lundi, 21 avril 2025
21 avril. Saint Anselme, archevêque de Cantorbéry, Docteur de l'Eglise. 1109.
Saint Anselme in Proslogium.
Saint Anselme apprenant sa nomination à Cantorbéry par le roi Guillaume le Conquérant en personne.
Moine, Evêque et Docteur, Anselme réunit en sa personne ces trois grands apanages du chrétien privilégié ; et si l'auréole du martyre n'est pas venue apporter le dernier lustre à ce noble faisceau de tant de gloires, on peut dire que la palme a manqué à Anselme, mais qu'il n'a pas manqué à la palme. Son nom rappelle la mansuétude de l'homme du cloître unie à la fermeté épiscopale, la science jointe à la piété ; nulle mémoire n'a été à la fois plus douce et plus éclatante.
Le Piémont le donna à la France et à l'Ordre de saint Benoît. Anselme, dans l'abbaye du Bec, réalisa pleinement le type de l'Abbé tel que l'a tracé le Patriarche des moines d'Occident : " Plus servir que commander."
Il fut de la part de ses frères l'objet d'une affection sans égale, et dont l'expression est arrivée jusqu'à nous. Sa vie leur appartenait tout entière, soit qu'il s'appliquât à les conduire à Dieu, soit qu'il prît plaisir à les initier aux sublimes spéculations de son intelligence. Un jour il leur fut enlevé malgré tous ses efforts, et contraint de s'asseoir sur la chaire archiépiscopale de Cantorbéry. Successeur en ce siège des Augustin, des Dunstan, des Elphège, des Lanfranc, il fut digne de porter le pallium après eux, et par ses nobles exemples, il ouvrit la voie à l'illustre martyr Thomas qui lui succéda de si près.

Bas-relief. Abbatiale de l'abbaye Saint-Pierre de Solesmes.
Sa vie pastorale fut tout entière aux luttes pour la liberté de l'Eglise. En lui l'agneau revêtit la vigueur du lion :
" Le Christ ne veut pas d'une esclave pour épouse ; il n'aime rien tant en ce monde que la liberté de son Eglise."
Le temps n'est plus où ce Fils de Dieu consentait à être enchaîné par d'indignes liens, afin de nous affranchir de nos péchés ; il est ressuscité glorieux, et il veut que son épouse soit libre comme lui. Dans tous les siècles, elle a à combattre pour cette liberté sacrée, sans laquelle elle ne pourrait remplir ici-bas le ministère de salut que son Epoux divin lui a confié. Jaloux de son influence, les princes de la terre, qui n'ignorent pas qu'elle est reine, se sont ingéniés à lui créer mille entraves.
De nos jours [Nous reprenons ici la notice de dom Prosper Guéranger dans L'année liturgique, et qui parle donc dans la deuxième moitié du XIXe siècle], un grand nombre de ses enfants ont perdu jusqu'à la notion des franchises auxquelles elles a droit : sans aucun souci de sa royauté, il ne lui désirent d'autre liberté que celle qu'elle partagera avec les sectes qu'elle condamne ; ils ne peuvent comprendre que, dans de telles conditions, l'Eglise que le Christ a faite pour régner, est en esclavage.
Ce n'est pas ainsi qu'Anselme l'entendait ; et tout enfant de l'Eglise doit avoir de telles utopies en horreur. Les grands mots de progrès et de société moderne ne sauraient le séduire ; il sait que l'Eglise n'a pas d'égale ici-bas ; et s'il voit le monde en proie aux plus terribles convulsions, incapable de s'asseoir désormais sur un fondement stable, tout s'explique pour lui par cette raison que l'Eglise n'est plus reine. Le droit de notre Mère n'est pas seulement d'être reconnue pour ce qu'elle est dans le secret de la pensée de chacun de ses fidèles ; il lui faut l'appui extérieur. Jésus lui a promis les nations en héritage ; elle les a possédées selon cette divine promesse ; mais aujourd'hui, s'il advient qu'un peuple la mette hors la loi, en lui offrant une égale protection avec toutes les sectes qu'elle a expulsées de son sein, mille acclamations se font entendre à la louange de ce prétendu progrès, et des voix connues et aimées, se mêlent à ces clameurs.

Dessin. Anonyme d'après Raphaël. XVIe.
De telles épreuves furent épargnées à Anselme. La brutalité des rois normands était moins à redouter que ces systèmes perfides qui sapent par la base jusqu'à l'idée même de l'Eglise, et font regretter la persécution ouverte. Le torrent renverse tout sur son passage ; mais tout renaît aussi lorsque sa source est tarie. Il en est autrement quand les eaux débordées envahissent la terre en l'entraînant après elles.
Tenons-le pour sûr : le jour où l'Eglise, la céleste colombe, n'aura plus ici-bas où poser son pied avec honneur, le ciel s'ouvrira, et elle prendra son vol pour sa patrie céleste, laissant le monde à la veille de voir descendre le juge du dernier jour.
Anselme docteur n'est pas moins admirable qu'Anselme pontife. Sa haute et tranquille intelligence se plut dans la contemplation des vérités divines ; elle en chercha les rapports et l'harmonie, et le produit de ces nobles labeurs occupe un rang supérieur dans le dépôt où se conservent les richesses de la théologie catholique. Dieu avait départi à Anselme le génie. Ses combats, sa vie agitée, ne purent le distraire de ses saintes et dures études, et, sur le chemin de ses exils, il allait méditant sur Dieu et ses mystères, étendant pour lui-même et pour la postérité le champ déjà si vaste des investigations respectueuses de la raison dans les domaines de la foi.

Bas-relief. Lucca della Robbia. Empoli. XVIe.
Anselme, né dans la ville d'Aoste, aux confins de l'Italie, eut pour père Gondulphe et pour mère Hermenberge, nobles et catholiques parents. Dès ses tendres années son assiduité à l'étude et son élan vers la vie parfaite firent pressentir qu'un jour il brillerait à la fois par la sainteté et la doctrine. La fougue de la jeunesse l'entraîna cependant quelque temps dans les plaisirs du siècle ; mais bientôt il se sentit attiré de nouveau aux habitudes de sa vie antérieure.
Renonçant alors à son pays et à sa fortune, il se rendit à l'abbaye du Bec, de l'Ordre de saint Benoît. Ce fut là qu'il émit sa profession religieuse sous l'Abbé Herluin, prélat très zélé pour l'observance, au temps du très docte Lanfranc. La ferveur de sa vie et son application continuelle à s'avancer dans la science et les vertus développèrent tellement ses dispositions, qu'on le regarda bientôt comme un modèle admirable de sainteté et de doctrine.
Son abstinence et sa sobriété étaient si grandes, que l'assiduité au jeûne avait détruit en lui le sentiment des besoins du corps. Il employait le jour aux exercices monastiques, à l'enseignement et à écrire des réponses aux diverses questions qu'on lui adressait sur la religion, et dérobait la plus grande partie de la nuit au sommeil pour rafraîchir son âme dans les méditations divines, auxquelles il se livrait avec une grande abondance de larmes.
Elu Prieur du monastère, il sut se concilier, par sa charité, son humilité et sa prudence, les frères qui lui étaient contraires, à tel point que ces hommes qu'il avait eus pour rivaux s'attachèrent étroitement à lui, en même temps qu'ils se rapprochaient de Dieu : ce qui ne contribua pas peu à l'avancement de l'observance religieuse dans le monastère. A la mort de l'Abbé, Anselme fut établi malgré lui à sa place. Ce fut alors que sa réputation de science et de sainteté se répandit au loin, et le rendit l'objet de la vénération des princes et des évêques. Saint Grégoire VII l'honora de son amitié, et au milieu des grandes épreuves qu'il avait à subir, ce Pontife lui adressa des lettres remplies d'affection, dans lesquelles il recommandait à ses prières sa personne et l'Eglise catholique.
Saint Anselme prit naturellement parti pour son successeur Urbain II contre l'antipape Clément III.

Manuscrit anglais du XIIIe.
A la mort de saint Lanfranc, archevêque de Cantorbéry, son ancien maître (que l'on fête au 28 mai), saint Anselme se vit contraint par les instances de Guillaume, roi d'Angleterre, ainsi que du clergé et du peuple, à accepter le gouvernement de cette Eglise. Tout aussitôt il s'appliqua à la réforme des moeurs très relâchées de son peuple, et employant d'abord à cet effet ses discours et ses propres exemples, ensuite ses écrits, auxquels il joignit la célébration des conciles, il vint à bout de rétablir la piété antique et la discipline de l'Eglise. Mais bientôt le même roi Guillaume ayant voulu usurper les droits de l'Eglise, et joignant à cet effet la violence aux menaces, Anselme lui résista avec une constance sacerdotale.
Dépouillé des possessions de son siège et condamné à l'exil, il se rendit à Rome auprès d'Urbain II, qui le reçut avec honneur, et le combla de louanges dans le concile de Bari, où Anselme démontra contre l'erreur des Grecs, par d'innombrables témoignages des Ecritures et des saints Pères, que le Saint-Esprit procède aussi du Fils.

Vision de saint Anselme. XVIIIe.
Saint Anselme de Cantorbéry est connu du monde profane pour son établissement des preuves de l'existence de Dieu. Il est utile de savoir que son principal souçi en la matière n'était pas à proprement parler de " prouver l'existe,ce de Dieu ", mais de démontrer principalement, contre l'avis du moine de l'abbaye de Marmoutiers Gaunilon qui soutenait que la foi suffsait et que l'existence de Dieu n'était pas démontrable rationnellement, que la raison, sous l'empire de la foi, accède aux preuves de l'existence de Dieu.
Rappelé en Angleterre, après la mort de Guillaume, par le roi Henri son frère, Anselme s'endormit bientôt dans le Seigneur. Non seulement la renommée de ses miracles et de sa sainteté, ainsi que son insigne dévotion envers la Passion de notre Seigneur et la bienheureuse Vierge sa Mère, l'ont rendu célèbre ; mais il s'est encore illustré par sa doctrine, qui a servi puissamment à la défense de la religion chrétienne, à l'avancement des âmes, en même temps qu'elle a frayé la voie à tous les théologiens qui ont traité la science sacrée selon la méthode scolastique, au point que l'on sent, à la lecture de ses livres, que c’est au ciel même que le ce saint docteur l'a puisée, appuyé fermement sur une dévotion profonde à Notre Dame la très sainte Vierge Marie, dont il soutint, exposa et démontra l'Immaculée conception.

L'Immaculée conception avec saint Anselme et saint Martin.
Très affaibli au seuil de cette vie, un moine qui le veillait lui cita l'Evangile :
" Puisque vous avez été ferme avec moi dans la lutte et dans les tentations, voici que je vais vous préparer le ryaume que mon Père m'a préparé à moi-même, pour que vous mangiez et buviez avec moi, dans mon royaume." (Joan. XXII, 23.).
Saint Anselme sourit et leva les yeux au ciel ; sa respiration devint plus lente. Il se fit mettre sur de la cendre, reçut le saint Viatique et l'Extrême onction (la sainte huile, dont il ne restait que quelques gouttes, s'accrut miraculeusement à cette occasion), et expira le 21 avril 1109. Il fut enterré dans la cathédrale de Cantorbéry.
Canonisé en 1494, il a été mis au rang des docteurs de l'Église par Clément XI en 1720.
Les titres de ses principaux ouvrages, outre le Proslogium déjà cité :
- Monologium de essentia divinitatis, sive exemplum meditandi de ratione fidei ;
- Cur Deus homo ;
- De concordia praescientiae et praedestinationis necnon gratiae Dei cum libero arbitrio ;
- Liber de Conceptu virginali et originali peccato ;
- Liber apologeticus contra Gaunilonem respondentem pro insipiente ;
- De fïde Trinitatis ;
- De Incarnatione Verbi contra blasphemias Roscelini ;
- De casu Diaboli, dialogues ;
- De processione Sancti Spiritus, traité dirigé contre l'Église grecque, dont Anselme avait combattu la doctrine au concile de Bari.

Rq :
- On trouvera la liste des écrits de saint Anselme, ainsi qu'une solide notice biographique, dans la patrologie de M. l'abbé Migne, parue au XIXe, et disponible sur le site de la Bibliothèque natinale de France, Gallica : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k209868f.pagination.
- On trouvera une notice hagiographique dans les Petits Bollandistes (T. IV, pp 567 et suiv.) : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k30734t.pagination.
- On trouvera une version latine de la vie de saint Anselme écrite par son secrétaire, le moine Eadmer : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k50356f.
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vendredi, 18 avril 2025
18 avril. Saint Apollinaire de Rome (ou Apollonius), apologiste de la religion chrétienne, martyr. 186.
- Saint Apollinaire de Rome (ou Apollonius ou encore Apollone), apologiste de la religion chrétienne, martyr. 186.
Pape : saint Eleuthère. Empereurs romains : Marc-Aurèle ; Commode.
" Eh bien ! A quoi t'es-tu décidé ?
- A demeurer ferme dans ma religion, comme je te l'avais dit auparavant."
Procès-verbal des auditions de saint Appollonius de Rome inséré dans les Actes authentiques de son martyre.
Marc-Aurèle avait persécuté la religion chrétienne par zèle pour le paganisme. Son fils Commode, qui lui succéda en 180, fut, quoique très-vicieux, moins cruel envers les disciples de Notre Seigneur Jésus-Christ ; il les favorisa même, en considération de Marcia, qu'il avait honorée du titre d'impératrice. Ce n'était pas que cette femme crût en Notre Seigneur Jésus-Christ ; mais elle s'intéressait fort à une religion dont les maximes lui paraissaient admirables. A la faveur de ce calme, l'Eglise vit augmenter prodigieusement le nombre de ses enfants. Plusieurs personnes de la première qualité se rangèrent sous les étendards de la Croix.
On comptait le sénateur Appollonius parmi ceux qui avaient abjuré l'idolâtrie. Appollonius était fort distingué par son mérite dans les belles-lettres et la philosophie. A peine eut-il connu la vérité qu'il étudia avec autant de succès que d'ardeur l'Ecirture sainte. Il vivait tranquille dans la pratique des bonnes oeuvres, lorsqu'un de ses exclaves, nommé Sévère, l'accusa dêtre chrétien devant Perrenia, préfet du prétoire. Sévère eut les jambes cassées et fut condamné à mort conformément à un édit de Marc-Aurèle, qui avait prononcé la peine de mort contre les accusateurs des Chrétiens, quoiqu'il n'eût point révoqué les lois portées antérieurement contre ces derniers.
A ce sujet, il faut noter que rien n'est plus étrange que la jurisprudence des Romains par rapport aux Chrétiens. On en la preuve dans cet édit et, entre autres, dans la réponse de Trajan à Pline le Jeune, lequel défendait de rechercher les Chrétiens et ordonnait en même temps de les condamner, s'ils étaient déférés en justice pour leur religion. Cela fait très justement dire à Tertullien :
" Quelle inconséquence ! D'où vient que vous êtes contraires à vous-même ? Si vous jugez que nous devons être punis, pourquoi n'approuvez-vous pas que l'on nous recherche ? Et s'il vous semble que nous ne devons point être recherchés, pourquoi ne prononcez-vous pas notre absolution ?"

L'empereur Marc-Aurèle, Marcus Aurelius Antoninus Augustus.
Cet empereur avait un fond de faiblesse qui le disposa, entre autre,
à écouter sans rougir les sottises d'un Sextus, et à être,
sous des apparences de prudence et de stoïcisme,
d'une indécision coupable vis-à-vis des Chrétiens.
Mais revenons à saint Appollonius. Saint Eusèbe de Césarée raconte son martyre et saint Jérôme rappelle sa qualité de sénateur. La découverte récente des actes authentiques (début du XIXe siècle) permet de compléter ces détails. Apollonius avait donc été dénoncé comme chrétien par un délateur de ses esclaves nommé Sévère nous l'avons vu. Il fut traduit par Perennia, préfet du prétoire, devant le Sénat. En cette circonstance Apollonius présenta au Sénat, pour sa défense, une apologie en règle du christianisme.
La longueur des discours d'Apollonius fut en effet conséquente puisque sa qualité de sénateur fit qu'on lui permit de s'expliquer comme il le souhaitait. En plein Sénat, il fit une excellente et très solide apologie de la vraie religion. Malheureusement cette pièce ne nous est pas parvenue. Saint Jérôme, qui l'avait lue, rapporte que l'élégance et la sûreté s'y trouvaient réunies à une connaissance profonde de la littérature sacrée et profane.
Trois jours après la comparution devant le Sénat il fut interrogé par le préfet seul. Il persista dans sa confession et fut condamné à être décapité. C'est ce que nous allons lire maintenant.
Le Christ, qui donne toutes choses, prépare une couronne de justice aux hommes de bonne volonté qui se tiennent attachés fermement à la foi en Dieu ; quant aux élus de Dieu, ils sont appelés à lui afin que, ayant livré le bon combat avec courage, ils obtiennent la réalisation des promesses qu'un Dieu, ennemi du mensonge, a faites à ceux qui l'aiment et qui croient en lui de toute leur âme.
L'un d'entre eux fut le saint martyr et vaillant champion du Christ, Apollonius. Il passa à Rome une existence remplie par les exercices de la piété et de l'ascèse, et, impatient de posséder le gage de sa vocation, il fut au nombre de ceux qui rendirent témoignage à Jésus-Christ ; ce qu'il fit en présence du Sénat et du préfet Terentius. Il s'exprima avec une grande hardiesse. Voici le procès-verbal de sa déposition.
Bréviaire franciscain. XVe.
Le préfet donna ordre d'introduire Apollonius devant le Sénat, il lui dit :
" Apollonius, pourquoi résistes-tu aux lois invincibles et, aux décrets des empereurs et refuses-tu de sacrifier aux dieux ?"
Apollonius lui répondit :
" Parce que je suis Chrétien, c'est pourquoi je crains Dieu qui a fait le ciel et la terre et je ne sacrifie pas aux faux dieux.
- Tu dois te repentir de ces pensées à cause des édits des empereurs, et prêter serment par la fortune de Commode."
Apollonius exposa alors hautement et souverainement sa conduite :
" Ecoutez maintenant l'exposé de ma conduite. Celui qui regrette ses actions justes et vertueuses est impie et n'a pas d'espérance ; celui au contraire qui se repent de ses actions contraires aux lois et de ses pensées coupables et n'y retombe plus, celui-là aime Dieu et s'essaye à faire passer son expérience dans la réalité. En ce qui me concerne, je suis absolument résolu d'observer le beau et glorieux commandement de Dieu que nous a enseigné. Notre-Seigneur le Christ à qui la pensée de l'homme est révélée et qui voit tout ce qui se fait en secret comme à découvert. Sans doute, il est préférable de ne pas jurer du tout, mais de vivre en toutes choses dans la paix et dans la foi. La vérité n'est-elle pas en elle-même un grand serment ? Et pour la même raison il est mauvais et répréhensible de jurer par le Christ, mais le mensonge a produit les mécréants à cause desquels on a employé le serment. Je veux jurer volontairement, par le vrai Dieu, que nous aussi nous aimons l'empereur et prions pour lui."
Le préfet repartit :
" Approche alors, et sacrifie à Apollon, et aux autres dieux, et à l'image de l'empereur."
- Quant à changer d'idées ou à prêter serment je m'en suis expliqué. En ce qui concerne le sacrifice, les Chrétiens et moi nous offrons un sacrifice non sanglant à Dieu, Maître du ciel et de la terre, et de la mer et de tout ce qui a la vie, et nous offrons ce sacrifice non pas à l'image, mais pour les personnes douées d'intelligence et de raison qui ont été choisies de Dieu pour gouverner les hommes. Voilà pourquoi, conformément aux ordres du Dieu à qui il appartient de commander, nous offrons nos prières à celui qui habite dans le ciel, au seul Dieu qui puisse gouverner la terre avec justice, tenant pour assuré que l'empereur tient de Lui ce qu'il est, et d'aucun autre, si ce n'est du Roi, du Dieu, qui tient toutes choses dans sa main."
- A coup sûr ce n'est pas pour philosopher qu'on t'a amené ici. Je te laisse un jour de répit, tu peux réfléchir sur tes intérêts et choisir la vie ou la mort."
Et il le fit reconduire en prison.

L'empereur Commode, Lucius Aelius Aurelius Commodus, sous le
règne duquel le sénateur saint Appollonius souffrit son martyre.
Trois jours après le préfet le fit comparaître de nouveau et lui dit :
" Eh bien ! A quoi t'es-tu décidé ?
- A demeurer ferme dans ma religion, comme je te l'avais dit auparavant, répondit Apollonius.
- Vu le décret du Sénat je te réitère de te repentir et de sacrifier aux dieux auxquels la terre entière rend hommage et offre des sacrifices ; il est préférable pour toi de vivre parmi nous plutôt que souffrir une mort avilissante. Il me semble que tu ne dois pas ignorer le décret du Sénat.
- Je sais le commandement du Dieu tout-puissant et je demeure ferme dans ma religion, je ne rends pas hommage aux idoles fabriquées de main d'homme, façonnées avec de l'or, de l'argent, ou du bois ; qui ne peuvent ni voir, ni entendre, parce qu'elles sont l'ouvrage d'hommes qui ignorent le vrai service de Dieu. Mais j'ai appris à adorer le Dieu du ciel, à ne rendre hommage qu'à lui seul, qui a insufflé le souffle de la vie dans tous les hommes et qui ne cesse de départir la vie à chacun d'eux. Je n'entends pas m'avilir moi-même et me jeter dans l'abîme. Il est honteux de rendre hommage à de vils objets, c'est une action ignominieuse d'adorer en vain, et les hommes qui le font commettent le péché.
Ceux qui ont inventé ces adorations étaient fous, plus fous encore que ceux qui adorent et rendent hommage. Dans leur folie, les Égyptiens adorent un oignon. Les Athéniens, jusqu'à nos jours, fabriquent et adorent une tête de boeuf en cuivre qu'ils nomment la fortune d'Athènes, et ils lui font une place en évidence près de la statue de Jupiter et d'Héraclès, à telle enseigne qu'ils lui adressent leurs prières. Et cependant cela ne vaut guère mieux que la boue séchée ou une poterie brisée.
Ils ont des yeux et ils ne voient pas, ils ont des oreilles et ils n'entendent pas, ils ont des mains mais ils ne savent qu'en faire, ils ont des pieds et ils ne marchent pas ; c'est qu'apparence n'est pas substance, et je pense que Socrate lui aussi se moque des Athéniens quand il jure par l'arbre populaire, par le chien et par le bois sec.
Les hommes, en adorant ces choses, pèchent d'abord contre eux-mêmes. De plus, ils sont coupables d'impiété envers Dieu parce qu'ils ignorent la vérité. Les Égyptiens, je reviens à eux, ont donné le nom de Dieu à l'oignon, à la truelle de bois, aux fruits des champs que nous mangeons, qui entrent dans l'estomac et que nous rejetons. Ils ont adoré cela; mais ce n'est pas tout, ils rendent hommage au poisson, à la colombe, au chien, à la pierre, au loup, dans lesquels ils adorent les fantaisies de leur imagination. Enfin, les hommes pèchent encore toutes les fois qu'ils adressent leurs hommages aux hommes, aux anges ou aux démons et les appellent leurs dieux."
Le préfet s'impatienta :
" Assez philosophé, nous sommes pleins d'admiration ; maintenant Apollonius, rappelle-toi ce décret du Sénat qui ne tolère nulle part de Chrétiens.
- Sans doute, mais un décret humain, fût-il du Sénat, ne prévaut pas contre un décret de Dieu. Il est bien vrai que les hommes inconséquents haïssent leurs bienfaiteurs et les font mourir, et de la sorte les hommes restent éloignés de Dieu. Mais tu n'ignores pas que Dieu a décrété la mort, après la mort le jugement pour tous les hommes, rois ou mendiants, potentats, esclaves ou hommes libres, philosophes ou ignorants.
On peut mourir de deux manières. Les disciples du Christ meurent tous les jours en mortifiant leurs désirs et en se renonçant à eux-mêmes suivant ce qu'enseignent les saintes Écritures.
Quant à nous, nous ne cédons pas aux mauvais désirs, nous ne jetons pas des regards impurs, pas de coups d'oeil furtifs, notre oreille se refuse à écouter le mal, de peur que nos âmes en soient souillées. Mais puisque nous observons une conduite si pure et que nous pratiquons de si saintes résolutions, nous ne trouvons rien de si ardu à mourir pour le vrai Dieu, de qui vient tout ce que nous avons, par qui nous sommes tout ce que nous sommes, pour qui nous affrontons les tortures afin d'éviter la mort éternelle.
Bien plus, nous ne nous offensons pas quand on confisque nos biens, parce que nous savons que, soit dans la vie, soit dans la mort, nous appartenons à Dieu. La fièvre, la jaunisse et toute autre maladie peut tuer un homme. Moi-même, je puis m'attendre à mourir de l'une d'elles."
Legenda aurea. Bx J. de Voragine. R. de Montbaston. XIVe.
Le préfet interrogea alors :
" Tu veux mourir ?
- Mon désir est de vivre dans le Christ, mais je n'ai pas sujet de craindre la mort à cause de mon attachement à la vie. Il n'y a rien de plus désirable que la vie éternelle, source d'immortalité pour l'âme qui a mené une vie honnête.
- Je n'y comprends plus rien du tout, intervint le préfet.
- Et cependant que puis-je dire de plus ? C'est à la parole de Dieu d'illuminer le coeur comme la lumière naturelle luit devant les yeux."
Un philosophe qui se trouvait là dit :
" Apollonius, tu te fais tort à toi-même, tu es sorti du chemin de la vérité, ce qui ne t'empêche pas de croire que tu développes de hautes vérités.
- J'ai appris à prier et non à outrager, mais la façon dont tu parles témoigne l'aveuglement du coeur, car la vérité ne semble une insulte qu'à ceux qui ont perdu le sens.
- Explique-toi, lui dit alors le préfet.
- Le Verbe de Dieu, le Sauveur des âmes et des corps, s'est fait homme en Judée et il a pratiqué tout le bien possible ; il était rempli de sagesse et enseignait une religion pure, digne des enfants des hommes et d'imposer silence au péché. Il enseignait à apaiser la colère, modérer les désirs, détruire ou contenir les appétits, chasser la mélancolie, être compatissant, accroître l'amour, repousser la vaine gloire, s'abstenir de la vengeance, n'être pas intraitable, mépriser la mort, non pas tant par mépris que par indulgence pour ceux qui ont perdu toute loi, obéir aux lois de Dieu, honorer les princes, adorer Dieu, garder notre volonté fidèle au Dieu immortel, prévoir le jugement qui suit la mort, attendre la récompense qui suit la résurrection et que Dieu accorde à ceux qui ont vécu dans la sainteté.
Il enseignait tout ce que je viens de dire avec beaucoup de force par ses paroles et par ses actions, tous ceux à qui il avait accordé quelque bienfait lui rendaient gloire. Mais enfin il fut mis à mort, comme, avant lui, les sages et les justes l'ont été eux aussi ; car il semble que les justes soient un reproche aux méchants.
Nous lisons dans la divine Écriture : " Saisissons-nous de l'homme juste, car il est un sujet de reproche pour nous " ; et un philosophe [Socrate] dit de son côté : " Le juste sera torturé, on lui crachera au visage, enfin il sera crucifié."
De même que les Athéniens ont porté contre lui une injuste sentence de mort et l'ont accusé faussement pour obéir à la canaille, de même notre Sauveur fut condamné à mort par les méchants que l'envie et la malice dévoraient, suivant la parole prophétique : " Il fera du bien à tous et les persuadera, par sa bonté, d'adorer Dieu le Père et Créateur de toutes choses, en qui nous aussi nous croyons et à qui nous rendons hommage, parce que nous avons été instruits de ses saints commandements que nous ignorions, ce qui rend notre erreur moins profonde " ; aussi, après une vie sainte, comptons-nous recevoir la vie future."
Le préfet :
" J'espérais que la nuit te porterait conseil.
- Et moi aussi j'espérais que la nuit te porterait conseil et que ma réponse t'ouvrirait les yeux, et que ton coeur porterait des fruits, que tu adorerais Dieu, le Créateur de toutes choses, et que tu lui offrirais tes prières sous forme de compassion, car la compassion réciproque est un sacrifice non sanglant qui ne laisse pas d'être agréable à Dieu."
Le magistrat conclut enfin :
" Je voudrais bien t'accorder ton pardon, mais c'est impossible, il y a ce décret du Sénat, mais c'est sans haine que je prononce ta sentence."
Et il ordonna qu'on lui coupât la tête.
Apollonius lui répondit :
" Dieu soit béni pour ta sentence !"
Et aussitôt les bourreaux l'entraînèrent et lui coupèrent la tête. Lui n'avait pas cessé de rendre honneur au Père et au Fils et au Saint-Esprit, à qui soit la gloire pour toujours.
Amen.
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jeudi, 17 avril 2025
17 avril. Saint Anicet, pape et martyr. 161.
- Saint Anicet, pape et martyr. 166.
Papes : saint Pie Ier (prédécesseur) ; saint Soter (successeur). Empereurs romains : Antonin le Pieux ; Lucius Verus ; Marc-Aurèle.
" La vie des clercs tout entière doit se distinguer de celle des laïques."
Saint Anicet aux évêques des Gaules.

Un Pape martyr du deuxième siècle se montre aujourd'hui sur le Cycle. Les martyrs se sont donnés rendez-vous auprès de Jésus ressuscité. Ils sont ces aigles dont il nous parle dans son Evangile, et qui volent de concert vers l'objet de leurs désirs (Matth. XXIV, 28.). Anicet n'est pas le seul pape honoré de la palme que nous aurons à fêter en ces jours ; d'autres réclameront bientôt nos hommages.
Quant à lui, ses actions nous sont peu connues, tant il plonge avant dans les fondements même de l'Eglise. Sur la chaîne des Pontifes, il est le onzième anneau après saint Pierre ; mais sa sainteté et son courage ont rendu sa mémoire immortelle. On sait que le grand saint Polycarpe, dont nous avons honoré la mémoire au vingt-six janvier, vint de Smyrne à Rome pour visiter Anicet et conférer avec lui. Il est resté aussi quelques traces du zèle que le saint pape fît paraître pour défendre son troupeau contre les atteintes des deux hérésiarques Valentin et Marcion ; enfin nous savons qu'il fut martyr, et c'est assez pour sa gloire.
Saint Anicet était originaire du bourg d'Amisa, en Syrie. Son père se nommait Jean et était habitant du bourg d'Omise ; il gouverna l'Église sous Marc-Aurèle, et succéda, sur le trône pontifical, à Pie Ier. Il était le onzième sucesseur de saint Pierre.
Il arrivait à la tête de l'Église en des temps difficiles. Il eut à combattre le Gnosticisme, qui était alors à son apogée et dont le siège était à Rome, avec ses chefs, Valentin, Marcion et Apelles parmis les plus tristement fameux.
Ces hérétiques, qui avaient la prétention de prendre dans chaque religion, dans chaque système philosophique, ce qu'il y avait de " meilleur ", enseignaient erreur sur erreur, altérant toutes les vérités dans tous les dogmes, et se disant volontiers Chrétiens avec les Chrétiens, Païens avec les Paîens, etc.
Outre les pernicieuses doctrines qu'ils enseignaient, se donnant donc pour chrétiens, ils rendirent la religion odieuse par leur vie désordonnée et leurs actions infâmes. Saint Anicet s'opposa aux progrès de l'hérésie de toute la force de son autorité et de sa doctrine et Dieu, en même temps, le consolait par l'arrivée de plusieurs saints personnages.
C'est sous son pontificat que saint Justin le Philosophe (que nous fêtons le 13 avril) vint passer quelque temps à Rome et y composa cette seconde apologie de la religion chrétienne qui lui valut le martyre.
En 157, Hégésippe, Juif converti, vint à Rome et composa, à la demande de notre saint Pape, une histoire de l'Eglise, qui s'étendait depuis la Passion de Notre Seigneur Jésus-Christ jusqu'au pontificat de saint Anicet, et dont nous ne conservons hélas que les fragments qu'Eusèbe de Césarée à gardé dans son Commentaires sur les Actes des Apôtres.
La cinquième année du règne de Marc-Aurèle, Anicet reçut la visite de saint Polycarpe, évêque de Smyrne, en Asie, et ancien disciple de saint Jean l'Évangéliste. C'est lui, rappelons-le au passage, qui avait coutume de répéter, en se bouchant les oreilles et s'enfuyant du mauvais lieu où il lui arrivait de pouvoir se trouver :
"Dans quel siècle, mon Dieu ! M'avez-vous fait naître !"

Saint Polycarpe prêchant. Speculum historiale. V. de Beauvais. XVe.
Il s'agit entre autre d'une illustration, sinon de l'obligation, du moins de l'usage, dès le commencement de l'Eglise, de la visite Ad limina Apostolorum.
On voit en effet, et l'on peut citer une foule d'exemples, dès les premiers temps de l'Eglise, des évêques allant visiter les Papes, même ceux des catacombes ; mais on ne voit pas un seul Pape usant de réciprocité et allant visiter ou consulter un autre siège.
Et cela est tellement éloquent que la notoriété allait à l'époque pour saint Polycarpe, qui avait vécu dans l'intimité de saint Jean, tandis qu'Anicet n'était qu'un simple prêtre issu d'une ancienne colonie d'Athènes : c'est bien saint Polycarpe qui alla au Pape.
Saint Polycarpe vin aussi pour consulter saint Anicet sur la question de la célébration de la fête de Pâques, question qui ne fut décidée que sous le pape Victor.
Saint Anicet et saint Polycarpe ne purent s'entendre, mais cela ne troubla en rien leur bonne harmonie. Pour preuve, nous avons le témoignage de saint Irénée de Lyon qui rapporte que " Anicet voulut, pour rendre hommage à Polycarpe, que ce dernier célébrât les saints mystères dans l'église de Rome, en sa présence ".
Saint Polycarpe avait parlé au peuple assemblé, et sa parole avait converti grand nombre d'hérétiques ; l'insolence de Marcion avait été confondue par cette parole si connue du Saint :
" Je te connais pour le fils aîné de Satan."
Se séparant enfin et à regret, ils ne devaient plus se revoir qu'au ciel où le martyre les conduisit tous deux.
On attribue à ce pape un décret adressé aux évêques des Gaules qui " défendait aux clercs de laisser croître et d'entretenir leur chevelure ", et " leur ordonnait de couper leurs cheveux en forme de couronne sur le sommet de la tête ", ce qui est la tonsure.
Cette recommandation n'était ni vaine ni anecdotique. En effet, ce rappel de la première épître de saint Paul aux Corinthiens (XI, 14.), où l'Apôtre disait que " la nature elle-même nous apprend que c'est une honte, pour un homme, de laisser croître sa chevelure ", s'adressait opportunément aux évêques des Gaules, pays où il était une mode, un honneur, voire un besoin de porter les cheveux très longs.
Et encore, saint Germain de Constantinople rapporte à ce sujet une tradition qui a son importance :
" La couronne ou tonsure du prêtre, outre sa signification de renoncement aux frivolités du monde, rappelle un fait de l'histoire évangélique. Quand saint Pierre fut envoyé par le Sauveur pour annoncer l'avénement du Messie aux bourgades de Palestine, les Juifs, incrédules à sa prédication, se saisirent de sa personne, et par dérision lui coupèrent les cheveux en rond sur le haut de la tête. Au retour de cette première mission, le Christ bénit son apôtre, et cette bénédiction changea en couronne de gloire, plus précieuse que l'or et les perles, la couronne d'ignominies infligée à saint Pierre."
Enfin, la mention expresse de cette coutume se trouve dans le livre de la hiérarchie ecclésiastique de saint Denys l'Aréopagite.

Saint Anicet ordonna aussi qu'un prêtre ne pourrait être sacré évêque que par trois autres prélats, comme le Concile de Nicée l'a aussi défini plus tard, et que, pour le Métropolitain, tous les évêques de sa province assisteraient au sacre.
Saint Anicet fit cinq fois les ordres au mois de décembre, et ordonna dix-sept prêtres, quatre diacres et neuf évêques pour divers lieux. Il vécut dans le pontificat huit ans, huit mois et vingt-quatre jours. Il reçut la couronne du martyre pour la foi du Christ, et fut enseveli sur la voie Appienne, dans le cimetière qui fut depuis appelé de Calliste.
RELIQUES
Le corps de saint Anicet fut exhumé en 1604, par la permission de Clément VIII, et donné à Jean Ange, duc d'Altemps (qui était parent avec l'illustre famille des Borromée), qui le mit dans une chapelle de son palais, bâtie tout exprès et très richement ornée.
Le chef de saint Anicet fut donnée au duc de Bavière, et il existe une relique de notre saint Pape à Saint-Vulfran d'Abbeville.
Dans les représentation artistiques, on place près de saint Anicet une roue qui aurait été l'instrument de son supplice.
PRIERE
" Saint Pontife, admis depuis tant de siècles dans la gloire du Christ dont vous fûtes le vicaire et le martyr, nous célébrons aujourd'hui d'un cœur filial votre mémoire bénie. Nous vénérons en vous l'une des glorieuses assises de la maison de Dieu ; et si votre nom est venu jusqu'à nous sans être accompagné du récit des oeuvres par lesquelles vous avez mérité la palme, nous savons du moins qu'il fut cher aux fidèles de votre temps. Au ciel, vous conservez le zèle pastoral qui vous anima sur la terre pour la gloire de votre Maître : soyez-y propice, Ô Anicet, à l'Eglise de nos temps.
Plus de deux cents Pontifes se sont succédé après vous sur la Chaire de Pierre, et le juge du dernier jour n'est pas descendu encore. Assistez votre successeur qui est notre Père, et secourez son troupeau, au milieu des dangers inouïs, qui l'assiègent. Vous avez gouverné l'Eglise durant la tempête ; priez Jésus ressuscité, afin qu'il se lève et commande à l'orage ; mais demandez-lui pour nous la constance. Elevez nos pensées vers la patrie céleste, afin qu'à votre exemple nous soyons toujours prêts à obéir au signal divin. Nous sommes les fils des martyrs ; leur foi est la nôtre, notre espérance doit être commune."
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samedi, 01 mars 2025
1er mars. Saint Aubin, évêque d'Angers, confesseur d'une renommée de sainteté éclatante. 550.
- Saint Aubin, évêque d'Angers, confesseur d'une renommée de sainteté éclatante. 550.
Papes : Saint Simplicius, Vigile. Rois de France : Childéric Ier, Childebert Ier.
" Legis aeternae lumen salusque
Temporis morum, scelerumque vindex,
Quae gravi gentem cruciant dolore
Vulnera curat."
" Le monde gémissait sous le poids de ses crimes,
Et le vice régnait dans le palais des grands ;
Mais au mal son courage arrachant ses victimes,
Guérit et sauve ses enfants."
M. Mazelin. Vie de saint Aubin.

Saint Aubin exorcisant une femme. Vie de saint Aubin. XIe.
Saint Aubin naquit au diocèse de Vannes, d'une très noble et illustre famille établie à Languidic près d'Hennebont (entre Auray et Lorient). Son enfance, prévenue de toutes les grâces du Seigneur, fit présager sa sainteté future ; il ne connut du jeune âge ni la légèreté, ni les défauts, et dès qu'il put marcher, ce fut pour aller à Dieu et Le prier à l'écart, loin du bruit, dans la compagnie des Anges.
De tels débuts montraient assez que le pieux Aubin n'était point fait pour le monde ; au grand désespoir de sa noble famille, on le vit un jour quitter le foyer paternel et prendre le chemin du monastère. Il s'établit à Nantilly, près de Saumur, sous la règle de saint Augustin. Là, ses veilles, ses jeûnes, ses oraisons l'élevèrent bientôt à une telle perfection, qu'il dépassait de beaucoup les plus anciens et les plus fervents religieux.
L'évêque d'Angers étant venu à mourir, le clergé et le peuple de ce diocèse, auxquels était parvenu la renommée de sainteté de notre saint, le choisirent unanimement, et il dut courber ses épaules sous le lourd fardeau de l'épiscopat après avoir résisté autant que Dieu le lui permit (529).
La charge épiscopale lui fut conférée par son ami et parent saint Melaine, évêque de Rennes, lumière chrétienne prodigieuse sur toute la Gaule occidentale de l'époque et un des plus grands et saints prélats de son temps, mais aussi par les saints évêques, de grande réputation eux-aussi, saint Lô de Coutances, saint Victor II du Mans et saint Marc de Nantes.
Après la consécration épiscopale, les saints amis se séparèrent après avoir célébré les saints mystères dans une crypte depuis vénérée et connue sous le nom de Notre Dame de la Charité ou du Ronceray.

Saint Aubin bénissant des fidèles. Vie de saint Aubin. XIe.
S'il était possible de connaître, parmi tant de vertus qu'il pratiqua dans sa vie nouvelle, quelle était sa vertu dominante, on dirait que ce fut la charité. Elle était, en effet, sans bornes pour les malheureux, pour les prisonniers, pour les malades, pour les pauvres, et souvent Dieu la récompensa par les plus frappants miracles.
Le charitable pasteur se rendit un jour aux prisons de la ville pour en retirer une très belle jeune fille de noble condition, poursuivie par les assiduités du roi Childebert, le fils ainé de Clovis, qui l'avait fait garder à vue. Devant le Saint, les gardiens s'écartèrent pour lui laisser passage ; un seul voulut lui refuser obstinément l'entrée en vociférant et en proférant d'immondes et répugnantes injures. Notre pontife souffla sur le visage de cet insolent, qui tomba mort à ses pieds ; puis il alla délivrer la prisonnière.

Saint Aubin se faisait souvent l'avocat des prisonniers. Il les visitait personnellement mais visitait aussi les juges afin d'aménager leurs peines voir de les faire élargir lorsque leur conversion était bien réelle et profonde.
Il obtint de Dieu des résurrections, des guérisons, rendit la vue à des aveugles, délivra des possédés. Sa réputation de sainteté dépassa bientôt largement les limites de son diocèse.
Childebert ne s'y trompa jamais. Il vint lui-même accueillir notre saint évêque aux portes de Paris pour l'envoi de la tenue du IIIe concile d'Orléans dans lequel il fut très actifs et qu'il co-présida avec d'autres saints prélats.

Saint Aubin assistant au IIIe concile d'Orléans.
A ce concile fut décidé entre autre que :
- les Juifs, qui se moquaient des saintes cérémonies de Pâques, seraient enfermés chez eux depuis le jeudi saint jusqu'au lundi de Pâques,
- les prêtres concubinaires seraient excommuniés, et pour ceux qui persévèreraient, dégradés et enfermés dans un monastère,
- seraient déclarés nuls les mariages à un trop proche degré de parenté.

Saint Aubin condamnant les incestueux. Vie de saint Aubin. XIe.
Il arriva qu'un puissant seigneur le requît pour bénir une union illicite et lui envoyer des eulogies (les eulogies étaient des objets bénis qui étaient adressés par les prêtres et les prélats en signe de charité). Saint Aubin se refusa à bénir cette union mais lui adressa néanmoins des eulogies. Avant que celles-ci ne lui parviennent, ce seigneur fut frappé par la mort.
Saint Aubin fit alors un long et fatiguant voyage pour consulter saint Césaire sur la faute d'avoir manqué de fermeté dont il s'accusait et sur d'autres points touchant au gouvernement des âmes.
On ne sait ce qui se dit entre les saints pontifes, mais au retour de ce voyage, il rendit son âme à Dieu, après un labeur incessant et dans une réputation unanime de grande sainteté.

Mort de saint Aubin. Vie de saint Aubin. XIe.
Saint Aubin est l'un des saints qui obtint de Dieu le plus grand nombre de miracles, tant de son vivant qu'à la suite de sa mort.
Il fut enterré dans l'église de son prédécesseur saint Maurille, puis ses reliques furent transférées dans une église sous sa dédicace à Angers. Une part importante de ces reliques se trouvent toujours à Angers.

Saint Aubin défendant Guérande contre les Vikings.
Par son intercession, la ville de Guérande (entre Nantes et Vannes), au IXe siècle, fut épargnée des invasions des Vikings et le choisit pour saint patron. La collégiale Saint-Aubin existe toujours à Guérande.

Tour Saint-Aubin à Angers.
Saint Aubin est l'un des hommes les plus extraordinaire qui parut dans la chrétienté. Il est inscrit dans tous les martyrologes. Le nombre de villages et d'églises qui sont sous son invocation serait trop long à décrire ici. L'Allemagne, l'Italie, l'Angleterre, la Pologne, l'Espagne lui faisaient un culte solennel et public.
En France il était honoré deux fois par an jusqu'à la révolution des bêtes sanguinaires, le 1er mars et le 1er juillet.
PREFACE
Voici la préface du jour de sa fête tirée d'un manuscrit du Xe siècle conservé à la bibliothèque d'Angers :
" Dieu éternel, Délivrez-nous des chaînes qui tiennent nos âmes captives ; nous vous en supplions par Notre Seigneur Jésus-Christ qui a donné à son Eglise, par la personne du bienheureux Pontife Aubin, un modèle aussi accompli qu'admirable.
L'Eglise catholique, répandue sur tous les points du globe, se glorifie et se réjouit des œuvres excellentes et si dignes de louanges de ce fidèle serviteur. Sa mort glorieuse et son entrée triomphante dans les cieux font aujourd'hui le sujet des harmonies divines des neufs chœurs des esprits bienheureux.
Permettez-nous donc de nous unir à ces innombrables concerts et d'élever nos cœurs jusqu'à vous, Ô notre Dieu et notre récompense pour l'éternité.
Amen."
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dimanche, 09 février 2025
9 février. Sainte Apolline, ou Apollonie, vierge et martyre. 249.
- Sainte Apolline, ou Apollonie, vierge et martyre. 249.
Pape : Saint Fabien. Empereur romain : Gordien III.
" La raison et la foi s'accordent à nous faire penser que les saints qui ont plus particulièrement souffert en quelque partie de leur corps ont aussi une compassion particulière pour ceux qui souffrent de la même manière."
Sainte Apolline ou Apollonie était d'Alexandrie ; au milieu de la corruption générale, elle y passait pour un modèle de vertu et de modestie chrétienne. Cette héroïque jeune fille ne se contenta pas de consacrer au Seigneur ses premières années, sa jeunesse et son existence entière, elle voulut encore lui offrir le sacrifice de sa vie.
L'an 248, sous l'empereur Dèce, une persécution sanglante éclata dans la cité à l'instigation d'un magicien qui détestait les chrétiens et qui attisa de toute son influence la fureur des païens. Cette fureur contre les chrétiens ne connut point de bornes. On pilla les maisons et on exerça contre les personnes les plus horribles violences. Apolline, déjà avancée en âge, loin de prendre la fuite, demeura toujours à Alexandrie, sans craindre la perte de ses biens ni de sa vie, heureuse, au contraire, d'attendre l'occasion de couronner ses vertus par un glorieux martyre.

Piero della Francesca. XVIe.
Un jour, elle fut arrêtée ; les bourreaux se jetèrent sur elle, la frappèrent si rudement avec des cailloux, qu'ils lui rompirent les mâchoires et lui brisèrent les dents ; puis, l'ayant entraînée hors de la ville, ils allumèrent un grand feu, résolus de l'y jeter, si elle ne renonçait pas à Jésus-Christ. La Sainte demanda quelques moments comme pour réfléchir à ce qu'elle devait faire.
Les païens espérèrent un instant qu'elle allait reculer devant l'horrible supplice du feu. Mais Apolline, profitant de cet instant de liberté, s'échappa de leurs mains, et poussée par l'ardeur de l'amour divin qui embrasait son coeur, elle s'élança elle-même impétueusement dans le feu, au grand étonnement de ses bourreaux stupéfaits de voir une fille plus hardie et plus prompte à souffrir la mort qu'eux-mêmes à la lui faire endurer.

Sainte Apolline. Détail d'un retable de Ghirlandaio. XVe.
Eprouvée déjà par différents supplices, cette courageuse martyre ne se laissa pas vaincre par la douleur des tourments qu'elle subissait, ni par l’ardeur des flammes, car son coeur était bien autrement embrasé des rayons de la vérité. Aussi ce feu matériel, attisé par la main des hommes, ne put détruire dans son cour intrépide l’ardeur qu'y avait déposée l’oeuvre de Dieu.
Oh ! La grande et l’admirable lutte que celle de cette vierge, qui, par l’inspiration de la grâce de Dieu, se livra aux flammes pour ne pas brûler, et se consuma pour ne pas être consumée ; comme si elle n'eût pas été la proie du feu, et des supplices! Elle était libre de se sauvegarder, mais sans combat, elle ne pouvait acquérir de gloire. Cette vierge et martyre intrépide de Notre Seigneur Jésus-Christ méprise les délices mondaines, foule par ses mépris les joies d'ici-bas, et sans autre désir que de plaire au Christ, son époux, elle reste inébranlable dans sa résolution de garder sa virginité, au milieu des tourments les plus violents.
Ses mérites éminents la font distinguer au milieu des martyrs pour le glorieux triomphe qu'elle a heureusement remporté. Assurément il y eut dans cette femme un courage viril, puisque la fragilité de son sexe ne fléchit point dans une lutte si violente. Elle refoule la crainte humaine par l’amour de Dieu, elle se saisit de la croix du Christ comme d'un trophée ; elle combat et remporte plus promptement la victoire avec les armes de la foi qu'elle n'aurait fait avec le fer, aussi bien contre les passions que contre tous les genres de supplices.
L'enlumineur, Jean Fouquet, a mis en scène le martyre de sainte Apolline comme un mystère. Un rideau d'arbres doublé d'un clayonnage limite le devant de la scène. Avec des gestes démonstratifs, les bourreaux, sur l'ordre de Dèce, ligotent la martyre, lui immobilisent la tête en tirant ses cheveux et lui arrachent les dents. Tandis qu'un fou, au geste obscène, déambule avec sa marotte, le régisseur, baguette en main, dirige l'ensemble du jeu et les musiciens. Décor et tribunes ferment le théâtre : à gauche le paradis, au centre les spectateurs et à droite, l'enfer.
Son corps, comme un holocauste pur et sans tache, fut bientôt dévoré par les flammes, et son âme généreuse et pure s'envola dans les Cieux, l'an 249 de Notre-Seigneur, le 9 février. L'exemple étonnant de sainte Apolline serait répréhensible si elle avait obéi à la précipitation de la nature ; mais l'Église, en l'admettant au nombre des martyrs, nous oblige à croire qu'elle obéit à l'impulsion de l'Esprit divin. Sainte Apolline a toujours été regardée par la dévotion populaire comme secourable contre le mal de dents, sans doute à cause du premier supplice qu'elle avait enduré.
Le courage de cette vierge, allant elle-même au-devant des supplices, est une éclatante condamnation de notre lâcheté au service de Dieu. Daigne nous accorder aussi cette grâce celui qui avec le Père et le Saint-Esprit règne dans les siècles des siècles.
Une église de Rome est sous son invocation et il s'y fait un pélerinage très populaire. Des pélerinages se font aussi en Provence, dans l'Ouest de la France et en particulier en Bretagne.

Heures à l'usage de Bayeux. XVe.
PRIERE
" Quelle ardeur est la vôtre, Ô Apolline ! La flamme du bûcher, loin de vous effrayer, vous attire, et vous y courez comme à un lieu de délices. En face du péché, la mort vous semble douce; et vous n'attendez pas que la main barbare des hommes vous y précipite. Ce courage étonne notre faiblesse ; et cependant le brasier que vous avez préféré à l'apostasie, et qui, dans peu d'instants, devait vous enfanter à un bonheur sans fin, n'est rien auprès de ces feux éternels que le pécheur brave à toute heure, parce qu'il ne les sent pas encore. Il ose défier ces flammes vengeresses, s'y exposer, pour une satisfaction passagère. Avec cela, les mondains se scandalisent des saints ; ils les trouvent exagérés, emportés, fanatiques, parce que les saints voient plus loin qu'ils ne voient eux-mêmes.
Réveillez en nous, Ô Apolline, la crainte du péché qui dévore éternellement ceux qui meurent avec lui. Si le bûcher qui fut pour vous comme un lit de repos nous semble affreux, que l'horreur de la souffrance et de la destruction serve du moins à nous éloigner du mal qui entraîne les hommes dans cet abîme, du fond duquel, comme parle saint Jean, la fumée de leurs tourments monte dans les siècles des siècles . Ayez pitié de nous, Ô Vierge ! priez pour les pécheurs. Ouvrez-leur les yeux sur les périls qui les menacent. Faites-nous craindre Dieu, afin que nous puissions éviter ses justices, et que nous commencions enfin à l'aimer."
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mercredi, 05 février 2025
5 février. Sainte Agathe, vierge et martyre. 251.
- Sainte Agathe, vierge et martyre. 251.
Pape : Saint Corneille. Empereurs romains (période de l'anarchie militaire) : Trajan Dèce ; Herennius Etruscus ; Trébonien Galle ; Hostulien ; Volusien.
" A la messe, immédiatement après l'élévation, le prêtre récite une oraison où il prie Dieu de nous faire participer à la gloire des Apôtres et des Martyrs... Dans cette prière sont nommés plusieurs saints, entre autres sainte Agathe. Pour être jugée digne de l'honneur que lui fait l'Eglise de répéter son nom à tant de messes, depuis tant de siècles, il faut que sa sainteté ait été bien grande et bien extraordinaire.
Le doigt de Dieu est ici ! Cette gloire vient de Dieu ! Glorifions Dieu dans les saints !"
Déjà deux de ces quatre illustres Vierges dont le souvenir est associé aux mérites de l'Agneau, dans la célébration du Sacrifice, ont passé devant nous dans leur marche triomphale sur le Cycle de la sainte Eglise ; la troisième se lève aujourd'hui sur nous, comme un astre aux plus doux rayons. Après Lucie et Agnès, Agathe vient nous consoler par sa gracieuse visite. La quatrième, l'immortelle Cécile, se lèvera en son temps, lorsque l'année inclinant à sa fin, le ciel de l'Eglise paraîtra tout à coup resplendissant de la plus magnifique constellation. Aujourd'hui fêtons Agathe, la Vierge de Sicile, la sœur de Lucie. Que les saintes tristesses du temps où nous sommes n'enlèvent rien à la plénitude des hommages qui sont dus à Agathe. En chantant sa gloire, nous contemplerons ses exemples ; du haut du ciel elle daignera nous sourire, et nous encourager dans la voie qui seule peut nous ramener à celui qu'elle a suivi noblement jusqu'à la fin, et auquel elle est réunie pour jamais.
Agathe tire son nom de agios, qui veut dire saint, et de Theos, Dieu, Sainte de Dieu.
Trois qualités font les saints, comme dit saint Jean Chrysostome, et elles furent toutes réunies en elle. Elles sont : la pureté du coeur, la présence de l’Esprit-Saint et l’abondance des bonnes oeuvres.
Ou bien Agathe vient encore de a privatif, sans, de geos terre, et Theos, Dieu, comme on dirait une divinité sans terre, c'est-à-dire, sans amour des biens de la terre.
Ce mot viendrait encore, de aga, qui signifie parlant et thau, consommation, comme ayant parlé d'une manière consommée et parfaite, ainsi qu'on peut s'en assurer par ses réponses.
Ou bien il viendrait d'agath, esclavage et thaas, souverain, ce qui voudrait dire servitude souveraine, par rapport à ces paroles qu'elle prononça :
" C'est une souveraine noblesse que celle par laquelle on prouve qu'on est au service de Notre Seigneur Jésus-Christ."
Agathe viendrait encore d'aga, solennel, et thau, consommé, comme si on disait consommée ; ensevelie solennellement ; puisque les anges lui rendirent ce bon office.
Deux villes de Sicile, Palerme et Catane, se disputent l'honneur d'avoir donné naissance à sainte Agathe ; ce qui est certain, c'est qu'elle fut martyrisée à Catane, sous l'empereur Dèce.
Sainte Agathe, vierge de race noble et très belle de corps, honorait sans cesse Dieu en toute sainteté dans la ville de Catane. Or, Quintien, consulaire en Sicile, homme ignoble, voluptueux, avare et adonné à l’idolâtrie, faisait tous ses efforts pour se rendre maître d'Agathe.
Comme il était de basse extraction, il espérait en imposer en s'unissant à une personne noble ; étant voluptueux, il aurait joui de sa beauté ; en s'emparant de ses biens, il satisfaisait son avarice ; puisqu'il était idolâtre, il la contraindrait d'immoler aux dieux.
Il se la fit donc amener. Arrivée en sa présence, et avant connu son inébranlable résolution, il la livra entre les mains d'une femme de mauvaise vie nommée Aphrodisie, et à ses neuf filles débauchées comme leur mère, afin que, dans l’espace de trente jours, elles la fissent changer de résolution.

Eglise Sainte Agathe. Catane, Sicile.
Elles espéraient ; soit par de belles promesses, soit par des menaces violentes, qu'elles la détourneraient de son bon propos. La bienheureuse Agathe leur dit :
" Ma volonté est assise sur la pierre et à Notre Seigneur Jésus-Christ pour base ; vos paroles sont comme le vent, vos promesses comme la pluie, les terreurs que vous m’inspirez comme les fleuves. Quels que soient leurs efforts, les fondements de ma maison restent solides, rien ne pourra l’abattre."
En s'exprimant de la sorte, elle ne cessait de pleurer et chaque jour elle priait avec le désir de parvenir à la palme du martyre. Aphrodisie voyant Agathe rester inébranlable dit à Quintien :
" Amollir les pierres, et donner au fer, la flexibilité du plomb serait plus facile que de détourner l’âme de cette jeune fille des pratiques chrétiennes et de la,faire changer."
Le juge alors fit comparaître la servante du Seigneur devant son tribunal :
" Qui es-tu ?
- Je suis noble et d'une illustre famille, toute ma parenté le fait assez connaître.
- Pourquoi donc suis-tu la chétive condition des chrétiens ?
- Parce que la véritable noblesse s'acquiert avec Jésus-Christ dont je me dis la servante.
- Quoi donc ! sommes-nous dégradés de noblesse pour mépriser ton Crucifié ?
- Oui, tu perds la véritable liberté en te faisant esclave du démon jusqu'au point d'adorer des pierres pour lui faire honneur."
Afin d'apprendre à la jeune fille à mieux parler, Quintianus la fit frapper sur la joue, et commanda qu'on la conduisit en prison, lui disant qu'elle eût à se préparer à renier Jésus-Christ ou à mourir dans les tourments. Le lendemain, le juge essaya de gagner Agathe par des promesses, mais il la trouva inébranlable, et ses réponses excitèrent tellement la rage du persécuteur, que, sur son ordre, on tordit et on arracha une mamelle à la Sainte. Elle dit à Quintianus :
" N'as-tu pas honte, Ô cruel tyran, de me faire souffrir de cette façon, toi qui as sucé ta première nourriture du sein d'une femme ?"
Quand elle fut rentrée dans la prison où le préfet avait défendu de lui rien donner, saint Pierre lui apparut et la guérit au nom du Sauveur ; la Sainte s'écria :
" Je Vous rends grâces, Ô mon Seigneur Jésus-Christ, de ce qu'il Vous a plu de m'envoyer Votre Apôtre afin de guérir mes plaies et de me rendre ce que le bourreau m'avait arraché."
La prison fut remplie d'une si éclatante lumière que les gardiens s'enfuirent épouvantés, laissant les portes ouvertes.
Les autres prisonniers conseillaient à Agathe de prendre la fuite, mais elle répondit :
" Dieu me garde de quitter le champ de bataille et de m'enfuir en voyant une si belle occasion de remporter la victoire sur mes ennemis."

Martyre de sainte Agathe.
Quatre jours après, Agathe fut ramenée devant le juge qui, la voyant saine et sauve, fut rempli d'étonnement ; sa rage n'en devint que plus grande. Par son ordre, on roula la Sainte sur des têts de pots cassés et sur des charbons, en même temps que l'on perçait son corps de pointes aiguës.
Tout à coup au même moment un grand tremblement de terre ébranla toute la ville, et deux murailles en s'écroulant écrasèrent Silvin et Falconius, amis intimes du gouverneur. La ville étant en proie à une vive émotion, Quintianus, qui craignait quelque sédition dans le peuple, fait ramener secrètement Agathe demi-morte dans sa prison. Elle y fit ces prières a Dieu :
" Seigneur, qui m'avez gardée dès mon enfance, qui avez enlevé de mon cœur l'amour du monde, et qui m'avez fait surmonter la rigueur des tourments, recevez mon âme."
" Ouvrez, Seigneur, les bras de Votre miséricorde, et recevez mon esprit qui désire Vous posséder avec tous les transports d'amour dont il est capable."
En finissant cette prière, elle passa de la terre au ciel, le jour des nones de février ; son corps fut enseveli par les chrétiens.
Aussitôt que la nouvelle de cette mort se fut répandue, toute la ville accourut pour honorer les restes de sainte Agathe, et au moment où on voulut la mettre dans le tombeau, cent Anges, sous la figure de jeunes hommes, apparurent, et au front d'Agathe inscrivirent ces mots :
" C'est une âme sainte ; elle a rendu un honneur volontaire à Dieu et elle est la rédemption de sa patrie."
Quintianus, de son côté, était parti pour se mettre en possession des biens de la servante de Dieu, mais au passage d'une rivière, un cheval le mordit au visage et un autre, à coups de pieds, le précipita dans l'eau où il se noya.
Un an exactement après sa mort l'Etna entra à en éruption. Voyant la lave arriver sur la ville, les habitants placèrent le voile qui recouvrait le corps de Ste Agathe devant le feu, ce qui le stoppa sur le champ.
La dévotion à sainte Agathe ne tarda pas de se répandre partout, mais nulle part elle ne fut plus honorée qu'à Catane. Plusieurs fois sa protection a sauvé cette ville des éruptions de l'Etna, et pour cela il suffisait aux habitants de donner, comme barrière aux torrents de lave qui descendaient de la montagne, un objet qui avait touché le corps de la Sainte.

Le martyre de sainte Agathe. Psautier à l'usage de Reims. XIIIe.
Voici ce que dit saint Ambroise en parlant de cette vierge, en sa préface :
" Ô heureuse et illustre vierge qui mérita de purifier son sang par, un généreux martyre pour la gloire du Seigneur ! Ô glorieuse et noble vierge, illustrée d'une double gloire, pour avoir fait toutes sortes de miracles au milieu des plus cruels tourments, et qui, forte d'un secours mystérieux, a mérité d'être guérie par la visite de l’apôtre ! Les cieux reçurent cette épouse du Christ ; ses restes mortels sont l’objet d'un glorieux respect. Le chœur des anges y proclame la sainteté de son âme et lui attribue la délivrance de sa patrie."
Il se fait chaque année à Catane, et encore aujourd'hui, une procession qui dure deux jours.
HYMNE
Les anciens Livres liturgiques sont remplis de compositions poétiques en l'honneur de sainte Agathe ; mais elles sont généralement assez faibles. Nous nous bornerons donc à donner ici la belle Hymne que lui a consacrée le Pape saint Damase :
" Voici le jour de la Martyre Agathe, le jour illuminé par cette illustre Vierge ; c'est aujourd'hui qu'elle s'unit au Christ, et qu'un double diadème orne son front.
Noble de race et remarquable en beauté, elle brillait plus encore par ses œuvres et par sa foi ; le bonheur de la terre ne fut rien à ses yeux ; elle fixa sur son cœur les préceptes de Dieu.
Plus indomptable que le bras des bourreaux, elle livre à leurs fouets ses membres délicats ; sa mamelle arrachée de sa poitrine montre combien invincible est son courage.
Le cachot est pour elle un séjour de délices ; c'est là que Pierre le Pasteur vient guérir sa brebis ; pleine de joie et toujours plus enflammée, elle court avec une nouvelle ardeur au-devant des tourments.
Une cité païenne en proie à l'incendie l'implore et obtient son secours ; qu'elle daigne bien plus encore éteindre les feux impurs en ceux qu'honore le titre de chrétien.
Ô toi qui resplendis au ciel comme l'Epouse, supplie le Seigneur pour les pauvres pécheurs ; que leur zèle à célébrer ta fête attire sur eux tes faveurs.
Gloire soit au Père, au Fils et à l'Esprit divin ; daigne le Dieu unique et tout-puissant nous accorder l’intercession d'Agathe.
Amen."
PRIERE
" Que vos palmes sont belles, Ô Agathe ! Mais que les combats dans lesquels vous les avez obtenues furent longs et cruels ! Vous avez vaincu; vous avez sauvé en vous la foi et la virginité ; mais votre sang a rougi l'arène, et vos glorieuses blessures témoignent, aux yeux des Anges, du courage indomptable avec lequel vous avez gardé fidélité à l'Epoux immortel. Après les labeurs des combats, vous vous tournez vers lui, et bientôt votre âme bénie s'élance dans son sein, pour aller jouir de ses embrassements éternels. Toute l'Eglise vous salue aujourd'hui, Ô Vierge, Ô Martyre ! Elle sait que vous ne l'oubliez jamais, et que votre inénarrable félicité ne vous rend point indifférente à ses besoins. Vous êtes notre sœur ; soyez aussi pour nous une mère. De longs siècles se sont écoulés depuis le jour où votre âme brisa son enveloppe mortelle, après l'avoir sanctifiée par la pureté et la souffrance ; mais, hélas ! Jusqu'aujourd'hui et toujours, sur cette terre, la guerre existe entre l'esprit et la chair. Assistez vos frères dans leurs combats ; ranimez dans leurs cœurs l'étincelle du feu sacré que le monde et les passions voudraient éteindre.

Buste reliquaire de Sainte Agathe porté en procession.
En ces jours, où tout chrétien doit songer à se retremper dans les eaux salutaires de la componction, ranimez partout la crainte de Dieu qui veille sur les envahissements d'une nature corrompue, l'esprit de pénitence qui répare les faiblesses coupables, l'amour qui adoucit le joug et assure la persévérance. Plus d'une fois, votre voile virginal, présenté aux torrents enflammés des laves qui descendaient des flancs de l'Etna, les arrêta dans leur cours, aux yeux d'un peuple tout entier : opposez, il en est temps, la puissante influence de vos innocentes prières à ce torrent de corruption qui déborde de plus en plus sur nous, et menace d'abaisser nos mœurs au niveau de celles du paganisme. Le temps presse, Ô Agathe ! Secourez les nations infectées des poisons d'une littérature infâme ; détournez cette coupe vénéneuse des lèvres de ceux qui n'y ont pas goûté encore ; arrachez-la des mains de ceux qui déjà y ont puisé la mort. Epargnez-nous la honte de voir le triomphe de l'odieux sensualisme qui s'apprête à dévorer l'Europe, et déjouez les projets que l'enfer a conçus."
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mardi, 21 janvier 2025
21 janvier. Sainte Agnès, vierge et martyre. 304.
" Sainte Agnès, la bien-aimée des Romains."
Mgr Gaume, Les trois Rome, T. II.
Saint Ambroise, Livre des vierges. I.
Liturgie dominicaine.

Lorenzo di Niccolo di Martino. XVe.
Nous n'avons pas épuisé encore la splendide constellation de Martyrs qui se rencontre en ces jours sur le Cycle. Apparaît aujourd'hui, tressée de lis et de roses, la gracieuse couronne d'Agnès. C'est à une enfant de treize ans que l'Emmanuel a donné ce mâle courage du martyre, qui l'a fait marcher dans l'arène d'un pas aussi ferme que le vaillant chef de la cohorte prétorienne, saint Sébastien, et que l'intrépide Diacre de Sarragosse, saint Vincent. S'ils sont les soldats du Christ, elle en est la chaste amante. Tels sont les triomphes du Fils de Marie. A peine s'est-il manifesté au monde, que tous les nobles cœurs volent vers lui, selon la parole qu'il a dite : " Où sera le corps, les aigles se rassembleront ". (Matth. XXIV, 28.).
Fruit admirable de la virginité de sa Mère, qui a mis en honneur la fécondité de l'âme, bien au-dessus de la fécondité des corps, et ouvert une voie ineffable par laquelle les âmes choisies s'élancent rapidement jusqu'au divin Soleil, dont leur regard épuré contemple, sans nuage, les rayons; car il a dit aussi : " Heureux ceux qui ont le cœur pur, parce qu'ils verront Dieu ". (Matth. V, 8.).
Gloire immortelle de l'Eglise catholique, qui, seule, possède en son sein le don de la virginité, principe de tous les dévouements, parce que la virginité procède uniquement de l'amour ! Honneur sublime pour Rome chrétienne d'avoir produit Agnès, cet ange de la terre, devant laquelle pâlissent ces anciennes Vestales, dont la virginité comblée de faveurs et de richesses ne fut jamais éprouvée par le fer ni le feu !
Quelle gloire est comparable à celle de cette enfant de treize ans, dont le nom retentira jusqu'à la fin des siècles dans le Canon sacré du Sacrifice universel ! La trace de ses pas innocents, après tant de siècles, est empreinte encore dans la ville sainte. Ici, sur l'ancien Cirque Agonal, un temple somptueux s'élève avec sa riche coupole, et donne entrée sous ces voûtes jadis souillées par la prostitution, maintenant tout embaumées des parfums de la virginité d'Agnès. Plus loin, sur la voie Nomentane, hors des remparts de Rome, une élégante Basilique, bâtie par Constantin, garde, sous un autel revêtu de pierres précieuses, le chaste corps de la vierge. Sous terre, autour de la Basilique, commencent et s'étendent de vastes cryptes, au centre desquelles Agnès reposa jusqu'au jour de la paix, et où dormirent, comme sa garde d'honneur, des milliers de Martyrs.

Psautier cistercien. XIIIe.
Nous ne devons pas taire non plus le plus gracieux hommage que rend, chaque année, la sainte Eglise Romaine à notre illustre Vierge, au jour de sa fête. Deux agneaux sont placés sur l'autel de la Basilique Nomentane, rappelant à la fois la mansuétude du divin Agneau et la douceur d'Agnès. Après qu'ils ont été bénis par l'Abbé des Chanoines réguliers qui desservent cette église, ils sont conduits ensuite dans un monastère de vierges consacrées au Seigneur, qui les élèvent avec soin ; et leur laine sert à tisser les Pallium que le Pontife suprême doit envoyer, comme signe essentiel de leur juridiction, à tous les Patriarches et Métropolitains du monde catholique. Ainsi le simple ornement de laine que ces Prélats doivent porter sur leurs épaules comme symbole de la brebis du bon Pasteur, et que le Pontife Romain prend sur le tombeau même de saint Pierre pour le leur adresser, va porter jusqu'aux extrémités de l'Eglise, dans une union sublime, le double sentiment de la vigueur du Prince des Apôtres et de la douceur virginale d'Agnès.
Nous donnerons maintenant les admirables pages que saint Ambroise, dans son livre des Vierges, a consacrées à la louange de sainte Agnès. L'Eglise en lit la plus grande partie dans l'Office d'aujourd'hui ; et la vierge du Christ ne pouvait désirer un plus aimable panégyriste que le grand évêque de Milan, le plus éloquent des Pères sur la virginité, et le plus persuasif ; car l'histoire nous apprend que, dans les villes où il prêchait, les mères renfermaient leurs filles, dans la crainte que les attrayantes paroles du prélat n'allumassent en elles un si ardent amour du Christ, qu'on les vît renoncer à tout hymen terrestre.
" Ayant à écrire un livre de la Virginité, dit le grand évêque, je m'estime heureux de l'ouvrir par l'éloge de la vierge dont la solennité nous réunit. C'est aujourd'hui la fête d'une Vierge : recherchons la pureté. C'est aujourd'hui la fête d'une Martyre : immolons des victimes. C'est aujourd'hui la fête de sainte Agnès : que les hommes soient dans l'admiration, que les enfants ne perdent pas courage, que les épouses considèrent avec étonnement, que les vierges imitent. Mais comment pourrons-nous parler dignement de celle dont le nom même renferme l'éloge ? Son zèle a été au-dessus de son âge, sa vertu au-dessus de la nature; en sorte que son nom ne semble pas un nom humain, mais plutôt un oracle qui présageait son martyre."
Le saint Docteur fait ici allusion au mot agneau, dont on peut dériver le nom d'Agnès. Il le considère ensuite comme formé du mot grec agnos, qui signifie pur, et continue ainsi son discours :
" Le nom de cette vierge est aussi un titre de pureté : j'ai donc à la célébrer et comme Martyre et comme Vierge. C'est une louange abondante que celle que l'on n'a pas besoin de chercher, et qui existe déjà par elle-même. Que le rhéteur se retire, que l'éloquence se taise ; un seul mot, son nom seul, loue Agnès. Que les vieillards, que les jeunes gens, que les enfants la chantent. Tous les hommes célèbrent cette Martyre ; car ils ne peuvent dire son nom sans la louer.
On rapporte qu'elle avait treize ans quand elle souffrit le martyre. Cruauté détestable du tyran, qui n'épargne pas un âge si tendre ; mais, plus encore, merveilleuse puissance de la foi, qui trouve des témoins de cet âge ! Y avait-il place en un si petit corps pour les blessures ? A peine le glaive trouvait-il sur cette enfant un lieu où frapper ; et cependant Agnès avait en elle de quoi vaincre le glaive.
A cet âge, la jeune fille tremble au regard irrité de sa mère ; une piqûre d'aiguille lui arrache des larmes, comme ferait une blessure. Intrépide entre les mains sanglantes des bourreaux, Agnès se tient immobile sous le fracas des lourdes chaînes qui l'écrasent ; ignorante encore de la mort, mais prête à mourir, elle présente tout son corps à la pointe du glaive d'un soldat furieux. La traîne-t-on, malgré elle, aux autels : elle tend les bras au Christ, à travers les feux du sacrifice ; et sa main forme, jusque sur les flammes sacrilèges, ce signe qui est le trophée du Seigneur victorieux. Son cou, ses deux mains, elle les passe dans les fers qu'on lui présente ; mais on n'en trouve pas qui puissent serrer des membres si petits.

Verrière de l'église des Saints-François. Montpellier. Languedoc.
Nouveau genre de martyre ! La Vierge n'a pas encore l'âge du supplice, et déjà elle est mûre pour la victoire ; elle n'est pas mûre pour le combat, et déjà elle est capable de la couronne ; elle avait contre elle le préjugé de son âge, et déjà elle est maîtresse en fait de vertu. L'épouse ne marche pas vers le lit nuptial avec autant de vitesse que cette Vierge qui s'avance, pleine de joie, d'un pas dégagé, vers le lieu de son supplice ; parée, non d'une chevelure artificieusement disposée, mais du Christ ; couronnée, non de fleurs, mais de pureté.
Tous étaient en larmes ; elle seule ne pleure pas ; on s'étonne qu'elle prodigue si facilement une vie qu'elle n'a pas encore goûtée ; qu'elle la sacrifie , comme si elle l'eût épuisée. Tous admirent qu'elle soit déjà le témoin de la divinité, à un âge où elle ne pourrait encore disposer d'elle-même. Sa parole n'aurait pas valeur dans la cause d'un mortel : on la croit aujourd'hui dans le témoignage qu'elle rend à Dieu. En effet, une force qui est au-dessus de la nature ne saurait venir que de l'auteur delà nature. Quelles terreurs n'employa pas le juge pour l'intimider ! que de caresses pour la gagner ! Combien d'hommes la demandèrent pour épouse ! Elle s'écrie : " La fiancée fait injure à l'époux, si elle se fait attendre. Celui-là m'aura seul, qui, le premier, m'a choisie. Que tardes-tu, bourreau ? Périsse ce corps que peuvent aimer des yeux que je n'agrée pas ".
Elle se présente, elle prie, elle courbe la tête. Vous eussiez vu trembler le bourreau, comme si lui-même eût été condamné. Sa main était agitée, son visage était pâle sur le danger d'un a autre, pendant que la jeune fille voyait, sans crainte, son propre péril. Voici donc, dans une seule victime, un double martyre : l'un de chasteté, l'autre de religion. Agnès demeura vierge, et elle obtint le martyre."
Agnès, nous l'avons vu, vient d'agneau, parce qu'elle fut douce et humble comme un agneau. Agnos en grec veut aussi dire pieux, et Agnès fut remplie de piété et de miséricorde. Agnès viendrait encore de agnoscendo, connaître, parce qu'elle connut la voie de la vérité. Or, la vérité, d'après saint Augustin, est opposée à la vanité, à la fausseté et à l’irrésolution, trois vices dont Agnès sut se préserver par son courage.
Agnès ; vierge d'une très haute prudence, au témoignage de saint Ambroise qui a écrit son martyre, à l’âge de treize ans souffrit la mort et gagna la vie. A ne compter que ses années elle était une enfant, mais par son esprit, elle était d'une vieillesse avancée : jeune de corps, mais vieille de coeur, belle de visage, mais plus belle encore par sa foi. Un jour qu'elle revenait des écoles, elle rencontra le fils du préfet, qui en fut épris d'amour. Il lui promit des pierreries, des richesses immenses, si elle consentait à devenir sa femme. Agnès lui répondit :
" Eloigne-toi de moi, foyer de péché, aliment de crime, pâture de mort ; déjà un autre amant s'est assuré de mon coeur."
Et elle commença à faire l’éloge de cet amant, de cet époux par cinq qualités exigées principalement par les épouses de leurs époux, savoir : noblesse de race, beauté éclatante, abondance de richesses, courage et puissance réelle, enfin amour éminent.
" J'en aime un, dit-elle, qui est bien plus noble et de meilleure lignée que toi : sa mère est vierge, son père l’a engendré sans femme ; il a des anges pour serviteurs ; sa beauté fait l’admiration du soleil et de la lune ; ses richesses sont intarissables ; elles ne diminuent jamais. Les émanations de sa personne ressuscitent les morts, son toucher raffermit les infirmes ; quand je l’aime, je suis chaste, quand je m’approche de lui, je suis pure ; quand je l’embrasse, je suis vierge."
" Sa noblesse est plus éminente, sa puissance plus forte, son aspect plus beau, son amour phis suave et plus délicat que toute grâce."
Ensuite elle exposa cinq avantages que son époux avait accordés à elle et à ses autres épouses. Il leur donne des arrhes avec l’anneau de foi ; il les revêt et les orne d'une variété infinie de vertus ; il les marque du sang de sa passion ; il se les attache par le lien de l’amour, et les enrichit des trésors de la gloire céleste.
" Celui, ajouta-t-elle, qui s'est engagé à moi par l’anneau qu'il a mis à ma main droite, et qui a entouré mon cou de pierres précieuses, m’a revêtue d'un manteau tissu d'or, et m’a parée d'une prodigieuse quantité de bijoux : il a imprimé un signe sur mon visage, afin que je ne prisse aucun autre amant que lui ; et le sang de ses joues s'est imprimé sur les miennes. Ses chastes embrassements m’ont déjà étreinte ; déjà son corps s'est uni au mien ; il m’a montré des trésors incomparables qu'il m’a promis de me donner, si je lui suis fidèle à toujours."
Quelqu'un assura que l’époux dont elle parlait était Notre Seigneur Jésus-Christ, et alors le préfet voulut l’ébranler d'abord par de douces paroles et enfin par la crainte.
Agnès lui dit :
" Quoi que tu veuilles, fais-le ; tu ne pourras pas obtenir ce que tu réclames."
Et elle se riait aussi bien de ses flatteries que de ses menaces.
Le préfet lui dit :
" Choisis de deux choses l’une : ou bien sacrifie à la déesse Vesta avec les vierges, si ta virginité t'est chère, ou bien tu seras exposée dans un lieu de prostitution."
Or, comme elle était noble, il ne pouvait la condamner ainsi ; il allégua donc contre elle sa qualité de chrétienne.
Mais Agnès répondit :
" Je ne sacrifierai pas plus à tes dieux que je ne serai souillée par les actions infâmes de qui que ce soit, car j'ai pour gardien de mon corps un ange du Seigneur."
Le préfet ordonna alors de la dépouiller et de la mener toute nue au lupanar ; Mais le Seigneur rendit sa chevelure si épaisse qu'elle était mieux couverte par ses cheveux que par ses vêtements. Et quand elle entra dans le lieu infâme, elle trouva un ange du Seigneur qui l’attendait et qui remplit l’appartement d'une clarté extraordinaire, en même temps qu'il lui préparait une robe resplendissante de blancheur. Ainsi le lieu de, prostitution devint un lieu d'oraison ; et l’on en sortait plus pur que l’on y était entré, tant cette lumière immense vous revêtait d'honneur.
Or, le fils du préfet vint au lupanar avec d'autres jeunes gens et il les engagea à entrer les premiers. Mais ils n'y eurent pas plutôt mis les pieds que, effrayés du miracle, ils sortirent pleins de componction. Il les traita de misérables, et entra comme un furieux : mais comme il voulait arriver jusqu'à elle, la lumière se rua sur lui, et parce qu'il n'avait pas rendu honneur à Dieu, il fut étranglé par le diable et expira. A cette nouvelle, le préfet vient tout en pleurs trouver Agnès et prendre des renseignements précis, sur la cause de la mort de son fils.
Agnès lui dit :
" Celui dont il voulait exécuter les volontés, s'est emparé de lui et l’a tué ; car ses compagnons, après avoir été témoins du miracle qui les avait effrayés, sont sortis sans éprouver aucun malaise."
Le préfet dit :
" On verra que tu n'as pas usé d'arts magiques en cela, si tu peux obtenir qu'il ressuscite."
Agnès se met en prière, le jeune homme ressuscite et prêche publiquement la foi en Notre Seigneur Jésus-Christ. Là-dessus, les prêtres des temples excitent une sédition parmi le peuple et crient hautement :
" Enlevez cette magicienne, enlevez cette malfaitrice, qui change les esprits et égare les coeurs."
Le préfet, à la vue d'un pareil miracle, voulut la délivrer, mais craignant la proscription ; il la confia à son suppléant ; et il se retira tout triste de ne pouvoir pas la sauver. Le suppléant, qui se nommait Aspasius, la fit jeter dans un grand feu, mais la flamme, se partageant en deux, brûla le peuple séditieux qui était à l’entour, sans atteindre, Agnès. Aspasius lui fit alors plonger une épée dans la gorge. Ce fut ainsi que le Christ, son époux éclatant de blancheur et de rougeur, la sacra son épouse ; et, sa martyre. On croit qu'elle souffrit du temps de Constantin le Grand qui monta sur le trône l’an 309 de Notre Seigneur Jésus-Christ Quand les chrétiens et ses parents lui rendirent les derniers devoirs avec joie, c'est à peine s'ils purent échapper aux païens qui les accablèrent de pierres.
Emérentienne, sa soeur de lait, vierge remplie de sainteté, mais qui n'était encore que catéchumène, se tenait debout auprès du sépulcre d'Agnès et argumentait avec force contre les gentils qui la lapidèrent mais il se fit des éclairs et un tonnerre si violent que plusieurs d'entre eux périrent, et dorénavant, on n'assaillit plus ceux qui venaient au tombeau de la sainte. Le corps d'Emérentienne fut inhumé à côté de celui de sainte Agnès. Huit jours après, comme ses parents veillaient auprès du tombeau, ils virent un choeur de vierges tout brillant d'habits d'or ; au milieu d'elles ils reconnurent Agnès vêtue aussi richement et à sa droite se trouvait un agneau plus éclatant encore. Elle leur dit :
" Gardez-vous de pleurer ma mort, réjouissez-vous au contraire avec moi et me félicitez de ce que j'occupe un trône de lumière avec toutes celles qui sont ici."
Constance, fille de Constantin, était couverte d'une lèpre affreuse et quand elle eut connu cette apparition, elle alla au tombeau de sainte Agnès ; et comme sa prière avait duré longtemps, elle s'endormit : elle vit alors la sainte qui lui dit :
" Constance, agissez avec constance ; quand vous croirez en Notres Seigneur Jésus-Christ, vous serez aussitôt guérie."
A ces mots elle se réveilla et se trouva parfaitement saine ; elle reçut le baptême et éleva une basilique sur le corps de sainte Agnès.
Elle y vécut dans la virginité et réunit autour d'elle une foule de vierges qui suivirent son exemple.
Un homme appelé Paulin, qui exerçait les fonctions du sacerdoce dans l’église de sainte Agnès, éprouva de violentes tentations de la chair; toutefois comme il ne voulait pas offenser Dieu, il demanda au souverain pontife la permission de se marier. Le pape voyant sa bonté et sa simplicité: lui donna un anneau dans lequel était enchâssée une émeraude et lui ordonna de commander de sa part à une image de sainte Agnès, peinte en son église, de lui permettre de l’épouser. Comme le prêtre adressait sa demande à l’image, celle-ci lui présenta aussitôt l’annulaire, et après avoir reçu l’anneau, elle retira son doigt, et délivra le prêtre de ses tentations. On prétend que l’on voit encore cet anneau à son doigt. On lit cependant ailleurs que l’église de sainte Agnès tombant en ruines, le pape dit à un prêtre qu'il voulait lui confier une épouse pour qu'il en eût soin et la nourrît (et cette épouse, c'était l’église de sainte Agnès), et lui remettant un anneau ; ... il lui ordonna d'épouser ladite image, ce qui eut lieu ; car elle offrit son doigt et le retira.
Voici ce que dit saint Ambroise de sainte Agnès dans dans la préface de son Livre des Vierges :
" La bienheureuse Agnès, en foulant aux pieds les avantages d'une illustre naissance, a mérité les splendeurs du ciel ; en méprisant ce qui fait l’objet du désir des hommes, elle a été associée au partage de la puissance du roi éternel en recevant une mort précieuse pour confesser Notre Seigneur Jésus-Christ : elle mérita en même temps de lui être conforme."
HYMNE
Saint Ambroise a voulu chanter lui-même, dans cette Hymne gracieuse et délicate, le martyre de notre incomparable Vierge :

" C'est la fête d'Agnès, l'heureuse vierge, le jour où, sacrée par son sang, elle rendit au ciel son âme faite pour le ciel.
Elle fut mûre pour le martyre avant de l'être pour les noces, dans un temps où la foi chancelait au cœur même des hommes, où le vieillard lassé cédait au tyran.
Ses parents, dans la crainte de la perdre, la gardaient plus sévèrement encore que ne la retenait la bienséance du sexe ; elle force les portes de sa retraite : sa foi ne saurait demeurer captive.
On croirait voir s'avancer une épouse, tant son visage est radieux; elle apporte à l'Epoux de nouvelles richesses ; le prix de sa dot est dans son sang.
On veut la contraindre à allumer la torche aux autels d'un dieu sacrilège; elle répond : " Ce ne sont pas là les flambeaux que portent les vierges du Christ ".
" Votre feu éteint la foi, votre flamme détruit la lumière ; frappez, frappez ici : mon sang versé éteindra vos brasiers."
Pour recevoir le coup, comme elle dispose sa parure ! Soigneuse de la pudeur, elle se drape dans ses vêtements, afin qu'aucun œil ne la contemple immodeste.
Cette pudeur la suit dans la mort ; sa main voilait son visage, elle tombe à genoux sur Ta terre, et sa chute encore est empreinte de modestie.
Gloire à vous, Seigneur, gloire au Fils unique, avec le Saint-Esprit, dans les siècles éternels.
Amen."
Ô enfant si pure au milieu de la contagion de Rome, si libre au milieu d'un peuple esclave, combien le caractère de notre Emmanuel paraît en vous ! Il est Agneau, et vous êtes simple comme lui ; il est le Lion de la tribu de Juda, et, comme lui, vous êtes invincible. Quelle est donc cette nouvelle race descendue du ciel qui vient peupler la terre ? Oh ! qu'elle vivra de longs siècles, cette famille chrétienne issue des Martyrs, qui compte parmi ses ancêtres des héros si magnanimes ! des vierges, des enfants, à côté des pontifes et des guerriers, tous remplis d'un feu céleste, et n'aspirant qu'à sortir de ce monde, après y avoir jeté la semence des vertus. Ainsi sont rapprochés de nous les exemples du Christ par la noble chaîne de ses Martyrs. Par nature, ils étaient fragiles comme nous ; ils avaient à triompher des mœurs païennes qui avaient corrompu le sang de l'humanité ; et cependant ils étaient forts et purs.
Jetez les yeux sur nous, Ô Agnès, et secourez-nous. L'amour du Christ languit dans nos cœurs. Vos combats nous émeuvent ; nous versons quelques larmes au récit de votre héroïsme ; mais nous sommes faibles contre le monde et les sens. Amollis par la recherche continuelle de nos aises, par une folle dépense de ce que nous appelons sensibilité, nous n'avons plus de courage en face des devoirs. N'est-il pas vrai de dire que la sainteté n'est plus comprise ? Elle étonne, elle scandalise ; nous la jugeons imprudente et exagérée. Et cependant, Ô Vierge du Christ, vous êtes là devant nous, avec vos renoncements, avec vos ardeurs célestes, avec votre soif de la souffrance qui mène à Jésus. Priez pour nous, indignes ; élevez-nous au sentiment d'un amour généreux, agissant, d'un amour qui connaisse la jalousie à l'encontre de ce qui n'est pas Dieu. Epurez cette religion tiède et contente d'elle-même, qui est venue prendre la place de la piété des anciens jours. Il est quelques âmes fortes qui vous suivent ; mais il en est peu ; accroissez-en le nombre par vos prières, afin que l'Agneau, dans les deux, ait une suite nombreuse, entre les lis et les roses de ce séjour du bonheur.
Vous nous apparaissez, Ô Vierge innocente, dans ces jours où nous nous pressons autour du berceau de l'Enfant divin. Qui pourrait dire les caresses que vous lui prodiguez, et celles dont il vous comble ? Laissez toutefois approcher les pécheurs près de cet Agneau qui vient les racheter, et recommandez-les vous-même, au nom de votre tendresse, à ce Jésus que vous avez toujours aimé. Conduisez-nous à Marie, la tendre et pure brebis qui nous a donné ce Sauveur. Vous qui réfléchissez en vous le doux éclat de sa virginité, obtenez-nous d'elle un de ces regards qui purifient les cœurs.
Suppliez, Ô Agnès, pour la sainte Eglise qui est aussi l'Epouse de Jésus. C'est elle qui vous a enfantée à son amour ; c'est d'elle que nous aussi tenons la vie et la lumière. Obtenez qu'elle soit de plus en plus féconde en vierges fidèles. Protégez Rome, où votre tombe est si glorieuse, où vos palmes sont si éclatantes. Bénissez les Prélats de l'Eglise : obtenez pour eux la douceur de l'agneau, la fermeté du rocher, le zèle du bon Pasteur pour la brebis égarée. Enfin, Ô Epouse de l'Emmanuel, soyez le secours de tous ceux qui vous invoquent ; et que votre amour pour les hommes s'allume de plus en plus à celui qui brûle au Cœur de Jésus."
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