Rechercher : Saint Willibrord
9 août. Saint Jean-Marie-Baptiste Vianney, curé d'Ars, au diocèse de Belley. 1859.
- Saint Jean-Marie-Baptiste Vianney, curé d'Ars, au diocèse de Belley. 1859.
Pape : Pie IX. " Empereur des Français " : Napoléon III.
" Tout ce que le Fils demande au Père lui est accordé. Tout ce que la Mère demande au Fils lui est pareillement accordé."
" Laissez une paroisse vingt ans sans prêtre : on y adorera les bêtes."
" Ce n'est pas le pécheur qui revient à Dieu pour lui demander pardon, mais c'est Dieu qui court après le pécheur et qui le fait revenir à lui."
Saint Jean-Marie Vianney.
Né le 8 mai 1786 à Dardilly, près de Lyon, dans une famille de cultivateurs, Jean-Marie Vianney connaît une enfance marquée par la ferveur et l'amour de ses parents. Le contexte de la Révolution française va cependant fortement influencer sa jeunesse : il fera sa première confession au pied de la grande horloge, dans la salle commune de la maison natale, et non pas dans l'église du village, et il recevra l'absolution d'un prêtre clandestin.
Deux ans plus tard, il fait sa première communion dans une grange, lors d'une messe clandestine, célébrée par un prêtre réfractaire. A 17 ans, il choisit de répondre à l'appel de Dieu : " Je voudrais gagner des âmes au Bon Dieu ", dira-t-il à sa mère, Marie Béluze. Mais son père s'oppose pendant deux ans à ce projet, car les bras manquent à la maison paternelle.
Il commence à 20 ans à se préparer au sacerdoce auprès de l'abbé Balley, Curé d'Écully. Les difficultés vont le grandir : il navigue de découragement en espérance, va en pèlerinage à la Louvesc, au tombeau de saint François Régis. Il est obligé de devenir déserteur lorsqu'il est appelé à entrer dans l'armée pour aller combattre pendant la guerre en Espagne. Mais l'Abbé Balley saura l'aider pendant ces années d'épreuves. Ordonné prêtre en 1815, il est d'abord vicaire à Écully.
En 1818, il est envoyé à Ars. Là, il réveille la foi de ses paroissiens par ses prédications mais surtout par sa prière et sa manière de vivre. Il se sent pauvre devant la mission à accomplir, mais il se laisse saisir par la miséricorde de Dieu. Il restaure et embellit son église, fonde un orphelinat, La Providence, et prend soin des plus pauvres.
Très rapidement, sa réputation de confesseur lui attire de nombreux pèlerins venant chercher auprès de lui le pardon de Dieu et la paix du cœur. Assailli par bien des épreuves et des combats, il garde son cœur enraciné dans l'amour de Dieu et de ses frères ; son unique souci est le salut des âmes. Ses catéchismes et ses homélies parlent surtout de la bonté et de la miséricorde de Dieu.
Saint Jean-Marie Vianney recevant saint Pierre-Julien Eymard.
Il y aurait bien des choses à dire sur la vie et la sainte dévotion de notre magnifique saint. Il fut un coeur consumé d'amour pour le coeur de Jésus et pour celui de Notre Dame et eut toute sa vie une dévotion particulièrement fervente pour sa " chère petite sainte, sainte Philomène ".
Prêtre consumé d'amour devant le Saint-Sacrement, tout donné à Dieu, à ses paroissiens et aux pèlerins, il meurt le 4 août 1859, après s'être livré jusqu'au bout de l'Amour. Sa pauvreté n'était pas feinte. Il savait qu'il mourrait un jour comme " prisonnier du confessionnal ". Il avait par trois fois tenté de s'enfuir de sa paroisse, se croyant indigne de la mission de Curé, et pensant qu'il était plus un écran à la bonté de Dieu qu'un vecteur de cet Amour. La dernière fois, ce fut moins de six ans avant sa mort. Il fut rattrapé au milieu de la nuit par ses paroissiens qui avaient fait sonner le tocsin. Il regagna alors son église et se mit à confesser, dès une heure du matin. Il dira le lendemain : " j'ai fait l'enfant ". Lors de ses obsèques, la foule comptait plus de mille personnes, dont l'évêque et tous les prêtres du diocèse, venu entourer celui qui était déjà leur modèle.
Béatifié le 8 janvier 1905, il est déclaré la même année, “ patron des prêtres de France ”. Canonisé en 1925 par Pie XI (comme sainte Thérèse de l'Enfant-Jésus), il sera proclamé en 1929 “ patron de tous les Curés de l'univers ”.
Rq : Biographie recommandée : " Le Curé d'Ars ". Mgr Francis Trochu, 1925. Cependant, celle que lui a consécrée Alphonse Germain peut être une bonne introduction, " Le bienheureux Jean-Marie-Baptiste Vianney : le curé d'Ars ". Elle est disponible sur le site de la Bibliothèque nationale de France : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k66529r
vendredi, 09 août 2024 | Lien permanent | Commentaires (7)
10 août. Saint Laurent, archidiacre de l'église de Rome, martyr. 259.
- Saint Laurent, archidiacre de l'église de Rome, martyr. 259.
Pape : Vacance (saint Sixte II, 258+ ; saint Denys 260). Empereurs romains : Valérien ; Gallien (Trente tyrans).
" Le feu qui dévore son corps n'est rien par rapport à celui qui embrase son âme."
Saint Léon. Serm. de S. Laurentio.
Saint Laurent. Giovanni di Piero. XVe.
Saint Laurent fut l'un des plus illustres martyrs de l'Église. Ses vertus, son mérite, lui gagnèrent l'affection du Pape Sixte II, qui le choisit comme son premier diacre.
L'an 258, le Pape fut arrêté et condamné à mort. Comme on le conduisait au supplice, Laurent, son diacre, le suivait en pleurant :
" Où allez-vous, mon père, disait-il, sans votre fils ? Où allez-vous, saint Pontife, sans votre diacre? Jamais vous n'offriez le sacrifice sans que je vous servisse à l'autel. En quoi ai-je eu le malheur de vous déplaire ?"
Le saint Pape, ému, lui dit :
" Je ne vous abandonne point, mon fils ; une épreuve plus pénible et une victoire plus glorieuse vous sont réservées ; vous me suivrez dans trois jours."
Puis il lui ordonna de distribuer aux pauvres tous les trésors de l'Église, pour les soustraire aux persécuteurs : mission que Laurent accomplit avec joie.
" J'avoue, lui répondit le diacre, que notre Église est riche et que l'empereur n'a point de trésors aussi précieux qu'elle; je vous en ferai voir une bonne partie, donnez-moi seulement un peu de temps pour tout disposer."
Le préfet accorda trois jours de délai.
Saint Laurent & saint Etienne. Mariotto di Nardo. Début XVe.
Pendant ce temps, Laurent parcourut toute la ville pour chercher les pauvres nourris aux dépens de l'Église ; le troisième jour, il les réunit et les montra au préfet, en lui disant :
" Voilà les trésors que je vous ai promis. J'y ajoute les perles et les pierres précieuses, ces vierges et ces veuves consacrées à Dieu ; l'Église n'a point d'autres richesses.
– Comment oses-tu me jouer, malheureux ? dit le préfet ; est-ce ainsi que tu outrages en moi le pouvoir impérial ?"
Puis il le fit déchirer à coups de fouets.
Laurent, après ce supplice, fut conduit en prison, où il guérit un aveugle et convertit l'officier de ses gardes, nommé Hippolyte. Rappelé au tribunal, il fut étendu sur un chevalet et torturé cruellement ; c'est alors qu'un soldat de la garde, nommé Romain, vit un Ange essuyer le sang et la sueur du martyr :
" Vos tourments, dit Laurent au juge, sont pour moi une source de délices."
Laurent fut ensuite rôti à petit feu sur un gril de fer, et quand il eut un côté tout brûlé :
" Je suis assez rôti de ce côté, dit-il au juge en souriant ; faites-moi rôtir de l'autre."
Francesco di Cenni. XIVe.
Accusé, il ne se déroba pas, mais frappé résonna comme font les trompettes retentissantes : ainsi, dans les tortures, objet de ses vœux, tressaillait-il, résonnait-il en divines louanges.
Comme la corde rend sous l'archet sa mélodie, ainsi, tendu sur la lyre des tourments, il fit monter vers Jésus-Christ sa confession harmonieuse.
Vois, tyran, comme par la foi il demeure invincible parmi les coups, les menaces et les flammes : une intime espérance, une voix d'en haut le consolent, affermissent son courage.
Car les trésors que tu recherches, ce n'est pas à toi, mais à Laurent que tes tourments les acquièrent : il les entasse dans le Christ ; pour son combat, le Christ les lui garde comme récompense de triomphe.
La nuit du saint ignore l'ombre, rien dans sa peine dont le mélange puisse laisser quelque doute à sa foi : rendrait-il la lumière aux aveugles, si la lumière elle-même ne l'inondait pas ?
C'est la foi dont la confession resplendit en lui ; la lumière, il la place, non sous le boisseau, mais au milieu devant tous. Rôti comme un aliment, il plaît au serviteur de Dieu, au porteur de sa croix, d'être donné en spectacle aux Anges et aux nations.
Il ne craint pas d'être roulé sur les charbons, celui qui désire être affranchi de la chair et vivre avec le Christ ; il ne redoute pas ceux qui tuent le corps, mais ne peuvent tuer l'âme.
Comme la fournaise éprouve le travail des potiers, endurcit la substance : ainsi le feu, cuisant le martyr, en fait par la constance un vase affermi.
Quand le vieil homme en effet se dissout, un autre se répare au bûcher qui consume l'ancien ; c'est ainsi qu'au service de Dieu s'est fortifiée merveilleusement la puissance de l'athlète.
L'ardeur dont on l'entoure n'est que rosée pour son puissant amour et son zèle de justice; un feu brûlant, non consumant, surmonte tes brasiers assemblés, ministre impie.
Si tu ne le prends, si tu ne le brises, le grain de sénevé a peu de saveur ; c'est lorsqu'il brûle sur les charbons, que l'encens exhale mieux son parfum : ainsi pressé, ainsi brûlé, le Martyr plus pleinement, sous ce labeur, sous ces ardeurs, livre l'arôme de ses vertus.
Ô Laurent, fortuné à l'excès, roi magnifique ayant vaincu le roi du monde, fort chevalier du Roi des rois, tu réputas pour rien la souffrance dans ton combat pour la justice ; tu as surmonté tant de maux en contemplant les biens du Christ : par la grâce de tes mérites, fais-nous mépriser le mal, fais-nous mettre au bien notre joie.
Amen."
Pierre-Paul Rubens. XVIe.
" Trois fois heureux le Romain, qui t'honore au lieu où tes ossements reposent ! il se prosterne en ton sanctuaire ; pressant de sa poitrine la terre, il l'arrose de ses larmes et y répand ses vœux. Nous que séparent de Rome Alpes et Pyrénées, à peine pouvons-nous soupçonner de combien de trésors elle est pleine, combien son sol est riche en sépultures sacrées. Privés de ces biens, ne pouvant voir de près les traces du sang, nous contemplons le ciel de loin. O saint Laurent, c'est là que nous allons chercher le souvenir de tes souffrances ; car tu as deux palais pour demeure : celui du corps en terre, celui de l'âme au ciel. Le ciel, ineffable cité qui te fait membre de son peuple, qui, dans les rangs de son éternel sénat, place à ton front la couronne civique ! A tes pierreries resplendissantes, on dirait l'homme que Rome céleste élit pour perpétuel consul ! Tes fonctions, ton crédit, ta puissance paraissent, aux transports des Quirites exaucés dans leurs requêtes à toi présentées. Quiconque demande est entendu ; tous prient en liberté, formulent leurs vœux ; nul ne remporte avec lui sa douleur.
Sois toujours secourable à tes enfants de la cité reine : qu'ils aient pour ferme appui ton amour de père ; qu'ils trouvent en toi la tendresse et le lait du sein maternel. Mais parmi eux, ô toi l'honneur du Christ, écoute aussi l'humble client qui confesse sa misère et avoue ses fautes. Je me sais indigne, je le reconnais, indigne que le Christ m'exauce; mais protégé par les Martyrs, on peut obtenir le remède à ses maux. Ecoute un suppliant : dans ta bonté, délie mes chaînes, affranchis-moi de la chair et du siècle. ( Prudent, ubi supra.)."
samedi, 10 août 2024 | Lien permanent
5 septembre. Saint Laurent Justinien, premier patriarche de Venise, confesseur. 1455.
- Saint Laurent Justinien, premier patriarche de Venise, confesseur. 1455.
Papes : Nicolas V ; Calixte III. Roi de France : Charles VII. Souverain du Saint-Empire : Frédéric III de Habsbourg. Roi de Castille et de Léon : Henri IV. Roi d'Aragon et de Naples : Alphonse V le Magnanime.
" Le premier sacrifice de justice que l'homme doit faire à Dieu, celui qui Lui est le plus agréable et qui le fait avancer davantage dans la perfection, c'est le sacrifice d'un coeur contrir à cause de ses péchés passés."
Esprit de saint Laurent Justinien.
Ce fut vers la congrégation des chanoines réguliers de Saint-Georges-in-Alga que le porta sa ferveur. On l'y vit inventer de nouveaux tourments pour sévir plus durement contre lui-même, se déclarant une guerre d'ennemi acharné, ne se permettant aucun plaisir.
Plus jamais il n'entra dans le jardin de sa famille, ni dans la maison paternelle, si ce n'est pour rendre les derniers devoirs à sa mère mourante, ce qu'il fit sans une larme. Non moindre était son zèle pour l'obéissance, la douceur, l'humilité surtout : il allait au-devant des offices les plus abjects du monastère ; il se plaisait à mendier par les lieux les plus fréquentés de la ville, cherchant moins la nourriture que l'opprobre ; les injures, les calomnies ne pouvaient l'émouvoir ni lui l'aire rompre le silence.
Quand, par une grande chaleur, on lui proposait de boire :
" Si nous ne pouvons supporter la soif, disait-il, comment supporterons-nous le feu du purgatoire ?"
A un frère qui se lamentait parce que le grenier de la communauté avait brûlé : " Pourquoi donc, dit-il, avons-nous fait le voeu de pauvreté ? Cet incendie est une grâce de Dieu pour nous !"
Ses vertus l'élevèrent bientôt aux fonctions de général de son Ordre.
Son grand secours était dans la prière continuelle ; souvent l'extase le ravissait en Dieu ; telle était l'ardeur dont brûlait son âme, qu'elle embrasait ses compagnons, les prémunissant contre la défaillance, les affermissant dans la persévérance et l'amour de Jésus-Christ.
Comme on lui demandait sur quelles ressources il comptait, ce faisant, il répondait :
" Sur celles de mon Seigneur, qui pourra facilement payer pour moi."
Il bâtit plusieurs monastères de vierges, et forma diligemment leurs habitantes à marcher dans les voies de la vie parfaite. Son zèle s'employa à détourner les matrones vénitiennes des pompes du siècle et des vaines parures, comme à réformer la discipline ecclésiastique et les mœurs.
Aussi fût-ce à bon droit que le même Eugène IV l'appela, en présence des cardinaux, la gloire et l'honneurde la prélature. Ce fut également pour reconnaître son mérite, que le successeur d'Eugène, Nicolas V, ayant transféré le titre patriarcal de Grado à Venise, l'institua premier patriarche de cette ville.
Maintes fois ses prières mirent en fuite maladies et démons. Bien qu'il n'eût presque point étudié la grammaire, il a laissé des livres remplis d'une céleste doctrine et respirant l'amour.
Cependant la maladie qui devait l'enlever de ce monde venait de l'atteindre ; ses gens lui préparaient un lit plus commode pour sa vieillesse et son infirmité ; mais lui, manifestant sa répulsion pour des délices trop peu en rapport avec la dure croix de son Seigneur mourant, voulut qu'on le déposât sur sa couche ordinaire. Sentant venue la fin de sa vie : " Un chrétien, dit-il avec saint Martin, doit mourir sur la cendre et le cilice." " Je viens à vous, Ô bon Jésus !" dit-il, les yeux levés au ciel. Ce fut le huit janvier qu'il s'endormit dans le Seigneur.
Combien sa mort avait été précieuse, c'est ce qu'attestèrent les concerts angéliques entendus par plusieurs Chartreux, et la conservation de son saint corps qui, pendant plus de deux mois que la sépulture en fut dilférée, demeura sans corruption, avec les couleurs de la vie et exhalant un suave parfum. D'autres miracles suivirent aussi cette mort, lesquels amenèrent le Souverain Pontife Alexandre VIII à l'inscrire au nombre des Saints. Innocent XII désigna pour sa fête le cinquième jour de septembre, où il avait été d'abord élevé sur la chaire des pontifes.
EXTRAITS DE SAINT LAURENT JUSTINIEN
" Venez, vous tous que sollicite l'attrait du bien immuable, et qui vainement le demandez à ce siècle qui passe ; je vous dirai ce que le ciel a fait pour moi. Comme vous jadis je cherchais fiévreusement ; et ce monde extérieur ne donnait point satisfaction à mon désir brûlant. Mais, par la divine grâce qui nourrissait mon angoisse, enfin m'est apparue, plus belle que le soleil, plus suave que le baume, Celle dont alors le nom m'était ignoré. Venant à moi, combien son visage, était doux ! combien pacifiante était sa voix, me disant : " Ô toi dont la jeunesse est toute pleine de l'amour que je t'inspire, pourquoi répandre ainsi ton cœur ? La paix que tu cherches par tant de sentiers divers est avec moi ; ton désir sera comblé, je t'en donne ma foi : si, cependant, tu veux de moi pour épouse."
J'avoue qu'à ces mots défaillit mon cœur ; mon âme fut transpercée du trait de son amour. Comme toutefois je désirais savoir son nom, sa dignité, son origine, die me dit qu'elle se nommait la Sagesse de Dieu, laquelle, invisible d'abord au sein du Père, avait pris d'une Mère une nature visible pour être plus facilement aimée. Alors, en grande allégresse, je lui donnai consentement ; et elle, me donnant le baiser, se retira joyeuse."
[...] " Depuis, la flamme de son amour a été croissant, absorbant mes pensées. Ses délices durent toujours ; c'est mon épouse bien-aimée, mon inséparable compagne. Par elle, la paix que je cherchais fait maintenant ma joie. Aussi, écoutez-moi, vous tous : allez à elle de même; car elle met son bonheur à ne rebuter personne."
Saint Laurent Justinien. Fasciculus amoris, chap. XVI.
PRIERE ET ELOGE DE SAINT LAURENT JUSTINIEN
" Ô Sagesse qui résidez sur votre trône sublime, Verbe par qui tout fut fait, soyez-moi propice dans la manifestation des secrets de votre saint amour."
C'était, Laurent, votre prière, lorsque craignant d'avoir à répondre du talent caché si vous gardiez pour vous seul ce qui pouvait profitera plusieurs, vous résolûtes de divulguer d'augustes mystères. Soyez béni d'avoir voulu nous faire partager le secret des cieux. Par la lecture de vos dévots ouvrages, par votre intercession près de Dieu, attirez-nous vers les hauteurs comme la flamme purifiée qui ne sait plus que monter toujours. Pour l'homme, c'est déchoir de sa noblesse native que de chercher son repos ailleurs qu'en Celui dont il est l'image. Tout ici-bas n'est que pour nous traduire l'éternelle beauté, nous apprendre à l'aimer, chanter avec nous notre amour.
Quelles délices ne furent pas les vôtres, à ces sommets de la charité, voisins du ciel, où conduisent les sentiers de la vérité qui sont les vertus ! C'est bien de vous-même en cette vie mortelle que vous faites le portrait, quand vous dites de l'âme admise à l'ineffable intimité de la Sagesse du Père : Tout lui profite ; où qu'elle se tourne, elle n'aperçoit qu'étincelles d'amour ; au-dessous d'elle, le monde qu'elle a méprisé se dépense à servir sa flamme ; sons, spectacles, suavités, parfums, aliments délectables, concerts de la terre et rayonnement des cieux, elle n'entend plus, elle ne voit plus dans la nature entière qu'une harmonie d'épithalame et le décor de la fête où le Verbe l'a épousée. Ô ! Puissions-nous marcher comme vous à la divine lumière, vivre d'union et de désir, aimer plus toujours, pour toujours être aimé davantage."
De castoconnubio Verbi et animae.
jeudi, 05 septembre 2024 | Lien permanent
16 septembre. Saint Cyprien, évêque de Carthage, martyr. 258.
- Saint Cyprien, évêque de Carthage, martyr. 258.
On lira l'introduction à la notice du pape saint Corneille, auquel saint Cyprien de Carthage est associé.
Papes : Saint Fabien ; saint Corneille ; saint Lucius Ier. Empereurs romains : Trébonien Galle ; Hostilien ; Volusien ; Emilien (période de l'anarchie militaire) ; Valérien (période des trente tyrans).
" Extra Ecclesiam nulla salus."
" Hors de l'Eglise, point de salut."
Saint Cyprien. De unita ecclesiae.
" La parole du prédicateur n'est efficace qu'autant qu'elle est corroborée par ses exemples."
Saint Cyprien. De Zelo et livore.
Saint Cyprien de Carthage. Maître de Messkirch. Stuttgart. XVIe.
Cyprien vient de cypro, mélange, et ano, en haut ; ou bien de cypro, qui signifie tristesse ou héritage. Car il allia la grâce à la vertu, la tristesse pour le péché à l’héritage des joies célestes.
Cyprien, né dans le paganisme, descendait d'une illustre et opulente famille son père était sénateur. Une éducation digne de son rang et une étude passionnée des lettres et de la philosophie firent briller de bonne heure l'heureux génie dont la nature l'avait doué. La gloire littéraire était, à cette époque, l'un des premiers titres à l'admiration. Ses concitoyens obtinrent de lui qu'il ouvrît un cours public d'éloquence.
Cyprien menait, comme les païens de son temps, une vie tout à la fois laborieuse, sensuelle et fastueuse, lorsqu'une circonstance, qu'on pouvait appeler un événement, vint changer cette destinée. A son entrée dans le monde, un homme d'un bel esprit, d'une instruction variée, faisait par les agréments de sa conversation les délices de la haute société de Carthage. Son nom était Coecilius, qui, après sa conversion, édifia les fidèles de Carthage par une fervente et solide piété qui lui mérita, plus tard, d'être appelé aux fonctions du saint ministère. Coecilius fut jusqu'à sa mort un apôtre dévoué de cette religion qui avait été tant de fois l'objet de ses dédains et de ses railleries.
Son zèle affectueux s'attacha particulièrement au jeune Cyprien. Celui-ci délibéra longtemps. Il lui en coûta de soumettre l'orgueil du philosophe à l'autorité des faits et des enseignements divins. Sa volonté se montra plus rebelle encore que son intelligence. Déjà son esprit, convaincu par les raisonnements de Coecilius et éclairé de la lumière d'en haut, admirait les rapports intimes qui unissent la raison, la conscience et la foi ; mais son coeur frémissait à la pensée de se détacher de tous les objets qui l'avaient séduit et le retenaient captif. Lui, élevé au sein du luxe et des honneurs, et, comme il dit, au milieu des faisceaux ; accoutumé aux agréments d'une société brillante et enjouée, aux hommages d'une foule de clients empressés, lui qui, jouissant dans le monde païen de toute la considération d'un sage et d'un honnête homme, savait, de son propre aveu, allier avec cette prétendue sagesse la volupté et les plaisirs, pourrait-il s'astreindre à une vie sobre, retirée, humiliée, pénitente ? Tenterait-il de rompre des chaînes que leur charme rendait indissolubles, des penchants nés de son tempérament, des habitudes qui étaient devenues une seconde nature ?
Scènes de la vie de saint Cyprien. Martyre
de saint Cyprien. Homéliaire. XIIe.
Cependant, au milieu de tout ce tumulte des passions, la conscience ne cessait de lui crier :
" Courage, Cyprien Quoi qu'il en coûte, allons à Dieu !"
Il obéit enfin à cette voix ; il se lève, et, foulant aux pieds son propre cœur, il s'élance généreusement au baptême. Dès ce moment, c'est lui-même qui l'atteste, il s'opéra au fond de son âme une transformation complète ce qui restait obscur devint lumineux ce qui paraissait impossible lui fut facile il prit en dégoût le faste et l'orgueil de la vie, se sentit de l'attrait pour l'humilité de l'Evangile, et trouva dans la folie de la croix, non-seulement la vraie sagesse, mais aussi le vrai bonheur.
Lorsque saint Cyprien fut enfin baptisé, il rédigea le Traité à Donatus :
" Quand les eaux de la régénération eurent nettoyé les impuretés de ma vie passée, la lumière jaillit d'en haut dans mon coeur et l'Esprit me transforma en homme nouveau par une seconde naissance. Alors d'un coup, d'une manière miraculeuse, la certitude remplaça le doute, les mystères furent révélés, et la ténèbre devint lumière. Alors il fut possible de reconnaître que ce qui était né de la chair et avait vécut dans le péché était terrestre, mais que ce que l'Esprit Saint avait vivifié devenait de Dieu. En Dieu et de Dieu vient toute notre force. A travers Lui, pendant que nous vivons sur terre, nous voyons l'ébauche de la future béatitude."
La vocation de Cyprien n'était pas une vocation commune ; aussitôt après sa conversion, il vendit ses vastes possessions, parmi lesquelles étaient compris de magnifiques jardins situés sous les murs de Carthage, et il en distribua le prix aux pauvres. Un an s'était à peine écoulé, et l'illustre néophyte, par une exception que justifiait sa science, l'ardeur et la sincérité de sa foi, fut élevé au sacerdoce. L'an 248, l'assemblée des fidèles de Carthage le proclama évêque. Il voulut se dérober par la fuite à cette dignité mais le peuple chrétien accourut à sa demeure, et, à force d'instances, obtint son consentement.
Saint Cyprien de Carthage. Mosaïque. Détail.
Basilique Saint-Apollinaire-la-Neuve. Ravenne. Italie. VIe.
Le choix d'un si grand homme pour gouverner l'église de Carthage, dans un temps où l'on attendait à tout moment une nouvelle persécution, inspira un merveilleux courage aux chrétiens ils étaient persuadés que, par ses paroles et par ses exemples, il les fortifierait contre la malice de leurs ennemis. On ne peut expliquer la piété et la vigueur, la miséricorde et la sévérité qu'il fit paraître dans l'administration de sa charge. La sainteté et la grâce éclataient tellement dans toutes ses démarches, qu'il ravissait les cœurs de ceux qui le voyaient. Son visage était grave et marquait en même temps une pieuse gaieté. Ses actions étaient si bien tempérées par la bonté et par la fermeté, que l'on ne savait si l'on devait plus le craindre que l'aimer, ou plutôt on l'aimait et on le craignait tout ensemble.
Son habillement était modeste et également éloigné de la superfluité et de l'avarice. Il ne voulait pas se distinguer des autres par une vaine ostentation de réforme, ni s'exposer non plus au mépris par une épargne sordide mais il gardait en tout une juste et honnête modération. Sa charité envers les pauvres était inépuisable ; son zèle pour la discipline ecclésiastique. invincible ; ses travaux pour l'instruction de ses ouailles, immenses. En un mot, il était le père de son peuple, le bon pasteur de son troupeau, le modèle des autres prélats et l'admiration même des impies et des idolâtres.
Mais ce repos, dont l'Eglise jouit quelque temps, fut bientôt troublé par le cruel Dèce, qui envahit l'empire après la mort de Philippe (249) ; car, à peine ce tyran se vit-il en état de faire des édits, qu'il en publia de très rigoureux contre les chrétiens ce qui lâcha la bride à la fureur des idolâtres contre eux, et remplit toutes les provinces de carnages effroyables. Les démons seuls pouvaient inventer de pareils supplices beaucoup de chrétiens étaient en danger de perdre la foi avec la couronne du martyre. C'est ainsi qu'en parle saint Cyprien, et il remarque encore que les premiers qui se laissèrent emporter par cette tempête à renier Jésus-Christ, furent ceux qui, dans le calme de la paix, l'avaient déjà renié par mauvaise vie, et qui, s'étant attachés à leurs biens, à leurs familles et à leurs plaisirs, par des liens que condamne l'Evangile, ne purent se résoudre à perdre, pour la défendre, les choses qu'ils aimaient avec tant de passion. Le saint évêque n'oublia rien alors pour fortifier ses ouailles contre une si violente attaque il les anima à la victoire par ses puissantes exhortations il les prépara à la pénitence, et les rendit dignes du martyre par la pratique de toutes les vertus chrétiennes.
Les idolâtres, qui savaient combien un pasteur si vigilant et si généreux donnait de courage aux fidèles, tâchèrent, par toutes sortes de moyens, de se saisir de lui, et le désir qu'ils avaient de le mettre à mort était si violent, qu'on cria plusieurs fois, du milieu de l'amphithéâtre, de l'amener pour être déM~é par les bêtes féroces, ï! s'y fût volontiers exposé maïs, au lieu de suivre son xcle, il suivit le mouvement du Saint-Esprit et le conseil de ceux qui, jugeant par inspiration d'en haut, lui persuadèrent de se retirer, afin de se conserver pour son troupeau. En effet, qu'auraient fait ses pauvres ouailles si, dans une si terrible conjoncture, elles se fussent vues privées de leur pasteur ? Qui aurait eu soin de la pudicité des vierges, que les païens s'efforçaient de séduire ? Qui aurait ramené à la pénitence ceux que la crainte ou la faiblesse faisait succomber à la rigueur des tourments ? Qui aurait, défendu la mérité contre les hérétiques ? Qui aurait maintenu l'unité contre les schismatiques ? Qui aurait entretenu la paix et la loi évangélique parmi son peuple ? Qui aurait consolé ceux à qui on avait ravi tous leurs biens en haine de la religion ? Qui aurait animé les confesseurs, qui portaient déjà sur leur front les marques de leur foi et de leur constance, à soutenir un second martyre auquel ils étaient réservés ? Enfin, qui aurait, porté les âmes à la patience, à la fidélité et à la persévérance, si l'Eglise de Carthage avait perdu cet admirable évêque ?
Il ne s'absenta pas pour éviter le martyre, mais pour le remettre à une autre occasion moins préjudiciable à son peuple. Ce ne fut pas la crainte de la mort qui lui donna cette pensée, mais le désir de servir davantage les Chrétiens. Il se réservait pour rétablir les malades, pour guérir les blessés, pour affermir les chancelants, pour relever ceux qui éLaient tombés et pour entretenir tout son troupeau dans une fermeté inébranlable au milieu de l'orage.
Saint Cyprien de Carthage. Gravure. A. Thevet. XVIIe.
Il sortit donc de Carthage après avoir assemblé les fidèles, pour leur dire le sujet et les motifs de sa retraite, et demeura caché dans un lieu de sûreté, d'où il pourvoyait sans cesse à leurs besoins, en veillant sur eux et en leur écrivant des épîtres admirables qui faisaient les mêmes effets que s'il eût été présent. Il faisait venir dans des lieux écartés, tantôt les uns, tantôt les autres, pour les exhorter à souffrir avec constance les tourments des persécuteurs. Il eut soin que, pendant la nuit, il y eût des personnes destinées à ensevelir ceux qui étaient morts dans la rigueur des supplices que ceux qui n'avaient enduré que les douleurs de la torture fussent soigneusement pansés pour guérir leurs plaies ; et, enfin, que ceux qui avaient perdu leurs biens par l'injustice des tyrans fussent secourus par les aumônes des autres. Une furieuse peste, qui ravagea en même temps toute la ville, lui fournit de nouvelles occasions de faire éclater son zèle pastoral. Il pourvut aux nécessités spirituelles et temporelles des malades, qui étaient abandonnés de tout le monde. Il partagea les emplois de ceux qu'il avait chargés de les assister, afin que personne ne manquât de secours, pas même les idolâtres ; et chacun, animé par ses lettres toutes remplies du feu de la charité, se portait avec une ferveur incroyable à exécuter les instructions qu'il leur donnait. Comme la persécution avait enlevé le pape saint Fabien, il consulta sur sa retraite le clergé de Rome, pendant la vacance du Siège apostolique il était prêt à se sacrifier, si on le jugeait nécessaire, pour le bien de son Eglise. Sa retraite fut louée et approuvée par ces vénérables ecclésiastiques, qui connurent le besoin qu'avaient les fidèles de la vigilance d'un si bon pasteur.
Ces malheurs furent suivis d'un autre encore plus dangereux, puisqu'il tendait à renverser la discipline ecclésiastique que tous les supplices n'avaient pu ébranler. Plusieurs Chrétiens de Carthage, qui n'étaient pas bien fermes dans la foi, craignant la perte de leurs biens, de leurs charges et de leur vie, renièrent leur foi. Les uns le firent ouvertement les autres, pensant diminuer leur crime, prirent des magistrats des billets qui attestaient qu'ils avaient obéi aux édits de l'empereur, ayant en secret, ou par eux-mêmes, ou par des personnes supposées, protesté, en leur présence, qu'ils renonçaient à Jésus-Christ ; se délivrant ainsi, par argent, de faire cette renonciation en public, comme la loi générale l'ordonnait. De là ils furent appelés Libellatiques, (de libellus, billet).
L'Eglise d'Afrique ne les recevait à la communion qu'après une longue pénitence mais, comme elle les obligeait à des satisfactions très rudes, ils s'adressaient souvent aux confesseurs et aux martyrs qui étaient en prison ou qui allaient à la mort, pour obtenir, par leur intercession, la remise des peines canoniques qui leur restaient à souffrir. Le respect que l'on avait pour des personnes qui souffraient pour la gloire de Jésus-Christ était si grand, qu'à leur recommandation, on recevait les pénitents à la communion ecclésiastique, quoiqu'ils n'eussent pas accompli le temps prescrit par les canons. Mais cette indulgence des saints confesseurs produisit un fort mauvais effet ; on admettait trop facilement ceux qui avaient sacrifié ou qui avaient reçu des billets des magistrats.
Saint Cyprien en fut averti dans sa retraite, et tâcha d'y remédier par trois excellentes épîtres qu'il écrivit à son clergé, aux martyrs, aux confesseurs et à son peuple, les exhortant à ne pas se relâcher de la discipline, sans considérer la différence de la chute et le temps écoulé de la pénitence.
Félicissime, homme turbulent, qui, avec cinq prêtres, s'était opposé à l'élection de saint Cyprien, et, depuis, n'avait laissé passer aucune occasion de faire de la peine au saint Evêque, se souleva contre lui et fit tout ce qu'il put pour le mettre en mauvaise intelligence avec les confesseurs de Jésus-Christ. Car, non content de travailler à cette division, qui ne put réussir, il forma ouvertement le schisme, dressa autel contre autel, assemblant son parti sur une montagne hors de la ville, et excommunia tous ceux qui ne lui adhéraient pas. Mais, autant son excommunication était frivole, autant fut juste et terrible celle de notre Saint, qui, ne pouvant dissimuler davantage le désordre que ce rebelle causait parmi le peuple, ni les autres crimes dont il était coupable, le frappa d'anathème. Cependant, voyant que ceux qui avaient obtenu ces recommandations des confesseurs lui faisaient de grandes instances, à lui et aux autres évêques, pour être admis à la communion de l'Eglise, et que son autorité seule ne pouvait pas apaiser le trouble qui s'était élevé pour ce sujet dans Carthage, il écrivit de nouveau au clergé de Rome, le Saint-Siège étant encore vacant.
Saint Cyprien de Carthage. Gravure. XIXe.
Cet illustre clergé jugea sa rigueur très saine, et lui répondit qu'user de la douceur dont il se plaignait, ce n'était pas guérir, mais tuer le malade ; qu'il fallait que les pénitents frappassent aux portes de l'Eglise et ne s'effarassent pas de les rompre ; qu'ils se prosternassent sur le seuil, mais qu'ils n'entreprissent point de passer outre ; qu'ils veillassent à l'entrée du camp céleste, mais armés de modestie et se souvenant d'avoir été déserteurs qu'ils devaient se servir de leurs larmes comme d'ambassadeurs, et de leurs gémissements, tirés du fond de leurs poitrines, comme d'avocats, afin de prouver la grandeur de leur tristesse et d'effacer la honte de leur péché. Enfin, il conclut que, par l'avis de plusieurs évêques voisins, on avait trouvé à propos de ne rien innover jusqu'à l'élection d'un successeur à la place du pape saint Fabien, et que cependant on prolongeât la réconciliation de ceux qui pourraient attendre, et qu'on l'accordât à ceux qui seraient près de mourir, pourvu qu'ils eussent donné de dignes fruits d'une véritable pénitence. Saint Cyprien suivit cet accommodement, par lequel il retint et conserva la discipline ecclésiastique dans son ancienne intégrité.
Dans son excellent traité sur ceux qui étaient tombés durant la persécution, il rapporte des châtiments terribles dont Dieu punit l'irrévérence des personnes qui, après s'être souillées des viandes offertes aux idoles, osaient recevoir Jésus-Christ sans avoir été purifiées par une véritable pénitence et sans avoir mérité la réconciliation. Il raconte, entre autres, qu'un homme coupable de crime ayant reçu l'Eucharistie dans sa main ne trouva que de la cendre quand il voulut la manger, et qu'une petite fille, qui avait été portée par sa nourrice au temple des dieux, et à qui on avait fait goûter quelque liqueur offerte aux idoles, ne put jamais avaler le sang de Jésus-Christ que le diacre lui présenta dans l'église, selon la coutume du temps, et qu'elle fit tant de résistance, qu'elle obligea la nourrice de confesser ce qui s'était passé.
Cette conduite de saint Cyprien, si conforme aux Canons et autorisée par l'Eglise de Rome, devait le mettre à l'abri de la censure mais l'esprit des schismatiques n'épargne jamais personne, et la plus éminente sainte
lundi, 16 septembre 2024 | Lien permanent | Commentaires (1)
1er octobre. Saint Remi, XVe archevêque de Reims, apôtre des Francs. 533.
- Saint Remi, XVe archevêque de Reims, apôtre des Francs. 533.
Pape : Jean II. Roi de France : Thierry Ier.
" Tu, quas tot annos, alme Sennex, regis,
Adhuc benignus respice Gallias,
Francique reges, quos sacrasti,
Mente pii tueantur aras."
" Avec des yeux d'amour regarde cette France,
Dont ta main a sacré les invincibles rois :
Fais que des saints autels ils prennent la défense,
Et conservent les droits."
Santeuil.
Baptême de Clovis. Tapisserie (détail). XVe.
On peut dire de la famille de saint Remi, évêque de Reims et apôtre des Francs, ce que l'on écrit ordinairement de celles de saint Basile et de saint Grégoire de Nazianze, que c'était une race de personnes remplies de la crainte de Dieu. Son père, Émile, comte de Laon, fut un seigneur d'une vertu extraordinaire. Sa mère, Céline ou Célinie, sut si bien allier la piété à l'éminence de sa condition, que le peuple Chrétien l'a reconnue sainte, et que l’Église l'honore en cette qualité au XXIe jour de ce mois. Leur mariage fut béni du Ciel dès le commencement, par la naissance de 2 garçons. L'aîné fut Principe, qui devint évêque de Soissons. On ne sait pas le nom du plus jeune, mais on sait qu'il eut un fils nommé Loup, qui succéda à son oncle dans son évêché ; et l'un et l'autre, reconnus pour saints par le peuple, sont donc dans les tables ecclésiastiques.
Pour saint Remi, dont nous voulons donner la vie, sa naissance fut toute miraculeuse. Ses parents étaient déjà fort âgés et ne s'attendaient point à avoir d'autres enfants que ces deux que la divine Providence leur avait donnés ; un saint ermite nommé Montan, qui était aveugle, mais moins affligé de cette infirmité que de l'état déplorable où il voyait la Foi Chrétienne dans les Églises des Gaules, reçut ordre du Ciel, par 3 fois, de les avertir qu'ils auraient encore un fils qui serait la lumière des Francs, et qui retirerait ces nouveaux conquérants de l'abîme de l'idolâtrie où ils étaient plongés. Il vint donc trouver Émile et Céline, et leur fit part de cette heureuse nouvelle ; la prédiction du solitaire s'accomplit. Notre Saint naquit à Laon, demeure seigneuriale de ses parents, et fut nommé Remi.
Il fut envoyé de bonne heure aux écoles, où il fit de si grands progrès dans les lettres divines et humaines et dans la pratique des vertus Chrétiennes, qu'à l'âge de 22 ans il fut forcé, malgré toutes ses résistances, après la mort de Bennagius, d'accepter l'évêché de Reims. Un rayon de lumière qui parut sur son front et une onction céleste qui embauma et consacra sa tête, firent voir que cette élection venait de Dieu ; mais on en fut encore plus convaincu par la manière dont il s'acquitta d'une charge de cette importance ; car il n'en fut pas plus tôt chargé, qu'il en remplit excellemment tous les devoirs. Il était assidu aux veilles, constant et attentif à l'oraison, soigneux d'instruire son peuple et de l'amener au Salut, charitable envers les pauvres, les prisonniers et les malades, austère pour lui-même, sobre, chaste, modeste, prudent, retenu, ne s'emportant jamais de colère et pardonnant facilement à ceux qui l'avaient offensé ; il est vrai qu'il paraissait quelquefois sur son visage une espèce de sévérité, mais il savait la tempérer par la douceur de son esprit ; et s'il avait pour les pécheurs le zèle ardent d'un saint Paul, il avait pour les gens de bien le regard bénin et amoureux d'un saint Pierre ; en un mot, il possédait toutes les vertus, quoiqu'il en cachât plusieurs par la profonde humilité dont il faisait une singulière profession.
Le miracle du vin par saint Remi.
Le don des miracles qu'il reçut de Dieu releva encore merveilleusement l'éclat de sa sainteté. Pendant ses repas, les oiseaux venaient sans crainte prendre du pain de sa main. Faisant ses visites à Chaumuzy, il guérit et délivra un aveugle qui, depuis longtemps, était possédé du démon. A Cernay, il remplit de vin, par le signe de la Croix, un muid qui était presque vide, pour reconnaître la charité de Celse, une de ses cousines, qui l'avait reçu avec beaucoup de dévotion dans son logis. N'ayant point d'huile sacrée pour administrer le saint Baptême à un seigneur qui se mourait, il en obtint subitement du Ciel ; cette huile fut si salutaire, qu'ayant contribué à la santé de l'âme du malade, elle lui rendit aussi la santé du corps. Il réprima par sa présence un grand incendie qui menaçait la ville de Reims d'une ruine complète. En descendant pour cela de l'église de Saint-Nicaise, il imprima si fortement ses vestiges sur une pierre, qu'ils y sont toujours demeurés depuis ce temps-là ; et à peine parut-il devant les flammes, faisant le Signe de Croix et invoquant le nom de Jésus-Christ, qu'elles s'enfuirent devant lui aussi vite qu'il put les poursuivre.
Une jeune fille de Tours étant possédée du malin esprit, fut menée par ses parents, d'abord au tombeau de saint Pierre, à Rome, puis à saint Benoît, qui était alors à Sublac ou Mont-Cassin ; mais Dieu ne lui accordant point sa délivrance dans l'un et dans l'autre lieu, saint Benoît l'envoya à saint Remi et lui écrivit pour le prier d'exercer son pouvoir et sa charité envers cette malheureuse. Alaric, roi des Goths, lui écrivit aussi pour le même sujet. Le Saint résista longtemps à cette demande, ne s'estimant pas digne d'obtenir de Dieu ce qu'un aussi grand homme que l'abbé Benoît n'avait pu obtenir ; mais il fut enfin forcé par les prières de son peuple de faire son oraison sur la possédée ; le démon fut aussitôt obligé de s'enfuir et de la laisser en liberté ; mais, peu après, elle mourut des fatigues que ce monstre infernal lui avait occasionnées.
On eut incontinent recours au saint prélat, qui s'était déjà retiré. Il revint à l'église de Saint-Jean où il l'avait laissée ; il la trouva couchée par terre, sans respiration et sans vie, et sa parole, qui avait eu la force de la délivrer des chaînes de Satan, eut aussi la force de la retirer des portes de la mort. Nous avons dans les Notes de Colvénérius sur Flodoard, la lettre que le glorieux patriarche saint Benoît lui écrivit.
Cependant, la plus grande merveille de saint Remi fut sans doute le parachèvement de la conversion de Clovis, qui mena à celles des Francs par la suite. Elle est rapportée tout au long dans l'histoire de ce grand prince ; mais il est nécessaire d'en donner ici un abrégé.
Clovis était le cinquième roi de cette nation belliqueuse, qui, après avoir forcé le passage du Rhin, s'était emparée de la meilleure partie des Pays-Bas, de la Picardie et de l'Ile-de-France, et poussait toujours ses conquêtes sur les Gaules, auparavant occupées par les Romains. Le trône des Francs Saliens se situait à Tournai. Il parvint à la couronne en 481, âgé seulement de 14 ou 15 ans ; mais, tout jeune qu'il était, il ne laissa pas de suivre les traces de ses prédécesseurs et de se mettre d'abord à la tête de ses armées pour se rendre le maître des provinces voisines, afin d'en former un vaste royaume.
Il livra bataille à Syagrius, qui défendait les débris de l'empire romain dans les Gaules. Il le défit et le tua, et par ce moyen, ne trouvant plus rien qui résistât à la force de ses armes, il assujettit une grande partie des Gaules à son empire. Il était encore païen ; cependant, il ne persécutait pas les Chrétiens, et il avait même du respect pour les évêques et pour les prêtres des villes qu'il prenait ou qui se soumettaient à sa domination.
Syagrius est livré par Alaric II à Clovis. Gravure du XIXe.
Saint Remi fut celui dont il honora davantage la vertu. En effet, un jour ses soldats, passant auprès de Reims, en avaient pillé une église et emporté les ornements et les vases sacrés ; à la seule prière que notre saint lui envoya faire de lui rendre, de tout le butin, au moins un vase d'argent que son poids et sa ciselure rendaient fort précieux, il vint au lieu où l'on partageait les dépouilles et demanda par grâce à son armée que ce vase lui fût donné par préférence sans le tirer au sort. La plupart des soldats y consentirent ; un seul, ne voulant pas que son roi puisse bénéficier d'un traitement autre que leurs coutumes ne le prévoyaient, déchargea un coup de hache sur ce vase, disant vertement que le roi n'aurait, comme les autres, que ce qui lui écherrait au sort.
Chacun fut surpris de cet acte ; le roi la dissimula pour un temps, et ne laissa pas de prendre le vase et de le rendre à celui que saint Remi lui avait envoyé. Mais au bout de l'an, faisant la revue de ses troupes pour voir si leurs armes étaient en bon ordre, et ayant reconnu le soldat téméraire qui lui avait fait cet affront, il lui jeta une de ses armes à terre, sous prétexte qu'elle n'était pas luisante comme elle devait l'être ; puis, pendant qu'il se baissait pour la ramasser, il lui déchargea un coup de hache sur la tête et le tua de sa main, en lui disant :
" Tu frappas ainsi le vase à Soissons !"
" Tu frappas ainsi le vase de Soissons !" Gravure du XIXe.
Lorsque ce grand conquérant eut encore subjugué la Thuringe, ce qu'il fit, selon saint Grégoire de Tours, la 10e année de son règne, il épousa Clotilde, fille de Chilpéric, frère de Gondebaud, roi de Burgondie (future Bourgogne), promettant en vue de cette alliance qu'il embrasserait la Foi Chrétienne dont elle faisait profession. Clotilde le pressa souvent d'exécuter sa promesse, ayant beaucoup de peine de vivre avec un prince idolâtre et qui se souillait tous les jours par des sacrifices impies et abominables qu'il offrait aux démons, et dans les débauches dégoûtantes coutumières des tribus païennes de toutes les époques de l'humanité ; mais ses prières et ses instances furent inutiles pendant 5 ans.
Enfin, les Germains ayant fait une grande irruption sur les terres des Francs Ripuaires, le roi fut obligé de marcher contre eux avec de nombreuses troupes. Il leur livra bataille à Tolbiac, que l'on croit être Zulpich ou Zulch. Les Francs, après quelques instants de combat, tournèrent le dos, et il s'en faisait une grande boucherie lorsque le seigneur Aurélien, qui avait négocié le mariage du roi avec Clotilde, s'adressa à lui et lui conseilla de faire sur-le-champ voeu à Jésus-Christ d'embrasser le Christianisme s'Il changeait le sort de la bataille et lui faisait remporter la victoire. Le roi, surtout dans le désir de vaincre, mais peut-être aussi touché intérieurement, fit aussitôt ce vœu, et en même temps les Francs tournèrent tête, se jetèrent impétueusement sur les Germains, rompirent leurs rangs et les défirent complètement. Le roi même des Allemands fut tué dans la mêlée, de sorte que Clovis demeura entièrement victorieux et se rendit tributaires ceux dont le nombre et la puissance avaient déjà donné de l'effroi à toute la Franoe. La reine apprit avec beaucoup de joie ce succès et le changement de son époux. Elle en fit aussi tôt donner avis à saint Remi, elle pria de se rendre promptement à la cour pour achever ce que la crainte et le désir de vaincre avaient commencé, et pour disposer le roi au baptême.
Le saint ne manqua pas d'obéir. Il trouva Clovis déjà évangélisé par les soins de saint Vaast, que ce grand monarque avait pris à Toul pour être son catéchiste. Il acheva de lui ouvrir les yeux et de lui découvrir l'excellence et la sainteté de nos Mystères. L'ardeur de la foi s'alluma si fortement dans ce cœur martial, qu'il se fit apôtre de ses sujets avant d'être Chrétien ; il assembla les grands de sa cour, leur remontra la folie et l'extravagance du culte des idoles, et les sollicita de ne plus adorer que l'unique Dieu, Créateur du ciel et de la terre, dans la Trinité de Ses Personnes. Il en fit de même à son armée, et sa prédication fut si puissante, que la plupart des Francs voulurent imiter son exemple. Ou, plus probablement comme on le verra dans d'autres conversions de peuples, suivre la religion du prince, pour ne pas s'en retrouver l'ennemi déclaré.
Certains à l'époque le demandaient clairement, comme 6 siècles plus tard saint Wladimir, en Russie, intimera aux foules l'ordre de choisir entre le Christ avec lui, ou l'exil. La Foi ne s'intimant pas de la sorte dans le cœur de l'homme, nombre de peuples officiellement christianisés montreront vite la persistance profonde du paganisme dans leurs mœurs. Et il s'en suivra inévitablement de grands et violents retours du culte païen, avec sa cohorte d'horreurs, à chaque fois qu'un chef, prince ou roi, se détournera, le plus souvent pour raisons politiques, de l’Église du Christ, Église qui n'aura pas assez été Jean-Baptiste et trop docile.
La nuit avant son baptême, saint Remi vint le trouver dans son palais, et l'ayant conduit avec la reine et un grand nombre de princes et d'officiers dans la chapelle de saint Pierre, il leur fit une admirable prédication sur l'Unité de Dieu, la vanité des idoles, l'incarnation du Verbe éternel, le Salut de l'humanité, le Jugement dernier, le paradis des justes et l'enfer des impies. Alors la chapelle fut remplie de lumière et d'une odeur inestimable, et l'on entendit une voix céleste qui disait :
" La paix soit avec vous! ne craignez rien, persévérez dans Mon amour."
Le visage du Saint devint aussi tout éclatant ; le roi, la reine, tous les seigneurs et les dames se jetèrent à ses pieds. Saint Remi les releva et leur prédit les grandeurs futures du royaume et des rois de France, à condition qu'ils restent fidèles à Dieu et ne fassent rien d'indigne de l'auguste qualité de rois chrétiens.
Baptême de Clovis.
Le lendemain, Clovis marcha à l'église de Notre-Dame, à travers les rues ornées de tapisseries. Lorsqu'il fut sur les fonts, saint Remi lui dit :
" Courbe la tête, fier Sicambre ; brûle ce que tu as adoré et adore ce que tu as brûlé."
Après quelques exhortations, comme il fut question de consacrer l'eau baptismale, il ne se trouva point de chrême, parce que le clerc qui le portait n'avait pu passer à cause de la foule. Le Saint, dans cette nécessité, leva les yeux au ciel, et demanda à Dieu qu'il daignât pourvoir à ce défaut, et, à l'heure même, une colombe plus blanche que la neige descendit d'en haut, portant dans son bec une fiole pleine d'un baume céleste fermé par le ministère des Anges, qu'elle mit entre les mains du saint prélat. Il le reçut avec admiration et action de grâces, en versa une partie dans les fonts, et oignit ensuite la tête du roi. En même temps, la colombe s'envola et disparut ; mais la fiole demeura, et c'est ce que nons appelons la sainte Ampoule.
Outre l'onction baptismale, saint Remi conféra donc aussi au roi l'onction royale qui, depuis, a toujours été faite à nos rois, séparément de leur baptême, par l'auguste cérémonie de leur sacre ; c'est à quoi a servi jusqu'à présent l'huile céleste de cette Ampoule, conservée intacte jusqu'à la Révolution française.
La vérité de cette Ampoule, apportée par un Ange, sous la forme d'une colombe, a été combattue par quelques auteurs ; mais elle a été soutenue et prouvée avec beaucoup de force et d'éloquence par plusieurs savants, qui ont cru que le témoignage d'Hincmar, de Flodoard, d'Aimonius, de Gerson, de Gaguin et d'autres anciens historiens, avec la tradition immémoriale de nos pères, approuvée mème par un grand nombre d'écrivains d'autres pays, était suffisante pour en convaincre tous les esprits un peu raisonnables.
Statue de saint Remi donnant le saint Baptême à Clovis.
mardi, 01 octobre 2024 | Lien permanent | Commentaires (3)
6 octobre. Saint Bruno de Cologne, prêtre, confesseur, fondateur de l'Ordre des Chartreux. 1101.
Durand, Caractère des saints.
Bruno qui appartenait à une famille noble (celle, croit-on, des Hartenfaust, de Duro Pugno), né à Cologne entre 1030 et 1035. Il commença ses études dans sa ville natale, à la collégiale de Saint-Cunibert, et fit ensuite des études de philosophie et de théologie à Reims et, peut-être aussi à Paris. Vers 1055, il revint à Cologne pour recevoir de l’archevêque Annon, avec la prêtrise, un canonicat à Saint-Cunibert.
Vision de saint Bruno. Pier Francesco Mola. XVIIe.
En 1056 ou 1057, il fut rappelé à Reims par l’archevêque Gervais pour y devenir, avec le titre d'écolâtre, professeur de grammaire, de philosophie et de théologie ; il devait garder une vingtaine d'années cette chaire, où il travailla à répandre les doctrines clunisiennes et, comme on allait dire bientôt, grégoriennes ; parmi ses élèves, étaient Eudes de Châtillon, le futur Urbain II, Rangérius, futur évêque de Lucques, Robert, futur évêque de Langres, Lambert, futur abbé de Pothières, Pierre, futur abbé de Saint-Jean de Soissons, Mainard, futur prieur de Cormery, et d'autres personnages de premier plan. Maître Bruno dont on conserve un commentaire des psaumes et une étude sur les épitres de saint Paul est précis, clair et concis en même temps qu’affable, bon et souriant " il est, au dire de ses disciples, éloquent, expert dans tous les arts, dialecticien, grammairien, rhéteur, fontaine de doctrine, docteur des docteurs ".
Les trois anges apparaissent à saint Bruno en songe.
Sa situation devint difficile quand l'archevêque Manassès de Gournay, simoniaque avéré, monta en 1067 sur le siège de Reims ; ce prélat qui n'ignorait pas l'opposition de Bruno, tenta d'abord de se le concilier, et le désigna même comme chancelier du Chapitre (1075), mais l'administration tyrannique de Manassès, qui pillait les biens d'Eglise, provoqua des protestations, auxquelles Bruno s'associa ; elles devaient aboutir à la déposition de l'indigne prélat en 1080 ; en attendant, Manassès priva Bruno de ses charges et s'empara de ses biens qui ne lui furent rendus que lorsque l'archevêque perdit son siège.
Saint Bruno enseignant la théologie à Reims.
En effet, quelques clercs de Reims avaient porté plainte contre Manassès de Gournay auprès de Hugues de Die, légat du pape Grégoire VII, qui le cita à comparaître au concile d’Autun (1077). Manassès ne parut pas au concile d’Autun qui le déposa, mais s’en fut se plaindre à Rome où il promit tout ce que l’on voulut. C’est alors qu’il priva de leurs charges et de leurs biens tous ses accusateurs dont Bruno. Voyant que Manassès de Gournay ne s’amendait pas, Hugues de Die le cita à comparaître au concile de Lyon (1080) ; l’archevêque écrivit pour se défendre mais, cette fois, il fut déposé et, le 27 décembre 1080, Grégoire VII ordonna aux clercs de Reims de procéder à l’élection d’un nouvel archevêque. Manassès s’enfuit et ses accusateurs rentrèrent en possession de leurs charges et de leurs biens.
Saint Bruno en oraison. Eustache Le Sueur. XVIIe.
Bruno, réfugié d'abord au château d'Ebles de Roucy, puis, semble-t-il, à Cologne, chargé de mission à Paris, et redoutant d'être appelé à la succession de Manassès, décida de renoncer à la vie séculière. Cette résolution aurait été fortifiée en lui, d'après une tradition que répètent les historiens chartreux, par l'épisode parisien (1082) des funérailles du chanoine Raymond Diocrès qui se serait trois fois levé de son cercueil pour se déclarer jugé et condamné au tribunal de Dieu.
En 1083, Bruno se rendit avec deux compagnons, Pierre et Lambert, auprès de saint Robert de Molesme, pour lui demander l'habit monastique et l'autorisation de se retirer dans la solitude, à Sèche-Fontaine. Mais ce n'était pas encore, si près de l'abbaye, la vraie vie érémitique. Sur le conseil de Robert de Molesme et, semble-t-il, de l'abbé de la Chaise-Dieu, Seguin d'Escotay, Bruno se rendit, avec six compagnons auprès du saint évêque Hugues de Grenoble qui accueillit avec bienveillance la petite colonie.
Saint Bruno refuse l'archevêché de Reggio di Calabria.
Une tradition de l'Ordre veut que saint Hugues ait vu les sept ermites annoncés dans un songe sous l'apparence de sept étoiles. Il conduisit Bruno et ses compagnons dans un site montagneux d'une sévérité vraiment farouche, le désert de Chartreuse (1084). En 1085 une première église s'y élevait. Le sol avait été cédé en propriété par Hugues aux religieux qui en gardèrent le nom de Chartreux. Quant à l'appartenance spirituelle, il paraît que la fondation eut d'abord quelque lien avec la Chaise-Dieu, à qui Bruno la remit quand il dut se rendre en Italie ; mais l'abbé Seguin restitua la Chartreuse au prieur Landuin quand celui-ci, pour obéir à saint Bruno, rétablit la communauté, et il reconnut l'indépendance de l'ordre nouveau (1090).
Arrivée de saint Bruno chez saint Hugues à Grenoble.
Parmi les six compagnons (le toscan Landuin, théologien réputé, qui lui succéda comme prieur de la Chartreuse, Etienne de Bourg et Etienne de Die, chanoines de Saint-Ruf en Dauphiné, le prêtre Hugues qui fut leur chapelain) André et Guérin étaient deux laïcs ou convers de saint Bruno figuraient deux laïcs ou convers ; leur solitude devait incorporer un certain travail hors de la cellule, principalement agricole. Aujourd'hui encore un monastère cartusien comporte des moines du cloître, voués à la solitude de la cellule, et des moines convers, qui partagent leur temps entre cette solitude et la solitude du travail dans les obédiences : on pratique ainsi deux manières, étroitement solidaires et complémentaires, de vivre la vie de chartreux ou de chartreuse.
Prise d'habit de saint Bruno et de saint Hugues (détail).
Les historiens de la vie monastique ont relevé la sagesse qui a su unir les différents aspects de la vie cartusienne en un équilibre harmonieux : le soutien de la vie fraternelle aide à affronter l'austérité de l'érémitisme ; la coexistence de deux manières de vivre l'érémitisme (moines du cloître et moines convers) permet à chacune des deux de trouver sa formule la meilleure ; un facteur équilibrant, aussi, est joué par l'importance de l'office liturgique de Matines, célébré à l'église au cours de la nuit. Ou encore, liberté spirituelle et obéissance sont étroitement unies... Cette sagesse de vie, les chartreux la doivent à saint Bruno lui-même, et c'est elle qui a assuré la persévérance de leur Ordre à travers les siècles. Sagesse et équilibre.
Prise d'habit de saint Bruno et de saint Hugues (détail).
Au début de cette année 1090, Bruno avait été appelé à Rome par un de ses anciens élèves, le pape Urbain II, qui voulait s'aider de ses conseils et qui lui concéda, pour ceux de ses compagnons qui l'avaient suivi, l'église de Saint-Cyriaque. Le fondateur fut à plusieurs reprises convoqué à des conciles. Le pape eût voulu lui faire accepter l'archevêché de Reggio de Calabre, mais Bruno n'abandonnait pas son rêve de vie érémitique. Il avait reçu en 1092 du comte Roger de Sicile un terrain boisé à La Torre, près de Squillace, où Urbain II autorisa la construction d'un ermitage et où une église fut consacrée en 1094. Roger aurait affirmé, dans un diplôme de 1099, que Bruno l'aurait averti dans un songe d'un complot durant le siège de Padoue en 1098.
Saint Bruno donne l'habit aux premiers moines de l'Ordre.
Bruno, le 27 juillet 1101, recevait du pape Pascal II la confirmation de l'autonomie de ses ermites. Le 6 octobre suivant, après avoir émis une profession de foi et fait devant les frères sa confession générale, il rendit l'âme à la chartreuse de San Stefano in Bosco, filiale de La Torre, où il fut enseveli. Les cent soixante-treize rouleaux des morts, circulant d'abbaye en abbaye et recevant des formules d'éloges funèbres, attestent précieusement, dès le lendemain de sa mort, sa réputation de sainteté, accrue par les miracles attribués à son intercession.
Mort de saint Bruno. Vincente Carducho. XVIIe.
Son corps, transféré en 1122 à Sainte-Marie du Désert, la chartreuse principale de La Torre, y fut l'objet d'une invention en 1502 et d'une récognition en 1514. Le culte fut autorisé de vive voix dans l'ordre des Chartreux par Léon X, le 19 juillet 1514. La fête, introduite en 1622 dans la liturgie romaine et confirmée en 1623 comme semi-double ad libitum, est devenue de précepte et de rite double en 1674 à la date anniversaire de sa mort, le 6 octobre ; saint Bruno n'a donc été l'objet que d'une canonisation équipollente.
La Grande Chartreuse. Dauphiné. France.
PRIERES DE SAINT BRUNO
" Ô Dieu, montrez-nous Votre visage qui n'est autre que Votre Fils, puisque c'est par lui que Vous vous faites connaître de même que l'homme tout entier est connu par son seul visage. Et par ce visage que Vous nous aurez montré, convertissez-nous ; convertissez les morts que nous sommes des ténèbres à la lumière, convertissez-nous des vices aux vertus, de l'ignorance à la parfaite connaissance de Vous.
Vous êtes mon Seigneur, Vous dont je préfère les volontés aux miennes propres ; puisque je ne puis toujours prier avec des paroles, si quelque jour j'ai prié avec une vraie dévotion, comprenez mon cri : prenez en gré cette dévotion qui Vous prie comme une immense clameur ; et pour que mes paroles soient de plus en plus dignes d'être exaucées de Vous, donnez intensité et persévérance à la voix de ma prière.
Ô Dieu, qui êtes puissant et dont je me suis fait le serviteur, quant à moi je Vous prie et Vous prierai avec persévérance afin de mériter et de Vous obtenir ; ce n'est pas pour obtenir quelque bien terrestre : je demande ce que je dois demander, Vous seul."
dimanche, 06 octobre 2024 | Lien permanent | Commentaires (1)
16 octobre. Saint-Michel Au-Péril-de-la-Mer, apparition de saint Michel archange à saint Aubert. 720 - 725.
- Saint-Michel-au-Péril-de-la-Mer, anniversaire de l'apparition de saint Michel archange à saint Aubert, évêque d'Avranches. Cette apparition provoqua la construction de l'abbaye du Mont-Saint-Michel par saint Aubert. 720 - 725.
Papes : Saint Eugène Ier ; Saint Grégoire II. Rois des Francs : Childebert III ; Thierry IV.
Le Mont Saint-Michel. Les Très riches heures du duc de Berry. XIVe.
Aux diocèces de Coutances et Avranches, Rennes et Vannes, anniversaire de l'apparition de saint Michel archange à saint Aubert, évêque d'Avranches.
Saint Aubert et saint Michel. Legenda aurea. Bx J. de Voragine. XIVe.
Une vaste plaine couverte d'épaisses forêts,et que défendaient contre l'Océan les rochers de Sessiacum, s'étendait au quatrième siècle entre les territoires de Coutances et d'Avranches et ceux de Dol et d'Aleth. Lorsque la foi chrétienne eut brillé sur les côtes d'Armorique et de Neustrie, les solitudes les plus retirées de ce désert devinrent le séjour de pieux personnages qu'attirait la facilité de s'y donner entièrement au service de Dieu et à la contemplation des vérités surnaturelles ; plusieurs se trouvent au catalogue des Saints.
Le Mont Saint-Michel.
Mais cette terre qu'avaient sanctifiée leurs pas, devint plus illustre encore à la suite d'une apparition de l'Archange saint Michel. Ce fut sous le règne de Childebert III que, se manifestant à l'évêque d'Avranches Aubert pendant son sommeil, il lui notifia sa volonté qu'on bâtît une église sous son patronage au sommet du mont Tombe, ainsi appelé de son élévation en forme de tumulus. Il fallut trois intimations successives au prélat hésitant, pour qu'il se mît à l'oeuvre. La forme par lui donnée au sanctuaire nouveau fut celle d'une crypte arrondie rappelant la grotte sainte du mont Gargan ; des reliques apportées de cette dernière y furent déposées ; et l'on fit solennellement la dédicace au dix-sept des calendes de novembre, jour célébré depuis non seulement dans les églises de la seconde Lyonnaise et beaucoup d'autres de France, mais encore dans celles d'Angleterre. Ainsi fut consacré à Dieu sous le patronage de saint Michel ce mont, qu'on appelle aussi Au-péril-de-la-mer depuis que, l'océan ayant envahi les forêts dont nous avons parlé, le saint rocher se voit deux fois le jour entouré par les flots.
Saint Aubert y fonda une collégiale de douze clercs attachés au service perpétuel du bienheureux Archange. Toutefois par la suite Richard Ier, duc de Normandie, leur substitua des moines de saint Benoît. La fréquence des miracles accomplis en ce lieu y attirait de nombreux pèlerinages venant de presque toute l'Europe acquitter leurs vœux : on y vit beaucoup de rois ou de princes de France et d'Angleterre. Louis XI y institua l'Ordre des Chevaliers de saint Michel, qui gardèrent longtemps la coutume de tenir audit lieu leurs assemblées générales de chaque année. Ce fut au commencement du XIe siècle que l'on entreprit l'audacieux travail, longtemps poursuivi, de cette basilique grandiose établie sur la crête du mont comme auguste base, et dont les merveilles, en grande partie conservées, attirent encore à saint Michel la vénération de nos contemporains.
Louis XI entouré des premiers chevaliers
de l'Ordre de Saint-Michel. Manuscrit du XVe.
Notons de plus que l'église de Saint-Gervais d'Avranches conserve encore le crâne de saint Aubert. On voit encore sur le front l'empreinte du doigt que saint Michel laissa sur le front de saint Aubert qui refusait de bâtir le sanctuaire sur le très inhospitalier mont Tomba.
Croix de l'Ordre de Saint-Michel.
Nous devons un souvenir à cette fête si aimée de nos pères. Le VIIIe siècle inaugurait ses glorieuses annales.
" Dieu tout-puissant allait y faire de l'empire des Francs le glaive et le boulevard de son Eglise." (Prière des Francs).
C'était l'heure où, sa fougueuse adolescence domptée, le peuple premier-né faisait écho à tous les Saints et Saintes qui l'engendrèrent à Dieu, et s'écriait d'une seule voix (Ibid.) :
" Donnez aux fils des Francs la lumière, afin qu'ils voient ce qu'il faut faire pour établir votre règne en ce monde, afin que le voyant ils l'accomplissent dans la force et l'amour."
Au peuple donc qui se déclarait le chevalier de Dieu, Michel, prince des milices angéliques, offrait son alliance à cette heure même. Par saint Aubert, auquel se manifestait l'Archange, il prenait possession du roc fameux qui s'élève en plein océan, près du rivage de cette France dont l'épée s'apprêtait à poursuivre sur terre le grand combat commencé dans les hauteurs des cieux.
Eglise Saint-Gervais d'Avranches où est toujours
conservé le crâne de saint Aubert. Normandie.
PRIERE
" Notre nation sut honorer le céleste associé de ses luttes d'ici-bas ; elle transforma son pied-à-terre abrupt en un séjour qui put complaire au vainqueur de Satan : à la fois forteresse incomparable, et sanctuaire où sans fin les chants des moines s'unissaient aux harmonies des neuf chœurs ; vraiment digne de ce nom de Merveille qui lui fut donné ; rendez-vous commun du peuple et des rois venant présenter leur hommage d'action de grâces et de prière au protecteur de la nation.
Le saint crâne de saint Aubert. On distingue encore
la marque du doigt de saint Michel archange. Trésor
de l'église Saint-Gervais d'Avranches. Normandie.
Car lui aussi fut fidèle. Tant que dura la monarchie, l'Archange ne souffrit pas qu'aux plus mauvais jours d'invasion étrangère ou de rébellion hérétique, une autre bannière que celle du roi très chrétien flottât jamais près de la sienne sur ses remparts. Et quand l'Anglais, bientôt partout maître, s'épuisait en efforts impuissants contre le Mont Saint-Michel, qui donc venait dire à Jeanne la Pucelle la grande pitié qui était au royaume de France, et l'envoyait rendre au roi son royaume ? Le 8 mai, première fête de l'Archange, voyait la délivrance d'Orléans par celle en qui lui-même avait nourri, durant trois années d'angéliques entrevues, ce dévouement à la patrie et cet amour de Dieu qui s'unissent en toute âme bien née.
Aussi fût-ce œuvre digne et juste, au siècle du triomphe, que la création de cet Ordre de Saint-Michel établi par les rois :
" A la gloire et louange de Dieu notre Créateur tout-puissant et révérence de sa glorieuse Mère, et commémoration et honneur de Monsieur saint Michel Archange, premier Chevalier, qui pour la querelle de Dieu victorieusement batailla contre le dragon et le trébucha du ciel ; et qui son lieu et oratoire, appelé le Mont Saint-Michel, a toujours seurement gardé, préservé et défendu, sans être pris, subjugué ne mis es mains des ennemis du royaume." (Lettres royales du 1er août 1460, établissant l'Ordre nouveau, dont l'insigne était un collier d'or de coquilles lacées soutenant l'image de saint Michel avec la devise : IMMENSI TREMOR OCEANI).
Ce fut un grand jour que celui où la fille aînée de la sainte Eglise put s'appliquer la parole des saints Livres : " Voici que Michel vient à mon aide (Dan. X, 13.) !" Longtemps le monde bénéficia de cette alliance heureuse. Soyez béni pour l'honneur ainsi fait à nos pères, Ô Archange ! En souvenir du passé, malgré tant de pactes brisés, tant de gloires profanées, n'abandonnez pas leurs descendants trop indignes. N'y va-t-il pas du sort de l'Eglise elle-même, dont les malheurs apparaissent liés dans nos temps à ceux de notre infortunée patrie ? Le Vicaire de l'Epoux le comprenait sans doute ainsi, lorsque naguère (3 juillet 1877) il voulait qu'en son nom fût couronnée solennellement votre image, rétablie sur l'auguste mont d'où vous présidiez en des jours meilleurs à nos destinées.
Daignez répondre à sa confiance, à celle de ces vrais fils des Francs qui, nombreux déjà, ont su retrouver dévots et pénitents le chemin de votre sanctuaire. Entendez le cri du pays sous l'angoisse présente : Nemo adjutor meus nisi Michael ; Michel est mon seul soutien. (Dan. X, 21.)."
Le saint crâne de saint Aubert. On distingue encore
la marque du doigt de saint Michel archange. Trésor
de l'église Saint-Gervais d'Avranches. Normandie.
mercredi, 16 octobre 2024 | Lien permanent
16 octobre. Saint Gall, fondateur et Ier abbé du monastère de Saint-Gall en Suisse. 646.
- Saint Gall, fondateur et Ier abbé du monastère de Saint-Gall en Suisse. 646.
Pape : Théodore Ier. Roi de Neustrie et de Bourgogne : Clovis II. Roi d'Austrasie : Sigebert III. Empereur romain d'Orient : Constant II Héraclius.
" Quand vous recevez une humiliation, regardez cela comme un bon signe, comme une preuve certaine de la grâce qui approche."
Saint Bernard de Clairvaux.
Saint Gall. Peinture murale. Eglise Saint-Venant.
Horgenzell. Souabe. XVIIe.
Saint Gall naquit en Irlande de parents vertueux, qui l'offrirent à Dieu dès sa première jeunesse dans le monastère de Bangor (comté de Down), pour être élevé dans la piété et les lettres, sous la discipline de saint Colomban dont la vertu donnait alors beaucoup d'éclat à ce lieu. Il avait les inclinations si heureuses, qu'avec les grâces dont il plut à Dieu de le soutenir, il fit des progrès tout extraordinaires dans la vertu et les sciences, surtout dans l'intelligence de l'Ecriture sainte dont il expliquait admirablement les endroits les plus difficiles. Il y joignait l'agrément des belles-lettres, et particulièrement de la poésie dont il tâchait de sanctifier l'usage en la faisant servir à la piété. Quoiqu'il parût avoir été confié aux soins de Colomban, ce Saint n'avait sur lui d'autre supériorité que celle que lui donnait l'autorité particulière de ses exemples et de ses instructions.
Son abbé, saint Comgall, fondateur du monastère où il vivait, voulut le faire élever aux ordres sacrés, de l'avis de toute sa communauté mais s'il exécuta ce dessein, ce ne fut que pour lui conférer les ordres inférieurs. Car on est persuadé que saint Gall ne reçut la prêtrise qu'après qu'il fut passé en France avec saint Colomban, et par le commandement exprès de ce Saint, lorsqu'il fut devenu son abbé. Il n'y a que sa modestie qui lia pour lors les mains à l'abbé saint Comgall, et ce ne fut qu'après beaucoup de temps et d'efforts que saint Colomban put vaincre une répugnance qui n'était que l'effet de son humilité. Il fut du nombre des 12 moines de Bangor que ce Saint choisit, par la permission de saint Comgall, pour l'accompagner dans le dessein qu'il avait d'aller hors de son pays chercher à se perfectionner dans la vie pénitente. Ils passèrent de l'Irlande en Angleterre, et de là en " France ", du temps des rois Gontran et de ses neveux Clotaire II et Childebert II.
Ils s'arrêtèrent quelque temps dans les Etats du dernier qui régnait en Austrasie : puis, étant entrés dans les déserts des Vosges, ils y bâtirent le monastère d'Annegray, sur les confins des diocèses de Toul et de Besançon. Le pays y était stérile et dépourvu des commodités facilitant la vie. Cela ne pouvait être que favorable au dessein de Colomban et de ses disciples, qui y souffrirent beaucoup pendant près de 2 ans qu'ils y demeurèrent. Mais, ayant été conviés par des personnes de piété, entre autres par Agnoald, de passer sur les terres de Bourgondie qui obéissaient au roi Gontran, saint Colomban, à la faveur de ce prince, bâtit, de l'autre côté des montagnes des Vosges, un nouveau monastère sur les ruines d'une implantation païenne, appelée Luxeuil, au diocèse de Besançon. Saint Gall y embrassa des premiers la Règle que son maître y prescrivit à ses disciples, et y devint un modèle de régularité pour la communauté, qui se multiplia beaucoup, en peu de temps, par l'affluence de ceux qui venaient de France et de Bourgogne servir Dieu sous la conduite de saint Colomban.
Saint Gall et saint Colomban. Manuscrit du XVe.
Notre Saint, attaché à ses devoirs, passa plusieurs années dans le silence et la retraite de ce saint lieu, jusqu'à ce qu'il plut à Dieu de permettre d'autres épreuves à sa vertu dans les traverses et les persécutions qui furent suscitées à saint Colomban. Pendant que Thierry, impie roi de Bourgogne, fils de Childebert II, à l'instigation de sa grand'mère Brunehaut, exerçait la patience de saint Colomban par divers exils, saint Gall, accompagné de saint Eustase, autre religieux de Luxeuil, qui en fut depuis abbé, ne trouvant point de sûreté dans sa communauté contre les insultes de cette princesse, se réfugia auprès de Théodebert, roi d'Austrasie, frère de Thierry. Saint Colomban s'y rendit peu de temps après, au retour de la cour du roi Clotaire, où les vexations de Thierry et de Brunehaut l'avaient obligé de passer. Théodebert les reçut comme des Anges du Seigneur, témoignant être fort satisfait d'entendre leurs instructions et fort joyeux d'avoir auprès de lui de tels serviteurs de Dieu. Saint Colomban lui demanda ensuite permission d'aller en Italie trouver Agilulphe, roi des Lombards.
Mais Théodebert, ne pouvant souffrir qu'il sortît de ses Etats, le pria d'y choisir tel lieu qu'il jugerait à propos pour servir Dieu en paix et instruire les peuples sous sa direction. Le Saint accepta et remonta le long du Rhin avec saint Gall, saint Eustase et quelques autres de ses disciples qui étaient venus le joindre à Metz. Lorsqu'ils furent arrivés au lieu où le Rhin reçoit la rivière d'Aar, entre les diocèses de Bâle et de Constance, ils entrèrent en Suisse, s'avancèrent par la rivière du Limat jusqu'au bout du lac de Zurich, et passèrent au territoire de Zug, où ils croyaient avoir trouvé une solitude propre à leur établissement, lorsqu'ils s'en virent chassés par les habitants. Ces peuples étaient entièrement barbares et idolâtres : nos saints, touchés de compassion pour leur aveuglement et leurs désordres, s'employèrent à les instruire de la Foi chrétienne. Mais ils ne les trouvèrent pas disposés à les écouter.
Théodebert, qui avait donner refuge à saint Gall,
à la bataille de Quierzy contre son frère impie, Thierry.
Chroniques françaises. Guillaume Crétin. XVIe.
Saint Gall, ne pouvant retenir son zèle, mit le feu aux temples de leurs faux dieux et jeta dans le lac qui en était proche les oblations et les autres choses destinées aux sacrifices. Cette action irrita tellement ces barbares, que, pour s'en venger, ils résolurent de le tuer et de fouetter saint Colomban, puis de le chasser de leur pays avec tous les siens. Nos Saints ayant su cette résolution jugèrent à propos de se retirer. Ils s'arrêtèrent au bourg d'Arbon, sur le lac de Constance, où ils furent charitablement reçus par Willimar, qui était un prêtre de grande vertu.
Colomban ayant demandé à cet hôte s'il ne connaissait pas quelque lieu écarté qui pût lui servir de retraite et à sa compagnie, il lui apprit qu'à l'extrémité du lac, vers le levant, il y avait une solitude fort propre à son dessein, parce qu'il y trouverait de vieux bâtiments abandonnés où il pourrait se loger, et que la campagne y était assez abondante en fruits. Suivant cet avis, saint Colomban monta sur une barque avec saint Gall et un diacre et arriva au lieu qui lui avait été indiqué.
C'était un lieu près la ville de Brégentz assez désert, mais dans une solitude fort agréable. Ils y trouvèrent une chapelle dédiée à sainte Aurélie, mais on n'y disait plus la Messe et elle était profanée par un culte impie, idolâtre ; car il y avait 3 statues d'airain, attachées à la muraille, que les habitants adoraient comme les anciennes divinités du pays à qui ils se tenaient redevables de leur fortune et de leur conservation. Saint Colomban, ne pouvant souffrir cette abomination, ordonna à saint Gall de leur annoncer l'Evangile, parce qu'il savait assez bien parler leur langue. Le jour de la grande fête du lieu étant venu, il s'y rendit une multitude de monde de tout âge et de tout sexe, dont le concours fut encore augmenté par le désir de voir ces étrangers.
Saint Gall y signala son zèle : il prêcha fortement contre la superstition païenne, exhorta le peuple à reconnaître et à adorer le vrai Dieu. Puis joignant l'effet aux paroles, il brisa les statues et en jeta les morceaux dans le lac. Plusieurs profitèrent de ces instructions et se convertirent; les autres, demeurant dans leur aveuglement, en furent fort irrités, ce qui n'empêcha point saint Colomban de purifier la chapelle avec de l'eau bénite. Il la dédia pendant que saint GaIl et son autre compagnon chantaient des Psaumes, en reconsacra l'autel avec de l'huile sainte, y mit des reliques de sainte Aurélie, et l'on commença ensuite à y dire la Messe.
Les autres disciples de saint Colomban, qui étaient restés à Arbon, vinrent le rejoindre à Brégentz. Ils bâtirent des cellules autour de la chapelle ; et outre les exercices de piété, les uns s'occupèrent à cultiver un jardin et les autres à pêcher. L'exercice de saint Gall était de faire des filets pour les pêcheurs ou de pêcher souvent lui-même. Par ce moyen, il fournissait du poisson à ceux de sa communauté et aux hôtes qu'ils recevaient dans leur petit monastère.
Saint Gall prêchant aux Païens des bords
du lac de Constance. Gravure du XIXe.
Le diable était furieux de se voir arracher un domaine où il régnait depuis si longtemps. Une nuit, notre Saint entendit le démon de la montagne crier à celui du lac :
" Viens à mon secours, afin que nous chassions ces étrangers; car ils m'ont expulsé de mon temple, brisé mes statues et attiré après eux le peuple qui me suivait."
Le démon du lac de Constance répondit :
" Ce que vous annoncez de votre infortune, je le ressens par la mienne; car un de ces étrangers me presse dans les eaux et dévaste mon domaine ; je ne saurais ruiner ses filets ni le tromper lui-même, car l'invocation du Nom divin est toujours dans sa bouche, et, veillant continuellement sur lui-même, il se rit de nos piéges."
L'homme de Dieu, quand il eut entendu ces choses, se fortifia de toutes parts du Signe de la Croix et dit à ces démons :
" Au Nom de Notre-Seigneur Jésus-Christ, je vous adjure de quitter ce lieu et de n'y faire de mal à personne."
Ensuite il s'empressa de raconter à son abbé ce qu'il venait d'entendre. Aussitôt Colomban donna le signal de se réunir à l'église. Mais, avant qu'on eût commencé le chant des Psaumes, on entendit sur le sommet des montagnes les hurlements des démons et les gémissements de leur départ. Sur quoi les serviteurs de Dieu se prosternèrent en oraison et rendirent grâces au Seigneur, qui les avait délivrés de ces malins esprits.
Cependant les païens du pays, irrités que les serviteurs de Dieu eussent brisé leurs idoles, allèrent se plaindre au duc Gonzon, qui était ou seigneur ou gouverneur du lieu, que ces étrangers étaient venus troubler la liberté publique, et que l'on ne pouvait plus chasser aux environs de Brégentz à cause d'eux. D'autres enlevèrent quelques vaches du monastère et tuèrent même 2 des disciples de Colomban. Gonzon, qui n'était pas sans doute idolâtre, mais qui préférait la politique à la religion, lui ordonna de sortir du pays; et Colomban, au lieu de s'aller justifier comme il lui était aisé de le faire, aima mieux obéir, parce que d'ailleurs il s'attendait à voir reprendre en ce lieu la colère de Thierry, roi de Bourgogne, qui, par la défaite et la mort du roi Théodebert, son frère, était devenu roi d'Austrasie, d'où dépendait le lieu où il s'était établi. Il prit le parti de passer en Italie avec ses disciples ; mais saint Gall, se trouvant indisposé lorsqu'on était sur le point de partir, s'excusa de ne pouvoir le suivre. Le saint abbé crut que c'était moins l'infirmité que l'attachement que Gall avait pour ce pays qui lui faisait souhaiter de n'en pas sortir.
Il pensa peut-être que ce disciple, après avoir travaillé en ce lieu, avait envie d'y demeurer. Il lui permit de rester, mais, à titre de pénitence, il lui défendit de dire la Messe tant qu'il saurait qu'il serait en vie. Saint Gall obéit, et sa maladie, qui était réelle, ayant augmenté après le départ de saint Colomban, l'obligea de retourner à Arbon, chez le prêtre Willimar, qui le reçut avec beaucoup de charité. Il lui donna pour gardes et pour infirmiers 2 clercs de son église, Magnoald et Théodore, et prit un soin extrême de lui tout le temps de sa maladie, qui fut longue.
Baptême de Sigebert III.
Legenda aurea. Bx J. de Voragine. XIVe.
Après sa guérison, l'amour de la solitude le portant à chercher une autre retraite que celle de Brégentz, lui fit demander quelque lieu écarté à Hiltibod, diacre de Willimar, qui avait une connaissance très particulière de tout le pays.
Celui-ci lui répondit :
" Père, je connais une solitude telle que vous dites ; mais elle est habitée par des bêtes féroces, des ours, des sangliers et des loups sans nombre. Je crains donc de vous y conduire, de peur que vous ne soyez dévoré par ces animaux."
Gall répliqua :
" L'Apôtre a dit : Si Dieu est pour nous, qui sera contre nous ? Nous savons qu'à ceux qui aiment Dieu toutes choses tournent en bien. Celui qui a délivré Daniel de la fosse aux lions peut aussi m'arracher de la griffe des bêtes."
Ils convinrent tous 2 de partir le lendemain. Saint Gall jeûna tout le jour et passa toute la nuit en prières. Le lendemain ils marchèrent jusqu'à l'heure de None, où le diacre dit :
" C'est l'heure de la réfection, prenons un peu de pain et d'eau, afin de faire mieux le reste du chemin."
L'homme de Dieu répondit :
" Prenez ce qui est nécessaire à votre corps. Pour moi, je ne goûterai de rien que le Seigneur ne m'ait montré le lieu de la demeure que je désire."
Le diacre répliqua :
" Puisque nous devons partager la consolation, nous partagerons aussi la peine."
Et ils marchèrent tous 2 sans manger jusqu'au soir. Ils vinrent à une petite rivière appelée Stemaha, et la descendirent jusqu'à un rocher, d'où elle se précipitait dans un gouffre où ils aperçurent beaucoup de poissons. Ils y jetèrent leurs filets et les prirent. Le diacre ayant fait du feu, les fit rôtir et tira du pain de la panetière.
Le bienheureux Gall s'étant un peu écarté pour prier, s'embarrassa dans des ronces et tomba par terre. Le diacre accourut pour le relever ; mais l'homme de Dieu lui dit :
" Laissez-moi, c'est ici mon repos à jamais, c'est ici le lieu que j'habiterai, parce que je l'ai choisi."
Et, se levant après sa prière, il prit une tige de cornouiller, en fit une croix et la fixa en terre. Or, il avait appendu à son cou une boîte où étaient des reliques de la sainte vierge Marie (quelques fragments des vêtements de la sainte Vierge), ainsi que de saint Maurice et de saint Didier.
Il attacha le reliquaire à la croix, se prosterna devant elle avec le diacre et dit :
" Seigneur Jésus-Christ qui, pour le Salut du genre humain, a daigné naître de la Vierge et subir la mort, ne méprise pas mon désir à cause de mes péchés; mais, pour l'honneur de Ta sainte Mère ainsi que de Tes Martyrs et de Tes Confesseurs, prépare en ce lieu une habitation propre à Te servir."
La prière finie, les 2 pèlerins prirent leur nourriture avec actions de grâces, au soleil couchant, et puis ayant prié de nouveau, ils se couchèrent par terre pour reposer quelque peu. Quand le saint homme crut son compagnon endormi, il se prosterna en forme de croix devant le reliquaire et pria le Seigneur avec beaucoup de dévotion.
Cependant un ours, descendu de la montagne, ramassait avec soin les miettes échappées aux 2 convives. L'homme de Dieu, voyant ce que faisait la bête, lui dit :
" Je t'ordonne, au Nom du Seigneur, prends du bois et mets-le dans le feu."
A ce commandement, la bête alla prendre un morceau de bois très considérable et le jeta dans le feu. Sur quoi le saint homme tire de la panetière un pain tout entier, le donne au nouveau servant et lui dit :
" Au Nom de Notre-Seigneur Jésus-Christ, retire-toi de cette vallée et aie en commun les montagnes et les collines environnantes, sous la condition que tu ne feras de mal ici à aucun homme ni à aucune bête."
Cependant le diacre, qui ne faisait que somnoler, considérait avec étonnement ce qui se passait. Il se leva, vint se jeter aux pieds du saint homme et dit :
" Maintenant, je sais que le Seigneur est vraiment avec vous, puisque les bêtes de la solitude vous obéissent."
Le Saint lui répondit :
" Gardez-vous de dire ceci à personne, jusqu'à ce que vous voyiez la gloire de Dieu."
Saint Gall aidé par son ours. Saint Gall récompense son ours
avec un pain. Haut-relif. Abbaye Saint-Gall. Saint-Gall.
Suisse. IXe.
Au matin, le diacre s'en alla vers la fosse de la rivière pour y prendre du poisson et en faire cadeau au prêtre Willimar à son retour. Il était sur le point d'y jeter ses filets, lorsqu'il aperçut sur les bords 2 esprits immondes sous la forme de femmes, qui lui jetèrent des pierres et dirent :
" C'est toi qui as amené dans cette solitude cet homme méchant et plein d'envie, accoutumé à nous vaincre par ses maléfices."
Le diacre retourne aussitôt vers l'homme de Dieu et lui raconte ce qu'il vient de voir et d'entendre. Ils se mettent tous 2 en prière, puis se rendent à la fosse. A leur vue, les démons s'enfuient vers la montagne voisine, pendant que saint Gall leur dit :
" Fantômes impurs, je vous ordonne, par la puissance de l'éternelle Trinité, de quitter ce lieu, de vous en aller dans les montagnes désertes et de n'oser plus jamais revenir ici."
Ils jettent ensuite leurs filets dans la fosse et prennent des poissons tant qu'ils veulent. Ma
mercredi, 16 octobre 2024 | Lien permanent | Commentaires (2)
21 octobre. Saint Hilarion de Tabathe, patriarche des solitaires en Palestine. 372.
- Saint Hilarion de Tabathe, patriarche des solitaires en Palestine. 372.
Pape : Saint Damase Ier. Empereur romain d'Orient : Valens Ier. Empereur romain d'Occident : Valentinien Ier.
Saint Jean Chrysostome.
Notre Dame et sainte Marie-Madeleine. Fra Filippo Lippi. Florence. XVe.
Né à Tabathe, en Palestine, de parents infidèles, Hilarion fut envoyé pour ses études à Alexandrie ; il y brilla par la pureté de sa vie et par ses talents, que relevèrent encore d'admirables progrès dans la foi et la chanté, quand il eut embrassé la religion de Notre Seigneur Jésus-Christ. Assidu à l'église, persévérant dans le jeûne et la prière, il méprisait tous les faux plaisirs et foulait aux pieds les désirs terrestres.
Saint Hilarion. Bréviaire romain. Auvergne. XVe.
La lecture et l'étude des saintes Lettres prenait une bonne part de sa vie. Quelques figues et le suc des herbes étaient sa nourriture, qu'il ne prenait jamais avant le coucher du soleil. Sa mortification, son humilité dépassaient toute croyance ; vertus qui, avec d'autres, le firent triompher d'effrayantes et multiples tentations de l'enfer, comme elles lui donnèrent puissance pour chasser en beaucoup de pays d'innombrables démons des corps qu'ils possédaient.
Or le Seigneur ne tardait pas d'élever à tel point celui-ci en gloire, qu'Antoine disait aux malades qu'attirait de Syrie la renommée de ses miracles :
" Pourquoi vous fatiguer à venir de si loin, quand vous avez près de vous mon fils Hilarion ?" (Ibid. III.).
Saint Hilarion. Vitae sanctorum. Bourgogne. XIIe.
Hilarion cependant n'avait passé auprès d'Antoine que deux mois ; lesquels étant écoulés, le patriarche lui avait dit :
Après quoi, remettant un cilice et un vêtement de peau à cet enfant de quinze ans qu'il ne devait plus revoir, il l'avait renvoyé sanctifier les solitudes de sa patrie, pendant que lui-même s'enfonçait plus avant dans le désert. (Ibid. I, ex graeca versione).
L'ennemi du genre humain, qui pressentait un adversaire redoutable dans le nouveau venu de la solitude, engagea contre lui de terribles combats. La chair même du jeune ascète, malgré ses jeûnes, fut la première complice de l'enfer. Mais, sans merci pour un corps si délicat et si frêle, au témoignage de l'historien, que tout effort eût paru devoir le réduire à néant, Hilarion s'écriait indigné :
" Âne, je saurai faire que tu ne regimbes plus ; je te materai par la famine, je t'écraserai sous les fardeaux, je te ferai marcher par tous les temps ; tu crieras tant la faim, que tu ne songeras pas au plaisir." (Hieron. Vita S. Hilarionis, I.).
Saint Hilarion et les démons tentateurs.
Speculum historiale. V. de Beauvais. XVe.
Vaincu de ce côté, l'ennemi trouva d'autres alliés pour, croyait-il, ramener par la crainte Hilarion vers les lieux habités. Mais aux voleurs se jetant sur sa pauvre cabane de joncs, le Saint disait en souriant :
Et ceux-ci, touchés d'une si grande vertu, ne cachaient pas leur admiration, et promettaient d'amender leur vie. (Ibid.).
C'était l'heure pour Satan d'entrer lui-même en lice, comme il l'avait fait avec Antoine, et sans plus de succès. Nul trouble ne pouvait plus atteindre aux régions sereines où la simplicité de cette âme l'avait portée. Un jour que le démon, entré dans le corps d'un chameau rendu par lui furieux, se précipitait sur le Saint avec d'horribles cris, il s'attirait la réponse :
" Tu ne m'effraies pas ; renard ou chameau, avec toi c'est tout un."
Et l'énorme bête tombait, domptée, à ses pieds. (Ibid. II.).
L'épreuve fut plus dure, et la ruse plus habile du côté de l'enfer, lorsque voulant se dérober à l'immense concours qui ne cessait point d'assiéger sa pauvre cellule, Hilarion vit l'ennemi se faire malicieusement le porte-voix de sa renommée, et lui ramener sous tous les cieux ces foules qui opprimaient son âme.
" Vainement quitte-t-il la Syrie, pour parcourir l'Egypte en tous sens ; vainement, traqué de désert en désert, il traverse la mer, espérant se cacher en Sicile, en Dalmatie, en Chypre. Du navire qui le promène au milieu des Cyclades, il entend dans chaque île les esprits infernaux s'appeler par les villes et les bourgs, et courir aux rivages près desquels il passe. A Paphos où il aborde, c'est le même concours de démons amenant à leur suite des multitudes humaines ; jusqu'à ce que Dieu, prenant en pitié son serviteur, lui fait trouver un lieu inaccessible à ses semblables, où il est seul enfin en la compagnie des légions diaboliques qui jour et nuit l'entourent. Loin de trembler, dit son biographe, il prenait plaisir à ce voisinage des habitués bien connus de ses luttes de jadis, et il vécut là en grande paix les cinq années qui précédèrent sa mort." (Hieron. Vita S. Hilarionis, III, IV, V.).
Saint Hilarion. Bréviaire françiscain. Savoie. XVe.
Fondateur de nombreux monastères, illustre par ses miracles, il était dans sa quatre-vingtième année, quand la maladie l'arrêta ; sous la violence du mal, prêt à rendre le dernier souffle, il disait :
" Sors, que crains-tu ? Sors, mon âme, pourquoi hésiter ? Il y a près de soixante-dix ans que tu sers le Christ, et tu crains la mort ?"
Il expira en prononçant ces mots.
Saint Hilarion fut en Orient l'un des premiers Confesseurs, sinon le premier d'entre eux, honoré d'un culte public à côté des Martyrs. En Occident, la blanche armée qu'Ursule conduisit à cette date au triomphe, relève de sa gloire l'auréole du saint moine auquel l'Eglise Mère a maintenu les premiers honneurs de cette journée.
Eglise Saint-Hilarion. Saint-Hilarion. Île-de-France. France.
PRIERE
" S'il en est ainsi du bois vert, que sera-ce du bois sec ?" (Luc. XXIII, 31.).
Illustre Saint, pénétrez-nous de l'attente des jugements de Dieu. Apprenez-nous que la crainte chrétienne ne bannit pas l'amour. C'est elle, bien au contraire, qui dégage ses abords et y conduit, pour ensuite l'escorter sur la route de la vie comme une garde attentive et fidèle. Elle fut votre sécurité à l'heure suprême ; puisse-t-elle, après avoir comme les vôtres assuré nos sentiers, nous introduire nous-mêmes directement aux cieux !"
lundi, 21 octobre 2024 | Lien permanent
25 février. Saint Félix III, pape. 483-492.
- Saint Félix III, pape. 483-492.
Papes : Saint Simplice (prédecesseur, +483) ; saint Gélase Ier (successeur). Empereur romain d'Orient : Zénon. Rois d'Italie : Odoacre ; Théodoric.
" La croix assure la victoire."
Saint Félix III. Mosaïque. Anonyme.
Basilique Saint-Côme-et-Saint-Damien. Rome. VIe.
Saint Félix appartenait à la famille Anicia, la plus puissante, la plus riche et la plus noble de Rome. Son père avait été marié avant que d'être prêtre. Mais, en s'engageant dans les liens du sacerdoce, il avait, selon les règles canoniques, renoncé à ceux du mariage. Félix lui-même avait été marié avant d'entrer dans les Ordres et de devenir Pape.
Saint Grégoire le Grand, qui était de la même famille patricienne des Anicii, rappelle ce fait en ces termes dans une homélie prononcée devant le peuple romain à la basilique de Saint-Clément :
" Mon père eut trois sœurs, Tharsilla, Gordiana et Amiliana, qui, éprises d'une même ardeur de perfection, se consacrèrent le même jour au Seigneur, prirent le voile des vierges et vécurent ensemble dans leur maison, observant les règles monastiques. Ma tante Tharsilla se distinguait par son assiduité à la prière, ses mortifications, son abstinence et l'édification d'une vie consommée en Dieu. Une nuit, dans une vision, mon quatrisaïeul le pontife Félix, qui me précéda sur ce siège de Rome, lui apparut, et découvrant à ses regards les magnifiques splendeurs du royaume des cieux, lui dit : " Ma fille, l'heure est venue où je dois t'introduire dans ce séjour de la gloire éternelle ".
Quelque temps après, Tharsilla fut prise d'une maladie soudaine, et bientôt on comprit qu'elle allait mourir. Selon la coutume dans les familles nobles, une foule considérable remplit la demeure pour assister la malade et consoler ses proches. Ma mère se trouvait au chevet de la mourante. Elle la vit tout à coup lever les yeux au ciel, comme dans une extase ; puis, en se tournant vers les assistants, elle dit : " Retirez-vous, retirez-vous, Jésus vient à moi !" A ces mots, cette âme sainte se dégagea des liens du corps; un parfum céleste se répandit dans l'appartement, comme si l'auteur de toute suavité qui venait d'apparaître à son humble servante eût voulu laisser à tous cette marque de sa présence."
Félix succéda à Simplicius et fut élu le 8 mars de l'année 483, par le sénat, le clergé et le peuple assemblés dans la basilique de Saint-Pierre. Durant l'interrègne qui fut de six jours, selon les uns, de vingt-six jours, suivant les autres, Odoacre, en sa qualité de roi d'Italie, intrigua pour diriger les affaires de l'assemblée et s'arroger le droit de confirmer l'élection. Le mémoire qui contenait ces prétentions fut condamné vingt ans plus tard comme impie et sacrilége par un concile de Rome toute l'antiquité ecclésiastique ratifia cette condamnation quant aux manoeuvres d'Odoacre, elles échouèrent complètement.
Le début du pontificat de saint Félix coïncida avec la nouvelle apportée à Rome du rétablissement de l'hérétique Pierre Monge (1) sur le siège épiscopal d'Alexandrie, par l'influence d'Acace, archevêque de Constantinople. Le vénérable Félix cita Acace à son tribunal et déposa Pierre Monge. Il fit partir pour Constantinople les deux évêques Misenus et Vital, les chargeant de notifier la sentence. Mais ces légats furent circonvenus par les intrigues des deux prélats schismatiques. Ils se laissèrent corrompre, moyennant une somme d'argent, et n'exécutèrent pas les ordres du Saint-Siège. A leur retour en Italie, Félix réunit un synode où ils furent convaincus de simonie et excommuniés. Après la déposition des légats, les Pères du concile prononcèrent de nouveau la déposition solennelle de Pierre Monge. Le Pape ne voulait point encore sévir contre Acace dont les derniers événements lui avaient fait connaître la mauvaise foi. Cependant, comme il ne daignait pas même répondre aux lettres paternelles du souverain Pontife et qu'il continuait à demeurer en communion avec Pierre Monge, Félix fut obligé de le ranger parmi les hérétiques et de le séparer de la communion catholique.
Pour porter ce décret à Constantinople, le Pape fit choix du prêtre Tutus. Il lui remit de plus deux lettres, l'une pour l'empereur Zénon, l'autre. pour le clergé et le peuple de Constantinople cette dernière était destinée à réparer le scandale donné publiquement par ses précédents légats. Acace refusa obstinément de recevoir le décret du Pape pour qu'il ne pût pas prétexter de son ignorance sur une sentence qui l'excommuniait, un moine du couvent où le légat avait trouvé un refuge fut assez hardi pour attacher le décret à son manteau pontifical, un dimanche qu'il entrait dans la basilique pour y célébrer. Cet acte de courage attira la vengeance d'Acace sur tous les moines de Constantinople un certain nombre d'entre eux furent égorgés par ses affidés. C'est ainsi qu'Acaco eut le triste honneur de commencer la séparation entre Rome et Constantinople. Ce premier schisme dura trente-cinq ans (484-519). Qui pourrait dire toutes les violences, toutes les persécutions, toutes les cruautés des Eutychiens triomphants contre les catholiques ? Trois intrus, trois apostats occupaient les trois grands sièges d'Orient : Pierre le Foulon à Antioche, Pierre Monge à Alexandrie, Acace à Constantinople tout puissants à la cour de Zénon et unis dans leur révolte contre le Saint-Siège, ils durent croire avoir triomphé et regarder l'eutychianisme implanté pour jamais en Orient. Mais Dieu allait confondre leurs orgueilleuses pensées. Pierre le Foulon mourut le premier en 488 Acace le suivit au tombeau quelques mois après il expira chargé de la malédiction de Dieu et des hommes. Quant à Zénon, qui n'avait pas eu le courage de se montrer ce qu'il était au fond, un prince vraiment catholique, il fut enterré tout vif par sa propre femme il mourut dans son tombeau de faim et de rage.
Félix ne se contenta pas de donner des soins tendres et bienveillants aux intérêts de l'Eglise d'Orient il se tourna avec compassion vers cette malheureuse Eglise d'Afrique foulée aux pieds par les Vandales. Il écrivit à l'empereur pour qu'il intervînt auprès de Hunéric, leur roi, et qu'il l'engageât à cesser ses cruautés envers les catholiques. Le roi persécuteur vécut de courtes années, et Gondamond, son successeur, rendit la paix à l'Eglise.
Ceux qui étaient tombés pendant la persécution demandèrent à rentrer en grâce Félix régla les conditions de leur pénitence et rétablit les anciens Canons.
Dans le domaine politique, le pontificat de saint Félix III fut marqué par l'invasion de Théodoric, roi des Ostrogoths, en Italie, et l'expulsion d'Odoacre, roi des Hérules. Les habitants des provinces et des villes, horriblement pressurés par les barbares, n'avaient d'autres ressources que la charité des évêques. L'Eglise ne faillit pas à sa mission. Saint Félix mourut pendant cette lutte qui amenait une domination arienne en Italie (492).
D'un caractère énergique, prudent et modéré, il sut, au milieu des difficultés de l'Orient agité par l'hérésie, et de l'Occident déchiré par des guerres sanglantes, maintenir l'autorité du Siége apostolique, et la faire respecter malgré les intrigues, malgré les défections. Le talent, la capacité, la vertu qu'il déploya sur le trône, lui valurent les honneurs de la canonisation. Il fut inhumé dans la basilique du bienheureux Paul, apôtre.
Saint Félix III. Gravure. Anonyme. XVIe.
ACTES DE SON ADMINISTRATION
Il établit que les églises seraient consacrées par les évêques seulement.
Il défendit de rebaptisé ceux qui l'avaient été une première fois.
Il construisit la basilique Saint-Agapet, près de clele de Saint-Laurent.
Le premier, il donna aux empereurs le nom de Fils. Le premier encore, il employa comme date l'indiction, c'est-à-dire une manière de compter par périodes de quinze années, à partir de l'an 312 de Jésus-Christ, epoque de la conversion de Constantin.
Sous son pontiticat et la troisième année de son règne, saint Barnabé. apôtre, apparut à Anthème, évêqne de Salamine, en Chypre, tenant en main l'Evangile de saint Matthieu ; cette révélation se renouvela trois fois et le corps de saint Barnabé fut trouvé avec un exemplaire de cet Evangile.
C'est encore sous son pontificat que les habitants du Norique, fuyant leur pays, apportèrent en Italie les reliques du grand saint Séverin.
(1). Son hérésie était l'Eutychianisme. Voir sur cette question le concile de Chalcédoine dans les conciles généraux et particuliers, par Mgr Guérin.
dimanche, 25 février 2024 | Lien permanent