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samedi, 07 décembre 2024

7 décembre. Saint Ambroise, archevêque de Milan, docteur de l'Eglise. 397.

- Saint Ambroise, archevêque de Milan, docteur de l'Eglise. 397.

Pape : Saint Sirice. Empereur romain : Théodose Ier (+395). Empereur romain d'Occident : Flavius Honorius. Empereur romain d'Orient : Flavius Arcadius.

" Ecce examen apum in ore leonis erat, ac favus mellis."
" On eût dit un lion redoutable, mais généreux, dont la bouche éloquente distillait le miel le plus exquis, tout en confondant d'une voix foufroyante l'impiété des méchants."
Judic., XIV, 8.


Maître de Burgo de Osma. XVe.

Cet illustre Pontife figure dignement sur le Cycle catholique, à côté du grand Evoque de Myre. Celui-ci a confessé, à Nicée, la divinité du Rédempteur des hommes ; celui-là, dans Milan, a été en butte à toute la fureur des Ariens, et par son courage invincible, il a triomphé des ennemis du Christ. Qu'il unisse donc sa voix de Docteur à celle de saint Pierre Chrysologue, et qu'il nous annonce les grandeurs et les abaissements du Messie. Mais telle est en particulier la gloire d'Ambroise, comme Docteur, que si. entre les brillantes lumières de l'Eglise latine, quatre illustres Maîtres de la Doctrine marchent en tête du cortège des divins interprètes de la Foi, le glorieux Pontife de Milan complète, avec Grégoire, Augustin et Jérôme, ce nombre mystique.

Ambroise doit l'honneur d'occuper sur le Cycle une si noble place en ces jours, à l'antique coutume de l'Eglise qui, aux premiers siècles, excluait du Carême les fêtes des Saints. Le jour de sa sortie de ce monde et de son entrée au ciel fut le quatre Avril ; or, l'anniversaire de cet heureux trépas se rencontre, la plupart du temps, dans le cours de la sainte Quarantaine : on fut donc contraint de faire choix d'un autre jour dans l'année, et le sept Décembre, anniversaire de l'Ordination épiscopale d'Ambroise, se recommandait de lui-même pour recevoir la fête annuelle du saint Docteur.

Au reste, le souvenir d'Ambroise est un des plus doux parfums dont pût être embaumée la route qui conduit à Bethléhem. Quelle plus glorieuse, ci en même temps quelle plus charmante mémoire que celle de ce saint et aimable Evêque, en qui la force du lion s'unit à la douceur de la colombe ? En vain les siècles ont passé sur cette mémoire : ils n'ont fait que la rendre plus vive et plus chère.


Bréviaire à l'usage de Besançon. XVe.

Comment pourrait-on oublier ce jeune gouverneur de la Ligurie et de l'Emilie, si sage, si lettré, qui fait son entrée à Milan, encore simple catéchumène, et se voit tout à coup élevé, aux acclamations du peuple fidèle, sur le trône épiscopal de celte grande ville ? Et ces beaux présages de son éloquence enchanteresse, dans l'essaim d'abeilles qui, lorsqu'il dormait un jour, encore enfant, sur les gazons du jardin paternel, l'entoura et pénétra jusque dans sa bouche, comme pour annoncer la douceur de sa parole ! et cette gravité prophétique avec laquelle l'aimable adolescent présentait sa main à baiser à sa mère et à sa sœur, parce que, disait-il, cette main serait un jour celle d'un Evêque !

Mais quels combats attendaient le néophyte de Milan, sitôt régénéré dans l'eau baptismale, sitôt consacré prêtre et pontife ! Il lui fallait se livrer sans retard à l'étude assidue des saintes lettres, pour accourir docteur à la défense de l'Eglise attaquée dans son dogme fondamental par la fausse science des Ariens ; et telle fut en peu de temps la plénitude et la sûreté de sa doctrine que, non seulement elle opposa un mur d'airain aux progrès de l'erreur contemporaine, mais encore que les livres écrits par Ambroise mériteront d'être signalés par l'Eglise, jusqu'à la fin des siècles, comme l'un des arsenaux de la vérité.

Mais l'arène de la controverse n'était pas la seule où dût descendre le nouveau docteur ; sa vie devait être menacée plus d'une fois par les sectateurs de l'hérésie qu'il avait confondue. Quel sublime spectacle que celui de cet Evêque bloqua dans son église par les troupes de l'impératrice Justine, et gardé au dedans, nuit et jour, par son peuple ! Quel pasteur ! Quel troupeau ! Une vie dépensée tout entière pour la cité et la province avait valu à Ambroise cette fidélité et cette confiance de la part de son peuple. Par son zèle, son dévouement, son constant oubli de lui-même, il était l'image du Christ qu'il annonçait.


Hexaemeron. Ardennes. XIIe.

Au milieu des périls qui l'environnent, sa grande âme demeure calme et tranquille. C'est ce moment même qu'il choisit pour instituer, dans l'Eglise de Milan, le chant alternatif des Psaumes. Jusqu'alors la voix seule du lecteur faisait entendre du haut d'un ambon le divin Cantique ; il n'a fallu qu'un moment pour organiser en deux chœurs l'assistance, ravie de pouvoir désormais prêter sa voix aux chants inspirés du royal Prophète. Née ainsi au fort de la tempête, au milieu d'un siège héroïque, la psalmodie alternative est désormais acquise aux peuples fidèles de l'Occident.

Rome adoptera l'institution d'Ambroise, et cette institution accompagnera l'Eglise jusqu'à la fin des siècles. Durant ces heures de lutte, le grand Evêque a encore un don à faire à ces fidèles catholiques qui lui ont fait un rempart de leurs corps. Il est poète, et souvent il a chanté dans des vers pleins de douceur et de majesté les grandeurs du Dieu des chrétiens et les mystères du salut de l'homme. Il livre à son peuple dévoué ces nobles hymnes qui n'étaient pas destinées à un usage public, et bientôt les basiliques de Milan retentissent de leur mélodie. Elles s'étendront plus tard à l'Eglise latine tout entière ; à l'honneur du saint Evêque qui ouvrit ainsi une des plus riches sources de la sainte Liturgie, on appellera longtemps un Ambrosien ce que, dans la suite, on a désigné sous le nom d'Hymne, et l'Eglise romaine acceptera dans ses Offices ce nouveau mode de varier la louange divine, et de fournir à l'Epouse du Christ un moyen de plus d'épancher les sentiments qui l'animent.

Ainsi donc, notre chant alternatif des Psaumes, nos Hymnes elles-mêmes sont autant de trophées de la victoire d'Ambroise. Il avait été suscité de Dieu, non seulement pour son temps, mais pour les âges futurs. C'est ainsi que l'Esprit-Saint lui donna le sentiment du droit chrétien avec la mission de le soutenir, dès cette époque où le paganisme abattu respirait encore, où le césarisme en décadence conservait encore trop d'instincts de son passé.
Ambroise veillait appuyé sur l'Evangile. Il n'entendait pas que l'autorité impériale pût à volonté livrer aux Ariens, pour le bien de la paix, une basilique où s'étaient réunis les catholiques. Pour défendre l'héritage de l'Eglise, il était prêt à verser son sang. Des courtisans osèrent l'accuser de tyrannie auprès du prince. Il répondit :
" Non ; les évêques ne sont pas des tyrans, mais c'est de la part des tyrans qu'ils ont eu souvent à souffrir."
L'eunuque Calligone, chambellan de Valentinien II, osa dire à Ambroise :
" Comment, moi vivant, tu oses mépriser Valentinien ! Je te trancherai la tête.
- Que Dieu te le permette ! répondit Ambroise : je souffrirai alors ce que souffrent les évêques ; et toi tu auras a fait ce que savent faire les eunuques."


Saint Augustin, saint Grégoire, saint Jérôme et
saint Ambroise. Pier Francesco Sacchi. XVIe.

Cette noble constance dans la défense des droits de l'Eglise avait paru avec plus d'éclat encore, lorsque le Sénat romain, ou plutôt la minorité du Sénat restée païenne, tenta, à l'instigation du Préfet de Rome Symmaque, d'obtenir le rétablissement de l'autel de la Victoire au Capitole, sous le vain prétexte d'opposer un remède aux désastres de l'empire. Ambroise qui disait : " Je déteste la religion des Nérons ", s'opposa comme un lion à cette prétention du polythéisme aux abois. Dans d'éloquents mémoires à Valentinien, il protesta contre une tentative qui avait pour but d'amener un prince chrétien à reconnaître des droits à l'erreur, et de faire reculer les conquêtes du Christ, seul maître des peuples. Valentinien se rendit aux vigoureuses remontrances de l'Evêque qui lui avait appris " qu'un empereur chrétien ne devait savoir respecter que l'autel du Christ ", et ce prince répondit aux sénateurs païens qu'il aimait Rome comme sa mère, mais qu'il devait obéir à Dieu comme à l'auteur de son salut.

On peut croire que si les décrets divins n'eussent irrévocablement condamné l'empire à périr, des influences comme celles d'Ambroise, exercées sur des princes d'un cœur droit, l'auraient préservé de la ruine. Sa maxime était ferme ; mais elle ne devait être appliquée que dans les sociétés nouvelles qui surgirent après la chute de l'empire, et que le Christianisme constitua à son gré. Il disait donc :
" Il n'est pas de titre plus honorable pour un Empereur que celui de Fils de l'Eglise. L'Empereur est dans l'Eglise ; il n'est pas au-dessus d'elle."

Quoi de plus touchant que le patronage exercé avec tant de sollicitude par Ambroise sur le jeune Empereur Gratien, dont le trépas lui fit répandre tant de larmes ! Et Théodose, cette sublime ébauche du prince chrétien, Théodose, en faveur duquel Dieu retarda la chute de l'Empire, accordant constamment la victoire à ses armes, avec quelle tendresse ne fut-il pas aimé de l'évêque de Milan ? Un jour, il est vrai, le César païen sembla reparaître dans ce fils de l'Eglise ; mais Ambroise, par une sévérité aussi inflexible qu'était profond son attachement pour le coupable, rendit son Théodose à lui-même et à Dieu.
" Oui, dit le saint Evêque, dans l'éloge funèbre d'un si grand prince, j’ai aimé cet homme qui préféra à ses flatteurs celui qui le réprimandait. Il jeta à terre tous les insignes de la dignité impériale, il pleura publiquement dans l'Eglise le péché dans lequel on l'avait perfidement entraîné, il en implora le pardon avec larmes et gémissements. De simples particuliers se laissent détourner par la honte, et un Empereur n'a pas rougi d'accomplir la pénitence publique ; et désormais, pas un seul jour ne s'écoula pour lui sans qu'il eût déploré sa faute."
Qu'ils sont beaux dans le même amour de la justice, ce César et cet Evêque ! le César soutient l'Empire prêt à crouler, et l'Evêque soutient le César.


Les abeilles se penchent sur saint Ambroise nouveau né.
Legenda aura. Bx J. de Voragine. Richard de Montbaston. XIVe.

Mais que l'on ne croie pas qu'Ambroise n'aspire qu'aux choses élevées et retentissantes. Il sait être le pasteur attentif aux moindres besoins des brebis de son troupeau. Nous avons sa vie intime écrite par son diacre Paulin. Ce témoin nous révèle qu'Ambroise, lorsqu'il recevait la confession des pécheurs, versait tant de larmes qu'il entraînait à pleurer avec lui celui qui était venu découvrir sa faute. " Il semblait, dit le biographe, qu'il fût tombé lui-même avec celui qui avait failli."
On sait avec quel touchant et paternel intérêt il accueillit Augustin captif encore dans les liens de l'erreur et des passions ; et qui voudra connaître Ambroise, peut lire dans les Confessions de l'évêque d'Hippone les épanchements de son admiration et de sa reconnaissance. Déjà Ambroise avait accueilli Monique, la mère affligée d'Augustin ; il l'avait consolée et fortifiée par l'espérance du retour de son fils. Le jour si ardemment désiré arriva; et ce fut la main d'Ambroise qui plongea dans les eaux purifiantes du baptême celui qui devait être le prince des Docteurs.

Un cœur aussi fidèle à ses affections ne pouvait manquer de se répandre sur ceux que les liens du sang lui avaient attachés. On sait l'amitié qui unit Ambroise à son frère Satyre, dont il a raconté les vertus avec l'accent d'une si émouvante tendresse dans le double éloge funèbre qu'il lui consacra. Marcelline sa sœur ne fut pas moins chère à Ambroise. Dès sa première jeunesse, la noble patricienne avait dédaigné le monde et ses pompes. Sous le voile de la virginité qu'elle avait reçu da mains du pape Libère, elle habitait Rome au sein de la famille.


Ecclésiastiques dont saint Ambroise s'opposant à des hérésiarques.
Speculum historiale. V. de Beauvais. XVe.

Mais l'affection d'Ambroise ne connaissait pas de distances ; ses lettres allaient chercher la servante de Dieu dans son mystérieux asile. Il n'ignorait pas quel zèle elle nourrissait pour l'Eglise, avec quelle ardeur elle s'associait à toute les œuvres de son frère, et plusieurs des lettre qu'il lui adressait nous ont été conservées. On es ému en lisant seulement la suscription de ces épîtres : " Le frère à la sœur ", ou encore : " A Marcelline ma sœur, plus chère à moi que mes yeux et ma vie ". Le texte de la lettre vient ensuite, rapide, animé, comme les luttes qu'il retrace. Il en est une qui fut écrite dans les heures même où grondait l'orage, pendant que le courageux pontife était assiégé dans sa basilique par les troupes de Justine. Ses discours au peuple de Milan, ses succès comme ses épreuves, les sentiments héroïques de son âme épiscopale, tout se peint dans ces fraternelles dépêches, tout y révèle la force et la sainteté du lien qui unit Ambroise et Marcelline. La basilique Ambrosienne garde encore le tombeau du frère et celui de la sœur ; sur l'un et l'autre chaque jour le divin Sacrifice est offert.

Tel fut Ambroise, dont Théodose disait un jour : " Il n'y a qu'un évêque au monde ". Glorifions l'Esprit-Saint qui a daigné produire un type aussi sublime dans l'Eglise, et demandons au saint Pontife qu'il daigne nous obtenir une part à cette foi vive, à cet amour si ardent qu'il témoigne dans ses suaves et éloquents écrits envers le mystère de la divine Incarnation. En ces jours qui doivent aboutir à celui où le Verbe fait chair va paraître, Ambroise est l'un de nos plus puissants intercesseurs.


Les docteurs de l'Eglise dont saint Ambroise.
Illustration de présentation de La Cité de Dieu de saint Augustin. XVe.

Sa piété envers Marie nous apprend aussi quelle admiration et quel amour nous devons avoir pour la Vierge bénie. Avec saint Ephrem, l'évêque de Milan est celui des Pères du siècle qui a le plus vivement exprimé les grandeurs du ministère et de la personne de Marie. II a tout connu, tout ressenti, tout témoigné. Marie exempte par grâce de toute tache de péché, Marie au pied de la Croix s'unissant à son fils pour le salut du genre humain, Jésus ressuscité apparaissant d'abord à sa mère, et tant d'autres points sur lesquels Ambroise est l'écho de la croyance antérieure, lui donnent un des premiers rangs parmi les témoins de la tradition sur les mystères de la Mère de Dieu.

Cette tendre prédilection pour Marie explique l'enthousiasme dont Ambroise est rempli pour la virginité chrétienne, dont il mérite d'être considéré comme le Docteur spécial. Aucun des Pères ne l'a égalé dans le charme et l'éloquence avec lesquels il a proclamé la dignité et la félicité des vierges. Quatre de ses écrits sont consacrés à glorifier cet état sublime, dont le paganisme expirant essayait encore une dernière contrefaçon dans ses vestales, recrutées au nombre de sept, comblées d'honneurs et de richesses, et déclarées libres après un temps. Ambroise leur oppose l'innombrable essaim des vierges chrétiennes, remplissant le monde entier du parfum de leur humilité, de leur constance et de leur désintéressement. Mais sur un tel sujet sa parole était plus attrayante encore que sa plume, et l'on sait, par les récits contemporains, que, dans les villes qu'il visitait et où sa voix devait se faire entendre, les mères retenaient leurs filles à la maison, dans la crainte que les discours d'un si saint et si irrésistible séducteur ne leur eussent persuadé de n'aspirer plus qu'aux noces éternelles.

Extraits de la Légende dorée du Bx Jacques de Voragine, d'après la vie de saint Ambroise par Paulin, son secrétaire :

Ambroise vient de ambre, qui est une substance odoriférante et précieuse. Or, saint Ambroise fut précieux à l’Eglise et il répandit une bonne odeur par ses paroles et ses actions. Ou bien Ambroise vient de ambre et de sios, qui veut dire Dieu, comme l’ambre de Dieu ; car Dieu par Ambroise répand partout une odeur semblable à celle de l’ambre. Il fut et il est la bonne odeur de Notre Seigneur Jésus-Christ en tout lieu. Ambroise peut venir encore de ambor, qui signifie père des lumières et de sior, qui veut dire petit ; parce qu'il fut le père de beaucoup de fils par la génération spirituelle, parce qu'il fut lumineux dans l’exposition de la sainte Ecriture, et parce qu'il fut petit dans ses habitudes humbles.
Le glossaire dit : ambrosius signifie odeur ou saveur de Notre Seigneur Jésus-Christ ; ambroisie céleste, nourriture des anges ; ambroise, rayon céleste de miel. Car saint Ambroise fut une odeur céleste par une réputation odoriférante; une saveur, par la contemplation intérieure ; il fut un rayon céleste de miel par son agréable interprétation des Ecritures; et une nourriture angélique, parce qu'il mérita de jouir de la gloire. Sa vie fut écrite à saint Augustin par saint Paulin, évêque de Nole.


L'empereur Théodose reçoit son pardon de saint Ambroise.
Pierre Subleyras. XVIIIe.

Ambroise était fils d'Ambroise, préfet de Rome. Il avait été mis en son berceau dans la salle du prétoire ; il y dormait, quand un essaim d'abeilles survint tout a coup et couvrit de telle sorte sa figure et sa bouche qu'il semblait entrer dans sa ruche et en sortir. Les abeilles prirent ensuite leur vol et s'élevèrent en l’air à une telle hauteur que oeil humain n'était capable de les distinguer.
Son père fut frappé de ce fait et dit :
" Si ce petit enfant vit, ce sera quelque chose de grand."

Parvenu à l’adolescence, en voyant sa mère et sa soeur, qui avait consacré à Dieu leur virginité, embrasser la main des prêtres, il offrit en se jouant sa droite à sa soeur en l’assurant qu'elle devait en faire autant. Mais elle le lui refusa comme à un enfant et à quelqu'un qui ne sait ce qu'il dit.
Après avoir appris les belles lettres à Rome, il plaida avec éclat des causes devant le tribunal, et fut envoyé par l’empereur Valentinien pour prendre le gouvernement des provinces de la Ligurie et de l’Emilie. Il vint à Milan alors que le siège épiscopal était vacant ; le peuple s'assembla pour choisir un évêque : mais une grande sédition s'éleva entre les ariens et les catholiques sur le choix du candidat ; Ambroise y vint pour apaiser la sédition, quand tout à coup se fit entendre la voix d'un enfant qui s'écria :
" Ambroise évêque !"
Alors à l’unanimité ; tous s'accordèrent à acclamer Ambroise évêque. Quand il eut vu cela, afin de détourner l’assemblée de ce choix qu'elle avait fait de lui, il sortit de l’église, monta sur son tribunal et, contre sa coutume, il condamna à des tourments ceux qui étaient accusés. En le voyant agir ainsi, le peuple criait néanmoins :
" Que ton péché retombe sur nous !"
Alors il fut bouleversé et rentra chez lui. Il voulut faire profession de philosophe : mais afin qu'il ne réussît pas on le fit révoquer. Il fit entrer chez lui publiquement des femmes de mauvaise vie, afin qu'en les voyant le peuple revînt sur son élection ; mais considérant qu'il ne venait pas à ses fins, et que le peuple criait toujours : " Que ton péché retombe sur nous !", il conçut la pensée de prendre la fuite au milieu de la nuit. Et au moment où il se croyait sur le bord du Tésin, il se trouva, le matin, à une porte de Milan, appelée la porte de Rome.
Quand on l’eut rencontré, il fut gardé à vue par le peuple. On adressa un rapport au très clément empereur Valentinien, qui apprit avec la plus grande joie qu'on choisissait pour remplir les fonctions du sacerdoce ceux qu'il avait envoyés pour être juges.


Mort de Rufin prévôt de l'empereur Théodose.
Speculum historiale. V. de Beauvais. XVe.

Le préfet Probus était dans l’allégresse de voir accomplir en saint Ambroise la parole qu'il lui avait dite alors qu'il lui donnait ses pouvoirs lors de son départ :
" Allez, agissez comme un évêque plutôt que comme un juge."
Le rapport était encore chez l’empereur, quand Ambroise se cacha derechef, mais on le trouva. Comme il n'était que catéchumène, il fut baptisé et huit jours après il fut installé sur la chaire épiscopale. Quatre ans après, il alla à Rome, et comme sa soeur, qui était religieuse, lui baisait la main, il lui dit en souriant :
" Voilà ce que je te disais ; tu baises la main du prêtre."

Etant allé dans une ville pour ordonner un évêque, à l’élection duquel l’impératrice Justine et d'autres hérétiques s'opposaient, en voulant que quelqu'un de leur secte fût promu, une vierge du parti des Ariens, plus insolente que les autres, monta au tribunal et saisit saint Ambroise par son vêtement, dans l’intention de l’entraîner du côté où étaient les femmes, afin que, saisi par elles, il fût chassé de l’église honteusement.
Ambroise lui dit :
" Encore que je sois indigne d'être revêtu de la dignité sacerdotale, il ne vous appartient cependant point de porter les mains sur tel prêtre que ce soit. Et, vous devez craindre le jugement de Dieu de peur :qu'il né vous en arrive malheur."
Ce mot se trouva vérifié, car, le jour suivant, cette fille mourut. Saint Ambroise accompagna son corps jusqu'au lieu de la sépulture, rendant ainsi un bienfait pour un affront. Cet événement jeta l’épouvante partout.


Saint Augustin sacré par saint Ambroise.
Speculum historiale. V. de Beauvais. XVe.

Après cela, il revint à Milan oit l’impératrice Justine lui tendit une foule d'embûches, en excitant le peuple contre le saint par ses largesses et par les honneurs qu'elle accordait. On cherchait tous les moyens de l’envoyer en exil, au point qu'un homme plus malheureux que les autres s'était laissé emporter à un degré de fureur telle qu'il avait loué une maison auprès de l’église et y tenait un char tout prêt pour, sur l’ordre de Justine, le traîner plus rapidement en exil.

Mais, par un jugement de Dieu, le jour même qu'il pensait se saisir de lui, il fut emmené de la même maison lui-même en exil avec le même char. Ce qui n'empêcha pas saint Ambroise de lui fournir tout ce qui était nécessaire à sa subsistance, rendant ainsi le bien pour le mal. Il composa le chant et l’office de l’église de Milan. En ce temps-là il y avait à Milan un grand nombre de personnes obsédées par le démon, criant à haute voix qu'elles, étaient tourmentées par saint Ambroise. Justine et bon nombre d'Ariens qui vivaient ensemble disaient qu'Ambroise se procurait des hommes à prix d'argent pour dire faussement qu'ils étaient maltraités par des esprits immondes, et qu'ils étaient tourmentés par Ambroise.
Alors tout à coup, un arien qui se trouvait là fut saisi par le démon et se jeta au milieu de l’assemblée en criant :
" Puissent-ils être tourmentés comme je le suis, ceux qui ne croient pas à Ambroise."
Mais les ariens confus tuèrent cet homme en le noyant dans une piscine. Un hérétique, homme très subtil dans la dispute, dur, et qu'on ne pouvait convertir à la foi, entendant prêcher saint Ambroise, vit un ange qui disait à l’oreille du saint les paroles qu'il adressait au peuple. A cette vue, il se mit à défendre la foi qu'il persécutait.


Saint Ambroise devant Justine.
Speculum historiale. V. de Beauvais. XVe.

Un aruspice conjurait les démons et les envoyait pour nuire à saint Ambroise ; mais les démons revenaient en disant qu'ils ne pouvaient approcher de sa personne, ni même avancer auprès des portes de sa maison, parce qu'un feu infranchissable entourait l’édifice entier en sorte qu'ils étaient brûlés quoiqu'ils se plaçassent au loin. Il arriva que ce même devin étant condamné aux tourments par le juge pour divers maléfices, criait qu'il était tourmenté davantage encore par Ambroise. Le démon sortit d'un démoniaque qui entrait dans Milan, mais il rentra en lui quand il quitta la ville. On en demanda la cause au démon : il répondit qu'il craignait Ambroise.

Un autre, entra une nuit dans la chambre du saint pour le tuer avec une épée : c'était Justine qui l’y avait poussé par ses prières et par son argent ; mais au moment qu'il levait l’épée pour le frapper, sa main se sécha. Les habitants de Thessalonique avaient insulté l’empereur Théodose, celui-ci leur pardonna à la prière de saint Ambroise ; mais la malignité des courtisans s'emparant de l’affaire, beaucoup de personnes furent tuées par l’ordre du prince, à l’insu du saint.
Aussitôt qu'Ambroise en eut eu connaissance, il refusa à Théodose l’entrée de l’église. Comme celui-ci lui disait que David avait commis un adultère et un homicide, le saint répondit :
" Vous l’avez imité dans ses. fautes, imitez-le dans son repentir."
Ces paroles furent reçues de si bonne grâce par le très clément empereur qu'il ne refusa pas de se soumettre à une sincère pénitence.

Un démoniaque se mit à crier qu'il était tourmenté par Ambroise. Le saint lui dit :
" Tais-toi, diable, car ce n'est pas Ambroise qui te tourmente, c'est ton envie, tu vois des hommes monter d'où tu as été précipité honteusement mais Ambroise ne sait point prendre d'orgueil."
Et le possédé se tut à l’instant.

L'invention des reliques de saint Protais et saint Gervais par
saint Ambroise après qu'ils lui soit apparu en songe.
Philippe de Champaigne. XVIIe.
 
Une fois que saint Ambroise allait par la ville, quelqu'un tomba et resta étendu par terre ; un homme qui le vit se mit à rire. Ambroise lui dit :
" Vous qui êtes debout, prenez garde de tomber aussi."
A ces mots cet homme fit une chute et regretta bien de s'être moqué de l’autre.
Une fois, saint Ambroise vint intercéder en faveur de quelqu'un, Macédonius, maître des offices ; mais ayant trouvé fermées les portes de son palais et ne pouvant entrer, il dit :
" Tu viendras à ton tour à l’église et tu ne pourras y entrer, quoique les portes n'en soient pas fermées, et qu'elles soient toutes grandes ouvertes."
Après un certain laps de temps, Macédonius, par crainte de ses ennemis, s'enfuit à l’église, mais il ne put en trouver l’entrée, quoique les portes fussent ouvertes.

L'abstinence du saint évêque était si rigoureuse qu'il jeûnait tous les jours, excepté le samedi, le dimanche et les principales fêtes. Il faisait de si abondantes largesses qu'il donnait tout ce qu'il pouvait avoir aux églises et aux pauvres, et ne gardait rien pour lui. Il était rempli d'une telle compassion que si quelqu'un venait lui confesser ses péchés, il pleurait avec une amertume telle, que le pécheur était forcé lui-même de pleurer.

Son humilité et son amour du travail allaient au point de lui faire écrire lui-même de sa propre main les livres qu'il composait, à moins qu'il n'eût été malade gravement. Sa piété et sa douceur étaient si grandes que quand on lui annonçait la mort d'un saint prêtre ou d'un évêque, il versait des larmes tellement amères qu'il était presque inconsolable. Or, comme on lui demandait pourquoi il pleurait ainsi les saints personnages qui allaient au ciel, il disait :
" Ne croyez pas que je pleure de les voir partir, mais de les voir me prévenir : en outre, il est difficile de trouver quelqu'un digne de remplir de pareilles fonctions."


Apparition de saint Ambroise à la bataille de Milan.
Maître de La Pala Sforzesca. XVe.

Sa constance et sa force d'âme étaient telles qu'il ne flattait ni l’empereur, ni les princes, dans leurs désordres, mais qu'il les reprenait hautement et sans relâche. Un homme avait commis un crime énorme et avait, été amené à saint Ambroise qui dit :
" Il faut le livrer à Satan pour mortifier sa chair, de peur qu'il n'ait l’audace de, commettre encore de pareils crimes."
Au même moment, comme il avait encore ces mots à la bouche l’esprit immonde le déchira.

On rapporte qu'une fois saint Ambroise allant à Rome reçut l’hospitalité dans une maison de campagne en Toscane, chez un homme excessivement riche, auprès duquel il s'informa avec intérêt de sa position.
" Ma position, lui répondit cet homme, a toujours été accompagnée de bonheur et de gloire. Voyez en effet, je regorge de richesses, j'ai des esclaves et des domestiques en grand nombre, je possède une nombreuse famille de fils et de neveux, tout m’a toujours réussi à souhait ; jamais d'adversité, jamais de tristesse."
En entendant cela Ambroise fut saisi de stupeur et dit à ceux qui l’accompagnaient :
" Levons-nous, fuyons d'ici au plus vite ; car e Seigneur n'est pas dans cette maison. Hâtez-vous, mes enfants, hâtez-vous ; n'apportez aucun retard dans votre fuite ; de crainte que la vengeance divine ne nous saisisse ici et qu'elle ne nous enveloppe tous dans leurs péchés."
Ils sortirent et ils n'étaient pas encore éloignés que la terre s'entr'ouvrit subitement, et engloutit cet homme avec tout ce qui lui appartenait, jusqu'à n'en laisser autan vestige. A cette vue saint Ambroise dit :
" Voyez, mes frères, comme Dieu traite avec miséricorde quand il donne ici-bas des adversités, et comme il est sévère et menaçant quand il accorde une suite ininterrompue de prospérités."
On raconte qu'en ce même lieu, il reste une fosse très profonde existant encore aujourd'hui comme témoignage de ce fait.

Saint Ambroise voyant l’avarice, qui est la racine de tous les maux, s'accroître de plus en plus dans les hommes et surtout dans ceux qui étaient constitués en dignité, chez lesquels tout était vénal, comme aussi dans ceux qui exerçaient les fonctions du saint ministère, il pleura beaucoup et pria avec les plus grandes instances d'être délivré des embarras du siècle.
Dans la joie,qu'il ressentit d'avoir obtenu ce qu'il demandait, il révéla à ses frères qu'il serait avec eux jusqu'au dimanche de la Résurrection. Peu de jours avant d'être forcé à garder le lit, comme il dictait à son secrétaire l’explication du Psaume XLIIIe, tout à coup à la vue de ce secrétaire, une manière de feu léger couvrit sa tête et peu à peu entra dans sa bouche comme un propriétaire entre dans sa maison.
Alors sa figure devint blanche comme la neige ; mais bientôt après elle reprit son teint accoutumé. Ce jour-là même il cessa d'écrire et de dicter, en sorte qu'il ne put terminer le Psaume.


La mort de saint Ambroise. Boullogne l'Aîné. XVIIe.

Or, peu de jours après, sa faiblesse augmenta ; alors le comte d'Italie, qui se trouvait à Milan, convoqua tous les nobles en disant qu'après la mort d'un si grand homme, il y avait lieu de craindre que l’Italie ne vînt à déchoir, et il pria l’assemblée de se transporter auprès du saint pour le conjurer d'obtenir du Seigneur de vivre encore l’espace d'une année.
Quand saint Ambroise les eut entendus, il leur répondit :
" Je n'ai point vécu parmi vous de telle sorte que j'aie honte de vivre, ni ne crains point de mourir, car nous avons un bon maître."
Dans le même temps quatre de ses diacres, qui s'étaient réunis ensemble, se demandaient l’un à l’autre quel serait celui qui mériterait d'être évêque après sa mort: ils se trouvaient assez loin du lit ou le saint était couché, et ils avaient prononcé tout bas le nom de Simplicien ; c'était à peine s'ils pouvaient s'entendre eux-mêmes. Ambroise tout éloigné qu'il fût cria par trois fois :
" Il est vieux, mais il est bon."

En entendant cela les diacres effrayés prirent la fuite, et après la mort d'Ambroise ils n'en choisirent pas d'autre que Simplicien. Il vit, auprès du lieu où il était couché, Notre Seigneur Jésus-Christ venir à lui et lui sourire d'un regard agréable. Honoré, évêque de Verceil, qui s'attendait à la mort de saint Ambroise, entendit, pendant son sommeil, une voix lui criant par trois fois :
" Lève-toi, car il va trépasser."
Il se leva aussitôt, vint à Milan et administra à saint Ambroise le sacrement du corps de Notre-Seigneur ; un instant après, le saint étendit, les bras en formé de croix et rendit le dernier soupir : il proférait encore une prière. Il mourut l’an du Seigneur 399.


Mathias Stomer. XVIIe.

Ce fut dans la nuit de Pâques que son corps fut porté à l’église et beaucoup d'enfants qui venaient d'être baptisés le virent les uns dans la chaire, les autres le montraient du doigt à leurs parents, montant dans la chaire ; quelques autres enfin racontaient qu'ils voyaient une étoile sur son corps.
Un prêtre, qui assistait à un repas avec beaucoup de convives, se mit à parler mal de saint Ambroise ; il fut à l’instant frappé d'une maladie mortelle, et il passa de la table à son lit pour y mourir bientôt après. En la ville de Carthage, trois évêques étaient atablé et l’un d'eux ayant dit du mal de saint Ambroise, on lui rapporta ce qui était arrivé au prêtre qui l’avait calomnié ; cet évêque se moqua de cela ; mais aussitôt il fut frappé à mort et expira à l’instant.

Saint Ambroise fut recommandable en bien des points :
1. Dans sa libéralité, car tout ce qu'il avait appartenait aux pauvres ; aussi rapporte-t-il en parlant de soi-même que l’empereur lui demandant une basilique il lui répondit ainsi (cette réponse se trouve dans le Décret Convenior, XXIII question 8) :
" S'il me demandait quelque chose qui fût à moi, comme mes biens-fonds, mon argent, et choses semblables qui sont ma propriété, je ne ferais pas de résistance, quoique tout ce qui est à moi appartienne aux pauvres."

2. Dans la pureté et l’innocence de sa vie, car il fut vierge. Et saint Jérôme rapporté qu'il disait :
" Non seulement nous louons la virginité, mais aussi nous la conservons."

3. Dans la fermeté de sa foi, qui lui titi dire, alors que l’empereur lui demandait une basilique (ces mots se trouvent au chapitre cité plus haut) :
" Il m’arrachera plutôt l’âme que la foi."


Saint Ambroise, Anonyme suisse XVe.

4. Par son désir du martyre. On lit à ce propos, dans sa lettre, De basilica non tradenda, que le ministre de l’empereur Valentinien lui fit dire :
" Tu méprises Valentinien, je te coupe la tête."
Ambroise lui répondit :
" Que Dieu vous laisse faire ce dont vous me menacez, et plaise encore à Dieu qu'il daigne détourner les fléaux dont l’Eglise est menacée afin que ses ennemis tournent tous leurs traits contre moi et qu'ils étanchent leur soif dans mon sang."

5. Par ses prières assidues. On lit sur ce point au XIe livre de l’Histoire ecclésiastique : Ambroise, dans ses démêlés avec une reine furieuse, ne se défendait ni avec la main ; ni avec des armes, mais avec des jeûnes, des veilles continuelles, à l’abri sous l’autel, par ses obsécrations, il se donnait Dieu pour défenseur de sa cause à lui et de son Eglise.

6. Par ses larmes abondantes : il en eut pour trois causes :
a) il eut des larmes de compassion pour les fautes des autres, et saint Pantin rapporte de lui, dans sa légende, que quand quelqu'un venait lui confesser sa faute, il pleurait si amèrement qu'il faisait pleurer son pénitent ;
b) il eut des larmes de dévotion dans la vue des biens éternels. On a vu plus haut qu'il dit à saint Paulin quand celui-ci lui demandait pourquoi il pleurait de la sorte la mort des saints :
" Je ne pleure pas, répondit-il, parce qu'ils sont décédés; mais parce qu'ils m’ont précédé à la gloire."
c) Il eut des larmes de compassion pour les injures qu'il recevait d'autrui. Voici comme il s'exprime en parlant de lui-même, et ces paroles sont encore rapportées dans le décret mentionné plus haut :
" Mes armes contre les soldats goths, ce sont mes larmes. C'est le seul rempart derrière lequel peuvent s'abriter des prêtres, je ne puis ni ne dois résister autrement."


Saint Ambroise en prière. De bono mortis. Fécamp. XIe.
 
7. Il fut recommandable pour sa constance à toute épreuve. Cette vertu brille eu lui :
 
a) Dans la défense de la vérité catholique. On lit à ce sujet, dans le Livre XIe de l’Histoire ecclésiastique que Justine, mère de l’empereur Valentinien, disciple des Ariens, entreprit de jeter le trouble dans l’Église, menaçant les prêtres de les chasser en exil, s'ils ne voulaient consentir à révoquer les décrets du concile de Rimini ; par ce moyen elle se débarrassait d'Ambroise qui était le mur, et la tour de l’Église. Voici les paroles que l’on chante dans la Préface de la messe de ce saint :
" Vous avez (le Seigneur) affermi Ambroise dans une si grande vertu, vous l’avez orné du haut du ciel d'une si admirable constance, que par lui les démons étaient tourmentés et chassés, que l’impiété arienne était confondue, et que la tête des princes séculiers s'abaissait humblement pour porter votre joug."
 
b) Dans la défense de la liberté de l’Église. L'empereur voulant s'emparer d'une basilique, Ambroise résista à l’empereur, ainsi qu'il l’atteste lui-même, et ses paroles sont rapportées dans le Décret XXIII, quest. 6 :
" Je suis, dit-il, circonvenu par les comtes, afin de faire un abandon libre de la basilique ; ils me disaient que c'était l’ordre de l’empereur, et que je devais la livrer, car il v avait droit. J'ai répondu : " Si c'est mon patrimoine qu'il demande, emparez-vous-en ; si c'est mon corps, j'irai le lui offrir. Me voulez-vous dans les chaînes ? Qu'on m’y mette. Voulez-vous ma mort ? Je le veux encore. Je ne me ferai pas un rempart de la multitude, je n'irai pas me réfugier à l’autel, ni le tenir de mes mains pour demander la vie, mais je me laisserai immoler de bon coeur pour les autels. On m’envoie l’ordre de livrer la basilique. D'un côté, ce sont des ordres royaux qui nous pressent, mais d'un autre côté, nous avons pour défense les paroles de l’Écriture qui nous disent : " Vous avez parlé comme une insensée ". Empereur, ne vous avantagez pas d'avoir, ainsi que vous le pensez, aucun droit sur les choses divines ; à l’empereur les palais, aux prêtres les églises. Saint Naboth défendit sa vigne de son sang ; et s'il ne céda pas sa vigne, comment nous, céderons-nous l’église de Notre Seigneur Jésus-Christ ? Le tribut appartient à César : qu'on ne le lui refuse pas ; l’église appartient à Dieu, par la même raison qu'elle ne soit pas livrée à César. Si on me forçait ; si on me demandait, soit terres, soit maison, soit or, ou argent, enfin quelque chose qui m’appartînt, volontiers je l’offrirais, je ne puis rien détacher, rien ôter du temple de Dieu ; puisque je l’ai reçu pour le conserver, et non pour le dilapider."
 
c) Il fit preuve de constance en reprenant le vice et toute espèce d'iniquité. En effet on lit cette chronique dans l’Histoire tripartite (Liv. IX, ch. XXX.) :
Une sédition s'étant élevée à Thessalonique, quelques-uns des juges avaient été lapidés par le peuple. L'empereur Théodose indigné fit tuer tout le monde, sans distinguer les coupables des innocents. Le nombre des victimes s'éleva à cinq mille. Or, l’empereur vint à Milan et voulut entrer dans l’église, mais Ambroise alla à sa rencontre jusqu'à la porte, et lui en refusa l’entrée en disant :
" Pourquoi, empereur, après un pareil acte de fureur, ne pas comprendre l’énormité de votre présomption ? Peut-être que la puissance impériale vous empêche de reconnaître vos fautes. Il est de votre dignité due la raison l’emporte sur la puissance. Vous êtes prince, Ô empereur, mais vous commandez à des hommes comme vous. De quel oeil donc regarderez-vous le temple de notre commun maître ? Avec quels pieds foulerez-vous son sanctuaire ? Comment laverez-vous des mains teintes encore d'un sang injustement répandu ? Oseriez-vous recevoir son sang adorable en cette bouche qui, dans l’excès de votre colère, a commandé tant de meurtres ? Relevez-vous donc, retirez-vous, et n'ajoutez pas un nouveau crime à celui que vous avez déjà commis. Recevez le joug que le Seigneur vous impose aujourd'hui est la guérison assurée et le salut pour vous."
L'empereur obéit et retourna à son palais en gémissant et en pleurant. Or, après avoir longtemps versé des larmes, Rufin, l’un de ses généraux, lui demanda le motif d'une si profonde tristesse. L'empereur lui dit :
" Pour toi, tu ne sens pas mon mal ; aux esclaves et aux mendiants les temples sont ouverts mais à moi l’entrée en est interdite."
En parlant ainsi chacun de ses mots était entrecoupé par des sanglots.
" Je cours, lui dit Rufin, si vous le voulez, auprès d'Ambroise, afin qu'il vous délie des liens dans lesquels il vous a enlacé.
- Tu ne pourras persuader Ambroise, repartit Théodose, car la puissance impériale ne saurait l’effrayer au point de lui faire violer la loi divine."
Mais Rufin lui promettant de fléchir l’évêque, l’empereur lui donna l’ordre d'aller le trouver, et quelques instants après il le suivit.
Ambroise n'eut pas plutôt aperçu Rufin, qu'il lui dit :
" Tu imites les chiens dans leur impudence, Rufin, toi, l’exécuteur d'un pareil carnage ; il ne te. reste donc aucune honte, et tu ne rougis pas d'aboyer contre la majesté divine."
Comme Rufin suppliait, pour l’empereur et disait que celui-ci allait venir lui-même, Ambroise enflammé d'un zèle surhumain :
" Je te déclare, lui dit-il, que je l’empêcherai d'entrer dans les saints parvis ; s'il vent employer la force et agir en tyran, je suis prêt à souffrir la mort."
Rufin ayant rapporté ces paroles à l’empereur :
" J'irai, lui dit celui-ci, j'irai le trouver, pour recevoir moi-même les reproches que je mérite."
Arrivé près d'Ambroise, Théodose lui demanda d'être délié de son interdit, alors Ambroise alla à sa rencontre, et lui refusa l’entrée de l’église en disant :
" Quelle pénitence avez-vous faite après avoir commis de si grandes iniquités ?"
Il répondit :
" C'est à vous à me l’imposer et à moi à me soumettre."
Alors comme l’empereur alléguait que David aussi avait commis un adultère et un homicide, Ambroise lui dit :
" Vous l’avez imité dans sa faute, imitez-le dans son repentir."
L'empereur reçut ces avis avec une telle gratitude qu'il ne se refusa pas à faire une pénitence publique. Quand il fut réconcilié, il vint à l’église et resta debout au chancel ; Ambroise lui demanda ce qu'il attendait là : l’empereur lui ayant répondu qu'il attendait pour participer aux, saints mystères, Ambroise lui dit :
" Empereur, l’intérieur de l’église est réservé aux prêtres seulement; sortez donc, et attendez les mystères avec les autres; la pourpre vous fait empereur et non pas prêtre."
A l’instant Théodose lui obéit. Revenu à Constantinople, il se tenait hors du chancel, l’évêque alors lui commanda d'entrer, et Théodose répondit :
" J'ai été longtemps à savoir la différence qu'il y a entre un empereur et un évêque; c'est à peine si j'ai trouvé un maître qui m’ait enseigné la vérité, je ne connais au monde de véritable évêque qu'Ambroise."


Baptême de saint Augustin. Louis Boullogne le Jeune. XVIIe.

8. Il fut recommandable par sa saine doctrine qui atteint à une grande profondeur. Saint Jérôme dans son livre sur les Douze Docteurs dit :
" Ambroise plane au-dessus des profondeurs comme un oiseau qui s'élance dans les airs ; c'est dans le ciel qu'il cueille ses fruits."
En parlant de sa fermeté, il ajouta :
" Toutes ses sentences sont des colonnes sur lesquelles s'appuient la foi, l’Eglise et toutes les vertus."
Saint Augustin dit en parlant de la beauté de son style, en son livre des Noces et des Contrats :
" L'hérésiarque Pélage donne ces éloges à saint Ambroise : le saint évêque Ambroise, dont les livres contiennent la doctrine romaine, brilla comme une fleur au milieu des écrivains latins."
Saint Augustin ajoute :
" Sa foi et ses explications très exactes de l’Ecriture n'ont même pas été attaquées par un seul ennemi."
Sa doctrine jouit d'une grande autorité, puisque les écrivains anciens, comme saint Augustin, tenaient grand cas de ses paroles.
A ce propos saint Augustin rapporte à Janvier que sa mère s'étonnait de ce qu'on ne jeunât pas le samedi à Milan, saint Augustin en demanda la raison à saint Ambroise qui lui répondit :
" Quand je vais à Rome, je jeûne le samedi. Eh bien ! quand vous vous trouvez dans une église, suivez ses pratiques, si vous ne voulez scandaliser, ni être scandalisé."
Saint Augustin dit à ce propos :
" Plus je réfléchis sur cet avis, plus je trouve que c'est pour moi comme un oracle du ciel."
 
HYMNE A SAINT AMBROISE

Tirées des Menées des Grecs.

" Toi, qui par une double vertu fut l'honneur du trône sur lequel tu siégeais en Préfet, l'inspiration divine te plaça bientôt, fidèle ministre, sur le trône de la Hiérarchie ; c'est pourquoi, intègre administrateur de la puissance, tu as mérité dans ces deux, emplois une double couronne.

Tu as purifié ton corps et ton âme par la continence , les travaux, les veilles et les prières continuelles ; Ô très prudent Pontife, vase d'élection de notre Dieu, semblable aux Apôtres, tu as reçu comme eux les dons de l'Esprit-Saint.

Comme Nathan reprit autrefois David, tu repris le pieux Empereur après son péché ; tu le soumis avec sagesse à l'excommunication ; et l'ayant exhorté à une pénitence digne de Dieu, tu le rappelas parmi ton troupeau.

Ô Père très saint, ô divin Ambroise, lyre résonnante, mélodie salutaire des vrais enseignements, tu attires au Seigneur les âmes des Fidèles. Harpe harmonieuse du divin Paraclet, grand instrument de Dieu, trompette célèbre de l'Eglise, source très limpide, fleuve qui purifie nos âmes de toute passion ; prie, supplie le Christ de donner à l'Eglise une paix unanime et une grande miséricorde.

Imitant le prophète Elie et Jean-Baptiste, tu as repris avec courage les Princes qui se livraient à l'iniquité ; tu as orné le trône hiérarchique auquel tu fus divinement appelé, et tu as enrichi le monde de la multitude de tes miracles ; tu as corroboré les fidèles, et converti les infidèles par l'aliment des saintes Ecritures. Ambroise ! Ô saint Pontife ! Prie Dieu de nous accorder la rémission de nos péchés, à nous qui fêtons avec amour ta sainte mémoire.

Tu as préservé ton troupeau de tout dommage de la part des ennemis, Ô Bienheureux ! Et tu as dissipé l'erreur d'Arius parla splendeur de tes paroles.

L'assemblée des Pontifes se réjouit en ta douce mémoire ; les chœurs des Fidèles, mêlés aux Esprits célestes, tressaillent d'allégresse ; et l'Eglise se nourrit spirituellement en ce jour de ta parole, Ô Ambroise, auguste Père !

Tu es le laboureur habile, qui traces les sillons dans le champ ouvert à tous de la foi et de la doctrine ; tu y sèmes, Ô très sage, tes divines leçons ; et l'épi s'étant multiplié par tes soins, tu distribues à l'Eglise le céleste pain de l'Esprit-Saint.

Rome célèbre tes glorieuses œuvres ; car, ainsi qu'un astre radieux, tu répands partout les clartés de tes prodiges, Ô grand Pontife, vraiment admirable !

T'approchant du Christ dès l'aurore, tu sortais d'auprès de lui richement irradié de ses splendeurs ; c'est pourquoi ayant puisé à la source de la divine lumière, tu illumines ceux qui avec foi t'honorent en tous lieux.

Tu as consacré à Dieu ton corps et ton âme; et ton cœur, Ô Père, capable des célestes dons, tu l'as attaché au doux amour, t'y fixant avec ardeur.

Ayant reçu, Ô très prudent, le talent de la parole, ainsi qu'un serviteur fidèle, tu l'as fait valoir et multiplié ; et tu l'as apporté avec l'intérêt à ton Seigneur, Ô divin Ambroise !

Tu as illustré la tunique sacrée par tes grands travaux, et tu fus, ô très prudent, le pasteur d'un troupeau raisonnable, que tu guidais devant toi aux pâturages de la doctrine."


Recueil patristique. Avranches. XIe.

" Nous vous louerons aussi, tout indignes que nous en sommes, immortel Ambroise ! Nous exalterons les dons magnifiques que le Seigneur a placés en vous. Vous êtes la Lumière de l'Eglise, le Sel de la terre, par votre doctrine céleste ; vous êtes le Pasteur vigilant, le Père tendre, le Pontife invincible : mais combien votre cœur aima le Seigneur Jésus que nous attendons ! Avec quel indomptable courage vous sûtes, au péril de vos jours, vous opposer à ceux qui blasphémaient ce Verbe divin ! Par là, vous avez mérité d'être choisi pour initier, chaque année, le peuple fidèle à la connaissance de Celui qui est son Sauveur et son Chef. Faites donc pénétrer jusqu'à notre œil le rayon de la vérité qui vous éclairait ici-bas ; faites goûter à notre bouche la saveur emmiellée de votre parole ; touchez notre cœur d'un véritable amour pour Jésus qui s'approche d'heure en heure. Obtenez qu'à votre exemple, nous prenions avec force sa cause en main, contre les ennemis de la foi, contre les esprits de ténèbres, contre nous-mêmes. Que tout cède, que tout s'anéantisse, que tout genou ploie, que tout cœur s'avoue vaincu, en présence de Jésus-Christ, Verbe éternel du Père, Fils de Dieu et fils de Marie, notre Rédempteur, notre Juge, notre souverain bien.

Glorieux Ambroise, abaissez-nous comme vous avez abaissé Théodose ; relevez-nous contrits et changés, comme vous le relevâtes dans votre pastorale charité. Priez aussi pour le Sacerdoce catholique, dont vous serez à jamais l'une des plus nobles gloires. Demandez à Dieu, pour les Prêtres et les Pontifes de l'Eglise, cette humble et inflexible vigueur avec laquelle ils doivent résister aux Puissances du siècle, quand elles abusent de l'autorité que Dieu a déposée entre leurs mains. Que leur front, suivant la parole du Seigneur, soit dur comme le diamant ; qu'ils sachent s'opposer comme un mur pour la maison d'Israël ; qu'ils estiment comme un souverain honneur, comme le plus heureux sort, de pouvoir exposer leurs biens, leur repos, leur vie, pour la liberté de l'Epouse du Christ.

Vaillant champion de la vérité, armez-vous de ce fouet vengeur que l'Eglise vous a donné pour attribut ; et chassez loin du troupeau de Jésus-Christ ces restes impurs de l'Arianisme qui, sous divers noms, se montrent encore jusqu'en nos temps. Que nos oreilles ne soient plus attristées par les blasphèmes de ces hommes vains qui osent mesurer à leur taille, juger, absoudre et condamner comme leur semblable le Dieu redoutable qui les a créés, et qui, par un pur motif de dévouement à sa créature, a daigné descendre et se rapprocher de l'homme, au risque d'en être méconnu.

Bannissez de nos esprits, Ô Ambroise, ces timides et imprudentes théories qui font oublier à des chrétiens que Jésus est le Roi de ce monde, et les entraînent à penser qu'une loi humaine qui reconnaît des droits égaux à l'erreur et à la vérité, pourrait bien être le plus haut perfectionnement des sociétés. Obtenez qu'ils comprennent, à votre exemple, que si les droits du Fils de Dieu et de son Eglise peuvent être foulés aux pieds, ils n'en existent pas moins ; que la promiscuité de toutes les religions sous une protection égale est le plus sanglant outrage envers Celui " à qui toute puissance a été donnée au ciel et sur la terre "
; que les désastres périodiques de la société sont la réponse qu'il fait du haut du ciel aux contempteurs du Droit chrétien, de ce Droit qu'il a acquis en mourant sur la Croix pour les hommes ; qu'enfin, s'il ne dépend pas de nous de relever ce Droit sacré chez les nations qui ont eu le malheur de l'abjurer, notre devoir est de le confesser courageusement, sous peine d'être complices de ceux qui n'ont plus voulu que Jésus régnât sur eux.

Enfin, au milieu de ces ombres qui s'appesantissent sur le monde, consolez, Ô Ambroise, la sainte Eglise qui n'est plus qu'une étrangère, une pèlerine à travers les nations dont elle fut la mère et qui l'ont reniée ; qu'elle cueille encore sur sa route, parmi ses fidèles, les fleurs de la virginité ; qu'elle soit l'aimant des âmes élevées qui comprennent la dignité d'Epouse du Christ. S'il en fut ainsi aux glorieux temps des persécutions qui signalèrent le commencement de son ministère, à notre époque d'humiliations et de défections, qu'il lui soit donné encore de consacrer à son Epoux une élite nombreuse de cœurs purs et généreux, afin que sa fécondité la venge de ceux qui l'ont repoussée comme une mère stérile, et qui sentiront un jour cruellement son absence.

Considérons le dernier préparatif sensible à la venue du Messie sur la terre : la paix universelle. Au bruit des armes le silence a tout à coup succédé, et le monde se recueille dans l'attente.

" Or, nous dit saint Bonaventure dans un de ses Sermons pour l'Avent, nous devons compter trois silences : le premier, au temps de Noé, après que tous les pécheurs furent submergés ; le second, au temps de César Auguste, quand toutes les nations furent soumises ; enfin le troisième qui aura lieu à la mort de l'Antéchrist, quand les Juifs se seront convertis."

Ô Jésus ! Roi pacifique, vous voulez que le monde soit en paix, quand vous allez descendre. Vous l'avez annoncé par le Psalmiste, votre aïeul selon la chair, lorsqu'il a dit en parlant de vous : " Il fera cesser la guerre dans tout l'univers ; il brisera l'arc, il rompra les armes, il jettera au feu les boucliers "
(Psaume XLV, 10.). Qu'est-ce à dire tout ceci, Ô Jésus ? C'est que vous aimez à trouver silencieux et attentifs les cœurs que vous visitez.

C'est qu'avant de venir vous-même dans une âme, vous l'agitez dans votre miséricorde, comme fut agité le monde avant cette paix universelle, et bientôt vous l'établissez dans le calme, et vous venez ensuite en prendre possession. Oh ! Venez promptement soumettre nos puissances rebelles, abattre les hauteurs de notre esprit, crucifier notre chair, réveiller la mollesse de notre volonté : afin que votre entrée en nous soit solennelle comme celle d'un conquérant dans une place forte qu'il a réduite après un long siège. Ô Jésus, Prince de la Paix, donnez-nous la paix ; établissez-vous en nos cœurs d'une manière durable, comme vous vous êtes établi dans votre création, au sein de laquelle votre règne n'aura plus de fin."

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vendredi, 06 décembre 2024

6 décembre. Saint Nicolas de Patare, archevêque de Myre, en Lycie, patron des écoliers. 324.

- Saint Nicolas de Patare, archevêque de Myre, en Lycie, patron des écoliers. 324.

Pape : Saint Sylvestre. Empereur romain d'Occident : Constantin Ier. Empereur romain d'Orient : Licinius.

" Au moment du danger, invoquons avec confiance le grand saint Nicolas."
Saint Bernard, Sermons.


Saint Nicolas. Icône roumaine.

Pour faire honneur au Messie Pontife, la souveraine Sagesse a multiplié les Pontifes sur la route qui conduit à lui. Deux Papes, saint Melchiade et saint Damase ; deux Docteurs, saint Pierre Chrysologue et saint Ambroise ; deux Evêques, l'amour de leur troupeau, saint Nicolas et saint Eusèbe : tels sont les glorieux Pontifes qui ont reçu la charge de préparer, par leurs suffrages, la voie du peuple fidèle vers Celui qui est le souverain Prêtre selon l'ordre de Melchisédech. Nous développerons successivement leurs titres à faire partie de cette noble cour.

Aujourd'hui, l'Eglise célèbre avec joie la mémoire de l'insigne thaumaturge Nicolas, aussi fameux dans l'Orient que le grand saint Martin l'est dans l'Occident, et honoré depuis près de mille ans par l'Eglise latine. Rendons hommage au souverain pouvoir que Dieu lui avait donné sur la nature ; mais félicitons-le sur tout d'avoir été du nombre des trois cent dix-huit Evoques qui proclamèrent, à Nicée, le Verbe consubstantiel au Père. Il ne fut point scandalisé des abaissements du Fils de Dieu ; ni la bassesse de la chair que le souverain Seigneur de toutes choses revêtit au sein de la Vierge, ni l'humilité de la crèche, ne l'empêchèrent de proclamer Fils de Dieu, égal à Dieu, le fils de Marie ; c'est pourquoi il a été élevé en gloire et a reçu la charge d'obtenir, chaque année, pour le peuple chrétien, la grâce d'aller au-devant du Verbe de vie, avec une foi simple et un ardent amour.


Patras, ville natale de saint Nicolas.
Le siège de l'évêché de Myre en Lycie.

Nicolas vient de nikos, qui signifie victoire et de laos, qui veut dire peuple. Nicolas, c'est victoire du peuple, c'est-à-dire, des vices qui sont populaires et vils. Ou bien simplement victoire, parce qu'il a appris aux peuples, par sa vie et son enseignement, à vaincre les vices et les péchés. Nicolas peut venir encore de nikos, victoire et de laus, louange, comme si on disait louange victorieuse. Ou bien encore de nitor, blancheur et de laos, peuple, blancheur du peuple. Il eut en effet, dans sa personne, ce qui constitue la blancheur et la pureté ; selon saint Ambroise, la parole divine purifie, la bonne confession purifie, une bonne pensée purifie, une bonne action purifie. Les docteurs d'Argos ont écrit sa légende. D'après saint Isidore de Séville, Argos est une ville de la Grèce, d'où est venu aux Grecs le nom d'Argolides. On trouve ailleurs que le patriarche saint Méthode l’a écrite en grec. Jean la traduisit en latin et y fit des augmentations.


Naissance de saint Nicolas. Speculum historiale. V. de Beauvais. XVe.

Saint Nicolas, citoyen de Patras, dut le jour à de riches et saints parents. Son père Epiphane et sa mère Jeanne l’engendrèrent en la première fleur de leur âge et passèrent le reste de leur vie dans la continence. Le jour de sa naissance, il se tint debout dans le bain ; de plus (Honorius d'Autan) il prenait le sein une fois seulement la quatrième (mercredi) et la sixième férie (vendredi). Devenu grand, il évitait les divertissements, et préférait fréquenter les églises ; il retenait dans sa mémoire tout ce qu'il y pouvait apprendre de l’Écriture sainte.


Naissance de saint Nicolas. Legenda aurea. Bx J. de Voragine. XVe.

Après la mort de ses parents, il commença à penser quel emploi il ferait de ses grandes richesses, pour procurer la gloire de Dieu, sans avoir en vue la louange qu'il en retirerait de la part des hommes. Un de ses voisins avait trois filles vierges, et que son indigence, malgré sa noblesse, força à prostituer, afin que ce commerce infâme lui procurât de quoi vivre. Dès que le saint eut découvert ce crime, il l’eut en horreur, mit dans un linge une somme d'or qu'il jeta, en cachette, la nuit par une fenêtre dans la maison du voisin et se retira. Cet homme à son lever trouva cet or, remercia Dieu et maria son aînée. Quelque temps après, ce serviteur de Dieu en fit encore autant. Le voisin, qui trouvait toujours de l’or, était extasié du fait ; alors il prit le parti de veiller pour découvrir quel était celui qui venait ainsi à son aide. Peu de jours après, Nicolas doubla la somme d'or et la jeta chez son voisin. Le bruit fait lever celui-ci, et poursuivre Nicolas qui s'enfuyait ; alors il lui cria :
" Arrêtez, ne vous dérobez pas à mes regards."
Et en courant le plus vite possible, il reconnut Nicolas ; de suite il se jette à terre, veut embrasser ses pieds. Nicolas l’en empêche et exige de lui qu'il taira son action tant qu'il vivrait.

L'évêque de Myre vint à mourir sur ces entrefaites ; les évêques s'assemblèrent pour pourvoir à cette église. Parmi eux se trouvait un évêque de grande autorité, et l’élection dépendait de lui. Les ayant avertis tous de se livrer au jeûne et à la prière, cette nuit-là même il entendit une voix qui lui disait de rester le matin en observation à la porte; celui qu'il verrait entrer le premier, dans l’église, et qui s'appellerait Nicolas, serait l’évêque qu'il devait sacrer. Il communiqua cette révélation à ses autres collègues, et leur recommanda de prier, tandis que lui veillerait à la porte. Ô prodige ! A l’heure de matines, comme s'il était conduit par la main de Dieu, le premier qui se présente à l’église, c'est Nicolas.
L'évêque l’arrêtant :
" Comment t'appelles-tu, lui dit-il ?"
Et lui ; qui avait la simplicité d'une colombe, le salue et lui dit :
" Nicolas, le serviteur de votre sainteté."
On le conduit dans l’église, et malgré toutes ses résistances, on le place sur le siège épiscopal. Pour lui, il pratique, comme auparavant, l’humilité et la gravité de moeurs en toutes ses oeuvres ; il passait ses veilles dans la prière, mortifiait sa chair, fuyait la compagnie des femmes; il accueillait tout le monde avec bonté ; sa parole avait de la force, ses exhortations étaient animées, et ses réprimandes sévères. On dit aussi, sur la foi d'une chronique, que Nicolas assista au concile de Nicée.


Saint Nicolas et le prieur sévère. Speculum historiale.
V. de Beauvais. XVe.

Un jour que des matelots étaient en péril, et, que, les yeux pleins de larmes, ils disaient :
" Nicolas, serviteur de Dieu, si ce que nous avons appris de vous est vrai, faites que nous en ressentions l’effet."
Aussitôt, leur apparut quelqu'un qui ressemblait au saint :
" Me voici, dit-il ; car vous m’avez appelé."
Et il se mit à les aider dans la manoeuvre du bâtiment, soit aux antennes, soit aux cordages, et la tempête cessa aussitôt. Les matelots vinrent à l’église de Nicolas, où, sans qu'on le leur indiquât, ils le reconnurent, quoique jamais ils ne l’eussent vu. Alors ils rendirent grâces à Dieu et à lui de leur délivrance : mais le saint l’attribua à la divine miséricorde et à leur foi, et non à ses mérites.

Toute la province où habitait saint Nicolas eut à subir une si cruelle famine, que personne ne pouvait se procurer aucun aliment. Or l’homme de Dieu apprit que des navires chargés de froment étaient mouillés dans le port. Il y va tout aussitôt prier les matelots de venir au secours du peuple qui mourait de faim, en donnant, pour le moins, cent muids de blé par chaque vaisseau.
" Nous n'oserions, père, répondirent-ils, car il a été mesuré à Alexandrie, et nous avons ordre de le transporter dans les greniers de l’empereur."
Le saint reprit :
" Faites pourtant ce que je vous dis, et je vous promets que, par la puissance de Dieu, vous n'aurez aucun déchet devant le commissaire du roi."

Ils le firent et la quantité qu'ils avaient reçue à Alexandrie, ils la rendirent aux employés de l’empereur; alors ils publièrent le miracle, et ils louèrent Dieu qui' avait été glorifié ainsi dans son serviteur. Quant au froment, l’homme de Dieu le distribua selon les besoins de chacun, de telle sorte que, par l’effet d'un miracle, il y en eut assez pendant deux ans, non seulement pour la nourriture, mais encore pour les semailles. Or, ce pays était idolâtre, et honorait particulièrement l’image de l’infâme Diane : jusqu'au temps de l’homme de Dieu, quelques hommes grossiers suivaient des pratiques exécrables et accomplissaient certains rites païens sous 'un arbre consacré à la Déesse ; mais Nicolas abolit ces pratiques dans tout le pays et fit couper l’arbre lui-même.


Antiphonaire à l'usage de Santa Annunziata d'Orbatello de Florence.
XIVe.

L'antique ennemi, irrité pour cela contre lui, composa une huile dont la propriété contre nature était de brûler dans l’eau et sur les pierres ; le démon, prenant la figure d'une religieuse, se présenta à des pèlerins qui voyageaient par eau pour aller trouver saint Nicolas et leur dit :
" J'aurais préféré aller avec vous chez le saint de Dieu, mais je ne le puis. Aussi vous priai-je d'offrir cette huile à son église, et, en mémoire de moi, d'en oindre toutes les murailles de sa demeure."
Aussitôt il disparut. Et voici que les pèlerins aperçoivent une mitre nacelle chargée de personnes respectables, au milieu desquelles se trouvait un homme tout à fait ressemblant à saint Nicolas, qui leur dit :
" Hélas ! que vous a dit cette femme, et qu'a-t-elle apporté ?"
On lui raconta tout de point en point.
" C'est l’impudique Diane, leur dit-il ; et pour vous prouver la vérité de mes paroles, jetez cette huile dans la mer." A peine l’eurent-ils jetée, qu'un grand feu s'alluma sur l’eau, et, contre nature, ils le virent longtemps brûler. Quand ils furent arrivés auprès du serviteur de Dieu, ils lui dirent :
" C'est vraiment vous qui nous avez apparu sur la mer, et qui nous avez délivrés des embûches du diable."

Dans le même temps, une nation se révolta contre l’empire romain ; l’empereur envoya contre elle trois princes, Népotien, Ursus et Apilion. Un vent défavorable les fit aborder au port adriatique, et le bienheureux Nicolas les invita à sa table, voulant par là préserver son pays des rapines qu'ils exerçaient dans les marchés.
Or un jour, pendant l’absence du saint évêque, le consul corrompu par argent avait condamné trois soldats innocents à être décapités. Dès que l’homme de Dieu en fut informé, il pria ces princes de se rendre en toute hâte avec lui sur le lieu de l’exécution: à leur arrivée, ils trouvèrent les condamnés le genou fléchi, la figure couverte d'un voile et le bourreau brandissant déjà son épée sur leurs têtes.


Heures de Marguerite d'Orléans. Anonyme. XVe.

Mais Nicolas, enflammé de zèle, se jeta avec audace sur le licteur, fit sauter au loin son épée de ses mains, délia ces innocents et les emmena avec lui sains et saufs ; de là, il court au prétoire du consul et en brise les portes fermées. Bientôt le consul arrive et le salue. Le saint n'en tient compte et lui dit :
" Ennemi de Dieu, prévaricateur de la loi, quelle est ta présomption d'oser lever les yeux sur nous, alors que tu es coupable d'un si grand crime." Quand il l’eut repris durement, à la prière des chefs, il l’admit cependant a la pénitence. Après donc avoir reçu sa bénédiction, les envoyés de l’empereur continuent leur route et soumettent les révoltés sans répandre de sang.

A leur retour, ils furent reçus par l’empereur avec magnificence. Or quelques-uns, jaloux de leurs succès, suggérèrent par prière, et par argent, au préfet de l’empereur, de les accuser auprès de lui du crime de lèse-majesté. L'empereur circonvenu, et enflammé de colère, les fit emprisonner et sans aucun interrogatoire, il ordonna qu'on les tuât cette nuit-là même. Informés de leur condamnation par le geôlier, ils déchirèrent leurs vêtements et se mirent à gémir avec amertume. Alors l’un deux, c'était Népotien, se rappelant que le bienheureux Nicolas avait délivré trois innocents, exhorta les autres à réclamer sa protection.

Par la vertu de ces prières, saint Nicolas apparut cette nuit-là à l’empereur Constantin et lui dit :
" Pourquoi avoir fait saisir ces princes si injustement et avoir condamné à mort des innocents ? Levez-vous de suite, et faites-les relâcher tout aussitôt ; ou bien je prie Dieu qu'il vous suscite une guerre dans laquelle vous succomberez et deviendrez la pâture des bêtes.
- Qui es-tu, s'écria l’empereur, pour pénétrer la nuit dans mon palais et m’oser parler ainsi ?
- Je suis, répliqua-t-il, Nicolas, évêque de la ville de Myre."
Il effraya aussi de la même manière le préfet dans une vision.
" Insensé, lui dit-il, pourquoi as-tu consenti à la mort de ces innocents ? Va vite et tâche de les délivrer, sinon ton corps fourmillera de vers et ta maison va être détruite.
- Qui es-tu, répondit-il, pour nous menacer de si grands malheurs ?
- Sache, lui répondit-il, que je suis Nicolas, évêque de Myre."
Et ils s'éveillent l’un et l’autre, se racontent mutuellement leur songe, et envoient de suite vers les prisonniers. L'empereur leur dit donc :
" Quels arts magiques connaissez-vous, pour nous avoir soumis à de pareilles illusions en songes ?"
Ils répondirent qu'ils n'étaient pas magiciens, et qu'ils n'avaient pas mérité d'être condamnés à mort.
" Connaissez-vous, leur dit l’empereur, un homme qui s'appelle Nicolas ?"
En entendant ce nom, ils levèrent les mains au ciel, en priant Dieu de les délivrer, par les mérites de saint Nicolas, du péril qui les menaçait. Et après que l’empereur leur eut entendu raconter toute sa vie et ses miracles :
" Allez, dit-il, et remerciez Dieu qui vous a délivrés par ses prières ; mais portez-lui quelques-uns de nos joyaux, de notre part, eu le conjurant de ne plus m’adresser de menaces, mais de prier le Seigneur' pour moi et pour mon royaume."
Peu de jours après, ces hommes se prosternèrent aux pieds du serviteur de Dieu, et lui dirent : " Vraiment vous êtes le serviteur, le véritable adorateur et l’ami du Christ ". Quand ils lui eurent raconté en détail ce qui venait de se passer, il leva les yeux au ciel, rendit de très grandes actions de grâces à Dieu. Or après avoir bien instruit ces princes, il les renvoya en leur pays.


Miracle des trois enfants. Grandes heures d'Anne de Bretagne.
Jean Bourdichon. XVIe.

Quand le Seigneur voulut enlever le saint de dessus la terre, Nicolas le pria de lui envoyer, des anges; et en inclinant la tète, il eu vit venir vers lui : et après avoir dit le Psaume In te, Domine, speravi, jusqu'à ces mots : In manus tuas, etc., il rendit l’esprit, l’an de Notre Seigneur Jésus-Christ 343. Au même moment, on entendit la mélodie des esprits célestes. On l’ensevelit dans' un tombeau de marbré ; de son chef jaillit une fontaine d'huile et de ses pieds une source d'eau ; et jusqu'aujourd'hui, de tous ses membres, il sort une huile sainte qui guérit beaucoup de personnes.

Il eut pour successeur un homme de bien qui cependant fut chassé de son siège par des envieux. Pendant son exil, l’huile cessa de couler; mais quand il fut rappelé elle reprit son cours. Longtemps après les Turcs détruisirent la ville de Myre ; or, quarante-sept soldats de Bari y étant venus, et quatre moines leur ayant montré le tombeau de saint Nicolas, ils l’ouvrirent, et trouvèrent ses os qui nageaient dans l’huile ; ils les emportèrent avec respect dans la ville de Bari, l’an du Seigneur 1087.

Un homme avait emprunté à un juif une somme d'argent, et avait juré sur l’autel de saint Nicolas, car il ne pouvait avoir d'autre caution, qu'il rendrait cet argent le plus tôt qu'il pourrait. Comme il le gardait longtemps, le juif le lui réclama, mais le débiteur prétendit lui avoir payé sa dette. Le juif le cita en justice et lui déféra le serment. Cet homme avait un bâton creux qu'il avait rempli d'or en petites pièces, il l’apporta avec lui comme s'il en eût besoin pour s'appuyer. Alors qu'il voulut prêter serment, il donna au juif son bâton à tenir, et jura avoir rendu davantage qu'il ne lui avait été prêté. Après le serment, il réclama son bâton et le juif, qui ne se doutait pas de la ruse, le lui rendit : or, en revenant chez lui, le coupable, oppressé par le sommeil, s'endormit dans un carrefour, et un char qui venait avec grande vitesse le tua, brisa le bâton et l’or dont il était plein se répandit sur là terre. Le juif averti accourut et vit la ruse : et comme on lui suggérait de reprendre son or, il s'y refusa absolument, à moins que le mort ne fût rendu à la vie par les mérites de saint Nicolas, ajoutant que, s'il en arrivait ainsi, il recevrait le baptême et se ferait chrétien. Aussitôt le mort ressuscite, et le juif est baptisé au nom de Notre Seigneur Jésus-Christ.

Un juif, témoin de la merveilleuse puissance du bienheureux Nicolas à opérer des miracles, se fit sculpter une image du saint qu'il plaça dans ; sa maison, et quand il entreprenait un long voyage, il lui confiait la garde de ses biens en disant ces paroles ou d'autres à peu près pareilles :
" Nicolas, voici tous mes biens que je vous confie, si vous n'en faites bonne garde, j'en tirerai vengeance, par des coups de fouet."
Or, un jour qu'il était absent, des voleurs viennent ravir tout et ne laissent que l’image. A son retour, le juif se voyant dépouillé s'adresse à l’image et lui dit à peu près ces paroles :
" Seigneur Nicolas, ne vous avais-je pas placé dans ma maison pour soigner mes biens contre les voleurs ? Pourquoi avez-vous négligé de le faire, et n'avoir point empêché les voleurs ? Eh bien ! Vous en serez cruellement puni et vous paierez pour les larrons. Aussi vais-je compenser le dommage que j'éprouve en vous faisant souffrir, et je calmerai ma fureur en vous assommant de coups de fouet."
Alors le juif prit l’image, la frappa et la flagella avec une atroce cruauté. Chose merveilleuse et épouvantable ! Au moment où les voleurs se partageaient leu butin, le saint leur apparut, comme s'il eût reçu les coups sur lui, et leur dit :
" Pourquoi-ai-je été flagellé par rapport à vous ? Pourquoi ai-j e été frappé si inhumainement ? Pourquoi ai-je enduré tant de tourments ? Voyez comme mon corps est livide. Voyez comme il est couvert de sang. Allez au plus tôt restituer tout ce que vous avez pris, sinon la colère de Dieu s'appesantira sur vous ; votre crime sera rendu public et chacun de vous sera pendu."
Et ils lui dirent :
" Qui es-tu, toi qui nous parles de cette façon ?
- Je suis Nicolas, reprit-il, serviteur de Notre Seigneur Jésus-Christ, c'est moi que le juif a si cruellement traité pour le vol dont vous êtes coupables."
Pleins d'effroi, ils viennent trouver le juif, lui racontent le miracle, en apprennent ce qu'il a fait à l’image et lui rendent tout ; après quoi ils rentrent dans la voie de la droiture et le juif embrasse la foi du Sauveur.


Saint Nicolas et le juif abusé. Speculum historiale.
V. de Beauvais. XVe.

Par amour pour son fils qui étudiait les belles-lettres, un homme célébrait tous les ans avec solennité la fête de saint Nicolas. Une fois le père de l’enfant prépara un repas auquel il invita grand nombre de clercs. Or le diable vint à la porte, en habit de mendiant, demander l’aumône. Le père commande aussitôt à son fils de donner au pèlerin. L'enfant se hâte, mais ne trouvant pas le pauvre, il court après lui. Parvenu à un carrefour, le diable saisit l’enfant et l’étrangle. A cette nouvelle, le père se lamenta beaucoup, prit le corps, le plaça sur un lit et se mit à exhaler sa douleur en proférant ces cris :
" Ô très cher fils ! comment es-tu ? Saint Nicolas ! Est-ce la récompense de l’honneur dont je vous ai donné si longtemps des preuves ?"
Et comme il parlait ainsi, tout à coup l’enfant ouvrit les yeux, comme s'il sortait d'un profond sommeil, et ressuscita.

Un noble pria le bienheureux Nicolas de lui obtenir un fils, lui promettant de conduire son enfant à son église où il offrirait une coupe d'or. Un fils lui naquit et quand celui-ci fut parvenu à un certain âge, il commanda une coupe. Elle se trouva fort de son goût, et il l’employa à son usage, mais il en fit ciseler une autre d'égale valeur. Et comme ils allaient par mer à l’église de saint Nicolas, le père dit à son fils d'aller lui puiser de l’eau dans la coupe qu'il avait commandée en premier lieu.
L'enfant, en. voulant puiser de l’eau avec la coupe, tomba dans là mer et disparut aussitôt. Le père cependant, tout baigné de larmes, accomplit son vceu. Etant donc venu à l’autel de saint Nicolas, comme il offrait la seconde coupe, voici qu'elle tomba de l’autel comme si elle en eût été repoussée. L'ayant reprise et replacée une seconde fois sur l’autel, elle en fut rejetée encore plus loin. Tout le monde était saisi d'admiration devant un pareil prodige, lorsque voici l’enfant sain et sauf qui arrive portant dans les mains la première coupe ; il raconte, en présence des assistants, qu'au moment où il tomba dans la mer, parut aussitôt saint Nicolas qui le garantit. Le père rendu à la joie offrit les deux coupes au saint.

Un homme riche dut aux mérites de saint Nicolas d'avoir un fils qu'il nomma Adéodat. Il éleva, dans sa maison, une chapelle en l’honneur du saint dont il célébra, chaque année, la fête avec solennité. Or le pays était situé près de la terre des Agaréniens. Un jour Adéodat est pris par eux, et placé comme esclave chez leur roi. L'année suivante, tandis que le père célébrait dévotieusement la fête de saint Nicolas, l’enfant, qui tenait devant le monarque une coupe précieuse, se rappelle la manière dont il a été pris, la douleur et la joie de ses parents à pareil jour dans leur maison, et se met à soupirer tout haut. A force de menaces, le roi obtint de connaître la cause de ces soupirs, et ajouta :
" Quoi que fasse ton Nicolas, tu resteras ici avec nous."


Miracle de saint Nicolas apaisant la tempête. Speculum historiale.
V. de Beauvais. XVe.

Tout à coup s'élève un vent violent qui renverse la maison et transporte l’enfant avec sa coupe devant les portes de l’église où ses parents célébraient la fête ; ce fut pour tous un grand sujet de joie. On lit pourtant ailleurs que cet enfant était de la Normandie, et qu'allant outre-mer, il fut pris par le Soudan qui le faisait fouetter souvent en sa présence. Or un jour de Saint-Nicolas, qu'il avait été fouetté et que, renfermé dans sa prison, il pleurait en pensant à sa délivrance et à la joie ordinaire de ses parents à pareil jour, tout à coup il s'endormit et, en se réveillant, il se trouva dans la chapelle de son père.

On lit à la fin d'un sermon attribué à saint Bonaventure :
" Deux écoliers de famille noble et riche portaient une grosse somme d'argent, se rendant à Athènes pour y étudier la philosophie. Or, comme ils voulaient auparavant voir saint Nicolas pour se recommander à ses prières, ils passèrent par la ville de Alyre. L'hôte, s'apercevant de leur richesse, se laissa entraîner aux suggestions de l’esprit malin, et les tua. Après quoi, les mettant en pièces comme viande de porc, il sala leur chair dans un vase (saloir). Instruit de ce méfait par un ange, saint Nicolas se rendit promptement à l’hôtellerie, dit à l’hôte tout ce qui s'était passé, et le réprimanda sévèrement ; après quoi il rendit la vie aux jeunes gens par la vertu de ses prières."

Presque tous les Bréviaires de l'Eglise Latine, jusqu'au XVIIe siècle, sont très abondants sur les vertus et les œuvres merveilleuses de saint Nicolas, et contiennent le bel Office du saint Evêque tel qu'il fut composé vers le XVIIe siècle. Nous avons parlé ailleurs de cet Office sous le rapport musical ; ici, nous nous bornerons à dire qu'il est tout entier puisé dans les Actes de saint Nicolas, et plus explicite sur certains faits que la Légende du Bréviaire romain. Les pièces qui vont suivre insistent sur un fait dont cette Légende ne dit rien : nous voulons parler de l'huile miraculeuse qui, depuis près de huit siècles, découle sans cesse du tombeau du saint Evêque, et au moyen de laquelle Dieu a souvent opéré des prodiges. Le Répons et l'Antienne que nous donnons tout d'abord, célèbrent le miracle de cette huile ; et ces deux pièces étaient autrefois si populaires, qu'au XIIIe siècle on en emprunta la mélodie, pour l'appliquer au Répons Unus panis et à l'Antienne O quam suavis est, dans l'Office du Saint-Sacrement.


Saint Nicolas dotant trois jeunes filles.
Psautier à l'usage d'Arras. XIIIe.

RÉPONS

R/. " De son tombeau de marbre, découle une huile sacrée qui guérit les aveugles dont les yeux en sont oints, Rend l'ouïe aux sourds,et remet en santé tous ceux qui sont débiles. V/. Les peuples courent en foule, empressés de voir les merveilles qui se font par l'entremise de Nicolas. Cette huile rend l'ouïe aux sourds, et remet en santé tous ceux qui sont débiles."

ANTIENNE

" Ô bonté du Christ, digne d'être relevée par toutes sortes de louanges ! C'est elle qui manifeste au loin les mérites de Nicolas son serviteur ; car de la tombe de ce Saint découle une huile, et elle guérit tous ceux qui sont dans la langueur."


Saint Nicolas. Image d'Epinal.

SÉQUENCE

Adam de Saint-Victor ne pouvait faire défaut à saint Nicolas : les Eglises du moyen âge lui durent la belle Séquence qui suit :

" Réjouissons-nous et tressaillons, unis de bouche et de cœur, à cette solennelle fête du bienheureux Nicolas.
Encore enfant au berceau, il observe les jeûnes ;
Encore enfant à la mamelle, déjà il mérite les joies suprêmes.

Adolescent, il embrasse l'étude des lettres,
Sans pécher, sans connaître la licence de son âge.
Bienheureux Confesseur, une voix venue du ciel l'appelle aux dignités.

Promu par elle, il monte au faîte le plus élevé de la Prélature.
Il avait dans le cœur une tendre miséricorde, et il prodiguait ses bienfaits aux opprimés.
Par ses trésors, des vierges sont sauvées de l'opprobre ; et la pauvreté de leur père est soulagée.

Des matelots en mer luttaient contre la furie des flots, sur une nef à demi brisée.
Déjà désespérant de la vie, en ce danger si pressant, ils crient et disent tous d'une voix :
" Ô bienheureux Nicolas ! Ramenez-nous à un port de mer ; sauvez-nous de ce péril de mort.

Ramenez-nous à un port de mer, vous dont la compassion généreuse est tant de fois venue en aide."
Pendant qu'ils criaient, et non sans fruit, voici quelqu'un qui leur dit : " J'arrive à votre secours ".

Soudain souffle un vent favorable, et la tempête est apaisée, et les mers sont en repos.
De sa tombe découle une huile abondante,
Qui guérit tous les malades par l'intercession du Saint.

Nous que voici en ce monde, naufragés déjà plus d'une fois dans l'abîme du vice,
Glorieux Nicolas, menez-nous au port du salut où sont paix et gloire.
Obtenez-nous du Seigneur, par vos secourables prières, l’onction qui sanctifie ;

Cette onction qui a guéri les blessures d'innombrables iniquités dans Marie la pécheresse.
Qu'à jamais soient dans la joie ceux qui célèbrent cette fête ;
Et qu'après cette course de la vie, le Christ les couronne.

Amen."


Saint Nicolas et les trois enfants tués par le charcutier.
Psautier cistercien. XIIIe.

SÉQUENCE

La plus populaire de toutes les Séquences de saint Nicolas est néanmoins celle qui suit. On la trouve dans un grand nombre de Processionnaux jusqu'au XVIIe siècle, et elle a servi de type à quantité d'autres qui, bien que consacrées à la louange de divers Patrons, gardent non seulement la mesure et la mélodie de la Séquence de saint Nicolas, mais retiennent encore, par un tour de force ingénieux, le fond même des expressions :

" Les malades sont rendus à la santé par l'huile miraculeuse.
Au milieu du naufrage, Nicolas est d'un puissant secours.

Il ressuscite du tombeau un mort étendu sur le chemin.
Un juif aperçoit de l'or, et demande le Baptême.

Nicolas retire de l'eau le vase et l'enfant qu'il rend à son père !
Oh ! qu'il parut bien le Saint de Dieu , quand il multiplia la farine dans la disette !

Qu'ainsi les louanges de Nicolas soient chantées en cette assemblée ;
Car quiconque le prie de cœur, met le vice en fuite, et s'en retourne guéri.

Ainsi soit-il."

HYMNE DE SAINT NICOLAS

Aucune Eglise n'a marqué autant d'enthousiasme pour saint Nicolas, que l'Eglise grecque dans ses Menées. On voit que l'illustre Thaumaturge était une des plus fermes espérances de l'Empire Byzantin ; et cette confiance en saint Nicolas, Constantinople l'a transmise à la Russie qui la garde encore aujourd'hui. Nous allons, selon notre usage, extraire quelques strophes de la masse de ces chants sacrés que Sainte-Sophie répétait autrefois en langue grecque, et que les coupoles dorées des Sobors de Moscou entendent retentir encore chaque année dans l'idiome Slavon :


Saint Nicolas sauvant trois soldats. Speculum historiale.
V. de Beauvais. XVe.

Tirée des Menées des Grecs :

" Tu as vraiment habité à Myre, exhalant un parfum précieux; parfumé toi-même d'un baume spirituel, Ô bienheureux Nicolas, grand Hiérarque du Christ ; et tu parfumes la face de ceux qui, avec foi et amour, honorent ton illustre mémoire, les délivrant de toutes nécessités et tribulations, Ô Père saint, par tes prières auprès du Seigneur.

Ton nom propre est véritablement : Victoire du peuple, bienheureux Nicolas, souverain prêtre du Christ ; car, invoqué en tous lieux, tu préviens aussitôt ceux qui avec amour requièrent ta protection ; apparaissant nuit et jour à ceux qui t'invoquent avec foi, tu les délivres des nécessités et des tentations.

Tu apparus à l'Empereur Constantin et à Ablavius, et leur inspiras une terrible frayeur par ces mots, afin de les engager à la clémence : " Les innocents que vous retenez dans les fers ne méritent point un injuste supplice ; et si tu méprises mes paroles, Ô Prince ! j'en porterai contre toi ma plainte au Seigneur ".

Ton œil intrépide a pu fixer les sublimes hauteurs de la Gnose, et tu as sondé le profond abîme de la Sagesse, toi qui as enrichi le monde de tes enseignements, Ô Père saint ! prie pour nous le Christ, Ô grand Pontife Nicolas !

Le Christ t'a fait voir à ton troupeau, comme la règle de la foi et l'image de la douceur, ô grand Hiérarque Nicolas ! Car tu répands à Myre un précieux parfum, tout y resplendit de la gloire de tes œuvres, ô protecteur des veuves et des orphelins ! prie sans cesse le Seigneur de sauver nos âmes.

Réjouis-toi, Ô très sainte âme, demeure très pure de la Trinité, colonne de l'Eglise, soutien des fidèles, appui de ceux qui sont fatigués, astre rayonnant qui, par l'éclat de tes agréables prières, dissipes en tous lieux les ténèbres des tentations ; saint Pontife Nicolas, port tranquille où trouve un abri quiconque dans la fureur de la tempête réclame ton secours, prie le Christ qu'il daigne accorder à nos âmes une grande miséricorde.

Réjouis-toi, homme rempli d'un divin zèle, qui, par un terrible avertissement et par l'éclat de ta voix menaçante dans un songe, as délivré ceux que le glaive allait immoler. Fontaine abondante, tu répands dans Myre la richesse de tes parfums ; tu verses dans les âmes une douce rosée, tu écartes les ordures des passions mauvaises, tu coupes avec le glaive l'ivraie de l'erreur ; prends le van de ton zèle, dissipe les futiles enseignements d'Arius, et prie le Christ d'accorder à nos âmes une grande miséricorde.

Roi très haut de tous les rois, vous dont la puissance est infinie, à la prière c notre saint Pasteur, rendez paisible, Ô Verbe, non en conjurons, la vie de tous les Chrétiens. Donnez contre les barbares à notre pieux Empereur la force et la victoire ; afin que tous, et toujours, nous chantions votre puissance, et l'exaltions dans les siècles des siècles."


Saint Nicolas faisant l'aumône. Livre d'images de Madame Marie.
Hainaut. XIIIe.

Saint Pontife Nicolas, que votre gloire est grande dans l'Eglise de Dieu ! Vous avez confessé Jésus-Christ devant les Proconsuls, et endure la persécution pour son Nom ; vous avez ensuite été témoin des merveilles du Seigneur, quand il rendit la paix à son Eglise ; et peu après, votre bouche s'ouvrait dans l'Assemblée des trois cent dix-huit Pères, pour confesser, avec une autorité irréfragable, la divinité du Sauveur Jésus-Christ, pour lequel tant de millions de Martyrs avaient répandu leur sang. Recevez les félicitations du peuple chrétien qui, par toute la terre, tressaille de joie à votre doux souvenir ; et soyez-nous propice, en ces jours où nous attendons la venue de Celui que vous avez proclamé Consubstantiel au Père.


Procession des reliques de saint Nicolas. Statuts de la confrérie
de Saint-Nicolas de Valenciennes. XVe.

Daignez aider notre foi et seconder notre amour. Vous le voyez maintenant face à face, ce Verbe par qui toutes choses ont été faites et réparées ; demandez-lui qu'il daigne se laisser approcher par notre indignité. Soyez notre médiateur entre lui et nous. Vous l'avez fait connaître à notre intelligence, comme le Dieu souverain et éternel ; révélez-le à notre cœur, comme le suprême bienfaiteur des fils d'Adam. C'est en lui, Ô Pontife charitable, que vous aviez puisé cette compassion tendre pour toutes les misères, qui fait que tous vos miracles sont autant de bienfaits : continuez, du haut du ciel, de secourir le peuple chrétien.

Ranimez et augmentez la foi des nations dans le Sauveur que Dieu leur a envoyé. Que, par l'effet de vos prières, le Verbe divin cesse d'être méconnu et oublié dans ce monde qu'il a racheté de son sang. Demandez, pour les Pasteurs de l'Eglise, l'esprit de charité qui brilla si excellemment en vous, cet esprit qui les rend imitateurs de Jésus-Christ, et leur gagne le cœur du troupeau.



Coupole de l'église Saint-Nicolas de Véroce. France.

Souvenez-vous aussi, saint Pontife, de cette Eglise d'Orient qui vous garde encore une si vive tendresse. Votre pouvoir sur la terre s'étendait jusqu'à ressusciter les morts ; priez, afin que la véritable vie, celle qui est dans la Foi et l'Unité, revienne animer cet immense cadavre. Par vos instances auprès de Dieu, obtenez que le Sacrifice Je l'Agneau que nous attendons soit de nouveau et bientôt célébré sous les Dômes de Sainte-Sophie. Restituez à l'unité les Sanctuaires de Kiow et de Moscou, et après avoir soumis à la Croix l'orgueil du Croissant, abaissez devant les Clefs de saint Pierre la majesté des Tzars, afin qu'il n'y ait plus ni Scythe, ni Barbare, mais un seul pasteur.

Considérons encore l'état du monde dans les jours qui précèdent l'arrivée du Messie. Tout atteste que les prophéties qui l'annonçaient ont reçu leur accomplissement. Non seulement le sceptre a été ôté de Juda, mais les Semaines de Daniel tirent à leur fin. Les autres prédictions de l'Ecriture, sur l'avenir du monde, se sont successivement vérifiées. Tour à tour sont tombés les Empires des Assyriens, des Mèdes, des Perses et des Grecs ; celui des Romains est parvenu à l'apogée de sa force : il est temps qu'il cède la place à l'Empire éternel du Messie. Cette progression a été prédite, et maintenant l'heure sonne où le dernier coup va être frappé.

Le Seigneur aussi a dit, par un de ses Prophètes :
" Encore un peu de temps, et je remuerai le ciel et la terre, et j'ébranlerai toutes les nations ; puis viendra le Désiré de tous les peuples " (Aggée, II, 7.). Ainsi donc, ô Verbe éternel, descendez. Tout est consommé. Les misères du monde sont parvenues à leur comble ; les crimes de l'humanité sont montés jusqu'au ciel ; le genre humain a été remué jusque dans ses fondements ; haletant, il n'a plus de ressource qu'en vous, qu'il appelle sans vous connaître. Venez donc: toutes les prédictions qui devaient retracer aux hommes les caractères du Rédempteur, sont émises et promulguées. Il n'y a plus de prophète dans Israël ; les oracles de la Gentilité se taisent. Venez accomplir toutes choses : car la plénitude des temps est arrivée.


Statue de saint Nicolas. Cathédrale Notre-Dame de l'Assomption.
Guadalajara. Espagne.

PRIÈRE POUR LE TEMPS DE L’AVENT

Bréviaire Mozarabe, Ier Dimanche de l'Avent, Capitule :

" Ne dédaignez pas nos prières, Seigneur ! regardez et exaucez dans votre clémence. La voix de notre ennemi nous jette dans le trouble ; consolez-nous par l'Avènement sacré de votre Fils unique ; que la foi nous donne des ailes, et semblables à la colombe, nous nous élèverons en haut. Seigneur, éloignez-nous d'un siècle pervers, et gardez-nous des filets de l'ennemi ; par Jésus-Christ notre Seigneur. Amen."

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jeudi, 05 décembre 2024

5 décembre. Saint Sabas de Mutalasque, abbé en Palestine. 531.

- Saint Sabas de Mutalasque, abbé en Palestine. 531.

Pape : Boniface II. Empereur romain d'Orient : Justinien Ier, le Grand.

" Discite a me quia mitis sum et humilis corde."
" Apprenez de Moi que je suis doux et humble de coeur."
Matth., XI, 29.


Saint Sabas. Horologium du XVe siècle.

L’Eglise Romaine se borne aujourd'hui à l'Office de la Férié ; mais elle y joint la commémoration de saint Sabbas, Abbé de la fameuse laure de Palestine, qui subsiste encore aujourd'hui sous son nom. Ce Saint, qui mourut en 533, est le seul personnage de l'Ordre monastique dont l'Eglise fasse mention en ses Offices dans tout le cours de l'Avent ; on pourrait même dire que parmi les simples Confesseurs, saint Sabbas est le seul dont on lise le nom au Calendrier liturgique en cette partie de l'année, puisque le glorieux titre d'Apôtre des Indes semble mettre saint François-Xavier dans une classe à part. Nous devons voir en ceci l'intention de la divine Providence qui, pour produire une plus salutaire impression sur le peuple chrétien, s'est appliquée à choisir, d'une manière caractéristique, les Saints qui devaient être proposés à notre imitation dans ces jours de préparation à la venue du Sauveur.

Nous y trouvons des Apôtres, des Pontifes, des Docteurs, des Vierges, glorieux cortège du Christ Dieu, Roi et Epoux ; la simple Confession n'y est représentée que par un seul homme, par l'Anachorète et Cénobite Sabbas, personnage qui, du moins, par sa profession monastique, se rattache à Elie et aux autres solitaires de l'ancienne Alliance, dont la chaîne mystique vient aboutir à Jean le Précurseur.

Saint Sabas, né près de Césarée, en Cappadoce, de parents nobles et pieux, fut mis, à l'âge de cinq ans, sous la tutelle d'un oncle fort méchant ; il s'enfuit et se réfugia dans un couvent. C'était la Providence qui avait conduit ses pas ; il embrassa généreusement toutes les saintes rigueurs de la vie monastique. Dix ans plus tard, le désir de visiter les Lieux sanctifiés par la vie mortelle du Sauveur le conduisit à Jérusalem. Ayant fait son pèlerinage, il résolut de se fixer au milieu des célèbres anachorètes de la Palestine et vécut jusqu'à l'âge de trente ans sous la direction du saint solitaire Théoctiste. Mais il lui semblait que Dieu demandait de lui davantage, et, croyant n'avoir encore rien fait, il s'enfonça dans la solitude voisine pour y vivre avec Dieu seul.

Renfermé dans une petite grotte, il y passait cinq jours de la semaine sans prendre aucune nourriture, uniquement appliqué à la prière, au chant des psaumes et au travail manuel. Chaque samedi, il apportait au monastère qu'il avait habité tous les paniers qu'il avait tressés, passait le dimanche avec ses frères et revenait à son ermitage. Plus tard, il se retira sur les bords du Jourdain, où le démon le tourmenta par des spectres horribles, des hurlements affreux, des menaces, des coups, et surtout des apparitions séduisantes. Le Saint, armé de la prière, remporta autant de victoires qu'il eut à livrer de combats, jusqu'à décourager son redoutable ennemi.

Sabas, toujours poussé par le désir d'une solitude de plus en plus profonde, se retira sur des rochers abrupts ; il y établit, pour monter et pour descendre, un gros câble à noeuds qui lui servait de rampe. Il lui fallait aller chercher de l'eau à deux lieues de là et la monter sur ses épaules. Sa nourriture consistait uniquement en racines sauvages; mais, en revanche Dieu nourrissait son âme de l'abondance de Ses consolations.

Sabas fut découvert par la vue de la corde qui pendait du rocher, et dès lors sa solitude se changea en affluence énorme de pèlerins qui venaient lui demander communication des biens célestes dont il était rempli. Beaucoup demeuraient ses disciples, et il groupa dans la vallée un grand nombre de petites cellules pour les recevoir. De grands Saints, attirés par la renommée de ses vertus, vinrent eux-mêmes le visiter. Il s'arrachait parfois à sa solitude, quand la gloire de Dieu le demandait, et plusieurs fois la cour de Constantinople fut édifiée de ses vertus.


Laure de Saint-Sabas ou monastère Mar Saba,
fondé par notre saint au VIe siècle. Palestine.

ORAISON

Honorons donc ce grand Abbé, pour lequel l'Eglise grecque professe une vénération filiale, et sous l'invocation duquel Rome a placé une de ses Eglises ; et appuyons-nous de son suffrage auprès de Dieu, en disant avec la sainte Liturgie :

" Que l'intercession, Seigneur, du bienheureux Sabbas nous recommande, s'il vous plaît, auprès de vous ; afin que nous obtenions, par son patronage, ce que nous ne pouvons prétendre par nos mérites. Par Jésus-Christ notre Seigneur. Amen."

" Glorieux Sabbas, nomme de désirs, qui, dans l'attente de Celui qui a dit à ses serviteurs de veiller jusqu'à sa venue, vous êtes retiré au désert, de peur que les bruits du monde ne vinssent vous distraire de vos espérances, ayez pitié de nous qui, au milieu du siècle et livrés à toutes ses préoccupations, avons cependant reçu, comme vous, l'avertissement de nous tenir prêts pour l'arrivée de Celui que vous aimiez comme Sauveur, et que vous craigniez comme Juge. Priez, afin que soyons dignes d'aller au-devant de lui, quand il va paraître. Souvenez-vous aussi de l'Etat monastique, dont vous êtes l'un des principaux ornements ; relevez ses ruines au milieu de nous suscitez des hommes de prière et de foi comme aux anciens jours ; que votre esprit se repose sur eux, et qu'ainsi l'Eglise, veuve d'une partie de sa gloire, la recouvre par votre intercession."

Considérons encore la Prophétie du Patriarche Jacob, qui n'annonce pas seulement que le Messie doit être l’attente des nations, mais exprime aussi que le sceptre sera ôté de Juda, à l'époque où paraîtra le Libérateur promis. L'oracle est maintenant accompli. Les étendards de César Auguste flottent sur les remparts de Jérusalem ; et si le Temple a été réservé jusqu'à ce jour, si l'abomination de la désolation n'a pas encore été établie dans le lieu saint, si le sacrifice n'a pas encore été interrompu, c'est que le véritable Temple de Dieu, le Verbe incarné, n'a pas non plus été inauguré ; la Synagogue n'a pas renié Celui qu'elle attendait ; l'Hostie qui doit remplacer toutes les autres n'a pas encore été immolée. Mais Juda n'a plus de chef de sa race, la monnaie de César circule dans toute la Palestine ; et le jour est proche où les chefs du peuple juif confesseront, devant un gouverneur romain, qu'il ne leur est pas permis de faire mourir qui que ce soit. Il n'y a donc plus de Roi sur le trône de David et de Salomon, sur ce trône qui devait durer à jamais.


Saint Jean Damascène se fit moine à la laure de Saint-Sabas.
Manuscrit palestinien du XIe.

" Ô Christ ! Fils de David, Roi Pacifique, il est temps que vous paraissiez et veniez prendre ce sceptre arraché par la victoire aux mains de Juda, et déposé pour quelques jours en celles d'un Empereur. Venez ; car vous être Roi, et le Psalmiste, votre aïeul, a chanté de vous :
" Ceignez votre épée sur votre cuisse, Ô très vaillant ! Montrez votre beauté et votre gloire ; avancez-vous, et régnez ; car la vérité, la douceur, la justice sont en vous, et la puissance de votre bras vous produira. Lancées par ce bras vainqueur, vos flèches perceront le cœur des ennemis de votre Royauté, et feront tomber à vos pieds tous les peuples. Votre trône sera éternel ; le sceptre de votre Empire sera un sceptre d'équité ; Dieu vous a sacré. Dieu vous-même, d'une huile de joie qui coule plus abondamment sur vous, Ô Christ ! Qui en tirez votre nom, que sur tous ceux qui jamais s'honorèrent du nom de Roi." (Psalm. XLIV.).

Ô Messie ! Quand vous serez venu, les hommes ne seront plus errants comme des brebis sans pasteur ; il n'y aura qu'un seul bercail où vous régnerez par l'amour et la justice ; car toute puissance vous sera donnée au ciel et sur la terre ; et quand, aux jours de votre Passion, vos ennemis vous demanderont : Es-tu Roi ? Vous répondrez suivant la vérité :
" Oui, je suis Roi."

Ô Roi ! Venez régner sur nos cœurs ; venez régner sur ce monde qui est à vous parce que vous l'avez fait, et qui bientôt sera une fois de plus à vous, parce que vous l'aurez racheté. Ô ! Régnez donc sur ce monde, et n'attendez pas, pour y déployer voire royauté, le jour dont il est écrit :
" Vous brisera contre la terre la tête des Rois."
(Psalm. CIX.).

Régnez dès à présent, et faites que tous les peuples soient à vos pieds dans un hommage universel d'amour et de soumission."

SÉQUENCE POUR LE TEMPS DE L’AVENT

Composée au XIe siècle, et tirée des anciens Missels Romains-Français :

" Vous qui seul, dans la force de votre bras, régnez sur tous les sceptres,
Réveillez votre puissance et faites-la éclater sous les yeux de votre peuple ;
Accordez-lui les dons du salut.

Celui qu'ont annoncé les oracles prophétiques,

Envoyez-le du radieux palais d'en haut ;
Seigneur, envoyez Jésus sur notre Terre.

Amen."

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mercredi, 04 décembre 2024

4 décembre. Saint Pierre Chrysologue, archevêque de Ravenne, docteur de l'Eglise. 450.

- Saint Pierre Chrysologue, archevêque de Ravenne, docteur de l'Eglise. 450.

Pape : Saint Léon Ier, le Grand. Empereur romain : Valentinien III.

" Ce bienheureux est véritablement un oiseleur apostolique : il prend au vol les âmes des jeunes gens, dans les filets de la divine parole."
Saint Adelphe de Metz. Eloge du saint.

Saint Pierre Chrysologue. Mosaïque du Ve.
Eglise Saint-Jean-L'Evangéliste de Ravenne. Emilie-Romagne.

La même Providence divine qui n'a pas permis que l'Eglise, au saint temps de l'Avent, fût privée de la consolation de fêter quelques-uns des Apôtres qui ont annoncé la venue du Verbe aux Gentils, a voulu aussi qu'à la même époque, les saints Docteurs qui ont défendu la vraie Foi contre les hérétiques, fussent pareillement représentés dans cette importante fraction du Cycle catholique.

Deux d'entre eux, saint Ambroise et saint Pierre Chrysologue, resplendissent au ciel de la sainte Eglise, en cette saison, comme deux astres éclatants. Il est digne de remarque que tous deux ont été les vengeurs du Fils de Dieu que nous attendons. Le premier a vaillamment combattu les Ariens, dont le dogme impie voudrait faire du Christ, objet de nos espérances, une créature et non un Dieu ; le second s'est opposé à Eutychés, dont le système sacrilège détruit toute la gloire de l'Incarnation du Fils de Dieu, osant enseigner que, dans ce mystère, la nature humaine a été absorbée par la divinité.


Imagerie populaire. D'après une enluminure italienne du XIIIe.

C'est ce second Docteur, le pieux Pontife de Ravenne, que nous honorons aujourd'hui. Son éloquence pastorale lui acquit une haute réputation, et il nous est resté un grand nombre de ses Sermons. On y recueille une foule de traits de la plus exquise beauté, bien qu'on y sente quelquefois la décadence de la littérature au Ve siècle.

Le mystère de l'Incarnation y est souvent traité, et toujours avec une précision et un enthousiasme qui révèlent la science et la piété du saint évêque. Son admiration et son amour envers Marie Mère de Dieu qui avait, en ce siècle, triomphé de ses ennemis par le décret du concile d'Éphèse, lui inspirent les plus beaux mouvements et les plus heureuses pensées. Nous citerons quelques lignes sur l'Annonciation :


Illustration dans un manuscrit du XIIe.

" A la Vierge Dieu envoie un messager ailé. C'est lui qui sera le porteur de la grâce ; il présentera les arrhes et en recevra le retour. C'est a lui qui rapportera la foi donnée, et qui, après avoir conféré la récompense à une si haute vertu, remontera en hâte porteur de la promesse virginale. L'ardent messager s'élance d'un vol rapide vers la Vierge ; il vient suspendre les droits de l'union humaine ; sans enlever la Vierge à Joseph, il la restitue au Christ à qui elle fut fiancée dès l'instant même où elle était créée. C'est donc son épouse que le Christ reprend, et non celle d'un autre ; ce n'est pas une séparation qu'il opère, c'est lui qui se donne à sa créature en s'incarnant en elle."

[On voit que saint Pierre Chrysologue proclame ici le mystère de la Conception immaculée. Si Marie était engagée au Fils de Dieu dès le moment même de sa création, comment le péché originel eût-il eu action sur elle ?]

Mais écoutons ce que le récit nous raconte de l'Ange. Etant entré près d'elle, il lui dit : " Salut, Ô pleine de grâce ! Le Seigneur est avec vous. De telles paroles annoncent déjà le don céleste ; elles n'expriment pas un salut ordinaire. Salut ! C'est-à-dire : recevez la grâce, ne tremblez pas, ne songez pas à la nature. Pleine de grâce, c'est-à-dire : en d'autres réside la grâce, mais en vous résidera la plénitude de la grâce. Le Seigneur est avec vous : qu'est-ce à dire ? Sinon que le Seigneur n'entend pas seulement vous visiter, mais qu'il descend en vous, pour naître de vous par un mystère tout nouveau ". L'Ange ajoute : " Vous êtes bénie entre toutes les femmes " : pourquoi ? parce que celles dont Eve la maudite déchirait les entrailles, ont maintenant Marie la bénie qui se réjouit en elles, qui les honore, qui devient leur type. Eve, par la nature, n'était plus que la mère des mourants ; Marie devient, par la grâce, la mère des vivants (Sermon CXI.).

Dans le discours suivant, le saint Docteur nous enseigne " avec quelle profonde vénération nous devons contempler Marie en ces jours où Dieu réside encore en elle. Quand il s'agit, dit-il, de l'appartement intime du roi, de quel mystère, de quelle révérence, de quels profonds égards ce lieu n'est-il pas entouré ? L'accès en est interdit à tout étranger, à tout immonde, à tout infidèle. Les usages des cours disent assez combien doivent être dignes et fidèles les services que l'on y rend ; l'homme vil, l'homme indigne seraient-ils soufferts à se rencontrer seulement aux portes du palais ? Lors donc qu'il s'agit du sanctuaire secret de l'Epoux divin, qui pourrait être admis, s'il n'est intime, si sa conscience n'est pure, si sa renommée n'est honorable, si sa vie n'est vertueuse ? Dans cet asile sacré, où un Dieu possède la Vierge, la virginité sans tache a seule le droit de pénétrer. Vois donc, Ô homme, ce que tu as, ce que tu peux valoir, et demande-toi si tu pourrais sonder le mystère de l'Incarnation du Seigneur, si tu as mérité d'approcher de l'auguste asile où repose encore en ce moment la majesté tout entière du Roi suprême, de la Divinité en personne ".

Pierre, surnommé Chrysologue, pour l'or de son éloquence, naquit à Forum Cornelii, dans l'Emilie, de parents honnêtes. Dès l'enfance, tournant son esprit vers la religion,il s'attacha à l'Evêque de cette ville,Cornelius, romain, qui le forma rapidement à la science et à la sainteté de la vie, et l'ordonna Diacre. Peu après, l'Archevêque de Ravenne étant mort, comme les habitants de cette ville envoyèrent, selon l'usage, à Rome, le successeur qu'ils avaient élu solliciter du saint Pape Sixte III la confirmation de cette élection, Cornélius se joignit aux députés de Ravenne, et emmena avec lui son diacre.


Basilique Saint-Vitale, IVe au VIe. Ravenne, Emilie-Romagne.

Cependant l'Apôtre saint Pierre et le Martyr saint Apollinaire apparurent en songe au Pontife romain, ayant au milieu d'eux un jeune lévite, et lui ordonnant de ne pas placer un autre que lui sur le siège archiépiscopal de Ravenne.

Le Pontife n'eut pas plus tôt vu Pierre, qu'il reconnut en lui l'élu du Seigneur. Rejetant donc celui qu'on lui présentait, il promut, l'an de Jésus-Christ 433, le jeune lévite au gouvernement de cette Eglise métropolitaine. Les députés de Ravenne, offensés d'abord, ayant appris la vision, se soumirent sans peine à la volonté divine et acceptèrent avec le plus grand respect le nouvel archevêque.

Ainsi consacré Archevêque contre son gré, Pierre fut conduit à Ravenne. où l'empereur Valentinien, Galla Placidia sa mère, et tout le peuple, l'accueillirent avec les plus grandes réjouissances. Pour lui, il déclara qu'ayant consenti à porter un si lourd fardeau pour leur salut, il n'exigeait d'eux, en compensation, qu'une seule chose, qui était de les voir obéir à ses avis avec zèle, et ne pas résister aux préceptes du Seigneur.
Il ensevelit, après les avoir embaumés des parfums les plus excellents, les corps de deux saints morts en cette ville, le prêtre Barbatien, et aussi Germain, évêque d'Auxerre, dont il retint comme héritage la cuculle et le cilice. Il ordonna Evoques Projectus et Marcellin. Il fit creuser à Classe une fontaine d'une merveilleuse grandeur, et il bâtit quelques églises magnifiques au bienheureux Apôtre André et à d'autres saints.


Mosaïque de la basilique Saint-Vitale. Ravenne. Emilie-Romagne.

On célébrait, aux calendes de janvier, des jeux, accompagna de représentations théâtrales et de danses ; il les abolit par la force de ses exhortations. Il dit alors entre autres choses remarquables :
" Qui veut rire avec le diable, ne se réjouira pas avec le Christ."
Par l'ordre de saint Léon le Grand, il écrivit au Concile de Chalcédoine contre l'hérésie d'Eutychès, et adressa à l'hérésiarque lui-même une autre lettre qu'on a jointe aux Actes du Concile dans les dernières éditions, et qui est consignée dans les Annales Ecclésiastiques.

Dans ses homélies à son peuple, son éloquence était si véhémente, que parfois la parole lui manquait dans l'ardeur de sa prédication, comme il arriva à son sermon sur l'Hémorrhoïsse ; et il y eut dans l'assemblée émue tant de larmes, d'acclamations et de ferventes prières, que, depuis, le Saint rendait grâces à Dieu de ce que l'interruption de son discours eût tourné au profit de la charité.

Il gouvernait très saintement cette Eglise, depuis environ dix-huit ans, lorsqu'ayant connu, par une lumière divine, que la fin de ses travaux approchait, il passa dans sa ville natale, se rendit à l'église de Saint-Cassien, et déposa sur le grand autel, en offrande, un grand diadème d'or enrichi de pierres précieuses, une coupe également d'or, et une patène d'argent qui donne à l'eau qu'on y répand, comme on l'a souvent éprouvé, la vertu de guérir les morsures de la rage et de calmer la fièvre.


Mosaïque de la basilique Saint-Vitale. Au centre,
l'empereur Justinien. Ravenne. Emilie-Romagne.

Cependant il renvoya à Ravenne ceux qui l'avaient suivi, en leur recommandant de veiller attentivement au choix d'un excellent pasteur. Puis, adressant d'humbles prières à Dieu, priant saint Cassien, son protecteur, de recevoir avec bonté son âme, il trépassa doucement, vers l'an 450, le trois des nones de décembre. Son corps, qui fut enseveli avec pompe, au milieu des larmes et des prières de toute la ville, auprès de celui du même saint Cassien, y est encore de nos jours religieusement vénéré.

L'un de ses bras, enchâssé dans l'or et les pierreries, a été transporté à Ravenne, où on l'honore dans la basilique Ursicane.

PRIERE

" Saint Pontife, dont la bouche d'or s'est ouverte dans l'assemblée des fidèles, pour faire connaître Jésus-Christ, daignez considérer d'un œil paternel le peuple chrétien qui veille dans l'attente de cet Homme-Dieu dont vous avez si hautement confessé la double nature.


Basilique Saint-Apolinaire in Classe. Ravenne. Emilie-Romagne.

Obtenez-nous la grâce de le recevoir avec le souverain respect dû à un Dieu qui descend vers sa créature, et avec la tendre confiance que l'on doit à un frère qui vient s'offrir en sacrifice pour ses frères indignes. Fortifiez notre foi, Ô très saint Docteur ! Car l'amour qu'il nous faut procède de la foi.

Détruisez les hérésies qui dévastent le champ du Père de famille ; confondez surtout l'odieux Panthéisme, dont l'erreur d'Eutychès est une des plus funestes semences. Eteignez-le enfin dans ces nombreuses chrétientés d'Orient qui ne connaissent l'ineffable mystère de l'Incarnation que pour le blasphémer, et poursuivez aussi parmi nous ce système monstrueux qui, sous une forme plus repoussante encore, menace de tout dévorer. Inspirez aux fidèles enfants de l'Eglise cette parfaite obéissance aux jugements du Siège Apostolique, dont vous donniez à l'hérésiarque Eutychès, dans votre immortelle Epître, une si belle et si utile leçon, quand vous lui disiez :
" Sur toutes choses, nous vous exhortons, honorable frère, de recevoir avec obéissance les choses qui ont été écrites par le bienheureux Pape de la ville de Rome ; car saint Pierre, qui vit et préside toujours sur son propre Siège, y manifeste la vérité de la foi à tous ceux qui la lui demandent."

Rq : On lira avec fruits un certain nombre de textes de saint Pierre Chrysologue : http://www.jesusmarie.com/pierre_chrysologue.html

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mardi, 03 décembre 2024

3 décembre. Saint François-Xavier, Jésuite, apôtre des Indes. 1552.

- Saint François-Xavier, Jésuite, apôtre des Indes. 1552.

Pape : Jules III. Roi d'Espagne : Charles Quint.

" Vas electionis est iste ut portet nomen meum coram gentibus."
" Je l'ai choisi entre mille pour verser sur les nations les flots de lumière de mon Evangile."

Act., IX, 15.

Saint François-Xavier en adoration devant Notre Dame
et son divin Fils. Michel Corneille. XVIIe. Orléans.

Les Apôtres ayant été les hérauts de l'Avènement du Christ, il convenait que le temps de l'Avent ne fût pas privé de la commémoration de quelqu'un d'entre eux. La divine Providence y a pourvu ; car parler de saint André, dont la fête est souvent déjà passée quand s'ouvre la carrière de l'Avent, saint Thomas se rencontre infailliblement chaque année aux approches de Noël.

Nous dirons plus loin pourquoi il a obtenu ce poste de préférence aux autres Apôtres ; ici nous voulons seulement insister sur la convenance qui semblait exiger que le Collège Apostolique fournit au moins un de ses membres pour annoncer, dans cette partie du Cycle catholique, la venue du Rédempteur. Mais Dieu n'a pas voulu que le premier apostolat fût le seul qui parût en tète du Calendrier liturgique ; grande est aussi, quoique inférieure, la gloire de ce second Apostolat par lequel l'Epouse de Jésus-Christ multiplie ci ses enfants, dans sa vieillesse féconde, comme parle le Psalmiste. (Psalm. XCI, 15.).


Château de Javier. Navarre.

Il est encore présentement des Gentils à évangéliser ; la venue du Messie est loin d'avoir été annoncée à tous les peuples ; mais, entre les vaillants messagers du Verbe divin qui, dans ces derniers siècles, ont l'ait éclater leur voix au milieu des nations infidèles, il n'en est point qui ait brillé d'une plus vive splendeur, qui ait opéré plus de prodiges, qui se suit montré plus semblable aux premiers Apôtres, que le récent Apôtre des Indes, saint François-Xavier. Et certes, la vie et l'apostolat de cet homme merveilleux furent l'objet d'un grand triomphe pour notre Mère la sainte Eglise catholique au temps où ils éclatèrent.

L'hérésie, soutenue en toutes manières par la fausse science, par la politique, par la cupidité et toutes les mauvaises passions du cœur de l'homme, semblait toucher au moment de la victoire. Dans son audacieux langage, elle ne parlait plus qu'avec un profond mépris de cette antique Eglise appuyée sur les promesses de Jésus-Christ ; elle la dénonçait aux nations, et osait l'appeler la prostituée de Babylone, comme si les vices des enfants pouvaient obscurcir la pureté de leur mère.


Envoi de saint François-Xavier par saint Ignace.
Andrea Pozzo. Basilique Saint-Pierre. Rome. XVIIe.

Dieu se montra enfin, et soudain le sol de l'Eglise apparut couvert des plus admirables fruits de sainteté. Les héros et les héroïnes se multiplièrent du sein même de cette stérilité qui n'était qu'apparente, et tandis que les prétendus réformateurs se montraient les plus vicieux des hommes, l'Italie et l'Espagne à elles seules brillèrent d'un éclat incomparable par les chefs-d'œuvre de sainteté qui se produisirent dans leur sein.

Aujourd'hui c'est François Xavier ; mais plus d'une fois sur le Cycle nous verrons briller les nobles compagnons, les illustres compagnes, que la grâce divine lui suscita : en sorte que le XVIe siècle n'eut rien à envier aux siècles les plus favorisés des merveilles de la sainteté. Certes, ils ne l'inquiétaient pas beaucoup du salut des infidèles, ces soi-disant réformateurs qui ne songeaient qu'à anéantir le vrai Christianisme sous les ruines de ses temples ; et c'était à ce moment même qu'une société d'apôtres s'offrait au Pontife romain pour aller planter la foi chez les peuples les plus enfoncés dans les ombres de la mort. Mais, de tous ces apôtres, ainsi que nous venons de le dire, nul n'a réalisé le type primitif au même degré que le disciple d'Ignace.


Lemercier. XVIIIe. Hôpital de Baugé. Maine.

Rien ne lui a manqué, ni la vaste étendue des pays sillonnés par son zèle, ni les centaines de milliers d'infidèles qu'il baptisa de son bras infatigable, ni les prodiges de toute sorte qui le montrèrent aux infidèles comme marqué du sceau qu'avaient reçu ceux dont la sainte Liturgie nous dit :
" Ce sont ceux-ci qui, vivant encore dans la chair, ont été les planteurs de l'Eglise."

L'Orient a donc vu, au XVIe siècle, un Apôtre venu de Rome toujours sainte, et dont le caractère et les œuvres rappelaient l'éclat dont brillèrent ceux que Jésus avait envoyés lui-même. Gloire soit donc au divin Epoux qui a vengé l'honneur de son Epouse, en suscitant François-Xavier, et en nous donnant en lui une idée de ce que furent, au sein du monde païen, les hommes qu'il avait chargés de la promulgation de son Evangile.


Prière par l'intercession de saint François-Xavier.
Anonyme français du XVIIe.

Saint François, né à Xavier au diocèse de Pampelune, de parents nobles, se fit à Paris le compagnon et le disciple de saint Ignace. Sous un tel maître, il en vint bientôt à une contemplation si sublime des choses divines, que plus d'une fois on le vit élevé au-dessus de terre ; ce qui lui arriva à diverses reprises, en présence d'une multitude de peuple, pendant qu'il célébrait le saint Sacrifice.

Il obtenait ces délices de l'âme par de grandes macérations de son corps ; car il s'interdisait non seulement l'usage de la chair et du vin, mais jusqu'au pain de froment, ne vivant que des plus vils aliments, et passant deux ou trois jours sans rien prendre. Il se flagellait si rudement avec des disciplines armées de fer, que souvent le sang coulait avec abondance ; il ne prenait qu'un sommeil très court, et encore sur la terre nue.


Saint François-Xavier bénissant des pestiférés.
Domenico Lombardi. XVIIIe.

L'austérité et la sainteté de sa vie l'avaient rendu mûr pour les travaux apostoliques, quand Jean III, roi de Portugal, ayant demandé à Paul III, pour les Indes, quelques membres de la Société naissante, le Pape, par l'avis de saint Ignace, choisit François pour ce grand emploi, et lui donna les pouvoirs de Nonce Apostolique. A peine fut-il arrivé, qu'il apparut tout d'un coup miraculeusement initié aux langues très difficiles et très variées de ces diverses nations. Il arriva même quelquefois que, prêchant en une seule langue devant des nations différentes, chacune l'entendait parler la sienne. Il parcourut, toujours à pied, et souvent sans chaussure , d'innombrables provinces.

Il introduisit la foi au Japon et dans six autres contrées. Il convertit dans les Indes plusieurs centaines de milliers de personnes. Il purifia dans le saint baptême de grands princes et nombre de rois. Et pendant qu'il faisait pour Dieu de si grandes choses, telle était son humilité, qu'il n'écrivait qu'à genoux à saint Ignace, son Général.

Saint François-Xavier prêchant aux Indiens. Anonyme du XIXe.
Eglise paroissiale Saint-Martin de Velles. Champagne.

Dieu fortifia cette ardeur qu'il avait de propager l'Evangile, par de grands et nombreux miracles. François rendit la vue à un aveugle. Par un signe de croix il changea en eau douce de l'eau de mer, autant qu'il en fallut pour subvenir longtemps à un équipage de cinq cents hommes qui mouraient de soif. Cette eau, portée depuis en diverses contrées, guérit subitement un grand nombre de malades.
Il ressuscita plusieurs morts, dont un, enterré de la veille, fut tiré de sa fosse; et deux autres qu'il prit par la main pendant qu'on les portait en terre, furent rendus vivants à leurs parents.
Inspiré diverses fois pur l'esprit de prophétie, il révéla plusieurs événements éloignés de temps et de lieu.

Enfin il mourut dans l'île de Sancian, le second jour de décembre, plein de mérites et épuisé de travaux. Son corps, enseveli à deux fois dans de la chaux vive, s'y conserva pendant plusieurs mois sans corruption ; il en sortit même du sang et une odeur suave. Transporté à Malaca, son arrivée arrêta sur-le-champ une peste très violente. Enfin de nouveaux et très grands miracles ayant éclaté dans toutes les parties du monde par l'intercession de François, Grégoire XV le mit au rang des Saints.

Saint François-Xavier ramène à la vie la fille d'un notable
de Cangoxima au Japon. Ecole française du XVIIIe.

PRIERE

" Glorieux apôtre de Jésus-Christ qui avez illuminé de sa lumière les nations assises dans les ombres de la mort, nous nous adressons à vous, nous Chrétiens indignes, afin que par cette charité qui vous porta à tout sacrifier pour évangéli-ser les nations, vous daigniez préparer nos cœurs à recevoir la visite du Sauveur que notre foi attend et que notre amour désire. Vous fûtes le père des nations infidèles ; soyez le protecteur du peuple des croyants, dans les jours où nous sommes. Avant d'avoir encore contemplé de vos yeux le Seigneur Jésus, vous le fîtes connaître à des peuples innombrables ; maintenant que vous le voyez face à face, obtenez que nous le puissions voir, quand il va paraître, avec la foi simple et ardente de ces Mages de l'Orient, prémices glorieuses des nations que vous êtes allé initier à l’admirable lumière. (I Petr. II, 9.).


Saint François-Xavier baptisant et guérissant.
C.-A. Bouvier. Gravure du XVIIIe.

Souvenez-vous aussi, grand apôtre, de ces mêmes nations que vous avez évangélisées, et chez lesquelles la parole de vie, par un terrible jugement de Dieu, a cessé d'être féconde. Priez pour le vaste empire de la Chine que votre regard saluait en mourant, et auquel il ne fut pas donné d'entendre votre parole. Priez pour le Japon, plantation chérie que le sanglier dont parle le Psalmiste a si horriblement dévastée. Obtenez que le sang des Martyrs, qui y fut répandu comme l'eau, fertilise enfin cette terre. Bénissez aussi, ô Xavier, toutes les Missions que notre Mère la sainte Eglise a entreprises, dans les contrées où la Croix ne triomphe pas encore. Que les cœurs des infidèles s'ouvrent à la lumineuse simplicité de la foi ; que la semense fructifie au centuple ; que le nombre des nouveaux apôtres, vos successeurs, aille toujours croissant ; que leur zèle et leur charité ne défaillent jamais : que leurs sueurs deviennent fécondes, que la couronne de leur martyre soit non seulement la récompense, mais le complément et la dernière victoire de leur apostolat.


Sculpture de M. Bursacier, moyen-relief du XVIIIe.
Eglise Saint-Thomas de La Flèche. Maine.

Souvenez-vous, devant le Seigneur, des innombrables membres de celle association par laquelle Jésus-Christ est annoncé dans toute la terre, et qui s'est placée sous voire patronage. Enfin priez d'un cœur filial pour la sainte Compagnie dont vous êtes la gloire et l'espérance. Qu'elle fleurisse de plus en plus sous le vent de la tribulation qui ne lui manqua jamais; qu'elle se multiplie, afin que par elle soient multipliés les enfants de Dieu ; qu'elle ait toujours au service du peuple chrétien de nombreux Apôtres et de vigilants Docteurs ; qu'elle ne porte pas en vain le nom de Jésus.

Considérons l'état misérable du genre humain, au moment où le Christ va paraître. La décroissance des vérités sur la terre est terriblement exprimée par la décadence de la lumière matérielle en ces jours. Les traditions antiques vont de toutes pans s'éteignant ; le Dieu créateur de toutes es est méconnu dans l'œuvre même de ses mains ; tout est devenu Dieu, excepté le Dieu qui a tout fait. Ce hideux Panthéisme dévore la morale publique et privée. Tous les droits, hors celui du plus fort, sont oubliés ; la volupté, la cupidité, le larcin siègent sur les autels et reçoivent l'encens. La famille est anéantie par le divorce et l'infanticide ; l'espèce humaine est dégradée en masse par l'esclavage ; les nations même périssent par les guerres d'extermination. Le genre humain n'en peut plus ; et si la main qui l'a créé ne lui est de nouveau appliquée, il doit infailliblement succomber dans une dissolution honteuse et sanglante.


Eglise du Bom-Jésus. Goa. Indes.

Les justes qu'il contient encore, et qui luttent contre le torrent et la dégradation universelle, ne le sauveront pas ; car ils sont méconnus des hommes, et leurs mérites ne sauraient, aux yeux de Dieu, pallier l'horrible lèpre qui dévore la terre. Plus criminelle encore qu'aux jours du déluge, toute chair a corrompu sa voie ; néanmoins, une seconde extermination ne servirait qu'à manifester la justice de Dieu ; il est temps qu'un déluge miséricordieux s'épanche sur la terre, et que celui qui a fait le genre humain descende pour le guérir. Paraissez donc, Ô Fils éternel de Dieu ! Venez ranimer ce cadavre, guérir tant de plaies, laver tant de souillures, rendre surabondante la Grâce, là où le péché abonde ; et quand vous aurez converti le monde à votre sainte loi, c'est alors que vous aurez montré à tous les futurs que c'est vous-même, Ô Verbe du Père, qui êtes venu : car si un Dieu a pu seul créer le monde, il n'y avait non plus que la toute-puissance d'un Dieu qui pût, en l'arrachant à Satan et au péché, le rendre à la justice et à la sainteté."


Châsse contenant le corps incorrompu de saint François-Xavier.
Eglise du BOM-Jésus de Goa. Indes.

Rq : On lira avec fruit cette vie de saint François-Xavier, composée en 1870 par d'éminents représentants de la Compagnie de Jésus : http://www.abbaye-saint-benoit.ch/saints/francxavier/inde...

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lundi, 02 décembre 2024

2 décembre. Sainte Bibiane ou Vivienne, vierge et martyre à Rome. 363.

- Sainte Bibiane ou Vivienne ou Vivianne, vierge et martyre à Rome. 363.

Pape : Saint Libère. Empereurs romains : Julien l'Apostat (+363) ; Jovien.

" Je n'abjurerai pas le Dieu créateur. C'est lui que je confesse. J'adore son nom dans la foi, et il me délivrera de l'enfer qui t'est réservé. On doit abjurer tes dieux, idoles muettes et inanimées, oeuvres de la main des hommes terrestres. Je ne vénérerai jamais des pierres inertes ; je n'adorerai pas le feu ; dont la puissance est détruite par l'eau. J'adore, comme il convient, le Père éternel, je suis baptisée et je vis en son Fils qui n'a pas eu de commencement ; mon âme est marquée du sceau de l'Esprit-Saint Consolateur : la Trinité des personnes qui ne forment qu'un seul Dieu. Celui qui est descendu des demeures élevées de son Père et a supporté les douleurs et les soufflets de la part des Juifs, me délivrera du lieu de supplices qui t'est réservé, et me comblera de délices parmi les vierges sages."
Sainte Suzanne de Perse pendant l'interrogatoire qui la conduisit au martyre. IVe.


Sainte Bibiane. Le Bernin. XVIIe.

Au temps de l'Avent, l'Eglise célèbre entre autres la mémoire de cinq illustres Vierges. La première, sainte Bibiane, que nous fêtons aujourd'hui, est romaine ; la seconde, sainte Barbe, est l'honneur des Eglises de l'Orient ; la troisième, sainte Eulalie de Mérida, est l'une des principales gloires de l'Eglise d'Espagne ; la quatrième, sainte Lucie, appartient à l'heureuse Sicile ; la cinquième enfin, sainte Odile, est réclamée par la France. Ces cinq Vierges prudentes ont allumé leur lampe et ont veillé, attendant l'arrivée de l'Epoux ; et si grande a été leur constance et leur fidélité, que quatre d'entre elles ont versé leur sang pour l'amour de Celui qu'elles attendaient. Fortifions-nous par un si grand exemple ; et puisque, comme parle l'Apôtre, nous n'avons pas encore résisté jusqu'au sang; n'allons pas plaindre notre peine et nos fatigues durant les veilles du Seigneur, que nous poursuivons dans l'espoir de le voir bientôt : mais instruisons-nous aujourd'hui par les glorieux exemples de la chaste et courageuse Bibiane.

Bibiane, Vierge romaine, d'une illustre naissance, fut encore plus illustre par la foi chrétienne; car, sous Julien l'Apostat, tyran très impie, Flavien, son père, qui avait été préfet, fut dégradé, marqué de la flétrissure des esclaves, et relégué aux Eaux Taurines, où il mourut martyr. Sa mère Dafrosa, condamnée d'abord à rester avec ses filles en sa demeure pour y mourir de faim, fut plus tard reléguée hors de Rome et décollée. Après la mort de ses pieux parents, Bibiane fut dépouillée de tous ses biens ; sa sœur Demetria éprouva le même sort. Apronianus, Préteur de la ville, qui convoitait leurs trésors, se mit à persécuter les deux sœurs, lesquelles ayant été enfermées dans un lieu où elles étaient dénuées de tout secours humain, furent merveilleusement nourries par le Dieu qui donne l'aliment à ceux qui ont faim, et reparurent plus fortes et plus florissantes ; ce qui étonna grandement le Préteur.

Cependant il essaya de les porter à honorer les dieux des Gentils, promettant de leur faire obtenir leurs richesses perdues, Il faveur de l'Empereur et de brillantes alliances ; les menaçant, si elles refusaient, de la prison, des fouets et de la hache. Ni caresses ni menaces n'ébranlèrent leur foi ; et, préférant mourir plutôt que de se souiller par les superstitions païennes, elles repoussèrent avec indignation et constance les propositions impies du Préteur. C'est pourquoi Démétria,frappée sous les yeux de Bibiane, mourut et s'endormit dans le Seigneur. Bibiane fut livrée à une femme très habile dans l'art de séduire, nommée Rufina. Mais la vierge, instruite dès l'enfance à garder la loi chrétienne, et à conserver sans tache la fleur de virginité, s'élevant au-dessus d'elle-même, triompha de cette femme artificieuse, et déjoua la perfidie du Préteur.

Ainsi ce fut en vain que Rufina, pour ébranler son généreux propos, employa chaque jour avec les paroles caressantes la violence des coups. Trompé dans son attente, le Préteur, irrité d'être vaincu par Bibiane, commanda à ses licteurs de la dépouiller, de l'attacher à une colonne, les mains liées, et de la battre à coups de lanières plombées jusqu'à ce qu'elle expirât. Son corps sacré demeura deux jours sur la place du Taureau, abandonné aux chiens ; mais, divinement préservé, il ne reçut aucun outrage. Un prêtre nommé Jean ensevelit Bibiane pendant la nuit, à côté du tombeau de sa sœur et de sa mère, près du palais de Licinius, où est encore à présent une église consacrée à Dieu sous le nom de la Sainte. Urbain VIII la répara, y avant découvert les corps des saintes Bibiane, Démétria et Dafrosa, qu'il plaça sous le grand autel.


Sainte Bibiane et sa soeur sainte Demetria devant Julien l'Apostat.
D'après Pietro Berettini. XVIIIe.

PRIERE

" Ô vierge très prudente, Bibiane ! Vous avez traversé sans faiblir la longue veille de cette vie ; et l'huile ne manquait pas à votre lampe, quand soudain l'Epoux est arrivé. Vous voici maintenant, pour l'éternité, dans le séjour des noces éternelles, où le Bien-Aimé paît au milieu des lis. Du lieu de votre repos, souvenez-vous de ceux qui vivent encore dans l'attente de ce même Epoux dont les embrassements éternels vous sont réservés pour les siècles des siècles. Nous attendons la Naissance du Sauveur du monde, qui doit être la fin du péché et le commencement de la justice ; nous attendons la venue de ce Sauveur dans nos âmes, afin qu'il les vivifie et qu'il se les unisse par son amour ; nous attendons enfin le Juge des vivants et des morts. Vierge très sage, fléchissez, par vos tendres prières, ce Sauveur, cet Epoux, ce Juge ; afin que sa triple visite, opérée successivement en nous, soit pour nous le principe et la consommation de cette union divine à laquelle nous devons tous aspirer. Priez aussi, Vierge très fidèle, pour l'Eglise de la terre qui vous a enfantée à l'Eglise du ciel, et qui garde si religieusement vos précieuses dépouilles Obtenez-lui cette fidélité parfaite qui la rende toujours digne de Celui qui est son Epoui aussi bien que le vôtre, et qui, l'ayant enrichie de ses dons les plus magnifiques et fortifiée des promesses les plus inviolables, veut cependant qu'elle demande et que nous demandions pour elle les grâces qui doivent la conduire au terme glorieux vers lequel elle aspire."

Considérons aujourd'hui l'état de la nature dans la saison de l'année où nous sommes arrivés. La terre s'est dépouillée de sa parure accoutumée, les fleurs ont péri, les fruits ne pendent plus aux arbres, le feuillage des forêts est dispersé par les vents, la froidure saisit toute âme vivante ; on dirait que la mort est à la porte. Si du moins le soleil conservait son éclat, et traçait encore dans les airs sa course radieuse ! Mais, de jour en jour, il rétrécit sa marche. Après une longue nuit, les hommes ne l'aperçoivent que pour le voir bientôt retomber au couchant, à l'heure même où naguère ses feux brillaient encore d'un vif éclat ; et chaque jour voit s'accélérer la rapide invasion des ténèbres. Le monde est-il destiné à voir s'éteindre pour jamais son flambeau ? Le genre humain est-il condamné à finir dans la nuit ? Les païens le craignirent ; et c'est pourquoi, comptant avec terreur les jours de cette lutte effrayante de la lumière et des ténèbres, ils consacrèrent au culte du Soleil le vingt-cinquième jour de Décembre, le solstice d'hiver, jour après lequel cet astre, l'échappant des liens qui le retenaient, commence à remonter et reprend graduellement cette ligne triomphante par laquelle naguère il divisait le ciel en deux parts.


Martyre de sainte Bibiane. D'après Pietro Berettini. XVIIIe.

Nous chrétiens, illuminés des splendeurs de la foi, nous ne nous arrêterons point à ces terreurs humaines : nous cherchons un Soleil auprès duquel le soleil visible n'est que ténèbres. Avec lui, nous pourrions défier toutes les ombres matérielles ; sans lui, la lumière que nous croirions avoir ne peut que nous égarer et nous perdre.

" Ô Jésus ! Lumière véritable qui éclairez tout homme venant en ce monde, vous avez choisi, pour naître au milieu de nous, l'instant où le soleil visible est près de s'éteindre, afin de nous faire comprendre, par cette figure si frappante, l'état où nous étions réduits quand vous vîntes nous sauver en nous éclairant."

" La lumière du jour baissait, dit saint Bernard dans son premier sermon de l'Avent ; le Soleil de justice avait presque disparu ; sur la terre, à peine restait-il une faible lueur et une chaleur mourante. Car la lumière de la divine connaissance était presque éteinte ; et par l'abondance de l'iniquité, la ferveur de la charité s'était refroidie. L'Ange n'apparaissait plus ; le Prophète ne se faisait plus entendre. L'un et l'autre étaient comme découragés par la dureté et l'obstination des hommes ; mais, dit le Fils de Dieu, c'est alors que j'ai dit : Me voici, Ô Christ ! Ô Soleil de justice ! donnez-nous de bien sentir ce qu'est le monde sans vous ; ce que sont nos intelligences sans votre lumière, nos cœurs sans votre divine chaleur. Ouvrez les yeux de notre foi ; et pendant que ceux de notre corps seront témoins de la décroissance journalière de la lumière visible, nous songerons aux ténèbres de l'âme que vous seul pouvez éclairer. Alors notre cri, du fond de l'abîme, s'élèvera vers vous qui devez paraître au jour marqué, et dissiper les ombres les plus épaisses, par votre victorieuse splendeur."

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dimanche, 01 décembre 2024

Ier dimanche de l'Avent.

- Ier dimanche de l'Avent.



La Femme de l'Apocalypse vaincra l'Antéchrist.
Anonyme italien du XVe.

Ce Dimanche, le premier de l'Année Ecclésiastique, est appelé, dans les chroniques et les chartes du moyen âge, le Dimanche Ad te levavi, à cause des premiers mots de l'Introït, ou encore le Dimanche Aspiciens a longe, à cause des premières paroles d'un des Répons à l'Office de Matines.

La Station est à Sainte-Marie-Majeure ; c'est sous les auspices de Marie, dans l'auguste Basilique qui garde la Crèche de Bethléhem, et qui pour cela est appelée dans les anciens monuments Sainte-Marie ad Prœsepe, que l'Eglise Romaine recommence chaque année le Cycle sacré. Il était impossible de choisir un lieu plus convenable pour saluer l'approche du divin Enfantement qui doit enfin réjouir le ciel et la terre, et montrer le sublime prodige de la fécondité d'une Vierge. Transportons-nous par la pensée dans ce temple auguste, et unissons-nous aux prières qui s'y font entendre ; ce sont les mêmes que celles qui vont être exposées ici.

A LA MESSE

Pendant que le Prêtre se rend à l'autel pour célébrer le Sacrifice, l'Eglise débute par ce beau chant qui montre si bien sa confiance d'épouse ; répétons-le avec elle, du fond de notre cœur ; car le Sauveur viendra à nous dans la mesure que nous l'aurons désiré, et fidèlement attendu :

INTROÏT

" Vers vous, Ô mon Dieu ! j'ai élevé mon âme. En vous j'ai mis ma confiance, et je sais que je n'aurai point à en rougir : car vous viendrez au temps marqué. En vain les ennemis de mon salut riront de ma patience : quiconque vous attend ne sera point confondu. Ps. Seigneur, venez me montrer la voie qui conduit à vous; venez m'apprendre vos divins sentiers. Gloire au Père, et au Fils, et au Saint-Esprit ; comme il était au commencement, et maintenant et toujours, et dans les siècles des siècles. Amen. On répète : Vers vous, Ô mon Dieu."

EPÎTRE



Saint Paul. B. Butinone. Florence. XVe.

Lecture de l'Epître de saint Paul, Apôtre, aux Romains. Chap. XIII.

" Mes Frères, nous savons qu'il est temps de nous réveiller de notre sommeil ; car notre salut est plus proche que lorsque nous avons commencé à croire. La nuit est sur sa fin, et le jour approche. Jetons donc au loin les œuvres des ténèbres, et revêtons-nous des armes de la lumière. Marchons dans l'honnêteté, comme on fait en plein jour, et non dans les débauches, dans les excès de la boisson, dans les impudicités, dans les dissolutions, dans les querelles et les envies ; mais revêtez-vous de Notre Seigneur Jésus-Christ."

Le Sauveur que nous attendons est donc le vêtement qui couvrira notre nudité. Admirons en cela la bonté de notre Dieu, qui, se souvenant que l'homme s'était caché après son péché, parce qu'il se sentait nu, veut bien lui servir lui-même de voile, et couvrir une si grande misère du manteau de sa divinité. Soyons donc attentifs au jour et à l'heure où il, viendra, et gardons-nous de nous laisser appesantir par le sommeil de l'habitude et de la mollesse. La lumière luira bientôt ; que ses premiers rayons éclairent notre justice, ou du moins notre repentir. Si le Sauveur vient couvrir nos péchés, afin qu'ils ne paraissent plus, nous, du moins, détruisons dans nos cœurs toute affection à ces mêmes péchés ; et qu'il ne soit pas dit que nous avons refusé le salut. Les dernières paroles de cette Epître se trouvèrent à l'ouverture du livre, quand saint Augustin, pressé depuis longtemps par la grâce divine de se donner à Dieu, voulut obéir à la voix qui lui disait : Tolle, lege ; prends, et lis. Elles décidèrent sa conversion ; il résolut tout à coup de rompre avec la vie des sens et de revêtir Jésus-Christ.

ÉVANGILE



Jugement dernier. Bible arménienne. Barlam d'Iran. XVIIe.

La suite du saint Evangile selon saint Luc. Chap. XXI.

" En ce temps-là, Jésus dit à ses disciples : " Il y aura des signes dans le soleil, et dans la lune, et dans les étoiles ; et, sur la terre, les peuples seront dans la consternation, par le trouble que causera le bruit de la mer et des flots. Les hommes sécheront de frayeur dans l'attente des choses qui doivent arriver à l'univers : car les Vertus des cieux seront ébranlées. Et alors il verront le Fils de l'homme venant sur une nuée avec une grande puissance et majesté. Pour vous, lorsque ces choses commenceront d'arriver, regardez en haut et levez vos têtes ; car votre rédemption approche. Et il leur fit cette comparaison : Voyez le figuier et tous les arbres : lorsqu'ils commencent à pousser, vous connaissez que l'été est proche. De même, quand vous verrez arriver ces choses, sachez que le Royaume de Dieu est proche. En vérité, je vous le dis, cette génération ne passera point que toutes ces choses n'arrivent. Le ciel et la terre passeront ; mais mes paroles ne passeront point."

Nous devons donc nous attendre à voir éclater tout à coup votre Avènement terrible, Ô Jésus ! Bientôt vous allez venir dans votre miséricorde pour couvrir notre nudité, comme un vêtement de gloire et d'immortalité ; mais vous reviendrez un jour, et avec une si effrayante majesté que les hommes en sécheront de frayeur. Ô Christ ! ne me perdez pas, en ce jour de l'embrasement universel. Visitez-moi auparavant dans votre amour : je veux vous préparer mon âme. Je veux que vous preniez naissance en elle, afin qu'au jour où les convulsions de la nature annonceront votre approche, je puisse lever la tête, comme vos fidèles disciples, qui, vous portant déjà dans leurs cœurs, ne craindront rien de vos foudres.