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25 juin. Saint Guillaume de Verceil, abbé, fondateur de la congrégation du Monte-Vergine. 1142.

- Saint Guillaume de Verceil, abbé, fondateur de la congrégation du Monte-Vergine. 1142.
 
Pape : Innocent II. Empereur germanique : Conrad III Hohenstauffen.
 
" La solitude embellie par les vertus de l'homme juste est plus belle que la ville la plus magnifique, plus belle que l'univers entier."
Saint Jean Chrysostome. Hom. XXXIII sup Gen.
 

San Guillaume en oraison. Manuscrit napolitain du XVe.

Ce n'est pas seulement dans la gloire incomparable du martyre, que l'Emmanuel fait éclater la puissance de sa grâce et la force victorieuse des exemples laissés par son Précurseur au monde. Voici que s'offre tout d'abord à nos hommages, un de ces innombrables athlètes de la pénitence qui suivirent Jean au désert ; fuyant comme lui, dès le plus jeune âge, une société où leur âme pressent qu'elle ne trouverait que froissements et périls, consacrant leur vie au triomphe complet du Christ en eux sur la triple concupiscence, ils rendent témoignage au Seigneur par des œuvres que la terre ignore, mais qui réjouissent les anges et font trembler l'enfer. Guillaume fut un des chefs de cette milice sainte. L'Ordre du Mont-Vierge, qui lui doit l'existence, a bien mérité de l'institut monastique et de l'Eglise, en ces régions de l'Italie méridionale où Dieu voulut, à diverses reprises, opposer comme une digue à l'entraînement des sens le spectacle des plus austères vertus.

Personnellement et par ses disciples, Guillaume eut pour mission d'infuser au royaume de Sicile, qui se fondait alors, l'élément de la sainteté que tout peuple chrétien réclame à sa base. Au Midi comme au Nord de l'Europe, la race normande venait d'être providentiellement appelée à promouvoir le règne de Jésus-Christ. C'était le moment où Byzance, impuissante à protéger ses dernières possessions d'Occident contre l'invasion sarrasine, n'en prétendait pas moins garder les églises de ces contrées dans les liens du schisme, où l'avait récemment engagée l'intrigante ambition de Michel Cérulaire. Le Croissant s'était vu contraint de reculer devant les fils de Tancrède de Hauteville ; et la perfidie grecque fut déjouée à son tour parla rude simplicité de ces hommes, qui apprirent vite à n'opposer d'autre argument que celui de leur épée aux fourberies byzantines. La papauté, un instant hésitante, comprit bientôt également de quel secours lui seraient les nouveaux venus, dans les querelles féodales qui s'agitaient depuis deux siècles autour d'elle, et préparaient la longue lutte du sacerdoce et de l'empire.


C'était l'Esprit-Saint qui, comme toujours depuis les temps de la Pentecôte, dirigeait ici les événements au plus grand bien de l'Eglise. Il inspirait aux Normands d'établir leurs conquêtes sur la fermeté de la Pierre apostolique, en se reconnaissant les feudataires du Saint-Siège. Mais en même temps, pour récompenser la fidélité de ce début, pour les rendre aussi plus dignes de la mission qui eût continué de faire leur honneur et leur force, s'ils eussent continué de la comprendre, il leur donnait des saints. Roger Ier avait vu saint Bruno intercéder pour son peuple dans les solitudes de Calabre, et le sauver miraculeusement lui-même des embûches dressées par la trahison; Roger II eut pour le ramener dans les sentiers de la justice, dont il s'écartait trop souvent, l'exemple et les exhortations du fondateur du Mont-Vierge.


Saint Guillaume de Verceil en oraison. Gravure du XVIe.

Guillaume naquit de parents nobles, à Verceil en Piémont. A peine avait-il achevé sa quatorzième année, qu'embrasé des ardeurs d une merveilleuse piété, il entreprit le pèlerinage de Compostelle au célèbre temple de saint Jacques. Vêtu d'une seule tunique, ceint d'un double cercle de fer, nu-pieds, en butte aux rigueurs du froid et de la chaleur, de la faim et de la soif, il accomplit sa route en grand danger de la vie. De retour en Italie, il médite un nouveau pèlerinage au saint tombeau du Seigneur ; mais diverses sortes d'obstacles très graves s'opposent à son projet.

La divine Providence tournait à des desseins plus hauts et plus parfaits les religieux penchants du jeune homme. C'est alors qu'il passa deux ans au mont Solicchio, priant sans interruption, jeûnant, veillant, couchant sur la dure, soutenu du seul secours divin.

Ayant rendu la vue à un aveugle, le bruit du miracle se répandit, et Guillaume, qui ne pouvait plus rester caché, songea de nouveau à se rendre à Jérusalem. Plein d'ardeur, il se mit en route.

Mais Dieu, qui voulait de lui une vie plus utile et plus fructueuse pour l'Italie et d'autres contrées, lui apparut et l'avertit de renoncer à sa résolution. Gagnant donc le mont Virgilien, appelé depuis Mont-Vierge, il bâtit avec une rapidité étonnante un monastère au sommet, en dépit des difficultés que présente ce lieu inaccessible. Des compagnons, touchés de la grâce, s'adjoignent à lui, voulant vivre conformément aux préceptes et aux conseils de l'Evangile. Des règles empruntées en grande partie à saint Benoit, et, d'autre part, la parole de Guillaume et l'exemple de sa vie très sainte les aident admirablement à atteindre ce but.


Saint Guillaume de Verceil dirigeant les travaux du
monastère du Monte-Vergine. Gravure du XVIIIe.

D'autres monastères s'élevèrent dans la suite ; de jour en jour, éclatait davantage la sainteté du fondateur ; de toutes parts on venait à lui, attiré par le parfum de cette sainteté et la renommée de ses miracles. Car, à son intercession, les muets recouvraient la parole, les sourds l'ouïe ; la vigueur était rendue aux membres desséchés, la santé à tous ceux qu'affligeaient les plus diverses et les plus irrémédiables maladies.

Il changea l'eau en vin, et accomplit une multitude d'autres merveilles, entre lesquelles il faut citer la suivante : une femme perdue ayant été envoyée pour éprouver sa chasteté, il se roula sur des charbons ardents étendus à terre sans en éprouver aucun mal.
Roger, roi de Naples, ayant eu connaissance de ce fait, conçut une vénération profonde pour l'homme de Dieu. Il prédit au roi et à d'autres le temps de sa mort, et, illustre par ses vertus et miracles sans nombre, il s'endormit enfin dans le Seigneur, l'an du salut mil cent quarante-deux.


Le monastère de Monte-Vergine aujourd'hui.
 
PRIERE
 
" A la suite de Jean vous comprîtes les attraits du désert, Ô Guillaume, et Dieu voulut montrer par vous l'utilité que renferment ces existences qui, dans leur fuite du monde, semblent se désintéresser des affaires humaines. Le détachement complet des sens, dégageant l'âme, la rapproche du souverain Etre ; la solitude, éteignant les bruits de la terre, permet d'entendre la voix du Créateur. L'homme alors, éclairé par l'Auteur même du monde sur les grands intérêts mis en jeu dans son œuvre, devient en ses mains un instrument aussi puissant que docile pour la poursuite de ces intérêts, qui ne sont autres que ceux de la créature elle-même et des nations. Ainsi devîntes-vous, illustre Saint, le boulevard d'un grand peuple qui trouva dans votre parole la règle du droit, dans vos exemples le stimulant des vertus les plus hautes, dans la surabondance de votre pénitence une compensation devant Dieu aux écarts de ses princes. Pour ce peuple nouveau, en qui le succès de ses armes excitait la violence et la fougue de toutes les passions, les miracles sans nombre qui accompagnaient vos exhortations avaient, eux aussi, leur éloquence : témoin ce loup qui, après avoir dévoré l'âne du monastère, fut condamné à le remplacer dans son humble service ; témoin la malheureuse qui, au jour où sur un lit de charbons ardents vous parûtes inaccessible à l'action de la flamme, renonça à sa vie criminelle et fut conduite par vous jusqu'à la sainteté.
 

Madonna del Monte-Vergine. Eglise Saint-Antoine.
Conca dei Marini. Royaume. Près Naples.

Bien des révolutions sont venues depuis lors montrer en cette contrée, dans laquelle vous aviez souffert et prié, l'instabilité des royaumes et des dynasties qui ne cherchent pas avant tout le royaume de Dieu et sa justice. Malgré l'oubli où trop souvent, depuis que vous avez quitté la terre, ont été mis vos enseignements et vos exemples, protégez le pays où Dieu vous accorda des grâces si grandes, et qu'il daigna confier à votre intercession puissante. La foi reste vive en ces peuples : conservez-la, malgré les efforts de l'ennemi contre elle en nos jours ; faites-lui produire ses fruits dans le champ des vertus. A travers bien des épreuves, votre descendance monastique a pu, jusqu'en notre siècle de persécution, se propager et servir l'Eglise : obtenez qu'avec toutes les autres familles religieuses, elle se montre jusqu'au bout plus forte que la tempête. Notre-Dame, dont vous avez bien mérité, se tient prête à seconder vos efforts : du sanctuaire dont le nom a prévalu sur les souvenirs du poète qui, sans le savoir, avait chanté ses grandeurs (Virg. Egl. IV.), puisse-t-elle sourire toujours aux foules qui chaque année gravissent la sainte montagne, célébrant le triomphe de sa virginité ; puisse-t-elle, à nous qui ne pouvons que de cœur accomplir le sacré pèlerinage, tenir compte du désir et de l'hommage que nous lui présentons par vos mains !"

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mardi, 25 juin 2024 | Lien permanent

30 juin. Saint Paul, l'Apôtre des Gentils, martyr. 66.

- Saint Paul, l'Apôtre des Gentils, martyr. 66.

Papes : Saint Pierre ; saint Lin (successeur). Empereur romain : Néron.

" Ô Paul ! Tonne en nos âmes avec puissance ; inonde les champs de notre cœur : que toute sécheresse reverdisse sous le déluge de la céleste grâce."
Saint Pierre Damien.


Sebastiano Torriggiani. Basilique Saint-Pierre. Rome. XVIe.

Les Grecs unissent aujourd'hui dans une même solennité la mémoire des illustres saints, les douze Apôtres, dignes de toute louange (Menées, 3o juin.). Rome, tout absorbée hier par le triomphe que le Vicaire de l'Homme-Dieu remportait dans ses murs, voit le successeur de Pierre et sa noble cour aller porter au Docteur des nations, couché d'hier, lui aussi, en sa tombe glorieuse, l'hommage reconnaissant de la Ville et du monde. Suivons par la pensée le peuple romain qui , plus heureux que nous, accompagne le Pontife et fait retentir de ses chants de victoire la splendide Basilique de la voie d'Ostie.

Au vingt-cinq janvier, nous vîmes l'Enfant-Dieu, par le concours d'Etienne le protomartyr, amener à sa crèche, terrassé et dompté, le loup de Benjamin (Gen. XLIX, 27.) qui, dans la matinée de sa jeunesse fougueuse, avait rempli de larmes et de sang l'Eglise de Dieu. Le soir était venu, comme l'avait vu Jacob, où Saul le persécuteur allait plus que tous ses devanciers dans le Christ accroître le bercail, et nourrir le troupeau de l'aliment de sa céleste doctrine (de nouveau, nous ne saurions mieux faire que d'emprunter les traits qui suivent à dom Prosper Guéranger, en son ouvrage : " Sainte Cécile et la société romaine aux deux premiers siècles.").

Par un privilège qui n'a pas eu de semblable, le Sauveur déjà assis à la droite du Père dans les cieux, daigna instruire directement ce néophyte, afin qu'il fût un jour compté au nombre de ses Apôtres. Mais les voies de Dieu n'étant jamais opposées entre elles, cette création d'un nouvel Apôtre ne pouvait contredire la constitution divinement donnée à l'Eglise chrétienne par le Fils de Dieu. Paul, au sortir des contemplations sublimes durant lesquelles le dogme chrétien était versé dans son âme, dut se rendre à Jérusalem, afin de " voir Pierre ", comme il le raconta lui-même à ses disciples de Galatie. Il dut, selon l'expression de Bossuet, " conférer son propre Evangile avec celui du prince des Apôtres " (Sermon sur l'unité.).


La conversion de saint Paul sur le chemin de Damas.
Le Caravage. XVIe.

Agréé dès lors pour coopérateur à la prédication de l'Evangile, nous le soyons, au livre des Actes, associé à Barnabé, se présenter avec celui-ci dans Antioche après la conversion de Cornélius, et l'ouverture de l'Eglise aux gentils par la déclaration de Pierre. Il passe dans cette ville une année entière signalée par une abondante moisson. Après la prison de Pierre à Jérusalem et son départ pour Rome, un avertissement d'en haut manifeste aux ministres des choses saintes qui présidaient à l'Eglise d'Antioche, que le moment est venu d'imposer les mains aux deux missionnaires, et on leur confère le caractère sacré de l'ordination.

A partir de ce moment, Paul grandit de toute la hauteur d'un Apôtre, et l'on sent que la mission pour laquelle il avait été préparé est enfin ouverte. Tout aussitôt, dans le récit de saint Luc, Barnabé s'efface et n'a plus qu'une destination secondaire. Le nouvel Apôtre a ses disciples à lui, et il entreprend, comme chef désormais, une longue suite de pérégrinations marquées par autant de conquêtes. Son premier pas est en Chypre, et c'est là qu'il vient sceller avec l'ancienne Rome une alliance qui est comme la sœur de celle que Pierre avait contractée à Césarée. En l'année 43, où Paul aborda en Chypre, l'île avait pour proconsul Sergius Paulus, recommandable par ses aïeux, mais plus digne d'estime encore pour la sagesse de son gouvernement. Il désira entendre Paul et Barnabé. Un miracle de Paul, opéré sous ses yeux, le convainquit de la vérité de l'enseignement des deux Apôtres, et l'Eglise chrétienne compta, ce jour-là, dans son sein un héritier nouveau du nom et de la gloire des plus illustres familles romaines. Un échange touchant eut lieu à ce moment. Le patricien romain était affranchi du joug de la gentilité par le Juif, et en retour, le Juif, qu'on appelait Saul jusqu'alors, reçut et adopta désormais le nom Paul, comme un trophée digne de l'Apôtre des gentils.

De Chypre, Paul se rend successivement en Cilicie, dans la Pamphylie, dans la Pisidie, dans la Lycaonie. Partout il évangélise, et partout il fonde des chrétientés. Il revient ensuite à Antioche, en l'année 47, et il trouve l'Eglise de cette ville dans l'agitation. Un parti de Juifs sortis des rangs du pharisaïsme consentait à l'admission des gentils dans l'Eglise, mais seulement à la condition qu'ils seraient assujettis aux pratiques mosaïques, c'est-à-dire à la circoncision, à la distinction des viandes, etc. Les chrétiens sortis de la gentilité répugnaient à cette servitude à laquelle Pierre ne les avait pas astreints, et la controverse devint si vive que Paul jugea nécessaire d'entreprendre le voyage de Jérusalem, où Pierre fugitif de Rome venait d'arriver. Il partit donc avec Barnabé, apportant la question à résoudre aux représentants de la loi nouvelle réunis dans la ville de David.


Diego Velázquez. XVIIe.

Outre Jacques qui résidait habituellement à Jérusalem comme évêque, Pierre, ainsi que nous l'avons dit, et Jean, y représentèrent en cette circonstance tout le collège apostolique. Un décret fut formulé où toute exigence à l'égard des gentils relativement aux rites judaïques était interdite, et cette disposition était prise au nom et sous l'influence de l'Esprit-Saint. Ce fut dans cette réunion de Jérusalem que Paul fut accueilli par les trois grands Apôtres comme devant exercer spécialement l'apostolat des gentils. Il reçut de la part de ceux qu'il appelle les colonnes, une confirmation de cet apostolat surajouté à celui des douze. Par ce ministère extraordinaire qui surgissait en faveur de ceux qui avaient été appelés les derniers, le christianisme affirmait définitivement son indépendance à l'égard du judaïsme, et la gentilité allait se précipiter en foule dans l'Eglise.

Paul reprit le cours de ses excursions apostoliques à travers les provinces qu'il avait déjà évangélisées, afin d'y confirmer les Eglises. De là, traversant la Phrygie, il vit la Macédoine, s'arrêta un moment à Athènes, d'où il se rendit à Corinthe, où il séjourna un an et demi. A son départ, il laissait dans cette ville une Eglise florissante, non sans avoir excité contre lui la fureur des Juifs. De Corinthe, Paul se rendit à Ephèse, qui le retint plus de deux ans. Il y obtint un tel succès auprès des gentils, que le culte de Diane en éprouva un affaiblissement sensible. Une émeute violente s'ensuivit, et Paul jugea que le moment était venu de sortir d'Ephèse. Durant son séjour dans cette ville, il avait révélé à ses disciples la pensée qui l'occupait déjà depuis longtemps :
" Il faut, leur dit-il, que je voie Rome."
La capitale de la gentilité appelait l'Apôtre des gentils.

L'accroissement rapide du christianisme dans la capitale de l'Empire avait mis en présence, d'une manière plus frappante qu'ailleurs, les deux éléments hétérogènes dont l'Eglise d'alors était formée. L'unité d'une même foi réunissait dans le même bercail les anciens juifs et les anciens païens. Il s'en rencontra quelques-uns dans chacune de ces deux races qui, oubliant trop promptement la gratuité de leur commune vocation, se laissèrent aller au mépris de leurs frères, les réputant moins dignes qu'eux-mêmes du baptême qui les avait tous faits égaux dans le Christ. Certains Juifs dédaignaient les Gentils, se rappelant le polythéisme qui avait souillé leur vie passée de tous les vices qu'il entraînait à sa suite. Certains Gentils méprisaient les Juifs, comme issus d'un peuple ingrat et aveugle, qui, abusant des secours que Dieu lui avait prodigués, n'avait su que crucifier le Messie.


Flagellation de saint Paul et de saint Silas.
Louis Testelin. Cathédrale Notre Dame. Paris. XVIIe.

En l'année 53, Paul, qui fut à même de connaître ces débats, profita d'un second séjour à Corinthe pour écrire aux fidèles de l'Eglise romaine la célèbre Epître dans laquelle il s'attache à établir la gratuité du don de la foi, Juifs et Gentils étant indignes de l'adoption divine et n'ayant été appelés que par une pure miséricorde ; Juifs et Gentils, oubliant leur passé, n'avaient qu'à s'embrasser dans la fraternité d'une même foi, et à témoigner leur reconnaissance à Dieu qui les avait prévenus par sa grâce les uns et les autres. Sa qualité d'Apôtre reconnu donnait à Paul le droit d'intervenir en cette manière, au sein même d'une chrétienté qu'il n'avait pas fondée.

En attendant qu'il pût contempler de ses yeux l'Eglise reine que Pierre avait établie sur les sept collines, l'Apôtre voulut accomplir encore une fois le pèlerinage de la cité de David. Mais la rage des Juifs de Jérusalem se déchaîna à cette occasion jusqu'au dernier excès. Leur orgueil en voulait surtout à cet ancien disciple de Gamaliel, à ce complice du meurtre d'Etienne, qui maintenant conviait les Gentils à s'unir aux fils d'Abraham sous la loi de Jésus de Nazareth. Le tribun Lysias l'arracha des mains de ces acharnés qui allaient le mettre en pièces. La nuit suivante, le Christ apparut à Paul et lui dit :
" Sois ferme ; car il te faudra rendre de moi à Rome le même témoignage que tu me rends en ce moment à Jérusalem."

Ce ne fut pourtant qu'après une captivité de plus de deux années que Paul, en ayant appelé à l'empereur, aborda l'Italie au commencement de l'année 56. Enfin l'Apôtre des Gentils fit son entrée dans Rome. L'appareil d'un triomphateur ne l'entourait pas : c'était un humble prisonnier juif que l'on conduisait au dépôt où s'entassaient les prévenus qui avaient appelé à César. Mais Paul était ce Juif qui avait eu le Christ lui-même pour conquérant sur le chemin de Damas. Il n'était plus Saul le Benjamite ; il se présentait sous le nom romain de Paul, et ce nom n'était pas un larcin chez celui qui, après Pierre, devait être la seconde gloire de Rome et le second gage de son immortalité. Il n'apportait pas avec lui, comme Pierre, la primauté que le Christ n'avait confiée qu'à un seul ; mais il venait rattacher au centre même de l'évangélisation des gentils, la délégation divine qu'il avait reçue en leur faveur, comme un affluent verse ses eaux dans le cours du fleuve qui les confond avec les siennes et les entraîne à l'océan Paul ne devait pas avoir de successeur dans sa mission extraordinaire ; mais l'élément qu'il venait déposer dans l'Eglise mère et maîtresse représentait une telle valeur que, dans tous les siècles, on entendra les pontifes romains, héritiers du pouvoir monarchique de Pierre, faire appel encore à un autre souvenir, et commander au nom des " bienheureux Apôtres Pierre et Paul ".


Saint Paul rend aveugle le faux prophète Barjesu
et convertit le proconsul Sergius.
Nicolas Loir. Cathédrale Notre-Dame. Paris. XVIIe.

Au lieu d'attendre en prison le jour où sa cause serait appelée, Paul eut la liberté de se choisir un logement dans la ville, obligé seulement d'avoir jour et nuit la compagnie d'un soldat représentant la force publique, et auquel, selon l'usage en pareil cas, il était lié par une chaîne qui l'empêchait de fuir, mais laissait libres tous ses mouvements. L'Apôtre continuait ainsi de pouvoir annoncer la parole de Dieu. Vers la fin de l'année 57, on accorda enfin à Paul l'audience à laquelle lui donnait droit l'appel qu'il avait interjeté à César. Il comparut au prétoire, et le succès de son plaidoyer amena l'acquittement.

Paul, devenu libre, voulut revoir l'Orient. Il visita de nouveau Ephèse, où il établit évoque son disciple Timothée. Il évangélisa la Crète, où il laissa Tite pour pasteur. Mais il ne quittait pas pour toujours cette Eglise romaine qu'il avait illustrée par son séjour, accrue et fortifiée par sa prédication ; il devait revenir pour l'illuminer des derniers rayons de son apostolat, et l'empourprer de son sang glorieux.

L'Apôtre avait achevé ses courses évangéliques dans l'Orient ; il avait confirmé les Eglises fondées par sa parole, et les épreuves, pas plus que les consolations, n'avaient manqué sur sa route. Tout à coup un avertissement céleste, semblable à celui que Pierre lui-même devait recevoir bientôt, lui enjoint de se rendre à Rome où le martyre l'attend. C'est saint Athanase (De fuga sua, XVIII.) qui nous instruit de ce fait, rapporté aussi par saint Astère d'Amasée. Ce dernier nous dépeint l'Apôtre entrant de nouveau dans Rome, " afin d'enseigner les maîtres du monde, de s'en faire des disciples, et par eux de lutter avec le reste du genre humain ". " Là, dit encore l'éloquent évêque du quatrième siècle, Paul retrouve Pierre vaquant au même travail. Il s'attèle avec lui au char divin, et se met à instruire dans les synagogues les enfants de la loi, et au dehors les gentils." (Homil. VIII.).


Lucas Cranach. XVIe.

Rome possède donc enfin réunis ses deux princes : l'un assis sur la Chaire éternelle, et tenant en mains les clefs du royaume des cieux ; l'autre entouré des gerbes qu'il a cueillies dans le champ de la gentilité. Ils nése sépareront plus, même dans la mort, comme le chante l'Eglise. Le moment qui les vit rapprochés fut rapide ; car ils devaient avoir rendu à leur Maître le témoignage du sang, avant que le monde romain fût affranchi de l'odieux tyran qui l'opprimait. Leur supplice fut comme le dernier crime, après lequel Néron s'affaissa, laissant le monde épouvanté de sa fin aussi honteuse qu'elle fut tragique.

C'était en l'année 65 que Paul était rentré dans Rome. Il y signala de nouveau sa présence par toutes les œuvres de l'apostolat. Dès son premier séjour, sa parole avait produit des chrétiens jusque dans le palais de César. De retour sur le grand théâtre de son zèle, il retrouva ses entrées dans la demeure impériale. Une femme qui vivait dans un commerce coupable avec Néron, se sentit ébranlée par cette parole à laquelle il était dur de résister. Un échanson du palais fut pris aussi dans les filets de l'Apôtre. Néron s'indigna de cette influence d'un étranger jusque dans sa maison, et la perte de Paul fut résolue. Jeté en prison, l'Apôtre ne laissa pas refroidir son zèle, et continua d'annoncer Jésus-Christ. La maîtresse de l'empereur et son échanson abjurèrent, avec l'erreur païenne, la vie qu'ils avaient menée, et leur double conversion hâta le martyre de Paul. Il le sentait, et on s'en rend compte en lisant ces lignes qu'il écrit à Timothée :
" Je travaille, dit-il, jusqu'à porter les fers, comme un méchant ouvrier ; mais la parole de Dieu n'est pas enchaînée : à cause des élus, je supporte tout. Me voici à cette heure comme la victime déjà arrosée de l'eau lustrale, et le temps de mon trépas est proche. J'ai vaillamment combattu, j'ai achevé ma course, j'ai été le gardien de la foi ; la couronne de justice m'est réservée, et le Seigneur, juge équitable, me la donnera."
(II Tim.).

Le 29 juin de l'année 66, tandis que Pierre traversait le Tibre sur le pont Triomphal et se dirigeait vers la croix dressée dans la plaine Vaticane, un autre martyre se consommait sur la rive gauche du fleuve. Paul, entraîné le long de la voie d'Ostie, était suivi aussi par un groupe de fidèles qui s'étaient joints à l'escorte du condamné. La sentence rendue contre lui portait qu'il aurait la tête tranchée aux Eaux Salviennes. Après avoir suivi environ deux milles la voie d'Ostie, les soldats conduisirent Paul par un sentier qui se dirigeait vers l'Orient, et bientôt on arriva sur le lieu désigné pour le martyre du Docteur des gentils. Paul se mit à genoux et adressa à Dieu sa dernière prière ; puis, s'étant bandé les yeux, il attendit le coup de la mort. Un soldat brandit son glaive, et la tête de l'Apôtre, détachée du tronc, fit trois bonds sur la terre. Trois fontaines jaillirent aussitôt aux endroits qu'elle avait touchés. Telle est la tradition gardée sur le lieu du martyre, où l'on voit trois fontaines sur chacune desquelles

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dimanche, 30 juin 2024 | Lien permanent | Commentaires (1)

19 avril. Saint Vernier, ou Verny, Garnier, Warner, Werner, Wherner ou Vherner, martyr. Patron des vignerons. 1287.

- Saint Vernier, ou Verny, Garnier, Warner, Werner, Wherner ou encore Vherner, martyr. Patron des vignerons. 1287.

Pape : Nicolas IV. Empereur d'Allemagne : Rodolphe Ier.

" Je suis la vigne et vous en êtes les sarments : celui-là porte beaucoup de fruits qui demeure en moi et en qui je demeure ; sans moi, vous ne pouvez produire aucun fruit."
Evangile selon saint Jean. XV, 5.


Statue franc-comtoise de saint Vernier.

Vernier était du village de Mammerath, distant seulement de quelques lieues de la ville de Baccarach, dans la basse Allemagne. Cet enfant, très pieux, ayant perdu de trop bonne heure son père qui était vigneron, fut contraint, quand il fut un peu plus grand, de sortir de la maison de sa mère, à cause des mauvais traitements qu'il recevait de son beau-père, homme emporté et sans honneur.

Ayant reçu en chemin un morceau de pain de quelques bergers, il les récompensa très abondamment en leur obtenant de Dieu, par ses prières, une source d'eau vive dans un lieu où l'on n'en pouvait pas espérer.


Saint Verny. Statue. Beaujolais. XVIe.

Lorsqu'il fut dans la ville de Wesel (Oberwese en Allemand), au pays de Trèves, des Juifs, voyant qu'il ne demandait que de l'ouvrage pour gagner sa vie, l'engagèrent aisément à travailler chez eux.

Le Jeudi saint suivant, dans l'année où il avait été engagé, lorsqu'il eut fait ses Pâques avec les autres Chrétiens, ces Juifs l'attirèrent chez eux et le suspendirent par les pieds pour lui faire rendre la sainte hostie ; mais, voyant leurs efforts inutiles, ils lui écorchèrent tout le corps à coups de verges, et lui ouvrirent les veines en plusieurs endroits, afin d'en reccuillir le sang en vue de pratiquer des actes de sorcellerie talmudique.


La chapelle Saint-Werner d'Oberwesel.

Une jeune Chrétienne s'en aperçut, aux cris du pauvre petit Vernier, et courrut en donner avis au bourgmestre qui accourut assez rapidement pour interrompre ces épouvantables tortures et reccueillir les plaintes de cette innocente victime.

Notre Martyr lui représenta qu'il n'avait eu, pendant ses terribles épreuves, recours qu'à Dieu, et, qu'au milieu de ses douleurs, prononçait sans cesse les noms de Jésus et de Marie.

Hélas, ce bourgmestre, corrompu par les bourreaux par une forte somme d'argent, ferma ses oreilles aux plaintes et aux suppliques de notre petit saint Vernier, et l'abandonna à la fureur de ces tigres : ils achevèrent sans crainte leur tragédie dans des conditions que l'on ne peut rapporter ici.


Martyre de saint Vernier. Gravure allemande du XVIe.

Dans la nuit, ils jetèrent le corps du Martyr dans un bateau, avec ordre de remonter le Rhin jusqu'à Mayence (faut-il préciser pourquoi ils demandèrent à remonter et non à descendre le cours du fleuve ?), et de le transporter dans quelque endroit couvert de brousailles. Ces Juifs talmudiques, en effet, selon les prescriptions des livres ignobles dont ils s'inspiraient, ne donnaient pas la sépulture aux Chrétiens, même pour cacher un crime.

Mais la vengeance de Dieu les poursuivait. Après avoir navigué toute la nuit, le bateau, le lendemain matin, avait fait à peine une lieue. Les criminels essayèrent alors de jeter le corps de saint Vernier à l'eau. Vains efforts ! Voyant cela, ils le mirent dans une caverne entourée de buissons, non loin de Baccarac, près de l'endroit où s'éleva ensuite Winsbach. Ils croyaient avoir ainsi bien caché leur meurtre.

Mais Dieu, qui met en évidence les secrets les plus profonds, fit paraître, la nuit suivante, de si grands flambeaux au-dessus et autour de ce buisson, que tout le voisinage y accourut pour reconnaître la cause de ce prodige. Le corps de notre petit et saint martyr Vernier y fut trouvé encore tout baigné dans son sang ; ce qui amena les magistrats à faire la recherche des auteurs de ce meurtre. Il ne fut pas difficile de les connaître par la déposition de la jeune Chrétienne qui avait alerté le bourgmestre corrompu, par celle de ce dernier et celles des coupables.

Les ignobles homicides, ainsi que leur complice le bourgmestre, furent punis comme ils le méritaient.


Saint Vernier. Eglise de Lods. Franche-Comté.

Les honneurs dus aux saints furent rendus immédiatement aux petit Vernier.
Son martyre arriva le 19 avril 1287.

RELIQUES ET CULTE

Ses restes furent déposés dans un cercueil de chêne avec la serpette dont il se servait pour tailler la vigne. Ce cercueil fut porté à Baccarach, sur le Rhin, et mis dans la chapelle de Saint-Cunibert. On peut voir, dans les Bollandistes, les nombreux miracles dont Dieu l'honora. Son culte fut approuvé par le Saint-Siège en 1427. Le diocèse de Trèves célèbre publiquement son office.

Caché dans une muraille, à l'époque où l'on craignait les profanations des bêtes féroces Calvinistes, le corps de de saint Vernier fut découvert en 1621 et porté à Bruxelles.

Le culte de saint Vernier fut en honneur en Franche-Comté dès le XVIe siècle : il y fut probablement importé par Thiébaut de Rougemont qui avait visité les reliques de notre petit martyr en 1426 et qui avait pu constater les nombreux miracles qui s'opéraient à son tombeau.

En 1548, Jean Chuppin, chanoine de l'église Sainte-Madeleine de Besançon, rempli du désir d'honorer Dieu en honrant ses Saints dont saint Vernier, se transporta à Baccarac, et demanda pour son église une parcelle des reliques du Martyr. A la permission de l'Electeur palatin et de Jean, évêque de Trèves, il obtint l'index de la main droite et une partie du suaire teint du sang de saint Vernier.


Eglise Sainte-Madeleine de Besançon.

Quand la précieuse relique arriva à Besançon, les chanoines de Sainte-Madeleine et tout le clergé de la ville allèrent à sa rencontre et la reçurent avec le plus grand respect. L'archevêque de Besançon en fit une reconnaissance authentique et accorda une indulgence de quarante jours à tous les pieux fidèles qui visiteraient dévotement la châsse du martyr, exposée dans l'église Sainte-Madeleine.

Le nom de saint Vernier devint bientôt célèbre dans toute la Franche-Comté. Les vignerons de Besançon le choisirent pour leur patron spécial, et formèrent une confrérie sous son invocation. La fête s'en célébrait avec grande pompe le mardi après Quasimodo, et le prédicateur, choisi par les confrères, devait faire le panégyrique de saint Vernier. Cette confrérie, célèbre en Franche-Comté, fut enrichie d'indulgences par le souverain Pontife Innocent XI, le 10 décembre 1684 et toujours protégée par les archevêques de Besançon, honorée par les magistrats de la cité. Elle conserva longtemps l'amour des pratiques religieuses publiques chères aux Bizontins et aux Francs-Comtois.

Le suaire de saint Vernier ainsi que son index étaient autrefois portés publiquement en procession par toute la ville une fois l'an.

Les précieuses reliques de notre Saint ont hélas disparu pendant la tempête révolutionnaire.


Saint Simon de Trente, petit enfant chrétien, martyrisé par
des Juifs le vendredi saint de 1475. Gravure du XVIIe.

Au sujet de ce martyre caractéristique et singulier, il convient d'ajouter, qu'après un siècle passé à nier les " accusations de crimes rituels perpétrés par des Juifs et forgés par l'antisémistisme chrétien à partir du Moyen-Âge ", un certain nombre d'historiens contemporains, étudiant sérieusement cette délicate question, ont modifié leurs conclusions.

Ainsi, en février 2007, le professeur et chercheur israélien Ariel Toaff, fils d'un ancien Grand-rabbin de Rome, a publié un livre dont le titre est Pasque di sangue : Ebrei d'Europa e omicidi rituali (Pâques sanglantes : Juifs d'Europe et meurtres rituels). Dans ce livre, il conclut, entre autres, que les crimes rituels imputés aux Juifs ne furent pas des inventions, que le sang récupéré avait vocation à être utilisé pour des pratiques talmudiques et magiques, pour l'incorporer au pain azyme confectionné et consommé pour la Pâque que célèbrent les Israëlites post-christiques, et, séché, qu'il était utilisé à des fins médicales et qu'un marchant itinérant juif venant de Venise, impliqué dans le procès qui eut lieu à la suite de la découverte du meurtre rituel de saint Simon de Trente, en faisait commerce.

Faut-il préciser que ses conclusions sont contestées et que son livre fit, et fait encore scandale ?

Rq : Sur ce sujet grave, nous recommandons aux seuls lecteurs adultes la lecture et le téléchargement du livre " Le mystère du sang ", de monsieur l'abbé Henri Desportes, paru à la fin du XIXe siècle.
Ce livre, très sérieux et documenté, était encore consultable sur le site Gallica - site de la Bibliothèque nationale de France - voilà encore un an environ ; il a été retiré de la consultation.
Il est désormais disponible sur ce lien :
http://www.thule-italia.net/religione/Desportes.pdf...

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vendredi, 19 avril 2024 | Lien permanent

Sacré Cœur de Notre Seigneur Jésus-Christ. 1765.

- Fête du Sacré Coeur de Notre Seigneur Jésus-Christ. 1765.

Pape : Clément XIII. Roi de France : Louis XV.

" Le Sacré Cœur de Jésus est un abîme d’amour où il faut abîmer tout l’amour-propre qui est en nous, et toutes ses mauvaises productions qui sont le respect humain et les désirs de nous satisfaire."
Sainte Marguerite-Marie.

Sacré Coeur de Jésus. Batini. XVIIIe.

Fêtée 19 jours après la Pentecôte, la sollennité du Sacré Coeur de Notre Seigneur Jésus-Christ est un nouveau rayon brille au ciel de la sainte Eglise, et vient échauffer nos cœurs. Le Maître divin donné par le Christ à nos âmes, l'Esprit Paraclet descendu sur le monde, poursuit ses enseignements dans la Liturgie sacrée. La Trinité auguste, révélée tout d'abord à la terre en ces sublimes leçons, a reçu nos premiers hommages ; nous avons connu Dieu dans sa vie intime, pénètre par la foi dans le sanctuaire de l'essence infinie. Puis, d'un seul bond, l'Esprit impétueux de la Pentecôte (Act. II, 2.), entraînant nos âmes à d'autres aspects delà vérité qu'il a pour mission de rappeler au monde (Johan. XIV, 26.), les a laissées un long temps prosternées au pied de l'Hostie sainte, mémorial divin des merveilles du Seigneur (Psalm. CX, 4.). Aujourd'hui c'est le Cœur sacré du Verbe fait chair qu'il propose à nos adorations.

Partie noble entre toutes du corps de l'Homme-Dieu, le Cœur de Jésus méritait, en effet, au même titre que ce corps adorable, l'hommage réclamé par l'union personnelle au Verbe divin. Mais si nous voulons connaître la cause du culte plus spécial que lui voue la sainte Eglise, il convient ici que nous la demandions de préférence à l'histoire de ce culte lui-même et à la place qu'occupe au Cycle sacré la solennité de ce jour.

Un lien mystérieux réunit ces trois fêtes de la très sainte Trinité, du Saint-Sacrement et du Sacré-Cœur. Le but de l'Esprit n'est pas autre, en chacune d'elles, que de nous initier plus intimement à cette science de Dieu par la foi qui nous prépare à la claire vision du ciel. Nous avons vu comment Dieu, connu dans la première en lui-même, se manifeste parla seconde en ses opérations extérieures, la très sainte Eucharistie étant le dernier terme ici-bas de ces opérations ineffables. Mais quelle transition, quelle pente merveilleuse a pu nous conduire si rapidement et sans heurt d'une fête à l'autre ? Par quelle voie la pensée divine elle-même, par quel milieu la Sagesse éternelle s'est-elle fait jour, des inaccessibles sommets où nous contemplions le sublime repos de la Trinité bienheureuse, à cet autre sommet des Mystères chrétiens où l'a portée l'inépuisable activité d'un amour sans bornes ? Le Cœur de l'Homme-Dieu répond à ces questions, et nous donne l'explication du plan divin tout entier.

Nous savions que cette félicité souveraine du premier Etre, cette vie éternelle communiquée du Père au Fils et des deux à l'Esprit dans la lumière et l'amour, les trois divines personnes avaient résolu d'en faire part à des êtres créés, et non seulement aux sublimes et pures intelligences des célestes hiérarchies, mais encore à l'homme plus voisin du néant, jusque dans la chair qui compose avec l'âme sa double nature. Nous en avions pour gage le Sacrement auguste où l'homme, déjà rendu participant de la nature divine par la grâce de l'Esprit sanctificateur, s'unit au Verbe divin comme le vrai membre de ce Fils très unique du Père. Oui ; " bien que ne paraisse pas encore ce que nous serons un jour, dit l'Apôtre saint Jean, nous sommes dès maintenant les fils de Dieu ; lorsqu'il se montrera, nous lui serons semblables " (I Johan. III, 2.), étant destinés à vivre comme le Verbe lui-même en la société de ce Père très-haut dans les siècles des siècles (Ibid. 1, 3.).

Mais l'amour infini de la Trinité toute-puissante appelant ainsi de faibles créatures en participation de sa vie bienheureuse, n'a point voulu parvenir à ses fins sans le concours et l'intermédiaire obligé d'un autre amour plus accessible à nos sens, amour créé d'une âme humaine, manifesté dans les battements d'un cœur de chair pareil au nôtre. L'Ange du grand conseil, chargé d'annoncer au monde les desseins miséricordieux de l'Ancien des jours, a revêtu, dans l'accomplissement de son divin message, une forme créée qui pût permettre aux hommes de voir de leurs yeux, de toucher de leurs mains le Verbe de vie, cette vie éternelle qui était dans le Père et venait jusqu'à nous (Ibid. 1-2.).

Paray-le-Monial.

Docile instrument de l'amour infini, la nature humaine que le Fils de Dieu s'unit personnellement au sein de la Vierge-Mère ne fut point toutefois absorbée ou perdue dans l'abîme sans fond de la divinité ; elle conserva sa propre substance, ses facultés spéciales, sa volonté distincte et régissant dans une parfaite harmonie, sous l'influx du Verbe divin, les mouvements de sa très sainte âme et de son corps adorable. Dès le premier instant de son existence, l'âme très parfaite du Sauveur, inondée plus directement qu'aucune autre créature de cette vraie lumière du Verbe qui éclaire tout homme venant en ce monde (Johan, I, 9.), et pénétrant par la claire vision dans l'essence divine, saisit d'un seul regard la beauté absolue du premier Etre, et la convenance souveraine des divines résolutions appelant l'être fini en partage de la félicité suprême. Elle comprit sa mission sublime, et s'émut pour l'homme et pour Dieu d'un immense amour. Et cet amour, envahissant avec la vie le corps du Christ formé au même instant par l'Esprit du sang virginal, fit tressaillir son Cœur de chair et donna le signal des pulsations qui mirent en mouvement dans ses veines sacrées le sang rédempteur.

A la différence en effet des autres hommes, chez qui la force vitale de l'organisme préside seule aux mouvements du cœur, jusqu'à ce que les émotions, s'éveillant avec l'intelligence, viennent par intervalles accélérer ses battements ou les ralentir, l'Homme-Dieu sentit son Cœur soumis dès l'origine à la loi d'un amour non moins persévérant, non moins intense que la loi vitale, aussi brûlant dès sa naissance qu'il l'est maintenant dans les cieux. Car l'amour humain du Verbe incarné, fondé sur sa connaissance de Dieu et des créatures, ignora comme elle tout développement progressif, bien que Celui qui devait être notre frère et notre modèle en toutes choses manifestât chaque jour en mille manières nouvelles l'exquise sensibilité de son divin Cœur.

Quand il parut ici-bas, l'homme avait désappris l'amour, en oubliant la vraie beauté. Son cœur de chair lui semblait une excuse, et n'était plus qu'un chemin par où l'âme s'enfuyait des célestes sommets à la région lointaine où le prodigue perd ses trésors (Luc. XV, 13.). A ce monde matériel que l'âme de l'homme eût dû ramener vers son Auteur, et qui la tenait captive au contraire sous le fardeau des sens, l'Esprit-Saint préparait un levier merveilleux : fait de chair lui aussi, le Cœur sacré, de ces limites extrêmes de la création, renvoie au Père, en ses battements, l'ineffable expression d'un amour investi de la dignité du Verbe lui-même. Luth mélodieux, vibrant sans interruption sous le souffle de l'Esprit d'amour, il rassemble en lui les harmonies des mondes ; corrigeant leurs défectuosités, suppléant leurs lacunes, ramenant à l'unité les voix discordantes, il offre à la glorieuse Trinité un délicieux concert. Aussi met-elle en lui ses complaisances. C'est l'unique organum, ainsi l'appelait Gertrude la Grande (Legatus divinae pietatis. Lib. II, ch. 23 ; Lib. III, ch. 25.) ; c'est l'instrument qui seul agrée au Dieu très-haut. Par lui devront passer les soupirs enflammés des brûlants Séraphins, comme l'humble hommage de l'inerte matière. Par lui seulement descendront sur le monde les célestes faveurs. Il est, de l'homme à Dieu, l'échelle mystérieuse, le canal des grâces, la voie montante et descendante.

L'Esprit divin, dont il est le chef-d'œuvre, en a fait sa vivante image. L'Esprit-Saint, en effet, bien qu'il ne soit pas dans les ineffables relations des personnes divines la source même de l'amour, en est le terme ou l'expression substantielle ; moteur sublime inclinant au dehors la Trinité bienheureuse, c'est par lui que s'épanche à flots sur les créatures avec l'être et la vie cet amour éternel. Ainsi l'amour de l'Homme-Dieu trouve-t-il dans les battements du Cœur sacré son expression directe et sensible; ainsi encore verse-t-il par lui sur le monde, avec l'eau et le sang sortis du côté du Sauveur, la rédemption et la grâce, avant-goût et gage assuré de la gloire future.

" Un des soldats, dit l'Evangile, ouvrit le côté de Jésus par la lance, et il en sortit du sang et de l'eau." (Johan. XIX, 34.).
Arrêtons-nous sur ce fait de l'histoire évangélique qui dotine à la fête d'aujourd'hui sa vraie base ; et comprenons l'importance du récit qui nous en est transmis par saint Jean, à l'insistance du disciple de l'amour non moins qu'il la solennité des expressions qu'il emploie.
" Celui qui l'a vu, dit-il, en rend témoignage, et son témoignage est véritable ; et il sait, lui, qu'il dit vrai, pour que vous aussi vous croyiez. Car ces choses sont arrivées, pour que l'Ecriture fût accomplie." (Ibid. 35-36.).
L'Evangile ici nous renvoie au passage du prophète Zacharie annonçant l'effusion de l'Esprit de grâce sur la maison du vrai David et les habitants de Jérusalem (Zach. XII, 10.). " Et ils verront dans celui qu'ils ont percé " (Ibid. ; Johan. XIX, 37.), ajoutait le prophète.
Mais qu'y verront-ils, sinon cette grande vérité qui est le dernier mot de toute l'Ecriture et de l'histoire du monde, à savoir que Dieu a tant aimé le monde, qu'il lui a donné son Fils unique, pour que quiconque croit en lui ait la vie éternelle (Johan. III, 16.) ?"

Voilée sous les figures et montrée comme de loin durant les siècles de l'attente, cette vérité sublime éclata au grand jour sur les rives du Jourdain (Luc. III, 21-22.), quand la Trinité sainte intervint tout entière pour désigner l'Elu du Père et l'objet des divines complaisances (Isai. XLII, I.). Restait néanmoins encore à montrer la manière dont cette vie éternelle que le Christ apportait au monde passerait de lui dans nous tous, jusqu'à ce que la lance du soldat, ouvrant le divin réservoir et dégageant les ruisseaux de la source sacrée, vînt compléter et parfaire le témoignage de la Trinité bienheureuse. " Il y en a trois, dit saint Jean, qui rendent témoignage dans le ciel : le Père, le Verbe et le Saint-Esprit ; et ces trois n'en font qu'un. Et il y en a trois qui rendent témoignage sur la terre : l'Esprit, l'eau et le sang ; et ces trois concourent au même but... Et leur témoignage est que Dieu nous a donné la vie éternelle, et qu'elle est dans son Fils." (I Johan. V, 7, 8, 11.). Passage mystérieux qui trouve son explication dans la fête présente ; il nous montre dans le Cœur de l'Homme-Dieu le dénouement de l'œuvre divine, et la solution des difficultés que semblait offrir à la Sagesse du Père l'accomplissement des desseins éternels.

Associer des créatures à sa béatitude, en les faisant participantes dans l'Esprit-Saint de sa propre nature et membres de son Fils bien-aimé, telle était, disions-nous, la miséricordieuse pensée du Père ; tel est le but où tendent les efforts de la Trinité souveraine. Or, voici qu'apparaît Celui qui vient par l’eau et le sang, non dans l’eau seule, mais dans l'eau et le sang, Jésus-Christ ; et l'Esprit, qui de concert avec le Père et le Fils a déjà sur les bords du Jourdain rendu son témoignage, atteste ici encore que le Christ est vérité (I Johan. V, 6.), quand il dit de lui-même que la vie est en lui (Johan. V, 26, etc.). Car c'est l'Esprit, nous dit l'Evangile (Ibid. VII, 37-39.), qui sort avec Veau du Cœur sacré, des sources du Sauveur (Isai. XII, 3.), et nous rend dignes du sang divin qui l'accompagne. L'humanité, renaissant de l’eau et de l'Esprit, fait son entrée dans le royaume de Dieu (Johan. III.) ; et, préparée pour l'Epoux dans les flots du baptême, l'Eglise s'unit au Verbe incarné dans le sang des Mystères. Vraiment sommes-nous avec elle désormais l'os de ses os et la chair de sa chair (Gen. II, 23 ; Eph. V, 30.), associés pour l'éternité à sa vie divine dans le sein du Père.

Va donc, Ô Juif ! Ignorant les noces de l'Agneau, donne le signal de ces noces sacrées. Conduis l'Epoux au lit nuptial ; qu'il s'étende sur le bois mille fois précieux dont sa mère la synagogue a formé sa couche au soir de l'alliance ; et que de son Cœur sorte l'Epouse, avec l'eau qui la purifie et le sang qui forme sa dot. Pour cette Epouse il a quitté son Père et les splendeurs de la céleste Jérusalem ; il s'est élancé comme un géant dans la voie de l'amour; la soif du désira consumé son âme. Le vent brûlant de la souffrance a passé sur lui, desséchant tous ses os ; mais plus actives encore étaient les flammes qui dévoraient son Cœur, plus violents les battements qui précipitaient de ses veines sur le chemin le sang précieux du rachat de l'Epouse. Au bout de la carrière, épuisé, il s'est endormi dans sa soif brûlante. Mais l'Epouse, formée de lui durant ce repos mystérieux, le rappellera bientôt de son grand sommeil. Ce Cœur dont elle est née, brisé sous l'effort, s'est arrêté pour lui livrer passage ; au même temps s'est trouvé suspendu le concert sublime qui montait par lui de la terre au ciel, et la nature en a été troublée dans ses profondeurs. Et pourtant, plus que jamais, ne faut-il pas que chante à Dieu l'humanité rachetée ? Comment donc se renoueront les cordes de la lyre ? Qui réveillera dans le Cœur divin la mélodie des pulsations sacrées ?

Penchée encore sur la béante ouverture du côté du Sauveur, entendons l'Eglise naissante s'écrier à Dieu, dans l'ivresse de son cœur débordant : " Père souverain, Seigneur mon Dieu, je vous louerai, je vous chanterai des psaumes au milieu des nations. Lève-toi donc, Ô ma gloire ! Ô réveille-toi, ma cithare et mon psaltérion." (Psalm. CVII, 1-4.). Et le Seigneur s'est levé triomphant de son lit nuptial au matin du grand jour ; et le Cœur sacré, reprenant ses mélodies interrompues, a transmis au ciel les accents enflammés de la sainte Eglise. Car le Cœur de l'Epoux appartient à l'Epouse, et ils sont deux maintenant dans une même chair (Gen. II, 24 ; Eph. V, 31.).

Dans la pleine possession de celle qui blessa son Cœur (Cant. IV, 9.), le Christ lui confirme tout pouvoir à son tour sur ce Cœur divin d'où elle est sortie. Là sera pour l'Eglise le secret de sa force. Dans les relations des époux, telles que les constitua le Seigneur à l'origine en vue de ce grand mystère du Christ et de l'Eglise (Eph. V, 32.), l'homme est le chef (I Cor. XI, 3.), et il n'appartient pas à la femme de le dominer dans les conseils ou la conduite des entreprises ; mais la puissance de la femme est qu'elle s'adresse au cœur, et que rien ne résiste à l'amour. Si Adam a péché, c'est qu'Eve a séduit et affaibli son cœur ; Jésus nous sauve, parce que l'Eglise a ravi son Cœur, et que ce Cœur humain ne peut être ému et dompté, sans que la divinité elle-même soit fléchie. Telle est, quant au principe sur lequel elle s'appuie, la dévotion au Sacré-Cœur ; elle est, dans cette notion première et principale, aussi ancienne que l'Eglise, puisqu'elle repose sur cette vérité, reconnue de tout temps, que le Seigneur est l'Epoux et l'Eglise l'Epouse.

Les Pères et saints Docteurs des premiers âges n'exposaient point autrement que nous ne l'avons fait le mystère de la formation de l'Eglise du côté du Sauveur ; et leurs paroles, quoique toujours retenues par la présence des non-initiés autour de leurs chaires, ouvraient la voie aux sublimes et plus libres épanchements des siècles qui suivirent :
- " Les initiés connaissent l'ineffable mystère des sources du Sauveur, dit saint Jean Chrysostome ; de ce sang et de cette eau l'Eglise a été formée ; de là sont sortis les Mystères, en sorte que, t'approchant du calice redoutable, il faut y venir comme devant boire au côté même du Christ." (In Johan. Hom. 84.).
- " L'Evangéliste, explique saint Augustin, a usé d'une parole vigilante, ne disant pas de la lance qu'elle frappa ou blessa, mais ouvrit le côté du Seigneur. C'était bien une porte en effet qui se révélait alors, la porte de la vie, figurée par celle que Noé reçut l'ordre d'ouvrir au côté de l'arche, pour l'entrée des animaux qui devaient être sauvés du déluge et figuraient l'Eglise." (In Johan. Tract, CXX.).

" Entre dans la pierre, cache-toi dans la terre creusée (Isai. II, 10.), dans le côté du Christ ", interprète pareillement au XIIe siècle un disciple de saint Bernard, le bienheureux Guerric, abbé d'Igny (In Domin. Palm. Serm. IV.). Et l'Abbé de Clairvaux lui-même, commentant le verset du Cantique : " Viens, ma colombe, dans les trous de la pierre, dans la caverne de la muraille " (Cant. II, 14.) :
" Heureuses ouvertures, dit-il, où la colombe est en sûreté et regarde sans crainte l'oiseau de proie volant à l'entour ! Que verrons-nous par l'ouverture ? Par ce fer qui a traversé son âme et passé jusqu'à son Cœur, a voici qu'est révélé l'arcane, l'arcane du Cœur, le mystère de l'amour, les entrailles de la miséricorde de notre Dieu. Qu'y a-t-il en vous, Ô Seigneur, que des trésors d'amour, des richesses a de bonté ? J'irai, j'irai à ces celliers d'abondance ; docile à la voix du prophète (Jerem. XLVIII, 28.), j'abandonnerai les villes, j'habiterai dans la pierre, j'aurai mon nid, comme la colombe, dans la plus haute ouverture ; placé comme Moïse (Exod. XXXIII, 22.) à l'entrée du rocher, je verrai passer le Seigneur." (In Cant. Serm. LXI.).

Au siècle suivant, le Docteur Séraphique, en de merveilleuses effusions, rappelle à son tour et la naissance de la nouvelle Eve du côté du Christ endorm

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vendredi, 07 juin 2024 | Lien permanent | Commentaires (8)

9 août. Saint Jean-Marie-Baptiste Vianney, curé d'Ars, au diocèse de Belley. 1859.

- Saint Jean-Marie-Baptiste Vianney, curé d'Ars, au diocèse de Belley. 1859.

Pape : Pie IX. " Empereur des Français " : Napoléon III.

" Tout ce que le Fils demande au Père lui est accordé. Tout ce que la Mère demande au Fils lui est pareillement accordé."
" Laissez une paroisse vingt ans sans prêtre : on y adorera les bêtes."
" Ce n'est pas le pécheur qui revient à Dieu pour lui demander pardon, mais c'est Dieu qui court après le pécheur et qui le fait revenir à lui."
Saint Jean-Marie Vianney.

Né le 8 mai 1786 à Dardilly, près de Lyon, dans une famille de cultivateurs, Jean-Marie Vianney connaît une enfance marquée par la ferveur et l'amour de ses parents. Le contexte de la Révolution française va cependant fortement influencer sa jeunesse : il fera sa première confession au pied de la grande horloge, dans la salle commune de la maison natale, et non pas dans l'église du village, et il recevra l'absolution d'un prêtre clandestin.

Deux ans plus tard, il fait sa première communion dans une grange, lors d'une messe clandestine, célébrée par un prêtre réfractaire. A 17 ans, il choisit de répondre à l'appel de Dieu : " Je voudrais gagner des âmes au Bon Dieu ", dira-t-il à sa mère, Marie Béluze. Mais son père s'oppose pendant deux ans à ce projet, car les bras manquent à la maison paternelle.

Il commence à 20 ans à se préparer au sacerdoce auprès de l'abbé Balley, Curé d'Écully. Les difficultés vont le grandir : il navigue de découragement en espérance, va en pèlerinage à la Louvesc, au tombeau de saint François Régis. Il est obligé de devenir déserteur lorsqu'il est appelé à entrer dans l'armée pour aller combattre pendant la guerre en Espagne. Mais l'Abbé Balley saura l'aider pendant ces années d'épreuves. Ordonné prêtre en 1815, il est d'abord vicaire à Écully.

En 1818, il est envoyé à Ars. Là, il réveille la foi de ses paroissiens par ses prédications mais surtout par sa prière et sa manière de vivre. Il se sent pauvre devant la mission à accomplir, mais il se laisse saisir par la miséricorde de Dieu. Il restaure et embellit son église, fonde un orphelinat, La Providence, et prend soin des plus pauvres.

Très rapidement, sa réputation de confesseur lui attire de nombreux pèlerins venant chercher auprès de lui le pardon de Dieu et la paix du cœur. Assailli par bien des épreuves et des combats, il garde son cœur enraciné dans l'amour de Dieu et de ses frères ; son unique souci est le salut des âmes. Ses catéchismes et ses homélies parlent surtout de la bonté et de la miséricorde de Dieu.


Saint Jean-Marie Vianney recevant saint Pierre-Julien Eymard.

Il y aurait bien des choses à dire sur la vie et la sainte dévotion de notre magnifique saint. Il fut un coeur consumé d'amour pour le coeur de Jésus et pour celui de Notre Dame et eut toute sa vie une dévotion particulièrement fervente pour sa " chère petite sainte, sainte Philomène ".

Prêtre consumé d'amour devant le Saint-Sacrement, tout donné à Dieu, à ses paroissiens et aux pèlerins, il meurt le 4 août 1859, après s'être livré jusqu'au bout de l'Amour. Sa pauvreté n'était pas feinte. Il savait qu'il mourrait un jour comme " prisonnier du confessionnal ". Il avait par trois fois tenté de s'enfuir de sa paroisse, se croyant indigne de la mission de Curé, et pensant qu'il était plus un écran à la bonté de Dieu qu'un vecteur de cet Amour. La dernière fois, ce fut moins de six ans avant sa mort. Il fut rattrapé au milieu de la nuit par ses paroissiens qui avaient fait sonner le tocsin. Il regagna alors son église et se mit à confesser, dès une heure du matin. Il dira le lendemain : " j'ai fait l'enfant ". Lors de ses obsèques, la foule comptait plus de mille personnes, dont l'évêque et tous les prêtres du diocèse, venu entourer celui qui était déjà leur modèle.

Corps incorrompu de saint Jean-Marie Vianney
dans la basilique d'Ars. Diocèse de Belley.

Béatifié le 8 janvier 1905, il est déclaré la même année, “ patron des prêtres de France ”. Canonisé en 1925 par Pie XI (comme sainte Thérèse de l'Enfant-Jésus), il sera proclamé en 1929 “ patron de tous les Curés de l'univers ”.

Rq : Biographie recommandée : " Le Curé d'Ars ". Mgr Francis Trochu, 1925. Cependant, celle que lui a consécrée Alphonse Germain peut être une bonne introduction, " Le bienheureux Jean-Marie-Baptiste Vianney : le curé d'Ars ". Elle est disponible sur le site de la Bibliothèque nationale de France : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k66529r

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vendredi, 09 août 2024 | Lien permanent | Commentaires (7)

10 août. Saint Laurent, archidiacre de l'église de Rome, martyr. 259.

- Saint Laurent, archidiacre de l'église de Rome, martyr. 259.

Pape : Vacance (saint Sixte II, 258+ ; saint Denys 260). Empereurs romains : Valérien ; Gallien (Trente tyrans).

" Le feu qui dévore son corps n'est rien par rapport à celui qui embrase son âme."
Saint Léon. Serm. de S. Laurentio.


Saint Laurent. Giovanni di Piero. XVe.

Saint Laurent fut l'un des plus illustres martyrs de l'Église. Ses vertus, son mérite, lui gagnèrent l'affection du Pape Sixte II, qui le choisit comme son premier diacre.

L'an 258, le Pape fut arrêté et condamné à mort. Comme on le conduisait au supplice, Laurent, son diacre, le suivait en pleurant :
" Où allez-vous, mon père, disait-il, sans votre fils ? Où allez-vous, saint Pontife, sans votre diacre? Jamais vous n'offriez le sacrifice sans que je vous servisse à l'autel. En quoi ai-je eu le malheur de vous déplaire ?"
Le saint Pape, ému, lui dit :
" Je ne vous abandonne point, mon fils ; une épreuve plus pénible et une victoire plus glorieuse vous sont réservées ; vous me suivrez dans trois jours."
Puis il lui ordonna de distribuer aux pauvres tous les trésors de l'Église, pour les soustraire aux persécuteurs : mission que Laurent accomplit avec joie.
Le préfet de Rome, à cette nouvelle, fit venir Laurent et lui demanda où étaient tous les trésors dont il avait la garde, car l'empereur en avait besoin pour l'entretien de ses troupes :
" J'avoue, lui répondit le diacre, que notre Église est riche et que l'empereur n'a point de trésors aussi précieux qu'elle; je vous en ferai voir une bonne partie, donnez-moi seulement un peu de temps pour tout disposer."
Le préfet accorda trois jours de délai.
 

Saint Laurent & saint Etienne. Mariotto di Nardo. Début XVe.

Pendant ce temps, Laurent parcourut toute la ville pour chercher les pauvres nourris aux dépens de l'Église ; le troisième jour, il les réunit et les montra au préfet, en lui disant :
" Voilà les trésors que je vous ai promis. J'y ajoute les perles et les pierres précieuses, ces vierges et ces veuves consacrées à Dieu ; l'Église n'a point d'autres richesses.
– Comment oses-tu me jouer, malheureux ? dit le préfet ; est-ce ainsi que tu outrages en moi le pouvoir impérial ?"
Puis il le fit déchirer à coups de fouets.

Laurent, après ce supplice, fut conduit en prison, où il guérit un aveugle et convertit l'officier de ses gardes, nommé Hippolyte. Rappelé au tribunal, il fut étendu sur un chevalet et torturé cruellement ; c'est alors qu'un soldat de la garde, nommé Romain, vit un Ange essuyer le sang et la sueur du martyr :
" Vos tourments, dit Laurent au juge, sont pour moi une source de délices."
Laurent fut ensuite rôti à petit feu sur un gril de fer, et quand il eut un côté tout brûlé :
" Je suis assez rôti de ce côté, dit-il au juge en souriant ; faites-moi rôtir de l'autre."
 
Bientôt, les yeux au Ciel, il rendit l'âme.
 
http://i22.servimg.com/u/f22/09/04/27/32/st_lau10.jpg
Saint Laurent libère une âme du Purgatoire.
Francesco di Cenni. XIVe.
SEQUENCE
 
" Sur ses charbons Laurent paraît,méritant le laurier que signifiait son nom : admirons-le, vénérons-le dans nos louanges ; vénérons avec tremblement l'illustre Martyr, implorons-le avec amour.

Accusé, il ne se déroba pas, mais frappé résonna comme font les trompettes retentissantes : ainsi, dans les tortures, objet de ses vœux, tressaillait-il, résonnait-il en divines louanges.

Comme la corde rend sous l'archet sa mélodie, ainsi, tendu sur la lyre des tourments, il fit monter vers Jésus-Christ sa confession harmonieuse.

Vois, tyran, comme par la foi il demeure invincible parmi les coups, les menaces et les flammes : une intime espérance, une voix d'en haut le consolent, affermissent son courage.

Car les trésors que tu recherches, ce n'est pas à toi, mais à Laurent que tes tourments les acquièrent : il les entasse dans le Christ ; pour son combat, le Christ les lui garde comme récompense de triomphe.

La nuit du saint ignore l'ombre, rien dans sa peine dont le mélange puisse laisser quelque doute à sa foi : rendrait-il la lumière aux aveugles, si la lumière elle-même ne l'inondait pas ?

C'est la foi dont la confession resplendit en lui ; la lumière, il la place, non sous le boisseau, mais au milieu devant tous. Rôti comme un aliment, il plaît au serviteur de Dieu, au porteur de sa croix, d'être donné en spectacle aux Anges et aux nations.

Il ne craint pas d'être roulé sur les charbons, celui qui désire être affranchi de la chair et vivre avec le Christ ; il ne redoute pas ceux qui tuent le corps, mais ne peuvent tuer l'âme.

Comme la fournaise éprouve le travail des potiers, endurcit la substance : ainsi le feu, cuisant le martyr, en fait par la constance un vase affermi.

Quand le vieil homme en effet se dissout, un autre se répare au bûcher qui consume l'ancien ; c'est ainsi qu'au service de Dieu s'est fortifiée merveilleusement la puissance de l'athlète.

L'ardeur dont on l'entoure n'est que rosée pour son puissant amour et son zèle de justice; un feu brûlant, non consumant, surmonte tes brasiers assemblés, ministre impie.

Si tu ne le prends, si tu ne le brises, le grain de sénevé a peu de saveur ; c'est lorsqu'il brûle sur les charbons, que l'encens exhale mieux son parfum : ainsi pressé, ainsi brûlé, le Martyr plus pleinement, sous ce labeur, sous ces ardeurs, livre l'arôme de ses vertus.

Ô Laurent, fortuné à l'excès, roi magnifique ayant vaincu le roi du monde, fort chevalier du Roi des rois, tu réputas pour rien la souffrance dans ton combat pour la justice ; tu as surmonté tant de maux en contemplant les biens du Christ : par la grâce de tes mérites, fais-nous mépriser le mal, fais-nous mettre au bien notre joie.

Amen."
 

Pierre-Paul Rubens. XVIe.
PRIERE

" Trois fois heureux le Romain, qui t'honore au lieu où tes ossements reposent ! il se prosterne en ton sanctuaire ; pressant de sa poitrine la terre, il l'arrose de ses larmes et y répand ses vœux. Nous que séparent de Rome Alpes et Pyrénées, à peine pouvons-nous soupçonner de combien de trésors elle est pleine, combien son sol est riche en sépultures sacrées. Privés de ces biens, ne pouvant voir de près les traces du sang, nous contemplons le ciel de loin. O saint Laurent, c'est là que nous allons chercher le souvenir de tes souffrances ; car tu as deux palais pour demeure : celui du corps en terre, celui de l'âme au ciel. Le ciel, ineffable cité qui te fait membre de son peuple, qui, dans les rangs de son éternel sénat, place à ton front la couronne civique ! A tes pierreries resplendissantes, on dirait l'homme que Rome céleste élit pour perpétuel consul ! Tes fonctions, ton crédit, ta puissance paraissent, aux transports des Quirites exaucés dans leurs requêtes à toi présentées. Quiconque demande est entendu ; tous prient en liberté, formulent leurs vœux ; nul ne remporte avec lui sa douleur.

Sois toujours secourable à tes enfants de la cité reine : qu'ils aient pour ferme appui ton amour de père ; qu'ils trouvent en toi la tendresse et le lait du sein maternel. Mais parmi eux, ô toi l'honneur du Christ, écoute aussi l'humble client qui confesse sa misère et avoue ses fautes. Je me sais indigne, je le reconnais, indigne que le Christ m'exauce; mais protégé par les Martyrs, on peut obtenir le remède à ses maux. Ecoute un suppliant : dans ta bonté, délie mes chaînes, affranchis-moi de la chair et du siècle.
( Prudent, ubi supra.)."

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samedi, 10 août 2024 | Lien permanent

5 septembre. Saint Laurent Justinien, premier patriarche de Venise, confesseur. 1455.

- Saint Laurent Justinien, premier patriarche de Venise, confesseur. 1455.

Papes : Nicolas V ; Calixte III. Roi de France : Charles VII. Souverain du Saint-Empire : Frédéric III de Habsbourg. Roi de Castille et de Léon : Henri IV. Roi d'Aragon et de Naples : Alphonse V le Magnanime.

" Le premier sacrifice de justice que l'homme doit faire à Dieu, celui qui Lui est le plus agréable et qui le fait avancer davantage dans la perfection, c'est le sacrifice d'un coeur contrir à cause de ses péchés passés."
Esprit de saint Laurent Justinien.

Buste de saint Laurent Justinien. Venise.
 
Laurent naquit à Venise de l'illustre famille des Justiniani (ou Giustiniani). Il montra dès l'enfance une gravité rare. Son adolescence se passait dans les exercices de la piété, lorsque, invité par la Sagesse divine aux noces très pures du Verbe et de l'âme, il conçut la pensée d'embrasser l'état religieux. C'est pourquoi, préludant secrètement à cette milice nouvelle, il affligeait son corps en différentes manières et couchait sur la planche nue. Puis, comme un arbitre appelé à prononcer, il prenait séance entre, d'une part, les austérités du cloître, de l'autre, les douceurs du siècle et le mariage que lui préparait sa mère ; alors, tournant les yeux vers la croix du Christ souffrant : " C'est vous, disait-il, Seigneur, qui êtes mon espérance ; c'est là que vous avez placé pour moi votre asile très sûr."

Ce fut vers la congrégation des chanoines réguliers de Saint-Georges-in-Alga que le porta sa ferveur. On l'y vit inventer de nouveaux tourments pour sévir plus durement contre lui-même, se déclarant une guerre d'ennemi acharné, ne se permettant aucun plaisir.

Plus jamais il n'entra dans le jardin de sa famille, ni dans la maison paternelle, si ce n'est pour rendre les derniers devoirs à sa mère mourante, ce qu'il fit sans une larme. Non moindre était son zèle pour l'obéissance, la douceur, l'humilité surtout : il allait au-devant des offices les plus abjects du monastère ; il se plaisait à mendier par les lieux les plus fréquentés de la ville, cherchant moins la nourriture que l'opprobre ; les injures, les calomnies ne pouvaient l'émouvoir ni lui l'aire rompre le silence.

Quand, par une grande chaleur, on lui proposait de boire :
" Si nous ne pouvons supporter la soif, disait-il, comment supporterons-nous le feu du purgatoire ?"

Saint Laurent Justinien général de son ordre.
Francesco Morone. XVIe.
 
Il dut un jour subir une opération par le fer et par le feu ; aucune plainte ne sortit de sa bouche : " Allons, disait-il au chirurgien dont la main tremblait, coupez hardiment ; cela ne vaut pas les ongles de fer avec lesquels on déchirait les martyrs."

A un frère qui se lamentait parce que le grenier de la communauté avait brûlé : " Pourquoi donc, dit-il, avons-nous fait le voeu de pauvreté ? Cet incendie est une grâce de Dieu pour nous !"
Ses vertus l'élevèrent bientôt aux fonctions de général de son Ordre.

Saint Laurent Justinien adorant le Saint Enfant Jésus
dans une vision. Giordano Luca.
Eglise Sainte Marie-Madeleine. Rome. XVII.

Son grand secours était dans la prière continuelle ; souvent l'extase le ravissait en Dieu ; telle était l'ardeur dont brûlait son âme, qu'elle embrasait ses compagnons, les prémunissant contre la défaillance, les affermissant dans la persévérance et l'amour de Jésus-Christ.

Vision de saint Laurent Justinien. A. Pellegrini. XVIIe.
 
Elevé par Eugène IV à l'épiscopat de sa patrie, l'effort qu'il fit pour décliner l'honneur ne fut dépassé que par le mérite avec lequel il s'acquitta de la charge. Il ne changea en rien sa manière de vivre, gardant jusqu'à la fin pour la table, le lit, l'ameublement, la pauvreté qu'il avait toujours pratiquée. Il ne retenait à ses gages qu'un personnel réduit de familiers, disant qu'il avait une autre grande famille, par laquelle il entendait les pauvres du Christ. Quelle que fût l'heure, on le trouvait toujours abordable ; sa paternelle charité se donnait a tous, n'hésitant pas à s'endetter pour soulager la misère.

Comme on lui demandait sur quelles ressources il comptait, ce faisant, il répondait :
" Sur celles de mon Seigneur, qui pourra facilement payer pour moi."

Saint Laurent Justinien donnant la sainte communion
à des religieuses cloîtrées. F. Morone.
 
 Et toujours, par les secours les plus inattendus, la Providence divine justifiait sa confiance : " Allons quêter des mépris, disait-il à son compagnon de quête, lorsqu'il y avait quelque avanie à souffrir ; nous n'avons rien fait, si nous n'avons renoncé au monde."

Il bâtit plusieurs monastères de vierges, et forma diligemment leurs habitantes à marcher dans les voies de la vie parfaite. Son zèle s'employa à détourner les matrones vénitiennes des pompes du siècle et des vaines parures, comme à réformer la discipline ecclésiastique et les mœurs.

Aussi fût-ce à bon droit que le même Eugène IV l'appela, en présence des cardinaux, la gloire et l'honneurde la prélature. Ce fut également pour reconnaître son mérite, que le successeur d'Eugène, Nicolas V, ayant transféré le titre patriarcal de Grado à Venise, l'institua premier patriarche de cette ville.

Saint Laurent Justinien prenant possession de
l'archevêché-patriarcat de Venise. Domenico Corvi.
Basilique Saint-Marc. Venise. XVIIe.
 
Honoré du don des larmes, il offrait tous les jours au Dieu tout-puissant l'hostie d'expiation. C'est en s'en acquittant une fois dans la nuit de la Nativité du Seigneur, qu'il mérita de voir sous l'aspect d'un très bel enfant le Christ Jésus. Efficace était sa garde autour du bercail à lui confié ; un jour, on sut du ciel que l'intercession et les mérites du Pontife avaient sauvé la république. Eclairé de l'esprit de prophétie, il annonça d'avance plusieurs événements que nul homme ne pouvait prévoir.

Maintes fois ses prières mirent en fuite maladies et démons. Bien qu'il n'eût presque point étudié la grammaire, il a laissé des livres remplis d'une céleste doctrine et respirant l'amour.

Cependant la maladie qui devait l'enlever de ce monde venait de l'atteindre ; ses gens lui préparaient un lit plus commode pour sa vieillesse et son infirmité ; mais lui, manifestant sa répulsion pour des délices trop peu en rapport avec la dure croix de son Seigneur mourant, voulut qu'on le déposât sur sa couche ordinaire. Sentant venue la fin de sa vie : " Un chrétien, dit-il avec saint Martin, doit mourir sur la cendre et le cilice." " Je viens à vous, Ô bon Jésus !" dit-il, les yeux levés au ciel. Ce fut le huit janvier qu'il s'endormit dans le Seigneur.

Saint Laurent Justinien sur son lit de mort. F. Morone.

Combien sa mort avait été précieuse, c'est ce qu'attestèrent les concerts angéliques entendus par plusieurs Chartreux, et la conservation de son saint corps qui, pendant plus de deux mois que la sépulture en fut dilférée, demeura sans corruption, avec les couleurs de la vie et exhalant un suave parfum. D'autres miracles suivirent aussi cette mort, lesquels amenèrent le Souverain Pontife Alexandre VIII à l'inscrire au nombre des Saints. Innocent XII désigna pour sa fête le cinquième jour de septembre, où il avait été d'abord élevé sur la chaire des pontifes.

EXTRAITS DE SAINT LAURENT JUSTINIEN

" Venez, vous tous que sollicite l'attrait du bien immuable, et qui vainement le demandez à ce siècle qui passe ; je vous dirai ce que le ciel a fait pour moi. Comme vous jadis je cherchais fiévreusement ; et ce monde extérieur ne donnait point satisfaction à mon désir brûlant. Mais, par la divine grâce qui nourrissait mon angoisse, enfin m'est apparue, plus belle que le soleil, plus suave que le baume, Celle dont alors le nom m'était ignoré. Venant à moi, combien son visage, était doux ! combien pacifiante était sa voix, me disant : " Ô toi dont la jeunesse est toute pleine de l'amour que je t'inspire, pourquoi répandre ainsi ton cœur ? La paix que tu cherches par tant de sentiers divers est avec moi ; ton désir sera comblé, je t'en donne ma foi : si, cependant, tu veux de moi pour épouse."

J'avoue qu'à ces mots défaillit mon cœur ; mon âme fut transpercée du trait de son amour. Comme toutefois je désirais savoir son nom, sa dignité, son origine, die me dit qu'elle se nommait la Sagesse de Dieu, laquelle, invisible d'abord au sein du Père, avait pris d'une Mère une nature visible pour être plus facilement aimée. Alors, en grande allégresse, je lui donnai consentement ; et elle, me donnant le baiser, se retira joyeuse."

[...] " Depuis, la flamme de son amour a été croissant, absorbant mes pensées. Ses délices durent toujours ; c'est mon épouse bien-aimée, mon inséparable compagne. Par elle, la paix que je cherchais fait maintenant ma joie. Aussi, écoutez-moi, vous tous : allez à elle de même; car elle met son bonheur à ne rebuter personne."

Saint Laurent Justinien. Fasciculus amoris, chap. XVI.

PRIERE ET ELOGE DE SAINT LAURENT JUSTINIEN

" Ô Sagesse qui résidez sur votre trône sublime, Verbe par qui tout fut fait, soyez-moi propice dans la manifestation des secrets de votre saint amour."

C'était, Laurent, votre prière, lorsque craignant d'avoir à répondre du talent caché si vous gardiez pour vous seul ce qui pouvait profitera plusieurs, vous résolûtes de divulguer d'augustes mystères. Soyez béni d'avoir voulu nous faire partager le secret des cieux. Par la lecture de vos dévots ouvrages, par votre intercession près de Dieu, attirez-nous vers les hauteurs comme la flamme purifiée qui ne sait plus que monter toujours. Pour l'homme, c'est déchoir de sa noblesse native que de chercher son repos ailleurs qu'en Celui dont il est l'image. Tout ici-bas n'est que pour nous traduire l'éternelle beauté, nous apprendre à l'aimer, chanter avec nous notre amour.

Quelles délices ne furent pas les vôtres, à ces sommets de la charité, voisins du ciel, où conduisent les sentiers de la vérité qui sont les vertus ! C'est bien de vous-même en cette vie mortelle que vous faites le portrait, quand vous dites de l'âme admise à l'ineffable intimité de la Sagesse du Père : Tout lui profite ; où qu'elle se tourne, elle n'aperçoit qu'étincelles d'amour ; au-dessous d'elle, le monde qu'elle a méprisé se dépense à servir sa flamme ; sons, spectacles, suavités, parfums, aliments délectables, concerts de la terre et rayonnement des cieux, elle n'entend plus, elle ne voit plus dans la nature entière qu'une harmonie d'épithalame et le décor de la fête où le Verbe l'a épousée. Ô ! Puissions-nous marcher comme vous à la divine lumière, vivre d'union et de désir, aimer plus toujours, pour toujours être aimé davantage."

De castoconnubio Verbi et animae.

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jeudi, 05 septembre 2024 | Lien permanent

16 septembre. Saint Cyprien, évêque de Carthage, martyr. 258.

- Saint Cyprien, évêque de Carthage, martyr. 258.
On lira l'introduction à la notice du pape saint Corneille, auquel saint Cyprien de Carthage est associé.

Papes : Saint Fabien ; saint Corneille ; saint Lucius Ier. Empereurs romains : Trébonien Galle ; Hostilien ; Volusien ; Emilien (période de l'anarchie militaire) ; Valérien (période des trente tyrans).

" Extra Ecclesiam nulla salus."
" Hors de l'Eglise, point de salut."

Saint Cyprien. De unita ecclesiae.

" La parole du prédicateur n'est efficace qu'autant qu'elle est corroborée par ses exemples."
Saint Cyprien. De Zelo et livore.

Saint Cyprien de Carthage. Maître de Messkirch. Stuttgart. XVIe.

Cyprien vient de cypro, mélange, et ano, en haut ; ou bien de cypro, qui signifie tristesse ou héritage. Car il allia la grâce à la vertu, la tristesse pour le péché à l’héritage des joies célestes.

Cyprien, né dans le paganisme, descendait d'une illustre et opulente famille son père était sénateur. Une éducation digne de son rang et une étude passionnée des lettres et de la philosophie firent briller de bonne heure l'heureux génie dont la nature l'avait doué. La gloire littéraire était, à cette époque, l'un des premiers titres à l'admiration. Ses concitoyens obtinrent de lui qu'il ouvrît un cours public d'éloquence.

Cyprien menait, comme les païens de son temps, une vie tout à la fois laborieuse, sensuelle et fastueuse, lorsqu'une circonstance, qu'on pouvait appeler un événement, vint changer cette destinée. A son entrée dans le monde, un homme d'un bel esprit, d'une instruction variée, faisait par les agréments de sa conversation les délices de la haute société de Carthage. Son nom était Coecilius, qui, après sa conversion, édifia les fidèles de Carthage par une fervente et solide piété qui lui mérita, plus tard, d'être appelé aux fonctions du saint ministère. Coecilius fut jusqu'à sa mort un apôtre dévoué de cette religion qui avait été tant de fois l'objet de ses dédains et de ses railleries.

Son zèle affectueux s'attacha particulièrement au jeune Cyprien. Celui-ci délibéra longtemps. Il lui en coûta de soumettre l'orgueil du philosophe à l'autorité des faits et des enseignements divins. Sa volonté se montra plus rebelle encore que son intelligence. Déjà son esprit, convaincu par les raisonnements de Coecilius et éclairé de la lumière d'en haut, admirait les rapports intimes qui unissent la raison, la conscience et la foi ; mais son coeur frémissait à la pensée de se détacher de tous les objets qui l'avaient séduit et le retenaient captif. Lui, élevé au sein du luxe et des honneurs, et, comme il dit, au milieu des faisceaux ; accoutumé aux agréments d'une société brillante et enjouée, aux hommages d'une foule de clients empressés, lui qui, jouissant dans le monde païen de toute la considération d'un sage et d'un honnête homme, savait, de son propre aveu, allier avec cette prétendue sagesse la volupté et les plaisirs, pourrait-il s'astreindre à une vie sobre, retirée, humiliée, pénitente ? Tenterait-il de rompre des chaînes que leur charme rendait indissolubles, des penchants nés de son tempérament, des habitudes qui étaient devenues une seconde nature ?

Scènes de la vie de saint Cyprien. Martyre
de saint Cyprien. Homéliaire. XIIe.

Cependant, au milieu de tout ce tumulte des passions, la conscience ne cessait de lui crier :
" Courage, Cyprien Quoi qu'il en coûte, allons à Dieu !"
Il obéit enfin à cette voix ; il se lève, et, foulant aux pieds son propre cœur, il s'élance généreusement au baptême. Dès ce moment, c'est lui-même qui l'atteste, il s'opéra au fond de son âme une transformation complète ce qui restait obscur devint lumineux ce qui paraissait impossible lui fut facile il prit en dégoût le faste et l'orgueil de la vie, se sentit de l'attrait pour l'humilité de l'Evangile, et trouva dans la folie de la croix, non-seulement la vraie sagesse, mais aussi le vrai bonheur.

Lorsque saint Cyprien fut enfin baptisé, il rédigea le Traité à Donatus :
" Quand les eaux de la régénération eurent nettoyé les impuretés de ma vie passée, la lumière jaillit d'en haut dans mon coeur et l'Esprit me transforma en homme nouveau par une seconde naissance. Alors d'un coup, d'une manière miraculeuse, la certitude remplaça le doute, les mystères furent révélés, et la ténèbre devint lumière. Alors il fut possible de reconnaître que ce qui était né de la chair et avait vécut dans le péché était terrestre, mais que ce que l'Esprit Saint avait vivifié devenait de Dieu. En Dieu et de Dieu vient toute notre force. A travers Lui, pendant que nous vivons sur terre, nous voyons l'ébauche de la future béatitude."

La vocation de Cyprien n'était pas une vocation commune ; aussitôt après sa conversion, il vendit ses vastes possessions, parmi lesquelles étaient compris de magnifiques jardins situés sous les murs de Carthage, et il en distribua le prix aux pauvres. Un an s'était à peine écoulé, et l'illustre néophyte, par une exception que justifiait sa science, l'ardeur et la sincérité de sa foi, fut élevé au sacerdoce. L'an 248, l'assemblée des fidèles de Carthage le proclama évêque. Il voulut se dérober par la fuite à cette dignité mais le peuple chrétien accourut à sa demeure, et, à force d'instances, obtint son consentement.

Saint Cyprien de Carthage. Mosaïque. Détail.
Basilique Saint-Apollinaire-la-Neuve. Ravenne. Italie. VIe.

Le choix d'un si grand homme pour gouverner l'église de Carthage, dans un temps où l'on attendait à tout moment une nouvelle persécution, inspira un merveilleux courage aux chrétiens ils étaient persuadés que, par ses paroles et par ses exemples, il les fortifierait contre la malice de leurs ennemis. On ne peut expliquer la piété et la vigueur, la miséricorde et la sévérité qu'il fit paraître dans l'administration de sa charge. La sainteté et la grâce éclataient tellement dans toutes ses démarches, qu'il ravissait les cœurs de ceux qui le voyaient. Son visage était grave et marquait en même temps une pieuse gaieté. Ses actions étaient si bien tempérées par la bonté et par la fermeté, que l'on ne savait si l'on devait plus le craindre que l'aimer, ou plutôt on l'aimait et on le craignait tout ensemble.

Son habillement était modeste et également éloigné de la superfluité et de l'avarice. Il ne voulait pas se distinguer des autres par une vaine ostentation de réforme, ni s'exposer non plus au mépris par une épargne sordide mais il gardait en tout une juste et honnête modération. Sa charité envers les pauvres était inépuisable ; son zèle pour la discipline ecclésiastique. invincible ; ses travaux pour l'instruction de ses ouailles, immenses. En un mot, il était le père de son peuple, le bon pasteur de son troupeau, le modèle des autres prélats et l'admiration même des impies et des idolâtres.

Mais ce repos, dont l'Eglise jouit quelque temps, fut bientôt troublé par le cruel Dèce, qui envahit l'empire après la mort de Philippe (249) ; car, à peine ce tyran se vit-il en état de faire des édits, qu'il en publia de très rigoureux contre les chrétiens ce qui lâcha la bride à la fureur des idolâtres contre eux, et remplit toutes les provinces de carnages effroyables. Les démons seuls pouvaient inventer de pareils supplices beaucoup de chrétiens étaient en danger de perdre la foi avec la couronne du martyre. C'est ainsi qu'en parle saint Cyprien, et il remarque encore que les premiers qui se laissèrent emporter par cette tempête à renier Jésus-Christ, furent ceux qui, dans le calme de la paix, l'avaient déjà renié par mauvaise vie, et qui, s'étant attachés à leurs biens, à leurs familles et à leurs plaisirs, par des liens que condamne l'Evangile, ne purent se résoudre à perdre, pour la défendre, les choses qu'ils aimaient avec tant de passion. Le saint évêque n'oublia rien alors pour fortifier ses ouailles contre une si violente attaque il les anima à la victoire par ses puissantes exhortations il les prépara à la pénitence, et les rendit dignes du martyre par la pratique de toutes les vertus chrétiennes.

Les idolâtres, qui savaient combien un pasteur si vigilant et si généreux donnait de courage aux fidèles, tâchèrent, par toutes sortes de moyens, de se saisir de lui, et le désir qu'ils avaient de le mettre à mort était si violent, qu'on cria plusieurs fois, du milieu de l'amphithéâtre, de l'amener pour être déM~é par les bêtes féroces, ï! s'y fût volontiers exposé maïs, au lieu de suivre son xcle, il suivit le mouvement du Saint-Esprit et le conseil de ceux qui, jugeant par inspiration d'en haut, lui persuadèrent de se retirer, afin de se conserver pour son troupeau. En effet, qu'auraient fait ses pauvres ouailles si, dans une si terrible conjoncture, elles se fussent vues privées de leur pasteur ? Qui aurait eu soin de la pudicité des vierges, que les païens s'efforçaient de séduire ? Qui aurait ramené à la pénitence ceux que la crainte ou la faiblesse faisait succomber à la rigueur des tourments ? Qui aurait, défendu la mérité contre les hérétiques ? Qui aurait maintenu l'unité contre les schismatiques ? Qui aurait entretenu la paix et la loi évangélique parmi son peuple ? Qui aurait consolé ceux à qui on avait ravi tous leurs biens en haine de la religion ? Qui aurait animé les confesseurs, qui portaient déjà sur leur front les marques de leur foi et de leur constance, à soutenir un second martyre auquel ils étaient réservés ? Enfin, qui aurait, porté les âmes à la patience, à la fidélité et à la persévérance, si l'Eglise de Carthage avait perdu cet admirable évêque ?
Il ne s'absenta pas pour éviter le martyre, mais pour le remettre à une autre occasion moins préjudiciable à son peuple. Ce ne fut pas la crainte de la mort qui lui donna cette pensée, mais le désir de servir davantage les Chrétiens. Il se réservait pour rétablir les malades, pour guérir les blessés, pour affermir les chancelants, pour relever ceux qui éLaient tombés et pour entretenir tout son troupeau dans une fermeté inébranlable au milieu de l'orage.

Saint Cyprien de Carthage. Gravure. A. Thevet. XVIIe.

Il sortit donc de Carthage après avoir assemblé les fidèles, pour leur dire le sujet et les motifs de sa retraite, et demeura caché dans un lieu de sûreté, d'où il pourvoyait sans cesse à leurs besoins, en veillant sur eux et en leur écrivant des épîtres admirables qui faisaient les mêmes effets que s'il eût été présent. Il faisait venir dans des lieux écartés, tantôt les uns, tantôt les autres, pour les exhorter à souffrir avec constance les tourments des persécuteurs. Il eut soin que, pendant la nuit, il y eût des personnes destinées à ensevelir ceux qui étaient morts dans la rigueur des supplices que ceux qui n'avaient enduré que les douleurs de la torture fussent soigneusement pansés pour guérir leurs plaies ; et, enfin, que ceux qui avaient perdu leurs biens par l'injustice des tyrans fussent secourus par les aumônes des autres. Une furieuse peste, qui ravagea en même temps toute la ville, lui fournit de nouvelles occasions de faire éclater son zèle pastoral. Il pourvut aux nécessités spirituelles et temporelles des malades, qui étaient abandonnés de tout le monde. Il partagea les emplois de ceux qu'il avait chargés de les assister, afin que personne ne manquât de secours, pas même les idolâtres ; et chacun, animé par ses lettres toutes remplies du feu de la charité, se portait avec une ferveur incroyable à exécuter les instructions qu'il leur donnait. Comme la persécution avait enlevé le pape saint Fabien, il consulta sur sa retraite le clergé de Rome, pendant la vacance du Siège apostolique il était prêt à se sacrifier, si on le jugeait nécessaire, pour le bien de son Eglise. Sa retraite fut louée et approuvée par ces vénérables ecclésiastiques, qui connurent le besoin qu'avaient les fidèles de la vigilance d'un si bon pasteur.

Ces malheurs furent suivis d'un autre encore plus dangereux, puisqu'il tendait à renverser la discipline ecclésiastique que tous les supplices n'avaient pu ébranler. Plusieurs Chrétiens de Carthage, qui n'étaient pas bien fermes dans la foi, craignant la perte de leurs biens, de leurs charges et de leur vie, renièrent leur foi. Les uns le firent ouvertement les autres, pensant diminuer leur crime, prirent des magistrats des billets qui attestaient qu'ils avaient obéi aux édits de l'empereur, ayant en secret, ou par eux-mêmes, ou par des personnes supposées, protesté, en leur présence, qu'ils renonçaient à Jésus-Christ ; se délivrant ainsi, par argent, de faire cette renonciation en public, comme la loi générale l'ordonnait. De là ils furent appelés Libellatiques, (de libellus, billet).
L'Eglise d'Afrique ne les recevait à la communion qu'après une longue pénitence mais, comme elle les obligeait à des satisfactions très rudes, ils s'adressaient souvent aux confesseurs et aux martyrs qui étaient en prison ou qui allaient à la mort, pour obtenir, par leur intercession, la remise des peines canoniques qui leur restaient à souffrir. Le respect que l'on avait pour des personnes qui souffraient pour la gloire de Jésus-Christ était si grand, qu'à leur recommandation, on recevait les pénitents à la communion ecclésiastique, quoiqu'ils n'eussent pas accompli le temps prescrit par les canons. Mais cette indulgence des saints confesseurs produisit un fort mauvais effet ; on admettait trop facilement ceux qui avaient sacrifié ou qui avaient reçu des billets des magistrats.
Saint Cyprien en fut averti dans sa retraite, et tâcha d'y remédier par trois excellentes épîtres qu'il écrivit à son clergé, aux martyrs, aux confesseurs et à son peuple, les exhortant à ne pas se relâcher de la discipline, sans considérer la différence de la chute et le temps écoulé de la pénitence.

Félicissime, homme turbulent, qui, avec cinq prêtres, s'était opposé à l'élection de saint Cyprien, et, depuis, n'avait laissé passer aucune occasion de faire de la peine au saint Evêque, se souleva contre lui et fit tout ce qu'il put pour le mettre en mauvaise intelligence avec les confesseurs de Jésus-Christ. Car, non content de travailler à cette division, qui ne put réussir, il forma ouvertement le schisme, dressa autel contre autel, assemblant son parti sur une montagne hors de la ville, et excommunia tous ceux qui ne lui adhéraient pas. Mais, autant son excommunication était frivole, autant fut juste et terrible celle de notre Saint, qui, ne pouvant dissimuler davantage le désordre que ce rebelle causait parmi le peuple, ni les autres crimes dont il était coupable, le frappa d'anathème. Cependant, voyant que ceux qui avaient obtenu ces recommandations des confesseurs lui faisaient de grandes instances, à lui et aux autres évêques, pour être admis à la communion de l'Eglise, et que son autorité seule ne pouvait pas apaiser le trouble qui s'était élevé pour ce sujet dans Carthage, il écrivit de nouveau au clergé de Rome, le Saint-Siège étant encore vacant.

Saint Cyprien de Carthage. Gravure. XIXe.

Cet illustre clergé jugea sa rigueur très saine, et lui répondit qu'user de la douceur dont il se plaignait, ce n'était pas guérir, mais tuer le malade ; qu'il fallait que les pénitents frappassent aux portes de l'Eglise et ne s'effarassent pas de les rompre ; qu'ils se prosternassent sur le seuil, mais qu'ils n'entreprissent point de passer outre ; qu'ils veillassent à l'entrée du camp céleste, mais armés de modestie et se souvenant d'avoir été déserteurs qu'ils devaient se servir de leurs larmes comme d'ambassadeurs, et de leurs gémissements, tirés du fond de leurs poitrines, comme d'avocats, afin de prouver la grandeur de leur tristesse et d'effacer la honte de leur péché. Enfin, il conclut que, par l'avis de plusieurs évêques voisins, on avait trouvé à propos de ne rien innover jusqu'à l'élection d'un successeur à la place du pape saint Fabien, et que cependant on prolongeât la réconciliation de ceux qui pourraient attendre, et qu'on l'accordât à ceux qui seraient près de mourir, pourvu qu'ils eussent donné de dignes fruits d'une véritable pénitence. Saint Cyprien suivit cet accommodement, par lequel il retint et conserva la discipline ecclésiastique dans son ancienne intégrité.

Dans son excellent traité sur ceux qui étaient tombés durant la persécution, il rapporte des châtiments terribles dont Dieu punit l'irrévérence des personnes qui, après s'être souillées des viandes offertes aux idoles, osaient recevoir Jésus-Christ sans avoir été purifiées par une véritable pénitence et sans avoir mérité la réconciliation. Il raconte, entre autres, qu'un homme coupable de crime ayant reçu l'Eucharistie dans sa main ne trouva que de la cendre quand il voulut la manger, et qu'une petite fille, qui avait été portée par sa nourrice au temple des dieux, et à qui on avait fait goûter quelque liqueur offerte aux idoles, ne put jamais avaler le sang de Jésus-Christ que le diacre lui présenta dans l'église, selon la coutume du temps, et qu'elle fit tant de résistance, qu'elle obligea la nourrice de confesser ce qui s'était passé.

Cette conduite de saint Cyprien, si conforme aux Canons et autorisée par l'Eglise de Rome, devait le mettre à l'abri de la censure mais l'esprit des schismatiques n'épargne jamais personne, et la plus éminente sainte

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lundi, 16 septembre 2024 | Lien permanent | Commentaires (1)

1er octobre. Saint Remi, XVe archevêque de Reims, apôtre des Francs. 533.

- Saint Remi, XVe archevêque de Reims, apôtre des Francs. 533.

Pape : Jean II. Roi de France : Thierry Ier.

" Tu, quas tot annos, alme Sennex, regis,
Adhuc benignus respice Gallias,
Francique reges, quos sacrasti,
Mente pii tueantur aras."

" Avec des yeux d'amour regarde cette France,
Dont ta main a sacré les invincibles rois :
Fais que des saints autels ils prennent la défense,
Et conservent les droits."


Santeuil.

 


Baptême de Clovis. Tapisserie (détail). XVe.
 

On peut dire de la famille de saint Remi, évêque de Reims et apôtre des Francs, ce que l'on écrit ordinairement de celles de saint Basile et de saint Grégoire de Nazianze, que c'était une race de personnes remplies de la crainte de Dieu. Son père, Émile, comte de Laon, fut un seigneur d'une vertu extraordinaire. Sa mère, Céline ou Célinie, sut si bien allier la piété à l'éminence de sa condition, que le peuple Chrétien l'a reconnue sainte, et que l’Église l'honore en cette qualité au XXIe jour de ce mois. Leur mariage fut béni du Ciel dès le commencement, par la naissance de 2 garçons. L'aîné fut Principe, qui devint évêque de Soissons. On ne sait pas le nom du plus jeune, mais on sait qu'il eut un fils nommé Loup, qui succéda à son oncle dans son évêché ; et l'un et l'autre, reconnus pour saints par le peuple, sont donc dans les tables ecclésiastiques.

 

Un ange et saint Montan annoncent la naissance
de saint Remi à ses parents déjà âgés. Bas-relief de la cathédrale Notre-Dame de Reims.
 

Pour saint Remi, dont nous voulons donner la vie, sa naissance fut toute miraculeuse. Ses parents étaient déjà fort âgés et ne s'attendaient point à avoir d'autres enfants que ces deux que la divine Providence leur avait donnés ; un saint ermite nommé Montan, qui était aveugle, mais moins affligé de cette infirmité que de l'état déplorable où il voyait la Foi Chrétienne dans les Églises des Gaules, reçut ordre du Ciel, par 3 fois, de les avertir qu'ils auraient encore un fils qui serait la lumière des Francs, et qui retirerait ces nouveaux conquérants de l'abîme de l'idolâtrie où ils étaient plongés. Il vint donc trouver Émile et Céline, et leur fit part de cette heureuse nouvelle ; la prédiction du solitaire s'accomplit. Notre Saint naquit à Laon, demeure seigneuriale de ses parents, et fut nommé Remi.

Il fut envoyé de bonne heure aux écoles, où il fit de si grands progrès dans les lettres divines et humaines et dans la pratique des vertus Chrétiennes, qu'à l'âge de 22 ans il fut forcé, malgré toutes ses résistances, après la mort de Bennagius, d'accepter l'évêché de Reims. Un rayon de lumière qui parut sur son front et une onction céleste qui embauma et consacra sa tête, firent voir que cette élection venait de Dieu ; mais on en fut encore plus convaincu par la manière dont il s'acquitta d'une charge de cette importance ; car il n'en fut pas plus tôt chargé, qu'il en remplit excellemment tous les devoirs. Il était assidu aux veilles, constant et attentif à l'oraison, soigneux d'instruire son peuple et de l'amener au Salut, charitable envers les pauvres, les prisonniers et les malades, austère pour lui-même, sobre, chaste, modeste, prudent, retenu, ne s'emportant jamais de colère et pardonnant facilement à ceux qui l'avaient offensé ; il est vrai qu'il paraissait quelquefois sur son visage une espèce de sévérité, mais il savait la tempérer par la douceur de son esprit ; et s'il avait pour les pécheurs le zèle ardent d'un saint Paul, il avait pour les gens de bien le regard bénin et amoureux d'un saint Pierre ; en un mot, il possédait toutes les vertus, quoiqu'il en cachât plusieurs par la profonde humilité dont il faisait une singulière profession.

 


Le miracle du vin par saint Remi.
Bas-relief de la cathédrale Notre-Dame de Reims.
 

Le don des miracles qu'il reçut de Dieu releva encore merveilleusement l'éclat de sa sainteté. Pendant ses repas, les oiseaux venaient sans crainte prendre du pain de sa main. Faisant ses visites à Chaumuzy, il guérit et délivra un aveugle qui, depuis longtemps, était possédé du démon. A Cernay, il remplit de vin, par le signe de la Croix, un muid qui était presque vide, pour reconnaître la charité de Celse, une de ses cousines, qui l'avait reçu avec beaucoup de dévotion dans son logis. N'ayant point d'huile sacrée pour administrer le saint Baptême à un seigneur qui se mourait, il en obtint subitement du Ciel ; cette huile fut si salutaire, qu'ayant contribué à la santé de l'âme du malade, elle lui rendit aussi la santé du corps. Il réprima par sa présence un grand incendie qui menaçait la ville de Reims d'une ruine complète. En descendant pour cela de l'église de Saint-Nicaise, il imprima si fortement ses vestiges sur une pierre, qu'ils y sont toujours demeurés depuis ce temps-là ; et à peine parut-il devant les flammes, faisant le Signe de Croix et invoquant le nom de Jésus-Christ, qu'elles s'enfuirent devant lui aussi vite qu'il put les poursuivre.

 


Scènes de la vie de saint Remi liées au baptême de Clovis.
Bas-relief de la cathédrale Notre-Dame de Reims.
 

Une jeune fille de Tours étant possédée du malin esprit, fut menée par ses parents, d'abord au tombeau de saint Pierre, à Rome, puis à saint Benoît, qui était alors à Sublac ou Mont-Cassin ; mais Dieu ne lui accordant point sa délivrance dans l'un et dans l'autre lieu, saint Benoît l'envoya à saint Remi et lui écrivit pour le prier d'exercer son pouvoir et sa charité envers cette malheureuse. Alaric, roi des Goths, lui écrivit aussi pour le même sujet. Le Saint résista longtemps à cette demande, ne s'estimant pas digne d'obtenir de Dieu ce qu'un aussi grand homme que l'abbé Benoît n'avait pu obtenir ; mais il fut enfin forcé par les prières de son peuple de faire son oraison sur la possédée ; le démon fut aussitôt obligé de s'enfuir et de la laisser en liberté ; mais, peu après, elle mourut des fatigues que ce monstre infernal lui avait occasionnées.

On eut incontinent recours au saint prélat, qui s'était déjà retiré. Il revint à l'église de Saint-Jean où il l'avait laissée ; il la trouva couchée par terre, sans respiration et sans vie, et sa parole, qui avait eu la force de la délivrer des chaînes de Satan, eut aussi la force de la retirer des portes de la mort. Nous avons dans les Notes de Colvénérius sur Flodoard, la lettre que le glorieux patriarche saint Benoît lui écrivit.

Cependant, la plus grande merveille de saint Remi fut sans doute le parachèvement de la conversion de Clovis, qui mena à celles des Francs par la suite. Elle est rapportée tout au long dans l'histoire de ce grand prince ; mais il est nécessaire d'en donner ici un abrégé.

Clovis était le cinquième roi de cette nation belliqueuse, qui, après avoir forcé le passage du Rhin, s'était emparée de la meilleure partie des Pays-Bas, de la Picardie et de l'Ile-de-France, et poussait toujours ses conquêtes sur les Gaules, auparavant occupées par les Romains. Le trône des Francs Saliens se situait à Tournai. Il parvint à la couronne en 481, âgé seulement de 14 ou 15 ans ; mais, tout jeune qu'il était, il ne laissa pas de suivre les traces de ses prédécesseurs et de se mettre d'abord à la tête de ses armées pour se rendre le maître des provinces voisines, afin d'en former un vaste royaume.

Il livra bataille à Syagrius, qui défendait les débris de l'empire romain dans les Gaules. Il le défit et le tua, et par ce moyen, ne trouvant plus rien qui résistât à la force de ses armes, il assujettit une grande partie des Gaules à son empire. Il était encore païen ; cependant, il ne persécutait pas les Chrétiens, et il avait même du respect pour les évêques et pour les prêtres des villes qu'il prenait ou qui se soumettaient à sa domination.

 


Syagrius est livré par Alaric II à Clovis. Gravure du XIXe.
 

Saint Remi fut celui dont il honora davantage la vertu. En effet, un jour ses soldats, passant auprès de Reims, en avaient pillé une église et emporté les ornements et les vases sacrés ; à la seule prière que notre saint lui envoya faire de lui rendre, de tout le butin, au moins un vase d'argent que son poids et sa ciselure rendaient fort précieux, il vint au lieu où l'on partageait les dépouilles et demanda par grâce à son armée que ce vase lui fût donné par préférence sans le tirer au sort. La plupart des soldats y consentirent ; un seul, ne voulant pas que son roi puisse bénéficier d'un traitement autre que leurs coutumes ne le prévoyaient, déchargea un coup de hache sur ce vase, disant vertement que le roi n'aurait, comme les autres, que ce qui lui écherrait au sort.

Chacun fut surpris de cet acte ; le roi la dissimula pour un temps, et ne laissa pas de prendre le vase et de le rendre à celui que saint Remi lui avait envoyé. Mais au bout de l'an, faisant la revue de ses troupes pour voir si leurs armes étaient en bon ordre, et ayant reconnu le soldat téméraire qui lui avait fait cet affront, il lui jeta une de ses armes à terre, sous prétexte qu'elle n'était pas luisante comme elle devait l'être ; puis, pendant qu'il se baissait pour la ramasser, il lui déchargea un coup de hache sur la tête et le tua de sa main, en lui disant :
" Tu frappas ainsi le vase à Soissons !"

 


" Tu frappas ainsi le vase de Soissons !" Gravure du XIXe.
 

Lorsque ce grand conquérant eut encore subjugué la Thuringe, ce qu'il fit, selon saint Grégoire de Tours, la 10e année de son règne, il épousa Clotilde, fille de Chilpéric, frère de Gondebaud, roi de Burgondie (future Bourgogne), promettant en vue de cette alliance qu'il embrasserait la Foi Chrétienne dont elle faisait profession. Clotilde le pressa souvent d'exécuter sa promesse, ayant beaucoup de peine de vivre avec un prince idolâtre et qui se souillait tous les jours par des sacrifices impies et abominables qu'il offrait aux démons, et dans les débauches dégoûtantes coutumières des tribus païennes de toutes les époques de l'humanité ; mais ses prières et ses instances furent inutiles pendant 5 ans.

Enfin, les Germains ayant fait une grande irruption sur les terres des Francs Ripuaires, le roi fut obligé de marcher contre eux avec de nombreuses troupes. Il leur livra bataille à Tolbiac, que l'on croit être Zulpich ou Zulch. Les Francs, après quelques instants de combat, tournèrent le dos, et il s'en faisait une grande boucherie lorsque le seigneur Aurélien, qui avait négocié le mariage du roi avec Clotilde, s'adressa à lui et lui conseilla de faire sur-le-champ voeu à Jésus-Christ d'embrasser le Christianisme s'Il changeait le sort de la bataille et lui faisait remporter la victoire. Le roi, surtout dans le désir de vaincre, mais peut-être aussi touché intérieurement, fit aussitôt ce vœu, et en même temps les Francs tournèrent tête, se jetèrent impétueusement sur les Germains, rompirent leurs rangs et les défirent complètement. Le roi même des Allemands fut tué dans la mêlée, de sorte que Clovis demeura entièrement victorieux et se rendit tributaires ceux dont le nombre et la puissance avaient déjà donné de l'effroi à toute la Franoe. La reine apprit avec beaucoup de joie ce succès et le changement de son époux. Elle en fit aussi tôt donner avis à saint Remi, elle pria de se rendre promptement à la cour pour achever ce que la crainte et le désir de vaincre avaient commencé, et pour disposer le roi au baptême.

Le saint ne manqua pas d'obéir. Il trouva Clovis déjà évangélisé par les soins de saint Vaast, que ce grand monarque avait pris à Toul pour être son catéchiste. Il acheva de lui ouvrir les yeux et de lui découvrir l'excellence et la sainteté de nos Mystères. L'ardeur de la foi s'alluma si fortement dans ce cœur martial, qu'il se fit apôtre de ses sujets avant d'être Chrétien ; il assembla les grands de sa cour, leur remontra la folie et l'extravagance du culte des idoles, et les sollicita de ne plus adorer que l'unique Dieu, Créateur du ciel et de la terre, dans la Trinité de Ses Personnes. Il en fit de même à son armée, et sa prédication fut si puissante, que la plupart des Francs voulurent imiter son exemple. Ou, plus probablement comme on le verra dans d'autres conversions de peuples, suivre la religion du prince, pour ne pas s'en retrouver l'ennemi déclaré.

 

Certains à l'époque le demandaient clairement, comme 6 siècles plus tard saint Wladimir, en Russie, intimera aux foules l'ordre de choisir entre le Christ avec lui, ou l'exil. La Foi ne s'intimant pas de la sorte dans le cœur de l'homme, nombre de peuples officiellement christianisés montreront vite la persistance profonde du paganisme dans leurs mœurs. Et il s'en suivra inévitablement de grands et violents retours du culte païen, avec sa cohorte d'horreurs, à chaque fois qu'un chef, prince ou roi, se détournera, le plus souvent pour raisons politiques, de l’Église du Christ, Église qui n'aura pas assez été Jean-Baptiste et trop docile.

La nuit avant son baptême, saint Remi vint le trouver dans son palais, et l'ayant conduit avec la reine et un grand nombre de princes et d'officiers dans la chapelle de saint Pierre, il leur fit une admirable prédication sur l'Unité de Dieu, la vanité des idoles, l'incarnation du Verbe éternel, le Salut de l'humanité, le Jugement dernier, le paradis des justes et l'enfer des impies. Alors la chapelle fut remplie de lumière et d'une odeur inestimable, et l'on entendit une voix céleste qui disait :
" La paix soit avec vous! ne craignez rien, persévérez dans Mon amour."

 

Le visage du Saint devint aussi tout éclatant ; le roi, la reine, tous les seigneurs et les dames se jetèrent à ses pieds. Saint Remi les releva et leur prédit les grandeurs futures du royaume et des rois de France, à condition qu'ils restent fidèles à Dieu et ne fassent rien d'indigne de l'auguste qualité de rois chrétiens.

 


Baptême de Clovis.
 

Le lendemain, Clovis marcha à l'église de Notre-Dame, à travers les rues ornées de tapisseries. Lorsqu'il fut sur les fonts, saint Remi lui dit :
" Courbe la tête, fier Sicambre ; brûle ce que tu as adoré et adore ce que tu as brûlé."


Après quelques exhortations, comme il fut question de consacrer l'eau baptismale, il ne se trouva point de chrême, parce que le clerc qui le portait n'avait pu passer à cause de la foule. Le Saint, dans cette nécessité, leva les yeux au ciel, et demanda à Dieu qu'il daignât pourvoir à ce défaut, et, à l'heure même, une colombe plus blanche que la neige descendit d'en haut, portant dans son bec une fiole pleine d'un baume céleste fermé par le ministère des Anges, qu'elle mit entre les mains du saint prélat. Il le reçut avec admiration et action de grâces, en versa une partie dans les fonts, et oignit ensuite la tête du roi. En même temps, la colombe s'envola et disparut ; mais la fiole demeura, et c'est ce que nons appelons la sainte Ampoule.

Outre l'onction baptismale, saint Remi conféra donc aussi au roi l'onction royale qui, depuis, a toujours été faite à nos rois, séparément de leur baptême, par l'auguste cérémonie de leur sacre ; c'est à quoi a servi jusqu'à présent l'huile céleste de cette Ampoule, conservée intacte jusqu'à la Révolution française.

La vérité de cette Ampoule, apportée par un Ange, sous la forme d'une colombe, a été combattue par quelques auteurs ; mais elle a été soutenue et prouvée avec beaucoup de force et d'éloquence par plusieurs savants, qui ont cru que le témoignage d'Hincmar, de Flodoard, d'Aimonius, de Gerson, de Gaguin et d'autres anciens historiens, avec la tradition immémoriale de nos pères, approuvée mème par un grand nombre d'écrivains d'autres pays, était suffisante pour en convaincre tous les esprits un peu raisonnables.

 


Statue de saint Remi donnant le saint Baptême à Clovis.
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mardi, 01 octobre 2024 | Lien permanent | Commentaires (3)

6 octobre. Saint Bruno de Cologne, prêtre, confesseur, fondateur de l'Ordre des Chartreux. 1101.

- Saint Bruno de Cologne, prêtre, confesseur, fondateur de l'Ordre des Chartreux. 1101.
 
Pape : Pascal II. Roi de France : Philippe Ier. Empereur germanique : Henri IV. Roi de Jérusalem : Baudouin Ier.
 
" Comme patriarche, saint Bruno ordonne à ses enfants un jeûne perpétuel pour leur servir de nourriture ; comme docteur, il prescrit à ses disciples unsilence continuel pour leur sevir d'entretien ; comme général, il leur impose un cilice éternel pour leur servir de vêtement."
Durand, Caractère des saints.
 
 
Bruno qui appartenait à une famille noble (celle, croit-on, des Hartenfaust, de Duro Pugno), né à Cologne entre 1030 et 1035. Il commença ses études dans sa ville natale, à la collégiale de Saint-Cunibert, et fit ensuite des études de philosophie et de théologie à Reims et, peut-être aussi à Paris. Vers 1055, il revint à Cologne pour recevoir de l’archevêque Annon, avec la prêtrise, un canonicat à Saint-Cunibert.


Vision de saint Bruno. Pier Francesco Mola. XVIIe.

En 1056 ou 1057, il fut rappelé à Reims par l’archevêque Gervais pour y devenir, avec le titre d'écolâtre, professeur de grammaire, de philosophie et de théologie ; il devait garder une vingtaine d'années cette chaire, où il travailla à répandre les doctrines clunisiennes et, comme on allait dire bientôt, grégoriennes ; parmi ses élèves, étaient Eudes de Châtillon, le futur Urbain II, Rangérius, futur évêque de Lucques, Robert, futur évêque de Langres, Lambert, futur abbé de Pothières, Pierre, futur abbé de Saint-Jean de Soissons, Mainard, futur prieur de Cormery, et d'autres personnages de premier plan. Maître Bruno dont on conserve un commentaire des psaumes et une étude sur les épitres de saint Paul est précis, clair et concis en même temps qu’affable, bon et souriant " il est, au dire de ses disciples, éloquent, expert dans tous les arts, dialecticien, grammairien, rhéteur, fontaine de doctrine, docteur des docteurs ".


Les trois anges apparaissent à saint Bruno en songe.
Eustache Le Sueur. XVIIe.

Sa situation devint difficile quand l'archevêque Manassès de Gournay, simoniaque avéré, monta en 1067 sur le siège de Reims ; ce prélat qui n'ignorait pas l'opposition de Bruno, tenta d'abord de se le concilier, et le désigna même comme chancelier du Chapitre (1075), mais l'administration tyrannique de Manassès, qui pillait les biens d'Eglise, provoqua des protestations, auxquelles Bruno s'associa ; elles devaient aboutir à la déposition de l'indigne prélat en 1080 ; en attendant, Manassès priva Bruno de ses charges et s'empara de ses biens qui ne lui furent rendus que lorsque l'archevêque perdit son siège.


Saint Bruno enseignant la théologie à Reims.
Eustache Le Sueur. XVIIe.

En effet, quelques clercs de Reims avaient porté plainte contre Manassès de Gournay auprès de Hugues de Die, légat du pape Grégoire VII, qui le cita à comparaître au concile d’Autun (1077). Manassès ne parut pas au concile d’Autun qui le déposa, mais s’en fut se plaindre à Rome où il promit tout ce que l’on voulut. C’est alors qu’il priva de leurs charges et de leurs biens tous ses accusateurs dont Bruno. Voyant que Manassès de Gournay ne s’amendait pas, Hugues de Die le cita à comparaître au concile de Lyon (1080) ; l’archevêque écrivit pour se défendre mais, cette fois, il fut déposé et, le 27 décembre 1080, Grégoire VII ordonna aux clercs de Reims de procéder à l’élection d’un nouvel archevêque. Manassès s’enfuit et ses accusateurs rentrèrent en possession de leurs charges et de leurs biens.


Saint Bruno en oraison. Eustache Le Sueur. XVIIe.

Bruno, réfugié d'abord au château d'Ebles de Roucy, puis, semble-t-il, à Cologne, chargé de mission à Paris, et redoutant d'être appelé à la succession de Manassès, décida de renoncer à la vie séculière. Cette résolution aurait été fortifiée en lui, d'après une tradition que répètent les historiens chartreux, par l'épisode parisien (1082) des funérailles du chanoine Raymond Diocrès qui se serait trois fois levé de son cercueil pour se déclarer jugé et condamné au tribunal de Dieu.
 
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Saint Bruno aux pieds du pape Urbain II lui demande
son autorisation pour fonder l'Ordre. Eustache Le Sueur. XVIIe.

En 1083, Bruno se rendit avec deux compagnons, Pierre et Lambert, auprès de saint Robert de Molesme, pour lui demander l'habit monastique et l'autorisation de se retirer dans la solitude, à Sèche-Fontaine. Mais ce n'était pas encore, si près de l'abbaye, la vraie vie érémitique. Sur le conseil de Robert de Molesme et, semble-t-il, de l'abbé de la Chaise-Dieu, Seguin d'Escotay, Bruno se rendit, avec six compagnons auprès du saint évêque Hugues de Grenoble qui accueillit avec bienveillance la petite colonie.


Saint Bruno refuse l'archevêché de Reggio di Calabria.
Vincente Carducho. XVIIe.

Une tradition de l'Ordre veut que saint Hugues ait vu les sept ermites annoncés dans un songe sous l'apparence de sept étoiles. Il conduisit Bruno et ses compagnons dans un site montagneux d'une sévérité vraiment farouche, le désert de Chartreuse (1084). En 1085 une première église s'y élevait. Le sol avait été cédé en propriété par Hugues aux religieux qui en gardèrent le nom de Chartreux. Quant à l'appartenance spirituelle, il paraît que la fondation eut d'abord quelque lien avec la Chaise-Dieu, à qui Bruno la remit quand il dut se rendre en Italie ; mais l'abbé Seguin restitua la Chartreuse au prieur Landuin quand celui-ci, pour obéir à saint Bruno, rétablit la communauté, et il reconnut l'indépendance de l'ordre nouveau (1090).


Arrivée de saint Bruno chez saint Hugues à Grenoble.
Eustache Le Sueur. XVIIe.

Parmi les six compagnons (le toscan Landuin, théologien réputé, qui lui succéda comme prieur de la Chartreuse, Etienne de Bourg et Etienne de Die, chanoines de Saint-Ruf en Dauphiné, le prêtre Hugues qui fut leur chapelain) André et Guérin étaient deux laïcs ou convers de saint Bruno figuraient deux laïcs ou convers ; leur solitude devait incorporer un certain travail hors de la cellule, principalement agricole. Aujourd'hui encore un monastère cartusien comporte des moines du cloître, voués à la solitude de la cellule, et des moines convers, qui partagent leur temps entre cette solitude et la solitude du travail dans les obédiences : on pratique ainsi deux manières, étroitement solidaires et complémentaires, de vivre la vie de chartreux ou de chartreuse.


Prise d'habit de saint Bruno et de saint Hugues (détail).
Maître de Saint-Bruno. XVe.

Les historiens de la vie monastique ont relevé la sagesse qui a su unir les différents aspects de la vie cartusienne en un équilibre harmonieux : le soutien de la vie fraternelle aide à affronter l'austérité de l'érémitisme ; la coexistence de deux manières de vivre l'érémitisme (moines du cloître et moines convers) permet à chacune des deux de trouver sa formule la meilleure ; un facteur équilibrant, aussi, est joué par l'importance de l'office liturgique de Matines, célébré à l'église au cours de la nuit. Ou encore, liberté spirituelle et obéissance sont étroitement unies... Cette sagesse de vie, les chartreux la doivent à saint Bruno lui-même, et c'est elle qui a assuré la persévérance de leur Ordre à travers les siècles. Sagesse et équilibre.


Prise d'habit de saint Bruno et de saint Hugues (détail).
Maître de Saint-Bruno. XVe.

Au début de cette année 1090, Bruno avait été appelé à Rome par un de ses anciens élèves, le pape Urbain II, qui voulait s'aider de ses conseils et qui lui concéda, pour ceux de ses compagnons qui l'avaient suivi, l'église de Saint-Cyriaque. Le fondateur fut à plusieurs reprises convoqué à des conciles. Le pape eût voulu lui faire accepter l'archevêché de Reggio de Calabre, mais Bruno n'abandonnait pas son rêve de vie érémitique. Il avait reçu en 1092 du comte Roger de Sicile un terrain boisé à La Torre, près de Squillace, où Urbain II autorisa la construction d'un ermitage et où une église fut consacrée en 1094. Roger aurait affirmé, dans un diplôme de 1099, que Bruno l'aurait averti dans un songe d'un complot durant le siège de Padoue en 1098.


Saint Bruno donne l'habit aux premiers moines de l'Ordre.
Eustache Le Sueur. XVIIe.

Bruno, le 27 juillet 1101, recevait du pape Pascal II la confirmation de l'autonomie de ses ermites. Le 6 octobre suivant, après avoir émis une profession de foi et fait devant les frères sa confession générale, il rendit l'âme à la chartreuse de San Stefano in Bosco, filiale de La Torre, où il fut enseveli. Les cent soixante-treize rouleaux des morts, circulant d'abbaye en abbaye et recevant des formules d'éloges funèbres, attestent précieusement, dès le lendemain de sa mort, sa réputation de sainteté, accrue par les miracles attribués à son intercession.
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Saint Bruno reçoit les décrets de confirmation de l'Ordre
du pape Pascal II. Eustache Le Sueur. XVIIe.


Mort de saint Bruno. Vincente Carducho. XVIIe.

Son corps, transféré en 1122 à Sainte-Marie du Désert, la chartreuse principale de La Torre, y fut l'objet d'une invention en 1502 et d'une récognition en 1514. Le culte fut autorisé de vive voix dans l'ordre des Chartreux par Léon X, le 19 juillet 1514. La fête, introduite en 1622 dans la liturgie romaine et confirmée en 1623 comme semi-double ad libitum, est devenue de précepte et de rite double en 1674 à la date anniversaire de sa mort, le 6 octobre ; saint Bruno n'a donc été l'objet que d'une canonisation équipollente.


La Grande Chartreuse. Dauphiné. France.

PRIERES DE SAINT BRUNO

" Ô Dieu, montrez-nous Votre visage qui n'est autre que Votre Fils, puisque c'est par lui que Vous vous faites connaître de même que l'homme tout entier est connu par son seul visage. Et par ce visage que Vous nous aurez montré, convertissez-nous ; convertissez les morts que nous sommes des ténèbres à la lumière, convertissez-nous des vices aux vertus, de l'ignorance à la parfaite connaissance de Vous.

Vous êtes mon Seigneur, Vous dont je préfère les volontés aux miennes propres ; puisque je ne puis toujours prier avec des paroles, si quelque jour j'ai prié avec une vraie dévotion, comprenez mon cri : prenez en gré cette dévotion qui Vous prie comme une immense clameur ; et pour que mes paroles soient de plus en plus dignes d'être exaucées de Vous, donnez intensité et persévérance à la voix de ma prière.

Ô Dieu, qui êtes puissant et dont je me suis fait le serviteur, quant à moi je Vous prie et Vous prierai avec persévérance afin de mériter et de Vous obtenir ; ce n'est pas pour obtenir quelque bien terrestre : je demande ce que je dois demander, Vous seul."

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