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2 janvier. L'Octave de saint Etienne, premier diacre, premier martyr.
- Octave de saint Etienne, Ier diacre, Ier martyr.
Nous avons achevé hier l'Octave de la Naissance du Sauveur ; nous finirons aujourd'hui l'Octave de saint Etienne ; mais nous ne perdrons pas de vue, un seul instant, le divin Enfant dont Etienne, Jean le Bien-Aimé et les Innocents forment la cour. Dans cinq jours, nous verrons arriver les Mages au berceau du Roi nouveau-né ; ils sont en marche, et l'étoile commence à approcher de Bethléhem. Durant ces heures d'attente, glorifions l'Emmanuel, en proclamant les grandeurs de ceux qu'il a choisis pour ses favoris les plus chers, et admirons encore une fois Etienne dans ce dernier jour de l'Octave que l'Eglise lui a dédiée. Sur une autre partie du Cycle, nous le retrouverons avec allégresse ; sous les feux d'Août, il apparaîtra réjouissant l'Eglise par la miraculeuse Invention de ses Reliques, et répandra sur nous de nouvelles faveurs.

Saint Etienne. Charles Van Loo. XVIIIe.
Un antique Sermon attribué longtemps à saint Augustin nous apprend que saint Etienne était dans la fleur d'une brillante jeunesse, lorsqu'il fut appelé par les Apôtres à recevoir, dans l'imposition des mains, le caractère sacré du Diaconat. Six compagnons lui furent donnés ; et cet auguste septénaire, chargé de veiller autour de l'autel de la terre, représentait les sept Anges que saint Jean a vus assistant près de l'Autel sublime du ciel. Mais Etienne était le chef de cette compagnie sacrée ; et le titre d'Archidiacre lui est donné par saint Irénée, dès le second siècle.
Or, la vertu du Diacre est la fidélité ; et c'est pour cette raison que les trésors de l'Eglise lui sont confiés ; trésors qui ne consistent pas seulement dans les deniers destinés au soulagement des pauvres, mais dans ce qu'il y a de plus précieux au ciel et sur la terre : le Corps même du Rédempteur, dont le Diacre, par l'Ordre qu'il a reçu, est le dispensateur. Aussi l'Apôtre, dans sa première Epître à Timothée, recommande-t-il aux Diacres de garder le Mystère de la Foi dans une conscience pure.

Prédication de saint Etienne. Charles-Joseph Natoire. XVIIIe.
Le Diaconat étant donc un ministère de fidélité, il convenait que le premier Martyr appartînt à l'ordre des Diacres, puisque le martyre est une épreuve de fidélité ; et cette merveille est déclarée dans toute l'Eglise par la glorieuse Passion de ces trois magnifiques athlètes du Christ qui, couverts de la dalmatique triomphale, éclatent à la tête de l'armée des Martyrs : Etienne, la gloire de Jérusalem ; Laurent, les délices de Rome ; Vincent, l'honneur du royaume Catholique. Dans cet heureux Temps de Noël, le 22 Janvier, nous célébrerons Vincent, associé à Etienne pour la garde du berceau du Sauveur. Août nous donnera à la fois Etienne dans l'Invention de ses reliques, et Laurent avec sa palme victorieuse.
Afin d'honorer le Diaconat dans son premier représentant, l'usage d'un grand nombre d'Eglises est de faire remplir aux Diacres, dans la fête de saint Etienne, tous les offices qui ne sont point incompatibles avec leur caractère. Ainsi, dans plus d'une Cathédrale, le Chantre cède à un Diacre son bâton cantoral, d'autres Diacres assistent comme choristes sous leurs dalmatiques ; l'Epître même de la Messe est chantée par un Diacre, parce qu'elle contient le récit du martyre de saint Etienne.
L'établissement de la fête du premier des Martyrs, et son assignation au lendemain de la Naissance du Sauveur, se perd dans la plus sacrée et la plus haute antiquité. Les Constitutions Apostoliques, recueil compilé au plus tard à la fin du IIIe siècle, nous la montrent déjà établie, et fixée au lendemain de Noël. Saint Grégoire de Nysse et saint Astère d'Amasée, antérieurs l'un et l'autre à l'époque où les reliques du grand Diacre furent révélées au milieu de tant de prodiges, célèbrent sa solennité dans des Homélies spéciales, et la relèvent entre autres par cette circonstance qu'elle a l'honneur d'être fêtée le jour même qui suit la Naissance du Christ. Quant à son Octave, elle est moins ancienne ; toutefois, on ne saurait donner la date de son institution. Amalaire, au IXe siècle, en parle comme déjà établie, et le Martyrologe de Notker, au Xe siècle, la porte expressément.
On ne doit pas s'étonner que cette fête d'un simple Diacre ait reçu tant d'honneurs, tandis que la plupart de celles des Apôtres demeurent privées d'une Octave. La règle de l'Eglise, dans la Liturgie, est d'affecter les distinctions de son culte dans la proportion des services qu'elle a reçus des Saints. Ainsi honore-t-elle saint Jérôme, simple prêtre, d'un culte supérieur à celui qu'elle défère à un grand nombre de saints Pontifes. La place et le degré d'élévation qu'elle accorde sur le Cycle, sont en rapport avec sa gratitude envers les amis de Dieu qu'elle y admet ; c'est ainsi qu'elle dirige les affections du peuple fidèle envers les célestes bienfaiteurs qu'il devra vénérer dans les rangs de l'Eglise triomphante. Etienne, en frayant la voie aux Martyrs, a donné le signal de ce sublime témoignage du sang qui fait la force de l'Eglise, et ratifie les vérités dont elle est dépositaire et les espérances éternelles qui reposent sur ces vérités. A Etienne donc gloire et honneur jusqu'à la consommation des siècles, sur cette terre fécondée de son sang qu'il a mêlé à celui du Christ !
Nous avons relevé le caractère de ce premier des Martyrs, pardonnant à ses bourreaux, à l'exemple du Christ ; et nous avons vu la sainte Eglise puiser dans ce grand fait la matière de son principal éloge envers saint Etienne. Nous appuierons aujourd'hui sur une circonstance du drame si émouvant qui s'accomplit sous les murs de Jérusalem. Parmi les complices de la mort sanglante d'Etienne, était un jeune homme nommé Saul. Fougueux et plein de menaces, il gardait les vêtements de ceux qui lapidaient le saint Diacre ; et comme disent les Pères, il le lapidait par les mains de tous. Un peu après, ce même Saul était renversé par une force divine sur le chemin de Damas, et il se relevait disciple de ce Jésus que la voix éclatante d'Etienne avait proclamé Fils du Père céleste, jusque sous les coups de ses bourreaux. La prière d'Etienne n'avait pas été stérile ; et une telle conquête n'annonçait rien moins que celle de la gentilité, dont le sang d'Etienne enfanta l'Apôtre.
" Sublime tableau ! S'écrie saint Augustin. Vous y voyez Etienne qu'on lapide ; vous y voyez Saul gardant les vêtements de ceux qui le lapident. Or, voici que Saul devient Apôtre de Jésus-Christ, tandis qu'Etienne est serviteur de Jésus-Christ. Tu as été renversé, Ô Saul ! tu t'es relevé prédicateur de Celui que tu poursuivais. En tous lieux, on lit tes Epîtres ; en tous lieux, tu convertis au Christ les cœurs rebelles ; en tous lieux, devenu bon Pasteur, tu formes de grands troupeaux. Avec le Christ tu règnes, en la compagnie de celui que tu as lapidé. Tous deux vous nous voyez ; tous deux vous entendez ce que nous disons ; tous deux vous priez pour nous. Celui-là vous exaucera, qui tous deux vous a couronnés. D'abord, l'un était un agneau et l'autre un loup ; maintenant tous deux sont agneaux. Qu'ils nous protègent donc de leurs regards ; qu'ils nous recommandent dans leurs prières ! Qu'ils obtiennent une vie paisible et tranquille à l'Eglise de leur Maître."
Le temps de Noël ne se terminera pas non plus sans que nous ayons réuni dans notre culte Etienne et Paul ; le 25 janvier, nous célébrerons la Conversion de l'Apôtre des Gentils ; il appartenait à sa glorieuse victime de le présenter au berceau de leur commun Sauveur.
Enfin, la piété catholique, émue par cette mort du premier des Martyrs, cette mort que l'écrivain sacré appelle un sommeil, et qui fait un si frappant contraste avec la rigueur du supplice qui l'occasionne, la piété catholique, disons-nous, a désigné saint Etienne comme un de nos intercesseurs pour la grâce d'une heureuse mort. Implorons donc le secours du saint Diacre, pour l'heure où nous aurons à rendre à notre Créateur cette âme qu'il nous a confiée ; et disposons dès maintenant notre cœur à offrir, lorsque le Seigneur le demandera, le sacrifice entier de cette vie fragile qui nous est donnée comme un dépôt, que nous devons être prêts à représenter au moment où il nous sera réclamé.
HYMNE
L'Hymne suivante, remarquable par l'onction et la simplicité, se trouve dans la plupart des Bréviaires Romains-Français :

Lapidation de saint Etienne. Bréviaire à l'usage de Besançon. XVe.
" Saint ami de Dieu, Protomartyr Etienne, qui, richement paré de la vertu de charité, avez prié le Seigneur pour un peuple ennemi.
Vous êtes le premier porte-étendard de la milice céleste, le héraut de la vérité, le premier témoin de la grâce, la pierre fondamentale et vivante, le modèle de patience.
Immolé par les pierres, non par le glaive, vous voyez les membres de votre corps déchirés cruellement par le tranchant des cailloux ; ces pierres, teintes de votre sang, sont l’ornement de votre couronne.
Le premier, vous avez frayé le chemin laborieux du ciel ; le premier, vous avez affronté le glaive déjà émoussé par la mort du Christ ; vous êtes le premier froment foulé dans l'aire du Christ.
Pour vous le premier, les portes du ciel s'ouvrent : vous y découvrez, dans sa puissance, Jésus pour qui vous combattez vaillamment; debout, dans la majesté de son Père, il vous assiste fidèlement.
Versez vos prières pour cette assemblée qui se voue à votre culte ; et que le Seigneur, touché par votre entremise, daigne nous purifier de nos péchés et nous réunir aux habitants du ciel.
Gloire et honneur à Dieu, qui vous a couronné de roses, et vous a placé sur un trône dans les cieux ; qu'il daigne sauver les pécheurs, en les délivrant de l'aiguillon de la mort.
Amen."
SEQUENCE
Nous empruntons cette Séquence au recueil de Saint-Gall ; elle est de la composition de Notker :
" D'un zèle unanime, célébrons cette solennité.
Recueillons l'exemple de charité que nous donne celui que nous fêtons,
Lorsqu'il prie pour de perfides ennemis.
Ô Etienne ! Porte-étendard suprême du Roi de bonté, exaucez-nous ;
Vous qui fûtes pleinement exaucé pour vos ennemis.
Par vos prières, Ô Etienne !
Paul, d'abord votre persécuteur, a cru dans le Christ ;
Et avec vous il gaudit, au royaume céleste , duquel n'approche aucun persécuteur.
Nous donc, nous suppliants, nous qui crions vers vous, et vous sollicitons de nos instances,
Que votre très sainte prière nous réconcilie toujours à notre Dieu.
Pierre vous établit ministre du Christ ; vous découvrez à Pierre lui-même un nouveau fondement de la foi, en montrant à la droite du Père souverain Celui qu'un peuple a crucifié.
C'est vous que le Christ s'est choisi, Ô Etienne ! vous par qui il fortifie ses fidèles ; vous qu'il vient consoler par sa vue à travers le choc des pierres qui pleuvent sur vous.
Aujourd'hui, au milieu des bataillons empourprés des Martyrs, vous resplendissez couronné.
Amen."
" Grâces vous soient rendues, Ô glorieux Etienne ! Pour le secours que vous nous avez apporté dans la célébration de la Naissance de notre Sauveur. Il vous appartenait de nous initier à ce haut et touchant mystère d'un Homme-Dieu. Le céleste Enfant nous apparaissait dans votre compagnie, et l'Eglise vous chargeait de le révéler aux fidèles, comme autrefois vous le révélâtes aux Juifs.
Votre mission est remplie : nous l'adorons, cet Enfant, comme le Verbe de Dieu ; nous le saluons comme notre Roi ; nous nous offrons à lui pour le servir comme vous, et nous reconnaissons que cet engagement va jusqu'à lui donner notre sang, s'il le demande. Faites donc, Ô Diacre fidèle ! que nous lui abandonnions, dès aujourd'hui, notre coeur ; que nous cherchions tous les moyens de lui plaire, et de mettre toute notre vie et toutes nos affections en harmonie avec ses volontés. Par là, nous mériterons de combattre son combat, sinon dans l'arène sanglante, du moins dans la lutte avec nos passions.
Nous sommes les fils des Martyrs, et les Martyrs ont vaincu le monde, comme l'Enfant de Bethléhem ; que le monde ne remporte donc plus la victoire sur nous. Obtenez pour notre cœur cette charité fraternelle qui pardonne tout, qui prie pour les ennemis, qui obtient la conversion des âmes les plus rebelles. Veillez sur nous, Martyr de Dieu, à l'heure de notre trépas ; assistez-nous quand notre vie sera au moment de s'éteindre ; montrez-nous alors ce Jésus que vous nous avez fait voir Enfant ; montrez-le-nous glorieux, triomphant, et surtout miséricordieux, tenant en ses mains divines la couronne qui nous est destinée ; et que nos dernières paroles, à cette heure suprême, soient les vôtres : Seigneur Jésus, recevez mon esprit."
jeudi, 02 janvier 2025 | Lien permanent
3 janvier. Sainte Geneviève, vierge, patronne de Paris. 512.
- Sainte Geneviève, vierge, patronne de Paris. 512.
Pape : Saint Symmaque. Roi de France : Clovis Ier (+511). Roi de Reims : Thierry Ier. Roi d'Orléans : Clodomir.
" La piété est une oeuvre utile à tout... Par leurs prières, les personnes pieuses sont une rosée céleste, qui éloigne les calamités de nos villes et de nos campagnes? Si dans un jardin l'on aime à voir des choux et des arbres fruitiers, l'on aime sans doute à y trouver aussi des lys éclatants de blancheur ou de majestueux tournesols? Il en est des plantes humaines placées dans le jardin de Dieu comme des légumes, des fleurs et des fruits qui croissent dans les jardins des hommes? Ne décriez donc jamais la piété des vierges."

Sainte Geneviève. Missel à l'usage d'Evreux. XVe.
Le Martyrologe de l'Eglise Romaine nous présente aujourd'hui le nom d'une sainte vierge dont la mémoire est trop chère à l'Eglise de Paris, et à toutes celles de la France entière, pour qu'il nous soit possible de passer sous silence ses glorieux mérites. Dans la compagnie des Martyrs et du Confesseur et Pontife Sylvestre, la vierge Geneviève brille d'un doux éclat à côte de la veuve Anastasie. Elle garde avec amour le berceau de l'Enfant divin dont elle imita la simplicité, et dont elle a mérité d'être l'Epouse. Au milieu des mystères de l'enfantement virginal, il est juste de rendre de solennels honneurs aux Vierges fidèles qui sont venues après Marie. S'il nous était possible d'épuiser les Fastes de la sainte Eglise, quelle magnifique pléiade d'Epouses du Christ n'aurions-nous pas à glorifier, dans ces quarante jours de la Naissance de l'Emmanuel !
Déjà nous avons nommé la grande Martyre Eugénie ; nous aimerions à célébrer Colombe de Sens , Euphrosyne d'Alexandrie, Emilienne de Rome, Macra de Reims, Synclétique d'Alexandrie, Véronique de Binasco, Brigitte d'Ecosse, Viridiana de Vallombreuse, et tant d'autres; mais les bornes de notre plan nous contraignent à ne dépasser que rarement les limites tracées par le Cycle lui-même.

l'église abbatiale de Sainte-Geneviève à Paris. XIIIe.
Toutefois, empruntant les belles paroles de saint Augustin dans son VIIIe Sermon pour la fête de Noël, nous dirons à toutes ces amantes du Dieu nouveau-né :
" Saintes Vierges, qui avez méprisé les noces terrestres, célébrez avec allégresse l'enfantement de la Vierge. Celui qui vient combler vos désirs n'a point enlevé à sa Mère cette pureté que vous aimez. Il a guéri en vous la blessure que vous aviez contractée par Eve : il ne pouvait altérer ce qui vous plaît en Marie. Mais ce Fils que vous n'avez pu, comme elle, enfanter selon la chair, vous l'avez senti votre Epoux dans votre cœur. Vous n'avez pas été stériles ; car la pureté de la chair est le principe de la fécondité de l'âme."
Geneviève a été célèbre dans le monde entier. Elle vivait encore en cette chair mortelle, que déjà l'Orient connaissait son nom et ses vertus ; du haut de sa colonne, le stylite Siméon la saluait comme sa sœur dans la perfection du Christianisme. La capitale de la France lui est confiée ; une simple bergère protège les destinées de Paris, comme un pauvre laboureur, saint Isidore, veille sur la capitale des Espagnes.

Sainte Geneviève méditant en gardant les moutons de ses parents.
L'élection que le Christ avait daigné faire de la jeune fille de Nanterre pour son Epouse, fut déclarée par l'un des plus grands évêques de la Gaule au Ve siècle. Saint Germain d'Auxerre se rendait dans la Grande-Bretagne où le Pape saint Boniface Ier l'envoyait pour combattre l'hérésie pélagienne. Accompagné de saint Loup, évoque de Troyes, qui devait partager sa mission, il s'arrêta au village de Nanterre ; et comme les deux prélats se dirigeaient vers l'église où ils voulaient prier pour le succès de leur voyage, le peuple fidèle les entourait avec une pieuse curiosité. Eclairé d'une lumière divine, Germain discerna dans la foule une petite fille de sept ans, et il fut averti intérieurement que le Seigneur se l'était choisie. Il demanda aux assistants le nom de cette enfant, et pria qu'on l'amenât en sa présence. On fit donc approcher les parents, le père nommé Sévère et la mère appelée Geruntia. L'un et l'autre furent attendris à la vue des caresses dont le saint évêque comblait leur fille.
" Cette enfant est à vous ?" leur dit Germain.
" Oui, seigneur ", répondirent-ils.
" Heureux parents d'une telle fille !" reprit l'évêque.
" A la naissance de cette enfant, sachez-le, les Anges ont fait grande fête dans le ciel. Cette fille sera grande devant le Seigneur ; et, par la sainteté de sa vie, elle arrachera beaucoup d'âmes au joug du péché."
Puis, se tournant vers l'enfant :
" Geneviève, ma fille ?
- Père saint, votre servante écoute.
- Parle-moi sans crainte : voudrais-tu être consacrée au Christ dans une pureté sans tache, comme son Epouse ?
- Béni soyez-vous, mon Père ! Ce que vous me demandez est le plus cher désir de mon cœur. C'est tout ce que je veux ; daignez prier le Seigneur qu'il me l'accorde.
- Aie confiance, ma fille, sois ferme dans ta résolution ; que tes œuvres soient d'accord avec ta foi, et le Seigneur ajoutera sa force à ta beauté."
Les deux évêques accompagnés du peuple entrèrent dans l'église, et l'on chanta l'Office de None, qui fut suivi des Vêpres. Germain avait fait amener Geneviève auprès de lui, et durant toute la psalmodie il tint ses mains imposées sur la tête de l'enfant. Le lendemain, au lever du jour, avant de se mettre en route, il se fit amener Geneviève par son père.
" Salut, Geneviève, ma fille ! Te souviens-tu de la promesse d'hier ?
- Ô Père saint ! Je me souviens de ce que j'ai promis à vous et à Dieu ; mon désir est de garder à jamais, avec le secours céleste, la pureté de mon âme et de mon corps."
A ce moment, Germain aperçut à terre une médaille de cuivre marquée de l'image de la Croix. Il la releva, et, la présentant à Geneviève, il lui dit :
" Perce-la, mets-la à ton cou, et garde-la en souvenir de moi. Ne porte jamais ni collier, ni bague d'or ou d'argent, ni pierre précieuse ; car si l'attrait des beautés terrestres venait à dominer ton cœur, tu perdrais bientôt ta parure céleste qui doit être éternelle."
Après ces paroles, Germain dit à l'enfant de penser souvent à lui dans le Christ, et l'ayant recommandée à Sévère comme un dépôt deux fois précieux, il se mit en route pour la Grande-Bretagne avec son pieux compagnon.
Nous nous sommes complu à retracer cette gracieuse scène, telle qu'elle est racontée dans les Actes des Saints, dans le but de montrer la puissance de l'Enfant de Bethléhem, qui agit avec tant de liberté dans le choix des âmes qu'il a résolu de s'attacher par un lien plus étroit. Il s'y conduit en maître, rien ne lui fait obstacle, et son action n'est pas moins visible en ce siècle de décadence et d'attiédissement qu'aux jours de saint Germain et de sainte Geneviève. Quelques-uns, hélas ! s'en irritent ; d'autres s'étonnent ; la plupart ne réfléchissent pas : les uns et les autres sont cependant en face d'un des signes les plus frappants de la divinité de l'Eglise.

Sainte Geneviève rencontre saint Germain d'Auxerre.
Geneviève, née à Nanterre, au territoire de Paris, fille de Sévère et de Géruntia, fit briller dès ses plus tendres années l'éclat d'une rare vertu. L'évêque Germain d'Auxerre, allant en Bretagne avec Loup de Troyes, pour extirper les restes de l'hérésie Pélagienne, ayant aperçu Geneviève, reconnut et prophétisa qu'elle serait agréable à Dieu et illustre par la sainteté de sa vie. Lui ayant demandé si elle voulait consacrer à Dieu sa virginité, Geneviève répondit avec un visage plein de modestie qu'elle le désirait vivement et uniquement.
Germain entrant donc dans l'Eglise, avec un nombreux cortège de peuple, imposa les mains à la jeune fille et la consacra vierge, au milieu du chant des psaumes et des plus solennelles oraisons. Le lendemain, lui ayant demandé si elle se souvenait encore du vœu qu'elle avait fait, elle l'assura qu'elle s'en souvenait, et qu'avec l'aide de Dieu elle persévérerait dans son propos. Alors, l'évêque aperçut à ses pieds, non sans une volonté de Dieu, une pièce de cuivre marquée d'une croix ; il la ramassa, la donna à la vierge, et lui ordonna de la porter à son cou, et de ne plus désormais souffrir la parure d'un collier qui ne sied point à une Epouse du Christ.

Sainte Geneviève en prière. Puvis de Chavannes. XIXe.
Elle excella par le don et l'abondance des miracles, surtout à l'égard des énergumènes qu'elle délivrait de la tyrannie des démons, en les oignant d'une huile bénite. Elle fit plusieurs prophéties, entre autres à l'approche d'Attila, roi des Huns. Elle exhorta les habitants de Paris à ne point abandonner leurs foyers, et à ne pas transporter ailleurs leurs biens, promettant que la ville tiendrait debout, tandis que d'autres cités plus fortes étaient renversées. L'événement prouva la vérité de la promesse ; et on l'attribua à la protection de Geneviève. Pendant une famine, et dans une grande cherté de vivres, elle fournit à la ville une grande quantité de blé, et distribua des pains à d'innombrables pauvres. Toutefois, malgré tant de miracles, elle ne put échapper à la haine et aux insultes des malveillants. Germain, se rendant une seconde fois en Bretagne, l'alla trouver, et par ses divines paroles la consola de toutes ces calomnies ; puis, adressant au peuple une grave remontrance , il fit voir le grand mérite de Geneviève devant Dieu, et montra le lieu où elle répandait ses prières, tout arrosé de ses larmes.
De la quinzième à la cinquantième année de son âge, elle ne rompit le jeûne que le dimanche et le jeudi, par un peu de pain d'orge et quelques mets cuits quinze jours à l'avance, afin qu'ils fussent moins succulents : sans autre breuvage que l'eau fraîche. Après ce temps, à la persuasion des Evêques, auxquels elle eût jugé un grand crime de ne pas obéir, elle usa de petits poissons et de lait. Une si grande vertu ne put être longtemps sans franchir les limites de la Gaule.

Guérison par l'intercession des reliques de sainte Geneviève.
Saint Siméon le Stylite, ayant ouï le bruit de ses miracles, voulut se recommander à ses prières. Enfin ses admirables vertus, comme l'écrit Bède, éclatèrent au loin, et elle vieillit dans le service du Christ jusqu'à l'âge de quatre-vingts ans.
Saint Grégoire de Tours dit encore d'elle :
" Sainte Geneviève qui, dans son corps mortel , fut si puissante qu'elle ressuscita un mort, fut ensevelie à Paris dans la basilique des saints Apôtres Pierre et Paul ; les prières faites à son tombeau obtiennent souvent d'être exaucées ; et surtout les fièvres les plus opiniâtres cèdent souvent à la vertu de son intercession."
ANTIENNE
Nous donnons ici un chœur de gracieuses Antiennes extraites des anciens livres d'Offices de l'Eglise de Paris. Ces chants antiques sont purs et naïfs comme la vie de l'humble et sainte bergère :

Procession des reliques de sainte Geneviève pour
" La vierge Geneviève, lorsqu'elle était encore jeune, ne fit cependant rien paraître de puéril dans ses actions ; mais, pour trouver la solitude, elle fuyait la compagnie des hommes.
Le Seigneur la prit pour lui dès l'enfance, et il parla à son cœur.
Au dehors, elle paissait les brebis de son père ; mais au dedans, le Seigneur était son pasteur.
Elle trouva un grand repos dans la garde de son troupeau ; et la solitude de son cœur était comme un jardin de délices devant Dieu.
Félicitez-moi, vous tous qui aimez le Seigneur, de ce qu'étant petite, j'ai plu au Très-Haut.
Depuis que le saint Pontife m'a donné une pierre céleste, je me suis délectée en Jésus-Christ seul, comme en la plénitude des richesses.
J'ai servi le Seigneur dans la simplicité de mon cœur, lorsque je gardais les brebis du pâturage de mon père.
Ô heureuse servante de Dieu ! Déchargez-nous du poids qui nous accable, et dépouillez-nous de ces fautes mortelles qui nous fatiguent, afin que, par vos supplications, la porte du ciel nous soit ouverte.
Ô miséricordieuse Epouse de Dieu ! Qui êtes l'aurore du jour pour les cœurs tristes : vierge fille de France, vierge pleine de douceur, écoutez ceux qui crient vers vous, ne méprisez point leurs prières.
Geneviève, vierge clémente, regardez ceux qui vous implorent, enlevez le fardeau de nos fautes, repoussez nos ennemis, rendez la santé à notre corps malade et à notre cœur gémissant.
Ô Geneviève ! Regardez-nous d'un œil de bonté ; vous qui participez à la lumière angélique, qui brillez d'un titre céleste, qui êtes en présence du souverain Roi, réconciliez-nous avec lui ; donnez-nous de jouir de votre Epoux, vous qui êtes l'Epouse et la fille de l'Epoux."
SEQUENCE
Il est juste de faire entendre ici la voix d'Adam de Saint-Victor, à qui appartient de droit l'honneur de chanter la noble vierge, patronne de l'Eglise de Paris, qui fut redevable à ce grand poète d'une si riche collection d'admirables Séquences :

Chapelle de sainte Geneviève. Eglise Saint-Louis-en-L'Île. Paris.
" De Geneviève la fête solennelle nous amène une solennelle joie.
Que la pureté du cœur éclate en un sacrifice de louange.
Heureuse fut la naissance de cette enfant, témoin le Pontife Germain.
Ce qu'il prévit en esprit est justifié par l'événement.
Sur la poitrine de la vierge, pour indice de pudeur,
Il suspend une médaille d'airain marquée du signe de la croix.
A Geneviève, il offre une dot venue de la main de Dieu,
La consacrant comme un temple du Saint-Esprit, sous l'alliance du Christ.
La mère de cette innocente enfant ose la frapper : elle est privée de la lumière.
Compatissant à sa mère, la vierge lui rend l'usage de la vue.
Geneviève au grand cœur, mortifie sa chair par le jeûne ; elle arrose la terre de ses larmes, et se réjouit dans un continuel martyre.
Sur les pas du céleste guide, elle parcourt les cieux et les enfers ; par l'ardeur de ses prières, elle sauve sa ville de l'invasion d'un peuple barbare.
Par un prodige divin, elle apaise longtemps la soif des travailleurs. Elle rend à une mère désolée son fils unique, qu'une chute a brisé.
A peine la vierge a-t-elle prié, les démons frémissent, la paix est rendue aux énergumènes, l'espoir aux infirmes, le pardon aux coupables.
En sa main, des flambeaux se rallument d'une manière céleste ; par elle, un fleuve au vaste lit rentre docilement dans ses rives.
Après sa mort, vivant encore par ses mérites, elle calme les ardeur
vendredi, 03 janvier 2025 | Lien permanent
23 décembre. Sainte Victoire de Rome ou de Tivoli, vierge et martyre. 253.
- Sainte Victoire de Rome ou de Tivoli, vierge et martyre. 253.
Pape : Saint Lucius Ier. Empereurs romains (période de l'anarchie militaire) : Trébonien Galle (+353) ; Hostilien (+351) ; Volusien (+353) ; Emilien (+353). Empereurs romains (période des trente tyrans) : Valérien ; Galien.
" Il est plus beau d'imiter dans sa chair la vie des anges que d'augmenter de sa chair le nombre des mortels."
Saint Augustin.

Sainte Victoire. Eglise Sainte-Victoire. Ficcule. Italie. XIVe.
Sainte Victoire était de Tivoli, ville proche de Rome. Elle naquit de parents illustres selon le monde et encore plus par la religion chrétienne dont ils faisaient profession. Lorsqu'elle fut nubile, ils la promirent en mariage, de son consentement, à un gentilhomme nommé Eugène, qui avait de très bonnes qualités, mais était encore engagé dans les superstitions de l'idolâtrie ; car alors, la différence du culte n'était pas un empêchement au mariage. Une autre fillen nommée Anatolie, que quelques auteurs font sa soeur selon la chair, et d'autres seulement selon l'esprit, fut en même temps accordée à Tite Aurèle, seigneur romain, mais païen. Celle-ci avait fait voeu de virginité et ne voulait aucunement consentir à cette alliance qui, en la ravissant à Notre Seigneur Jésus-Christ, devaitla faire épouse d'un profane, d'un sacrilège et d'un esclave du démon.
Le seigneur Aurèle, qui avait une extrême passion pour elle, employa divers moyens pour la résoudre ; mais voyant qu'il n'en pouvait venir à bout, il pria Victoire, comme accordée à son ami Eugène, d'entreprendre cette affaire et de persuader à Anatolie de ne point différer davantage ses noces. Victoire ne put lui refuser ce service ; elle alla voir Anatolie et lui tint ce discours :
" Vous savez, ma soeur, que je suis chrétienne comme vous, et qu'en cette qualité je suis bien éloignée de vouloir vous donner uin mauvais conseil ; cependant, si vous voulez me croire, vous consentirez au plus tôt à votre mariage. Dieu n'a point condamné les noces ; nous voyons au contraire dans l'Ecriture que les Patriarches et les Prophètes, ses amis et fidèles serviteurs, ont eu des femmes et que Dieu a béni leur postérité? D'ailleurs, celui que vos parents vous ont destiné est un homme d'honneur, il ne vous accusera point comme chrétienne, il n'empêchera point que vous fassiez tous les exercices de votre religion ; il y a même espérance que, par l'amour conjugal qu'il aura pour vous, il embrassera le culte du vrai Dieu dont vous faites profession."

Sainte Victoire. Imagerie populaire. Lemercier & Basset. XIXe.
Anatolie écouta patiemment ce discours, mais Victoire s'étant tue, elle repit la parole et dit :
" Ô ma chère Victoire, triomphez de la malice du démon et soyez Victoire d'effet comme vous l'êtes de nom ! Quand il fallut peupler le monde, Dieu dit aux hommes : " Croissez, multipliez-vous et remplissez la terre " ; mais maintenant que l'univers ne manque point d'habitants, le Fils de Dieu, descendu du ciel sur la terre pour nous donner une doctrine céleste, ne cesse point de crier : " Croissez dans la foi, augmentez dans la charité et remplissez le ciel, car le royaume des cieux approche ".
Elle lui dit encore d'autres choses très pressantes, et, pour la persuader davantage, elle ajouta :
" Ma chère soeur, le jour que je distribuai aux pauvres le prix de mes joyaux, j'eus une vision dans laquelle un jeune homme m'apparut avec un diadème d'or sur la tête, vêtu de pourpre et couvert de pierres précieuses, et me dit d'un air agréable et d'un visage plein de gaieté :
" Ô virginité qui êtes toujours dans la lumière et jamais dans les ténèbres !"
A ces paroles, je m'éveillai fort triste de n'avoir pas entendu le reste et je me jetai à terre, les larmes aux yeux, priant Notre Seigneur Jésus-Christ que celui qui m'avait dit ce peu de mot continuât de m'instruire. Comme j'étais ainsi prosternée, le même jeune homme ajouta :
" La virginité est une pourpre royale qui relève celles qui en sont revêtues au-dessus de toutes les autres. La virginité est une pierre d'un prix inestimable ; la virginité est le trésor immense du Roi des rois. Les voleurs tâchent de la ravir à qui la possèdent ; conservez-là avec toute la diligence possible, et soyez d'autant plus sur vos gardes pour la conserver, que vous la possédez dans un degré plus éminent."
Un discours si puissant et si pathétique toucha vivement sainte Victoire ; elle fut heureusement vaincue par celle qu'elle avait entrepris de vaincre, et, ayant pris la résolution de demeurer vierge, elle vendit, comme Anatolie, ce qu'elle avait de bagues et d'autres vains ornements et en donna tout l'argent aux pauvres.
Dès que les seigneurs Eugène et Aurèle surent la résolution de ces deux généreuses filles, ils n'épargnèrent rien pour les obliger à en venir au mariage? Ils s'adressèrent pour cela à l'empereur même : ils obtinrent la permission de les enlever et de les mener dans leur maison de campagne, pour tâcher de les gagner, ou par la douceur, ou par les menaces et même par les mauvais traitements.
Sainte Anatolie se distingua par sa constance et subit le martyre, comme nous le voyons au 9 juillet.

Sainte Victoire. Imagerie populaire. Picard imprimeur. XIXe.
Pour sainte Victoire, elle fut à l'épreuve de toutes les sollicitations et de tous les outrages d'Eugène. Il la garda quelques années dans son château, pendant lesquelles il ne lui faisait donner pour nourriture qu'un morceau de pain bis le soir. Il lui fit aussi endurer beaucoup d'autres mauvais traitements indignes de sa naissance et de sa vertu, pour la réduire à l'épouser ou à adorer les idoles, mais inutilement. Sainte Victoire demeura invincible au milieu de tant de supplices. Elle eut même l'adresse, dans le peu de liberté qu'elle avait, de gagner plusieurs épouses à Notre Seigneur Jésus-Christ, en persuadant à de jeunes demoiselles qui venaient la voir de lui consacrer leur pureté virginale.
Adelme, évêque des Saxons occidentaux, qui a composé son histoire en vers héroïques, rapportés par Surirus en ce jour, dit qu'elle en assembla jusqu'à 60 qui menaient une vie angélique et qui chantaient jours et nuits des hymnes et des psaumes à l'honneur du vrai Dieu. Il ajoute qu'elle fit plusieurs miracles, et que, entre autres, elle chassa un horrible dragon qui infectait tout ce pays, après avoir fait promettre au peuple qu'il embrasserait la religion chrétienne.

Martyre de sainte Victoire. Anonyme. Collegiale Sainte-Victoire.
Enfin, Eugène, lassé de sa persévérance, obtint de Julien, pontife du Capitole et comte des temples, un bourreau nommé Tiliarque pour la faire mourir. Celui-ci donna un coup d'épée dans le coeur de sainte Victoire, et en fit une glorieuse martyre de Notre Seigneur Jésus-Christ. Ce fut sous la persécution de Dèce, le 23 décembre 253.
Le malheureux qui lui avait donné le coup de la mort devint aussitôt lépreux, et au bout de six jours, il mourut rongé par les vers.
Le corps de sainte Victoire fut enterré où elle avait été exécutée. Sa mémoire est marquée dans les quatre martyrologes, et principalement dans celui d'Adon. Des reliques de notre Sainte sont conservées dans une magnifique châsse dans l'église Notre-Dame-des-Victoires de Rome.
lundi, 23 décembre 2024 | Lien permanent
23 décembre. ” O Emmanuel ”.
- " O Emmanuel ".
" Voici que sont accomplies toutes les choses que l'Ange avait dites, au sujet de la Vierge Marie."
Antienne de l'office des Laudes de ce jour.
VIIe ANTIENNE
" O Emmanuel, Rex et Legifer noster, exspectatio gentium, et salvator earum : veni ad salvandum nos, Domine Deus noster.
" Ô Emmanuel ! Notre Roi et notre Législateur ! L'attente des nations et leur sauveur ! Venez nous sauver, Seigneur notre Dieu !"
PRIERE
" Ô Emmanuel ! Roi de Paix ! Vous entrez aujourd'hui dans Jérusalem, la ville de votre choix ; car c'est là que vous avez votre Temple. Bientôt vous y aurez votre Croix et votre Sépulcre ; et le jour viendra où vous établirez auprès d'elle votre redoutable tribunal. Maintenant, vous pénétrez sans bruit et sans éclat dans cette ville de David et de Salomon. Elle n'est que le lieu de votre passage, pour vous rendre à Bethléhem. Toutefois, Marie votre mère, et Joseph son époux, ne la traversent pas sans monter au Temple, pour y rendre au Seigneur leurs vœux et leurs hommages : et alors s'accomplit, pour la première fois, l'oracle du Prophète Aggée qui avait annoncé que la gloire du second Temple serait plus grande que celle du premier. Ce Temple, en effet, se trouve en ce moment posséder une Arche d'Alliance bien autrement précieuse que celle de Moïse, mais surtout incomparable à tout autre sanctuaire qu'au ciel même, parla dignité de Celui qu'elle contient.
C'est le Législateur lui-même qui est ici, et non plus simplement la table de pierre sur laquelle la Loi est gravée. Mais bientôt l'Arche vivante du Seigneur descend les degrés du Temple, et se dispose à partir pour Bethléhem, où l'appellent d'autres oracles. Nous adorons, Ô Emmanuel ! Tous vos pas à travers ce monde, et nous admirons avec quelle fidélité vous observez ce qui a été écrit de vous, afin que rien ne manque aux caractères dont vous devez être doué, Ô Messie, pour être reconnu par votre peuple. Mais souvenez-vous que l'heure est près de sonner, que toutes choses se préparent pour votre Nativité, et venez nous sauver ; venez, afin d'être appelé non plus seulement Emmanuel, mais Jésus, c'est-à-dire Sauveur."

Jugement dernier. Ivoire du XIIIe.
GRANDE ANTIENNE A JÉRUSALEM
lundi, 23 décembre 2024 | Lien permanent
26 décembre. Saint Etienne, premier diacre et premier martyr. 35.
" Les pierres dont les Juifs l'ont accablé se sont changées sur sa tête en une couronne de pierres précieuses."
Ps. XX, 14.
" Nous tenons encore entre nos bras le Fils de la Vierge, et nous honorons par nos caresses l'enfance d'un Dieu. Marie nous a conduits à l'auguste berceau ; belle entre les filles des hommes, bénie entre les femmes, elle nous a présenté Celui qui est beau entre tous les enfants des hommes, et plus qu'eux tous, comblé de bénédictions. Elle soulève pour nous le voile des prophéties, et nous montre les desseins de Dieu accomplis. Qui de nous pourrait distraire ses yeux de la merveille d'un tel enfantement ? Néanmoins, tandis que le nouveau-né nous accorde les baisers de sa tendresse, et nous tient dans l'étonnement par de si grands prodiges, tout à coup, Etienne, plein de grâce et de force, opère des choses merveilleuses au milieu du peuple (Act. VI, 8.).
Laisserons-nous donc le Roi pour tourner nos regards sur un de ses soldats ? Non certes, à moins que le Prince lui-même ne nous le commande. Or, voici que le Roi, Fils de Roi, se lève lui-même, et vient assister au combat de son serviteur. Courons donc à un spectacle auquel il court lui-même, et considérons le porte-étendard des Martyrs."
La sainte Eglise, dans l'Office d'aujourd'hui, nous fait lire ce début d'un Sermon de saint Fulgence sur la fête de saint Etienne :
" Hier, nous avons célébré la Naissance temporelle de notre Roi éternel ; aujourd'hui, nous célébrons la Passion triomphale de son soldat. Hier notre Roi, couvert du vêtement de la chair, est sorti du sein de la Vierge et a daigné visiter le monde ; aujourd'hui, le combattant est sorti de la tente de son corps, et est monté triomphant au ciel. Le premier, tout en conservant la majesté de son éternelle divinité, a ceint l'humble baudrier de la chair, et est entré dans le camp de ce siècle pour combattre ; le second, déposant l’enveloppe corruptible du corps, est monté au palais du ciel pour y régner à jamais.
L'un est descendu sous le voile de la chair, l'autre est monté sous les lauriers empourprés de son sang. L'un est descendu du milieu de la joie des Anges ; l'autre est monté du milieu des Juifs qui le lapidaient. Hier, les saints Anges, dans l'allégresse, ont chanté :
" Gloire à Dieu au plus haut des cieux !"
Aujourd'hui, ils ont reçu Etienne dans leur compagnie avec jubilation. Hier, le Christ a été pour nous enveloppé de langes : aujourd'hui, Etienne a été par lui revêtu de la robe a d'immortalité. Hier, une étroite crèche a reçu le Christ enfant : aujourd'hui l'immensité du ciel a reçu Etienne dans son triomphe."

Saint Etienne. Vincenzo Foppa. XVe.
Ainsi, la divine Liturgie unit les joies de la Nativité du Seigneur avec l'allégresse que lui inspire le triomphe du premier des Martyrs ; et encore Etienne ne sera pas le seul à venir partager les honneurs de cette glorieuse Octave. Après lui, nous célébrerons Jean, le bien-aimé Disciple ; les Innocents de Bethléhem ; Thomas, le Martyr de la liberté de l'Eglise ; Sylvestre, le Pontife delà Paix. Mais, dans cette brillante escorte du Roi nouveau-né, la place d'honneur appartient à Etienne, ce Proto-martyr qui, ainsi que le chante l'Eglise, " a rendu le premier au Sauveur la mort que le Sauveur a soufferte pour lui ". Ainsi méritait d'être honoré le Martyre, ce témoignage sublime qui acquitte avec plénitude envers Dieu les dons octroyés à notre race, et scelle par le sang de l'homme la vérité que le Seigneur a confiée à la terre.
Pour bien comprendre ceci, il est nécessaire de considérer le plan divin pour le salut du monde. Le Verbe de Dieu est envoyé afin d'instruire les hommes ; il sème sa divine parole, et ses œuvres rendent témoignage de lui. Mais, après son Sacrifice, il remonte à la droite de son Père ; et son témoignage, pour être reçu par les hommes qui n'ont pas vu ni entendu ce Verbe de vie, a besoin d'un témoignage nouveau. Or, ce témoignage nouveau, ce sont les Martyrs qui le donneront ; et ce ne sera pas simplement par la confession de leur bouche, mais par l'effusion de leur sang qu'ils le rendront. L'Eglise s'élèvera donc par la Parole et le Sang de Jésus-Christ ; mais elle se soutiendra, elle traversera les âges, elle triomphera de tous les obstacles par le sang des Martyrs, membres du Christ ; et ce sang se mêlera avec celui de leur Chef divin, dans un même Sacrifice.

Saint Etienne. Domenico Ghirlandaio. XVe.
Les Martyrs auront toute ressemblance avec leur Roi suprême. Ils seront, comme il l'a dit, " semblables à des agneaux au milieu des loups " (Matth. X, 16.). Le monde sera fort contre eux ; devant lui, ils seront faibles et désarmés ; mais, dans cette lutte inégale, la victoire des Martyrs n'en sera que plus éclatante et plus divine. L'Apôtre nous dit que le Christ crucifié est la force et la sagesse de Dieu (I Cor. I, 24.) ; les Martyrs immolés, et cependant conquérants du monde, attesteront, d'un témoignage que le monde même comprendra, que le Christ qu'ils ont confessé, et qui leur a donné la constance et la victoire, est véritablement la force et la sagesse de Dieu. Il est donc juste qu'ils soient associés à tous les triomphes de l'Homme-Dieu, et que le cycle liturgique les glorifie, comme l'Eglise elle-même les honore en plaçant sous la pierre de l'autel leurs sacrés ossements, en sorte que le Sacrifice de leur Chef triomphant ne soit jamais célébré sans qu'ils soient offerts avec lui dans l'unité de son Corps mystique.
Or, la liste glorieuse des Martyrs du Fils de Dieu commence à saint Etienne ; il y brille par son beau nom qui signifie le Couronné, présage divin de sa victoire. Il commande, sous le Christ, cette blanche armée que chante l'Eglise, ayant été appelé le premier, avant les Apôtres eux-mêmes, et ayant répondu dignement à l'honneur de l'appel. Etienne a rendu un fort et courageux témoignage à la divinité de l'Emmanuel, en présence de la Synagogue des Juifs ; il a irrité leurs oreilles incrédules, en proclamant la vérité ; et bientôt une grêle de pierres meurtrières a été lancée contre lui par les ennemis de Dieu, devenus les siens. Il a reçu cet affront, debout, sans faiblir ; on eût dit, suivant la belle expression de saint Grégoire de Nysse, qu'une " neige douce et silencieuse tombait sur lui à flocons légers, ou encore qu'une pluie de roses descendait mollement sur sa tête ".
Mais, à travers ces pierres qui se choquaient entre elles en lui apportant la mort, une clarté divine arrivait jusqu'à lui : Jésus, pour qui il mourait, se manifestait à ses regards ; et un dernier témoignage à la divinité de l'Emmanuel s'échappait avec force de la bouche du Martyr. Bientôt, à l'exemple de ce divin Maître, pour rendre son sacrifice complet, le Martyr répand sa dernière prière pour ses bourreaux ; il fléchit les genoux et demande que le péché ne leur soit pas imputé. Ainsi tout est consommé ; et le type du Martyre est montré à la terre pour être imité et suivi dans toutes les générations, jusqu'à la consommation des siècles, jusqu'au dernier complément du nombre des Martyrs. Etienne s'endort dans le Seigneur, et il est enseveli dans la paix, in pace, jusqu'à ce que sa tombe sacrée soit retrouvée, et que sa gloire se répande de nouveau dans toute l'Eglise, par cette miraculeuse Invention, comme par une résurrection anticipée.
Etienne a donc mérité de faire la garde auprès du berceau de son Roi, comme le chef des vaillants champions de la divinité du céleste Enfant que nous adorons. Prions-le, avec l'Eglise, de nous faciliter l'approche de l'humble couche où repose notre souverain Seigneur. Demandons-lui de nous initier aux mystères de cette divine Enfance que nous devons tous connaître et imiter dans le Christ. Dans la simplicité de la crèche, il n'a point compté le nombre de ses ennemis, il n'a point tremblé en présence de leur rage, il n'a point fui leurs coups, il n'a point imposé silence à sa bouche, il a pardonné à leur fureur; et sa dernière prière a été pour eux.
Ô fidèle imitateur de l'Enfant de Bethléhem ! Jésus, en effet, n'a point foudroyé les habitants de cette cité qui refusa un asile à la Vierge-Mère, au moment où elle allait enfanter le Fils de David. Il dédaignera d'arrêter la fureur d'Hérode qui bientôt le cherchera pour le faire périr ; il aimera mieux fuir en Egypte, comme un proscrit, devant la face de ce tyran vulgaire ; et c'est à travers toutes ces faiblesses apparentes qu'il montrera sa divinité, et que le Dieu-Enfant sera le Dieu-Fort. Hérode passera, et sa tyrannie ; le Christ demeurera, plus grand dans sa crèche où il fait trembler un roi, que ce prince sous sa pourpre tributaire des Romains ; plus grand que César-Auguste lui-même, dont l'empire colossal a pour destinée de servir d'escabeau à l'Eglise que vient établir cet Enfant si humblement inscrit sur les rôles de la ville de Bethléhem.
Pendant les premières années qui suivirent la mort de Jésus, un grand nombre de convertis, appartenant à toutes les classes de la société juive et même au sacerdoce, portèrent l'Eglise de Jérusalem à un haut point de faveur dans la ville ; par leur assiduité au temple, leur étroite observance de la loi, les fidèles étaient un sujet d'édification pour le peuple. Tout fut changé le jour où l'on soupçonna chez ceux en qui l'on ne voyait que des pharisiens plus parfaits que les autres, l'intention de soustraire la foi nouvelle à l'autorité de la Synagogue. L'introduction des diacres hellénistes dans la hiérarchie précipita les événements. Parmi les apôtres nul ne songeait alors à détacher l'Eglise du tronc sur lequel Jésus l'avait entée. Moins subjugués par les grands souvenirs du passé, les hellénistes avaient compris les premiers certaines paroles du Maître qui annonçaient la séparation des deux Testaments.
Le diacre Etienne provoqua un éclat terrible. On ne sait trop quel personnage il était autrefois, l'histoire ne commence pour lui qu'au moment de son élection. Dès lors, son zèle le portait à prêcher beaucoup, et son talent lui amenait des auditoires nombreux. Il soutenait la dispute contre les habitués de la synagogue des Libertini ou affranchis de Rome, des gens de Cyrène, d'Alexandrie, de Cilicie, d'Ephèse, et l'on s'animait fort à ces disputes, dont le sujet était le caractère messianique de Jésus, le crime de ceux qui l'avaient fait mourir, et de tous les Juifs qui refusaient de le reconnaître pour le Messie. Les autorités juives résolurent de perdre ce prédicateur ; elles profitèrent d'un gouvernement intérimaire de Marcellus pour entrer en possession de leurs droits méconnus par les procurateurs. La mort de Tibère et l'éloignement du légat de Syrie poussaient à hâter une entreprise qui rendait au Sanhédrin son autonomie d'autrefois. Des témoins furent apostés pour surprendre dans les discours d'Etienne quelque parole contre Moïse ; ayant trouvé ce qu'ils étaient venus chercher, ils se répandirent dans la ville, répétant qu'Etienne avait proféré des blasphèmes contre Moïse et contre Dieu.
Ils émurent donc le peuple, les anciens et les scribes et se jetant sur Etienne, ils l'enlevèrent et l'amenèrent devant le conseil ; ils produisirent même de faux témoins contre lui, qui dirent :
" Cet homme ne cesse de parler contre le lieu saint et la Loi, car nous lui avons entendu dire que Jésus de Nazareth détruira ce lieu et changera les traditions que Moïse nous a laissées."
Alors tous ceux qui étaient assis dans le conseil arrêtèrent les yeux sur lui, et crurent voir le visage d'un ange.
Le pontife demande à Etienne si ces accusations sont vraies. Celui-ci répondit :
" Mes frères et mes pères, écoutez ! Le Dieu de gloire apparut à notre père Abraham quand il était en Mésopotamie, avant qu'il s'établît à Charan, et il lui dit :
" Sors de ton pays et de ta parenté, et viens dans la terre que je te montrerai." Alors, sortant du pays des Chaldéens, il habita à Charan. Et après la mort de son père, Dieu le fit passer dans cette terre que vous habitez aujourd'hui, où il ne lui donna aucun héritage, pas même où poser le pied, mais il promit de lui en donner la possession et, après lui, à sa postérité, alors qu'il n'avait point encore d'enfant, et Dieu lui prédit que ses descendants iraient demeurer dans un pays étranger, qu'ils y seraient réduits en servitude et qu'on les y traiterait avec dureté pendant quatre cents ans ; mais Dieu ajouta :
" J'exercerai mes jugements sur la nation qui les aura rendus esclaves, ensuite ils sortiront de là, et me serviront dans cette terre."
Depuis il contracta avec lui l'alliance de la circoncision, et ainsi Abraham, ayant engendré Isaac, le circoncit le huitième jour. Isaac circoncit Jacob, et Jacob les douze patriarches. Les patriarches, poussés par l'envie, vendirent Joseph pour être mené en Egypte ; mais Dieu, qui était avec lui, le délivra de toutes ses afflictions, et par la sagesse qu'il lui donna, le rendit agréable au Pharaon, roi d'Egypte, qui l'établit gouverneur de l'Egypte et de toute sa maison. En ce temps survinrent une famine et une grande désolation dans toute l'Egypte et dans le pays de Chanaan, en sorte que nos pères n'avaient pas de quoi vivre. Jacob apprit qu'il y avait du blé en Egypte, il envoya une première fois nos pères, puis une seconde fois, et ils reconnurent Joseph, et sa race fut découverte au Pharaon. Alors Joseph envoya un message à Jacob son père, et le fit venir avec toute sa parenté, qui était de soixante-quinze personnes. Jacob donc descendit en Egypte. Après leur mort, Jacob et nos pères furent transférés à Sichem, et déposés dans le sépulcre qu'Abraham avait acheté à prix d'argent des enfants d'Hémor, fils de Sichem.
Le temps de la promesse que Dieu avait faite
jeudi, 26 décembre 2024 | Lien permanent | Commentaires (1)
4 janvier. Saint Tite, disciple de saint Paul, évêque de Crète. Ier siècle.
- Saint Tite, disciple de saint Paul, évêque de Crète. Ier siècle.
Pape : Saint Anaclet. Empereur romain : Domitien.
" Il faut qu'un évêque soit sans tache, comme il convient à un dispensateur des dons de Dieu."
Ep. ad Tit.

Saint Paul et saint Tite. Bible historiale. Guiard des Moulins. XVe.
Un saint Evêque de l'âge apostolique, un disciple du grand Paul, s'offre aujourd'hui à notre vénération. Ses actions nous sont peu connues ; mais en lui adressant une de ses Lettres inspirées, le Docteur des Gentils l'a rendu immortel. Partout où la foi du Christ a été et sera portée, Tite, ainsi que Timothée, sera connu des fidèles ; jusqu'à la fin des temps, la sainte Eglise consultera, avec un souverain respect, cette Epître adressée à un simple évêque de l'île de Crète, mais dictée par l'Esprit-Saint, et par là même destinée à faire partie du corps des Ecritures sacrées qui contiennent la pure Parole de Dieu. Les conseils et les directions que renferme cette admirable lettre, furent la règle souveraine du saint Evêque à qui Paul avait voué une si affectueuse tendresse. Tite eut la gloire d'établir le Christianisme dans cette île fameuse où le paganisme avait un de ses principaux centres. Il survécut à son maître immolé dans Rome par le glaive de Néron ; et comme saint Jean, à Ephèse, il s'endormit paisiblement dans une heureuse vieillesse, entouré des respects de la chrétienté qu'il avait fondée. Sa vie a laissé peu de traces ; mais les quelques traits qui nous restent à son sujet donnent l'idée d'un de ces hommes de vertu supérieure que Dieu choisit au commencement, pour en faire les premières assises de son Eglise.
Tite, évêque de Crète, fut initié par les enseignements de l'Apôtre saint Paul aux mystères de la foi chrétienne ; et, préparé par les sacrements, il répandit une telle lumière de sainteté sur l'Eglise encore au berceau, qu'il mérita de prendre place entre les disciples du Docteur des Gentils. Appelé à partager le fardeau de la prédication, son ardeur à répandre l'Evangile et sa fidélité le rendirent si cher à saint Paul, que celui-ci étant venu à Troade, pour prêcher la foi dans cette ville, atteste lui-même qu'il n'y trouva pas le repos de son esprit, parce qu'il n'y rencontra pas Tite son frère. L'Apôtre, s'étant rendu peu après en Macédoine, exprime son affection pour ce disciple par ces paroles :
" Dieu qui console les humbles nous a consolés par l'arrivée de Tite."

Un messager apporte le lettre que saint Paul adressa à saint Tite.
Envoyé à Corinthe par l'Apôtre, il sut s'acquitter de cette mission qui consistait principalement à recueillir les aumônes offertes par la piété des fidèles pour soulager la pauvreté de l'Eglise des Hébreux, avec tant de sagesse et de douceur, que non seulement il maintint les Corinthiens dans la foi du Christ, mais qu'il excita en eux des regrets accompagnés de larmes, et l'empressement le plus vif pour revoir Paul qui leur avait donné la première instruction. Après de nombreux voyages sur terre et sur mer, pour répandre la semence de la divine parole chez les nations les plus dissemblables par le langage et par la situation géographique ; après avoir supporté avec la plus grande fermeté d'âme mille soucis et mille travaux pour établir ainsi l'étendard de la Croix, il aborda à l'île de Crète avec Paul son maître. L'Apôtre le choisit pour remplir la charge d'Evêque dans l'Eglise qu'il fonda en cette île ; et il est certain que Tite y remplit ses fonctions de manière à devenir le modèle des fidèles dans les bonnes œuvres, et que, selon les conseils de son maître Paul, il brilla par la doctrine, par son intégrité et la gravité de ses mœurs.
Semblable à un flambeau, il répandit les rayons du christianisme sur ceux qui étaient assis sous les ombres de la mort, dans les ténèbres de l'idolâtrie et du mensonge. Une tradition prétend qu'il serait ensuite passé chez les Dalmates, et qu'il aurait essuyé les plus rudes fatigues pour planter la foi chez ces peuples.

Saint Paul et saint Tite. Bible historiale. Guiard des Moulins.
Enfin, plein de jours et de mérites, âgé de quatre-vingt-quatorze ans, il s'endormit dans le Seigneur, de la mort précieuse des justes, la veille des nones de janvier ; et il fut enseveli dans l'église où l'Apôtre l'avait établi ministre de la parole. Son nom couvert déloges par saint Jean Chrysostome et par saint Jérôme se lit en ce même jour au Martyrologe romain ; mais, en établissant sa fête pour être célébrée avec l'Office et la Messe dans tout le monde catholique par le clergé séculier et régulier, le souverain Pontife Pie IX l'a fixée au premier jour libre qui suit l'anniversaire de la mort du saint. Mais cette fête est plus ou moins différée, selon les lieux, par la liberté qu'a laissée le Saint-Siège de la placer au premier jour qui ne se trouve pas occupé par une autre fête. Dans la plupart des Eglises, elle n'est célébrée qu'en février.
PRIERE
" Heureux disciple du grand Paul, la sainte Eglise a voulu qu'un jour dans l'année fût employé à célébrer vos vertus et à implorer votre suffrage ; soyez propice aux fidèles qui glorifient le divin Esprit pour les dons qu'il a répandus en vous. Vous avez rempli avec zèle et constance la charge pastorale ; tous les traits que Paul énumère dans l'Epître qu'il vous a adressée comme devant former le caractère de l'Evêque, se sont trouvés réunis en votre personne ; et vous brillez sur la couronne du Christ, le Prince des Pasteurs, comme l'un de ses plus riches diamants. Souvenez-vous de l'Eglise de la terre dont vous avez soutenu les premiers pas. Depuis le jour où vous lui fûtes ravi, dix-huit siècles ont achevé leur cours. Souvent ses jours ont été mauvais ; mais elle a triomphé de tous les obstacles, et elle chemine dans la voie, recueillant les âmes et les dirigeant vers son céleste Epoux, jusqu'à l'heure où il viendra arrêter le temps, et ouvrir les portes de l'éternité.

Un messager apporte le lettre que saint Paul adressa à saint Tite.
Tant que cette heure n'a pas sonné, nous comptons , Ô Tite , sur votre puissant suffrage ; du haut du ciel, sauvez les âmes par votre intercession, comme vous les sauviez ici-bas au moyen de vos saintes fatigues. Demandez pour nous à Jésus des Pasteurs qui vous soient semblables. Relevez la Croix dans cette île que vous aviez conquise à la vraie foi, et sur laquelle s'étendent aujourd'hui les ombres de l'infidélité et les ravages du schisme ; que par vous la chrétienté d'Orient se ranime, et qu'elle aspire enfin à l'unité, qui, seule, peut la préserver d'une dissolution complète. Exaucez, Ô Tite, les vœux du Pontife qui a voulu que votre culte s'étendît à l'univers entier, afin d'accélérer par votre suffrage les jours de paix et de miséricorde que le monde attend."
samedi, 04 janvier 2025 | Lien permanent | Commentaires (2)
23 janvier. Saint Raymond de Pegnafort, confesseur. 1275.
" Quand le pape connut saint Raymond plus intimement il le choisit pour confesseur ; car le pape lui-même est obligé de se confesser de ses péchés s'il veut en recevoir l'absolution."
A. Stolz.

Saint Raymond de Pegnafort. Fra Angelico. XVe.
De nombreux essaims de Martyrs qui font la garde autour de l'Emmanuel, jusqu'au jour de sa Présentation au Temple, entr'ouvre de temps en temps ses rangs glorieux pour donner place aux Confesseurs que la divine Sagesse a fait briller sur le Cycle dans cette saison. Les Martyrs y sont les plus nombreux ; mais la gloire des Confesseurs y est noblement représentée. Après Hilaire, Paul, Maur et Antoine, resplendit aujourd'hui Raymond de Pennafort (Pegnafort ou Penyafort), l'une des gloires de l'Ordre de saint Dominique et de l'Eglise, au XIIIe siècle.
Selon la parole des Prophètes, le Messie est venu pour être notre Législateur ; il est lui-même la Loi. Sa parole sera la règle des hommes, et il laissera à son Eglise le pouvoir de la législation, afin qu'elle puisse conduire les peuples dans la sainteté et dans la justice, jusqu'à l'éternité. La sagesse de l'Emmanuel préside à la discipline canonique, comme sa vérité à l'enseignement de la foi. Mais l'Eglise, dans la compilation et la disposition de ses lois, emprunte le secours des hommes qui lui semblent joindre à un plus haut degré la science du Droit et l'intégrité de la morale.
Saint Raymond de Pegnafort a l'honneur d'avoir tenu la plume pour la rédaction du code canonique qui régit aujourd'hui l'Eglise. Ce fut lui qui, en 1234, compila, par ordre de Grégoire IX, les cinq livres des Décrétales ; et son nom est associé, pour jamais, à la gloire de cette œuvre qui forme encore la base de la discipline actuelle.
Disciple de Celui qui est descendu du ciel dans le sein d'une Vierge pour sauver les pécheurs, en les appelant au pardon, Raymond a mérité d'être appelé par l'Eglise l’insigne Ministre du Sacrement de Pénitence. Il est le premier qui ait recueilli, en corps de doctrine, les maximes de la morale chrétienne, qui servent à déterminer les devoirs du confesseur à l'égard des pécheurs qui viennent lui déposer leurs péchés. La Somme des Cas Pénitentiaux a ouvert la série de ces importants travaux, dans lesquels d'habiles et vertueux docteurs se sont appliqués à peser les droits de la loi et les obligations de l'homme, afin d'instruire le prêtre dans l'art de discerner, comme parle l'Ecriture, la lèpre d'avec la lèpre. (Deuter. XVII, 8.).
Enfin, lorsque la glorieuse Mère de Dieu, qui est aussi la Mère des hommes, suscita pour opérer la Rédemption des captifs le généreux Pierre Nolasque, que nous verrons arriver, sous quelques jours, au berceau du Rédempteur, Raymond fut l'instrument puissant de ce grand œuvre de miséricorde ; et ce n'est pas en vain que l'Ordre de la Merci le considère comme l'un de ses fondateurs, et que tant de milliers de captifs, délivrés de la servitude musulmane, l'ont honoré comme l'un des principaux auteurs de leur liberté.
Le bienheureux Raymond, vint au monde l'an 1175, non loin de Barcelone, au château de Pegnafort de la noble maison de Pegnafort. Il fut instruit des éléments de la religion chrétienne ; et, dès son enfance, l'heureux naturel de son esprit et de son corps sembla présager quelque chose de grand. Jeune encore, il professa les humanités dans sa patrie; puis il se rendit à Bologne, où il s'adonna avec ardeur aux exercices de la piété et à l'étude du droit canonique et civil ; il y fut honoré du bonnet des Docteurs, et il y expliqua les sacrés Canons avec l'admiration de ses auditeurs.
Le bruit de ses vertus se répandant au loin, Bérenger, Evêque de Barcelone, à son retour de Rome à son Eglise, passa par Bologne pour le voir, et enfin, à force de prières, il l'engagea à revenir avec lui dans sa patrie. Bientôt Raymond devint Chanoine et Prévôt de l'Eglise de cette ville, où il brilla au milieu du clergé et du peuple par son intégrité, sa modestie, sa doctrine et la suavité de ses mœurs. La Vierge Mère de Dieu était pour lui l'objet d'une piété et d'une affection particulières ; et toujours, autant qu'il le put, il augmenta son culte et son honneur.
Il se fit même, dans l'enseignement du droit ecclésiastique, une réputation extraordinaire dans cette université, et, Bérenger IV, évêque de Barcelone, qui vint à passer dans cette ville, lui commanda de le suivre.

Anonyme espagnol. XVIIe.
C'est vers l'âge de 46 ans que saint Raymond entra dans l'ordre de saint Dominique, quelques mois après le décès de son fondateur. En pénitence de ses fautes passées, le provooncial lui demanda d'écrire une somme des cas de conscience ; ce qu'il fit.
Bientôt un légat du pape vint à Barcelone et se servit avec succès de notre saint pour toutes sortes d'affaires sensibles. Chargé depuis par le souverain Pontife des plus hautes missions apostoliques et scientifiques, il dépassa partout les espérances qu'on avait conçues de lui.
En 1238, à Bologne, il fut élu général de l'ordre de Saint-Dominique. Il gouverna pendant deux ans mais renonça ensuite au généralat en vertu de son grand âge et de ses infirmités.
Mais c'est vers ce temps que le pape Innocent IV lui donna des missions dont celle de pénotencier et donc de pourvoir à nombre d'offices dans le royaume en particulier dans la sainte Inquisition.
Le roi d'Aragon le tenait en très haute estime et l'emmenait souvent avec lui. Un jour sur l'île de Majorque, ce roi très religieux entretint malheureusement un commerce illégitime avec une jeune femme. Notre saint lui demanda de cesser ce commerce. Le roi ne le fit pas et saint Raymond voulut quitter l'île. Tous les bateaux avaient reçu l'ordre de ne pas l'embarquer. Appelant Dieu à son aide, il étendit, en effet, son manteau sur les flots, prit son bourdon à la main, fit le signe de la Croix, posa résolument le pied sur son frêle radeau et pria son compagnon de venir le rejoindre, après avoir fait un nouveau signe de Croix ; mais celui-ci sentit sa foi défaillir et préféra la sécurité du port aux hasards d'une telle embarcation.

Saint Raymond de Pennafort. Ingres. XIXe.
La prière du saint religieux était continuelle et presque toujours accompagnée d'abondantes larmes. Notre-Seigneur lui avait donné pour familier un de Ses anges qui le réveillait à propos, pour lui permettre de vaquer à l'oraison. Il ne montait jamais à l'autel sans avoir confessé ses plus légères fragilités. Il disait souvent :
" Les jours où de graves empêchements m'ont privé de la sainte Messe ont toujours été pour moi des jours de deuil et d'affliction."
Il employa les trente-cinq dernières années de sa vie à se préparer plus spécialement à la mort. Il eut commerce avec saint Thomas d'Aquin ; il le supllia entre autre d'écrire un ouvrage contre les erreurs. Saint Thomas s'exécuta et écrit la somme contre les Gentils.
Il fit un grand nombre de miracles ; mais le plus éclatant fut lorsque, revenant de l'île Majorque, il étendit son manteau sur les eaux, fit cent soixante milles de chemin en six heures, et entra dans son monastère , lorsque les portes en étaient fermées. Enfin, âgé de près de cent ans, comblé de vertus et de mérites, il s'endormit dans le Seigneur, l'an du Salut mil deux cent soixante-quinze.
Clément VIII l'a inséré au nombre des Saints.
Il est le patron des canonistes. et on le figure pour cette raison avec une clef.
HYMNE
Nous empruntons l'Hymne suivante au Bréviaire des Frères Prêcheurs :

Saint Raymond de Pegnafort et le miracle en mer.
" Prélats, Princes, peuples de la terre, célébrez le nom illustre de Raymond , de cet homme qui eut à cœur le salut éternel de tous.
Ce qu'offre de plus admirable une piété profonde apparaît dans la pureté sans tache de ses mœurs ; la lumière de toutes les vertus éclate en sa personne.
D'une main habile et studieuse, il recueille les Décrets épars des Souverains Pontifes, et les sentences du Droit antique dignes d'être conservées.
Sous ses pas, les flots inconstants deviennent solides ; il parcourt, sans navire, un espace immense : son manteau et son bâton sont la barque sur laquelle il traverse la mer.
Donnez-nous, Ô Dieu, la pureté des mœurs ; donnez-nous de passer, sans désastre, le cours de notre vie; donnez-nous de toucher le port de la vie éternelle.
Amen."
Réveillez dans nos cœurs, Ô Raymond, cette componction sincère qui est la condition du pardon dans le Sacrement de Pénitence. Faites-nous comprendre la gravité du péché mortel qui sépare de Dieu pour l'éternité, et les dangers du péché véniel qui dispose l'âme tiède au péché mortel. Obtenez-nous des hommes pleins de charité et de science pour exercer ce sublime ministère qui guérit les âmes. Défendez-les du double écueil d'un rigorisme désespérant et d'une mollesse perfide. Ranimez chez nous la vraie science du Droit ecclésiastique, sans laquelle la maison du Seigneur deviendrait bientôt le séjour du désordre et de l'anarchie. Vous dont le cœur fut si tendre envers les captifs, consolez tous ceux qui languissent dans les chaînes ou dans l'exil ; préparez leur délivrance ; mais affranchissez-nous tous des liens du péché, qui retiennent trop souvent les âmes de ceux-là mêmes dont le corps est libre.
Vous avez été, Ô Raymond, le confident du cœur de notre miséricordieuse Reine Marie ; elle vous a associé à son œuvre du rachat des captifs. Vous êtes puissant sur ce Cœur, qui est notre espérance après celui de Jésus. Présentez-lui nos hommages. Demandez pour nous à cette incomparable Mère de Dieu la grâce d'aimer toujours le céleste Enfant qu'elle tient dans ses bras. Qu'elle daigne aussi, par vos prières, être notre étoile sur cette mer du monde, plus orageuse que celle dont vous avez bravé les flots sur votre manteau miraculeux.
Souvenez-vous aussi de l'Espagne, votre patrie, au sein de laquelle vous avez opéré tant d'oeuvres saintes. Longtemps son illustre Eglise fut dans le deuil d'avoir perdu les Ordres religieux qui faisaient sa force et sa splendeur ; une hospitalité généreuse a commencé de réparer ces maux : que toute entrave disparaisse enfin. Protégez l'Ordre des Frères Prêcheurs, dont vous avez honoré l'habit et la règle. Vous l'avez gouverné avec sagesse sur la terre ; aimez-le toujours paternellement dans le ciel. Qu'il répare ses pertes ; qu'il refleurisse dans toute l'Eglise, et qu'il produise, comme aux jours anciens, ces fruits de sainteté et de science qui en ont fait une des principales gloires de l'Eglise de Jésus-Christ."
jeudi, 23 janvier 2025 | Lien permanent
24 janvier. Saint Timothée, disciple de saint Paul, premier évêque d'Ephèse et martyr. 97.
" Buvez un peu de vin à cause de la faiblesse de votre estomac."
Ière épître de saint Paul à Timothée, V, 23.
" Les ivrognes... n'entreront pas dans le royaume des cieux."
Ière épître de saint Paul au Corinthiens, VI, 10.
" En vérité je vous le dis, le choléra est une maladie moins dangereuse que l'ivrognerie."
A. Stolz.
La veille du jour où nous allons rendre grâces à Dieu pour la miraculeuse Conversion de l'Apôtre des Gentils, la marche du Cycle nous ramène la fête du plus cher disciple de cet homme sublime. Timothée, l'infatigable compagnon de Paul, cet ami à qui le grand Apôtre écrivit sa dernière lettre, peu de jours avant de verser son sang pour Jésus-Christ, vient attendre son maître au berceau de l'Emmanuel. Il y trouve déjà Jean le Bien-Aimé, avec lequel il a porté les sollicitudes de l’Église d’Éphèse ; il y salue Étienne et les autres Martyrs qui l'y ont devancé, et leur présente la palme qu'il a lui-même conquise. Enfin, il vient apporter à l'auguste Marie les hommages de la chrétienté d’Éphèse, chrétienté qu'elle a sanctifiée de sa présence, et qui partage, avec celle de Jérusalem, la gloire d'avoir possédé dans son sein celle qui n'était pas seulement, comme les Apôtres, le témoin, mais, en sa qualité de Mère de Dieu, l'ineffable instrument du salut des hommes.
Saint Timothée, né d'un père idolâtre et d'une mère Poldève, nommée Eunice, était de Lycaonie, dans l'Asie mineure, et probablement de la ville de Lystres. Eunice, qu'on croit avoir été parente de saint Paul, avait embrassé la religion chrétienne, aussi bien que Loïde, grand-mère de notre saint ; et le grand Apôtre fait l'éloge de la foi de toutes les deux. Elles élevèrent Timothée dans la piété, et lui firent étudier de bonne heure les saintes Écritures : de sorte que saint Paul, arrivant en Lycaonie dans le cours de sa mission apostolique, le trouva déjà tout formé à la vertu ; et, le voyant estimé de tous les fidèles de Lystres et d'Icone, il le choisit pour être le compagnon de ses voyages et de ses travaux dans la prédication de l’Évangile.
Il commença par le circoncire : les cérémonies de l'ancienne loi ne l'obligeait plus depuis la loi nouvelle publiée par Notre Seigneur Jésus-Christ, mais il était pourtant permis de les observer comme une chose indifférente jusqu'à la ruine de Jérusalem et du Temple. Par là, disent les anciens Pères, on enterrait la synagogue avec honneur. Le dessein de saint Paul était de concilier à son disciple l'estime des Juifs et de leur montrer que lui-même n'était pas l'ennemi de leur foi : beau trait de prudence que nous devons admirer après saint Jean Chrysostome (Praef. in prima ad Tim.).
Il faut louer aussi, non seulement la docilité de saint Timothée qui se soumet à une cérémonie douloureuse et non obligatoire, mais encore, comme le fait remarquer saint Augustin, ce zèle, ce désintéressement qui lui fait quitter son pays, sa maison, son père, sa mère, pour suivre un Apôtre, dans la pauvreté et les souffrances. Saint Paul lui confia dès lors tout le ministère évangélique, par l'imposition des mains, et le regarda désormais, tout jeune qu'il était, comme son frère, son coadjuteur, son compagnon d'apostolat, sans cesser d'aimer en lui tendrement un disciple et un fils. Saint Jean Chrysostome dit à la louange de saint Timothée, que Paul recouvra ce qu'il venait de perdre par l'éloignement de saint Barnabé. L'Apôtre semble tenir le même langage, lorsqu'il appelle Timothée homme de Dieu (I Tim., VI, 11.), et dit aux Philippiens que personne ne lui est aussi uni de cœur et d'esprit que Timothée (Phil. II, 20.). Ce grand amour de saint Paul pour Timothée nous indique combien ce disciple était aimé de Dieu : car un tel maître ne pouvait aimer dans son disciple que les dons éminents de la grâce de Notre Seigneur Jésus-Christ, et l'accomplissement de toutes les prédictions avantageuses qui avaient été faites sur lui, pendant sa jeunesse, lorsqu'il était encore sous la conduite de sa mère et de son aïeule (I Tim., I, 18.).
Saint Paul, étant sorti de Lystres, parcourut avec son disciple le reste de l'Asie, puis s'embarqua pour la Macédoine, l'an 52 de Notre Seigneur Jésus-Christ, et prêcha l’Évangile à Philippes, à Thessalonique et à Béré. La fureur des Juifs l'ayant obligé de quitter cette ville, il y laissa Timothée avec Silas, comme étant moins exposés à leur haine, et très propres d'ailleurs à fortifier les fidèles. Pour lui, il prit le chemin de l'Achaïe. Lorsqu'il fut arrivé à Athènes, il manda Timothée de l'y venir trouver ; mais ayant apprit que les Chrétiens de Thessalonique soufraient une cruelle persécution, il l'envoya vers eux. Notre saint trouva cette église en bon état. Il affermit les fidèles dans la foi, les fortifia contre les persécutions, et revint ensuite trouver saint Paul à Corinthe.
Ce fut dans ce temps là que saint Paul écrivit aux Thessaloniciens sa première épître, qui commence ainsi : " Paul, Silas et Timothée, à l'église de Thessalonique..." Saint Paul ayant fait un long voyage, de Corinthe à Jérusalem, revint prêcher à Éphèse, où il resta deux ans. Lorsqu'il voulut retourner dans la Grèce, il chargea Timothée et Éraste de le devancer en Macédoine, et d'y préparer les aumônes qu'on devait envoyer aux fidèles de Jérusalem. Il donna ordre à Timothée, en particulier, d'aller ensuite à Corinthe, pour y corriger quelques abus et rappeler aux Chrétiens la doctrine qu'il leur vait prêchée. Dans la lettre qu'il écrivit aux Corinthiens, peu de temps après, il leur recommande ainsi son cher disciple :
" Si Timothée va vous voir, ayez soin qu'il n'ait rien à craindre chez vous, puisqu'il travaille comme moi à l’œuvre du Seigneur. Que personne donc ne le méprise, mais conduisez-le en paix, afin qu'il vienne me trouver, car je l'attends lui et nos frères." (I Cor., XVI, 10.).
Timothée alla en effet retrouver son maître en Asie, l'accompagna en Macédoine, en Achaïe, le laissa à Philippes, puis le rejoignit à Troade. Saint Paul, étant retourné en Palestine, fut mis en prison à Césarée ; il y resta deux ans, après quoi il fut envoyé à Rome. On croit que Timothée était avec lui en ce temps-là, puisque son nom se trouve à côté de celui du grand Apôtre, en tête des épîtres à Philémon, aux Philippiens et aux Colossiens, qui furent écrites dans les années 61 et 62 ; il avait déjà eu part à la seconde aux Corinthiens, et aux deux qui étaient adressées aux Thessaloniciens. Saint Paul, en joignant le nom de Timothée au sien, à la tête de ces six lettres, marquait qu'il se l'était associé, d'une manière inséparable, dans l'instruction des Églises et dans tous les travaux du ministère évangélique. Notre saint eut, lui aussi, l'avantage d'être arrêté prisonnier on ne sait où, pour la cause de Notre Seigneur Jésus-Christ, et de confesser glorieusement la vérité devant ce grand nombre de témoins dont saint Paul le fit souvenir quelques temps après.
Mais saint Paul eut bientôt le bonheur d'écrire aux Hébreux, qui aimaient beaucoup Timothée :
" Sachez que notre frère Timothée est en liberté. S'il arrive bientôt, j'irai vous voir avec lui." (Heb., XIII, 23.).
Il est probable que l'Apôtre acquitta sa promesse. Ce qui est certain, c'est qu'il retourna de Rome en Orient, dans l'année 64 de Notre Seigneur Jésus-Christ, et qu'à son retour, sur le point de passer en Macédoine, il donna une charge plus particulière à son disciple, déjà ordonné évêque, en conséquence d'une prophétie et d'un ordre particulier du Saint-Esprit (I Tim., IV, 14), et qui avait reçu, par l'imposition des mains, avec la grâce du sacrement et d'autres dons extérieurs du Saint-Esprit, le pouvoir de gouverner l'église d’Éphèse, pour s'opposer à ceux qui semaient une fausse doctrine, et ordonner des prêtres, des diacres et même des évêques ; car on le chargea aussi, selon saint Jean Chrysostome, de veiller sur toutes les Églises d'Asie.
Il a toujours été regardé comme le premier évêque d’Éphèse. Il l'était avant l'arrivée de saint Jean dans cette ville, qui y résida non comme simple évêque, mais comme Apôtre, exerçant une inspection générale supérieure à celle de Timothée sur toutes les églises d'Asie.

Saint Paul et saint Timothée.
Saint Paul était encore en Macédoine quand il écrivit à Timothée sa première épître, que l’Église a toujours regardé comme une loi apostolique qui doit régler la vie et la conduite de ses pasteurs. Elle nous apprend que Timothée ne buvait que de l'eau. Comme ses grandes austérités avaient altéré sa santé et affaibli son estomac, saint Paul lui ordonna de boire un peu de vin. Il dit un peu, parce qu'il est bon que la chair soit assez forte pour servir l'esprit, mais assez faible pour que l'esprit la domine.
Saint Paul étant retourné à Rome, et renfermé dans la prison d'où il ne devait plus sortir que pour aller à la mort, sentit redoubler sa tendresse pour son cher Timothée. Il lui écrivit, chargé de fers, sa seconde lettre, si pleine d'instructions vives et touchantes, et qui est regardée comme le testament de ce saint Apôtre. Ce sont, en effet, les dernières paroles d'un père qui, se voyant proche de la mort, déclarait à son très cher fils ses dernières volontés, qui n'étaient autres que celles de Notre Seigneur Jésus-Christ, pour Lequel il allait bientôt mourir? Il le conjura de le venir trouver à Rome avant l'hiver, non seulement pour qu'ils eussent la consolation de se voir une dernière fois, mais aussi pour qu'il lui confiât diverses choses qui regardaient l'intérêt de l’Église ; il l'exhorte à ranimer cet esprit de courage, ce feu du Saint-Esprit, dont il fut rempli le jour de son ordination. Il lui donne des avis sur la conduite qu'il doit tenir à l'égard des hérétiques de ce temps-là, et lui trace le caractère de ceux qui doivent s'élever dans la suite.

Saint Paul et saint Timothée. Bible historiale.
Il est probable que notre saint se rendit à l'invitation de son maître et fit le voyage de Rome pour conférer avec lui. Il reçut d'un autre côté des leçons et même des remontrances non moins utiles. Car on croit qu'il est cet ange ou évêque d’Éphèse à qui s'adresse saint Jean dans son Apocalypse (écrit dans l'île de Pathmos en 95) : " Celui qui tient les sept étoiles dans sa main droite, qui marche au milieu de sept chandeliers d'or ", le loue d'abord de ses œuvres, de son travail, de sa patience ; de ne point pouvoir souffrir les méchants, de savoir faire le discernement des faux apôtres, d'avoir les hérétiques en horreur, de souffrir beaucoup et avec patience pour le nom de Notre Seigneur Jésus-Christ. Mais il lui reproche d'être déchu de sa première charité ; il l'exhorte à en faire pénitence, et à remonter d'où il est tombé.
Ces plaintes regardent-elles plutôt l’Église que l'évêque d’Éphèse ? S'il s'agit de l'évêque, avait-il fait quelque chute notable, ou bien s'était-il seulement ralenti dans la voie de la perfection et le service de Dieu ? Il n'est pas aisé de le décider. Du reste, il ne faut pas s'étonner si le zèle et la charité des saints se relâchent quelquefois : Dieu leur fait par là sentir le besoin continuel de sa grâce, ils deviennent plus humbles ; quand ils se relèvent, c'est pour se lancer avec une nouvelle ardeur dans le chemin de la pénitence et de la vertu.

Saint Timothée. Bible grecque. XIe.
Saint Timothée eut bientôt l'occasion de montrer qu'il était prêt, comme jadis, à tout sacrifier à son Dieu. Sous l'empire de Nerva, le 22 janvier de l'an 97, les Gentils célébraient une certaine fête appelée Catagogie ( du Grec qui signifie porter en procession), parce qu'on y portait leurs idoles en procession ; et il s'y commettait mille insolences, mille brutalités, parce qu'ils étaient masqués et armés de grosses massues. Saint Timothée, touché de ces désordres et s'efforçant de les arrêter, se jeta au milieu de la foule : loin de se rendre à ses exhortations, ils l'assommèrent à coup de pierres et de massues. Ses disciples le retirèrent à demi mort et le portèrent sur une hauteur voisine , où il expira quelque temps après, victime de son zèle, martyr de Notre Seigneur Jésus-Christ.
Son corps fut enseveli en un lieu appelé Pion, près de la ville d’Éphèse, où on lui bâtit une église. Saint Jean l'évangéliste sacra Jean Ier pour succéder à saint saint Timothée (Constit. apost.). C'est Onésime qui fut le troisième évêque d’Éphèse.
L’Églisecélèbre en ce jour la fête de saint Timothée avec office double, depuis l'ordre de sa sainteté Pie IX. Le même décret embrassa saint Polycarpe et saint Ignace d'Antioche :
" C'est pour rendre plus d'honneur à ces saints qui, établis sur le fondement même des Apôtres, ont organisé, fortifié et éclairé l’Église naissante par leurs saintes leçons, les règlements qu'ils lui ont laissés et le sacrifice même de leur vie." (Décret du 18 mai 1854).

Saint Paul et saint Timothée.
On représente saint Timothée avec des attributs indiquant les instruments ou la cause de son martyre :
1. avec une idole de Diane renversée à ses pieds ;
2. avec une pierre dans le plis de sa robe ;
3. avec un bâton ou une massue dans un coin quelconque du tableau.
DIE XXII JANUARII
" Plein de la sagesse de Dieu, Ô Timothée, tu es entré dans le torrent des délices, et tu t'es désaltéré dans la gnose divine; tu as imité les fervents amis du Christ, et tu es entré plein de joie dans sa gloire, où tu contemples la très splendide Trinité et tu jouis de la paix la plus sereine.
Plein de la sagesse de Dieu, Ô Timothée, les fréquentes faiblesses et infirmités de ton corps fortifiaient ton âme ; gardé par la puissance du Christ, tu as dissous avec facilité la puissance de l'erreur, et tu nous as prêché, d'une manière sublime, le très divin Évangile de la paix.
Le monde entier célèbre aujourd'hui tes prodiges, thaumaturge immortel ; car le Christ t'a récompensé par le don des miracles, toi qui as souffert pour lui les tourments ; pour la mort que tu as endurée, il t'a gratifié d'une gloire et d'une béatitude éternelles.
Homme de toute sainteté, la grâce a débordé avec abondance de tes lèvres ; elle en a fait couler des fleuves de doctrine, qui ont arrosé l’Église du Christ et porté des fruits au centuple, Ô Timothée, prédicateur du Christ, Apôtre divin !
En mortifiant les membres de ta chair, tu les as soumis au Verbe ; en a
vendredi, 24 janvier 2025 | Lien permanent
25 janvier. La conversion de saint Paul. 34 ou 35.
" Qui lupus rax furebat,
Nunc in agnum vertitum."
" Sous l'action de la grâce,
Le loup devient agneau."
Santeuil, in conversione Pauli.
Nous avons vu la Gentilité, représentée aux pieds de l'Emmanuel par les Rois Mages, offrir ses mystiques présents, et recevoir en retour les dons précieux de la foi, de l'espérance et de la charité. La moisson des peuples est mûre ; il est temps que le moissonneur y mette la faucille. Mais quel sera-t-il, cet ouvrier de Dieu ? Les Apôtres du Christ vivent encore à l'ombre de la montagne de Sion. Tous ont reçu la mission d'annoncer le salut jusqu'aux extrémités du monde ; mais nul d'entre eux n'a reçu encore le caractère spécial d'Apôtre des Gentils. Pierre, l'Apôtre de la Circoncision, est destiné particulièrement, comme le Christ, aux brebis perdues de la maison d'Israël (Matth. XV, 24.).
Toutefois, comme il est le Chef et le fondement, c'est à lui d'ouvrir !a porte de l'Eglise aux Gentils. Il le fait avec solennité, en conférant le Baptême au centurion romain Cornélius.

Bible. Ardennes. XVIe.
Cependant, l'Eglise est en travail ; le sang du Martyr Etienne, sa dernière prière, vont enfanter un nouvel Apôtre, l'Apôtre des nations. Saul, citoyen de Tarse, n'a pas vu le Christ dans sa vie mortelle ; et le Christ seul peut faire un Apôtre. Du haut des cieux où il règne impassible et glorifié, Jésus appellera Saul à son école, comme il appelait, durant les années de sa prédication, à suivre ses pas et à écouter sa doctrine, les pêcheurs du lac de Génésareth. Le Fils de Dieu enlèvera Saul jusqu'au troisième ciel, il lui révélera tous ses mystères ; et quand Saul, revenu sur la terre, aura été, comme il le raconte, voir Pierre (Gal. I, 18.) et comparer son Evangile avec le sien, il pourra dire :
" Je ne suis pas moins Apôtre que les autres Apôtres."
C'est dans ce glorieux jour de la Conversion de Saul, qui bientôt s'appellera Paul, que ce grand œuvre commence. C'est aujourd'hui que retentit cette voix qui brise les cèdres du Liban (Psalm. XXVIII, 5.), et dont la force souveraine fait d'abord un chrétien du Juif persécuteur, qui bientôt sera un Apôtre. Cette admirable transformation avait été prophétisée par Jacob, lorsque, sur sa couche funèbre, il dévoilait l'avenir de chacun de ses enfants, dans la tribu qui devait sortir d'eux. Juda eut les premiers honneurs : de sa race royale, le Rédempteur, l'attente des nations, devait naître. Benjamin fut annoncé, à son tour, sous des traits plus humbles, mais néanmoins glorieux : il sera l'aïeul de Paul, et Paul, l'Apôtre des nations.

Bible. Champagne. XIIe.
Le vieillard avait dit :
" Benjamin est un loup ravisseur : le matin, il enlève la proie ; mais le soir, il distribue la nourriture." (Gen. XLIX, 27.).
Celui qui, dans la matinée fougueuse de son adolescence, se lance comme un loup respirant la menace et le carnage, à la poursuite des brebis du Christ, n'est-ce pas, comme le dit un antique Docteur, Saul sur la route de Damas, porteur et exécuteur des ordres des pontifes du temple maudit, et tout couvert du sang d'Etienne qu'il a lapidé par les mains de tous ceux dont il gardait les vêtements ? Celui qui, sur le soir, ne ravit plus la dépouille du juste, mais, d'une main charitable et pacifique, distribue à ceux qui ont faim la nourriture qui leur donne la vie, n'est-ce pas Paul, Apôtre de Jésus-Christ, embrasé de l'amour de ses frères, et se faisant tout à tous, jusqu'à désirer d'être anathème pour eux ?

Bréviaire à l'usage de Besançon. XVe.
Telle est la force victorieuse de notre Emmanuel, toujours croissante et à laquelle rien ne résiste. S'il veut pour premier hommage la visite des bergers, il les fait convier par ses Anges, dont les doux accords ont suffi pour amener ces cœurs simples à la crèche où repose sous de pauvres langes l'espoir d'Israël. S'il désire l'hommage des princes de la Gentilité, il fait lever au ciel une étoile symbolique, dont l'apparition, aidée du mouvement intérieur de l'Esprit-Saint, détermine ces hommes de désirs à venir, du fond de l'Orient, déposer aux pieds d'un humble enfant leurs dons et leurs cœurs. Quand le moment est venu de former le Collège Apostolique, il s'avance sur les bords de la mer de Tibériade, et cette seule parole : " Suivez-moi ", a suffi pour attacher à ses pas les hommes qu'il a choisis. Au milieu des humiliations de sa Passion, un regard de sa part change le cœur du Disciple infidèle. Aujourd'hui, du haut du Ciel, tous les mystères accomplis, voulant montrer que lui seul est maître de l'Apostolat, et que son alliance avec les Gentils est consommée, il tonne sur la tête de ce Pharisien fougueux qui croit courir à la ruine de l'Eglise ; il brise ce cœur de Juif, et il crée par sa grâce ce nouveau cœur d'Apôtre, ce vase d'élection, ce Paul qui dira désormais :
" Je vis, mais ce n'est pas moi, c'est le Christ qui vit en moi." (Gal. XI, 20.).
Mais il était juste que la commémoration de ce grand événement vînt se placer non loin du jour où l'Eglise célèbre le triomphe du premier des Martyrs. Paul est la conquête d'Etienne. Si l'anniversaire de son martyre se rencontre sous les feux du solstice d'été, il ne pouvait manquer d'apparaître auprès du berceau de l'Emmanuel, comme le plus brillant trophée du Proto-martyr ; les Mages le réclamaient aussi comme le conquérant de cette Gentilité dont ils ont été les prémices.

Bible. Champagne. XIIIe.
Enfin, pour compléter la cour de notre grand Roi, il convenait que les deux puissantes colonnes de l'Eglise, l'Apôtre des Juifs et l'Apôtre des Gentils, s'élevassent aux côtés de la crèche mystique : Pierre, avec ses clefs ; Paul, avec son glaive. C'est alors que Bethléhem nous semble, de plus en plus, la figure de l'Eglise, et les richesses du Cycle en cette saison plus éblouissantes que jamais.
SÉQUENCE
Célébrons, par les chants des anciennes Liturgies, cette journée consacrée par la conquête d'un si grand Apôtre. La prose suivante, qui appartient au dixième siècle, se trouve de bonne heure dans les anciens Missels des Eglises d'Allemagne. Elle est empreinte d'un caractère mystérieux qui ne manque pas de grandeur :

Bréviaire franciscain. XVe.
" Le Seigneur a dit : Je le convertirai du sein de Basan (la région de stérilité) ; je le mènerai jusqu'au fond des abîmes de la foi, profonds comme la mer.
Ce qu'il a dit il l'a fait, renversant Saul et relevant Paul,
Par son Verbe incarné, en qui il a fait les siècles.
S'élançant à la poursuite de ce Verbe, le Juif a entendu : " Saul, Saul, pourquoi me persécuter ?"
Je suis le Christ ; il t'est dur de regimber contre l'aiguillon.
A la face du Seigneur, la terre a été émue ; elle a tremblé ; mais bientôt elle s'est reposée.
Paul a reconnu le Seigneur, il a cru, il a cessé de persécuter les Chrétiens.
Sorti des rangs ennemis, pour revenir à vous, Ô Dieu, il est devenu la langue de vos chiens fidèles.
C’est Paul qui, par la bouche de vos Pontifes, proclame vos commandements.
Il enseigne que le crucifié n'est autre que le Christ-Dieu,
Qui règne avec le Père et le Saint-Esprit, Celui dont Paul est le témoin.
Par lui la langue des Pontifes, parcourant et humectant les deux molaires delà Loi et de l'Evangile, a fait broyer,
A préparé ces remèdes divers qui sont la santé des blessés, la nourriture de ceux qui ont faim.
Par les prières de Paul, regardez-nous, Ô Christ ! Et vivifiez les pécheurs ;
Vous qui avez converti, pour la conversion des autres, Paul le vase d'élection.
Quand il prêchait Dieu, la mer le vit et s'enfuit, le Jourdain a reculé vers sa source.
La multitude des nations remontant des profondeurs de l'abîme des vices, à la confusion de Og, roi de Basan.
N'adore plus que vous seul, Ô Christ Créateur, qu'elle confesse être venu, comme Rédempteur, dans la chair.
Amen."
SÉQUENCE
Les Missels Romains-Français nous donnent cette belle Prose d'Adam de Saint-Victor :
" Du cœur et de la voix fais retentir les cieux, entonne le chant du triomphe, Ô Eglise des Gentils !
Paul, le Docteur des nations, a parcouru sa carrière triomphant et glorieux.
C'est le jeune Benjamin, loup ravisseur qui dévore sa proie ; des fidèles c'est l'ennemi.
Loup à l'aurore, agneau sur le soir ; après les ténèbres, l'astre s'est levé. Paul annonce l'Evangile.
Il s'est lancé dans le chemin de la mort ; mais celui qui est la Voie de la vie, l'arrête sur la route de Damas.
Il respirait la menace ; mais il cède enfin : renversé, il obéit ; on l'entraîne comme un prisonnier.
On le mène à Ananie : le loup est conduit à la brebis ; sa rage tombe apaisée.
Il descend dans la fontaine sacrée ; l'eau salutaire change en parfum les poisons de son âme.
Vase sacré, vase divin, vase qui épanche le doux vin de la doctrine et de la grâce,
Il parcourt les synagogues, il établit la foi du Christ sur la série des Prophètes.
Il prêche la doctrine de la croix ; pour la croix il est tourmenté, il meurt de mille morts.
Mais il survit toujours comme une hostie vivante, et son invincible constance triomphe de tous les supplices.
Choisi pour leur Apôtre, il instruit les Gentils, il triomphe des sages du monde par la sagesse de Dieu.
Ravi au troisième ciel, il voit le Père et le Fils en une seule substance.
Rome la puissante et la savante Grèce courbent la tête, s'instruisent des mystères ; la foi du Christ se propage.
La croix triomphe, Néron sévit, et le glaive moissonne Paul, dont la parole a fait croître la foi.
Ainsi, déposant le fardeau de la chair, Paul contemple le vrai Soleil, le Fils unique du Père.
Dans la lumière, il voit cette lumière, dont la puissance daigne nous garder de l'infernal gémissement.
Amen."
Visitez-nous souvent, Ô Emmanuel, par cette grâce qui change les cœurs ; car nous désirons une vie abondante, et nous sentons que son principe est souvent près de nous échapper. Convertissez-nous, comme vous avez converti l'Apôtre ; après nous avoir convertis, assistez-nous ; car sans vous nous ne pouvons rien faire. Prévenez-nous, suivez-nous, accompagnez-nous, ne nous quittez jamais, et de même que vous nous avez donné le commencement, assurez-nous la persévérance jusqu'à la fin.

Donnez-nous de reconnaître, avec crainte et avec amour, ce don mystérieux de la grâce que nulle créature ne saurait mériter, et auquel cependant une volonté créée peut mettre obstacle. Nous sommes des captifs : vous seul possédez l'instrument à l'aide duquel nous pouvons briser nos chaînes ; vous le placez dans nos mains, en nous engageant à en user : de sorte que notre délivrance est votre ouvrage et non le nôtre ; et que notre captivité, si elle persévère, ne peut être attribuée qu'à notre négligence et à notre lâcheté. Donnez-nous, Seigneur, cette grâce ; et daignez recevoir la promesse que nous vous faisons d'y joindre humblement notre coopération.

Conversion de saint Paul. Bible historiale.
Aidez-nous, Ô grand Paul, à répondre aux desseins de la miséricorde de Dieu sur nous ; obtenez que nous soyons subjugués par la douceur du Dieu enfant. Sa voix ne retentit pas ; il n'éblouit pas nos yeux par sa lumière ; mais il se plaint que trop souvent nous le persécutons. Inspirez à nos cœurs de lui dire comme vous :
" Seigneur, que voulez-vous que je fasse ?"
Il nous répondra d'être simples et enfants comme lui, de reconnaître enfin son amour qui apparaît dans ce mystère, de rompre avec le péché, de combattre les mauvaises inclinations, d'avancer dans la sainteté en suivant ses exemples.
Vous avez dit, Ô Apôtre :
" Que celui qui n'aime pas Notre Seigneur Jésus-Christ soit anathème !" Faites-le-nous connaître de plus en plus, afin que nous l'aimions, et que de si doux mystères ne deviennent pas, par notre ingratitude, la cause de notre réprobation.
Vase d'élection, convertissez les pécheurs qui ne pensent point à Dieu. Sur la terre, vous vous êtes dépensé tout entier pour le salut des âmes ; au ciel où vous régnez, continuez votre ministère, et demandez au Seigneur, pour ceux qui persécutent Jésus, ces grâces qui triomphent des plus rebelles. Apôtre des Gentils, jetez les yeux sur tant de peuples assis encore dans l'ombre de la mort. Autrefois vous étiez partagé entre deux ardents désirs : celui d'être avec Notre Seigneur Jésus-Christ, et celui de rester sur la terre pour travailler au salut des peuples. Maintenant, vous êtes pour jamais avec ce Sauveur que vous avez
samedi, 25 janvier 2025 | Lien permanent | Commentaires (1)
7 février. Saint Romuald, abbé, fondateur de l'Ordre des Camaldules. 1027.
- Saint Romuald, abbé fondateur de l'Ordre des Camaldules. 1027.
Pape : Jean XIX. Roi de France : Robert II, le Pieux. Empereur romain germanique : Conrad II, le Salique.
" Homicide point ne seras... "
" Ne pleurez pas trop car cela affaiblit la vue et la tête."
Saint Romuald à ses religieux.

Saint Romuald. Sebastiano del Piombo. XVe.
La série des Martyrs est interrompue pour deux jours sur le Cycle sacré ; nous fêtons aujourd'hui un des héros de la pénitence, Romuald, l'ange des forêts de Camaldoli. C'est un des fils du grand patriarche Benoît ; père, après lui, d'une longue postérité. La filiation bénédictine se poursuit, directe, jusqu'à la fin des temps ; mais du tronc de cet arbre puissant sortent en ligne collatérale quatre glorieux rameaux toujours adhérents, et auxquels l'Esprit-Saint a donné vie et fécondité pour de longs siècles; ce sont : Camaldoli par Romuald, Cluny par Odon, Vallombreuse par Jean Gualbert, et Cîteaux par Robert de Molesmes.
Aujourd'hui, Romuald réclame nos hommages ; et si les Martyrs que nous avons déjà rencontrés, et que nous rencontrerons encore sur la route qui nous conduit à l'expiation quadragésimale, nous offrent un précieux enseignement par le mépris qu'ils ont fait de la vie, les saints pénitents, comme le grand Abbé de Camaldoli, nous présentent une leçon plus pratique encore. " Ceux qui sont à Jésus-Christ, dit l'Apôtre, ont crucifié leur chair avec ses vices et ses convoitises " (Gal. V, 24.) ; c'est donc la condition commune de tout chrétien ; mais quel puissant encouragement nous donnent ces généreux athlètes de la mortification qui ont sanctifié les déserts par les œuvres héroïques de leur pénitence, enlevant ainsi toute excuse à notre lâcheté qui s'effraie des légères satisfactions que Dieu exige pour nous rendre ses bonnes grâces ! Acceptons la leçon qui nous est donnée, et offrons de bon cœur au Seigneur que nous avons offensé le tribut de notre repentir, avec les œuvres qui purifient les âmes.

Paolo Domenico Finoglio. XVIIe.
Romuald, né à Ravenne et fils de Sergius, homme de noble race, se retira dès sa jeunesse dans le monastère de Saint-Apollinaire en Classe, près de Ravenne, pour y faire pénitence. Les discours d'un saint religieux l'animèrent fortement à la piété, et à la suite de deux apparitions qu'il eut de saint Apollinaire, pendant la nuit, dans son église, il se fit moine selon la prédiction que lui en avait faite ce serviteur de Dieu. Peu après, il se rendit auprès d'un personnage nommé Marin, qui était célèbre par la sainteté et l'austérité de sa vie, sur les terres des Vénitiens ; désirant l'avoir pour maître et pour guide, dans le chemin étroit et sublime de la perfection.
Il eut à souffrir les embûches de Satan et l'envie de la part des hommes ; mais il s'en montrait d'autant plus humble, s'exerçant assidûment aux jeûnes et à la prière. De plus, son ange gardien, et saint Michel archange lui-même, le secourèrent à de nombreuses reprises contre les démons qui le tourmentaient.
Lorsqu'il se livrait à la contemplation des choses célestes, il répandait d'abondantes larmes ; mais il ne laissait pas d'avoir toujours le visage si joyeux, qu'il réjouissait tous ceux qui le considéraient. Il fut en grand honneur auprès des princes et des rois, et plusieurs par son conseil renoncèrent aux attraits du monde et se retirèrent dans la solitude. Enflammé du désir du martyre, il partit pour la Pannonie, dans l'espoir de l'y rencontrer ; mais une maladie qui le tourmentait à mesure qu'il avançait, et qui le quittait lorsqu'il revenait sur ses pas, l'obligea de s'en retourner.
C'est à l'âge d'environ cent ans qu'il se fit offrir un champ dans les Appenins par le comte de Maldoli pour y établir un nouveau monastère (d'où le nom de Camaldule : le champ de Maldoli) et qu'il changea l'habit noir des bénédictins pour le blanc qui devait dès lors être celui de son Ordre.

Saint Romuald. Monastère de la Sainte-Croix. Campanie. Italie.
Il éclata par des miracles durant sa vie et après sa mort, et il eut aussi l'esprit de prophétie. Comme le Patriarche Jacob, il vit une échelle qui s'élevait de la terre au ciel, et par laquelle montaient et descendaient des hommes vêtus de blanc, et il reconnut que cette vision merveilleuse désignait les moines Camaldules dont il a été l'instituteur. Enfin, après avoir vécu cent vingt ans, et servi Dieu pendant cent ans par la vie la plus austère, il alla au ciel, l'an du salut mil vingt-sept. Son corps fut trouvé dans son intégrité, cinq ans après qu'il eut été enseveli, et on le déposa avec honneur dans l'Eglise de son Ordre à Fabriano.
PRIERE
" Ami de Dieu, Romuald, que votre vie a été différente de la nôtre ! Nous aimonsle monde et ses agitations ; c'est à peine si la pensée de Dieu traverse quelquefois nos journées d'un fugitif souvenir ; plus rarement encore est-elle le mobile de nos actions. Cependant chaque heure qui s'écoule nous approche de ce moment où nous nous trouverons en face de Dieu, chargés de nos œuvres bonnes et mauvaises, sans que rien ne puisse plus modifier la sentence que nous nous serons préparée. Vous n'avez pas entendu ainsi la vie, Ô Romuald ! Il vous a semblé qu'une pensée unique devait la remplir tout entière, un seul intérêt la préoccuper, et vous avez marché constamment en présence de Dieu. Pour n'être pas distrait de ce grand et cher objet, vous avez cherché le désert ; là, sous la règle du saint Patriarche des moines, vous avez lutté contre le démon et la chair ; vos larmes ont lavé vos péchés, si légers en comparaison des nôtres ; votre cœur, régénéré dans la pénitence, a pris son essor d'amour vers le Sauveur des hommes, et vous eussiez voulu lui offrir jusqu'à votre sang.

Saint Romuald. Ermitage camaldule Saint-Georges.
Vos mérites sont notre bien aujourd'hui, par cette heureuse communion que le Seigneur a daigné établir entre les plus saintes âmes et nous pécheurs. Aidez-nous donc dans la carrière de pénitence qui commencera bientôt ; nous avons tant besoin de mettre la faiblesse de nos œuvres à couvert sous la plénitude des vôtres ! Au fond de votre solitude, sous les ombrages de votre Eden de Camaldoli, vous aimiez les hommes vos frères, et jamais ils n'approchèrent de vous sans être captivés par votre aimable et douce charité : montrez-leur que vous les aimez toujours. Souvenez-vous aussi de l'Ordre que vous avez fondé ; fécondez ses restes vénérables, et faites qu'il soit toujours aux âmes que le Seigneur y appelle une échelle sûre pour monter jusqu'à lui."
vendredi, 07 février 2025 | Lien permanent