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20 février. Saint Eleuthère, évêque de Tournai et martyr. 531.
- Saint Eleuthère, évêque de Tournai et martyr. 531.
Exod., III, 11.
Saint Eleuthère. Portail de la cathédrale de Tournai.
Eleuthère, ou Lehire, selon l’ancienne appellation, vit le jour à Tournai en 454 ou 456. Serenus, son père, et Blanda, sa mère, étaient d’une noble origine et jouissaient d’une grande aisance. Serenus comptait parmi ses ancêtres Hirénée, qui fut un des premiers habitants de Tournai qui embrassa le christianisme à la voix de saint Piat, et qui donna le terrain sur lequel s’éleva dans la suite l’église de Notre-Dame.
Eleuthère avait reçu de Dieu un si heureux naturel, qu’il fit autant de progrès dans les lettres que dans la piété. Il fut élevé avec saint Médard, depuis évêque de Noyon, qui lui prédit qu’il serait un jour évêque de Tournai. La prédiction se vérifia en 486, lorsque Eleuthère, âgé de trente ans environ, fut élu pour succéder à l’évêque Théodore.
Déjà avant la mort de Théodore, la violence des païens avait obligé les principaux chrétiens de Tournai de se réfugier à Blandain, village situé à une lieue de Tournai, où les parents d’Eleuthère avaient des propriétés. Les Tournaisiens avaient beaucoup dégénéré depuis la mort de leur apôtre saint Piat. Leur foi s’éteignait de jour en jour, soit par le commerce et la violence des païens, soit par les désordres des rois francs, qui étaient encore idolâtres et qui faisaient leur résidence à Tournai.
Tel était l’état de l’église de cette ville, lorsque saint Eleuthère en fut fait évêque. Les premières années de son épiscopat furent pour lui un temps de troubles et de rudes épreuves. Son troupeau se trouvait mêlé, d’une part avec les Francs maîtres du pays et encore païens, et d’autre part avec divers hérétiques qui répandaient parmi le peuple des doctrines contraires au dogme de l’Incarnation de Jésus-Christ. Ce fut pour Eleuthère un sujet de redoubler sa vigilance pastorale et ses travaux. Il arracha un grand nombre de Francs aux superstitions du paganisme, et défendit de vive voix et par écrit le mystère de l’Incarnation contre les hérétiques.
Saint Eleuthère.
Son zèle pour gagner des âmes à Jésus-Christ le porta plus d’une fois à pénétrer secrètement dans Tournai, où il prêchait l'Evangile à des familles délaissées et à des hommes qui avaient reconnu la vanité des idoles. Telles étaient ses occupations ordinaires, quand un événement singulier, mais que Dieu fit servir au salut d’un grand nombre, vint lui rouvrir, ainsi qu’aux autres exilés, les portes de sa ville natale.
La fille du gouverneur de Tournai, païenne comme son père, avait conçu une secrète affection pour le jeune et vertueux Eleuthère, avant qu'il eût été banni avec sa famille. Jamais elle n’avait communiqué ce sentiment à personne; mais un jour elle se transporta à Blandain pour en faire l’aveu à saint Eleuthère lui-même.
" Malheureuse, lui dit-il, n’avez-vous point entendu dire que Satan osa tenter le Seigneur, et que celui-ci répondit : Retire-toi ; oses-tu bien tenter ton Seigneur et ton Dieu ? A l’exemple de mon Sauveur et au nom de la sainte et indivisible Trinité, je vous commande de vous retirer et de ne plus revenir en ce lieu."
Dans le même instant elle sortit du tombeau sous les yeux d’une multitude de spectateurs et demanda à recevoir le baptême. Malgré un prodige si éclatant, le père résistait encore, sans doute par la crainte qu’il avait des autres païens : c’était le motif ordinaire de ces sortes de résistances à la grâce. Une contagion subite éclata alors parmi eux et fit d’épouvantables ravages. Dans leur aveuglement, les idolâtres attribuèrent ce châtiment du ciel aux artifices de saint Eleuthère, qu’ils traitaient de magicien ; et ayant tenu conseil entre eux, ils résolurent de le faire périr.
La conversion de Clovis, en 496, ayant rendu le temps plus calme, Eleuthère en profita pour rétablir à Tournai le siège épiscopal, fixé depuis quelques années au village de Blandain. II fit trois fois le voyage de Rome pour s’éclaircir sur les moyens propres à remédier aux maux de son église. La dernière fois qu’il en revint, il rapporta les reliques de saint Etienne, premier martyr, et de sainte Marie l’Egyptienne.
Châsse de saint Eleuthère à Tournai.
Le retour du Saint au milieu de son troupeau excita partout la joie la plus vive. Le clergé et le peuple, sortis de la ville par la porte Nervienne, étaient allés à sa rencontre, et déjà le cortège descendait la colline du mont Sacré, aujourd’hui le mont Saint-André, lorsque, du haut de cette éminence, le vénérable évêque apparut, tenant élevées dans ses mains les précieuses reliques qu’il portait. Deux cercles de lumière se formèrent au même instant autour de lui sous les yeux du peuple, qui poussait des cris d’admiration ; puis tous se mirent en marche vers la basilique de Notre-Dame en chantant des hymnes et des cantiques. Sur la route, un grand nombre de malades ou d’estropiés furent guéris, et un muet, bien connu des habitants, recouvra l’usage de la parole.
Clovis se distingua par le succès de ses armes et par la protection qu’il accorda à la religion ; mais il souilla sa mémoire par des actes de perfidie et de violence. La légende de saint Eleuthère nous offre une protestation publique de la part du clergé contre les moyens barbares par lesquels le vainqueur de Tolbiac tacha d’étendre et de consolider sa domination. Clovis vint un jour à Tournai ; à peine arrivé, il se rendit à l’église pour remercier Dieu de ses victoires.
Eleuthère l’attendait sur le seuil :
" Seigneur roi, lui dit-il, je sais pourquoi vous venez à moi."
Etonné de ces paroles, Clovis protesta qu’il n’avait rien de particulier à dire à l’évêque.
" Ne parlez pas ainsi, Ô roi, reprit saint Eleuthère, vous avez péché et vous n’osez l’avouer."
Alors le vainqueur s’émut, ses yeux se mouillèrent de larmes, il avoua qu’il se sentait coupable et pria le pieux évêque de célébrer la messe pour lui et d’implorer du ciel le pardon de ses crimes. Eleuthère se mit en prières et y resta toute la nuit, arrosant le sol de ses pleurs.
Le lendemain, pendant qu’il célébrait la messe, et au moment où il se préparait à recevoir l’hostie sainte, une lumière éclatante se répandit dans l’église, et un ange lui apparut :
" Eleuthère, lui dit-il, serviteur de Dieu, tes prières sont exaucées."
En même temps il lui remit un écrit où était tracé le pardon accordé aux fautes royales qu’il n’est pas permis de divulguer. Absous par la clémence divine, Clovis rendit grâces à Dieu et au saint évêque, et fit des dons considérables à l’église de Tournai. Les courageuses remontrances d’Eleuthère, le repentir public du prince, l’ange apportant du ciel le pardon des crimes politiques, sont au moins, si l’on tient à contester la certitude de ces faits, une admirable peinture des sentiments populaires de cette époque.
Baptême de Clovis. Chroniques de Burgos.
Pour extirper les dernières racines des doctrines hérétiques qui désolaient son diocèse, Eleuthère réunit vers l’an 520 un synode, dans lequel il parait avoir prononcé un discours sur le mystère de l’Incarnation. Son zèle à maintenir le dépôt de la foi dans sa pureté lui coûta la vie. Un jour, en sortant de l’église, il fut assailli par une bande d’hérétiques qui se jetèrent sur lui et l’accablèrent de coups. Le Saint survécut peu de jours à ses blessures; sa mort arriva en 531, le 20 février, jour auquel l’Eglise honore sa mémoire.
L’illustre ami d’Eleuthère, saint Médard, évêque de Noyon, s’était empressé de venir à Tournai à la nouvelle des violences auxquelles on s’était porté contre lui. Après avoir répandu des larmes abondantes sur son corps inanimé, il se mit en devoir de lui rendre les honneurs de la sépulture.
" Lui-même célébra les sacrés mystères, pour remercier Dieu de ce qu’il avait daigné admettre saint Eleuthère dans le séjour de la gloire."
Les cérémonies achevées, on transporta le corps dans l’église de Blandain, où il resta jusqu’à la fin du IXe siècle. A cette époque, une pieuse dame, qui habitait le lieu appelé Roubaix, eut une révélation, dans laquelle saint Eleuthère lui commanda d’aller de sa part auprès d'Heidilon, évêque de Tournai et de Noyon, pour lui dire de lever de terre son corps et de le transporter à Tournai. Cette sainte femme remplit la mission qui lui était confiée et l'évêque, avec son clergé, se hâta d’accomplir cette volonté de Ciel qui lui était manifestée.
En 1247 ces reliques furent mises dans une nouvelle châsse : la même que la cathédrale possède encore aujourd’hui. Cette châsse, ouvrage d’orfèvrerie de la plus grande délicatesse, a été faussement attribuée à saint Eloi, argentier de Dagobert.
Pendant les guerres de religion du XVIe siècle, le Chapitre de Tournai préserva de la profanation les reliques de saint Eleuthère en les enroyant à Douai (1566). Menacées à nouveau pendant la Révolution française, elles furent mises à l'abri dans une maison particulière de Tournai; elle. y restèrent jusqu’en 1801, époque à laquelle Mgr Hirn en fit la translation solennelle à la cathédrale.
On représente saint Eleuthère :
1. recevant la confession de Clovis ;
2. avec une église sur la main pour rappeler qu’il fut, sinon le fondateur, au moins le restaurateur du siège épiscopal de Tournai. II est figuré avec cet attribut par une statuette qui se voit encore aujourd'hui sur l'élégante châsse du Saint, dans la belle église romane de Notre-Dame de Tournai ;
3. avec une verge ou un fouet, symbole des fléaux que la dureté de cœur des Tournaisiens, avant leur conversion, leur attira.
mardi, 20 février 2024 | Lien permanent | Commentaires (1)
21 février. Saint Pépin de Landen, duc de Brabant. 640.
- Saint Pépin de Landen, duc de Brabant. 640.
Pape : Saint Séverin (+640) ; Jean IV. Roi d'Austrasie : Sigebert III. Roi de Neustrie et de Bourgogne : Clovis II.
" Bienheureux le riche qui a été trouvé sans tache et ne s'est point attaché à l'or."
Eccli., XXXI, 8.
Saint Pépin de Landen administrant.
Ce saint duc était le fils du prince Carloman et de la princesse Emegarde. Il fut maire du palais sous Clotaire II, Dagobert Ier et Sigebert II, rois de France, et exerça cette grande charge, qui était peu différente de l'autorité royale, avec une rare prudence.
Il ne pouvait rien ajouter à sa fidélité pour son roin ni à son amour pour son peuple. Il embrassait, avec une constance invincible, les justes intérêts de l'un et de l'autre, sans souffrir que, pour favoriser le peuple, on fît tort au rdroits du roi ; ni que, sous prétexte des droits du roi, l'on opprimât et accablât le peuple, parce qu'il préférait les volontés de Dieu à celles des hommes, et savait qu'il défend de favoriser les puissants au préjudice des faibles. Ainsi, il rendait au peuple ce que la justice voulait qu'on lui rendît, et à César ce qui appartenait légitimement à César.
Clotaire II recevant l'hommage des Lombards.
Il n'en faut point de meilleure preuve que son désir d'avoir pour associé, dans sa conduite, saint Arnoul, évêque de Metz ; il ne faisait rien sans son conseil, connaissant son éminente vertu et sa grande capacité dans le gouvernement de l'Etat. Après la mort de saint Arnoul, il prit pour collègue, dans l'administration des affaires, un autre grand saint, Cunibert, archevêque de Cologne. On peut assez juger avec quelle ardeur il embrassait les choses justes, puisqu'il choisissait des hommes si excellents et si incorruptibles pour être les directeurs de ses conseils et les fidèles témoins de ses actions.
Clotaire II, Dagobert son fils, saint Arnoul de Metz et
Le roi Clotaire II ne se contenta pas de mettre entre les mains de cet excellent prince la première charge de son Etat, en le faisant maire du palais : il l'honora aussi de toute sa confiance, et lui donna tout le pouvoir qu'un grand ministre peut espérer. Ayant résolu d'associer son fils Dagobert à une partie de sa puissance et de partager avec lui ses Etats, en le mettant, dès son vivant, en possession du royaume d'Austrasie, il choisit, parmi tous les grands de la cour, cet homme admirable pour lui confier entièrement la conduite de ce jeune prince, qui devait n'agir que d'après ce conseiller (622).
Statue de Dagobert Ier. XIXe. Versailles.
Pépin s'acquitta si dignement de cette charge, qu'il n'oublia rien de ce qui pouvait imprimer dans l'esprit de Dagobert la crainte de Dieu et l'amour de la justice : il lui mettait souvent devant les yeux cette belle parole de l'Evangile :
" Le trône d'un roi qui rend justice aux pauvres ne sera jamais ébranlé."
Ainsi, ce fut par sa prudence que Dagobert gouverna si bien et si heureusement, non seulement l'Austrasie, mais aussi tous les Etats que son père lui laissa en mourant. Son frère Caribert, et plusieurs grands les lui ayant disputés, cette faction fut bientôt dissipée par la valeur de Pépin, qui n'était pas moins généreux dans la guerre que juste et sage dans la paix ; et Dagobert, après s'être maintenu dans le droit qui lui appartenait, gagna de telle sorte le coeur de tous ses sujets par sa libéralité, sa justice, sa douceur et toutes les autres qualités dignes d'un grand roi, qu'il égala et surpassa même la réputation de ses plus illustres prédécesseurs ; son règne eût été des plus beaux, s'il eût toujours suivi les avis d'un si saint et si habile maître.
Mais, comme rien n'est plus difficile que de conserver son esprit pur au milieu de la corruption du siècle, et son corps chaste au milieu des plaisirs qui accompagnent la prospérité et la souveraine puissance, ce roi se plongea dans la volupté, et il eut recours à des moyens injustes pour satisfaire à ses dépenses folles et désordonnées. Saint Pépin, qui en eut le coeur tout percé de douleur, l'en reprit sévèrement, et lui reprocha son ingratitude envers Dieu. Ce prince reçut d'abord si mal les avis de notre saint, qu'il pensa même à le faire mourir, étant poussé en cela par quelques grands de sa cour qui haïssaient Pépin et portaient envi à sa vertu.
Mais Dieu, qui est le protecteur des justes, délivra Pépin de ce péril. Le roi comprit enfin la justesse de ses remontrances et eut plus de vénération que jamais pour le mérite et la vertu d'un si grand ministre. Pour lui en donner une preuve non équivoque, il mit entre ses mains son fils Sigisbert, qu'il envoya régner en Austrasie sous sa conduite (633). Ainsi Sigisbert étant roi de nom et saint Pépin gouvernant en effet le royaume, l'Austrasie se trouva délivrée des grandes incursions des Barbares qu'elles souffrait auparavant. Il les réprima, les resserra dans leurs pays ; et, après la mort de Dagobert, il eût mis Sigebert en possession de tous ses Etats, si son père ne l'eût obligé, dès son vivant, de se contenter de l'Austrasie et de laisser le royaume de France à Clovis, son puîné.
Baptême de saint Sigebert par saint Amand de Troyes en présence
Notre saint duc mourut le 21 février 640 au château de Landen, en Brabant ; l'affliction que toute l'Austrasie en conçut fut si extraordinaire, qu'elle ne le pleura pas moins que l'un de ses meilleurs rois : car sa vie était toute sainte, sa réputation sans tache, sa sagesse et sa conduite admirables ; et on pouvait le nommer, avec vérité, le protecteur des lois, le soutien des faibles, l'ennemi de la division, l'ornement de la cour, l'exemple des grands, le conducteur des rois et le père de la patrie.
Statue de saint Pépin de Landen. Louvain. Belgique.
Son corps fut d'abord déposé au lieu où il mourut, puis fut transféré au monastère de Nivelle. Au reste, il faut prendre garde de ne le point confondre avec deux autres Pépin dont le nom est célèbre dans notre histoire :
- le premier, Pépin d'Héristal, aussi maire du palais et père de Charles Martel ;
- le second, Pépin le Bref, fils du même Charles Martel, et le premier de nos rois de la seconde race.
Saint Pépin de Landen, dont nous parlons, est le plus ancien des trois, et fut l'aïeul de Pépin d'Héristal par sa fille sainte Begghe, qui, ayant épousé Ansegise, fils de saint Arnoul, lui donna ce fils pour le bien de la France et le soutien de cette grande et illustre monarchie qui vécut aussi longtemps qu'elle fut le soutien fidèle de notre sainte mère l'Eglise.
Il reste à remarquer que la maison de saint Pépin n'était qu'une compagnie de Saints et de Saintes : car sa femme, nommée Itte, ou Ideburge, soeur de saint Modoald, archevêque de Trèves, après avoir vécu saintement dans le mariage, à l'exemple de son mari, ne s'occupa, quand elle fut veuve, qu'à pratiquer toutes sortes de bonnes oeuvres ; et elle reçut enfin, des mains de saint Amand, le voile sacré de religieuse dans le célèbre monastère de Nivelle, qu'elle avait elle-même fait bâtir. Elle y passa le reste de ses jours dans une si grande perfection, qu'elle offrait à toutes les religieuses qui y demeuraient un rare exemple de vertu.
Sainte Wautrude et sainte Gertrude.
L'aînée des filles de saint Pépin et d'Ideburge, la grand et illustre sainte Gertrude, abbesse du même monastère de Nivelle, fut si éminente en sainteté, qu'on peut la considérer comme une des plus belles lumières de la religion.
Sainte Gertrude de Nivelle, fille de saint Pépin. Gravure du XVIIIe.
mercredi, 21 février 2024 | Lien permanent | Commentaires (2)
26 mars. Saint Ludger, premier évêque de Münster. 809.
- Saint Ludger, premier évêque de Münster. 809.
Pape : Saint Léon III. Empereur : Saint Charlemagne.
" Quis te docuit ? Respondens, ait : Deus me docuit."
" Qui t'a instruit ? Il répondait : Dieu m'a instruit."
Saint Ludger enfant. Vita, apud Bolland. et Pertz, II, 407.
Statue reliquaire de saint Ludger. Cathédrale Saint-Paul de Münster.
Dans un canton de Frise, où la foi commençait à s'introduire, la femme d'un chef crétien avait mit au monde une fille. L'aïeule encore païenne, irritée contre sa bru, qui ne lui donnait pas de petit-fils, ordonna que l'nfant fût étouffée, comme le permettait les lois, avant qu'elle eût goûté le lait de sa mère, ou la nourriture des hommes. Un esclave l'emporta pour la noyer, et la plongea dans un grand vase plein d'eau. Mais l'enfant étendant ses petites mains, se retenait aux bords. Les cris attirèrent une femme qui l'arracha des bras de l'esclave, l'emporta dans sa maison et lui mouilla les lèvres d'un peu de miel ; dès lors, les lois ne permettait pas qu'elle mourût : ce fut la mère de saint Ludger.
Le signe de Dieu était sur cette maison, et l'on vit de bonne heure ce que Ludger serait un jour. Ses parents le mirent donc au monastère d'Utrecht, et il y fit tant de progrès dans les lettres sacrées, qu'on l'envoya aux écoles d'York, où les leçons d'Alcuin attiraient un grand concours de jeunes gens des contrées étrangères.
Il y passa quatre ans et revint en Frise avec un grand savoir et beaucoup de livres. Alors on l'appliqua à la prédication de l'Evangile dans le canton d'Ostracha. Mais au milieu des païens, il n'oubliait pas ses amis d'Angleterre. Pendant qu'il bâtissait un oratoire, Alcuin lui adressait des vers pour les inscrire au porche de l'édifice. Vers le même temps, il recevait de l'un de ses condisciples d'York une épître qui commençait ainsi :
" Frère, frère chéri de cet amour divin plus fort que le sang, Ludger que j'aime, puisse la grâce du Christ vous sauver. Prêtre honoré aux rivages occidentaux du monde, vous êtes savant, puissant par la parole, profond par la pensée. Tandis que vou sgrandissez dans le bien, ministre de Dieu, souvenez-vous de moi, et que vos prières recommandent au ciel celui qui vous célébra dans ses chants trop courts !"
Et le poëte finissait, demandant à son ami un bâton de bois blanc, humble don pour humble vers.
Saint Ludger. Münster. XIVe.
Ludger travailla sept ans, au bout desquels Witikind ayand soulevé les Saxons, les païens se jetèrent dans la Frise et chassèrent les prédicateurs de la foi. Alors Ludger se rendit à Rome, puis au mont Cassin, où il s'arrêta pour étudier la règle de saint Benoît et la rapporter parmi les moines de sa province. A son retour, le bienheurex roi Charlemagne, qui venait de vaincre les Barbares, le chargea d'évangéliser les cinq cantons de la Frise orientale. Ludger les parcourut, renversant les idoles et annonçant le vrai Dieu. Ensuite, ayant passé dans l'île de Fositeland, il détruisit les temples qui en faisait un lieu vénéré des nations du Nord et baptisa les habitants dans les eaux d'une fontaine qu'ils avaient adorée.
Vers ce temps-là, comme il voyageait de village en village, et qu'un jour il avait reçu l'hospitalité d'une noble dame, pendant qu'il mangeait avec ses disciples, on lui présenta un aveugle nommé Bernlef, que les gens du pays aimaient, parce qu'il savait bien chanter les récits des anciens temps et les combats des rois ; le serviteur de Dieu le pria de se trouver le lendemain en un lieu qu'il lui marqua. Le lendemain, quand il aperçut Bernlef, il descendit de cheval, l'emmena à l'écart, entendit sa confession, et, faisant le signe de la Croix sur ses yeux, lui demanda s'il voyait. L'aveugle vit d'abord les mains du prêtre, puis les arbres et les toits du hameau voisin. Mais Ludger exigea qu'il cachât ce miracle. Plus tard, il le prit à sa suite pour baptiser les païens, et il lui enseigna les psaumes pour les chanter au peuple.
Cependant le roi Charles, apprenant le grand bien que saint Ludger avait fait, l'établit à Mimigerford, qui fut depuis Münster, au canton de Suthergau, en Westphalie, et o, l'ordonna évêque malgré lui. Alors il éleva des églises et dans chacune il mit un prêtre du nombre de ses disciples. Lui-même instruisait tous les jours ceux qu'il destinait aux saints autels, et dont il avait choisi plusieurs parmi les enfants des Barbares. Il ne cessait pas non plus d'exhorter le peuple, invitant même les pauvres à sa table, afin de les entretenir plus longtemps.
Ses grandes aumônes vidaient les trésors de l'église, jusqu'au jour où il fut accusé auprès du bienheureux Charles comme dissipateur des biens du clergé. Il se rendit donc à la cour, et, comme il s'était mis à prier et à réciter son bréviaire en attendant l'heure de l'audience, un officier l'appela. Le Saint voulut achever sa prière et se fit attendre :
" Pourquoi, lui dit Charles, n'être pas venu tout d'abord ?
- Prince, répond l'évêque, je priais Dieu ; quand vous m'avez choisi pour évêque, vous m'avez recommandé de préférer toujours le service de ce Roi des rois à celui des hommes, à celui même de l'empereur."
Couverture d'un livre exécuté pour le bienheureux Rodolphe,
abbé du monastère Saint-Ludger de Werden.
Signalons que c'est d'un monastère de chanoines réguliers que saint Ludger avait établi dans sa ville épiscopale, que celle-ci prit le nom de Münster.
Saint Ludger est le patron de Münster, de Werden, de la Frise orientale, de Helmstadt, de Deventer, de Kaiserwerth, etc.
L'essentiel de ses saintes reliques se trouvent toujours à Werden, même si Münster et Billerbeck en possèdent des fragments.
On représente saint Ludger :
1. soutenant une église ou s'appuyant dessus : ce symbole rappelant toujours les fondateurs d'églises ;
2. tenant un livre ou l'ayant à ses côtés : ce livre rappelant son amour rare pour l'étude dans sa jeunesse ou, mieux encore, la circonstance du bréviaire qu'il était en train de lire lorsqu'on vint le demander de la part de saint Charlemagne.
Cathédrale Saint-Ludger de Billerbeck. Wesphalie. Allemagne.
mardi, 26 mars 2024 | Lien permanent
27 mars. Saint Jean Damascène, docteur de l'Eglise. 780.
" Le bien n'est même pas bien s'il n'est pas bien fait."
Maxime favorite de saint Jean Damascène.
Saint Jean Damascène. Xe.
Jean, appelé Damascène du nom de sa ville natale, était de noble race. Il fut instruit dans les lettres humaines et divines, à Constantinople, par le moine Côme. Dans ce temps-là, l'empereur Léon l’Isaurien ayant déclaré une guerre impie aux saintes Images, Jean, sur l'exhortation du Pontife romain Grégoire III, mit tout son zèle à défendre dans ses discours et ses écrits la sainteté de leur culte ; ce qui lui attira l'inimitié de l'empereur. Cette inimitié alla si loin que celui-ci, au moyen de lettres supposées, accusa Jean de trahison près du calife de Damas dont il était le conseiller et le ministre. Trop crédule à la calomnie, le calife, sans écouter les protestations de l'accusé, lui fit couper la main droite. Mais l'innocence devait être vengée ; la Vierge très sainte prêta l'oreille à la prière fervente de son dévot client : par son secours, la main coupée se rejoignit au bras comme si elle n'en avait jamais été séparée.
Ce miracle émut Jean de telle sorte, qu'il résolut d'accomplir un dessein formé dès longtemps dans son âme : le calife lui ayant quoique à regret permis de quitter son service, il distribua tous ses biens aux pauvres, affranchit ses esclaves, et, après avoir fait le pèlerinage des saints lieux de Palestine, se retira dans la compagnie de son maître Côme en la laure de saint Sabas près de Jérusalem, où on l’ordonna prêtre.
L'arène de la vie religieuse le vit donner aux moines d'admirables exemples de vertu, principalement d'humilité et d'obéissance. Il réclamait comme siens les plus vils emplois du monastère, et mettait tout son zèle à les accomplir. Envoyé vendre à Damas les corbeilles qu'il avait tressées, les insultes et les moqueries de la plèbe étaient pour lui comme un breuvage délicieux dans cette ville où jadis il avait joui des plus grands honneurs. Son obéissance ne le tenait pas seulement à la disposition du moindre signe des supérieurs ; mais, si durs, si insolites que fussent les ordres donnés, il ne se crut jamais permis d'en demander la raison.
Manuscrit Grec. XIIe.
Dans cet exercice de toutes les vertus, son dévouement à défendre le dogme catholique du culte des saintes Images ne se démentit jamais. Aussi la haine de Constantin Copronyme, comme auparavant celle de Léon l'Isaurien, le poursuivit-elle de ses vexations ; d'autant qu'il ne craignait pas de relever l'orgueilleuse prétention de ces empereurs s'estimant maîtres dans les choses de la foi, et s'y posant en juges suprêmes.
Combien, tant en prose qu'en vers, Jean composa d'ouvrages pour cette cause de la foi et pour nourrir la piété des peuples, c'est ce qu'on doit certes admirer, comme fit le second concile de Nicée qui l'honora des plus grandes louanges, comme l'atteste aussi ce nom de Chrysorrhoès qui lui fut donné pour signifier les flots d'or de ses discours. Ce ne fut pas seulement, en effet, contre les Iconoclastes qu'il défendit l'orthodoxie ; mais presque tous les hérétiques eurent à subir ses coups, spécialement les Acéphales, les Monothélites, ceux qui prétendent que dans le Christ la divinité a souffert.
Il vengea noblement les droits et la puissance de l'Eglise, affirma éloquemment la primauté du Prince des Apôtres, qu'il nomme maintes fois le soutien des églises, la pierre infrangible, le maître et le guide de l'univers. Or ses ouvrages sans exception ne brillent pas seulement par la doctrine et la science ; on y trouve le parfum d'une dévotion touchante, surtout lorsqu'il célèbre les louanges de la Mère de Dieu, pour laquelle excellaient son culte et son amour.
Entre toutes ces gloires, la moindre pour Jean n'est pas d'avoir le premier ramené l'ensemble de la théologie à un ordre logique, et aplani la voie dans laquelle saint Thomas devait traiter de la science sacrée avec une si admirable méthode. Enfin, plein de mérites et chargé d’années, consommé en sainteté, il se reposa dans la paix du Christ vers l'an sept cent cinquante quatre. Le Souverain Pontife Léon XIII a accordé à toute l'Eglise d'en célébrer l'Office et la Messe sous le titre de Docteur.
" C'est légitimement, déclare le deuxième concile de Nicée, qu'on place dans les églises, en fresques, en tableaux, sur les vêtements, les vases sacrés, comme dans les maisons ou dans les rues, les images soit de couleur, soit de mosaïque ou d'autre matière convenable, représentant notre Seigneur et Sauveur Jésus-Christ, notre très pure Dame la sainte Mère de Dieu, les Anges et tous les Saints ; de telle sorte qu'il soit permis de faire fumer l'encens devant elles et de les entourer de lumières (Concil. Nic. Il, sess. VII.). Non, sans doute, reprennent contre les Protestants les Pères de Trente, qu'on doive croire qu'elles renferment une divinité ou une vertu propre, ou que l'on doive pincer sa confiance dans l'image même comme autrefois les païens dans leurs idoles ; mais, l’honneur qui leur est rendu se référant au prototype (Cette formule, où se trouve exprimée la vraie base théologique du culte des images, est empruntée par le concile de Trente au second de Nicée, qui lui-même l'a tirée textuellement de saint Jean Damascène : De fide orthodoxa, IV, XVI.), c'est le Christ à qui vont par elles nos adorations, ce sont les Saints que nous vénérons dans les traits qu'elles nous retracent d'eux." (Concil. Trident., sess. XXV.).
On n'a point oublié que les Grecs célèbrent au premier dimanche de Carême une de leurs plus grandes solennités : la fête de l'Orthodoxie. La nouvelle Rome, montrant bien qu'elle ne partageait aucunement l'indéfectibilité de l'ancienne, avait parcouru tout le cycle des hérésies concernant le dogme du Dieu fait chair. Après avoir rejeté successivement la consubstantialité du Verbe, l'unité de personne en l'Homme-Dieu, l'intégrité de sa double nature, il semblait qu'aucune négation n'eût échappé à la sagacité de ses empereurs et de ses patriarches. Un complément pourtant des erreurs passées manquait encore au trésor doctrinal de Byzance.
Il restait à proscrire ici-bas les images de ce Christ qu'on ne parvenait pas à diminuer sur son trône du ciel ; en attendant qu'impuissante à l'atteindre même dans ces représentations figurées, l'hérésie laissât la place au schisme pour arriver à secouer du moins le joug de son Vicaire en terre : dernier reniement, qui achèvera de creuser pour Constantinople la tombe que le Croissant doit sceller un jour.
L'hérésie des Iconoclastes ou briseurs d'images marquant donc, sur le terrain de la foi au Fils de Dieu, la dernière évolution des erreurs orientales, il était juste que la fête destinée à rappeler le rétablissement de ces images saintes s'honorât, en effet, du glorieux nom de fête de l'Orthodoxie ; car en célébrant le dernier des coups portés au dogmatisme byzantin, elle rappelle tous ceux qu'il reçut dans les Conciles, depuis le premier de Nicée jusqu'au deuxième du même nom, septième œcuménique. Aussi était-ce une particularité de ladite solennité, qu'en présence de la croix et des images exaltées dans une pompe triomphale, l'empereur lui-même se tenant debout à son trône, on renouvelât à Sainte-Sophie tous les anathèmes formulés en divers temps contre les adversaires de la vérité révélée.
Satan, du reste, l'ennemi du Verbe, avait bien montré qu'après toutes ses défaites antérieures, il voyait dans la doctrine iconoclaste son dernier rempart. Il n'est pas d'hérésie qui ait multiplié à ce point en Orient les martyrs et les ruines. Pour la défendre, Néron et Dioclétien semblèrent revivre dans les césars baptisés Léon l'Isaurien, Constantin Copronyme, Léon l'Arménien, Michel le Bègue et son fils Théophile. Les édits de persécution, publiés pour protéger les idoles autrefois, reparurent pour en finir avec l'idolâtrie dont l'Eglise, disait-on, restait souillée.
Vainement, dès l'abord, saint Germain de Constantinople rappela-t-il au théologien couronné sorti des pâturages de l'Isaurie, que les chrétiens n'adorent pas les images, mais les honorent d'un culte relatif se rapportant à la personne des Saints qu'elles représentent. L'exil du patriarche fut la réponse du césar pontife.
Saint Jean Damascène. Couvent Saint-Simplice.
La soldatesque, chargée d'exécuter les volontés du prince, se rua au pillage des églises et des maisons des particuliers. De toutes parts, les statues vénérées tombèrent sous le marteau des démolisseurs. On recouvrit de chaux les fresques murales ; on lacéra, on mit en pièces les vêtements sacrés, les vases de l'autel, pour en faire disparaître les émaux historiés, les broderies imagées. Tandis que le bûcher des places publiques consumait les chefs-d'œuvre dans la contemplation desquels la piété des peuples s'était nourrie, l'artiste assez osé pour continuer de reproduire les traits du Seigneur, de Marie ou des Saints, passait lui-même par le feu et toutes les tortures, en compagnie des fidèles dont le crime était de ne pas retenir l'expression de leurs sentiments à la vue de telles destructions. Bientôt, hélas ! dans le bercail désolé, la terreur régna en maîtresse ; courbant la tête sous l'ouragan, les chefs du troupeau se prêtèrent à de lamentables compromissions.
C'est alors qu'on vit la noble lignée de saint Basile, moines et vierges consacrées, se levant tout entière, tenir tête aux tyrans. Au prix de l'exil, de l'horreur des cachots, de la mort par la faim, sous le fouet, dans les flots, de l'extermination par le glaive, ce fut elle qui sauva les traditions de l'art antique et la foi des aïeux. Vraiment apparut-elle, à cette heure de l'histoire, personnifiée dans ce saint moine et peintre du nom de Lazare qui, tenté par flatterie et menaces, puis torturé, mis aux fers, et enfin, récidiviste sublime, les mains brûlées par des lames ardentes, n'en continua pas moins, pour l'amour des Saints, pour ses frères et pour Dieu, d'exercer son art, et survécut aux persécuteurs.
Alors aussi s'affirma définitivement l'indépendance temporelle des Pontifes romains, lorsque l’Isaurien menaçant de venir jusque dans Rome briser la statue de saint Pierre, l'Italie s'arma pour interdire ses rivages aux barbares nouveaux, défendre les trésors de ses basiliques, et soustraire le Vicaire de l'Homme-Dieu au reste de suzeraineté que Byzance s'attribuait encore.
Glorieuse période de cent vingt années, comprenant la suite des grands Papes qui s'étend de saint Grégoire II à saint Pascal Ier, et dont les deux points extrêmes sont illustrés en Orient par les noms de Théodore Studite, préparant dans son indomptable fermeté le triomphe final, de Jean Damascène qui, au début, signifia l'orage. Jusqu'à nos temps, il était à regretter qu'une époque dont les souvenirs saints remplissent les fastes liturgiques des Grecs, ne fût représentée par aucune fête au calendrier des Eglises latines. Sous le règne du Souverain Pontife Léon XIII, cette lacune a été comblée ; depuis l'année 1892, Jean Damascène, l'ancien vizir, le protégé de Marie, le moine à qui sa doctrine éminente valut le nom de fleuve d'or, rappelle au cycle de l'Occident l'héroïque lutte où l'Orient mérita magnifiquement de l'Eglise et du monde.
L'image est le livre de ceux qui ne savent pas lire ; souvent les lettrés mêmes profitent plus dans la vue rapide d'un tableau éloquent, qu'ils ne feraient dans la lecture prolongée de nombreux volumes (lbid. Comment, in Basil.). L'artiste chrétien, dans ses travaux, fait acte en même temps de religion et d'apostolat ; aussi ne doit-on pas s'étonner des soulèvements qu'à toutes les époques troublées la haine de l'enfer suscite pour détruire ses œuvres.
Avec vous, qui compreniez si bien le motif de cette haine, nous dirons donc :
" Arrière, Satan et ton envie, qui ne peut souffrir de nous laisser voir l'image de notre Seigneur et nous sanctifier dans cette vue ; tu ne veux pas que nous contemplions ses souffrances salutaires, que nous admirions sa condescendance, que nous ayons le spectacle de ses miracles pour en prendre occasion de connaître et de louer la puissance de sa divinité. Envieux des Saints et des honneurs qu'ils tiennent de Dieu, tu ne veux pas que nous ayons sous les yeux leur gloire, de crainte que cette vue ne nous excite à imiter leur courage et leur foi ; tu ne supportes pas le secours qui provient à nos corps et à nos âmes de la confiance que nous mettons en eux. Nous ne te suivrons point, démon jaloux, ennemi des hommes." (De Imaginibus, III, 3.).
Soyez bien plutôt notre guide, Ô vous que la science sacrée salue comme un de ses premiers ordonnateurs. Connaître, disiez-vous, est de tous les biens le plus précieux (Dialectica, I.). Et vous ambitionnez toujours d'amener les intelligences au seul maître exempt de mensonge, au Christ, force et sagesse de Dieu : pour qu'écoutant sa voix dans l'Ecriture, elles aient la vraie science de toutes choses ; pour qu'excluant toutes ténèbres du cœur comme de l'esprit, elles ne s'arrêtent point à la porte extérieure de la vérité, mais parviennent à l'intérieur de la chambre nuptiale (Ibid.).
Un jour, Ô Jean, Marie elle-même prédit ce que seraient votre doctrine et vos œuvres ; apparaissant à ce guide de vos premiers pas monastiques auquel vous obéissiez comme à Dieu, elle lui dit :
" Permets que la source coule, la source aux eaux limpides et suaves, dont l'abondance parcourra l'univers, dont l'excellence désaltérera les âmes avides de science et de pureté, dont la puissance refoulera les flots de l'hérésie et les changera en merveilleuse douceur."
Et la souveraine des célestes harmonies ajoutait que vous aviez aussi reçu la cithare prophétique et le psaltérion, pour chanter des cantiques nouveaux au Seigneur notre Dieu, des hymnes émules de ceux des Chérubins (Joan. Hierosolymit. Vita J. Damasceni, XXXI.). Car les filles de Jérusalem, qui sont les Eglises chantant la mort du Christ et sa résurrection (Ibid.), devaient avoir en vous l'un de leurs chefs de chœurs. Des fêtes de l'exil, de la Pâque du temps, conduisez-nous par la mer Rouge et le désert à la fête éternelle, où toute image d'ici-bas s'efface devant les réalités des cieux, où toute science s'évanouit dans la claire vision, où préside Marie, votre inspiratrice aimée, votre reine et la nôtre."
mercredi, 27 mars 2024 | Lien permanent | Commentaires (2)
25 mars 2023. L’Annonciation de la sainte Vierge Marie et l’Incarnation de Notre Seigneur Jésus-Christ.
- L’Annonciation de la sainte Vierge Marie et l’Incarnation de Notre Seigneur Jésus-Christ.
" Ipsa tenente, non corruis ; protogente, non metuis ; propitia pervenis."
" Soutenu par Marie, on ne tombe pas ; protégé par Marie, on ne craint pas ; aidé par Marie, on arrive au port."
Saint Bernard de Clairvaux.
Maître du retable des Rois Catholiques. Flandres. XVe.
Albrecht Bouts. Flandres. XVIe.
Annonciation avec Louis XII et Anne de Bretagne.
Maître du tryptique de Louis XII. XVIe.
" Pourquoi, dit l'esprit maudit à la première femme, pourquoi Dieu vous a-t-il commandé de ne pas manger du fruit de tous les arbres de ce jardin ?"
On sent déjà dans cette demande impatiente la provocation au mal, le mépris, la haine envers la faible créature dans laquelle Satan poursuit l'image de Dieu.
Voyez au contraire l'ange de lumière avec quelle douceur, quelle paix, il approche de la nouvelle Eve ! Avec quel respect il s'incline devant cette fille des hommes !
" Salut, Ô pleine de grâce ! Le Seigneur est avec vous ; vous êtes bénie entre les femmes."
Qui ne reconnaît l'accent céleste dans ces paroles où tout respire la dignité et la paix !
Giovanni di Paolo di Grazia. XVe.
La femme d'Eden, dans son imprudence, écoute la voix du séducteur ; elle s'empresse de répondre. Sa curiosité l'engage dans une conversation avec celui qui l'invite à scruter les décrets de Dieu. Elle n'a pas de défiance à l'égard du serpent qui lui parle, tout à l'heure, elle se défiera de Dieu même.
Marie a entendu les paroles de Gabriel ; mais cette Vierge très prudente, comme parle l'Eglise, demeure dans le silence. Elle se demande d'où peuvent venir ces éloges dont elle est l'objet. La plus pure, la plus humble des vierges craint la flatterie; et l'envoyé céleste n'obtiendra pas d'elle une parole qu'il n'ait éclairci sa mission par la suite de son discours :
" Ne craignez pas, Ô Marie, dit-il à la nouvelle Eve : car vous avez trouvé grâce devant le Seigneur. Voici que vous concevrez et enfanterez un fils, et vous l'appellerez Jésus. Il sera grand, et il sera appelé le Fils du Très-Haut ; et le Seigneur lui donnera le trône de David son père ; il régnera sur la maison de Jacob à jamais, et son règne n'aura pas de fin."
Quelles magnifiques promesses descendues du ciel, de la part de Dieu ! Quel objet plus digne de la noble ambition d'une fille de Juda, qui sait de quelle gloire doit être entourée l'heureuse mère du Messie ? Cependant, Marie n'est pas tentée par tant d'honneur. Elle a pour jamais consacré sa virginité au Seigneur, afin de lui être plus étroitement unie par l'amour ; la destinée la plus glorieuse qu'elle ne pourrait obtenir qu'en violant ce pacte sacré, ne saurait émouvoir son âme. " Comment cela pourrait-il se faire, répond-elle à l'Ange, puisque je ne connais pas d'homme ?"
Johann Koerbecke. XVe.
Telle se montre cette femme qui nous a perdus ; mais combien différente nous apparaît cette autre femme qui devait nous sauver ! La première, cruelle à sa postérité, se préoccupe uniquement d'elle-même; la seconde s'oublie, pour ne songer qu'aux droits de Dieu sur elle. L'Ange, ravi de cette sublime fidélité, achève de lui dévoiler le plan divin :
" L'Esprit-Saint, lui dit-il, surviendra en vous ; la Vertu du Très-Haut vous couvrira de son ombre ; et c'est pour cela que ce qui naîtra de vous sera appelé le Fils de Dieu. Elisabeth votre cousine a conçu un fils, malgré sa vieillesse ; celle qui fut stérile est arrivée déjà à son sixième mois : car rien n'est impossible à Dieu."
L'Ange arrête ici son discours, et il attend dans le silence la résolution de la vierge de Nazareth.
Lorenzo d'Andrea d'Oderigo. XVe.
Mais détournons nos yeux de ce triste spectacle, et revenons à Nazareth. Marie a recueilli les dernières paroles de l'Ange ; la volonté du ciel est manifeste pour elle. Cette volonté lui est glorieuse et fortunée : elle l'assure que l'ineffable bonheur de se sentir Mère d'un Dieu lui est réservé, à elle humble tille de l'homme, et que la fleur de virginité lui sera conservée. En présence de cette volonté souveraine, Marie s'incline dans une parfaite obéissance, et dit au céleste envoyé : " Voici la servante du Seigneur ; qu'il me soit fait selon votre parole ".
Maître de la Vie de Marie. Allemagne. XVe.
Jamais défaite ne fut plus humiliante et plus complète que celle de Satan, en ce jour Le pied de la femme, de cette humble créature qui lui offrit une victoire si facile, ce pied vainqueur, il le sent maintenant peser de tout son poids sur sa tête orgueilleuse qui en est brisée. Eve se relève dans son heureuse fille pour écraser le serpent. Dieu n'a pas choisi l'homme pour cette vengeance : l'humiliation de Satan n'eût pas été assez profonde. C'est la première proie de l'enfer, sa victime la plus faible, la plus désarmée, que le Seigneur dirige contre cet ennemi. Pour prix d'un si haut triomphe, une femme dominera désormais non seulement sur les anges rebelles, mais sur toute la race humaine ; bien plus, sur toutes les hiérarchies des Esprits célestes. Du haut de son trône sublime, Marie Mère de Dieu plane au-dessus de toute la création. Au fond des abîmes infernaux Satan rugira d'un désespoir éternel, en songeant au malheur qu'il eut de diriger ses premières attaques contre un être fragile et crédule que Dieu a si magnifiquement vengé ; et dans les hauteurs du ciel, les Chérubins et les Séraphins lèveront timidement leurs regards éblouis vers Marie, ambitionneront son sourire, et se feront gloire d'exécuter les moindres désirs de cette femme, la Mère du grand Dieu et la sœur des hommes.
Maître de Moulins. XVe.
" La race des forts avait disparu d'Israël, jusqu'au jour où s'éleva Debbora, où parut celle qui est la mère dans Israël. Le Seigneur a inauguré un nouveau genre de combat ; il a forcé les portes de son ennemi." (Judic. V, 7, 8.).
Prêtons l'oreille, et entendons encore, à travers les siècles, cette autre femme victorieuse, Judith. Elle chante à son tour :
" Célébrez le Seigneur notre Dieu, qui n'abandonne pas ceux qui espèrent en lui. C'est en moi, sa servante, qu'il a accompli la miséricorde promise à la maison d'Israël ; c'est par ma main qu'il a immolé, cette nuit même, l'ennemi de son peuple. Le Seigneur tout-puissant a frappé cet ennemi ; il l'a livré aux mains d'une femme, et il l'a percé de son glaive." (Judith, XIII, 17, 18, XVI, 7.).
L'Incarnation. Gérard David. XVIe.
La sainte Eglise emprunte la plus grande partie des chants du Sacrifice au sublime épithalame dans lequel le Roi-Prophète célèbre l'union de l'Epoux et de l'Epouse.
EPÎTRE
Lecture du Prophète Isaïe. Chap. VII.
lundi, 25 mars 2024 | Lien permanent | Commentaires (1)
28 mars. Saint Jean de Capistran, général de l'Ordre des Frères Mineurs, légat du Saint-Siège. 1456.
- Saint Jean de Capistran, général de l'Ordre des Frères Mineurs, légat du Saint-Siège. 1456.
Pape : Callixte III. Empereurs : Frédéric III.
" Si Dieu ne se proposait de mettre en possession de son héritage ceux qui sont éprouvés, Il ne prendrait pas soin de les former par la tribulation."
Saint Antonin de Florence.
Saint Jean de Capistran. Bartolomeo Vivarini. XVe.
Plus l’Eglise semble approcher du terme de ses destinées, plus aussi l’on dirait qu’elle aime à s’enrichir de fêtes nouvelles rappelant le glorieux passé. C'est qu'en tout temps du reste, un des buis du Cycle sacré est de maintenir en nous le souvenir des bienfaits du Seigneur. " Ayez mémoire des anciens jours, considérez l'histoire des générations successives ", disait déjà Dieu sous l'alliance du Sinaï (Deut. XXXII, 7.) ; et c'était une loi en Jacob, que les pères rissent connaître à leurs descendants, pour qu'eux-mêmes les transmissent à la postérité, les récits antiques (Psalm. LXXVII, 5.). Plus qu'Israël qu'elle a remplacé, l'Eglise a ses annales remplies des manifestations de la puissance de l'Epoux ; mieux que la descendance de Juda, les fils de la nouvelle Sion peuvent dire, en contemplant la série des siècles écoulés : " Vous êtes mon Roi, vous êtes mon Dieu, vous qui toujours sauvez Jacob !" (Psalm. XLIII, 5.).
Tandis que s'achevait en Orient la défaite des Iconoclastes, une guerre plus terrible, où l'Occident devait lutter lui-même pour la civilisation et pour l'Homme-Dieu, commençait à peine. Comme un torrent soudain grossi, l'Islam avait précipité de l'Asie jusqu'au centre des Gaules ses flots impurs ; pied à pied, durant mille années, il allait disputer le sol occupé par les races latines au Christ et à son Eglise. Les glorieuses expéditions des XIIe et XIIIe siècles, en l'attaquant au centre même de sa puissance, ne firent que l'immobiliser un temps. Sauf sur la terre des Espagnes, où le combat ne devait finir qu'avec le triomphe absolu de la Croix, on vit les princes, oublieux des traditions de Charlemagne et de saint Louis, délaisser pour les conflits de leurs ambitions privées la guerre sainte, et bientôt le Croissant, défiant à nouveau la chrétienté, reprendre ses projets de conquête universelle.
En 1453, Byzance, la capitale de l'empire d'Orient, tombait sous l'assaut des
janissaires turcs ; trois ans après, Mahomet II son vainqueur investissait Belgrade, le boulevard de l'empire d'Occident. Il eût semblé que l'Europe entière ne pouvait manquer d'accourir au secours de la place assiégée. Car cette dernière digue forcée, c'était la dévastation immédiate pour la Hongrie, l'Autriche et l'Italie ; pour tous les peuples du septentrion et du couchant, c'était à bref délai la servitude de mort où gisait cet Orient d'où nous est venue la vie, l'irrémédiable stérilité du sol et des intelligences dont la Grèce, si brillante autrefois, reste encore aujourd'hui frappée.
Saint Jean de Capestran. Gaetano Lapis. XVIIIe.
Or toutefois, l'imminence du danger n'avait eu pour résultat que d'accentuer la division lamentable qui livrait le monde chrétien à la merci de quelques milliers d'infidèles. On eût dit que la perte d'autrui dût être pour plusieurs une compensation à leur propre ruine ; d'autant qu'à cette ruine plus d'un ne désespérait pas d'obtenir délai ou dédommagement, au prix de la désertion de son poste de combat. Seule, à rencontre de ces égoïsmes, au milieu des perfidies qui se tramaient dans l'ombre ou déjà s'affichaient publiquement, la papauté ne s'abandonna pas. Vraiment catholique dans ses pensées, dans ses travaux, dans ses angoisses comme dans ses joies et ses triomphes, elle prit en mains la cause commune trahie par les rois. Econduite dans ses appels aux puissants, elle se tourna vers les humbles, et plus confiante dans sa prière au Dieu des armées que dans la science des combats, recruta parmi eux les soldats de la délivrance.
C'est alors que le héros de ce jour, saint Jean de Capistran, depuis longtemps déjà redoutable à l'enfer, consomma du même coup sa gloire et sa sainteté. A la tête d'autres pauvres de bonne volonté, paysans, inconnus, rassemblés par lui et ses Frères de l'Observance, le pauvre du Christ ne désespéra pas de triompher de l'armée la plus forte, la mieux commandée qu'on eût vue depuis longtemps sous le ciel. Une première fois, le 14 juillet 1456, rompant les lignes ottomanes en la compagnie de Jean Hunyade, le seul des nobles hongrois qui eût voulu partager son sort, il s'était jeté dans Belgrade et l'avait ravitaillée. Huit jours plus tard, le 22 juillet, ne souffrant pas de s'en tenir à la défensive, sous les yeux d'Hunyade stupéfié par cette stratégie nouvelle, il lançait sur les retranchements ennemis sa troupe armée de fléaux et de fourches, ne lui donnant pour consigne que de crier le nom de Jésus à tous les échos.
C'était le mot d'ordre de victoire que saint Jean de Capistran avait hérité de Bernardin de Sienne son maître :
" Que l'adversaire mette sa confiance dans les chevaux et les chars ; pour nous, nous invoquerons le Nom du Seigneur." (Psalm. XIX, 8.).
Et en effet, le Nom toujours " saint et terrible " (Psalm. CX, 9.) sauvait encore son peuple. Au soir de cette mémorable journée, vingt-quatre mille Turcs jonchaient le sol de leurs cadavres ; trois cents canons, toutes les armes, toutes les richesses des infidèles étaient aux mains des chrétiens ; Mahomet II, blessé, précipitant sa fuite, allait au loin cacher sa honte et les débris de son armée.
Ce fut le 6 août que parvint à Rome la nouvelle d'une victoire qui rappelait celle de Gédéon sur Madian (Judic. VII.). Le Souverain Pontife, Callixte III, statua que désormais toute l'Eglise fêterait ce jour-là solennellement la glorieuse Transfiguration du Seigneur. Car en ce qui était des soldats de la Croix, " ce n'était pas leur glaive qui avait délivré la terre, ce n'était pas leur bras qui les avait sauvés, mais bien votre droite et la puissance de votre bras à vous, Ô Dieu, et le resplendissement de votre visage, parce que vous vous étiez complu en eux " (Psalm. XLIII , 4.), " comme au Thabor en votre Fils bien-aimé " (Matth. XVII, 5.).
Saint Jean naquit à Capestrano dans les Abruzzes. Envoyé pour ses études à Pérouse, il profita grandement dans les sciences chrétiennes et libérales Sa connaissance éminente du droit le fit appeler par le roi de Naples Ladislas au gouvernement de plusieurs villes. Or, tandis qu'il s'en acquittait saintement et s'efforçait dans des temps troublés de ramener la paix, lui-même est jeté dans les fers. Délivré miraculeusement, il embrasse la règle de saint François d'Assise parmi les Frères Mineurs. Dans les lettres divines il eut pour maître saint Bernardin de Sienne, dont il devint le parfait imitateur pour la vertu, pour la propagation surtout du culte du très saint nom de Jésus et delà Mère de Dieu. Il refusa l'évêché d'Aquila. Son austérité, ses nombreux écrits pour la réforme des moeurs le rendirent célèbre.
Tout adonné à la prédication de la parole de Dieu, il parcourut en s'acquittant de cet office l'Italie presque entière, ramenant d'innombrables âmes dans les voies du salut par la force de son éloquence et ses miracles répétés. Martin V l'établit inquisiteur pour l'extinction de la secte des Fratricelles.
Nommé par Nicolas V inquisiteur général en Italie contre les Juifs et les Sarrasins, il en convertit un grand nombre à la foi du Christ. En Orient, il fut le promoteur de beaucoup d'excellentes mesures ; au concile de Florence, où on le vit briller comme un soleil, il rendit à l'Eglise catholique les Arméniens. Sur la demande de l'empereur Frédéric III, le même Nicolas V l'envoya comme nonce du Siège apostolique en Allemagne, pour qu'il y rappelât les hérétiques à la foi véritable et l’esprit des princes à la concorde. Un ministère de six années en ce pays et dans d'autres provinces lui permit d'accroître merveilleusement la gloire de Dieu, amenant sans nombre au sein de l'Eglise, par la vérité de la doctrine et l'éclat des miracles, Hussites, Adamites, Thaborites et Juifs.
Saint Bernardin de Sienne et saint Jean de Capestran.
Callixte III ayant résolu, principalement à sa prière, de promouvoir la croisade, Jean parcourut sans repos la Hongrie et d'autres contrées, excitant par lettres ou discours les princes à la guerre, enrôlant dans un court espace de temps soixante-dix mille chrétiens. C'est surtout à sa prudence, à son courage, qu'est due la victoire de Belgrade, où cent vingt mille Turcs furent partie massacrés, partie mis en fuite. La nouvelle de cette victoire étant arrivée à Rome le huit des ides d'août, Callixte III, en perpétuelle mémoire, consacra ce jour en y fixant la solennité de la Transfiguration du Seigneur. Atteint d'une maladie mortelle, Jean fut transporté à Illok, où plusieurs princes étant venus le visiter, il les exhorta à la défense de la religion, et rendit saintement à Dieu son âme.
On était en l'année du salut mil quatre cent cinquante-six. Dieu confirma sa gloire après sa mort par beaucoup de miracles, lesquels ayant été prouvés juridiquement, Alexandre VIII le mit au nombre des Saints l'an mil six cent quatre-vingt-dix. Au second centenaire de sa canonisation, Léon XIII a étendu son Office et sa Messe à toute l'Eglise.
Statue de saint Jean de Capestran à la gloire de la défense de la
PRIERE
" Le Seigneur est avec vous, Ô le plus fort des hommes ! Allez dans cette force qui est la vôtre, et délivrez Israël, et triomphez de Madian : " sachez que c'est moi qui vous ai envoyé " (Judic. VI.). Ainsi l'Ange du Seigneur saluait Gédéon, quand il le choisissait pour ses hautes destinées parmi les moindres de son peuple ! Ainsi pouvons-nous, la victoire remportée, vous saluer à notre tour, Ô fils de François d'Assise, en vous priant de nous aide toujours. L'ennemi que vous avez vaincu sur les champs de bataille n'est plus à redouter pour notre Occident ; le péril est bien plutôt où Moïse le signalait pour son peuple après la délivrance, quand il disait :
" Prenez garde d'oublier le Seigneur votre Dieu, de peur qu'après avoir écarté la famine, bâti de belles maisons, multiplié vos troupeaux, votre argent et votre or, goûté l'abondance de toutes choses, votre coeur ne s'élève et ne se souvienne plus de Celui qui vous a sauvés de la servitude." (Deut. VIII, 11-14.).
Si, en effet, le Turc l'eût emporté, dans la lutte dont vous fûtes le héros, où serait cette civilisation dont nous sommes si fiers ? Après vous, plus d'une fois, l'Eglise dut assumer sur elle à nouveau l'œuvre de défense sociale que les chefs des nations ne comprenaient plus. Puisse la reconnaissance qui lui est due préserver les fils de la Mère commune de ce mal de l'oubli qui est le fléau de la génération présente ! Aussi remercions-nous le ciel du grand souvenir dont resplendit par vous en ce jour le Cycle sacré, mémorial des bontés du Seigneur et des hauts faits des Saints. Faites qu'en la guerre dont chacun de nous reste le champ de bataille, le nom de Jésus ne cesse jamais de tenir en échec le démon, le monde et la chair ; faites que sa Croix soit notre étendard, et que par elle nous arrivions, en mourant à nous-mêmes, au triomphe de sa résurrection."
jeudi, 28 mars 2024 | Lien permanent | Commentaires (1)
30 mars. Saint Rieul, évêque d'Arles et de Senlis. 130.
- Saint Rieul, évêque d'Arles et de Senlis. 130.
Pape : Saint Télesphore. Empereur : Adrien.
" Voici tes miracles que feront ceux qui croiront en moi en mon nom, ils chasseront les démons ; il parleront des langues nouvelles ; ils prendront des serpents avec la main sans éprouver leur morsure ; s'ils boivent quelque breuvage mortel, il ne leur nuira pas ils imposeront les mains sur les malades, et les malades seront guéris."
Marc, XVI, 17, 18.
Saint Rieul. Thomas Couture. XIXe.
Nous ne pouvons commencer la vie de ce saint Evêque, sans déplorer un grand incendie arrivé à Senlis, dans le IXe siècle, lequel, en consumant l'église cathédrale et ses archives, nous a ravi les principaux mémoires d'où nous aurions pu apprendre ses plus belles actions. Cependant, ce qui nous doit consoler, c'est que, peu de temps après, quelques personnes zélées pour son honneur, et voulant suppléer à une si grande perte, firent une diligente recherche de toutes les chartes et pièces authentiques qui se purent trouver en d'autres endroits touchant sa naissance, sa conversion, sa mission, son épiscopat et les autres circonstances de sa vie, et, sur ces actes, ont composé toute son histoire, qui est venue jusqu'à nous. On la retrouve dans Vincent de Beauvais, dans saint Antonin et dans les continuateurs de Bollandus nous en tirerons l'abrégé que nous allons insérer dans ce recueil.
Saint Rieul était originaire d'Argos, ville de Grèce, et d'une famille très considérable. Etant en âge de choisir un état, il entendit parler des merveilles que faisait, à Ephèse, le disciple bien-aimé de Jésus, saint Jean l'Evangéliste il l'y alla trouver, et fut tellement ravi de sa sainteté et de sa doctrine, qu'il renonça à l'idolâtrie, dont il avait fait profession jusqu'alors, embrassa le christianisme, reçut de lui le saint baptême, et, ayant fait un tour en son pays, pour y distribuer aux pauvres des biens immenses qu'il avait hérités de ses parents, s'attacha ensuite inviolablement à sa personne, pour l'aider dans la conversion des infidèles et l'établissement de la religion chrétienne. Le saint apôtre, admirant de plus en plus la vertu de ce généreux néophyte, lui donna rang dans l'Eglise (il y a apparence qu'il le fit prêtre) et l'honora de sa plus grande familiarité.
Sacre de saint Rieul. Vie de saint Denis. XIIIe.
Mais la persécution arracha bientôt le maître au disciple car l'empereur Domitien, qui avait succède à Tite, son frère, ayant été informé des fruits merveilleux que saint Jean produisait dans Ephese contre le culte des faux dieux, se le fit amener à Rome, et, après l'avoir fait plonger dans une chaudière d'huile bouillante, le relégua dans l'île de Pathmos.
Saint Rieul demeura encore quelque temps à Ephèse, pour soutenir et confirmer les catholiques ; mais il apprit que saint Denis l'Aréopagite était passé à Rome, avec le dessein d'aller porter la foi dans les pays où elle n'avait pas encore été portée animé du même zèle et du même désir du salut des infidèles, il le suivit et vint s'offrir à saint Clément, qui occupait depuis peu de temps la chaire de saint Pierre. Ce grand pape les reçut avec une joie extraordinaire ; et, comme il avait un désir extrême de la conversion des Gaules, dont les frontières, du côté de l'Italie et de l'Espagne, avaient seules reçu l'Evangile, il composa une sainte colonie de plusieurs hommes apostoliques pour cette grande expédition. Saint Denis, que sa haute érudition, sa sagesse toute céleste et sa dignité d'évêque d'Athènes rendaient très considérable, en fut déclaré le chef on lui donna Rustique pour diacre et Eleuthère pour sous-diacre, et on lui joignit, pour ses collègues et ses coopérateurs, notre saint Rieul, avec Lucien, Eugène et plusieurs autres, dont nous aurons occasion de parler dans la suite de ce recueil.
Sacre de saint Rieul. Vita et passio beati Dionysii. XIVe.
Un des historiens de saint Rieul le conduit tout d'un coup à Paris et à Senlis ; mais les autres, que l'ancienne tradition des églises de Provence autorise extrêmement, nous apprennent que cette illustre colonie vint d'abord à Arles, où il y avait déjà plusieurs chrétiens que saint Trophime avait convertis et baptisés, en ayant été fait évêque par saint Paul, lorsqu'il y passa avec plusieurs excellents missionnaires pour aller en Espagne. Nos saints prédicateurs furent donc reçus de cette sainte société comme des Anges venus du ciel, et ils en accrurent bientôt le nombre par la force de leurs sermons, de leurs remontrances et de leurs miracles.
Saint Denis renversa même, par la seule invocation du nom de Jésus-Christ, la célèbre idole de Mars, que le peuple adorait ; et s'étant, par ce moyen, rendu maître du temple, il le purifia et le consacra au vrai Dieu en l'honneur des bienheureux apôtres saint Pierre et saint Paul, et fit faire un baptistère pour la régénération de ceux qui se convertiraient. Il n'eût pas été à propos d'abandonner cette église naissante, ni la riche moisson que l'on y pouvait espérer dans la suite; c'est pourquoi le même saint Denis, ayant envoyé quelques-uns de ses autres collègues en diverses provinces des Gaules, consacra saint Rieul éveque, et le laissa à Arles lui, qui était destiné à Paris, poursuivit son chemin et vint y apporter la précieuse semence de l'Evangile.
Saint Rieul quittant Arles. Vita et passio beati Dionysii. XIVe.
Notre nouvel Evêque travailla avec un courage infatigable à défricher le champ qui lui avait été désigné, et il le fit avec tant de succès, qu'il se vit, en peu de temps, à la tête d'une église nombreuse et dont la piété répandait la bonne odeur de Jésus-Christ dans tout le pays. Cependant, le bienheureux Aréopagite et ses deux compagnons ayant été martyrisés à Paris, Rieul en fut averti le même jour d'une manière tout à fait surnaturelle il célébrait les divins mystères devant tout le peuple. Après avoir récité, dans le canon, les noms de saint Pierre et de saint Paul, il ajouta, sans y penser, ceux de ces nouveaux martyrs, disant " et des bienheureux martyrs Denis, Rustique et Eleuthère ", et il vit sur l'autel trois colombes, qui portaient ces noms sacrés imprimés en couleur de sang sur la poitrine. Il communiqua, après la messe, sa vision aux principaux de son clergé, et, ayant commis à un éveque, nommé Félicissime, la charge de l'église d'Arles, il partit aussitôt pour venir chercher leurs reliques à Paris.
Y étant arrivé, sur les avis qu'on lui donna, il alla au village de Châtou et y rencontra heureusement une dame nommée Catulle c'était celle qui avait enlevé les corps des martyrs et les avait enterrés secrètement. Comme il se fit connaître à elle, elle lui déclara toute l'histoire de leur martyre et le mena au lieu où elle les avait ensevelis. Ce fut là que saint Rieul, abandonnant son cœur à la douleur, répandit un torrent de larmes mais il ne pleurait pas tant le supplice de son maître et de ses compagnons, que son propre malheur de ce qu'il n'avait pas eu part à leur triomphe. Il célébra au même lieu le divin sacrifice à leur honneur, et grava sur une pierre le récit de ce qui s'était passé dans le cours de leurs combats. Cependant la pieuse Catulle, désirant être plus parfaitement instruite qu'elle ne l'était des mystères de notre religion, supplia son saint hôte de ne pas sortir si tôt de son logis, puisque, d'ailleurs, la persécution contre les chrétiens n'étant pas encore apaisée, il ne pouvait se produire sans s'exposer inutilement à la mort. Mais trois jours après, le président Fescenninus s'en étant allé sur la nouvelle de la mort de l'empereur Domitien, elle put faire bâtir une chapelle de bois autour des tombeaux des saints martyrs, et saint Rieul la consacra sous leur nom. C'est la chapelle que sainte Geneviève de Paris fit, depuis, rebâtir en pierre, comme nous l'avons déjà marqué dans sa vie.
Saint Rieul exorcisant Catulle et la baptisant.
Vita et passio beati Dionysii. XIVe.
Après avoir fait renaître le courage dans le cœur des fidèles de Paris, dispersés par la tempête, et avoir mis à leur tête le prêtre Malon qu'il sacra évêque, saint Rieul se sentant appelé plus loin, prit le chemin de Senlis, et, passant à Louvres, à six lieues do Paris, il y trouva des paysans qui adoraient l'idole de Mercure. Leur aveuglement lui donna beaucoup de compassion il fit le signe de la croix sur cette idole, la toucha de son bâton, prononça le saint nom de Jésus, et, en même temps, l'idole tomba par terre et fut réduite en poussière. De là il prit sujet d'instruire ces paysans et de leur faire voir que c'était à tort qu'ils rendaient à une créature inanimée, ou à un démon qui s'y montrait, le culte souverain qui n'est dû qu'au seul Dieu créateur du ciel et de la terre et sa parole fut si puissante, qu'elle convertit ces pauvres gens et les porta à demander le saint Baptême.
Ils bâtirent même une chapelle que saint Rieul dédia depuis, et l'on croit que c'est encore celle que l'on voit auprès de la paroisse; quoiqu'on ne puisse douter que, depuis tant de siècles, il ne l'ait fallu réparer plusieurs fois. Elle porte le nom de la sainte Vierge.
Baptême de Catulle. Vie de saint Denis. XIIIe.
Cet heureux succès donna à saint Rieul le courage d'entreprendre la conversion des habitants de Senlis. Il y fut invité par une dame ayant son fils possédé d'un démon furieux, qui le supplia avec beaucoup de larmes de l'en venir délivrer. Ce fut le premier miracle qu'il fit dans cette ville. Ensuite, les portes de la prison s'étant ouvertes à son commandement, et les chaînes des prisonniers s'étant rompues, il les tira de ce lieu de misère et leur donna la liberté ces actions, qui se firent en présence de tout le peuple, furent cause que plusieurs reconnurent la vérité de notre sainte foi, et prièrent le Saint de les baptiser. Le président Quintilien, en étant averti, commanda aux prêtres des idoles de disposer, pour le lendemain, un grand sacrifice, dans le dessein d'obliger Rieul de s'y trouver et d'offrir comme les autres de l'encens aux faux dieux, ou, s'il refusait de le faire, de l'immoler lui-même par de cruels supplices mais saint Denis et ses compagnons, lui apparaissant la nuit, le dissuadèrent d'une résolution si injuste et l'avertirent que, s'il voulait être sauvé, il fallait nécessairement qu'il embrassât la religion que prêchait ce nouveau docteur. Le lendemain, il communiqua sa vision à sa femme, qui, bien loin d'éteindre ces premières étincelles de conversion, les alluma au contraire et les fortifia beaucoup par ses discours, ayant déjà elle-même reçu quelque tçenture de la foi par le moyen de ceux qui avaient assisté aux prédications de saint Denis.
Saint Rieule détruisant les idoles. Vie de saint Denis. XIIIe.
Cependant Rieul se rendit de grand matin au temple, bâti dans l'enceinte des murs de la ville. C'était un édifice somptueux et magnifique où il y avait toutes sortes d'idoles et de figures des divinités païennes. Mais à son arrivée, et aussitôt qu'il eut prononcé le nom adorable de Jésus, toutes ces figures tombèrent par terre et furent brisées. Cet accident mit le trouble et la consternation parmi les sacrificateurs mais durant leur agitation, le Saint, animé du zèle et de la gloire de son Dieu, se mit à prêcher publiquement la fausseté du paganisme et la vérité de l'Evangile et il le fit avec tant d'ardeur et de force, qu'il n'y eut presque personne des assistants qui ne se rendit à ses raisons. Le président arriva là-dessus avec sa femme et toute sa famille, et témoigna qu'il voulait être chrétien ce qui acheva de gagner les principaux habitants que la crainte d'un homme si terrible pouvait beaucoup empêcher de se déclarer. Les sacrificateurs mêmes ne purent résister à une démonstration si évidente de leur erreur aussi, après un jeûne de trois jours, et après que le temple eut été purifié et dédié en l'honneur de la sainte Vierge (c'est encore aujourd'hui la cathédrale où est la chapelle et la célèbre image de Notre-Dame-des-Miracle), il se fit un baptême solennel d'un nombre presque infini de personnes de toutes sortes d'âges, d'états et de conditions.
Cathédrale Notre-Dame. Senlis. Île-de-France.
Saint Rieul fit disposer aussi un cimetière à la porte de la ville, pour la sépulture des fidèles, et y fit construire une église sous les noms de Saint-Pierre et de Saint-Paul. Cette église et ce cimetière portent à présent son nom, et on l'a donné aussi à une fontaine qui est du côté de Compiègne, parce que ce fut lui qui la fit sourdre miraculeusement, après avoir prêché le peuple en pleine campagne.
Saint Rieul prêchant les idolâtres de Senlis.
Vita et passio beati Dionysii. XIVe.
Voilà quels furent les prémices de la conversion du pays de Senlis. Dieu en augmenta les progrès par de grands miracles, que le Saint opéra en diverses rencontres car son histoire nous apprend qu'il rendit la vue à des aveugles, l'ouïe à des sourds, l'usage des pieds à des boiteux et la santé à plusieurs malades. Mais on peut dire que le plus grand de ses miracles était sa vie toute céleste et angélique. Il avait une humilité très-profonde, qu'il appuyait sur ces paroles du Fils de Dieu, dont il ne perdait jamais le souvenir :
" Tous ceux qui s'abaisseront seront élevés, et tous ceux qui s'élèveront seront abaissés."
Consécration de Saint-Denis-de-l'Estrée. Vie de saint Denis. XIIIe.
Son zèle pour la gloire de Dieu n'avait point de bornes, et il n'y avait rien qu'il n'entreprît et qu'il ne fût prêt à souffrir pour rétendre et pour l'augmenter de tous côtés. Sa charité était immense, et elle se répandait sur toutes sortes de malheureux. Nulle adversité n'était capable de l'abattre. Nulle prospérité et nul bon succès n'étaient capables d'enfler son cœur. Sa modestie, jointe à un port majestueux et à une vénérable vieil-lesse, imprimait un si grand respect dans l'esprit de tous ceux qui le regardaient, qu'ils ne pouvaient s'empêcher de l'aimer et de l'honorer.
Tous les auteurs de sa vie rapportent que le clergé et le peuple de Beauvais l'envoyèrent supplier de venir sacrer évêque leur apôtre, saint Lucien, qui était aussi un des missionnaires compagnons de saint Denis mais durant le voyage de leurs députés à Senlis, ce saint apôtre fut mis à mort pour la foi de Jésus-Christ, sans avoir reçu de lui l'imposition des mains. Si cela est, il faut dire que saint Lucien n'est appelé premier évêque de Beauvais, que parce qu'il était élu, nommé et désigné évêque, et, qu'étant envoyé par saint Clément et saint Denis, il avait toute la juridiction épiscopale, comme les ecclésiastiques nommés à un évôché et institués par le Pape l'ont avant leur sacre.
Saint Rieul procédant à la consécration de Saint-Denis-de-l'Estrée.
Vita et passio beati Dionysii. XIVe.
Quoi qu'il en soit, les auteurs ajoutent que la nouvelle de cet illustre martyre, qui fut apportée à saint Rieul à son départ, ne l'empêcha pas de continuer son voyage dans tous les villages qu'il rencontra sur sa route, il prêcha Jésus-Christ avec un merveilleux succès. Non loin de Senlis, il guérit un aveugle, et, en mémoire de ce miracle, on bâtit au même lieu une chapelle, dont on voit encore les vestiges au village de Ruily.
Prêchant en pleine campagne, comme le bruit des grenouilles empêchait qu'on ne l'entendît, il leur défendit à toutes, excepté à une, de croasser tant que durerait son discours, et aussitôt il fut obéi, et il se servit avantageusement de l'obéissance de ces animaux sans raison, pour porter ses auditeurs à obéir au vrai Dieu. A Brenouille, où il rendit la vue à un aveugle, on éleva une église qui, plus tard, fut placée sous son patronage. A Canneville, il éleva un oratoire qu'il dédia à saint Lucien de Beauvais.
Eglise Saint-Rieul. Brénouille. Picardie.
Enfin, après avoir admirablement consolé et fortifié le peuple de Beauvais par sa présence, il retourna à sa première église. Il employa le reste de sa vie à cultiver par ses visites, ses exhortations et ses exemples, la vigne dont il avait la charge. Enfin, ce qui est admirable en un temps où le martyre était presque
samedi, 30 mars 2024 | Lien permanent
31 mars. Saint Nicolas de Flüe, solitaire en Suisse. 1487.
Maxime de saint Nicolas de Flüe.
Saint Nicolas de Flüe. Eglise de Sachseln. Suisse.
Saint Nicolas de Flüe naquit en Suisse, de parents pieux. Un jour, à la vue d'une flèche élancée, sur une montagne voisine, il fut épris du désir du Ciel et de l'amour de la solitude. Il se maria pour obéir à la volonté formelle de ses parents et eut dix enfants. Son mérite et sa vertu le firent choisir par ses concitoyens pour exercer des fonctions publiques fort honorables.
Sa prière habituelle était celle-ci :
" Mon Seigneur et mon Dieu, enlevez de moi tout ce qui m'empêche d'aller à Vous. Mon Seigneur et mon Dieu, donnez-moi tout ce qui peut m'attirer à Vous."
Il avait cinquante ans, quand une voix intérieure lui dit :
" Quitte tout ce que tu aimes, et Dieu prendra soin de toi."
Il eut à soutenir un pénible combat, mais se décida en effet à tout quitter, femme, enfants, maison, domaine, pour servir Dieu. Il s'éloigna, pieds nus, vêtu d'une longue robe de bure, un chapelet à la main, sans argent, sans provision, en jetant un dernier regard tendre et prolongé vers les siens.
Statue de saint Nicolas de Flüe. Sachseln. Suisse.
Une nuit, Dieu le pénétra d'une lumière éclatante, et depuis ce temps, il n'éprouva jamais ni la faim, ni la soif, ni le froid. Ayant trouvé un lieu sauvage et solitaire, il s'y logea dans une hutte de feuillage, puis dans une cabane de pierre. La nouvelle de sa présence s'était répandue bientôt, et il se fit près de lui une grande affluence. Chose incroyable, le saint ermite ne vécut, pendant dix-neuf ans, que de la Sainte Eucharistie ; les autorités civiles et ecclésiastiques, saisies du fait, firent surveiller sa cabane et constatèrent la merveille d'une manière indubitable.
La Suisse, un moment divisée, était menacée dans son indépendance par l'Allemagne. Saint Nicolas de Flüe, vénéré de tous, fut choisi pour arbitre et parla si sagement, que l'union se fit, à la joie commune, et la Suisse fut sauvée. On mit les cloches en branle dans tout le pays, et le concert de jubilation se répercuta à travers les lacs, les montagnes et les vallées, depuis le plus humble hameau jusqu'aux plus grandes villes.
Tombeau-reliquaire de saint Nicolas de Flüe.
J’ai reçu de Dieu en partage un esprit droit ; j’ai été souvent consulté dans les affaires de ma patrie ; j’ai aussi prononcé beaucoup de sentences ; mais, grâce à Dieu, je ne me souviens pas d’avoir agi en quelque chose contre ma conscience. Je n’ai jamais fait acception de personnes et je ne me suis jamais écarté des voies de la justice.»
Rq : On lira avec fruit la notice que les Petits Bollandistes consacrent à notre Saint, l'un des pères de la confédération suisse (T. IV, pp 83 et suiv.) : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k30734t/f89.image
dimanche, 31 mars 2024 | Lien permanent
6 septembre. Saint Zacharie, 11e des 12 petits prophètes. Ve siècle avant Notre Seigneur Jésus-Christ.
Il les exhorta aussi à se convertir au Seigneur et à ne pas imiter l'endurcissement de leurs pères, si souvent châtiés pour n'avoir pas écouté les Prophètes.
Dieu fit voir à Zacharie, dans deux visions différentes, et sous plusieurs figures, la succession des quatre monarchies, savoir des Assyriens, des Chaldéens, des Perses et des Grecs, qui devait se terminer au règne de Jésus-Christ dont il décrit la vie et la passion.
Une controverse, jusqu'ici demeurée sans solution définitive, s'est élevée entre les commentateurs, au sujet d'un texte fameux de l'Evangile où Notre Seigneur s'adresse aux Juifs et qui parait se rapporter à Zacharie :
" Je vous ai envoyé des prophètes, des sages, des docteurs ; vous les avez égorgés. Aussi du sang des justes versé sur la terre depuis l'innocent Abel jusqu'à Zacharie, fils de Barachie, que vous avez tué entre le temple et l'autel, retombera sur vos tètes."
Toutefois la tradition juive ou chrétienne n'a gardé aucun souvenir du meurtre du prophète Zacharie. On peut donc adopter sur ce point le système de saint Epiphane, qui appliquait les paroles de Notre-Seigneur au grand-prêtre Zacharie, mis à mort entre le temple et l'autel, sous le règne de Joas (870-831).
On lit dans l'historien grec Sozomène (Ve s.), que le corps du prophète Zacharie fut trouvé dans le territoire d'Eleuthéropolis, dans un bourg nommé Caphar. Il était intact, vêtu d'une robe blanche, et mis dans un cercueil de plomb, enfermé dans un autre de bois.
On le représente, comme les autres Prophètes, déroulant un cartouche où se lisent les principaux textes de sa prophétie.
On peut voit dans la collection des Bollandistes, au 6 septembre, les arguments que le père Stilting a réunis pour soutenir l'identité du Zacharie dont parle Notre-Seigneur avec le prophète.
Bergier, dans son Dictionnaire de théologie, les a repris en sous-oeuvre et développés avec une nouvelle force.
vendredi, 06 septembre 2024 | Lien permanent
7 septembre. Saint Cloud, prince, moine et prêtre. 560.
Saint Augustin, évêque d'Hippone.
Cette inhumanité fut bientôt sévèrement punie, non-seulement en sa personne, mais aussi en celles de ses propres enfants. Ayant remporté une seconde victoire près de Vienne, en Dauphiné, sur Gondemar, frère de saint Sigismond, comme il poursuivait les fuyards avec ardeur, il s'éloigna trop de ses gens et tomba entre les mains d'une troupe d'ennemis qui le tuèrent, lui coupèrent la tête et la mirent au bout d'une lance pour la faire voir aux Francs.
Après sa mort, ses enfants : Thibault, Gonthaire et Clodoald, (vulgairement Cloud), se trouvèrent sous la conduite de sainte Clotilde, leur grand-mère, qui les éleva chrétiennement et avec le plus grand soin, en attendant qu'ils partageassent les Etats de leur père, gouvernés pendant ce temps par des lieutenants.
Après avoir distribué aux églises et aux pauvres les biens que ses oncles n'avaient pu lui ravir, il se retira auprès d'un saint religieux, nommé Séverin, qui menait une vie solitaire et contemplative dans un ermitage aux portes de Paris. Le jeune prince reçut de ses mains l'habit religieux, et demeura quelque temps en sa compagnie, pour s'y former à toutes les vertus monastiques.
Cependant, ne se croyant pas assez solitaire, ou pour quelques raisons que son histoire ne marque pas, il quitta les environs de Paris et se retira secrètement en Provence, hors de la vue et de l'entretien de toutes les personnes de sa connaissance.
Pendant qu'il se construisait, de ses propres mains, une petite cellule, un pauvre se présenta devant lui et lui demanda l'aumône. Il était lui-même si pauvre, qu'il n'avait ni or, ni argent, ni provisions qu'il pût lui donner ; mais il se dépouilla généreusement de sa propre cuculle et lui en fit présent.
Cet acte de charité fut si agréable à Dieu, que, pour en découvrir le mérite, il rendit la nuit suivante cette cuculle toute lumineuse entre les mains du pauvre qui l'avait reçue. Les habitants des environs furent témoins de ce miracle, et reconnurent par là que saint Cloud était un excellent serviteur du Christ. Ils le vinrent donc trouver pour honorer sa sainteté et pour recevoir ses instructions ; mais leurs trop grandes déférences leur firent perdre un si précieux trésor : car saint Cloud, voyant qu'il n'était pas plus caché en Provence qu'à Paris, s'en retourna dans son premier ermitage.
Peut-être que l'appréhension d'être élevé à la prélature l'avait fait fuir, et que le sujet de sa crainte était passé par l'élection d'un autre à cette dignité.
On admirait en lui le pouvoir de la grâce, qui, d'un prince, ou pour mieux dire d'un roi légitime, avait fait un humble serviteur de la maison de Dieu. On louait hautement son humilité, sa modestie, son détachement des choses du monde, son amour pour la pénitence et sa charité incomparable.
Ce grand homme ne put souffrir longtemps ces honneurs, et, pour les éviter, il se retira sur une montagne, le long de la Seine, à deux lieues au-dessous de Paris, en un lieu que l'on appelait Nogent, mais qui, depuis, a changé de nom pour prendre celui de Saint-Cloud.
Enfin, il y mourut saintement le 7 septembre, vers l'an 560. Sa mort, qu'il avait prédite avant qu'elle arrivât, fut suivie de plusieurs miracles. On enterra son corps dans le même monastère, qui, depuis, a été changé en collégiale. Cette église est aujourd'hui paroissiale, et l'on y garde encore quelques-unes des reliques du Saint.
On peut voir dans toute son histoire, que ce que le monde appelle infortune est souvent le chemin du vrai bonheur, et que Dieu sait admirablement tirer le bien du mal, l'élévation de la plus grande humiliation. Ainsi, la véritable prudence est de s'abandonner entièrement à la conduite de Sa Divine Providence, et d'aimer les états, même les plus bas et les plus humiliés, où il Lui plaît de nous mettre.
On le représente çà et là comme solitaire, agenouillé devant une croix, et la couronne à terre près de lui.
samedi, 07 septembre 2024 | Lien permanent