres vérités, rappeler à la France, au Français et à leur roi que c'est du sacre que procède la légitimité du pouvoir et non pas du sang, de la dynastie ou encore de l'élection ; laquelle peut certes désigner légitimement le prince, mais en aucun cas lui donner légitimement le pouvoir :
" Messire Dieu premier servi !"


Statue de sainte Jeanne d'Arc. Place Saint-Augustin. Paris.

De très anciens commentateurs, français et étrangers, et après eux toute la tradition la plus orthodoxe et irréprochable, appelèrent le sacre des rois de France le " huitième sacrement ". Cette appellation, par extension et par licence certes, fut employée pour marquer la singularité de ce sacre par rapport à tous les autres sacres de rois chrétiens. Seul le roi de France en effet, est le Lieutenant - le Tenant lieu - de Dieu sur terre. L'élection divine du roi des Francs est un pacte que Dieu engage avec le roi des Francs pour autant que ce roi se conforme à Sa volonté.

C'est en ce sens, et en ce sens seul, que la France, sous le seigneurage de son roi très Chrétien, dument sacré selon les formules essentielles exactes et exhaustives du sacre que saint Remi institua sous la dictée du Saint-Esprit et administra à Clovis, est universelle. Est-il besoin de dire que l'universalisme maçonnique, républicain et révolutionnaire est l'universalisme du démon !?


Sainte Jeanne d'Arc au siège d'Orléans. Jules Eugène Lenepveu. XIXe.

A l'époque où paru notre Sainte, des guerres cruelles désolaient le royaume de France. Une rivalité, dégénérant souvent en inimitié, s'était établie entre l'Angleterre et la France, depuis que les Français d'Anjou, sous Henri Plantagenêt, étaient devenus maîtres de l'Angleterre.

Ce qui envenima ce mal, ce fut surtout la postérité de Philippe Le Bel. Ce roi qui le premier et le plus violemment revendiqua l'autonomie du pouvoir temporel contre la souveraineté de Notre Seigneur Jésus-Christ, avait marié sa fille Isabelle à Edouard II, roi d'Angleterre. Leur fils, La postérité masculine de Philippe Le Bel s'étant éteinte - qui ne voit pas en cela que Dieu, très mécontent des outrages des quatre derniers capétiens directs, voulu changer de lignée en établissant les Valois ? -, Edouard III revendiqua indument le royaume du chef de sa mère.

Ce ne sont plus hélas les Français qui sont les plus fervents dévôts
de leur immense sainte, quant il ne la ridiculisent pas...
Dieu merci, les Ecossais, en vertu de la " Vieille alliance ",
palient cette sombre et tragique décadence.
Plaque commémorative de la bataille de Patay.

A la tête d'une puissante armée et d'une flotte nombreuse, deux fois il débarqua sur le sol français : la première en 1346 et la seconde en 1355. Les Français perdirent la bataille de Poitiers en 1356, le roi Jean II fut fait prisonnier, et Calais se rendit à Edouard. Charles V lui reprit à peu près toute ses conquêtes ; mais après sa mort, survenue le 16 septembre 1380, les ducs d'Anjou, de Berri et de Bourgogne, se disputèrent le gouvernement de leur neveu, le jeune roi Charles VI, et du royaume.

Charles VI tomba hélas en démence. Passagère et par crise au début, elle devint bien vite invalidante. Le duc de Bourgogne fit assassiner le frère du roi, le duc d'Orléans. La guerre civile éclata entre les Bourguignons et les Armagnacs. Charles VI - fut-ce pendant une crise ou un répit ? - donna sa fille Catherine en mariage au roi d'Angleterre Henri V, et le déclara régent du royaume et héritier de la couronne de France, à l'exclusion de toute autre personne de la famille royale, son fils compris (!?) le 21 mai 1420.

A la mort de Charles VI, dont les circonstances sont suspectes, le 22 octobre 1421, Henri de Lancastre fut donc proclamé roi d'Angleterre et de France. Son oncle et tuteur, le duc de Bedford, fut nommé régent.

De son côté, Charles VII, déshérité par son père, s'était retiré à Bourges et avait été reconnu par une minorité significative des grands du royaume, mais faible en moyens et en hommes. Les partisans du roi se battirent, se battirent bien même, mais ils n'essuyèrent que des échecs. Le duc de Bedford voulut alors pousser son avantage est porter ses conquêtes au-delà de la Loire. Il mit donc le siège devant la ville-clef qu'était Orléans, bientôt réduite à l'estrémité.

Charles VII, apprenant la situation, impuissant à secourir la ville, envisagea sérieusement, et fit commencer des préparatifs, de s'enfuir en Espagne ou en Ecosse. Avait-il oublié que " c'est le sacre qui fait le roi " ? Avait-il oublié les promesses du dit sacre ? Toujours est-il que Dieu intervint tout puissamment et lui envoya l'humble mais Ô combien décisif secours : sainte Jeanne d'Arc !


Manuscrit français du XVe.

Sainte Jeanne d'Arc naquit à Domremy, dans la Lorraine actuelle, le 6 janvier 1412 ; ses parents, Jacques d'Arc et Isabelle Romée, qui avaient aussi trois fils et une autre fille, étaient des cultivateurs faisant valoir leur petit bien. La première parole que lui apprit sa mère fut le nom de Jésus ; toute sa science se résuma dans le Pater, l'Ave, le Credo et les éléments essentiels de la religion. Elle approchait souvent du tribunal de la pénitence et de la Sainte Communion ; tous les témoignages contemporains s'accordent à dire qu'elle était " une bonne fille, aimant et craignant Dieu, priant beaucoup Jésus et Marie.
Son curé put dire d'elle :
" Je n'ai jamais vu de meilleure chrétienne, et il n'y a pas sa pareille dans toute la paroisse."


Saint Michel apparaît à la sainte bergère.
Gravure d'après dessin. XXe.

La France était alors à la merci des Anglais et des Bourguignons, leurs alliés ; la situation du roi Charles VII était, nous l'avons vu, désespérée. A vue humaine, tout était perdu ! " Mais Dieu Se souvint de Son peuple ", et afin que l'on vît d'une manière évidente que le salut venait de Lui seul, Il Se servit de l'humble fille des champs, de l'humble bergère.


Départ de Vaucouleurs. Scherrer. XIXe.

Sainte Jeanne avait treize ans quand l'Archange saint Michel lui apparut une première fois, vers midi, dans le jardin de son père, lui donna des conseils pour sa conduite et lui déclara que Dieu voulait sauver la France par elle. Les visions se multiplièrent ; l'Archange protecteur de la France était accompagné de sainte Catherine et de sainte Marguerite, que Dieu donnait à Jeanne comme conseillères et comme soutien.

Jusqu'ici la vie de Jeanne est l'idylle d'une pieuse bergère ; elle va devenir l'épopée d'une guerrière vaillante et inspirée ; elle avait seize ans quand le roi Charles VII, convaincu de sa mission par des signes miraculeux, lui remit la conduite de ses armées. Bientôt Orléans fut délivrée ; de défaite en défaite, supérieurs en nombre et en force, les Anglais tremblèrent bientôt à la simple évocation de la jeune fille, et bien des batailles remportées n'en furent point, faute de combattant...


Entrée dans Orléans. Scherrer. XIXe.

Quelques mois plus tard, et en cela, et en cela seul, consistait la mission terrestre que Dieu avait confié à sainte Jeanne d'Arc, le roi était sacré à Reims et devenait ainsi pleinement Charles VII, roi de France. Cela est si vrai que jamais avant le sacre, sainte Jeanne d'Arc ne l'appela autrement que " Gentil dauphin ".

C'est le sacre chrétien qui fait le roi de France ! Le sacre seul ! Pas la volonté d'un seul ! Pas la volonté du plus grand nombre ! Pas la volonté de tous ! La désignation d'une ou de plusieurs personnes n'est pas la dévolution de la légitimité de l'exercice du seigneurage de la France " En Nom Dieu " !

Le lecteur voudra bien pardonner la chaleur du propos, mais le très humble copiste qui rédige ces lignes chercha des années durant, trop longtemps et en vain, dans le maquis des modernes et autres faux dévôts de la Sainte, la signification précise et exacte de cette geste toute divine et toute humaine à la fois, pour n'être pas quelque peu vif depuis que " Monseigneur Dieu " lui fit la grâce de le mettre enfin en connaissance de la simple et exacte mission de sainte Jeanne d'Arc.


Jeanne d'Arc conduite devant ses juges. Vigiles de Charles VII. XVe.

Ce n'est pas le lieu ici de relater le détail, très bien connu et rapporté par le postulateur de la cause de notre sainte, le père Jean-Baptiste Ayroles s.j., de la vie de sainte Jeanne d'Arc. Le lecteur se reportera aux indications bibliographiques données à la fin de cette notice.


Sainte Jeanne d'Arc interrogée par le cardinal de Winchester.
P. Delaroche. XIXe.

Rappelons néanmoins que, dans les vues divines, la vie de Jeanne devait être couronnée par l'apothéose du martyre : elle fut trahie à Compiègne, vendue aux Anglais, et après un long emprisonnement, où elle subit tous les outrages, condamnée et brûlée à Rouen, le 30 mai 1431. Son âme s'échappa de son corps sous la forme d'une colombe, et son coeur ne fut pas touché par les flammes.


Sainte Jeanne d'Arc communie avant d'aller au martyre.
Image pieuse du XIXe.

L'Église a réhabilité sa mémoire et l'a élevée au rang des Saintes. Sainte Jeanne d'Arc demeure la gloire de la France, sa Protectrice puissante et bien-aimée. Elle a été déclarée sa Patronne secondaire par un Bref du Pape Pie XI, le 2 mars 1922.


Image pieuse du XXe.

Rq : On lira en matière d'introduction la notice que les Petits Bollandistes consacrent à notre si chère Sainte (T. XV, pp. 389 et suiv.) :
http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k30745g

Il est très vivement recommandé, le lecteur l'aura compris, de lire les sources suivantes :

- " L'Université de Paris au temps de Jeanne d'Arc et la cause de sa haine contre la libératrice " par le père Jean-Baptiste Ayroles s.j. disponible en consultation et téléchargement sur le site suivant :
http://www.a-c-r-f.com/principal.html
- " La vraie Jeanne d'Arc ", en cinq tomes, par le père Jean-Baptiste Ayroles s.j., et dont les quatre premiers tomes sont disponibles en téléchargement, le cinquième l'étant en consultation, sur un site remarquable consacré à notre Sainte et dont nous recommandons la consultation, même si toutes les ressources ne sont pas d'égal intérêt, (http://www.stejeannedarc.net) :
==> T. I à IV :

http://www.stejeannedarc.net/livres/livres.php
==> T. V :
http://www.stejeannedarc.net/ayroles-V/ayroles-V.php
- " Jeanne d'Arc et les héroïnes juives ", par l'abbé Joseph Lémann, sur le même site :
http://www.a-c-r-f.com/principal.html
- " La mission posthume de sainte Jeanne d'Arc ", par Mgr Henri Delassus, extraits disponibles sur le même site :
http://www.a-c-r-f.com/principal.html
- " Panégyrique de sainte Jeanne d'Arc ", par le cardinal Pie, disponible sur le même site :
http://www.a-c-r-f.com/principal.html
- " Jeanne d'Arc et la monarchie ", par l'abbé Marie-Léon Vial, disponible en téléchargement sur l'excellent site de la bibliothèque Saint-Libère :
http://liberius.net/livre.php?id_livre=107
- La croix présentée à sainte Jeanne d'Arc : http://blog.catholicapedia.net/wp-content/uploads/2020/05/La-croix-pr%C3%A9sent%C3%A9e-%C3%A0-Jeanne-d%E2%80%99Arc-sur-son-b%C3%BBcher.pdf


Enfin, sur le Net, un nombre très important de sites, de tous pays, sont en ligne. La passion universelle autour de notre Sainte est à l'image de l'universalité, lorsqu'elle est chrétienne, de son pays la France. Dans cette profusion, beaucoup de sites sont à éviter car n'apportant que très peu d'intérêt quand ils ne sont pas sots, nuisibles ou injurieux.

Dans ce foisonnement, on relèvera et recommandera, pour la recherche iconographique remarquable notamment, et même si sa ligne éditoriale est hasardeuse, un site danois anglophone de grande qualité :

http://www.jeanne-darc.dk
Et une bibliographie francophone considérable rassemblée sur le lien suivant :
http://www.ljcreation.com/jeannedarc/pages_php/jdc_liste_...

03:50 Publié dans J | Lien permanent | Commentaires (2)

mercredi, 29 mai 2024

29 mai. Sainte Marie-Madeleine de Pazzi, Carmélite. 1607.

- Sainte Marie-Madeleine de Pazzi, Carmélite. 1607.
 
Pape : Paul V.
 
" Elle aimait le prochain au-dessus de toute expression. Elle avait pris l'habitude de ne pas dire les hommes mais les âmes."
 

Sainte Marie-Madeleine de Pazzi. Bartolommeo Gennari. XVIIe siècle.

Le Cycle pascal nous offre trois illustres vierges que l'Italie a produites. Nous avons salué dans notre admiration la vaillante Catherine de Sienne ; sous peu de jours, nous célébrerons Angèle de Mérici, entourée de son essaim de jeunes filles ; aujourd'hui le lis de Florence, Madeleine de Pazzi, embaume toute l'Eglise de ses parfums. Elle a été l'amante et l'imitatrice du divin crucifié ; n'est-il pas juste qu'elle ait part aux allégresses de sa résurrection ?

Madeleine de Pazzi a brillé sur le Carmel par son éclatante pureté et par l'ardeur de son amour. Elle a été, comme Philippe Néri, l'une des plus éclatantes manifestations de la divine charité au sein de la vraie Eglise, se consumant à l'ombre du cloître comme Philippe dans les labeurs du ministère des âmes, ayant recueilli l'un et l'autre, pour l'accomplir en eux, cette parole de l'Homme-Dieu :
" Je suis venu allumer le feu sur la terre ; et quel est mon désir, sinon qu'il s'enflamme ?" (Luc. XII. 40.).

La vie de l'Epouse du Christ fut un miracle continuel. L'extase et les ravissements étaient journaliers chez elle. Les plus vives lumières lui furent communiquées sur les mystères, et, afin de l'épurer davantage pour ces sublimes communications, Dieu lui fit traverser les plus redoutables épreuves de la vie spirituelle. Elle triompha de tout, et son amour montant toujours, elle ne trouvait plus de repos que dans la souffrance, par laquelle seule elle pouvait alimenter le feu qui la consumait. En même temps son cœur débordait d'amour pour les hommes ; elle eût voulu les sauver tous, et sa charité si ardente pour lésâmes s'étendait avec héroïsme jusqu'à leurs corps. Tant que dura ici-bas cette existence toute séraphique, le ciel regarda Florence avec une complaisance particulière ; et le souvenir de tant de merveilles a maintenu dans cette ville, après plus de deux siècles, un culte fervent à l'égard de l'insigne épouse du Sauveur des hommes.

L'un des plus frappants caractères de la divinité et de la sainteté de l'Eglise apparaît dans ces existences privilégiées, sur lesquelles se montre avec tant d'éclat l'action directe des mystères de notre salut.
" Dieu a tant aimé le monde, qu'il lui a donné son Fils unique." (Johan. III, l6.).
 
Et ce Fils de Dieu daigne se passionner pour une de ses créatures, produisant en elle de tels effets, que tous les hommes sont à même d'y prendre une idée de l'amour dont son Cœur divin est embrasé pour ce monde qu'il a racheté au prix de son sang. Heureux ceux qui savent goûter ce spectacle, qui savent rendre grâces pour de tels dons ! Ils ont la vraie lumière, tandis que ceux qui s'étonnent et hésitent font voir que les lueurs qui sont en eux luttent encore avec les ténèbres de la nature déchue.

Chapelle des Pazzi. Filippo Brunelleschi. XIVe.

Sainte Marie-Madeleine de Pazzi, l'une des fleurs les plus suaves qui aient embaumé les jardins du Carmel, naquit le 2 avril 1566 à Florence de l'illustre famille des Pazzi. Son père était Camille Géri de Pazzi et sa mère Marie-Laurence de Bondelmonte. Elle fut nommée Ctaherine à son baptême en l'honneur de sainte Catherine de Sienne qu'elle eut toujours en grande vénération.

Dès l'âge de sept ans, à l'école du Ciel, elle était formée à l'oraison, et elle paraissait presque un prodige de mortification. Toute une nuit elle porta une couronne d'épines sur sa tête, avec des douleurs inexprimables, pour imiter son Amour crucifié. Chaque fois que sa mère avait communié, l'enfant s'approchait d'elle et ne pouvait plus la quitter, attirée par la douce odeur de Jésus-Christ.

A partir de sa Première Communion, elle fut prête à tous les sacrifices, et c'est dès lors qu'elle fit à Jésus le voeu de n'avoir jamais d'autre époux que Lui. C'est en effet à l'âge de 12 ans qu'elle fit le voeu de conserver la virginté. Aussi, quand plus tard, son père voulut la marier, elle s'écria :
" Je livrerais plutôt ma tête au bourreau que ma chasteté à un homme."
Son père avait été nommé gouverneur de la ville de Cortone par le grand-duc de Toscane et avait laissé notre sainte en pension chez les religieuses de Saint-Jean à Florence.

A son retour il lui chercha un parti mais sainte Marie-Madeleine de Pazzi lui représenta son désir d'entrer au Carmel. Elle y entra en habit séculier et quinze jours après en ressortit pour trois mois par obéissance pour son père qui voulait éprouver sa vocation. Enfin, elle fut admise définitivement au Carmel avec la bénédiction affectueuse et chaleureuse de ses parents.


Sainte Marie-Madeleine de Pazzi quelques temps avant
son entrée au Carmel. Tito di Santi. XVIIe.

La sainte épouse du Christ entra au Carmel, parce qu'on y communiait presque tous les jours. Dès lors sa vie est un miracle continuel ; elle ne vit que d'extases, de ravissements, de souffrances, d'amour. Pendant cinq années, elle fut assaillie d'affreuses tentations ; son arme était l'oraison, durant laquelle elle s'écriait souvent :
" Où êtes-Vous, mon Dieu, où êtes-Vous ?"
Un jour, tentée plus fortement qu'à l'ordinaire, elle se jeta dans un buisson d'épines, d'où elle sortit ensanglantée, mais victorieuse.

Le feu de l'amour divin était si brûlant en elle, que n'en pouvant supporter l'ardeur, elle était obligée pour la tempérer de répandre de l'eau sur sa poitrine. Souvent ravie hors d'elle-même, elle éprouvait de longues et merveilleuses extases, dans lesquelles elle pénétrait les mystères célestes, et recevait de Dieu des faveurs admirables. Fortifiée par ces secours, elle soutint un long combat contre les princes des ténèbres, livrée à la sécheresse et à la désolation, abandonnée de tout le monde, et poursuivie de diverses tentations, par la permission de Dieu, qui voulait en faire le modèle d'une invincible patience et de la plus profonde humilité.

Mais Notre Seigneur ne l'abandonna pas qui lui prescrivit des règles admirables pour la conduite de sa vie :
1. d'avoir la même pureté dans toutes ses paroles et toutes ses actions que si elles étaient les dernières heures de sa vie,
2. De ne donner jamais d'avis sans avoir auparavant consulté Jésus-Christ attaché à Sa croix,
3. D'avoir toujours un saint empressement de fair la charité aux autres,
4. De ne faire pas plus de cas de son corpsque de la terre qu'on foule aux pieds,
5. de ne refuser jamais à personne ce qu'elle pourrait accorder,
6. d'avoir autant qu'il lui serait possible beaucoup de condescendance pour les autres,
7. De faire autant de cas de ces règles que si Jésus-Christ même les lui avait données,
8. d'offrir souvent, depuis les six heures du soir jusqu'au temps de la communion, la Passion de Jésus-Christ à son père, et de s'offrir aussi elle-même, et toutes les créatures, en mémoire de ce qu'il fut séparé de sa sainte Mère depuis sa Passion jusqu'à la Résurrection et, enfin, de tâcher de visiter le trèes-saint Sacrement le jour et le nuit, jusqu'à trente fois, si la charité ou l'obéissance ne lui en ôtait les moyens,
9. d'être toujours, et en toutes ses actions, transformée en Jésus-Christ, par la résignation à Sa volonté.


Alessandro Rossi. XVIIe.

Elle avait tant de plaisir à proférer ces mots : " La Volonté de Dieu !" qu'elle les répétait continuellement, disant à ses soeurs :
" Ne sentez-vous pas combien il est doux de nommer la Volonté de Dieu ?"
Un jour, ravie en extase, elle alla par tout le couvent en criant :
" Mes soeurs, oh ! que la Volonté de Dieu est aimable !"
Il plut à Dieu de la crucifier longtemps par des douleurs indicibles, qui la clouaient sur son lit, dans un état d'immobilité en même temps que de sensibilité extraordinaire. Loin de demander soulagement, elle s'écriait bien souvent :
" Toujours souffrir et ne jamais mourir !"

Son coeur était un brasier ardent consumé par l'amour. Quinze jours avant sa mort, elle dit :
" Je quitterai le monde sans avoir pu comprendre comment la créature peut se résoudre à commettre un péché contre son Créateur."
Elle répétait souvent :
" Si je savais qu'en disant une parole à une autre fin que pour l'amour de Dieu, je dusse devenir plus grande qu'un Séraphin, je ne le ferais jamais."
Près de mourir, ses dernières paroles à ses soeurs furent celles-ci :
" Je vous prie, au nom de Notre-Seigneur, de n'aimer que Lui seul !"

Elle rendit son âme le 15 mai 1607, le lendemain de l'Ascension à midi. Son visage devint si beau et si vermeil que personne ne se lassait de le regarder.
Son corps, revêtu d'une tunique, d'un scapulaire et d'un manteau de taffetas blanc, fut inhumé derrière le grand autel, où, deux ans après, il fut trouvé aussi sain et intact que le jour où il y avait été mis ; de plus, son corps exhalait un parfum admirable, quoiqu'il eût été inhumé sans cerceuil et sans avoir été embaumé.
Urbain VIII l'a déclarée bienheureuse et Clément X l'a canonisée.
Une de ses reliques se trouvait encore au début du XXe siècle à l'Hôtel-Dieu d'Abbeville.


Allégorie du Carmel. Carmel Notre-Dame-de-l'Incarnation. Tours. XIXe.
 
 
 
 
PRIERE
 
 
" Votre vie ici-bas, Ô Madeleine, a semblé celle d'un ange que la volonté divine eût captivé sous les lois de notre nature inférieure et déchue. Toutes vos aspirations vous entraînaient au delà des conditions de la vie présente, et Jésus se plaisait à irriter en vous cette soif d'amour qui ne pouvait s'apaiser qu'aux sources jaillissantes de la vie éternelle. Une lumière céleste vous révélait les mystères divins, votre cœur ne pouvait contenir les trésors de vérité et d'amour que l'Esprit-Saint y accumulait; et alors votre énergie se réfugiait dans le sacrifice et dans la souffrance, comme si l'anéantissement de vous-même eût pu seul acquitter la dette que vous aviez contractée envers le grand Dieu qui vous comblait de ses faveurs les plus chères.

Âme de séraphin, comment vous suivrons-nous ? Qu'est notre amour auprès du vôtre ? Nous pouvons cependant nous attacher de loin à vos traces. L'année liturgique était le centre de votre existence ; chacune de ses saisons mystérieuses agissait sur vous, et vous apportait, avec de nouvelles lumières, de nouvelles ardeurs. L'Enfant divin de Bethlehem, la sanglante Victime de la croix, le glorieux Epoux vainqueur de la mort, l'Esprit rayonnant de sept dons ineffables, vous ravissaient tour à tour ; et votre âme, renouvelée par cette succession de merveilles, se transformait toujours plus en celui qui, pour s'emparer de nos coeurs, a daigné se traduire lui-même dans ces gestes immortels que la sainte Eglise nous fait repasser chaque année avec le secours d'une grâce toujours nouvelle. Vous aimiez ardemment les âmes durant votre vie mortelle, Ô Madeleine ; votre amour s'est accru encore dans la possession du bien suprême ; obtenez-nous la lumière pour voir mieux ce qui ravissait toutes vos puissances, l'ardeur de l'amour pour aimer mieux ce qui passionnait votre coeur."

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mardi, 28 mai 2024

28 mai. Saint Germain, évêque de Paris. 576.

- Saint Germain, évêque de Paris. 576.

Papes : Saint Gélase ; Benoît Ier. Rois de France : Clovis Ier ; Childebert II.

" Tout pontife pris d'entre les hommes est étabi pour les hommes dans les choses qui ont rapport à Dieu... Il faut qu'il soit capable de compassion à l'égard de ceux qui sont dans l'ignorance et l'égarement, parce qu'il est lui-même environné de faiblesse."
Ad. Haeb., V, 1 et 2.


Saint Germain. Bréviaire à l'usage de Paris. Maître de Bedford. XVe.

Fortunat, évêque de Poitiers, qui a écrit le premier les actions admirables de saint Germain, évêque de Paris, en parle en des termes si avantageux, qu'il ne fait point difficulté de l'égaler aux plus illustres Martyrs, et même de le comparer aux plus grands Apôtres. Il naquit en Bourgogne, au diocèse d'Autun, de parents riches et " sociologiquement " chrétiens. Un hagiographe précise même davantage en disant :
" Le glorieux et bien-aimé de Dieu, monsieur saint Germain, natif d'Autun, au faubourg Saint-Blaise, de la grande rue, autrement la rue Sainte-Anastasie..."

Sa mère fit ce qu'elle put pour lui faire perdre la vie dans ses propres entrailles. Elle prit pour cela beaucoup de poisons, et ne négligea pas les moyens les plus violents. Mais la Providence, infaillible dans ses décrets, ne permit pas qu'elle vint à bout d'un dessein si criminel ; la fureur de cette mère dénaturée contre son enfant ne cessa pas avec sa naissance ; et si elle ne le fit pas mourir, elle continua toujours de le maltraiter et de lui être impitoyable.


Germain échappant au poison abortif que prit sa mère.
Speculum historiale. V. de Beauvais. XVe.

La cause de cette étrange aversion était, dit-on, la crainte de voir sa maison trop chargée d'enfants. La grand'mère de Germain ne fut pas moins cruelle envers lui que sa mère : car aimant passionnément un autre de ses petits-fils, nommé Stratide, cousin de notre Saint, elle ne pouvait souffrir que celui-ci partageât son héritage avec lui. Afin de s'en défaire, elle donna 2 bouteilles à sa servante, l'une de vin et l'autre de poison, et lui marqua celle de vin pour Stratide, et celle de poison pour Germain; mais Dieu dissipa les artifices de cette marâtre, en permettant que la servante se trompât, et que Germain ayant pris le bon vin, Stratide avalât le poison, dont il fût mort sans un prompt secours.

Saint Germain échappant au poison donné par
sa grand-mère et mort de son cousin Stratide.
Speculum historiale. V. de Beauvais. XVe.

Ce pauvre enfant, étant ainsi exposé à de continuelles persécutions dans la maison même de son père, fut obligé d'en sortir et de se retirer auprès de Scopilion, son oncle, personnage de très-sainte vie, qui habitait Lusy.

C'est là qu'il reçut cette éducation forte qui accoutume à mettre le devoir au-dessus du plaisir, et qu'il jeta les fondements de cette haute perfection à laquelle il est arrivé depuis : car son oraison était continuelle, et, quoiqu'il fût éloigné de mille pas de l'église, il s'y rendait néanmoins toutes les nuits avec ce saint oncle, pour dire les Matines et ensuite assister aux saints Mystères. Saint Agrippin, évêque d'Autun, étant informé de sa vertu, lui conféra l'ordre de diacre, et, trois ans après, il l'ordonna prêtre. Saint Nectaire, son successeur, le nomma abbé de Saint-Symphorien, hors les murs d'Autun. Germain se rendit, par ses veilles, ses abstinences et son assiduité à la prière, le modèle de tous les religieux.

L'amour divin embrasait tellement son coeur, qu'on en voyait reluire la splendeur sur son visage. Il était si sensible aux misères des pauvres, qu'il n'en pouvait jamais renvoyer aucun sans assistance : il leur a souvent donné tout ce qu'il avait de provisions dans le monastère, sans rien réserver. Plusieurs de ses religieux, n'approuvant pas cette conduite, se plaignirent hautement de l'excès de sa libéralité, qui les mettrait, disaient-ils, dans la dernière indigence.

Un jour, en effet, il arriva que même le pain du jour manqua dans l'abbaye : mais Germain s'étant mis en prières, on vit aussitôt arriver au monastère deux chevaux chargés de pains, que la femme du seigneur Ebron envoyait, et, le lendemain, deux charrettes pleines de vivres vinrent d'un autre côté. Ces secours extraordinaires et miraculeux devaient suffire pour apaiser les murmures et les injustes plaintes. Néanmoins, les religieux de Saint-Symphorien diffamèrent si fort leur saint abbé auprès de l'évêque diocésain, que ce prélat, ajoutant foi trop légèrement à leurs rapports, le fit arrêter et mettre dans ses prisons, comme s'il eût été coupable de prodigalités ; mais à peine y fut-il entré, que les portes se rouvrirent d'elles-mêmes ; néanmoins Germain ne voulut pas sortir sans la bénédiction de celui qui l'avait fait emprisonner. L'évêque, mieux informé, reconnut sa sainteté et le traita avec beaucoup de respect.

Un autre miracle augmenta la vénération qu'on lui portait. Le feu prit au monastère : un embrasement général semblait inévitable. Mais notre Saint arrêta en un instant cet incendie par un peu d'eau bénite qu'il jeta dessus, et par le Signe de la Croix qu'il fit en chantant " Alleluia !".


Lectionnaire de l'office de l'abbaye Saint-Pierre
de la Couture du Mans. XIIe.

La charité était la vertu dominante, le trait le plus fortement accusé de l'admirable physionomie de Germain. En voici une nouvelle preuve.

Un certain Sabaricus, homme dur et violent, avait un esclave nommé Aesarius. Celui-ci, cruellement maltraité par son impitoyable maître et n'y tenant plus, courut un jour se réfugier au monastère de Saint-Symphorien, priant Germain de vouloir bien le racheter à tout prix. L'esclavage était devenu pour lui dans cette maison un supplice vraiment intolérable. Le Saint, ému de pitié et plein de l'esprit de l'Eglise qui travaillait de tout son pouvoir à l'abolition de la servitude, entra aussitôt en négociation avec Sabaricus.

Cet homme, furieux de la démarche de son esclave, exigea 80 pièces d'or pour le rachat de ce pauvre malheureux, de sa femme et de son enfant. La somme était exorbitante : où la trouver ? Mais la charité ne se rebute point et ne désespère jamais. Germain consola donc Aesarius, lui promettant la liberté quand même et sans trop savoir comment en payer le prix. Enfin il vint à bout de recueillir la somme exigée. Sabaricus, dont l'âme ne s'ouvrait point à la douce commisération parce qu'elle était fermée à la piété Chrétienne, principe et aliment de toutes les vertus, osa bien venir en personne toucher son argent, maudite rançon du sang, des soupirs et des larmes. Bien plus, ce misérable, sans respect pour lui-même, pour les hommes ni pour Dieu, ne daigna seulement pas en passant devant la basilique de Saint-Symphorien y entrer pour y faire une prière. Mais sa barbarie et son impiété ne demeurèrent pas impunies.

Dès lors la vue d'une église lui inspira de l'horreur ; il abandonna tout exercice de religion et tomba dans une sorte de frénésie. On fut même obligé de l'enchaîner. Germain auquel on le conduisit, - car quel autre aurait pu le guérir ? - oubliant ses torts et ne voyant en lui qu'un malheureux, fit à Dieu devant le tombeau de saint Symphorien une ardente prière que la Foi et la charité portèrent au Ciel. Aussitôt, par un double miracle, le malade recouvra avec la santé des sentiments plus Chrétiens et la tranquillité de l'âme : il était guéri et son coeur changé. Plein de regret et de douleur pour le passé, mais aussi de joie et de reconnaissance, il ajouta 20 pièces d'or aux 80 qu'il avait reçues en échange de la liberté de son esclave, et fit faire avec cet or une belle croix que l'on suspendit comme un mémorial de l'événement au-dessus du tombeau de saint Symphorien. " Cette croix, dit le biographe, existe encore aujourd'hui et atteste le prodige que nous venons de raconter " (Fortunat.).

Alors les bénédictions célestes entrèrent dans la maison de Sabaricus. Ses fils et ses filles, vivement impressionnés d'un miracle qui les touchait de si près et cédant à l'impression de la Grâce divine, voulurent, afin de se consacrer entièrement à Dieu, s'enrôler dans les diverses phalanges de la milice sacrée et gouvernèrent même plusieurs monastères. N'est-ce pas là un éloquent témoignage du zèle avec lequel l'Eglise travailla à détruire peu à peu l'esclavage, à protéger le faible contre le fort, à changer les moeurs des barbares ?


Sacre de saint Germain. Speculum historiale. V. de Beauvais. XVe.

Le bruit de ces merveilles et de beaucoup d'autres s'étant répandu par tout le royaume, et étant venu jusqu'à Childebert, roi des Francs, il voulut avoir un si saint personnage dans sa ville de Paris, et lui manda de le venir trouver. Saint Germain n'osa pas s'opposer à sa volonté, parce qu'il apprit qu'elle était conforme à celle de Dieu : car, s'étant un jour endormi après sa prière, il lui apparut en songe un vénérable vieillard qui lui présente les clefs des portes de Paris. Le Saint lui demanda ce qu'il voulait qu'il en fît : " Je vous donne ces clefs afin que vous sauviez cette ville."

C'était lui prédire qu'il en serait évêque ; mais Germain, ne faisant pas cette réflexion, comprit seulement que sa présence était nécessaire à Paris ; il se mit donc en chemin avec quatre de ses moines, dont trois, Auctaire, saint Doctrovée et Scubilion, ont été successivement abbés de Saint-Vincent, depuis, Saint-Germain des Prés. Ces 5 moines, après avoir salué le roi et reçu ses ordres, se retirèrent dans un oratoire dédié sous le nom de Saint-Jean-Baptiste, qui, dans la suite, a été appelé Saint-Germain le Vieux, où ils pratiquèrent si parfaitement tous les exercices du cloître, que toute la cour en était ravie.

Quatre ans après, le siège épiscopal de Paris vint à vaquer par le décès d'Eusèbe, qui avait été substitué à Saffaracus, déposé au second Concile de la même ville, en 565. Saint Germain fut élevé sur ce trône par la Providence divine, et à la demande de Childebert, qui le souhaita ainsi. Cette charge ne changea rien en lui que le seul titre d'abbé en celui d'évêque, et il y garda les mêmes pratiques d'une vie d'austère ascète qu'il avait observées dans son monastère.

Il allait à l'église à 21h et n'en sortait qu'à la pointe du jour, pour prendre en son palais un moment de repos, et vaquer ensuite au soulagement des pauvres, des malades, des prisonniers et de tous ceux qui avaient recours à lui. Sa table, où se trouvaient ordinairement les pauvres, n'était couverte que de mets fort communs ; et, comme il n'y manquait rien, de même ou n'y servait rien de superflu. Il voulait que l'âme fût nourrie en même temps que le corps, et faisait faire pour cela, durant le repas, la lecture de quelque bon livre. Ses prédications eurent un tel succès, que Paris changea bientôt de face. Les vanités cessèrent, les pompes furent modérées, les superfluités retranchées, le luxe aboli, et enfin le vice y perdant son empire, la vertu prit sa place et commença à s'y pratiquer.


Translatio et miracula s. Germani. XIe.

La réputation de sa vertu croissant de plus en plus, il fut supplié de se trouver à Bourges pour assister à la consécration de l'évêque Félix : il ne manqua pas de s'y rendre ; et ayant, par occasion, parlé à un Juif, appelé Sigeric, il le convertit parfaitement et le baptisa ; mais sa femme étant demeurée fermée à l'illumination de la Foi, sans vouloir profiter de l'exemple de son mari, fut bientôt punie de son obstination ; car le démon entra dans son corps, et ne cessa point de la tourmenter jusqu'à ce que le saint évêque, ému de compassion, l'eût délivrée d'un si mauvais hôte par l'imposition des mains ; elle reconnut ainsi la vérité, et reçut enfin le saint Baptême.

Il eut une adresse merveilleuse pour gagner l'esprit de Childebert ; il le gouverna si bien, que, quoique ce prince eût toujours quelques restes de cette férocité, alors naturelle à la nation, il modéra néanmoins ses moeurs, réforma sa cour, et s'appliqua à la fondation de beaucoup d'églises et de monastères. Il envoya un jour 6.000 livres à saint Germain pour les distribuer aux pauvres ; mais le saint évêque n'en ayant pas trouvé assez pour recevoir toute cette aumône, voulut lui en rendre la moitié. Le roi, bien loin de la prendre et de ne plus rien envoyer, fit rompre sa vaisselle d'argent, ôta les chaînes d'or de son cou, et pria l'évêque de ne point cesser de donner, assurant que, de son côté, il ne se lasserait point de fournir.

Childebert étant mort sans enfants mâles, Clotaire, son cadet, lui succéda. Ce prince, qui, ayant vécu jusque-là loin de Paris, ne connaissait pas assez les vertus de saint Germain, le fit un jour si longtemps attendre à la porte de son palais, qu'il fut contraint de s'en aller. Mais le roi souffrit, la nuit suivante, de si grandes douleurs par tout le corps, en punition de cette faute, que, reconnaissant l'injustice du mépris qu'il avait fait au saint évêque, il l'envoya chercher à l'heure même, se jeta à ses pieds, et baisa humblement le bord de sa robe ; le Saint porta la main sur les endroits qui lui faisaient mal, et, par cet attouchement, il apaisa entièrement sa douleur.

Il fit ensuite éclater son zèle contre le roi Caribert, qui avait répudié Ingoberge, sa femme légitime, et épousé une suivante, nommée Marcovèse, dont il entretenait en même temps la soeur. Saint Germain lui fit là-dessus plusieurs remontrances ; et voyant qu'elles étaient inutiles et qu'il ne se corrigeait point, il prononça son excommunication, conséquence logique puisque Caribert ne vivait pas en communion avec la Foi de l'Eglise. De plus, comme la noblesse Franque avait alors à nouveau usurpé des biens de l'Eglise, ce qui avait fait abandonner le service de Dieu dans plusieurs paroisses, il fit assembler un Concile à Paris, dans lequel on fulmina des anathèmes contre ceux qui s'étaient emparés des biens temporels utilisés par le peuple de l'Eglise de Jésus-Christ.


Saint Germain reprenant vigoureusement le roi Caribert.
Guillaume Crétin. Chroniques françaises. XVe.

Il se trouva aussi au second Concile de Tours, qui fut tenu pour réformer la discipline de l'Eglise, déchue presque partout, et pour condamner les scandaleux mariages incestueux, qui étaient assez ordinaires entre les grands, et destinés à conserver les biens terrestres au sein d'une même lignée.

Le démon ne souffrant qu'avec dépit ces heureux progrès, fit ce qu'il put pour les arrêter, en troublant la tranquillité de sa dévotion ; en effet, il le tenta en toutes manières, soit en l'effrayant durant son oraison, soit en criant à ses oreilles, soit en lui apparaissant sous des formes horribles, soit enfin en le maltraitant et en le battant ; mais son humilité et sa constance le rendirent victorieux de tous ces assauts, et il en triompha si glorieusement, que cet esprit d'orgueil ne put jamais rien gagner sur sa volonté.

Il ne faut pas attendre que nous racontions tous les miracles de saint Germain : le grand Fortunat, évêque de Poitiers, après en avoir composé un livre entier, avoue qu'il en laisse beaucoup à dire. La paille de son lit, les pièces et les fils de sa robe, sa salive, ses larmes, ses paroles, l'eau qui avait servi à laver ses mains, son regard, son attouchement, les songes qui le faisaient paraître durant le sommeil, les lettres qu'il écrivait, étaient autant de remèdes pour toutes sortes de maladies. Les habitants de Meudon, près de Paris, étant affligés de la contagion, en furent délivrés avec du pain qu'il leur envoya, après l'avoir bénit.

Saint Germain, qui avait vécu à Autun près des lieux remplis du souvenir vénéré de saint Martin, aimait à se rendre à Tours, pour célébrer la fête de ce grand évêque. La réputation l'y accompagnait ; et les malades ne manquaient pas de se présenter sur son passage, soit qu'il entrât dans la basilique, soit qu'il en sortît. Un jour il guérit, en les frottant d'un peu d'huile et de salive, deux femmes estropiées du bras.


Saint Germain et un saint moine de l'abbaye Saint-Symphorien.
Speculum historiale. V. de Beauvais. XVe.

Dans un de ces pèlerinages, il se trouva fortuitement à Tours avec Clotaire. Le roi, sous prétexte d'aller vénérer les reliques de saint Martin, se rapprochait ainsi de Poitiers, afin de pouvoir plus facilement enlever son épouse Radegonde qui, après avoir été ordonnée diaconnesse par saint Germain, en avait reçut le voile de religieuse et était entrée dans une communauté fondée près du tombeau de saint Hilaire. La pieuse reine ne s'était retirée de la cour que sur le consentement très formel et très spontané du roi ; mais celui-ci la regretta bientôt vivement, et poussé par de méchants conseillers, il voulut, au mépris des voeux plus sacrés de la vie monastique, l'arracher à la sainte retraite où elle s'était donnée à Dieu et ne vivait que pour Dieu.

Avertie et alarmée du projet impie de Clotaire, Radegonde envoya secrètement une lettre très pressante au saint évêque de Paris pour le prier de dissuader le roi de sa criminelle résolution. Germain mouilla cette lettre de ses larmes et alla aussitôt se jeter aux pieds de Clotaire, devant les reliques de saint Martin, le conjura, au Nom de Dieu, de ne point se rendre à Poitiers. Le prince attendri et repentant s'écria :
" J'avais cédé à de mauvais conseils ; mais, je le reconnais, je n'étais pas digne de posséder une si sainte épouse."

Et, bien que mécréant, tombant lui-même aux genoux de l'auguste pontife qui le dominait de toute la hauteur de sa vertu moralle, il le pria d'aller lui-même à Poitiers demander pardon et offrir ses excuses à Radegonde. Dieu eut égard au sincère repentir de Clotaire ; mais ses méchants conseillers furent punis et moururent de l'horrible et honteuse mort d'Arius : ils répandirent leurs intestins...

Si Germain avait conservé pour le grand évêque de Tours un culte si pieux, pouvait-il oublier saint Symphorien, et l'abbaye et les frères, ou plutôt les enfants bien-aimés qu'il y avait laissés ? La moilié de son coeur était restée à Autun. Aussi le vit-on, chaque année, quitter Paris pour venir assister à la grande solennité religieuse instituée en l'honneur du héros autunois, et célébrée avec le pieux enthousiasme de la foi unie à la piété populaire. Quand approchait le jour de la fête chère à sa piété et à son coeur, alors s'acheminant vers sa patrie, il arrivait par la route qui suit les bords de la rivière de Cure ; et chaque fois qu'il traversait le Morvan, sa présence était signalée par quelque bienfait, par quelque prodige. Les démons surtout éprouvaient sa puissance et se trouvaient déconcertés. De tout le pays accouraient des possédés qui d'avance sentaient son approche et l'annonçaient en poussant des gémissements ou des cris lamentables. Il les touchait, et les malins esprits, forcés de sortir, disaient :
" Homme de Dieu, si vous ne pouvez nous souffrir dans les lieux habités, si vous vous obstinez à ne pas vouloir que nous demeurions avec les hommes, au moins laissez à des malheureux la permission d'errer en paix dans l'épaisseur de ces forêts, dans la solitude de ces montagnes."


Saint Germain bénissant des infirmes.
Legenda aurea. Bx J. de Voragine. Mâcon. XVe.

Les officiers royaux qui traitaient le peuple sans ménagement avaient à redouter aussi la généreuse liberté de Germain. Un jour que, retournant d'Autun à Paris après la célébration de la fête de saint Symphorien, il passait par Avallon, il apprit avec douleur que les prisons du château étaient remplies de débiteurs du fisc. Touché de compassion pour ces pauvres gens, il pria le comte Nicaise, qui l'avait invité à dîner, de vouloir bien adoucir leur sort en leur donnant la liberté sous caution. Le comte refusa impitoyablement. Alors, le charitable pasteur, sans même attendre la fin du repas, alla se prosterner la face contre terre, à la porte du cachot souterrain où gémissaient tant de malheureuses victimes de l'injustice humaine, et répandit en abondance des larmes avec des prières sur ce seuil, triste témoin de la douleur et du désespoir, afin d'obtenir de la miséricorde de Dieu ce que lui refusait la dureté des hommes.

Il fut exaucé. Un Ange vint ouvrir les portes de la prison et briser les fers de tous ces infortunés détenus dont la pauvreté faisait tout le " crime ". Croyant à peine à tant de bonheur, ils allèrent dans le transport de leur reconnaissance se jeter aux pieds de leur bienfaiteur. Une nouvelle grâce les attendait. Le roi, cédant aux instances de l'homme de Dieu, leur accorda la remise entière de tout ce qu'on affirmaient qu'ils devaient au trésor. Une autre fois, le même comte Nicaise, en courant au-devant de notre Saint dont on lui annonçait l'arrivée, fit une chute très grave, car on le releva sans connaissance ni sentiment; et ce ne fut que par la vertu des prières de Germain qu'il put être rappelé à la vie. Empressé de témoigner sa gratitude à l'hôte vénérable auquel il attribuait son salut, il lui offrit son baudrier et son épée. Germain s'empressa d'accepter ce don précieux.

Bientôt le comte, regrettant de s'être défait si facilement de ce qu'un soldat païen a de plus cher, réclama son arme. L'évêque, qui avait bien prévu ce retour, pensa que le moment était favorable pour augmenter la bourse de ses pauvres. Il fit composer le guerrier, qui au reste s'exécuta de fort bonne grâce. Bien plus, touché de la charité de Germain, Nicaise se repeutit de sa dureté et fut désormais plus humain. Il avait appris à ses dépens, selon l'observation du biographe, qu'il faut compatir aux misères d'autrui.

Un de ses plus grands soins fut la construction de la célèbre abbaye de Saint-Vincent. Childebert l'avait commencée ; mais ce fut Clotaire Ier, son frère, qui donna l'argent pour l'achever. Lorsque l'église fut en état, il pria saint Germain de la consacrer ; il le fit à la grande satisfaction de ce monarque, de la reine sa femme, et des princesses ses filles. Et cette église où, auparavant, il y avait un temple de la déesse Isis, fut depuis le mausolée de la plupart des princes et des princesses de la couronne, jusqu'à ce que Dagobert Ier eut fait bâtir celle de Saint-Denis, en France. On y voyait encore ces sépultures en 1685, entre autres, celles d'Eleuthère, père de notre Saint, et d'Eusébie, sa mère, qui, après l'avoir si maltraité durant son enfance, et même avant qu'il fût au monde, se trouva bienheureuse de venir mourir entre ses bras.

Ce grand évêque se contentait pas de dresser des temples matériels et inanimés au vrai Dieu ; il lui en édifiait aussi de vivants et de spirituels. Fortunat, son historien, parlant du clergé de Paris, l'appelle bienheureux d'avoir un si grand homme pour pasteur et pour chef :
" Sub duce Germano felix exercitus hic est."


Le roi Childebert fonda l'abbaye Saint-Vincent depuis
Saint-Germain-des-Prés. Généalogie des rois de France. XVe.

En effet, il avait un séminaire si renommé, qu'on y envoyait, non seulement de toute la Gaule française, mais aussi des royaumes étrangers, des enfants de haute naissance, pour y être formés aux sciences et à la piété ; et il en sortit beaucoup d'excellents clercs et de saints évêques, qui ont éclairé l'Eglise par leur doctrine et par leur éminente sainteté. On remarque, entre autres, saint Brieuc, que ses parents lui avaient envoyé d'Angleterre, lorsqu'il n'était encore qu'abbé à Saint-Symphorien, et qui ne sortit de son école que pour aller prêcher l'Evangile en son pays, comme nous l'avons remarqué en sa vie, au 1er mai. Saint Iltud, très-docte abbé de la Grande-Bretagne, fut aussi de ce nombre (comme le rapporte Trithème au IIIe livre des Hommes illustres de l'Ordre de Saint-Benoît) ; et saint Bertingrand (appelé encore saint Bertraud), qui, d'archidiacre de Paris, fut élevé sur le trône épiscopal du Mans. D'après Gislemar, qui écrivait au IXe siècle, à Saint-Germain comme à Saint-Symphorien, on suivait non pas la Règle de saint Benoît de Nursie, mais une Règle composite basée sur celle de saint Antoine le Grand et saint Basile.

La principale occupation de notre Saint était de cultiver ces jeunes plantes pour leur faire porter des fruits dignes du Seigneur. Sa récréation consistait à visiter les églises pour y prier et y méditer ; s'il les trouvait fermées, elles s'ouvraient d'elles-mêmes dès qu'il avait fait dessus le Signe de la Croix ; comme il arriva, au rapport de Fortunat, à l'église de Saint-Gervais et Saint-Protais, qui alors était hors des portes de Paris.
Voilà quelles furent les actions saintes, héroïques et si glorieuses pour le Christ et Son Eglise, de cet illustre évêque.

A l'âge de 80 ans, il fut averti de sa mort dans une vision, et apprit même que ce devait être le 5 avant les calendes de Juin. Il fit aussitôt écrire ce jour sur son lit, afin de l'avoir toujours présent, sans néanmoins déclarer ce que cette remarque signifiait. Enfin cet heureux moment étant arrivé, il rendit son âme à Dieu le 28 mai, l'an 570.

Son corps fut porté en grande pompe dans l'abbaye de Saint-Vincent, comme il l'avait ordonné ; et, depuis, cette église a pris le nom de Saint-Germain des Prés.

Miracle insigne et qui marque bien la charité toute surnaturelle de notre Saint, lorsque le convoi passa devant les prisons, il devint si pesant qu'on ne put jamais le remuer que les prisonniers ne fussent délivrés ; on les fit donc sortir, et ils suivirent le convoi, employant ainsi les premiers moments de leur liberté à rendre les derniers devoirs à celui qui la leur avait procurée.

On représente saint Germain de Paris avec des chaînes à la main, pour rappeler l'efficacité de son intervention envers les prisonniers du fisc ; tenant en main les clefs de Paris, qui lui furent données dans une vision comme un gage de Salut pour cette ville, et une image de Notre-Dame, car on prétend qu'il portait constamment avec lui cette sauvegarde ; allant au-devant d'un incendie et apaisant le fléau.

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28 mai. Saint Augustin de Cantorbéry, Apôtre de l'Angleterre. 605.

- Saint Augustin de Cantorbéry, Apôtre de l'Angleterre. 605.
 
Pape : Saint Grégoire le Grand. Roi d'angleterre : Saint Ethelbert de Kent *.
 
" Voici le jour de la rédemption et de la rénovation qui se lève, le jour de la réparation des torts antiques et du bonheur sans fin."
Office de Noël. Bréviaire romain.
 

Anonyme. Chapelle Notre-Dame-des-Vertus. La Flèche. Maine. XVIIe.

Quatre cents ans étaient à peine écoulés, depuis le départ d'Eleuthère pour la patrie céleste, qu'un second apôtre de la grande lie britannique s'élevait de ce monde, au même jour, vers la gloire éternelle. La rencontre de ces deux pontifes sur le cycle est particulièrement touchante, en même temps qu'elle nous révèle la prévoyance divine qui règle le départ de chacun de nous, en sorte que le jour et l'heure en sont fixés avec une sagesse admirable. Plus d'une fois nous avons reconnu avec évidence ces coïncidences merveilleuses qui forment un des principaux caractères du cycle liturgique. Aujourd'hui, quel admirable spectacle dans ce premier archevêque de Cantorbéry, saluant sur son lit de mort le jour où le saint pape à qui l'Angleterre doit la première prédication de l'Evangile, monta dans les cieux, et se réunissant à lui dans un même triomphe ! Mais aussi qui n'y reconnaîtrait un gage de la prédilection dont le ciel a favorisé cette contrée longtemps fidèle, et devenue depuis hostile à sa véritable gloire ?

L'œuvre de saint Eleuthère avait péri en grande partie dans l'invasion des Saxons et des Angles, et une nouvelle prédication de l'Evangile était devenue nécessaire. Rome y pourvut comme la première fois. Saint Grégoire le Grand conçut cette noble pensée ; il eût désiré assumer sur lui-même les fatigues de l'apostolat dans cette contrée redevenue infidèle ; un instinct divin lui révélait qu'il était destiné à devenir le père de ces insulaires, dont il avait vu quelques-uns exposés comme esclaves sur les marchés de Rome. Mais du moins il fallait à Grégoire des apôtres capables d'entreprendre ce labeur auquel il ne lui était pas donné de se livrer en personne. Il les trouva dans le cloître bénédictin, où lui-même avait abrité sa vie durant plusieurs années. Rome alors vit partir Augustin à la tête de quarante moines se dirigeant vers l'île des Bretons, sous l'étendard de la croix.

Saint Grégoire le Grand et les esclaves anglais. Mosaïques de la
cathédrale de Westminster. XVIIe.

Ainsi la nouvelle race qui peuplait cette île recevait à son tour la foi par les mains d'un pape ; des moines étaient ses initiateurs à la doctrine du salut. La parole d'Augustin et de ses compagnons germa sur ce sol privilégié. Il lui fallut, sans doute, du temps pour s'étendre à l'île tout entière ; mais ni Rome, ni l'ordre monastique n'abandonnèrent l'œuvre commencée ; les débris de l'ancien christianisme breton finirent par s'unir aux nouvelles recrues, et l'Angleterre mérita d'être appelée longtemps l'île des saints.

Les gestes de l'apostolat d'Augustin dans cette île ravissent la pensée. Le débarquement des missionnaires romains qui s'avancent sur cette terre infidèle en chantant la Litanie ; l'accueil pacifique et même bienveillant que leur fait dès l'abord le roi Ethelbert ; l'influence de la reine Berthe, française et chrétienne, sur l'établissement de la foi chez les Saxons ; le baptême de dix mille néophytes dans les eaux d'un fleuve au jour de Noël, la fondation de l'Eglise primatiale de Cantorbéry, l'une des plus illustres de la chrétienté par la sainteté et la grandeur de ses évêques : toutes ces merveilles montrent dans l’évangélisation de l'Angleterre un des traits les plus marqués de la bienveillance céleste sur un peuple. Le caractère d'Augustin, calme et plein de mansuétude, son attrait pour la contemplation au milieu de tant de labeurs, répandent un charme de plus sur ce magnifique épisode de l'histoire de l'Eglise ; mais on a le cœur serré quand on vient à songer qu'une nation prévenue de telles grâces est devenue infidèle à sa mission, et qu'elle a tourné contre Rome, sa mère, contre l'institut monastique auquel elle est tant redevable, toutes les fureurs d'une haine parricide et tous les efforts d'une politique sans entrailles.


Les royaumes celtes angles et saxons en l'an 600 de
Notre Seigneur Jésus-Christ.
 
Saint Augustin, moine du monastère de Latran à Rome, fut envoyé par saint Grégoire le Grand en Angleterre pour convertir à Jésus-Christ les peuples de cette contrée. Environ quarante moines de sa communauté l'accompagnaient. C'était en l'année 597. Le très puissant Ethelbert, alors roi de Kent, ayant appris la cause de l'arrivée d'Augustin, l'invita à venir à Cantorbéry, métropole de son royaume, et lui accorda gracieusement la faculté d'y demeurer et de prêcher Jésus-Christ. Le saint construisit donc près de Cantorbéry un oratoire où il se fixa quelque temps et s'efforça d'imiter avec les siens la vie apostolique.

L'exemple de sa vie, la doctrine céleste qu'il prêchait et qu'il confirmait par beaucoup de miracles, adoucirent tellement le caractère de ces insulaires, qu'il amena pour la plus grande part à la loi chrétienne, appuyé, non sans difficulté, sur la hiérarchie chrétienne celtique du Pays de Galles et de Cornouailles (" corne " ou " langue de terre de Galles "). Enfin, le roi lui-même, fut régénéré dans la fontaine sacrée avec un nombre considérable des gens de sa suite. Berthe, l'épouse royale, qui était chrétienne, s'en réjouit grandement. Un jour de Noël, il administra le baptême à plus de dix mille personnes dans les eaux de la rivière d'York ; et l'on raconte que tous ceux de ces néophytes qui étaient atteints de quelque maladie, reçurent en cette circonstance la santé de leurs corps avec le salut de leurs âmes.
 
Saint Grégoire le Grand envoyant saint Augustin
évangéliser les Angles et les Saxons.
Livre d'images de Madame Marie. Hainaut. XIVe.

Ordonné évêque par le commandement de saint Grégoire, il établit son siège à Cantorbéry, dans l'Eglise du Sauveur qu'il avait bâtie, et il y plaça une partie des moines qui l'aidaient dans ses travaux. Il fonda ensuite dans les faubourgs le monastère de Saint-Pierre, qui plus tard fut appelé du nom d'Augustin lui même. Le même saint Grégoire lui accorda l'usage du pallium et les pouvoirs nécessaires pour établir la hiérarchie ecclésiastique en Angleterre, en même temps qu'il lui envoyait un nouveau renfort d'ouvriers, savoir Mellitus, Justus, Paulin et Rufinien.

Ayant réglé les affaires de cette Eglise , Augustin tint un concile avec les évêques et les docteurs des anciens Bretons, qui étaient depuis longtemps en désaccord avec l'Eglise Romaine dans la célébration de la Pâque et sur plusieurs autres rites. Mais comme ils refusaient de se rendre et à l'autorité du Siège Apostolique, et aux miracles qu'il faisait pour les ramener à la concorde, inspiré par un esprit prophétique, Augustin leur prédit les désastres qui les attendaient. Enfin, après avoir accompli les plus grands travaux pour Jésus-Christ, illustre par ses miracles, ayant préposé Mellitus à l'Eglise de Londres, Justus à celle de Rochester, Laurent à la sienne, il passa au ciel le sept des calendes de juin, sous le règne d'Ethelbert, quelques mois après que son bien aimé père, saint Grégoire le Grand, eût passé lui aussi dans le royaume éternel.

On l'ensevelit au monastère de Saint-Pierre, qui devint par la suite le lieu de sépulture des archevêques de Cantorbéry et de plusieurs rois. Les peuples d'Angleterre lui rendirent un culte fervent. Le Souverain Pontife Léon XIII a étendu son Office et sa Messe à toute l'Eglise.

HYMNE

Cette Hymne en l'honneur de l'apôtre de l'Angleterre a été approuvée par le Saint-Siège au XIXe. Elle fut probablement composée par dom Prosper Guéranger qui se garde bien de le rapporter dans son Année liturgique :


Saint Augustin de Cantorbéry. Belbello de Pavie.
Bréviaire franciscain. XVe.

" Ile féconde des saints, célèbre ton apôtre, exalte dans tes pieux concerts le fils de Grégoire.

Rendue fertile par ses labeurs, tu donnas une moisson abondante ; et longtemps les fleurs de sainteté qui couvraient ton sol répandirent sur toi un éclat supérieur.

Suivi d'une troupe de quarante moines, il débarqua sur tes rivages, Ô terre des Anglais ! Il portait l'étendard du Christ ; messager de la paix, il venait en apporter les gages.

Bientôt la croix est plantée sur ton sol comme un éclatant trophée, la parole du salut se répand de toutes parts ; et un roi barbare reçoit lui-même la foi d'un cœur docile.

La nation renonce à ses coutumes sauvages ; elle se plonge dans les eaux sanctifiées d'un fleuve,et renaît à la vie de l'âme le jour même où le Soleil de justice se leva sur le monde.

Ô Pasteur auguste , du haut du ciel, gouverne toujours tes fils ; ramène dans les bras de la mère désolée l'ingrat troupeau qui s'est éloigné d'elle.

Heureuse Trinité, qui envoyez sans cesse sur votre vigne la rosée de la grâce, daignez faire renaître l'antique foi, afin qu'elle fleurisse comme aux anciens jours.

Amen."
 

Saint Augustin de Cantorbéry présentant la Très Sainte Trinité
aux Angles et aux Saxons. Bréviaire romain. Auvergne. XVe.
 
PRIERE
 
" Vous êtes, Ô Jésus ressuscité, la vie des peuples, comme vous êtes la vie de nos âmes. Vous appelez les nations à vous connaître, à vous aimer et à vous servir; car " elles vous ont été données en héritage " (Psalm. II.), et vous les possédez tour à tour. Votre amour vous inclina de bonne heure vers cette île de l'Occident que, du haut de la croix du Calvaire, votre regard divin considérait avec miséricorde. Dès le deuxième siècle, votre bonté dirigea vers elle les premiers envoyés de la parole; et voici qu'à la fin du sixième, Augustin, votre apôtre, délégué par Grégoire, votre vicaire, vient au secours d'une nouvelle race païenne qui s'est rendue maîtresse de cette île appelée à de si hautes destinées.

Vous avez régné glorieusement sur cette région, ô Christ ! Vous lui avez donné des pontifes, des docteurs, des rois, des moines, des vierges, dont les vertus et les services ont porté au loin la renommée de l'Ile des saints ; et la grande part d'honneur dans une si noble conquête revient aujourd'hui à Augustin, votre disciple et votre héraut. Votre empire a duré longtemps, Ô Jésus, sur ce peuple dont la foi fut célèbre dans le monde entier ; mais, hélas ! des jours funestes sont venus, et l'Angleterre n'a plus voulu que vous régniez sur elle (Luc. XIX, 14.), et elle a contribué à égarer d'autres nations soumises à son influence. Elle vous a haï dans votre vicaire, elle a répudié la plus grande partie des vérités que vous avez enseignées aux hommes, elle a éteint la foi, pour y substituer une raison indépendante qui a produit dans son sein toutes les erreurs. Dans sa rage hérétique, elle a foulé aux pieds et brûlé les reliques des saints qui étaient sa gloire, elle a anéanti l'ordre monastique auquel elle devait le bienfait du christianisme,elle s'est baignée dans le sang des martyrs, encourageant l'apostasie et poursuivant comme le plus grand des crimes la fidélité à l'antique foi.

En retour, elle s'est livrée avec passion au culte de la matière, à l'orgueil de ses flottes et de ses colonies ; elle voudrait tenir le monde entier sous sa loi. Mais le Seigneur renversera un jour ce colosse de puissance et de richesse. La petite pierre détachée de la montagne l'atteindra à ses pieds d'argile, et les peuples seront étonnés du peu de solidité qu'avait cet empire géant qui s'était cru immortel. L'Angleterre n'appartient plus à votre empire, Ô Jésus ! Elle s'en est séparée en rompant le lien de communion qui l'unit si longtemps à votre unique Eglise. Vous avez attendu son retour, et elle ne revient pas ; sa prospérité est le scandale des faibles, et c'est pour cela que sa chute, que l'on peut déjà prévoir, sera lamentable et sans retour.
 
 
Saint Grégoire le Grand et l'esclave anglais.
Vies de saints. J. de Montbaston. XIVe.

En attendant cette épreuve terrible que votre justice fera subir à l'île coupable, votre miséricorde, Ô Jésus, glane dans son sein des milliers d'âmes, heureuses de voir la lumière, et remplies pour la vérité qui leur apparaît, d'un amour d'autant plus ardent, qu'elles en avaient été plus longtemps privées. Vous vous créez un peuple nouveau au sein même de l'infidélité, et chaque année la moisson est abondante. Poursuivez votre oeuvre miséricordieuse, afin qu'au jour suprême ces restes d'Israël proclament, au milieu des désastres de Babylone, l'immortelle vie de cette Eglise dont les nations qu'elle a nourries ne sauraient se séparer impunément.

Saint apôtre de l'Angleterre, Augustin, votre mission n'est donc pas terminée. Le Seigneur a résolu de compléter le nombre de ses élus, en glanant parmi l'ivraie qui couvre le champ que vos mains ont ensemencé. Venez en aide au labeur des nouveaux envoyés du Père de famille. Par votre intercession, obtenez ces grâces qui éclairent les esprits et changent les cœurs. Révélez à tant d'aveugles que l'Epouse de Jésus est " unique ", comme il l'appelle lui-même ; que la foi de Grégoire et d'Augustin n'a pas cessé d'être la foi de l'Eglise catholique, et que trois siècles de possession ne sauraient créer un droit à l'hérésie sur une terre qu'elle n'a conquise que par la séduction et la violence, et qui garde toujours le sceau ineffaçable de la catholicité."
 
 
* Saint Ethelbert (également nommé Aethelbert, Aethelberht, Aethelbert, ou Ethelbert) est né vers 560 et était le fil du roi Eormenric, à qui il succèda comme roi de Kent à partir de la mort de son père, survenue entre 564 et 580, jusqu'à sa propre mort, d'après la Chronique Anglo-saxonne.
 
Il épousa Berthe, fille de Caribert Ier, roi franc de Paris, batissant ainsi une alliance avec l'état le plus puissant de l'Europe occidentale ; le mariage fut probablement conclu avant l'avènement d'Ethelbert. La sainte influence de Berthe incita le pape saint Grégoire  le Grand à envoyer saint Augustin comme missionnaire.

Le code de loi de saint Ethelbert, le plus ancien code écrit en langue germanique, institue un système complexe d'amendes.

Dans son Historia ecclesiastica gentis Anglorum, saint Bède le Vénérable le mentionne comme le troisième roi à détenir tous les imperium sur les autres royaumes anglo-saxons. À la fin du IXe siècle, la Chronique anglo-saxonne mentionne Æthelbert comme un bretwalda, ou " souverain britannique ".

Saint Ethelbert fut canonisé pour son rôle dans la propagation du christianisme parmi les Anglo-Saxons. Sa fête, initialement le 24 février, fut déplacée au 25 du même mois.
 
Rq : On lira avec grand fruit la sublime et ardente notice que les Petits Bollandistes consacrent à saint Augustin de Cantorbéry (T. VI, pp. 187 et suiv.) : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k30736h.

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lundi, 27 mai 2024

27 mai. Saint Bède le Vénérable, Père de l'Eglise, confesseur. 735.

- Saint Bède le Vénérable, Père de l'Eglise, confesseur. 735.
 
Papes : Adéodat ; Grégoire III. Roi de d'Ecosse : Oengus Ier (Óengus Mac Fergusa).
 
" Ô bon Jésus, qui avez daigné m'abreuver des ondes suaves de la science, accordez-moi surtout d'atteindre un jour jusqu'à vous, qui êtes la source de toute sagesse et de ne perdre jamais de vue votre divine présence."
Prière par laquelle Bède termina l'énumération de ses travaux littéraires.
 

Saint Bède écrivant. Bible franque du XIIIe. Reims.

La bénédiction que le Seigneur donnait à la terre en s'élevant au ciel atteint les plus lointaines frontières de la gentilité. Trois jours de suite, le Cycle nous montre les grâces qu'elle annonçait concentrant sur l'extrême Occident leurs énergies: c'est le fleuve de Dieu (Psalm. XLV, 5.), dont les eaux débordées se font plus impétueuses à la limite qu'elles ne dépasseront pas.

Demain, dans la terre des Bretons devenue celle des Angles, nous fêterons le chef du second apostolat, Augustin, l'envoyé de Grégoire le Grand. Aujourd'hui, impatiente de justifier ces célestes prodigalités, Albion produit devant les hommes son illustre fils, Bède le Vénérable, l'humble et doux moine dont la vie se passe à louer Dieu, à le chercher dans la nature et dans l'histoire, mais plus encore dans l'Ecriture étudiée avec amour, approfondie à la lumière des plus sûres traditions. Lui qui toujours écouta les anciens prend place aujourd’hui parmi ses maîtres, devenu lui-même Père et Docteur de l'Eglise de Dieu.

Dom Mabillon parle de saint Bède comme un parfait modèle de savoir dans l'état monastique :
" Qui s'est plus appliqué que lui à toutes sortes d'études et même à enseigner les autres ? Qui fut cependant plus attaché aux exercices de piété et de religion ? A le voir prier, il semblait qu'il n'étudiait pas ; à voir le nombre de ses ouvrages, il semblait qu'il ne fît autre chose que d'écrire."


Saint Bède naquit à Yarrow, aux confins de la Grande-Bretagne et de l'Ecosse ; Agé de sept ans, son éducation fut confiée à saint Benoît Biscop, Abbé de Wearmouth. Devenu moine, il ordonna de telle sorte sa vie, que se livrant tout entier à l'étude des arts et des sciences, il n'omit jamais rien toutefois des observances de la discipline régulière. Excellemment versé en tous les genres de connaissances,la méditation des divines Ecritures fixa néanmoins ses préférences ; et pour les mieux comprendre, il se rendit maître de la langue grecque et de l'hébraïque. Ordonné prêtre en sa trentième année par l'ordre de son Abbé, ce fut à la sollicitation d'Acca, évêque d'Hexham, qu'il entreprit alors d'expliquer les saints Livres ; il ne le fit qu'en suivant d'aussi près que possible la doctrine des saints Pères, n'avançant rien qu'ils n'eussent eux-mêmes enseigné, et pour ainsi dire reproduisant leur langage.

Ennemi constant de l'oisiveté, il ne quittait l'étude que pour la prière, et revenait pareillement de la prière à l'étude ; son cœur s'y embrasait au point que souvent, enseignant ou liant, il fondait en larmes. Ne voulant point être distrait par le souci des choses qui passent, il refusa constamment la charge d'Abbé.

Bientôt une telle réputation de piété et de science s'attachait à son nom, que le Pape saint Sergius eut la pensée de l'appeler à Rome pour y travailler à la solution d'épineuses difficultés qui s'étaient élevées dans l'Eglise. Il écrivit beaucoup d'ouvrages pour réformer les mœurs des fidèles, pour soutenir et défendre la foi. Grande fut l'estime universelle qu'il s'acquit ainsi : saint Boniface, évêque et martyr, le proclamait la lumière de l'Eglise ; Lanfranc lui donnait le titre de docteur des Anglais, le Concile d'Aix-la-Chapelle celui de docteur admirable.

Il arriva que, de son vivant même, on lut publiquement ses écrits dans les Eglises, et comme alors on ne pouvait lui attribuer le titre de saint, on lui donnait celui de vénérable qui lui resta toujours depuis. Son enseignement était d'autant plus efficace, qu'il était soutenu de la sainteté de la vie et des vertus religieuses. Aussi ses disciples, qui furent nombreux et remarquables, devinrent-ils, grâce à son zèle et à son exemple, non moins éminents dans la sainteté que dans les lettres et les sciences.


Saint Jean inspirant saint Bède. Manuscrit autrichien du XIIe.

Entendons notre Saint, dans ses dernières années, résumer sa vie :
" Prêtre du monastère des bienheureux Pierre et Paul, Apôtres, je naquis sur leur territoire, et je n'ai point cessé, depuis ma septième année, d'habiter leur maison, observant la règle, chantant chaque jour en leur église, faisant mes délices d'apprendre, d'enseigner ou d'écrire. Depuis que j'eus reçu la prêtrise, j'annotai pour mes frères et pour moi la sainte Ecriture en quelques ouvrages, m'aidant des expressions dont se servirent nos Pères vénérés, ou m'attachant à leur manière d'interprétation. Et maintenant, bon Jésus, je vous le demande : vous qui m'avez miséricordieusement donné de m'abreuver à la douceur de votre parole, donnez-moi bénignement d'arriver à la source, Ô fontaine de sagesse, et de vous voir toujours." (Bed. Hist. eccl. Cap. ultimum.).

Brisé enfin par l'âge et le labeur, il fut atteint d'une maladie grave. Il la supporta cinquante jours et plus sans interrompre ni ses habitudes de prière, ni son travail d'interprétation des Ecritures ; car ce fut en ce temps qu'il traduisit en anglais pour ses compatriotes l'Evangile de saint Jean.

La touchante mort du serviteur de Dieu ne devait pas être la moins précieuse des leçons qu'il laisserait aux siens. Les cinquante jours de la maladie qui l'enleva de ce monde s'étaient passés comme toute sa vie à chanter des psaumes ou à enseigner. La veille de l'Ascension, sentant que la mort approchait, il voulut être muni des derniers sacrements, embrassa ses frères et se fit étendre à terre sur un cilice. Comme, donc, on approchait de l'Ascension du Seigneur, il redisait avec des larmes de joie l'Antienne de la fête :
" Ô Roi de gloire qui êtes monté triomphant par delà tous les cieux, ne nous laissez pas orphelins, mais envoyez-nous l'Esprit de vérité selon la promesse du Père."
A ses élèves en pleurs il disait, reprenant la parole de saint Ambroise :
" Je n'ai pas vécu de telle sorte que j'eusse à rougir de vivre avec vous ; mais je ne crains pas non plus de mourir, car nous avons un bon Maître."
 
Puis revenant à sa traduction de l'Evangile de saint Jean et à un travail qu'il avait entrepris sur saint Isidore :
" Je ne veux pas que mes disciples après ma mort s'attardent à des faussetés et que leurs études soient sans fruit."

Saint Bède enseignant. Livre de prières. Avignon. XIVe.

Le mardi avant l'Ascension, l'oppression du malade augmentait les symptômes d'un dénouement prochain se montrèrent. Plein d'allégresse, il dicta durant toute cette journée, et passa la nuit en actions de grâces. L'aube du mercredi le retrouvait pressant le travail de ses disciples. A l'heure de Tierce, ils le quittèrent pour se rendre à la procession qu'on avait dès lors coutume de faire en ce jour avec les reliques des Saints. Resté près de lui, l'un d'eux lui dit :
" Bien-aimé Maître, il n'y a plus à dicter qu'un chapitre ; en aurez-vous la force ?
- C'est facile : prends ta plume, taille-la, et puis écris ; mais hâte-toi."
A l'heure de None, il manda les prêtres du monastère, et leur rit de petits présents, implorant leur souvenir à l'autel du Seigneur. Tous pleuraient. Lui, plein de joie, disait :
" Il est temps, s'il plaît à mon Créateur, que je retourne à Celui qui m'a fait de rien quand je n'étais pas ; mon doux Juge a bien ordonné ma vie ; et voici qu'approche maintenant pour moi la dissolution ; je la désire pour être avec le Christ : oui, mon âme désire voir mon Roi, le Christ, en sa beauté."

Ce ne furent de sa part jusqu'au soir qu'effusions semblables ; jusqu'à ce dialogue plus touchant que tout le reste avec Wibert, l'enfant mentionné plus haut :
" Maître chéri, il reste encore une phrase.
- Ecris-la vite."
Et après un moment :
" C’est fini, dit l'enfant.
- Tu dis vrai, répartit le bienheureux : c'est fini ; prends ma tête dans tes mains et soutiens-la du côté de l'oratoire, parce que ce m'est une grande joie de me voir en face du lieu saint où j'ai tant prié."
Et du pavé de sa cellule où on l'avait déposé, il entonna :
" Gloire au Père, et au Fils, et au Saint-Esprit."
Quand il eut nommé l'Esprit-Saint, il rendit l'âme (Epist. Cuthberti.).

Il s'endormit dans le Seigneur. Son corps exhalant, dit-on, une odeur très suave, fut enseveli dans le monastère de Yarrow, et par la suite transporté à Durham avec les reliques de saint Cuthbert Les Bénédictins, d'autres familles religieuses, des diocèses l'honoraient par avance comme docteur, quand, sur l'avis de la Congrégation des Rites sacrés, Léon XIII, Souverain Pontife, le déclara docteur de l'Eglise universelle, décrétant que Messe et Office des Docteurs seraient désormais récités par tous au jour de sa fête.


Mort de saint Bède. William Bell Scott. XIXe.
 
PRIERE
 
" Vous fûtes, Ô Bède, cet homme à qui l'intelligence est donnée. Il était juste que le dernier souffle s'exhalât sur vos lèvres avec le chant d'amour où s'était consumée pour vous la vie mortelle, marquant ainsi votre entrée de plain-pied dans l'éternité bienheureuse et glorieuse. Puissions-nous mettre à profit la leçon suprême où se résument les enseignements de votre vie si grande et si simple !

Gloire à la toute-puissante et miséricordieuse Trinité ! N'est-ce pas aussi le dernier mot du Cycle entier des mystères qui s'achèvent présentement dans la glorification du Père souverain par le triomphe du Fils rédempteur, et l'épanouissement du règne de l'Esprit sanctificateur en tous lieux ? Qu'il était beau dans l'Ile des Saints le règne de l'Esprit, le triomphe du Fils à la gloire du Père, quand Albion, deux fois donnée par Rome au Christ, brillait aux extrémités de l'univers comme un joyau sans prix de la parure de l'Epouse ! Docteur des Angles au temps de leur fidélité, répondez à l'espoir du Pontife suprême étendant votre culte à toute l'Eglise en nos jours, et réveillez dans l'âme de vos concitoyens leurs sentiments d'autrefois pour la Mère commune."
 

Gravure de J. W. Cook. XVIIIe.

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dimanche, 26 mai 2024

Dimanche de la Très Sainte Trinité.

- Le dimanche de la Très Sainte Trinité.


Sculpture votive anonyme italienne du XVe.

Dès le VIIIe siècle, le pieux et savant Alcuin, rempli de l'esprit de la sainte liturgie, comme ses écrits en font foi, crut le moment venu de rédiger une Messe votive en l'honneur du mystère de la sainte Trinité. Il paraît même y avoir été incité par un désir de l'illustre apôtre de la Germanie, saint Boniface. Cette Messe, simplement votive, n'était toutefois qu'un secours pour la piété privée, et rien n'annonçait que l'institution d'une fête en sortirait un jour. Cependant la dévotion à cette Messe s'étendit peu à peu, et nous la voyons acceptée en Allemagne par le concile de Seligenstadt, en 1022. Jean XXII, qui occupa la chaire de saint Pierre jusqu'en 1334, consomma l’œuvre par un décret dans lequel l'Eglise Romaine acceptait la fête de la Sainte-Trinité et l'étendait à toutes les Églises.


Bréviaire à l'usage de Paris. XVe.

Si l'on cherche maintenant le motif qui a porté l’Église, dirigée en tout par l'Esprit-Saint, à assigner ainsi un jour spécial dans l'année pour rendre un hommage solennel à la divine Trinité, lorsque toutes nos adorations, toutes nos actions de grâces, tous nos vœux, en tout temps, montent vers elle, on le trouvera dans la modification qui s'introduisait alors sur le calendrier liturgique. Jusque vers l'an 1000, les fêtes des Saints universellement honorés y étaient très rares. Après cette époque, elles y apparaissent plus nombreuses, et il était à prévoir qu'elles s'y multiplieraient toujours davantage. Un temps devait venir où l'Office du Dimanche, qui est spécialement consacré à la sainte Trinité, céderait fréquemment la place à celui des Saints que ramène le cours de l'année. Il devenait donc nécessaire, pour légitimer en quelque sorte ce culte des serviteurs au jour consacré à la souveraine Majesté, qu'une fois du moins dans l'année, le Dimanche offrit l'expression pleine et directe de cette religion profonde que le culte tout entier de la sainte Église professe envers le souverain Seigneur, qui a daigné se révéler aux hommes dans son Unité ineffable et dans son éternelle Trinité.


Agnolo Gaddi. XIVe.

L'essence de la foi chrétienne consiste dans la connaissance et l'adoration de Dieu unique en trois personnes. C'est de ce mystère que sortent tous les autres ; et si notre foi s'en nourrit ici-bas comme de son aliment suprême, en attendant que sa vision éternelle nous ravisse dans une félicité sans fin, c'est qu'il a plu au souverain Seigneur de s'affirmer tel qu'il est à notre humble intelligence, tout en demeurant dans sa " lumière inaccessible " (I Tim., VI, 16.). La raison humaine peut arriver à connaître l'existence de Dieu comme créateur de tous les êtres, elle peut prendre une idée de ses perfections en contemplant ses œuvres ; mais la notion de l'être intime de Dieu ne pouvait arriver jusqu'à nous que parla révélation qu'il a daigné nous en faire.


Bible historiale. Guiard des Moulins. XIVe.

Or, le Seigneur voulant nous manifester miséricordieusement son essence, afin de nous unir à lui plus étroitement et de nous préparer en quelque façon à la vue qu'il doit nous donner de lui-même lace à face dans l'éternité, nous a conduits successivement de clarté en clarté, jusqu'à ce que nous fussions suffisamment éclairés pour reconnaître et adorer l'Unité dans la Trinité et la Trinité dans l'Unité. Durant les siècles qui précèdent l'Incarnation du Verbe éternel, Dieu semble préoccupé surtout d'inculquer aux hommes l'idée de son unité ; car le polythéisme devient de plus en plus le mal du genre humain, et la notion même de la cause spirituelle et unique de toutes choses se fût éteinte sur la terre, si la bonté souveraine n'eût opéré constamment pour sa conservation.


Bréviaire à l'usage de Besançon. XVe.

Ce n'est pas cependant que les livres de l'ancienne alliance soient entièrement muets sur les trois divines personnes, dont les ineffables relations sont éternelles en Dieu ; mais ces textes mystérieux demeuraient inaccessibles au vulgaire. tandis que, dans l’Église chrétienne, l'enfant de sept ans répond à qui l'interroge qu'en Dieu trois personnes divines n'ont qu'une même nature el qu'une même divinité. Lorsque, dans la Genèse, Dieu dit au pluriel : " Faisons l'homme à notre image et à notre ressemblance " (Gen., I, 26.), l'Israélite s'incline et croit, mais sans comprendre ; éclairé par la révélation complète, le chrétien adore distinctement les trois personnes dont l'action s'est exercée dans la formation de l'homme, et, la lumière de la foi développant sa pensée, il arrive sans effort à retrouver en lui-même la ressemblance divine. Puissance, intelligence, volonté : ces trois facultés sont en lui, et il n'est qu'un seul être.


De proprietatibus rerum. Barthélemy l'Anglais. Maître de Boucicaut. XVe.

Salomon dans les Proverbes, le livre de la Sagesse. l'Ecclésiastique, parle avec magnificence de la Sagesse éternelle. Son unité avec l'essence divine et sa distinction personnelle éclatent en même temps dans un langage abondant et sublime ; mais qui percera le nuage ? Isaïe a entendu la voix des Séraphins retentir autour du trône de Dieu. Ils criaient alternativement dans une jubilation éternelle :
" Saint, Saint, Saint est le Seigneur !" (Isai., VI, 3.).

Qui expliquera aux hommes ce trois fois Saint dont la louange envoie ses échos jusqu'à notre terrestre région ? Dans les Psaumes, dans les écrits prophétiques, un éclair sillonne tout à coup le ciel ; une triple splendeur a ébloui le regard de l'homme ; mais l'obscurité devient bientôt plus profonde, et le sentiment de l'unité divine demeure seul distinct au fond de l'âme, avec celui de l'incompréhensibilité de l'être souverain.


Détail d'un dyptique franc en ivoire du XVIe.

Il fallait que la plénitude des temps fût accomplie ; alors Dieu enverrait en ce monde son Fils unique engendré de lui éternellement. Il a accompli ce dessein de sa divine munificence, " et le Verbe fait chair a habité parmi nous " (Johan., I, 14.). En voyant sa gloire, qui est celle du Fils unique du Père (Ibid.), nous avons connu qu'en Dieu il y a Père et Fils. La mission du Fils sur la terre, en nous le révélant lui-même, nous apprenait que Dieu est Père éternellement ; car tout ce qui est en Dieu est éternel. Sans cette révélation miséricordieuse qui anticipe pour nous sur la lumière que nous attendons après cette vie, notre connaissance de Dieu serait demeurée par trop imparfaite. Il convenait qu'il y eût enfin relation entre la lumière de la foi et celle de la vision qui nous est réservée, et il ne suffisait plus à l'homme de savoir que Dieu est un.


Heures à l'usage de Paris. XVe.

Maintenant nous connaissons le Père, duquel, comme nous dit l'Apôtre, dérive toute paternité même sur la terre (Eph., III, 15.). Pour nous, le Père n'est plus seulement un pouvoir créateur produisant les eues en dehors de lui ; notre oeil respectueux, conduit par la foi, pénètre jusque dans le sein de la divine essence, et là nous contemplons le Père engendrant un Fils semblable à lui-même. Mais, pour nous l'apprendre, le Fils est descendu jusqu'à nous.
Lui-même le dit expressément :
" Nul ne connaît le Père, si ce n'est le Fils, et celui à qui il a plu au Fils de le révéler." (Matth., XI, 27.).
Gloire soit donc au Fils qui a daigné nous manifester le Père, et gloire au Père que le Fils nous a révélé !


Livre des propriétés des choses. XVe.

Ainsi la science intime de Dieu nous est venue par le Fils, que le Père, dans son amour, nous a donné (Johan., III, 16.) ; et afin d'élever nos pensées jusqu'à sa nature divine, ce Fils de Dieu, qui s'est revêtu de notre nature humaine dans son Incarnation, nous a enseigné que son Père et lui sont un (Ibid., XVII, 22.), qu'ils sont une même essence dans la distinction des personnes. L'un engendre, l'autre est engendré ; l'un s'affirme puissance, l'autre sagesse, intelligence. La puissance ne peut être sans l'intelligence, ni l'intelligence sans la puissance, dans l'être souverainement parfait ; mais l'un et l'autre appellent un troisième terme.


Psautier-hymnaire. XVIe.

Le Fils, qui a été envoyé par le Père, est monté dans les cieux avec sa nature humaine qu'il s'est unie pour l'éternité, et voici que le Père et le Fils envoient aux hommes l'Esprit qui procède de l'un et de l'autre. Par ce nouveau don, l'homme arrive à connaître que le Seigneur Dieu est en trois personnes. L'Esprit, lien éternel des deux premières, est la volonté, l'amour, dans la divine essence. En Dieu donc est la plénitude de l'être, sans commencement, sans succession, sans progrès, car rien ne lui manque. En ces trois termes éternels de sa substance incréée, il est l'acte pur et infini.


Missel à l'usage de Nantes. XVe.

La sainte Liturgie, qui a pour objet la glorification de Dieu et la commémoration de ses oeuvres, suit chaque année les phases sublimes de ces manifestations dans lesquelles le souverain Seigneur s'est déclaré tout entier à de simples mortels. Sous les sombres couleurs de l'Avent, nous avons traversé la période d'attente durant laquelle le radieux triangle laissait à peine pénétrer quelques rayons à travers le nuage. Le monde implorait un libérateur, un Messie ; et le propre Fils de Dieu devait être ce libérateur, ce Messie. Pour que nous eussions l'intelligence complète des oracles qui nous l'annonçaient, il était nécessaire qu’il fût venu. " Un petit enfant nous est né " (Isai., IX, 6.), et nous avons eu la clef des prophéties. En adorant le Fils, nous avons adoré aussi le Père, qui nous l'envoyait dans la chair, et auquel il est consubstantiel.
" Ce Verbe de vie, que nous avons vu, que nous avons entendu, que nos mains ont touché " (I Johan., I, I.) dans l'humanité qu'il avait daigné prendre, nous a convaincus qu'il est véritablement une personne, qu'il est distinct du Père, puisque l'un envoie et que l'autre est envoyé. Dans cette seconde personne divine, nous avons rencontré le médiateur qui a réuni la création à son auteur, le rédempteur de nos péchés, la lumière de nos âmes, l’Époux auquel elles aspirent.


Psautier à l'usage de Tours. XVe.

La série des mystères qui lui sont propres étant consommée, nous avons célébré la venue de l'Esprit sanctificateur, annoncé comme devant venir perfectionner l'œuvre du Fils de Dieu. Nous l'avons adoré et reconnu distinct du Père et du Fils, qui nous l'envoyaient avec la mission de demeurer avec nous (I Johan., XIV, 16.). Il s'est manifesté dans des opérations toutes divines qui lui sont propres ; car elles sont l'objet de sa venue. Il est l'âme de la sainte Église, il la maintient dans la vérité que le Fils lui a enseignée. Il est le principe de la sanctification dans nos âmes, où il veut faire sa demeure. En un mot, le mystère de la sainte Trinité est devenu pour nous, non seulement un dogme intimé à notre pensée par la révélation, mais une vérité pratiquement connue de nous par la munificence inouïe des trois divines personnes, adoptés que nous sommes par le Père, frères et cohéritiers du Fils, mus et habités par l'Esprit-Saint.

LE SYMBOLE DE SAINT ATHANASE


Statuette votive de la Très Sainte Trinité. Art franc du XVe.

Commençons par rendre gloire au Dieu unique en trois personnes, en nous unissant à la sainte Église qui, à l'Office de Prime, récite aujourd'hui, et tous les Dimanches qui ne sont pas occupés par quelque fête, le magnifique Symbole connu sous le nom de Symbole de saint Athanase, dont il reproduit avec tant de majesté et de précision la doctrine résumée des enseignements divins :

" Quiconque veut être sauvé, doit avant tout tenir la foi catholique ;

Et celui qui ne l'aura pas gardée entière et inviolable, périra certainement pour l'éternité.

Or la foi catholique consiste à révérer un seul Dieu dans la Trinité, et la Trinité dans l'Unité,

Sans confondre les personnes, ni diviser la substance.

Car autre est la personne du Père, autre celle du Fils, autre celle du Saint-Esprit.

Mais la divinité du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit, est une : la gloire égale, la majesté coéternelle.

Tel qu'est le Père, tel est le Fils, tel est le Saint-Esprit.

Le Père est incréé, le Fils incréé, le Saint-Esprit incréé.

Immense est le Père, immense le Fils, immense le Saint-Esprit ;

Eternel le Père, éternel le Fils, éternel le Saint-Esprit.

Et néanmoins il n'y a pas trois éternels, mais un seul éternel ;

Comme aussi ce ne sont pas trois incréés, ni trois immenses, mais un seul incréé, un seul immense.

De même tout-puissant est le Père, tout-puissant le Fils, tout-puissant le Saint-Esprit ;

Et néanmoins il n'y a pas trois tout-puissants, mais un seul tout-puissant.

Ainsi le Père est Dieu, le Fils est Dieu, le Saint-Esprit est Dieu ;

Et néanmoins il n'y a pas trois Dieux, mais un seul Dieu.

Ainsi le Père est Seigneur, le Fils est Seigneur, le Saint-Esprit est Seigneur ;

Et néanmoins il n'y a pas trois Seigneurs, mais un seul Seigneur.

Car de même que la vérité chrétienne nous oblige de confesser que chacune des trois personnes prises à part est Dieu et Seigneur : de même la religion catholique nous défend de dire trois Dieux ou trois Seigneurs.

Le Père n'est ni fait, ni créé, ni engendré d'aucun autre.

Le Fils est du Père seul : ni fait, ni créé, mais engendré.

Le Saint-Esprit est du Père et du Fils : ni fait, ni créé, ni engendré, mais procédant.

Il n'y a donc qu'un seul Père, et non trois Pères ; un seul Fils, et non trois Fils ; un seul Saint-Esprit, et non trois Saints-Esprits.

Et dans cette Trinité il n'y a ni antérieur, ni postérieur, ni plus grand, ni moindre ; mais les trois personnes sont toutes coéternelles et égales entre elles ;

En sorte qu'en tout et partout, comme il a été dit ci-dessus, on doit révérer l'Unité en la Trinité, et la Trinité en l'Unité.

Celui donc qui veut être sauvé doit penser ainsi de la Trinité.


Psautier-hymnaire. XVIe.

Mais il est nécessaire encore pour le salut éternel, qu'il croie fidèlement l'Incarnation de notre Seigneur Jésus-Christ.

Or la droiture de la foi consiste à croire et à confesser que notre Seigneur Jésus-Christ, Fils de Dieu, est Dieu et homme.

Il est Dieu, étant engendré de la substance de son Père avant les siècles, et il est homme, étant né de la substance d'une mère dans le temps ;

Dieu parfait et homme parfait, subsistant dans une âme raisonnable et un corps d'homme,

Egal au Père selon la divinité, moindre que le Père selon l'humanité.

Bien qu'il soit Dieu et homme, il n'est néanmoins qu'un seul Christ, et non deux.

Il est un, non que la divinité ait été changée en l'humanité ; mais parce que Dieu a pris l'humanité et se l'est unie.

Il est un enfin, non par confusion de substance,mais par unité de personne.

Car de même que l'âme raisonnable et la chair est un seul homme, ainsi Dieu et l'homme est un seul Christ :

Qui a souffert pour notre salut, est descendu aux enfers, le troisième jour est ressuscité des morts ;

Qui est monté aux cieux, est assis à la droite de Dieu le Père tout-puissant, et de là viendra juger les vivants et les morts ;

A l'avènement duquel tous les hommes ressusciteront avec leurs corps, et rendront compte de leurs actions personnelles :

Et ceux qui auront fait le bien iront dans la vie éternelle ; et ceux qui auront fait le mal iront dans le feu éternel.

Telle est la foi catholique, et quiconque ne la gardera pas fidèlement et fermement ne pourra être sauvé."

Admirons et méditons pieusement ces sublimes vérités et posons-nous la question de savoir si MM. Montini, Wojtila, Ratzinger, Bergoglio et consorts les croient (crurent) et les enseignent (enseignèrent).


Gandes heures d'Anne de Bretagne. Jean Bourdichon. XVIe.

A LA MESSE

Bien que le Sacrifice de la Messe soit toujours célébré en l'honneur de la sainte Trinité, l’Église aujourd'hui, dans ses chants, ses prières et ses lectures, glorifie d'une manière plus expresse le grand mystère qui est le fondement de la croyance chrétienne. On fait mémoire cependant du premier Dimanche après la Pentecôte, afin de ne pas interrompre l'ordre de la Liturgie. L’Église emploie dans cette solennité la couleur blanche, en signe d'allégresse, et pour exprimer la simplicité et la pureté de l'essence divine.

ÉPÎTRE

Lecture de l’Épitre de saint Paul aux Romains. II, 33 - 36.


Eglise de La-Trinité-des-Monts de Rome.
François-Marius Granet. XIXe.

" Ô profondeur des richesses de la sagesse et de la science de Dieu ! Que ses jugements sont incompréhensibles, et ses voies impénétrables ! Car qui a connu les desseins du Seigneur ? Ou qui est entré dans ses conseils ? Ou qui lui a donné quelque chose le premier, pour en prétendre récompense ? Car tout est de lui, et par lui, et en lui : à lui la gloire dans les siècles !
Ainsi soit-il."


Saint Paul. Basilique Saint-Paul-Hors-les-Murs. Rome.

Nous ne pouvons arrêter notre pensée sur les conseils divins, sans éprouver une sorte de vertige. L'éternel et l'infini éblouissent notre faible raison, et cette raison en même temps les reconnaît et les confesse. Or, si les desseins de Dieu sur les créatures nous dépassent déjà, comment la nature intime de ce souverain être nous serait-elle connue ? Cependant nous distinguons et nous glorifions dans cette essence incréée lu Père, le Fils et le Saint-Esprit. C'est que le Père s'est révélé lui-même en nous envoyant son Fils, objet de son éternelle complaisance ; c'est que le Fils nous a manifesté sa personnalité en prenant notre chair, que le Père et le Saint-Esprit n'ont pas prise avec lui ; c'est que le Saint-Esprit, envoyé par le Père et le Fils, est venu remplir en nous la mission qu'il a reçue d'eux. Notre œil mortel plonge respectueusement dans ces profondeurs sacrées, et notre cœur s'attendrit en songeant que si nous connaissons Dieu, c'est par ses bienfaits qu'il a formé en nous la notion de ce qu'il est. Gardons cette foi avec amour, et attendons dans la confiance le moment où elle s'évanouira pour faire place à la vision éternelle de ce que nous aurons cru ici-bas.

ÉVANGILE

La suite du saint Évangile selon saint Matthieu. Chap. XXVIII.


Registre des procès-verbaux de la Monnaie d'Angers. XVIe.

" En ce temps-là, Jésus dit à ses disciples : Toute puissance m'a été donnée au ciel et sur la terre. Allez donc, enseignez toutes les nations, les baptisant au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit ; leur enseignant à garder tout ce que je vous ai commandé. Et voici que je suis avec vous tous les jours jusqu'à la consommation des siècles."


Speculum animae. Valence. Espagne. XVe.

" Le mystère de la sainte Trinité manifesté par la mission du Fils de Dieu en ce monde et par la promesse de l'envoi prochain du Saint-Esprit, est intimé aux hommes dans ces solennelles paroles que Jésus prononce avant de monter au ciel. Il a dit : " Celui qui croira et sera baptisé sera sauvé " (Marc, XVI, 17.) ; mais il ajoute que le baptême sera donné au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit. Il faut désormais que l'homme confesse non plus seulement l'unité de Dieu, en abjurant le polythéisme, mais qu'il adore la Trinité des personnes dans l'unité d'essence. Le grand secret du ciel est une vérité divulguée maintenant par toute la terre.


Bible historiale. Guiard des Moulins. XVe.

Mais si nous confessons humblement Dieu connu tel qu'il est en lui-même, nous avons aussi à rendre l'hommage d'une éternelle reconnaissance à la glorieuse Trinité. Non seulement elle a daigné imprimer ses traits divins sur notre âme, en la faisant à sa ressemblance ; mais, dans l'ordre surnaturel, elle s'est emparée de notre être et l'a élevé à une grandeur incommensurable. Le Père nous a adoptés en son Fils incarné ; le Verbe illumine notre intelligence de sa lumière ; le Saint-Esprit nous a élus pour son habitation : c'est ce que marque la forme du saint baptême. Par ces paroles prononcées sur nous avec l'infusion de l'eau, la Trinité toute entière a pris possession de sa créature.


Registre des procès-verbaux de la Monnaie d'Angers. XVIe.

Nous rappelons cette sublime merveille chaque fois que nous invoquons les trois divines personnes en imprimant sur nous le signe de la croix. Lorsque notre dépouille mortelle sera apportée dans la maison de Dieu pour y recevoir les dernières bénédictions et les adieux de l’Église de la terre, le prêtre suppliera le Seigneur de ne pas entrer en jugement avec son serviteur ; et afin d'attirer sur ce chrétien déjà entré dans son éternité les regards de la miséricorde divine, il représentera au souverain Juge que ce membre de la race humaine " fut marqué durant sa vie du sceau de la sainte Trinité ". Vénérons en nous cette auguste empreinte ; elle sera éternelle. La réprobation même ne l'effacerait pas. Qu'elle soit donc notre espoir, notre plus beau titre, et vivons à la gloire du Père, du Fils et du Saint-Esprit.

Ainsi soit-il."


Heures à l'usage de Sarum et de Poitiers. XVe.