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7 avril. Le Bienheureux Hermann de Steinfeld, dit Joseph, Prémontré. 1230.

- Le Bienheureux Hermann de Steinfeld, dit Joseph, Prémontré. 1230.

Papes : Grégoire IX. Empereur : Frédéric II.

" A periculis cunctis libera nos semper, Virgo gloriosa et benedicta."
" De tous les dangers, délivrez-nous toujours, Vierge glorieuse et bénie."

Sub tuum praesidium.


Statue de saint Hermann-Joseph. Détail.
Basilique Saint-Hermann-Joseph. Steinfeld.

Le bienheureux Hermann de Steinfeld, dit Joseph, à cause de sa chasteté, eut pour patrie la ville de Cologne. Il y naquit en 1150.

Ses parents étaient de bonne condition et vivaient dans la plus extrême pauvreté après quelque revers de fortune. Il nommèrent leurs fils Hermann qui signidie homme d'arme mais aussi homme d'honneur, comme pour marquer qu'il ferait une guerre continuelle au démon et que les victoires qu'il remporterait lui vaudrait un honneur éternel dans le ciel.

En plus de son inclination précoce pour les sciences, son enfance fut remarquable par une piété vraiment angélique. Il passait de longs moments chaque jour dans les églises, devant l'image de Marie, à laquelle il confiait, ainsi qu'à Son divin Enfant, avec une naïveté charmante, tous ses petits secrets, ses petits chagrins, ses désirs. Il disait souvent, en terminant sa visite :
" Mon cher petit Jésus, je resterais bien avec Vous et avec Votre Sainte Mère ; mais il faut que j'aille à l'école ; bénissez-moi et pensez à moi en attendant mon retour !"

Un jour, il présenta une pomme à la Sainte Vierge, et la statue étendit sa main pour la recevoir. Tout enfant, il jouissait déjà de visions et de révélations célestes, et une fois il passa plusieurs heures dans un pieux entretien avec Jésus et Marie.

C'est pour lui, et à l'occasion d'une oraison, que Notre Dame a composé le Sub tuum praesidium confuginus, Sancta Dei Genitrix ; cette prière aujourd'hui encore si répandue dans l'Eglise catholique.

Dès l'âge de douze ans, Hermann se présenta aux Prémontrés, qui, ravis par la maturité et la douceur de cet humble et si jeune homme, l'acceptèrent dans leur Ordre. Après ses études, il remplit successivement avec régularité et charité les offices de réfectorier et de sacristain.

Les grâces extraordinaires étaient pour lui quotidiennes ; il était sans cesse embaumé de parfums célestes ; Marie lui apparut et mit l'Enfant Jésus dans ses bras. Une autre fois Elle lui fit savoir qu'Elle était très heureuse qu'on lui donnât le surnom de Joseph, qu'il n'osait accepter par humilité. Cette humilité était si parfaite, qu'il se croyait digne de l'anathème éternel, qu'il s'appelait un zéro, une pomme pourrie, un poids inutile sur la terre ; il ne se plaisait qu'à porter des habits usés et des chaussures rapiécées.

Dieu lui envoya des Croix si terribles et des souffrances si aiguës, qu'il devint comme une image vivante de Jésus crucifié. Jamais une plainte ne sortit de sa bouche ; il souffrit tout, le sourire sur son visage ; il ajoutait même à ces Croix des sacrifices volontaires et de terribles mortifications. Son historien (religieux prémontré contemporain de notre Bienheureux, du même monastère, de sorte qu'il le connut intimement, et le premier de soixante-douze biographes selon Pierre de Waghenaer qui composa sa vire en vers et la dédia au pape Alexandre IV), voulant donner une idée de sa charité, dit que " son coeur était comme un hôpital général où tous les affligés et les misérables trouvaient place ".


Tombeau de saint Hermann-Joseph. Basilique de Steinfeld.
Il s'y presse chaque année en ce jour de très nombreux pélerins.

C'est au monastère d'Holfen, de l'Ordre de Cîteaux, où ses supérieurs l'avaient envoyé pour y célébrer les divins Mystères aux religieuses qui y demeuraient, que notre Saint acheva son pélerinage ici-bas, le 7 avril 1230.

Les Prémontrés de Steinfeld obtinrent de l'archevêque de Cologne de lever son corps quelques mois plus tard et de le rapporter avec eux.


Notre Dame reçoit la pomme offerte par saint Hermann-Joseph.
Antonius Van Dick. XVIIe.

Un pieux poëte allemand a donné ces vers touchants sur l'enfance toute sainte de saint Hermann-Joseph :

" Sainte innocence de l'enfance, colombe du Bon Dieu, compagne aimable des anges, le ciel, fermé par le péché, est toujours ouvert pour toi. Sainte innocence de l'enfance, fleur du ciel, oubliée sur la terre, tu es semblable à une rose gracieuse dans un désert, tourmentée par le froid aquilon !


Jeune encore, saint Joseph Hermann s'en allait à l'école avec d'autres enfants, et, comme eux, il aimait à jouer. Mais, en le bien regardant, on voyait déjà que le ciel le désignait à une haute piété. Tel, dans le Temple antique, le rayon matinal perce à traver les vitraux anciens ;

Telle la source d'un grand fleuve jaillit inconnue du creux du rocher ; telle la harpe, riche d'harmonie, sommeille encore entre les bras de l'artiste rêveur. A l'école il avait apprit que Jésus a dit : " L'ornement de la sagessse, ce sont l'amour et l'humilité ".


Il avait entendu parler de l'Agneau divin mort sur la croix, mort pour ceux qui l'ont crucifié. Comme, à l'heure matinale, quand le soleil levant dore la cime des arbres et le sommet des montagnes, les chantres ailés remplissent, de leurs concerts argentins, les monts et les vallées ;


Ainsi la doctrine du Christ avait réveillé dans le coeur de l'enfant des sentiments assoupis, et son âme bientôt ressembla à un paradis céleste. Et, chaque jour, en allant à l'école, il allait d'abord saluer à genoux la Mère divine et son Enfant.


Avec son plus doux sourire, il leur apporte des fleurs, il leuir parle un dous langage, et il invite l'Enfant divin à venir partager ses jeux. Et cela dura ainsi des jours, des semaines, des mois.

Un jour enfin, de grand matin, Joseph aborde l'Enfant Jésus, une pomme à la main, et le sourire sur les lèvres ? Qui n'eût souri aussi en voyant le naïf offrir une pomme à la Sainte Vierge ?

" Bonne Vierge Marie, et vous, mon doux Jésus, prenez, je vous prie, cette pomme que je vous apporte, cette pomme blanche et rouge !"
La statue d'airain n'entendit pas la prière de l'enfant, mais la Sainte Vierge au ciel l'avait entendue.

La Vierge d'airain s'anime, sourit, se penche vers l'enfant, tend son bras, et reçoit le fruit ; puis elle remercie avec un sourire. Et, de ce jour, elle le combla, toute sa vie, de grâces et de faveurs.

Sainte innocence de l'enfance, colombe du Bon Dieu, compagne aimable des anges, pour toi le ciel, fermé par le péché, est toujours ouvert !"

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lundi, 07 avril 2025 | Lien permanent | Commentaires (1)

20 avril. Saint Marcellin, évêque d'Embrun. 374.

- Saint Marcellin d'Embrun, évêque d'Embrun. 374.

Pape : Saint Damase. Empereur romain d'Occident : Valentinien.

" Si le Sauveur a bien voulu prendre sur lui les iniquités de nous tous, pourquoi ne porterai-je pas, pour son amour, le faix que vous m'imposez ?"

Saint Marcellin d'Embrun.

Saint Marcellin d'Embrun. Détail.
Fresque du couvent des Cordeliers. Embrun. Hautes-Alpes. XVe.

Saint Marcellin, que l'on fait passer pour le premier évêque de la ville d'Embrun, dans les Gaules, était né en Afrique. Pieux et illustre, il s'appliqua de bonne heure aux saintes lettres. Sollicité par l'Esprit de Dieu de porter l'Evangile dans les Gaulas, il choisit pour compagnons Vincent et Domnin, et s'étant embarqué à l'insu de ses parents, il arriva heureusement à Rome, sous le pontificat d'Eusèbe et l'empire de Dioclétien. Le Pape approuva le dessein de ces généreux prédicateurs, et les adressa, pour être guidés, à Eusèbe, évêque de Verceil, qui, par un esprit prophétique, leur annonça d'avance tout ce qu'ils auraient à souffrir, et les exhorta fortement à s'acquitter avec courage de leur pénible mission. Ils la commencèrent tout de suite, jetant, sur leur passage, la semence de la foi divine. Ayant franchi les Alpes, ils arrivèrent à Embrun ; l'état de cette chrétienté était alors déplorable, il n'y restait presque plus rien des principes de la vraie religion établis sous le règne de Néron, par les saints Nazaire et Celse.

Saint Marcellin commence par élever un oratoire près de la ville, et c'est là qu'il se prépare, avec ses compagnons, à exécuter son pieux dessein. Dieu donna à la parole de ces prédicateurs tant de force que, le nombre des fidèles croissant chaque jour, il fallut bâtir une église plus grande. On pria Eusèbe de Verceil de venir la consacrer. Ce prélat, assisté d'Emilien, évêque de Valence, imposa les mains à Marcellin, malgré ses résistances, et l'établit évêque d'Embrun. Se trouvant ainsi renfermé dans les bornes d'un diocèse, et désirant néanmoins évangéliser les pays d'alentour, Marcellin envoya, à cet effet, Vincent et Domnin dans la ville de Digne.

Il avait reçu, suivant la promesse de Jésus-Christ, faite à ses disciples, la vertu des miracles, afin de pouvoir confirmer la doctrine qu'il annonçait aux païens.

Vue de la ville archi-épiscopale d'Embrun. Ce siège, fondé par
saint Marcellin, fut supprimé en 1802 et rattaché à celui de Gap.

A l'approche des fêtes de Noël un grand nombre de catéchumènes se préparaient à recevoir la grâce du baptême et comme on se disposait à remplir d'eau l'ancien baptistère où l'on baptisait encore, celui que Marcellin avait fait construire avec la nouvelle église se remplit insensiblement d'eaux vives et limpides. Le miracle dura sept jours, après lesquels les eaux se retirèrent peu à peu comme pour permettre que le miracle pût se renouveler chaque fois qu'il plairait à Dieu de manifester ainsi sa puissance. Les malades qui burent de cette eau furent guéris de leurs infirmités. Le peuple, dans l'admiration et dans la joie la plus vive, fit éclater sa reconnaissance envers le Seigneur, qui bénissait et les travaux de saint Marcellin et les généreux efforts de la ville d'Embrun, en agréant l'édifice qui venait d'être solennellement consacré à sa gloire. Mais la joie ne connut plus de bornes, lorsqu'on vit, au samedi saint de la même année, le prodige éclater de nouveau et durer pareillement sept jours. Il devait en être ainsi pendant plus de cinq cents ans, c'est-à-dire, autant de temps que le monument demeurerait debout. Saint Grégoire de Tours et saint Adon de Vienne attestent ce fait et ce dernier ajoute qu'il se renouvelait encore de son temps.

Ce miracle, joint à tous ceux que Marcellin opérait habituellement sur les malades, les infirmes et les possédés du démon, fit que toute la ville d'Embrun embrassa la foi chrétienne. Il n'y restait plus qu'un seul idolâtre d'un rang distingué voici comment cet homme obstiné se convertit.

Un jour, notre Saint ayant invité plusieurs personnes à sa table, l'infidèle se trouva parmi les convives. Pendant le repas, le pieux évêque lui adressa quelques paroles bienveillantes, et lui dit gracieusement que les chrétiens n'avaient pas coutume de manger avec les gentils, et que, l'apercevant en leur sainte compagnie, il croyait voir dans cette occurrence l'heureux présage de sa conversion prochaine.
" Oh combien je serais heureux, ajouta-t-il avec une bonté touchante, de vous voir suivre l'exemple de vos frères. N'est-il pas étonnant qu'instruit et savant comme vous l'êtes, vous demeuriez seul incrédule au milieu de vos concitoyens ?
- J'ai bien ouï parler, répond cet homme, de divers prodiges qu'on vous attribue, mais je n'en ai pas été témoin ; je ne vous ai vu opérer jusqu'à ce jour rien qui puisse me faire oublier le grand Apollon."

Cathédrale Notre-Dame du Réal. Embrun. Hautes-Alpes. XIIIe.

A ces derniers mots, Dieu permet qu'une coupe en cristal s'échappe des mains de l'échanson, tombe à terre et se brise.
" Ordonnez, dit aussitôt l'infidèle en se tournant d'un air incrédule vers le saint Prélat, ordonnez à cette coupe de revenir en son entier."
Marcellin, gémissant en lui-même de ce défi railleur, conjure Dieu de ne pas endurcir cette âme, mais de la sauver, et plein de cette confiance qui commande au ciel même et à laquelle il obéit, il fait un signe de croix, et aussitôt les éclats du vase brisé se réunissent. Le païen, singulièrement frappé de cette merveille, tombe aux pieds de l'homme de Dieu et demande instamment le baptême c'était un jour de fête ; cette faveur lui fut accordée en présence d'une grande multitude, rendant grâces à Dieu d'une si éclatante conversion. Le thaumaturge se servit, le reste de ses jours, de la coupe miraculeuse.

Sa foi, sa sainteté, son abnégation, son dévouement pour les autres, des prodiges opérés en mille rencontres, firent bénir et vénérer son nom dans toutes ces contrées. Voici un trait qui, mieux que tous les discours, fera connaître le respectueux attachement que portaient à notre Saint les habitants de ces rudes montagnes, en même temps qu'il témoigne de sa douceur et de son humilité.

Il revenait d'une excursion lointaine, et il allait, selon sa coutume, récitant des psaumes, quand il voit, à quelque distance d'Embrun, une foule assez nombreuse arrêtée sur la voie publique. Ne sachant ce qu'il en est, il double le pas et s'approche. Aux cris qu'il entend pousser, il comprend ce dont il s'agit des voyageurs se rendaient à la ville, une de leurs montures, trop fatiguée ou trop chargée, s'était abattue et on ne pouvait la relever. Le Saint arrive il adresse la parole à ces étrangers et les exhorte à ne pas se décourager, surtout à ne pas proférer de blasphèmes. Mais, irrités de ce contretemps et poussés par le démon, ils s'emportent contre le Saint, et vont jusqu'à, lui mettre un fardeau accablant sur les épaules. Marcellin se soumet à tout sans laisser échapper la moindre plainte il se contente de leur dire :
" Si le Sauveur a bien voulu prendre sur lui les iniquités de nous tous, pourquoi ne porterai-je pas, pour son amour, le faix que vous m'imposez ?"
Puis, s'adressant à Dieu, il répète avec émotion ce texte du Psalmiste :
" Je suis devant vous, Ô mon Dieu, comme une bête de somme, mais je suis toujours avec vous."

Eglise Saint-Marcellin. Crévoux. Queyras. Hautes-Alpes. XVe-XVIIe.

En entrant dans la ville, un de ces misérables, avant d'avoir repris la charge, a l'insolence de se railler de l'humilité du Saint. Le peuple, attiré par la singularité du spectacle, se rassemble et reconnaît son évoque. Aussitôt on entoure les étrangers grossiers et inhumains chacun s'arme de pierres, on veut absolument les exterminer. Mais Dieu lui-même se charge de glorifier son ministre outragé un tourbillon de feu enveloppe tout à coup le plus furieux de cette troupe impie, et lui fait éprouver d'inconcevables douleurs. Effrayé désespéré il pousse des cris lamentables, il se jette aux pieds du Prélat, donnant à comprendre qu'il attend de lui sa délivrance et son pardon. Le feu, en effet, ne le quitta que quand l'homme de Dieu, débarrassé du lourd fardeau, eut prié pour la vie du coupable. Touchés d'une si grande clémence, ces hommes lui offrirent des présents et le pressèrent vivement de les accepter, mais il ne voulut jamais y consentir, et après avoir apaisé son peuple, il le conjura de se retirer en paix.

Peu après, Marcellin apprit qu'on venait de construire une nouvelle église à Seynes, petite ville éloignée d'Embrun de seize milles ou sept lieues communes. Evangélisée depuis plusieurs années, Seynes, non-seulement avait persévéré dans la vraie foi, mais avait vu les populations voisines suivre son noble exemple et recevoir le baptême elle avait demandé la permission de se bâtir une église, et l'édifice achevé, elle avait invité le saint Pontife à venir en faire la consécration solennelle.

Il partit d'Embrun, accompagné d'une foule de fidèles. Le pieux concours s'accrut le long de la route mais arrivé à la rivière d'Ubaye, qui descend de la vallée de Barcelonnette, il la trouva tellement grossie par l'abondance des pluies et la fonte des neiges, que chacun perdit courage et jugea qu'il était impossible d'aller plus avant. Marcellin s'adresse alors à cette multitude triste et déconcertée il l'exhorte à mettre en Dieu son espoir et s'écrie :
" Confiance, mes enfants, le Seigneur nous donnera les moyens d'accomplir ce pèlerinage tout est possible à celui qui croit."

Il se met en prière, fait le signe de la croix, et les eaux, refoulées miraculeusement sur elles-mêmes, permettent à Marcellin et à sa suite de traverser à pied sec le lit de la rivière. Elle fut depuis appelée du nom de torrent sanctifié. Ce prodige éclatant, attesté par un nombre considérable de témoins oculaires, fit grand bruit dans toute la province, et confirma dans la foi ces nouveaux chrétiens.

Ces consolations que le saint Prélat put goûter au milieu de son peuple, docile à la voix de la grâce, furent douloureusement troublées par les luttes violentes dans lesquelles l'arianisme poussa l'Orient, l'Italie, les Gaules et même les Alpes luttes de la foi contre l'erreur, combats sacrés qui eurent aussi leurs victimes ou plutôt leurs martyrs.

A l'occasion des divers conciles qui furent tenus en ces tristes circonstances, Marcellin se permit une démarche qui rend témoignage de son zèle et de sa prudence, et qui fit beaucoup d'honneur à son Eglise. Il envoya des courriers afu3és vers les défenseurs de la foi, qui se trouvaient à Vienne, à Arles, à Béziers, et dans les autres parties de la Gaule, pour les prémunir contre toute surprise. Ce message se fit au nom de l'Eglise d'Embrun.

Malgré la sage réserve avec laquelle le pontife avait agi, il paraît que l'empereur eut connaissance de cette démarche et qu'il voulut l'en punir, car, un jour que le saint Confesseur, ne soupçonnant rien, était occupé sur la place publique à une œuvre de zèle, les émissaires de l'empereur se présentèrent pour l'arrêter. L'un d'eux le reconnut, et levant le bras, il allait le frapper au visage d'un fouet qu'il tenait à la main, quand une force invisible le terrasse lui-même avant qu'il ait consommé son attentat.

Eglise Saint-Marcellin.
La-Salle-les-Alpes. Queyras. Hautes-Alpes.

Le coupable se roule dans la poussière, s'agite, grince des dents. Ses compagnons, témoins de son étrange supplice et saisis de la plus grande terreur, reconnaissent la main de Dieu qui les frappe. Ils n'osent s'approcher du saint Evêque pour implorer sa clémence et sa toute-puissante intercession en faveur de leur malheureux compagnon mais saint Marcellin, avec sa bonté habituelle, prévient leur demande. Il sort de la maison où il s'était déjà retiré, et il s'avance vers la victime étendue par terre. A l'approche du saint Pontife, l'esprit de ténèbres s'écrie, par la bouche du malheureux possédé :
" Ô Marcellin, ce n'est donc pas assez que tu nous aies chassés des rivages de l'Afrique ? Faut-il encore que tu viennes troubler notre repos dans les Gaules ?"

Le Saint, à l'instant, lui impose silence puis invoquant le secours du Dieu dont il est le ministre et s'adressant au démon :
" Esprit impur, lui dit-il, je te le commande au nom de Jésus-Christ, sors et éloigne-toi à jamais de cet homme que Dieu a daigné créer à son image. A cet ordre, le démon vaincu se retire du possédé, qui, reprenant l'usage de ses sens, ouvre les yeux à la lumière, pleure son crime, reçoit avec plusieurs autres le baptême, et accepte avec actions de grâces le doux et aimable joug du Sauveur."

Un autre jour, des Ariens s'emparèrent de saint Marcellin, et le conduisant au bord du roc sur lequel la ville d'Embrun est bâtie, ils le sommeront de souscrire aux ordres .de l'empereur, le menaçant, en cas de refus, de le précipiter de ce lieu élevé. Le crime suivit de près la menace mais les anges de Dieu soutinrent sans doute le saint Confesseur dans sa chute, car la tradition, vivante encore aujourd'hui à Embrun, affirme qu'il se releva sans avoir éprouvé là plus légère blessure.

Cependant la tempête, au lieu de diminuer de violence, grandissait toujours. L'empereur avait envoyé un formulaire dans toute la Gaule, et donné des ordres sévères aux magistrats dans toutes les. villes pour faire souscrire tous les évoques. Les porteurs de ce formulaire étaient accompagnés de clercs ariens qui déféraient à l'empereur les magistrats négligents à faire exécuter ces prescriptions. Ainsi, par un renversement étrange qui ne pouvait être que l'ouvrage de l'erreur, les laïques devenaient les juges de la foi.

Les évêques comparaissaient devant les tribunaux profanes pour y rendre compte de leur croyance, et là, on leur disait : " Souscrivez ou quittez vos Eglises ; l’empereur l’ordonne !"

Sur la résistance des évêques, on les dépouillait de leurs biens, et on les emprisonnait. On maltraitait aussi les laïques qui prenaient leur défense, et, comme en perdant la foi on perd ordinairement toute pudeur, on ne rougissait pas de flageller publiquement les vierges chrétiennes inviolablement attachées à la foi de Nicée.

Chapelle Saint-Marcellin.
Boulbon. Provence.

Ce fut dans ces fâcheuses circonstances que, sur les vives instances de son clergé qui craignait d'un jour à l'autre de le voir exilé ou mis à mort, saint Marcellin, déjà épuisé par ses travaux, se retira dans les gorges des montagnes situées à l'est d'Embrun il ne revint plus qu'à la dérobée et nuitamment aux environs de sa ville épiscopale pour y transmettre ses ordres et y exercer dans l'ombre les augustes fonctions du saint ministère. Combien cette séparation dut navrer le cœur du Pontife et le cœur de son peuple fidèle ! Aujourd'hui, les habitants de Crévoux montrent encore le rocher sous lequel le nouvel Elie s'abritait autrefois et passait les nuits, exposé aux attaques des bêtes farouches, moins à craindre pour lui que celles des Ariens furieux.

Enfin, Constant mourut dans les bras de l'hérésie, hélas, le 3 novembre de l'année 361, après vingt-cinq ans de règne. Julien l'Apostat, son plus cruel ennemi, devint son successeur. Ce prince philosophe, qui, plus tard, se déclara l'ennemi de Jésus-Christ, toléra d'abord la foi chrétienne, sans distinction de communion. Tous les évêques et les prêtres bannis furent rappelés et réintégrés dans leurs Eglises. Notre saint Prélat, modèle des pasteurs prudents, zélés et fidèles, put rentrer dans Embrun, et y recevoir avec attendrissement les hommages de son clergé et de tout son peuple.

Saint Marcellin mourut comblé de mérites, après avoir éclairé de la lumière de la foi la plus grande partie du sud des Alpes (13 avril 374). Ses miracles ne finirent pas avec sa vie. La ville d'Embrun ayant eu recours à ce saint Patron, lorsque des troupes ennemies l'assiégeaient, on vit aussitôt le saint Pontife dans le ciel, avec une croix fulgurante qu'il opposait aux ennemis, qui prirent la fuite. En temps de peste, un ecclésiastique d'Embrun fut guéri par des onctions faites avec l'huile qui coulait miraculeusement du sépulcre de saint Marcellin. A cette nouvelle, toute la ville implora le Saint, et fut délivrée du fléau.

" Au sépulcre de ce Saint, rapporte saint Grégoire de Tours, brûle une lampe qui, une fois allumée, dure plusieurs nuits de suite sans qu'on l'alimente si le vent l'éteint, elle se rallume d'elle-même. L'huile de cette lampe est un remède pour les malades."

Eglise Saint-Marcellin.
Ristolas. Queyras. Hautes-Alpes.

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dimanche, 20 avril 2025 | Lien permanent | Commentaires (2)

24 avril. Saint Fidèle de Sigmaringen, Capuçin, martyr. 1622.

- Saint Fidèle de Sigmaringen, Capuçin, martyr. 1622.
 
Papes : Grégoire XIII ; Grégoire XV. Empereurs : Rodolphe II ; Ferdinand II. Roi de France : Louis XIII, le Juste.
 
" Soyez fidèle jusqu'à la mort et je vous donnerai la couronne de vie."
Paroles du Père gardien de Fribourg adressées à notre saint le jour où il reçu l'habit de novice.
 

Marc Rey naquit en 1577 à Sigmaringen, une petite ville de la principauté de Hohenzollern. Son père Jean Rey et sa mère Geneviève de Rosenberg étaient catholique et noble et lui donnèrent une éducation digne de ces deux titres.
 
Il fit ses premières études à Fribourg en Brisgaü. Il édifia ses compagnons et ses professeurs par sa sagesse et sa science, au point qu'on l'appela le philosophe chrétien. Il fut reçu docteur dans les deux droits.
 
Dès lors il s'approchait souvent des sacrements, visitait et soignait les malades dans les hôpitaux et passait des heures entières au pied des autels, dans une intime conversation avec Jésus-Christ.

De 1604 à 1610, à la tête d’un groupe de trois jeunes nobles souabes, il voyagea en Italie, en France et en Espagne. Durant les six ans que dura le voyage, il restait fidèle à ses résolutions et donna de grand exemples de vertu, attentif à soulager les malades dans les hôpitaux, à visiter les églises, à donner aux pauvres jusqu’à ses propres habits ; déjà, sa piété était toute remise aux mains de la Sainte Vierge dont il méditait longuement les mystères.
 

Maison natale de saint Fidèle. Sigmaringen.

Au retour, il alla se perfectionner dans la connaissance des lois à Dillingen et se préparer à la profession d’avocat. Docteur utriusque juris, il fut nommé avocat-conseiller de la Cour de justice d’Autriche, dans la ville alsacienne d’Ensisheim (1611).

Il exerça quelques temps la profession d'avocat à Colmar, en Alsace, et s'y fit remarquer par sa loyauté, sa haine du mensonge et la sagesse de ses plaidoyers ; il mérita le surnom d'Avocat des pauvres.

Bientôt pourtant la Lumière divine lui fit comprendre qu'il était difficile d'être en même temps riche avocat et bon chrétien : aussi il quitta sans hésiter le monde, où il eût fait bonne figure.

Il renonça donc au barreau, fut ordonné prêtre à Constance (septembre 1612) et, moins d’un mois après, il entra chez les Capucins où il reçut le nom de Fidèle (4 octobre 1612) :
" Afin d’imiter parfaitement mon Sauveur, je vivrai constamment dans une extrême pauvreté, dans la chasteté et l’obéissance, dans les souffrances et les persécutions, dans une austère pénitence, une grande humilité, une sincère charité."

Ayant parfait ses études ecclésiastiques, à partir de 1617, il fut un prédicateur prestigieux, tout en remplissant, au sein de son Ordre, les fonctions de gardien (supérieur) de couvent à Rheinfeldn (1618-1619), à Feldkirch (1619-1620 et 1621-1622) et à Fribourg (1620-1621). Il déploya une intense activité parmi les catholiques de ces régions menacés par le protestantisme, surtout aux environs de Coire et dans la vallée du Praetigau.

Les premières années de sa vie religieuse, d'abord remplies de consolations, furent bientôt éprouvées par de rudes et persistantes tentations de doutes sur sa vocation. Des doutes, il eut la prudence de les confier au guide de son âme, qui le rassura et lui dit de prier Dieu avec ferveur pour connaître Sa Volonté définitive. Dieu lui rendit dès lors la force et la paix ; il fit vendre tous ses biens, dont il distribua le prix en bonnes oeuvres, et dépouillé de tout, il se réjouit d'être désormais un véritable enfant de saint François. Il se félicitait souvent depuis de l'heureux échange qu'il avait fait avec Dieu :
" J'ai rendu les biens de la terre, et Dieu me donne en retour le royaume du Ciel !"

Fidèle ajoutait aux mortifications de la règle bien d'autres mortifications. Les meubles les plus pauvres, les habits les plus usés étaient l'objet de son ambition ; les haires, les cilices, les ceintures armées de pointes de fer, les disciplines, suppléaient au martyre après lequel il soupirait ; l'Avent, le Carême, les vigiles, il ne vivait que de pain, d'eau et de fruits secs. Il résumait sa vocation, qui est la vocation du Chrétien, ainsi :
" Quel malheur si je combattais mollement sous ce Chef couronné d'épines !"

Voué au culte fervent de la Vierge Mère de Dieu et propagateur de son saint Rosaire, il demanda à Dieu par son intercession et celle des autres saints la grâce de donner sa vie et de verser son sang pour le service de la foi catholique.


Saint Fidèle prêchant la vraie foi et abattant l'hérésie.
Giovanni Battista Tiepolo. XVIIIe.

Cet ardent désir prenait de nouvelles forces chaque jour dans la célébration du saint Sacrifice, lorsque, par une admirable providence de Dieu ses supérieurs l'envoyèrent prêcher, et ses succès furent tels, que la Congrégation de la Propagande, établie par Grégoire XV, le choisit pour être le chef des missions dans les Grisons. Fidèle reçut cette charge laborieuse d'un coeur zélé et plein d'allégresse, et la remplit avec tant d'ardeur, qu'ayant réussi en peu de temps à convertir un grand nombre d'hérétiques à la foi orthodoxe, il fit concevoir l'espérance de voir cette province se réconcilier avec l'Eglise et avec le Christ.

Une fièvre contagieuse étant venue à sévir sur les troupes autrichiennes, on le vit se livrer avec la plus vive ardeur aux oeuvres de la charité à l'égard des malades dont les besoins étaient extrêmes. Il excellait à réconcilier ceux que des querelles avaient divisés, à soulager les nécessités du prochain par son action et ses conseils, et mérita ainsi le nom de Père de la patrie.

Doué du don de prophétie, il prédit plus d'une lois son martyre et les malheurs qui menaçaient le pays, dont la défaite militaire des Calvinistes.

Son zèle fut celui d'un apôtre, sa vie sainte et austère était une prédication si éloquente, qu'elle convertit beaucoup plus d'âmes que les sermons et les raisonnements. Parmi des sectaires furieux, il était chaque jour exposé à la mort. Le martyre vint enfin couronner ses voeux et ses mérites.

Il se rendit le 6 avril 1622, de Grusch à Sévis, pour exhorter les catholiques à demeurer fidèle. Alors qu'il prêchait en public, un Calviniste lui déchargea un coup de mousquet qui ne l'atteignit pas.
On l'engagea à se mettre à l'abri, mais il répondit qu'il ne craignait pas de professer la vraie foi.


Martyre de saint Fidèle de Sigmaringen. Robert Séri.
Eglise de Saint-Agnant-de-Versillat. Limousin. XVIIIe.

Retournant à Grusch, une troupe de Calviniste avec un de leurs ministres à leur tête s'emparèrent de lui, le traitèrent de séducteur et l'engagèrent à rejoindre l'hérésie :
" Je suis venu pour réfuter vos erreurs et non pour les embrasser, et je n'ai garde de renoncer à la doctrine catholique qui est la doctrine de tous les siècles. Au reste, sachez que je ne crains point la mort."

Un de la troupe l'ayant renversé par terre d'un coup d'estramaçon, il se mit à genoux et fit cette prière :
" Seigneur Jésus, ayez pitié de moi, sainte Marie, Mère de Dieu, assistez-moi."
Saint Fidèle reçut ensuite plusieurs coups de couteau et expira. Il était âgé de 45 ans.

Quelques temps plus tard, les Calvinistes furent défaits par les Impériaux, ainsi que saint Fidèles le leur avait prédit. Le ministre calviniste qui commandait ses bourreaux fut si frappé par cette prédiction de notre saint, qu'il se convertit et abjura bientôt publiquement l'hérésie.

Le corps de saint Fidèle fut transporté à Weltkirchen, à l'exception de son chef et de sa jambe gauche qui en avaient été détachés par les bêtes féroces calvinistes, et qui furent placés dans la cathédrale de Coire. De très nombreux miracles s'y opérèrent. Benoît XIII le béatifia en 1729 et Benoît XIV le canonisa en 1745.
 
Saint Fidèle est le premier martyr d'entre les missionaires envoyés par la Congrégation pour la Propagande. Il est représenté avec l'instrument de son martyr, l'estramaçon ou massue, mais aussi avec un crucifix à la main et une large blessure à la tête.
 

Imagerie populaire allemande. XIXe.
 
PRIERE
 
" Vous avez accompli votre course avec gloire, Ô Fidèle ! et la fin de votre carrière a été plus belle encore que n'avait été son cours. Avec quelle sérénité vous êtes allé au trépas ! Avec quelle joie vous avez succombe sous les coups de vos ennemis qui étaient ceux de la sainte Église ! Semblable à Etienne, vous vous êtes affaisse en priant pour eux ; car le catholique qui doit détester l'hérésie, doit aussi pardonner à l'hérétique qui l'immole.

Priez, Ô saint Martyr, pour les enfants de l'Eglise ; obtenez qu'ils connaissent mieux encore le prix de la foi, et la grâce insigne que Dieu leur a faite de naître au sein de la seule vraie Eglise ; qu'ils soient en garde contre les doctrines perverses qui retentissent de toutes parts à leurs oreilles ; qu'ils ne se scandalisent pas des tristes défections qui se produisent si souvent dans ce siècle de mollesse et d'orgueil. C'est la foi qui doit nous conduire à Jésus ressuscité ; il nous la recommande, quand il dit à Thomas :
" Heureux ceux qui n'ont pas vu, et qui cependant ont cru !"

Nous voulons croire ainsi, et c'est pour cela que nous nous attachons à la sainte Eglise qui est la souveraine maîtresse de la foi. C'est à elle que nous voulons croire, et non à la raison humaine qui ne saurait atteindre jusqu'à la parole de Dieu, et moins encore la juger. Cette sainte foi, Jésus a voulu qu'elle nous arrivât appuyée sur le témoignage des martyrs, et chaque siècle a produit ses martyrs.

Gloire à vous, Ô Fidèle, qui avez conquis la palme en combattant les erreurs de la prétendue réforme ! Vengez-vous en martyr, et demandez sans cesse à Jésus que les sectateurs de l'erreur reviennent à la foi et à l'unité de l'Eglise. Ils sont nos frères dans le baptême ; priez afin qu'ils rentrent au bercail, et que nous puissions célébrer un jour tous ensemble la véritable Cène de la Pâque, dans laquelle l'Agneau divin se donne en nourriture, non d'une manière figurée, comme dans la loi ancienne, mais en réalité, comme il convient à la loi nouvelle."

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jeudi, 24 avril 2025 | Lien permanent | Commentaires (2)

IVe dimanche après Pâques.

- Le IVe dimanche après Pâques.

 
Baptême de Notre Seigneur Jésus-Christ. Psautier cistercien. XIIIe.

 

Nous avons montré, il y a quelques jours, comment la sainte Eglise, société spirituelle, était en même temps une société visible et extérieure, parce que l'homme auquel elle est destinée est composé d'un corps et d'une âme. Jésus, en instituant ses Sacrements, leur assigne à chacun un rite essentiel ; et ce rite est extérieur et sensible. Le Verbe divin, en prenant la chair, en a fait l'instrument de notre salut dans sa Passion sur la croix : c'est par le sang de ses veines qu'il nous a rachetés ; poursuivant ce plan mystérieux, il prend les éléments de la nature physique pour auxiliaires dans l'œuvre de notre justification. Il les élève à l'état surnaturel, et en fait jusqu'au plus intime de nos âmes les conducteurs fidèles et tout-puissants de sa grâce. Ainsi s'appliquera jusqu'à ses dernières conséquences le mystère de la divine incarnation, qui a eu pour but de nous élever, par les choses visibles, à la connaissance et à la possession des choses invisibles. Ainsi est brisé l'orgueil de Satan, qui dédaignait la créature humaine, parce que l'élément matériel s'unit en elle à la grandeur spirituelle, et qui refusa, pour son éternel malheur, de fléchir le genou devant le Verbe fait chair.

En même temps, les divins Sacrements étant autant de signes sensibles, formeront un lien de plus entre les membres de l'Eglise, déjà unis entre eux par la soumission à Pierre et aux Pasteurs qu'il envoie, et par la profession d'une même foi. L'Esprit-Saint nous dit dans les divines Ecritures que " le lien tressé en trois ne se rompt pas aisément " (Eccle. IV, 12.) ; or, tel est celui qui nous retient dans la glorieuse unité de l'Eglise : Hiérarchie, Dogme et Sacrements, tout contribue à faire de nous un seul corps. Du septentrion au midi, de l'orient à l'occident, les Sacrements proclament la fraternité des chrétiens; ils sont en tous lieux leur signe de reconnaissance, et la marque qui les désigne aux yeux des infidèles. C'est dans ce but que ces Sacrements divins sont identiques pour toutes les races baptisées, quelle que soit la variété des formules liturgiques qui en accompagnent l'administration : partout le fond est le même, et la même grâce est produite sous les mêmes signes essentiels.

Notre divin ressuscité choisit le septénaire pour le nombre de ses Sacrements. Il empreint ce nombre sacré sur son œuvre la plus sublime, de même qu'il l'avait marqué au commencement, en créant ce monde visible et inaugurant la semaine par six jours d'action et un jour de repos. Sagesse éternelle du Père, il nous révèle, dès l'Ancien Testament, qu'il se bâtira une maison qui est la sainte Eglise, et il ajoute qu'il la fera reposer sur sept colonnes (Prov. IX, 1.). Cette Eglise, il la figure d'avance dans le tabernacle de Moïse, et il ordonne qu'un superbe chandelier qui lance sept branches chargées de fleurs et de fruits, éclaire jour et nuit le sanctuaire (Exod. XXV, 37.). S'il transporte au ciel, dans un ravissement, son disciple bien-aimé, c'est pour se montrer à lui environné de sept chandeliers, et tenant sept étoiles dans sa main (Apoc. I, 12, 16.).

 
Baptême de saint Paul. Bible. XIIIe.

 

S'il se manifeste sous les traits de l'Agneau vainqueur, cet Agneau porte sept cornes, symbole de sa force, et sept yeux qui marquent l'étendue infinie de sa science (Ibid. V, 6.). Près de lui est le livre qui contient les destinées du genre humain, et ce livre est scellé de sept sceaux que l'Agneau seul peut lever (Ibid. 5.). Devant le trône de la Majesté divine, le disciple aperçoit sept Esprits bienheureux ardents comme sept lampes (Ibid. IV, 5.), attentifs aux moindres ordres de Jéhovah, et prêts à porter sa parole jusqu'aux dernières limites de la création.

Si maintenant nous tournons nos regards vers l'empire des ténèbres, nous voyons l'esprit de malice occupé à contrefaire l'œuvre divine, et usurpant le septénaire pour le souiller en le consacrant au mal. Sept péchés capitaux sont l'instrument de sa victoire sur l'homme; et le Seigneur nous avertit que lorsque, dans sa fureur, Satan s'élance sur une âme, il prend avec lui sept esprits des plus méchants de l'abîme. Nous savons que Madeleine, l'heureuse pécheresse, ne recouvra la vie de l'âme qu'après que le Sauveur eut expulsé d'elle sept démons. Cette provocation de l'esprit d'orgueil forcera la colère divine, lorsqu'elle tombera sur le monde pécheur, à empreindre le septénaire jusque dans ses justices. Saint Jean nous apprend que sept trompettes, sonnées par sept Anges, annonceront les convulsions successives de la race humaine (Ibid. VIII, 2.), et que sept autres Anges verseront tour à tour sur la terre coupable sept coupes remplies de la colère de Dieu (Ibid. XV, 1.).

Nous donc qui voulons être sauvés, et jouir de la grâce en ce monde, et en l'autre de la vue de notre divin ressuscité, accueillons avec un souverain respect et une tendre reconnaissance le Septénaire miséricordieux de ses Sacrements. Sous ce nombre sacré il a su renfermer toutes les formes de sa grâce. Soit qu'il veuille dans sa bonté nous faire passer de la mort à la vie, par le Baptême et la Pénitence ; soit qu'il s'applique à soutenir en nous la vie surnaturelle, et à nous consoler dans nos épreuves, par la Confirmation, l'Eucharistie et l'Extrême-Onction ; soit enfin qu'il pourvoie au ministère de son Eglise et à sa propagation par l'Ordre et le Mariage : on ne saurait trouver un besoin de l'âme, une nécessite de la société chrétienne auxquels il n'ait satisfait au moyen des sept sources de régénération et de vie qu'il a ouvertes pour nous, et qu'il ne cesse de faire couler sur nos âmes. Les sept Sacrements suffisent à tout ; un seul de moins, l'harmonie serait rompue.

 

Baptême de Clovis. Chroniques de Burgos. Gundisalvus de Hinojosa. XIVe.

 

Les Eglises de l'Orient, séparées de l'unité catholique depuis tant de siècles, confessent avec nous le septénaire sacramentel ; et le protestantisme, en portant sur ce nombre sacré sa main profane, a montré en cela, comme en toutes ses autres réformes prétendues, que le sens chrétien lui faisait défaut. Ne nous en étonnons pas ; la théorie des Sacrements s'impose tout entière à la foi ; l'humble soumission du fidèle doit l'accueillir d'abord comme venant du souverain Maître : c'est lorsqu'elle s'applique sans y rien ajouter ni retrancher que sa magnificence et son efficacité divine se révèlent ; alors nous comprenons, parce que nous avons cru : " Credite et intelligetis ".

Aujourd'hui, consacrons notre admiration et notre reconnaissance au premier des Sacrements, au Baptême. Le Temps pascal nous le montre dans toute sa gloire. Nous l'avons vu, au Samedi saint, comblant les vœux de l'heureux catéchumène, et enfantant à la patrie céleste des peuples entiers. Mais ce divin mystère avait eu sa préparation. En la fête de l'Epiphanie, nous adorâmes notre Emmanuel descendant dans les flots du Jourdain, et communiquant à l'élément de l'eau, par le contact de sa chair sacrée, la vertu de purifier toutes les souillures de l'âme. L'Esprit-Saint, colombe mystique, vint reposer sur la tête de l'Homme-Dieu, et féconder par sa divine influence l'élément régénérateur, tandis que la voix du Père céleste retentissait dans la nue, annonçant l'adoption qu'il daignerait faire des baptisés, en son Fils Jésus, l'objet de son éternelle complaisance.

Durant sa vie mortelle, le Rédempteur s'explique déjà devant un docteur de la loi sur ses mystérieuses intentions :
" Celui, dit-il, qui ne sera pas rené de l'eau et du Saint-Esprit ne pourra entrer dans le royaume de Dieu." (Johan. III, 5.).
Selon son usage presque constant, il annonce ce qu'il doit faire un jour, mais il ne l'accomplit pas encore ; nous apprenons seulement que notre première naissance n'ayant pas été pure, il nous en prépare une seconde qui sera sainte, et que l'eau en sera l'instrument.

 
Baptême de Louis de Poissy le 24 avril 1214. Verrière du XXe.
Collégiale Notre-Dame de Poissy. Île-de-France.

 

Mais en ces jours le moment est venu où notre Emmanuel va déclarer la puissance qu'il a donnée aux eaux de produire la sublime adoption projetée par le Père. S'adressant à ses Apôtres, il leur dit tout à coup avec la majesté d'un roi qui promulgue la loi fondamentale de son empire :
" Allez ; enseignez toutes les nations ; baptisez-les au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit." (Matth. XXVIII, 19.).
Le salut par l'eau, avec l'invocation de la glorieuse Trinité, tel est le bienfait capital qu'il annonce au monde ; car, dit-il encore :
" Celui qui croira et sera baptisé, sera sauvé." (Marc XVI, 16.).
Révélation pleine de miséricorde pour la race humaine ; inauguration des Sacrements, par la déclaration du premier, de celui qui, selon le langage des saints Pères, est la porte de tous les autres !

Nous qui lui devons la vie de nos âmes, avec le sceau éternel et mystérieux qui fait de nous les membres de Jésus, saluons avec amour cet auguste mystère. Saint Louis, baptisé sur les humbles fonts de Poissy, se plaisait à signer Louis de Poissy, considérant la fontaine baptismale comme une mère qui l'avait enfanté à la vie céleste, et oubliant son origine royale pour ne se souvenir que de celle d'enfant de Dieu. Nos sentiments doivent être les mêmes que ceux du saint roi.

Mais admirons avec attendrissement la condescendance de notre divin ressuscité, lorsqu'il institua le plus indispensable de ses Sacrements. La matière qu'il choisit est la plus commune, la plus aisée à rencontrer. Le pain, le vin, l'huile d'olives, ne sont pas partout sur la terre ; l'eau coule en tous lieux ; la providence de Dieu l'a multipliée sous toutes les formes, afin qu'au jour marqué, la fontaine de régénération fût accessible de toutes parts à l'homme pécheur.

  L'église où Louis de Poissy reçu le saint Baptême.
Collégiale Notre-Dame. Poissy. Île-de-France.

 

Ses autres Sacrements, le Sauveur les a confiés au sacerdoce qui seul a pouvoir de les administrer ; il n'en sera pas ainsi du Baptême. Tout fidèle pourra en être le ministre, sans distinction de sexe ni de condition. Bien plus, tout homme, ne fût-il pas même membre de l'Eglise chrétienne, pourra conférer à son semblable, par l'eau et l'invocation de la sainte Trinité, la grâce baptismale qui n'est pas en lui, à la seule condition de vouloir, en cet acte, accomplir sérieusement ce que fait la sainte Eglise, quand elle administre le sacrement du Baptême.

Ce n'est pas tout encore. Ce ministre du sacrement peut manquer à l'homme qui va mourir ; l'éternité va s'ouvrir pour lui sans que la main d'autrui se lève pour répandre sur sa tête l'eau purificatrice ; le divin instituteur de la régénération des âmes ne l'abandonne pas dans ce moment suprême. Qu'il rende hommage au saint Baptême, qu'il le désire de toute l'ardeur de son âme, qu'il entre dans les sentiments d'une componction sincère et d'un véritable amour ; après cela qu'il meure : la porte du ciel est ouverte au baptisé de désir.

Mais l'enfant qui n'a pas encore l'usage de sa raison, et que la mort va moissonner dans quelques heures, a-t-il donc été oublié dans cette munificence générale ?
Jésus a dit :
" Celui qui croira et sera baptisé, sera sauvé " ; comment alors obtiendra-t-il le salut, cet être faible qui va s'éteindre, chargé de la faute originelle, et incapable de la foi ? Rassurez-vous. La puissance du saint Baptême s'étendra jusqu'à lui. La foi de l'Eglise qui le veut pour fils, lui va être imputée ; qu'on répande l'eau sur sa tête au nom des trois divines Personnes, et le voilà chrétien pour jamais. Baptisé dans la foi de l'Eglise, cette foi est maintenant personnelle en lui, avec l'Espérance et la Charité ; l'eau sacramentelle a produit cette merveille. Qu'il expire maintenant, ce tendre rejeton de la race humaine ; le royaume du ciel est à lui.

Tels sont, Ô Rédempteur, les prodiges que vous opérez dans le premier de vos Sacrements, par l'effet de cette volonté sincère que vous avez du salut de tous (I Tim. II, 4.) ; en sorte que ceux en qui cette volonté ne s'accomplit pas, n'échappent à la grâce de la régénération que par suite du péché commis antérieurement, péché que votre éternelle justice ne vous permet pas toujours de prévenir en lui-même, ou de réparer dans ses suites. Mais votre miséricorde est venue au secours ; elle a tendu ses filets, et d'innombrables élus y sont tombés. L'eau sainte est venue couler jusque sur le front de l'enfant qui s'éteignait entre les bras d'une mère païenne, et les Anges ont ouvert leurs rangs pour recevoir cet heureux transfuge. A la vue de tant de merveilles, que nous reste-t-il à faire, sinon de nous écrier avec le Psalmiste : " Nous qui possédons la vie, bénissons le Seigneur " ?

A LA MESSE

Le quatrième Dimanche après Pâques est appelé, dans l'Eglise grecque, le Dimanche de la Samaritaine, parce qu'on y lit le passage de l'Evangile où la conversion de cette femme est rapportée.

L'Eglise Romaine commence aujourd'hui, à l'Office de la nuit, la lecture des Epîtres dites Canoniques, qu'elle continue jusqu'à la fête de la Pentecôte.

EPÎTRE

Lecture de l'Epître du bienheureux Jacques, Apôtre. Chap. I.

 
Saint Jacques le Majeur prêchant. Legenda aurea.
Bx J. de Voragine. R. de Montbaston. XIVe.

 

" Mes bien-aimés , toute grâce excellente et tout don parfait viennent d'en haut, et descendent du Père des lumières, chez lequel il n'y a ni changement, ni ombre de vicissitude. C'est lui qui nous a librement engendrés par la parole de vérité, afin que nous fussions comme les prémices de ses créatures. Vous le savez, mes frères très chers. Que tout homme soit donc prompt à écouter, lent à parler, et lent à se mettre en colère ; car ce n'est pas la colère de l'homme qui accomplit la justice de Dieu. Rejetant donc toutes les suites immondes et superflues du péché, recevez dans la douceur la parole qui est greffée en vous, et qui a la puissance de sauver vos âmes."

 
Martyre de saint Jacques le Majeur. Jean Mansel. Fleurs des histoires. XVe.

 

Les faveurs répandues sur le peuple chrétien procèdent de la haute et sereine bonté du Père céleste. Il est le principe de tout dans l'ordre de la nature ; et si, dans l'ordre de la grâce, nous sommes devenus ses enfants, c'est parce que lui-même a envoyé vers nous son Verbe consubstantiel, qui est la Parole de vérité, par laquelle nous sommes devenus, au moyen du Baptême, les fils de Dieu. Il suit de là que nous devons imiter, autant qu'il est possible à notre faiblesse, le calme divin de notre Père qui est dans les cieux, et nous garantir de cette agitation passionnée qui est le caractère d'une vie toute terrestre, tandis que la nôtre doit être du ciel où Dieu nous attire. Le saint Apôtre nous avertit de recevoir dans la douceur cette Parole qui nous fait ce que nous sommes. Elle est, selon sa doctrine, une greffe de salut entée sur nos âmes. Qu'elle s'y développe, que son succès ne soit pas traversé par nous, et nous serons sauvés.

ÉVANGILE

La suite du saint Evangile selon saint Jean. Chap. XVI.

 

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dimanche, 18 mai 2025 | Lien permanent | Commentaires (6)

19 mai. Saint Pierre-Célestin, Célestin V, pape, fondateur de la branche bénédictine des Célestins. 1296.

- Saint Pierre-Célestin, Célestin V, pape, fondateur de la branche bénédictine des Célestins. 1296.
 
Papes : Nicolas IV (préd.) ; Boniface VIII (succ.). Roi de France : Philippe IV, Le Bel.
 
" On est dans l'étonnement de m'avoir vu quitter la papauté, et moi j'admire ma simplicité de l'avoir accepter."
Saint Pierre-Célestin.
 

Statue de saint Pierre-Célestin.
Bois polychrome. Saint-Amarin. Alsace. XVIe.

Jésus ressuscité appelle en ce jour l'humble Pierre-Célestin, Pontife suprême, mais à peine assis sur la chaire apostolique, qu'il en est descendu pour retourner au désert.

Entre tant de héros dont est formée la chaîne des Pontifes romains, il devait s'en rencontrer à qui fût donnée la charge de représenter plus spécialement la noble vertu d'humilité ; et c'est à Pierre Célestin que la grâce divine a dévolu cet honneur. Arraché au repos de sa solitude pour être élevé sur le trône de saint Pierre et tenir dans ses mains tremblantes les formidables clefs qui ouvrent et ferment le ciel, le saint ermite a regardé autour de lui ; il a considéré les besoins de l'immense troupeau du Christ, et sondé ensuite sa propre faiblesse.


Saint Pierre-Célestin. Livre d'heures de Jean de Vy. XIVe.

Oppressé sous le fardeau d'une responsabilité qui embrasse la race humaine tout entière, il s'est jugé incapable de supporter plus longtemps un tel poids ; il a déposé la tiare, et imploré la faveur de se cacher de nouveau à tous les regards humains dans sa chère sollicitude. Ainsi le Christ, son Maître, avait d'abord enfoui sa gloire dans une obscurité de trente années, et plus tard sous le nuage sanglant de sa Passion et sous les ombres du sépulcre. Les splendeurs de la divine Pâque ont tout à coup dissipé ces ténèbres, et le vainqueur de la mort s'est révélé dans tout son éclat.

Mais il veut que ses membres aient part à son triomphe, et que la gloire dont ils brilleront éternellement soit, comme la sienne, en proportion de leur empressement à s'humilier dans les jours de cette vie mortelle. Quelle langue pourrait décrire l'auréole qui entoure le front de Pierre Célestin, en retour de cette obscurité au sein de laquelle il a cherché l'oubli des hommes avec plus d'ardeur que d'autres ne recherchent leur estime et leur admiration ? Grand sur le trône pontifical, plus grand au désert, sa grandeur dans les cieux dépasse toutes nos pensées.

Les cardinaux viennent chercher saint Pierre-Célestin après
son élection. Anonyme. Eglise Saint-Leu-Saint-Gilles.
Thiais. Île-de-France. XVIIe.

Pierre de Morone, nommé Célestin, du nom qu'il prit lorsqu'il fut créé pape, naquit de parents honnêtes et pieux à Isernia dans les Abruzzes. il était le onzième des douze enfants de cet humble couple chrétien. Il reçut une éducation plus soignée que ses frères, grâce aux dispositions extraordinaires d'intelligence et de piété qu'il montra dès son bas âge.

A peine entré dans l'adolescence, il se retira au désert pour garantir son âme des séductions du monde. Il la nourrissait dans cette solitude par la contemplation, et réduisait son corps en servitude, portant sur sa chair une chaîne de fer.

Pendant trois ans, malgré son jeûne quotidien, il fut assailli de toutes sortes de pensées de découragement, de sensualité, de volupté ; mais il était fortifié par les fréquentes visions des Anges. Il consentit à recevoir le sacerdoce, afin de trouver dans l'Eucharistie un soutien contre les tentations.

La sainteté du solitaire lui attira des disciples : ce fut l'origine de cette branche de l'Ordre de Saint-Benoît, dont les religieux sont appelés Célestins. Ils vivaient sous des huttes faites avec des épines et des branches, mais Dieu réjouissait leur affreuse solitude par de suaves harmonies célestes et par la visite des bienheureux esprits.

Bien plus austère que ses religieux, Pierre ne mangeait que du pain de son très noir et très dur ; jeûnant quatre carêmes, ne prenant généralement que des herbes crues, une seule fois tous les trois jours. Couvert d'instruments de pénitence, il couchait sur le fer plutôt que sur la terre : une voix céleste vint lui ordonner de diminuer cette pratique excessive de la mortification.


Couronnement de Célestin V. Anciennement au couvent des
Célestins de Marcoussis. Île-de-France. XVIe.

L'Eglise Romaine ayant été longtemps sans pasteur, après une vacance du Saint-Siège pendant vingt-sept mois, le choix des cardinaux alla chercher l'humble moine au fond de son désert. Âgé de soixante-douze ans, notre Saint subit en pleurant son élection sur la chaire de saint Pierre.
Comme on place la lumière sur le chandelier, cet événement peu ordinaire ravit tout le monde de joie et d'admiration.

Mais lorsque Pierre, élevé à cette dignité sublime, sentit que la multitude des affaires préoccupant son esprit, il pouvait à peine vaquer comme auparavant à la méditation des choses célestes, il renonça volontairement à la charge et à la dignité.


Anonyme français du XVIIe.

Il reprit donc son ancien genre de vie, et s'endormit dans le Seigneur, par une mort précieuse, qui fut rendue plus glorieuse encore par l'apparition d'une croix lumineuse que l'on vit briller dans les airs au-dessus de l'entrée de sa cellule. Pendant sa vie et après sa mort, il éclata par un grand nombre de miracles qui, ayant été soigneusement examinés, portèrent Clément V à l'inscrire au nombre des Saints, onze ans après sa mort.

On ira lire avec profit les pages que les Petits Bollandistes, Rhorbacher, Alzog et Darras consacrent, dans leurs notices, consacrent à la fin de la vie de saint Pierre-Célestin et à sa réclusion volontaire qui fut organisée et surveillée fermement par son successeur Boniface VIII qui craignait que le parti de Philippe Le Bel n'instrumentalisât notre saint pour sa cause. La suite de l'histoire lui donnera raison au point de mourir des suites des blessures infligées par le fils de Cathares manichéen Nogaret, mandaté par ce prince si nuisible à l'histoire de France et à l'histoire de l'Eglise.


Mort de Boniface VIII des suites des blessures infligées
par Nogaret et sa suite. De Casibus. Boccace. XVe.
 
PRIERE
 
" Vous avez obtenu l'objet de votre ambition, Ô Célestin ! Il vous a été accordé de descendre les degrés du trône apostolique, et de rentrer dans le calme de cette vie cachée qui avait si longtemps fait toutes vos délices. Jouissez des charmes de l'obscurité que vous aviez tant aimée ; elle vous est rendue avec tous les trésors de la contemplation, dans le secret de la face de Dieu. Mais cette obscurité n'aura qu'un temps, et quand l'heure sera venue, la Croix que vous avez préférée à tout se dressera lumineuse à la porte de votre cellule, vous invitant à prendre part au triomphe pascal de celui qui est descendu du ciel pour nous apprendre que quiconque s'abaisse sera élevé.

Votre nom, Ô Célestin, brillera jusqu'au dernier jour du monde sur la liste des Pontifes romains ; vous êtes l'un des anneaux de cette chaîne qui rattache la sainte Eglise à Jésus son fondateur et son époux ; mais une plus grande gloire vous est réservée, celle de faire cortège à ce divin Christ ressuscité. La sainte Eglise, qui un moment s'est inclinée devant vous pendant que vous teniez les clefs de Pierre, vous rend depuis des siècles et vous rendra jusqu'au dernier jour l'hommage de son culte, parce qu'elle reconnaît en vous un des élus de Dieu, un des princes de la céleste cour.
 

Prophétie illustrée de saint Pierre-Célestin.
Vaticinia de summis pontificibus. XVe.

Et nous aussi, Ô Célestin ! nous sommes appelés à monter là où vous êtes, à contempler éternellement comme vous le plus beau des enfants des hommes, le vainqueur de la mort et de l'enfer. Mais une seule voie peut nous y conduire : celle que vous avez vous-même suivie, la voie de l'humilité. Fortifiez en nous cette vertu, Ô Célestin ! Et allumez-en le désir dans nos cœurs. Substituez le mépris de nous-mêmes à l'estime que nous avons trop souvent le malheur d'en faire. Rendez-nous indifférents à toute gloire mondaine, fermes et joyeux dans les abaissements, afin qu'ayant " bu l'eau du torrent ", comme notre Maître divin, nous puissions un jour, comme lui et avec vous, " relever notre tête " et entourer éternellement le trône de notre commun libérateur."


Boniface VIII publiant les Décrétales. Liber sextus Decretalium. XIVe.

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lundi, 19 mai 2025 | Lien permanent

18 mai. Saint Venant de Camerino, martyr. 250.

- Saint Venant de Camerino, martyr. 250.

Pape : Saint Fabien. Empereur : Dèce.

" Les dieux que vous adorez ne sont que des inventions du démon. Reconnaissez donc un seul Dieu, Créateur du ciel et de la terre, dont le Fils unique s'est fait homme et est mort sur la croix pour nous délivrer de la tyrannie du péché."
Saint Venant à Antiochus, gouverneur de Camerino.

Nicola di Filotesia. XVe.

Le martyr d'aujourd'hui nous reporte aux persécutions des empereurs romains. C'est en Italie, à Camerino, qu'il a rendu son témoignage ; et la dévotion que lui portent les peuples de cette contrée, soumise au sceptre temporel du Pontife romain, a obtenu que sa fête se célébrerait dans toute l'Eglise. Accueillons donc avec joie ce nouveau champion de notre Emmanuel, et félicitons-le d'avoir soutenu loyalement le combat, en ces jours du Temps pascal, tout retentissant de la victoire que la vie a remportée sur la mort.

Le récit que la Liturgie a consacré aux mérites de saint Venant étincelle de prodiges. Plus d'une fois la puissance de Dieu a semblé faire assaut avec la fureur des bourreaux, afin de glorifier leurs victimes. Ces moyens merveilleux servaient à la conquête des âmes, et souvent les témoins de ces miracles qui sembleraient superflus, s'écriaient tout à coup qu'eux aussi voulaient être chrétiens, et donnaient leurs noms à une religion aussi favorisée du ciel qu'illustrée par la patience surhumaine de ses martyrs.

Saint Venant, né à Camérino, n'était âgé que de quinze ans, lorsqu'il fut accusé d'être chrétien devant Antiochus, qui était gouverneur de la ville sous l'empire de Dèce. Il se présenta lui-même près des portes de la ville à ce magistrat qui, après l'avoir tenté longtemps, mais inutilement, par les promesses et les menaces, le fit fouetter et charger de chaînes. Le saint ayant été délié miraculeusement par un Ange, on le brûla avec des torches ardentes, et on le suspendit la tête en bas, pour recevoir la fumée d'un feu qu'on avait allumé sous lui. Le greffier Anastase, saisi d'admiration pour la constance du saint dans les tourments, et surpris de le voir délié une seconde fois par l'Ange et marchant au-dessus de la fumée avec un habit blanc, crut en Jésus-Christ, et se fit baptiser, ainsi que sa famille, par le bienheureux prêtre Porphyre, dans la compagnie duquel il remporta, peu de temps après, la palme du martyre.

Saint Venant fut de nouveau amené devant le gouverneur, qui l'ayant encore sollicité en vain d'abandonner la foi du Christ, le fit reconduire en prison. Là il lui envoie un héraut nommé Attale, qui vient dire au martyr que lui aussi a été chrétien, mais qu'il a renoncé à cette profession, parce qu'il a reconnu la vaine illusion de cette foi, au nom de laquelle les chrétiens se privent des biens présents dans l'espérance d'autres biens futurs qui ne sont pas réels. Mais le noble athlète du Christ, qui n'ignorait pas les embûches de notre perfide ennemi, rejeta bien loin ce ministre du diable. Il  fut donc ramené devant le président, par ordre duquel on lui cassa toutes les dents, et on lui rompit les mâchoires ; après quoi on le jeta sur un fumier. Ayant encore été tiré de là par un Ange, on le fit comparaître de nouveau devant le juge qui, à la voix de Venant, tomba de son siège, et expira en poussant ce cri :
" Le Dieu de Venant est le vrai Dieu ; vous devez l'adorer et il faut détruire nos fausses divinités."

Martyre de saint Venant. Fresque murale. Eglise Saint-Venant.
Horgenzell. Bade-Würtemberg. Allemagne. XVIIe.

Cette nouvelle ayant été portée au gouverneur, il fit aussitôt exposer Venant aux lions ; mais ces animaux, oubliant leur cruauté naturelle, se jetèrent à ses pieds. Comme le saint profitait de la circonstance pour enseigner au peuple la foi de Jésus-Christ, on l'enleva et on le reconduisit en prison.

Le lendemain, Porphyre ayant raconté au gouverneur une vision qu'il avait eue durant la nuit, et dans laquelle il avait vu Venant tout éclatant de lumière et administrant le baptême au peuple, tandis que le gouverneur était couvert d'un brouillard épais et ténébreux, celui-ci, transporté de colère, lui fit aussitôt trancher la tête, et ordonna que l'on traînât Venant jusqu'au soir par des lieux couverts de buissons épineux et de chardons. On le laissa à demi mort après ce supplice ; mais le lendemain matin il se présenta encore au gouverneur, qui le fit aussitôt précipiter du haut d'un rocher.

Inhumation de saint Venant. Fresque murale. Eglise Saint-Venant.
Horgenzell. Bade-Würtemberg. Allemagne. XVIIe.

Ayant encore été sauvé miraculeusement, on le traîna de nouveau jusqu'à un mille de la ville par les plus rudes sentiers. Les soldats eurent soif ; Venant s'agenouilla sur une pierre dans une vallée, et l’en fit sortir de l'eau par le signe de la Croix. Il laissa sur cette pierre la marque et la forme de ses genoux, ainsi qu'on peut le voir encore dans son église, où elle est conservée. Touchés de ce miracle, plusieurs des soldats crurent en Notre Seigneur Jésus-Christ. Le gouverneur leur fit trancher la tête, ainsi qu'à saint Venant lui-même, dans le lieu du prodige.

Aussitôt des éclairs sillonnèrent le ciel, et il se fit un si terrible tremblement de terre, que le gouverneur prit la fuite ; mais il ne put se dérober à la justice divine, et il périt peu de jours après d'une mort très honteuse.

Cependant les Chrétiens ensevelirent dans un lieu honorable le corps de saint Venant et ceux de ses compagnons, lesquels reposent encore aujourd'hui à Camerino, dans l'église dédiée au saint martyr.

Basilique Saint-Venant. Camerino. Marches. Italie.

PRIERE

" Priez pour nous, jeune martyr, vous que les saints Anges aimaient, et qu'ils assistèrent dans le combat ! Comme vous, nous sommes les soldats du divin Ressuscité, et comme vous nous sommes appelés à rendre témoignage de sa divinité et de ses droits en présence du monde. Si le monde n'est pas toujours armé d'instruments de torture comme aux jours de vos luttes, il n'est pas moins redoutable par ses séductions. A nous aussi il voudrait ravir cette vie nouvelle que Jésus a communiquée à ses membres ; défendez-nous de ses atteintes, Ô Martyr ! La divine chair de l'Agneau vous avait nourri dans les jours de la Pâque, et la force qui a paru en vous était toute à la gloire de ce céleste aliment.

Nous nous sommes assis à la même table ; veillez sur tous les convives du festin pascal. Ainsi que vous, nous avons connu le Seigneur dans la fraction du pain : obtenez-nous l'intelligence du divin mystère dont nous reçûmes les prémices en Bethléhem, et qui s'est développé sous nos yeux et en nous-mêmes par les mérites de la Passion et de la Résurrection de notre Emmanuel. D'autres merveilles nous attendent ; nous ne sortirons pas de la saison pascale sans avoir été initiés à la plénitude du don divin de l'Incarnation. Obtenez, ô saint Martyr, que nos cœurs soient ouverts de plus en plus, et qu'ils gardent fidèlement tous les trésors que les augustes mystères de l'Ascension et de la Pentecôte doivent encore verser en eux."

Saint Venant. Imagerie populaire. Allemagne. XIXe.

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dimanche, 18 mai 2025 | Lien permanent

27 juillet. Les sept dormants d'Ephèse, frères, martyrs. 250.

- Les sept dormants d'Ephèse, frères, martyrs. 250.

Papes : Saint Fabien ; saint Damase. Empereurs romains : Dèce ; Théodose.

" La mort se relèvera en présentant sa victime, et, comme au sortir d'un long assoupissement, l'âme s'avancera pour rejoindre son corps."
Saint Ambroise.

Les sept saints dormants d'Ephèse. Icône grecque du Xe.

Les sept dormants étaient originaires d'Ephèse. L'empereur Dèce qui persécutait, les chrétiens, étant venu en cette ville  fit construire des temples dans l’enceinte de cette cité, afin que tous se réunissent à lui pour sacrifiée aux idoles. Or, il avait ordonné qu'on cherchât tous les chrétiens ; et quand ils avaient été pris, il les forçait à sacrifier où à mourir ; on éprouva donc généralement une si grande crainte des supplices que l’ami reniait son ami, le père son fils, et le fils son père. Alors se trouvaient dans cette ville sept chrétiens, qui furent saisis d'une grande douleur quand ils virent ce qui se passait.

C'étaient Maximien, Malchus, Marcien, Denys, Jean, Sérapion et Constantin. Comme ils étaient les premiers officiers du palais, et qu'ils méprisaient les sacrifices offerts aux idoles, ils restaient cachés dans leur maison, se livrant aux jeûnes et aux oraisons.

Accusés et traduits devant Dèce ; puis convaincus d'être chrétiens, on leur donna le temps de revenir à résipiscence et il  furent relâchés, jusqu'au retour de l’empereur. Mais dans cet intervalle, ils distribuèrent leur patrimoine entre les pauvres, et prirent la résolution de se retirer sur le mont Célion, où ils se décidèrent à rester cachés. Pendant longtemps, l’un d'eux se procurait ce qui leur était nécessaire, et chaque fois qu'il entrait dans la ville, il se déguisait en mendiant.

La grotte des sept dormants d'Ephèse aujourd'hui.
Ionie. Empire romain d'Orient. Actuelle Turquie.

Or, quand Dèce fut revenu dans Ephèse, il ordonna de les chercher pour les obliger à sacrifier. Malchus, qui les servait, revint effrayé trouver ses compagnons et leur faire part de la fureur de l’empereur. Ils furent saisis de crainte ; alors Malchus leur présenta les pains qu'il avait apportés, afin que, fortifiés parla nourriture, ils en devinssent plus braves pour le combat. Après leur repas du soir, ils s'assirent et s'entretinrent avec tristesse et larmes, et à l’instant, par la volonté de Dieu, ils s'endormirent.

Quand vint le matin, on les chercha et on ne put les trouver, Or, Dèce était désolé d'avoir perdu de pareils jeunes gens; on les accusa de s'être cachés jusqu'alors sur le mont Célion, et de persister dans leur résolution. On ajouta qu'ils avaient donné leurs biens aux pauvres. Dèce ordonna donc de faire comparaître leurs parents qu'il menaça de mort, s'il  ne déclaraient tout ce qui était venu à leur connaissance au sujet des absents. Leurs parents les accusèrent comme les autres et se plaignirent de ce qu'ils avaient distribué leurs richesses aux pauvres. Alors Dèce réfléchit à la conduite. qu'il tiendrait à leur égard, et par l’inspiration ; de Dieu, il fit boucher avec des pierres l’entrée de la caverne afin qu'y étant renfermés, ils y mourussent de faim et de misère. On exécuta ses ordres et deux chrétiens, Théodore et Rufin, écrivirent la relation de leur martyre qu'ils placèrent avec précaution entre les pierres.

Or, quand Dèce, et toute la génération qui existait alors eut disparu, cent soixante-douze ans après, la trentième année de l’empire de Théodose, se propagea l’hérésie de ceux qui niaient la résurrection des morts. Théodose, qui était un empereur très chrétien, fut rempli de tristesse devoir la foi indignement attaquée. Il se revêtit d'un cilice ; et s'étant retiré dans l’intérieur de son palais, il pleurait tous les jours Dieu, qui vit cela dans Sa miséricorde, voulut consoler ces affligés et affermir l’espérance de la résurrection des morts ; il ouvrit les trésors de sa tendresse et ressuscita les sept martyrs, comme il suit.


Martyre des sept dormants d'Ephèse. Vies de saints. XIVe.

Il inspira à un citoyen d'Ephèse l’idée de faire construire sur le mont Célion des étables pour les bergers. Les maçons ayant ouvert la grotte, les saints se levèrent et se saluèrent, dans la pensée qu'ils n'avaient dormi qu'une nuit ; puis se rappelant leur tristesse de la veille, ils demandèrent à Malchus, qui les approvisionnait, ce que Dèce avait décrété à leur égard. Il répondit :
" Comme je vous l’ai dit hier soir, on nous a cherchés pour nous contraindre à sacrifier aux idoles : voilà les pensées de l’empereur par rapport à nous."
Maximien répondit :
" Et Dieu sait que nous ne sacrifierons pas."

Après avoir encouragé ses compagnons, il dit à Malchus de descendre à-la ville pour acheter du pain, en lui recommandant d'en prendre plus qu'il n'avait fait la veille, et de leur communiquer à son retour les ordonnances de l’empereur. Malchus prit cinq sols, sortit de la caverne. En voyant les pierres il fut étonné ; mais comme il pensait à autre chose, l’idée des pierres fit peu d'impression sur lui. Alors qu'il arrivait, non sans une certaine appréhension, à la porte de la ville, il fut singulièrement surpris de la voir surmontée du signe de la croix ; de là il alla à une autre porte. Quand il vit le même signe, il fut très étonné de voir une croix au-dessus de toutes les portes, et de trouver la ville changée ; il se signa, et revint à la première porte en pensant qu'il rêvait.


Les sept dormants d'Ephèse. Legenda aurea.
J. de Voragine. R. de Monbaston. XIVe.

Enfin il se rassure, se cache le visage et pénètre dans la ville. Comme il entrait chez les marchands de pain, il entendit qu'on parlait de il fut stupéfait : " Qu'est ceci, pensait-il ? hier personne n'osait prononcer le nom de J.-C., et aujourd'hui ils se confessent tous chrétiens ? Je crois que ce n'est pas là la ville d'Ephèse : d'ailleurs elle est autrement bâtie ; c'est une autre ville, mais je ne sais laquelle."
Alors il prit des informations : on lui répondit que c'était Ephèse. Se croyant le jouet d'une erreur, il songea à venir retrouver ses compagnons. Cependant il entra chez ceux qui vendaient du pain, et ayant donné son argent, les marchands étonnés se disaient l’un à l’autre que ce jeune homme avait trouvé un vieux trésor.

Or, Malchus, en les voyant se parler en particulier, pensait qu'ils voulaient le mener à l’empereur, et, dans son effroi, il les pria de le laisser aller et de garder les pains et les pièces d'argent. Mais les boulangers le retinrent et lui dirent :
" D'où es-tu ? Puisque tu as trouvé des trésors des anciens empereurs ; indique-les-nous ; nous partagerons avec toi et nous te cacherons, car autrement tu ne peux t'en retirer."


Malchus ne savait quoi leur répondre, tant il avait peur. Alors les marchands, voyant qu'il se taisait, lui jetèrent une corde au cou, le traînèrent par les rues jusqu au milieu de la ville. C'était une rumeur générale qu'un jeune homme avai  trouvé des trésors. Tout le monde s'assemblait autour de lui, et le regardait avec admiration. Malchus voulait faire comprendre qu'il n'avait rien trouvé. Il examinait tout le monde et personne ne pouvait le connaître ; il regardait au milieu : de la foule pour distinguer quelqu'un de ses parents (il les croyait vraiment encore en vie), et ne trouvant personne, il restait comme un hébété au milieu du peuple de la ville.

La grotte des sept dormants d'Ephèse aujourd'hui.
Ionie. Empire romain d'Orient. Actuelle Turquie.

Le fait vint aux oreilles de saint Martin, évêque ; et du proconsul Antipater, nouvellement arrivé dans la ville Ils commandèrent aux citoyens de leur mener ce jeune homme avec précaution et d'apporter en même temps son argent. Pendant que les officiers le conduisaient à l’église, il pensait qu'on le menait à l’empereur. L'évêque donc et l’empereur  surpris de voir cet argent ; lui demandèrent où il avait trouvé un trésor, inconnu. Il répondit qu'il n'avait rien trouvé, mais qu'il avait en ces deniers dans la bourse de ses parents. On lui demanda alors de quelle ville il était. Il répondit :
" Je sais bien que je suis de cette ville, si tant est que cette ville soit Ephèse."
Le proconsul dit :
" Fais venir tes parents, afin qu'ils répondent pour toi."
Quand il eut cité leurs noms, personne ne les connaissant, on lui dit qu'il mentait pour pouvoir échapper, n'importe de quelle manière.
" Comment te croire, dit le proconsul ? tu prétends que cet argent vient de tes parents, et l’inscription a plus de 377 ans ; elle date des premiers temps de l’empereur Dèce, et ces pièces ne sont pas du tout pareilles à celles qui ont cours chez nous. Et comment tes parents vivaient-ils à cette époque, quand tu es si jeune ? Tu veux donc tromper les savants et les vieillards d'Ephèse ? Eh bien ! je vais te livrer à la rigueur des lois, jusqu'à ce, que tu fasses l’aveu de ta découverte." Alors Malchus se jeta à leurs pieds en disant :
" Pour Dieu, seigneurs, dites-moi ce que je vous demande, et je vous dirai ce qui est dans mon coeur. L'empereur Dèce, qui se trouvait dans cette ville, ou est-il à présent ?"
L'évêque lui répondit :
" Mon fils, il n'y a plus aujourd'hui ici-bas d'empereur qui s'appelle Dèce ; il y a longtemps qu'il l’était."
Mais Malchus dit :
" C'est pour cela, seigneur, que je suis bien étonné et que personne ne. me croit : or, suivez-moi, et je vous montrerai mes compagnons qui sont au mont Célion, et vous les croirez. Ce que je sais, c'est que nous avons fui quand Dèce s'est présenté ici ; et, hier soir, j'ai vu entrer Dèce dans cette ville, si tant est que ce soit Ephèse."
Alors l’évêque ayant réfléchi, dit au proconsul :
" C'est une vision que Dieu veut montrer par le ministère de ce jeune homme."

Ils le suivirent donc avec une grande multitude de citoyens. Malchus pénétra le premier dans le lieu où étaient, ses compagnons : l’évêque, qui entra après lui, trouva entre les pierres la relation scellée de deux sceaux d'argent. Il assembla le peuple, la lut, à l’admiration de tous ceux qui l’entendirent; et en voyant les saints de Dieu assis dans la caverne avec un visage qui avait la fraîcheur des roses, ils se prosternèrent en glorifiant Dieu. Aussitôt l’évêque et le proconsul envoyèrent prier l’empereur de venir de suite voir les miracles qui venaient de s'opérer.

Les sept dormants d'Ephèse. Vies de Saints.
R. de Monbaston. XIVe.

Aussitôt l’empereur quitta le sac qu'il portait, se leva et vint de Constantinople à Ephèse en rendant gloire à Dieu. On alla au-devant de lui et on l’accompagna à la grotte. Les saints n'eurent pas plutôt vu l’empereur que leur visage brilla,, comme le soleil ; ensuite l’empereur entra, se prosterna devant eux en glorifiant Dieu, se leva, les embrassa et pleura sur chacun d'eux en disant :
" Je vous vois, comme si je voyais le Seigneur ressuscitant Lazare."
Alors saint Maximien lui dit :
" Croyez-nous ; c'est pour vous que Dieu nous a ressuscités avant le jour de la grande résurrection, afin que vous croyiez indubitablement à la résurrection certaine des morts ; car nous sommes vraiment ressuscités et nous vivons : or, de même que l’enfant dans le sein de sa mère vit sans ressentir de lésion, de même, nous aussi , nous avons été vivants, reposant, dormant et n'éprouvant pas de sensations."


Quand il eut dit ces mots, les sept hommes inclinèrent la tête sur la terre, s'endormirent et rendirent l’esprit selon l’ordre de Dieu. Alors l’empereur se leva, se jeta sur eux avec larmes et les embrassa. Il ordonna ensuite de faire des cercueils d'or pour les renfermer ; mais cette nuit-là même, ils lui apparurent et lui dirent que jusqu'alors ils avaient reposé sur la terre et qu'ils étaient ressuscités de dessus la terre, qu'il les y fallait laisser, jusqu'à ce que le Seigneur le  ressuscitât la seconde fois.

L'empereur ordonna donc qu'on ornât ce lieu. de pierres dorées, et que tous les évêques qui confessaient la résurrection fussent absous. Qu'ils aient dormi 377 ans, comme on le dit, la chose peut être douteuse, puisqu'ils ressuscitèrent l’an du Seigneur 418. Or, Dèce régna seulement un an et trois mois, en l’an 252 ; ainsi, ils ne dormirent que cent quatre-vingt-seize ans.

Le dolmen dans lequel les sept Saints dormants d'Ephèse
sont vénérés à Plouaret-Vieux-Marché. Bretagne. Ve-VIe.

CULTE

Notons que le culte des sept saints dormants d'Ephèse pénétra très tôt et très rapidement en Occident dont la Bretagne ne fut pas la dernière et la moins fervente à l'embrasser.  Nos Saints sont notamment vénérés à Plouaret-Vieux-Marché, non loin de Lannion dès la fin du Ve siècle grâce à la venue en mission de moines grecs. Pour cette paroisse, on peut lire et télécharger la Guerz (chant psalmodique breton) que la piété populaire à dédié à nos Saints : http://www.vieux-marche.net/IMG/pdf/GUERZ-_20texte-2.pdf

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samedi, 27 juillet 2024 | Lien permanent | Commentaires (3)

27 juillet. Saint Pantaléon, médecin, martyr à Nicomédie. 303.

- Saint Pantaléon, médecin, martyr à Nicomédie. 303.

Pape : Saint Marcelin. Empereur romain d'Orient : Dioclétien. Empereur romain d'Occident : Maximilien-Hercule.

" Ce qui donne le plus d'éclat à la toute-puissance du Verbe, c'est la puissance qu'il communique à ceux qui espèrent en lui."
Saint Bernard. Serm. LXXXIII sub Cant.

L'Orient célèbre aujourd'hui un de ses grands martyrs. Médecin des corps et conquérant des âmes, son nom qui indiquait la force du lion fut, au moment où il allait mourir, changé par le ciel en celui de Pantéléèmon ou tout miséricordieux : présage des biens que la gratuite libéralité du Seigneur se proposait de répandre par lui sur la terre. Les diverses translations et le partage de ses restes précieux dans notre Occident, y propagèrent son culte et sa renommée secourable, qui le fit ranger parmi les Saints auxiliateurs.

Saint Pantaléon vivait à Nicomédie. Son père était païen et sa mère chrétienne ; celle-ci mourut malheureusement bien trop tôt pour son enfant. Pantaléon, élevé dans la religion de Jésus-Christ, quoique non encore baptisé, subit l'influence de son père et finit par oublier les principes que sa mère lui avait inculqués dans son enfance.

Il s'attacha à l'étude de la médecine et y devint si célèbre, que l'empereur Maximien-Galère le choisit pour son médecin et voulut l'avoir à sa cour. Un prêtre chrétien, nommé Hermolaüs, résolut de ramener à la foi chrétienne un homme qui avait de si brillantes qualités ; il s'introduisit dans sa confiance et en vint à lui rappeler les vérités de la religion :
" A quoi, lui dit-il, vous serviront vos connaissances, si vous ignorez la science du salut ?"


Martyre de saint Pantaléon. Vies de saints.
Le maître de Fauvel. XIVe siècle.

Hermolaüs, voyant que ses paroles faisaient impression sur Pantaléon, le pressa davantage, et celui-ci lui déclara qu'il y penserait sérieusement. Ces heureuses dispositions s'affermirent par un miracle qu'il opéra en invoquant le nom de Jésus-Christ. Un jour qu'il se promenait dans la campagne, il rencontra un enfant mort, et, tout près de lui une vipère. Il ne douta point que l'enfant n'eût été la victime de ce reptile venimeux. Inspiré par la grâce, il s'adressa, plein de confiance, à Jésus-Christ, et dit :
" Enfant, lève-toi, au nom de Jésus-Christ !"
Puis, se tournant vers la vipère :
" Et toi, méchante bête, reçois le mal que tu as fait."
A l'instant l'enfant se relève vivant, et la vipère demeure inerte sur le sol. Pantaléon n'hésita plus à se faire baptiser.

Le martyre de saint Pantaléon. Verrière de la cathédrale de Chartres.

Le salut de son père fut sa première pensée, et il employa tout pour y réussir, la raison, le sentiment, la piété filiale et surtout la prière ; il acheva sa conquête par un miracle. Un jour, un aveugle vint le trouver et lui dit : " J'ai depuis longtemps employé sans effet tous les remèdes ; on m'a dit que vous êtes très habile médecin ; pourriez-vous me secourir ?
– Je vous guérirai, dit le médecin, si vous vous engagez à devenir chrétien."

L'aveugle promit avec joie et fut aussitôt guéri par l'invocation de Jésus-Christ. Son père, témoin de ce miracle, reçut le baptême avec l'aveugle guéri.

Pantaléon devint de plus en plus un apôtre de la foi ; à la mort de son père il vendit tous ses biens, les employa en bonnes oeuvres et ne se réserva que le produit de l'exercice de sa profession. Des médecins jaloux le dénoncèrent comme chrétien à l'empereur. Pantaléon fut condamné à divers supplices pendant plusieurs jours, dont celui d'être plongé dans une chaudière de plomb fondu, et fut enfin décapité.


Le martyre de saint Pantaléon. Legenda aurea.
Bx J. de Voragine. R. de Monbaston. XIVe siècle.

Saint Hermolaüs, qui avait converti saint Pantaléon à la foi, et les saints ermites Hermippe et Hermocrate, frères, furent martyrisés par le même arrêt de Maximien-Galère.

Saint Charlemagne obtint une partie notable des reliques de notre saint - lesquelles étaient jusqu'alors conservées à Constantinople, et les fit mettre au trésor de l'abbaye de Saint-Denis. Le crâne de saint Pantaléon fut envoyé à Lyon et de là une partie dans l'église Saint-Etienne du village corrézien de Saint-Pantaléon-de-Lapleau.


Reliquaire contenant des fragments de crâne de saint Pantaléon.
Eglise Saint-Etienne de Saint-Pantaléon-de-Lapleau. Corrèze.

Saint Pantaléon, honoré comme le principal patron des médecins après saint Luc, a bénéficié très vite d'un culte dans tous le monde chrétien. En France, un grand nombre de lieux de cultes lui furent rapidement dédiés ; la plus fameuse étant probablement celle de Troyes, caractéristique de l'école champenoise d'archotecture, de statuaire et de peinture.

Gueberschwihr, en Alsace, peut s'ennorgueuillir de
sa splendide église romane Saint-Pantaléon.

PRIERE

" Qu'y a-t-il de plus fort que le lion, déplus doux que le miel (Jud., XIV, 18.) ? Plus grand que Samson, vous avez dans votre personne même, ô Martyr, posé et résolu l'énigme : du fort est sortie la douceur (Ibid. 14.). Ô lion qui marchiez si intrépidement à la suite du Lion de Juda,vous sûtes aussi imiter sa mansuétude ineffable ; et, comme il mérita d'être appelé  l’Agneau à jamais, ainsi voulut-il que sa miséricorde resplendît dans le nom éternel par lequel, transformant votre nom de la terre, il vous appelait au festin des cieux. Pour l'honneur de celui qui en fit votre titre de gloire, justifiez-le toujours plus. Soyez propice à ceux qui vous implorent, aux malheureux qu'une triste consomption rapproche chaque jour des portes du tombeau, aux médecins qui comme vous se dépensent dans les soins donnés à leurs frères : aidez-les à soulager la souffrance physique, à guérir les corps ; montrez-leur à panser mieux encore les plaies morales, à conduire l'âme au salut."

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samedi, 27 juillet 2024 | Lien permanent | Commentaires (10)

27 juillet. Saint Aréthas et les saints martyrs d'Arabie, au pays des Homérites. 524 (?).

- Saint Aréthas et les saints martyrs d'Arabie, au pays des Homérites. 524.

Pape : Jean Ier. Roi du Yémen : Dunaan.

" Viens, allons mourir pour le Christ !"


Saint Aréthas.

Ils habitaient le Yémen, c'est-à-dire le sud-ouest de l'Arabie ou " Arabie heureuse " (jadis le pays de la reine de Saba ; ce nom " classique " d'Homérites que leur donne le martyrologe vient de l'arabe " Himyar ").

La région était depuis peu sous la mouvance éthiopienne, et chrétienne çà et là par des groupes venus d'Afrique ; mais le Judaïsme dominait depuis la fin du Ve siècle.

Un prince, juif de religion, Dhû Nowas (ou Dunaan), entreprit, au début de l'hiver 522-523, de secouer le " joug " des Noirs éthiopiens. Il prit la ville de Safar, massacra la colonie abyssine chrétienne, et transforma l'église en " ceux d'en-face ".
Puis ce fut le tour de Nedjrân (ou Nagran, ou Najran). Il proposa une capitulation, car le siège traînait un peu. On l'accepta.

Dès qu'il fut entré, il oublia ses engagements et massacra tout Chrétien qui refusait l'apostasie. L'évêque défunt fut exhumé et mis au feu. On aménagea une immense fosse ardente où l'on jeta tout le clergé avec les vierges sacrées, holocauste de 427 victimes.
L'église flamba. Il y eut au total plus de 4.000 morts. Et 340 guerriers, de la tribu des Harith-ibn-Kaab, avec leur émir que nous appelons Aréthas, s'étaient enfermés dans la ville : ils avaient conseillé aux assiégés une attitude vigoureuse et énergique, mais en vain. Ils eurent le déplaisir d'être immolés sans avoir pourfendu de mécréants. Aréthas fut décapité. Une femme fut étendue à terre : on égorgea sur elle ses deux filles en sorte que leur sang lui coulât dans la bouche, puis on la tua.

L'épisode émouvant, recueilli par Baronius au 24 octobre, de l'enfant qui se jette au feu pour rejoindre sa mère, est un enjolivement hagiographique *. Voici les faits, d'après le document le plus sûr, une lettre de Siméon, évêque de Beit Archam :

" Un petit garçon trottinait pendu à la main de sa mère qu'on menait au supplice. Il aperçut le roi assis en magnifique apparat. Aussitôt il quitte sa mère, court au prince, embrasse ses genoux.
Dhû Nowas (Dunaan), touché, l'embrasse :
" Que préfères-tu, mon petit, aller avec maman, ou rester avec moi ?
- Par Notre-Seigneur, aller avec maman. Elle m'a dit : " Viens, allons mourir pour le Christ ". Laisse-moi retourner avec elle. Elle m'a dit que le roi des Juifs tuait ceux qui obéissaient au Christ.
- Comment as-tu connu le Christ ?
- Chaque jour je le vois quand j'accompagne maman à l'église.
- Qui aimes-tu mieux, maman ou moi ?
- Par Notre-Seigneur, j'aime mieux maman.
- Et qui aimes-tu mieux, moi ou le Christ ?
- J'aime mieux le Christ !
- Alors pourquoi es-tu venu embrasser mes genoux ?
- Je croyais que tu étais le roi Chrétien qui était à l'église, mais je vois que tu es juif.
- Je te donnerai des noix, des amandes, des figues !
- Non, par le Christ, jamais je ne mangerai des choses juives. Laisse-moi retourner avec maman.
- Reste ici, tu seras mon fils.
- Non, tu sens mauvais, et maman sent bon."

Martyre de saint Aréthas.

Alors le roi s'adressant à son entourage :
" Voyez-vous cela comme le Christ a séduit jusqu'à leurs gamins !"
Un noble intervint :
" Arrive, je te mène à la reine, tu seras son petit garçon.
- Toi, répliqua le petit, je te battrai ! Maman, qui me conduit à l'église, vaut mieux que ta reine."

Comme on le retenait, il mordit le roi à la jambe :
" Lâche-moi, Juif ! Laisse-moi retourner avec maman et mourir avec elle !"
On l'éloigna de force ; il résistait, trépignait, appelait sa mère :
" Maman, maman, prends-moi et conduis-moi à l'église !"
Sa mère lui cria :
" Souviens-toi que tu es gardé par le Christ, ne pleure pas. Attends-moi chez lui dans l'église. Je t'y rejoindrai."

Là-dessus, elle fut décapitée. L'énergique garçonnet, nommé Baïsar, survécut. Il fit plus tard partie d'une ambassade envoyée à Constantinople. Il n'aimait pas qu'on le questionnât sur son héroïsme puéril.

Ces vaillants Chrétiens, victimes du fanatisme juif et des suspicions politiques autorisées par leurs rapports avec l'Éthiopie et Byzance, furent vengés par le roi d'Axoum, Ellesbaas (fêté le 27 octobre). Une expédition partie d'Abyssinie défit Dhû Nowas (Dunaan) et mit fin à la domination juive au profit de l'Éthiopie (et de Byzance). Plus tard, les Homérites, las d'un joug étranger, se révoltèrent de nouveau à la voix d'un chef, Chrétien cette fois, Abraham. Puis l'empereur Justinien essaya de soumettre leur pays à son influence ; enfin le roi des Perses, Chosroès, établit son autorité, en attendant l'invasion musulmane.

Les Syriens Jacobites (monophysites) ont fêté nos héros le 31 décembre (P. O., t. 10, p. 31, 36, 49). Le synaxaire de Constantinople porte Aréthas le 24 octobre, et le calendrier de marbre trouvé à Naples (du IXe siècle) note Aréthas au 1er et au 24 octobre. Usuard (875) a mis le 1er octobre Aréthas, « mort martyr à Rome, avec 504 autres ". Une hymne attribuée à Sévère d'Antioche fait d'Aréthas un " Docteur ".

Rq : Bibl. - La meilleure source est une lettre de Siméon, évêque de Beit Archam.
Voir aussi :
http://www.abbaye-saint-benoit.ch/martyrs/martyrs0004.htm...

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samedi, 27 juillet 2024 | Lien permanent

25 juillet. Saint Christophe ou Christophore, martyr en Lycie. 254.

- Saint Christophe ou Christophore, martyr en Lycie. 254.

Pape : Saint Lucius Ier (254 +) ; saint Etienne Ier. Empereurs romains : Valérien ; Gallien.

" Te novimus, Chritophore, christiferum ; simul junxit ensis martyrem Christo Deo."
" Nous savions, Ô Christophe, que tu portais le Christ dans ton coeur ; et l'épée qui a tranché tes jours n' fait que t'unir plus étroitement à ton Dieu."
Acta sanctorum.


Dirck Bouts. Brabant. XVe.

C'est une chose indubitable qu'il y a eu dans l'Église un saint Christophe, qui, selon la signification de son nom, a porté Notre Seigneur Jésus-Christ dans son coeur par le pur amour qu'il a eu pour lui : dans sa bouche par la prédication de son Evangile, et dans ses membres par la participation de ses souffrances. Les très nombreuses églises et chapelles dédiées sous son nom, les fêtes établies en son honneur, les mémoiresqu'en font tous les bréviaires et les martyrologes, et ses images exposées publiquement dans un nombre de cathédrales, en sont une preuve convaincante.

Mais, pour les circonstances de son histoire, elles ne sont pas tout à fait certaines : soit parce que l'antiquité n'a pas eu le soin de les écrire exactement, soit parce que la malice des hérétiques, pour en obscurcir la vérité, y a inséré des choses trop extraordinaires et qui sont tout à fait hors de créance.


Heures à l'usage de Langres. XVe.

Il est donc à propos, dans cette vie, de faire un sage discernement de la vérité et du mensonge, et de dire tellement ce qui peut faire tort à la gloire de ce très glorieux Martyr, qu'on en dise rien que de bien établi et qui soit appuyé sur de suffisant témoignages. Le cardinal Baronius, qui a examiné ses Actes, n'en trouve point de plus assurés que ceux qui sont compris dans l'Hymne très ancienne du Bréviaire des Mozarabes, dressé par saint Isidore, auquel il faut ajouter ce que nous en apprenons de la préface de saint Ambroise, pour la messe de saint Christophe, rapportée par Surius.

Cette Hymne, O beate mundi auctor, du Bréviaire mozarabe fait allusion, dans ses seize strophes, à tous les points de la légende de saint Christophe telle qu'elle est rapportée par le bienheureux Jacques de Voragine dans sa Légende dorée. Nous la rapportons ici car elle a de grandes vertus apologétiques, même si, insistons encore, elle n'est pas très exactement recevable et avérée en tous points.


Domenico Ghirlandaio. XVe.

Christophe, avant son baptême, se nommait Reprobus, Réprouvé, mais dans la suite il fut appelé Christophorus, Christophe, comme si on disait : qui porte le Christ, parce qu'il porta le Christ en quatre manières :
- sur ses épaules, pour le faire passer ;
- dans son corps, par la macération ;
- dans son coeur, par la dévotion ;
- sur les lèvres, par la confession et la prédication.

Christophe était Chananéen ; il était de haute stature et d'un port majestueux. Il avait le visage beau et agréable, les cheveux éclatants et manifestait tant de grâce dans ce qu'il faisait et disait qu'il se rendait très agréable à tous ceux qu'il rencontrait.

Il avait embrassé la carrière des armes et combattit sous le jeune empereur Gordien. C'est sous le règne de l'empereur Philippe qu'il se convertit au Christianisme.


Heures à l'usage de Paris. XVe.

D'après ce qu'on lit en ses actes, un jour qu'il se trouvait auprès d'un roi des Chananéens, et il il lui vint à l’esprit de chercher quel était le plus grand prince du monde, et de demeurer près de lui. Il se présenta chez un roi très puissant qui avait partout la réputation de n'avoir point d'égal en grandeur. Ce roi en le voyant l’accueillit avec bonté et le fit rester à sa cour.

Or, un jour, un jongleur chantait en présence du roi une chanson où revenait souvent le nom du diable ; le roi, qui était chrétien, chaque fois qu'il entendait prononcer le nom de quelque diable, faisait de suite le signe de croix sur sa figure. Christophe, qui remarqua cela, était fort étonné de cette action, et de ce que signifiait un pareil acte. Il interrogea le roi à ce sujet et celui-ci ne voulant pas le lui découvrir, Christophe ajouta :
" Si vous ne me le dites, je ne resterai pas plus longtemps avec vous."
C'est pourquoi le roi fut contraint de lui dire :
" Je me munis de ce signe, quelque diable que j'entende nommer, dans la crainte qu'il ne prenne pouvoir sur moi et ne me nuise."
Christophe lui répondit :
" Si vous craignez que le diable ne vous nuise, il est évidemment plus grand et plus puissant que vous ; la preuve en est que vous en avez une terrible frayeur. Je suis donc bien déçu dans mon attente ; je pensais avoir trouvé le plus grand et le plus puissant seigneur du monde ; mais maintenant je vous fais mes adieux, car je veux chercher le diable lui-même, afin de le prendre pour mon maître et devenir son serviteur."


Dirck Bouts. Brabant. XVe.

Il quitta ce roi et se mit en devoir de chercher le diable. Or, comme il marchait au milieu d'un désert, il vit une grande multitude de soldats, dont l’un, à l’aspect féroce et terrible, vint vers lui et lui demanda où il allait. Christophe lui répondit :
" Je vais chercher le seigneur diable, afin de le prendre pour maître et seigneur."
Celui-ci lui dit :
" Je suis celui que tu cherches."
Christophe tout réjoui s'engagea pour être son serviteur à toujours et le prit pour son seigneur.

Or, comme ils marchaient ensemble, ils rencontrèrent une croix élevée sur un chemin public. Aussitôt que le diable eut aperçu cette croix, il fut effrayé, prit la fuite et, quittant le chemin, il conduisit Christophe à travers un terrain à l’écart et raboteux, ensuite il le ramena sur la route. Christophe émerveillé de voir cela lui demanda pourquoi il avait manifesté tant de crainte, lorsqu'il quitta la voie ordinaire, pour faire un détour, et le ramener ensuite dans le chemin : Le diable ne voulant absolument pas lui en donner le motif, Christophe dit :
" Si vous ne me l’indiquez, je vous quitte à l’instant."
Le diable fut forcé de lui dire :
" Un homme qui s'appelle Christ fut attaché à la croix ; dès que je vois l’image de sa croix, j'entre dans une grande peur, et m’enfuis effrayé."
Christophe lui dit :
" Donc ce Christ est plus grand et plus puissant que toi, puisque tu as une si brande frayeur en voyant l’image de sa croix ? J'ai donc travaillé en vain, et n'ai pas encore trouvé le plus grand prince du monde. Adieu maintenant, je veux te quitter et chercher ce Christ."


Scènes de la légende de saint Christophe.
Vies de saints. R. de Montbaston. XIVe.

Il chercha longtemps quelqu'un qui lui donnât des renseignements sur le Christ ; enfin il rencontra un ermite qui lui prêcha Notre Seigneur Jésus-Christ et qui l’instruisit soigneusement de la foi.

L'ermite dit à Christophe :
" Ce roi que tu désires servir réclame cette soumission : c'est qu'il te faudra jeûner souvent."
Christophe lui répondit :
" Qu'il me demande autre chose, parce qu'il m’est absolument impossible de faire cela.
- Il te faudra encore, reprend l’ermite, lui adresser des prières.
- Je ne sais ce que c'est, répondit Christophe, et je ne puis me soumettre à cette exigence. - Connais-tu tel fleuve où bien des passants sont en péril de perdre la vie ?
- Oui, dit Christophe.
- Comme tu as une haute stature et que tu es fort robuste, si tu restais auprès de ce fleuve, et si tu passais tous ceux qui surviennent, tu ferais quelque chose de très agréable au roi Jésus-Christ que tu désires servir, et j'espère qu'il se manifesterait à toi en ce lieu.
- Oui, je puis bien remplir cet office, et je promets que je m’en acquitterai pour lui."
Il alla donc au fleuve dont il était question, et s'y construisit un petit logement. Il portait à la main au lieu de bâton une perche avec laquelle il se maintenait dans l’eau ; et il passait sans relâche tous les voyageurs.


Saint Christophe. Francesco di Giorgio Martini.
Eglise Saint-Augustin. Sienne. Etats pontificaux. XVe.

Bien des jours s'étaient écoulés, quand, une fois qu'il se reposait dans sa petite maison, il entendit la voix d'un petit enfant qui l’appelait en disant :
" Christophe, viens dehors et passe-moi."
Christophe se leva de suite, mais ne trouva personne. Rentré chez soi, il entendit la même voix qui l’appelait. Il courut de,lors de nouveau et ne trouva personne. Une troisième fois il fut appelé comme auparavant, sortit et trouva sur la rive du fleuve un enfant qui le pria instamment de le passer.

Christophe leva donc l’enfant sur ses épaules, prit son bâton et entra dans le fleuve pour le traverser. Et voici que l’eau du fleuve se gonflait peu à peu, l’enfant lui pesait comme une masse de plomb ; il avançait, et l’eau gonflait toujours, l’enfant écrasait de plus en plus les épaules de Christophe d'un poids intolérable, de sorte que celui-ci se trouvait dans de grandes angoisses et, craignait de périr.


Saint Jérôme, saint Christophe, saint Louis de Toulouse.
Giovanni Bellini. XVIe.

Il échappa à grand peine. Quand il eut franchi la rivière, il déposa l’enfant sur la rive et lui dit :
" Enfant, tu m’as exposé à un grand danger, et tu m’as tant pesé que si j'avais eu le monde entier sur moi, je ne sais si j'aurais eu plus lourda porter."
L'enfant lui répondit :
" Ne t'en étonne pas, Christophe, tu n'as pas eu seulement tout le monde sur toi, mais tu as porté sur les épaules celui qui a créé le monde : car je suis le Christ ton roi, auquel tu as en cela rendu service ; et pour te prouver que je dis est la vérité, quand tu seras repassé, enfonce ton bâton en terre vis-à-vis ta petite maison, et le matin tu verras qu'il a fleuri et porté des fruits."
A l’instant il disparut. En arrivant, Christophe ficha. donc son bâton en terre, et quand il se leva le matin, il trouva que sa perche avait poussé des feuilles, et des dattes comme un palmier.


Adam Elsheimer. XVIe.

Il vint ensuite à Samos, ville de Lycie, où il ne comprit pas la langue que parlaient les habitants, et il pria le Seigneur de lui en donner l’intelligence. Tandis qu'il restait en prières, les juges le prirent pour un insensé, et le laissèrent. Saint Christophe, ayant obtenu ce qu'il demandait, se couvrit le visage, vint à l’endroit où combattaient les Chrétiens, sous la persécution de Dèce, et il les affermissait au milieu de leurs tourments.

Alors un des juges le frappa au visage, et Christophe se découvrant la figure :
" Si je n'étais Chrétien, dit-il, je me vengerais aussitôt de cette injure."
Puis il ficha son bâton, en terre en priant le Seigneur de le faire reverdir pour convertir le peuple. Or, comme cela se fit à l’instant, huit mille hommes devinrent croyants.


Scènes de la légende de saint Christophe.
Vies de saints. Jeanne de Montbaston. XIVe.

Le roi envoya alors deux cents soldats avec ordre d'amener Christophe par devant lui ; mais l’avant trouvé en oraison ils craignirent de lui signifier cet ordre; le roi envoya encore un pareil nombre d'hommes, qui, eux aussi, se mirent à prier avec Christophe.
Il se leva et leur dit :
" Qui cherchez-vous ?"
Quand ils eurent vu son visage ; ils dirent :
" Le roi nous a envoyés pour te garrotter et t'amener à lui."
Christophe leur dit :
" Si je voulais, vous ne pourriez. me conduire ni garrotté, ni libre."
Ils lui dirent :
" Alors si tu ne veux pas, va librement partout : ou bon te semblera, et nous dirons au roi que nous ne t'avons pas trouvé.
- Non, il n'en sera pas ainsi, dit-il ; j'irai avec vous."


Panneau central d'un tryptique. Taddeo Gaddi. XIVe.

Alors il les convertit à la foi, se fit lier par eux les mains derrière le dos, et conduire au roi en cet état. A sa vue, le tyran fut effrayé et tomba à l’instant de son siège. Relevé ensuite par ses serviteurs, il lui demanda son nom et sa patrie. Christophe lui répondit :
" Avant mon baptême, je m’appelais Réprouvé, mais aujourd'hui je me nomme Christophe."
Le roi lui dit :
" Tu t'es donné un sot nom, en prenant celui du Christ crucifié, qui ne s'est fait aucun bien, et qui ne pourra t'en faire. Maintenant donc, méchant Chananéen, pourquoi ne sacrifies-tu pas à nos dieux ?"
Christophe lui dit :
" C'est à bon droit que tu t'appelles Dagnus [Damné ou danger ? Ou bien encore dague, poignard ?], parce que tu es la mort du monde, l’associé du diable ; et tes dieux sont l’ouvrage de la main des hommes."
Le roi lui dit :
" Tu as été élevé au milieu des bêtes féroces ; tu ne peux donc proférer que paroles sauvages et choses inconnues des hommes. Or, maintenant, si tu veux sacrifier, tu obtiendras de moi de grands honneurs, sinon, tu périras dans les supplices."
Et comme le saint ne voulut pas sacrifier, Dagnus le fit mettre en prison ; quant aux soldats qui avaient été envoyés à Christophe, il les fit décapiter pour le nom de Notre Seigneur Jésus-Christ.


Heures à l'usage de Rome. XIIIe.

Ensuite il fit renfermer avec Christophe dans la prison deux filles très belles, dont l’une s'appelait Nicée et l’autre Aquilinie, leur promettant de grandes récompenses, si elles induisaient Christophe à pécher avec elles. A cette vue, Christophe se mit tout de suite en prière. Mais comme ces filles le tourmentaient par leurs caresses : et leurs embrassements, il se leva et leur dit :
" Que prétendez-vous et pour quel motif avez-vous été introduites ici ?"
Alors elles furent effrayées de l’éclat de son visage et dirent :
" Ayez pitié de nous, saint homme, afin que nous puissions croire au Dieu que vous prêchez."
Le roi, informé de cela, se fit amener ces femmes et leur dit :
" Vous avez donc aussi été séduites. Je jure par les dieux que si vous ne sacrifiez, vous périrez de malemort."
Elles répondirent :
" Si tu veux que nous sacrifiions, commande qu'on nettoie les places et que tout le monde s'assemble au temple."

Quand cela fut fait, et qu'elles furent entrées dans le temple, elles dénouèrent leurs ceintures, les mirent au cou des idoles qu'elles firent tomber et qu'elles brisèrent ; puis elles dirent aux assistants :
" Allez appeler des médecins pour guérir vos dieux."
Alors par l’ordre du roi, Aquilinie est pendue ; puis on attacha à ses pieds une pierre énorme qui disloqua tous ses membres. Quand elle eut rendu son âme au Seigneur, Nicée, sa soeur, fut jetée dans le feu ; mais comme elle en sortit saine et sauve, elle fut tout aussitôt après décapitée.

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jeudi, 25 juillet 2024 | Lien permanent | Commentaires (1)

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