lundi, 31 mars 2025
31 mars. Saint Nicolas de Flüe, solitaire en Suisse. 1487.
Maxime de saint Nicolas de Flüe.

Saint Nicolas de Flüe. Eglise de Sachseln. Suisse.
Saint Nicolas de Flüe naquit en Suisse, de parents pieux. Un jour, à la vue d'une flèche élancée, sur une montagne voisine, il fut épris du désir du Ciel et de l'amour de la solitude. Il se maria pour obéir à la volonté formelle de ses parents et eut dix enfants. Son mérite et sa vertu le firent choisir par ses concitoyens pour exercer des fonctions publiques fort honorables.
Sa prière habituelle était celle-ci :
" Mon Seigneur et mon Dieu, enlevez de moi tout ce qui m'empêche d'aller à Vous. Mon Seigneur et mon Dieu, donnez-moi tout ce qui peut m'attirer à Vous."
Il avait cinquante ans, quand une voix intérieure lui dit :
" Quitte tout ce que tu aimes, et Dieu prendra soin de toi."
Il eut à soutenir un pénible combat, mais se décida en effet à tout quitter, femme, enfants, maison, domaine, pour servir Dieu. Il s'éloigna, pieds nus, vêtu d'une longue robe de bure, un chapelet à la main, sans argent, sans provision, en jetant un dernier regard tendre et prolongé vers les siens.

Statue de saint Nicolas de Flüe. Sachseln. Suisse.
Une nuit, Dieu le pénétra d'une lumière éclatante, et depuis ce temps, il n'éprouva jamais ni la faim, ni la soif, ni le froid. Ayant trouvé un lieu sauvage et solitaire, il s'y logea dans une hutte de feuillage, puis dans une cabane de pierre. La nouvelle de sa présence s'était répandue bientôt, et il se fit près de lui une grande affluence. Chose incroyable, le saint ermite ne vécut, pendant dix-neuf ans, que de la Sainte Eucharistie ; les autorités civiles et ecclésiastiques, saisies du fait, firent surveiller sa cabane et constatèrent la merveille d'une manière indubitable.
La Suisse, un moment divisée, était menacée dans son indépendance par l'Allemagne. Saint Nicolas de Flüe, vénéré de tous, fut choisi pour arbitre et parla si sagement, que l'union se fit, à la joie commune, et la Suisse fut sauvée. On mit les cloches en branle dans tout le pays, et le concert de jubilation se répercuta à travers les lacs, les montagnes et les vallées, depuis le plus humble hameau jusqu'aux plus grandes villes.

Tombeau-reliquaire de saint Nicolas de Flüe.
J’ai reçu de Dieu en partage un esprit droit ; j’ai été souvent consulté dans les affaires de ma patrie ; j’ai aussi prononcé beaucoup de sentences ; mais, grâce à Dieu, je ne me souviens pas d’avoir agi en quelque chose contre ma conscience. Je n’ai jamais fait acception de personnes et je ne me suis jamais écarté des voies de la justice.»
Rq : On lira avec fruit la notice que les Petits Bollandistes consacrent à notre Saint, l'un des pères de la confédération suisse (T. IV, pp 83 et suiv.) : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k30734t/f89.image
00:15 Publié dans N | Lien permanent | Commentaires (0)
dimanche, 30 mars 2025
IVe dimanche de Carême.
- IVe dimanche de Carême.
La Multiplication des pains et des poissons. Ivoire byzantin du VIe.
Ce Dimanche, appelé Laetare, du premier mot de l'Introït de la Messe, est un des plus célèbres de l'année. L'Eglise, en ce jour, suspend les saintes tristesses du Carême ; les chants de la Messe ne parlent que de joie et de consolation ; l'orgue, muet aux trois Dimanches précédents, fait entendre sa voix mélodieuse ; le diacre reprend la dalmatique, le sous-diacre la tunique : et il est permis de remplacer sur les ornements sacrés la couleur violette par la couleur rose. Nous avons vu, dans l'Avent, ces mêmes rites pratiques au troisième Dimanche appelé Gaudete. Le motif de l'Eglise, en exprimant aujourd'hui l'allégresse dans la sainte Liturgie, est de féliciter ses enfants du zèle avec lequel ils ont déjà parcouru la moitié de la sainte carrière, et de stimuler leur ardeur pour en achever le cours. Nous avons parlé, au jeudi précédent, de ce jour central du Carême, jour d'encouragement, mais dont la solennité ecclésiastique devait être transférée au Dimanche suivant, dans la crainte qu'une trop grande liberté ne vint altérer en quelque chose l'esprit du jeune : aujourd'hui rien ne s'oppose a la joie des fidèles. et l'Eglise elle-même les y convie.
La Station, à Rome, est dans la Basilique de Sainte-Croix-en-Jérusalem, l'une des sept principales de la ville sainte. Elevée au IVe siècle par Constantin, dans la villa de Sessorius, ce qui l'a fait appeler aussi la basilique Sessorienne, elle fut enrichie des plus précieuses reliques par sainte Hélène, qui voulait en faire comme la Jérusalem de Rome. Elle y fit transporter, dans cette pensée, une grande quantité de terre prise sur le mont du Calvaire, et déposa dans ce sanctuaire, entre autres monuments de la Passion du Sauveur, l'inscription qui était placée au-dessus de sa tête pendant qu'il expirait sur la Croix, et qu'on y vénère encore sous le nom du Titre de la Croix. Le nom de Jérusalem attaché à cette Basilique, nom qui réveille toutes les espérances du chrétien, puisqu'il rappelle la patrie céleste qui est la véritable Jérusalem dont nous sommes encore exilés, a porté dès l'antiquité les souverains Pontifes à la choisir pour la Station d'aujourd'hui. Jusqu'à l'époque du séjour des Papes à Avignon, c'était dans son enceinte qu'était inaugurée la Rose d'or, cérémonie qui s'accomplit de nos jours dans le palais où le Pape fait sa résidence.
La Multiplication des pains et des poissons.
Bible historiale. Pierre Comestor. La Haye. XIVe.
La bénédiction de la Rose d'or est donc encore un des rites particuliers du quatrième Dimanche de Carême : et c'est ce qui lui a fait donner aussi le nom de Dimanche de la Rose. Les idées gracieuses que réveille cette fleur sont en harmonie avec les sentiments que l'Eglise aujourd'hui veut inspirer à ses enfants, auxquels la joyeuse Pàque va bientôt ouvrir un printemps spirituel, dont celui de la nature n'est qu'une faible image : aussi cette institution remonte-t-elle très-haut dans les siècles. Nous la trouvons déjà établie dès le temps de saint Léon IX ; et il nous reste encore un sermon sur la Rose d'or, que le grand Innocent III prononça en ce jour, dans la Basilique de Sainte-Croix-en-Jérusalem. Au moyen âge, quand le Pape résidait encore au palais de Latran, après avoir béni la Rose, il partait en cavalcade, la mitre en tête, avec tout le sacré Collège, pour l'Eglise de la Station, tenant cette fleur symbolique à la main. Arrivé à la Basilique, il prononçait un discours sur les mystères que représente la Rose par sa beauté, sa couleur et son parfum. On célébrait ensuite la Messe. Quand elle était terminée, le Pontife revenait dans le même cortège au palais de Latran, toujours en cavalcade, et traversait l'immense plaine qui sépare les deux Basiliques. portant toujours dans sa main la fleur mystérieuse dont l'aspect réjouissait le peuple de Rome. A l'arrivée au seuil du palais, s'il y avait dans le cortège quelque prince, c'était à lui de tenir l'é-trier et d'aider le Pontife à descendre de cheval ; il recevait en récompense de sa filiale courtoisie cette Rose, objet de tant d'honneurs et de tant d'allégresse.
De nos jours, la fonction n'est plus aussi imposante ; mais elle a conservé tous ses rites principaux. Le Pape bénit la Rose d'or dans la Salle des parements, il l'oint du Saint-Chrême, et répand dessus une poudre parfumée, selon le rite usité autrefois ; et quand le moment de la Messe solennelle est arrivé, il entre dans la chapelle du palais, tenant la fleur mystique entre ses mains. Durant le saint Sacrifice, elle est placée sur l'autel et fixée sur un rosier en or disposé pour la recevoir ; enfin, quand la Messe est terminée, on l'apporte au Pontife, qui sort de la chapelle la tenant encore entre ses mains jusqu'à la Salle des parements. Il est d'usage assez ordinaire que cette Rose soit envoyée par le Pape à quelque prince ou à quelque princesse qu'il veut honorer ; d'autres fois, c'est une ville ou une Eglise qui obtiennent cette distinction.
La Multiplication des pains et des poissons.
Email peint. Colin Nouailher. XVIe.
A LA MESSE
Les soixante-dix ans de la captivité seront bientôt écoulés. Encore un peu de temps, et les exilés rentreront dans Jérusalem : telle est la pensée de l'Eglise dans tous les chants de cette Messe. Elle n'ose pas encore faire retentir le divin Alléluia ; mais tous ses cantiques expriment la jubilation, parce que, dans peu de jours, la maison du Seigneur dépouillera le deuil et reprendra toutes ses pompes.
ÉPÎTRE
Lecture de l'Epître du bienheureux Paul, Apôtre, aux Galates. Chap. IV.
La très sainte Vierge Marie et son divin Fils.
Francesco Morone. XVe.
" Mes Frères, il est écrit qu'Abraham eut deux tils, l'un de la servante et l'autre de la femme libre ; mais celui qui naquit de la servante naquit selon la chair ; celui qui naquit de la femme libre naquit en vertu de la promesse. Ceci est une allégorie ; car ces deux femmes sont les deux alliances, dont la première, établie sur le mont Sinaï, engendre pour la servitude : c'est celle que figure Agar.
En effet, Sinaï est une montagne d'Arabie qui tient à la Jérusalem d'ici-bas, laquelle est esclave avec ses enfants ; au lieu que la Jérusalem d'en haut est libre ; et c'est elle qui est notre mère. Car il est écrit :
" Réjouis-toi, stérile, toi qui n'enfantais pas ; éclate, pousse des cris de joie, toi qui ne devenais pas mère, parce que celle qui était délaissée a maintenant plus de fils que celle qui a un mari."
Nous sommes donc, mes Frères, les enfants de la promesse figurés dans Isaac ; et comme alors celui qui était né selon la chair persécutait celui qui était né selon l'esprit, ainsi en est-il encore aujourd'hui. Mais que dit l’Ecriture ?
" Chasse la servante et son fils, car le fils de la servante ne sera point héritier avec celui de la femme libre."
Ainsi, mes Frères, nous ne sommes pas les fils de la servante, mais de la femme libre, par la liberté que le Christ nous a octroyée."
Réjouissons-nous donc, enfants de Jérusalem et non plus du Sinaï ! La mère qui nous a enfantés, la sainte Eglise, n'est point esclave, elle est libre ; et c'est pour la liberté qu'elle nous a mis au jour. Israël servait Dieu dans la terreur ; son cœur toujours porté à l'idolâtrie avait besoin d'être sans cesse comprimé par la crainte, et le joug meurtrissait ses épaules. Plus heureux que lui, nous servons par amour ; et pour nous " le joug est doux et le fardeau léger " (Matth. XI, 30.). Nous ne sommes pas citoyens de la terre ; nous ne faisons que la traverser ; notre unique patrie est la Jérusalem d'en haut.
La Virgen de las Cuevas. F. de Zurbaran. XVIIe.
Nous laissons celle d'ici-bas au Poldève qui ne goûte que les choses terrestres, et qui, dans la bassesse de ses espérances, méconnaît le Christ, et s'apprête à le crucifier. Trop longtemps nous avons rampé avec lui sur la terre ; le péché nous tenait captifs ; et plus les chaînes de notre esclavage s'appesantissaient sur nous, plus nous pensions être libres. Le temps favorable est arrivé, les jours de salut sont venus ; et, dociles à la voix de l'Eglise, nous avons eu le bonheur d'entrer dans les sentiments et dans les pratiques de la sainte Quarantaine. Aujourd'hui, le péché nous apparaît comme le plus pesant des jougs, la chair comme un fardeau dangereux, le monde comme un tyran impitoyable ; nous commençons à respirer, et l'attente d'une délivrance prochaine nous inspire de vifs transports. Remercions avec effusion notre libérateur qui nous tire de la servitude d'Agar, qui nous affranchit des terreurs du Sinaï, et, nous substituant à l'ancien peuple, nous ouvre par son sang les portes de la céleste Jérusalem.
EVANGILE
La suite du saint Evangile selon saint Jean. Chap. VI.
La Multiplication des pains et des poissons.
Mosaïque. Basilique Saint-Apollinaire. Ravenne. Italie. VIIe.
" En ce temps-là, Jésus s'en alla de l’autre côté de la mer de Galilée, qui est celle de Tibériade, et une grande multitude le suivait, parce qu'ils voyaient les miracles qu'il faisait sur ceux qui étaient malades. Il monta sur une montagne et il s'y assit avec ses disciples. Or la Pâque, qui est la grande fête des Juifs, était proche. Jésus donc, levant les yeux, et vovant qu'une très grande multitude venait à lui, dit à Philippe :
" Où achèterons-nous des pains pour donner à manger à tout ce monde ?"
Il disait cela pour le tenter : car il savait bien ce qu'il devait faire.
Philippe lui répondit :
" Quand on aurait du pain pour deux cents deniers, cela ne suffirait pas pour en donner à chacun quelque peu."
Un de ses disciples, André, frère de Simon Pierre, lui dit :
" Il y a ici un jeune homme qui a cinq pains d'orge et deux poissons ; mais qu'est-ce que cela pour tant de monde ?"
Jésus dit :
" Faites-les asseoir."
Il y avait beaucoup d'herbe en ce lieu. Ils s'assirent donc, au nombre d'environ cinq mille. Et Jésus prit les pains, et ayant rendu grâces, il les distribua à ceux qui étaient assis ; et pareillement des deux poissons, autant qu'ils en voulaient.
Après qu'ils furent rassasiés, il dit à ses disciples :
" Recueillez les morceaux qui sont restés, pour qu'ils ne se perdent pas."
Ils les recueillirent donc, et remplirent douze corbeilles des morceaux restés des cinq pains d'orge, après que tous en eurent mangé.
Ces hommes, ayant donc vu le miracle que Jésus avait fait, disaient :
" Celui-ci est vraiment le prophète qui doit venir dans le monde."
Mais Jésus, sachant qu'ils devaient venir pour l'enlever et le faire roi, s'enfuit et se retira seul sur la montagne."
La Multiplication des pains et des poissons. Ivoire franc du IXe.
Ces hommes que le Sauveur venait de rassasier avec tant de bonté et une puissance si miraculeuse, n'ont plus qu'une pensée : ils veulent le proclamer leur roi. Cette puissance et cette bonté réunies en Jésus le leur font juger digne de régner sur eux. Que ferons-nous donc, nous chrétiens, auxquels ce double attribut du Sauveur est incomparablement mieux connu qu'il ne l'était à ces pauvres Juifs ? Il nous faut dès aujourd'hui l'appeler à régner sur nous. Nous venons de voir dans l'Epître que c'est lui qui nous a apporté la liberté, en nous affranchissant de nos ennemis. Cette liberté, nous ne la pouvons conserver que sous sa loi. Jésus n'est point un tyran, comme le monde et la chair : son empire est doux et pacifique, et nous sommes plus encore ses enfants que ses sujets. A la cour de ce grand roi, servir c'est régner. Venons donc oublier auprès de lui tous nos esclavages passés ; et si quelques chaînes nous retiennent encore, hâtons-nous de les rompre : car la Pâque est la fête de la délivrance, et déjà le crépuscule de ce grand jour paraît à l'horizon. Marchons sans faiblesse vers le terme ; Jésus nous donnera le repos, il nous fera asseoir sur le gazon comme ce peuple de notre Evangile ; et le Pain qu'il nous a préparé nous fera promptement oublier les fatigues de la route.
01:00 | Lien permanent | Commentaires (0)
30 mars. Saint Rieul, évêque d'Arles et de Senlis. 130.
- Saint Rieul, évêque d'Arles et de Senlis. 130.
Pape : Saint Télesphore. Empereur : Adrien.
" Voici tes miracles que feront ceux qui croiront en moi en mon nom, ils chasseront les démons ; il parleront des langues nouvelles ; ils prendront des serpents avec la main sans éprouver leur morsure ; s'ils boivent quelque breuvage mortel, il ne leur nuira pas ils imposeront les mains sur les malades, et les malades seront guéris."
Marc, XVI, 17, 18.
Saint Rieul. Thomas Couture. XIXe.
Nous ne pouvons commencer la vie de ce saint Evêque, sans déplorer un grand incendie arrivé à Senlis, dans le IXe siècle, lequel, en consumant l'église cathédrale et ses archives, nous a ravi les principaux mémoires d'où nous aurions pu apprendre ses plus belles actions. Cependant, ce qui nous doit consoler, c'est que, peu de temps après, quelques personnes zélées pour son honneur, et voulant suppléer à une si grande perte, firent une diligente recherche de toutes les chartes et pièces authentiques qui se purent trouver en d'autres endroits touchant sa naissance, sa conversion, sa mission, son épiscopat et les autres circonstances de sa vie, et, sur ces actes, ont composé toute son histoire, qui est venue jusqu'à nous. On la retrouve dans Vincent de Beauvais, dans saint Antonin et dans les continuateurs de Bollandus nous en tirerons l'abrégé que nous allons insérer dans ce recueil.
Saint Rieul était originaire d'Argos, ville de Grèce, et d'une famille très considérable. Etant en âge de choisir un état, il entendit parler des merveilles que faisait, à Ephèse, le disciple bien-aimé de Jésus, saint Jean l'Evangéliste il l'y alla trouver, et fut tellement ravi de sa sainteté et de sa doctrine, qu'il renonça à l'idolâtrie, dont il avait fait profession jusqu'alors, embrassa le christianisme, reçut de lui le saint baptême, et, ayant fait un tour en son pays, pour y distribuer aux pauvres des biens immenses qu'il avait hérités de ses parents, s'attacha ensuite inviolablement à sa personne, pour l'aider dans la conversion des infidèles et l'établissement de la religion chrétienne. Le saint apôtre, admirant de plus en plus la vertu de ce généreux néophyte, lui donna rang dans l'Eglise (il y a apparence qu'il le fit prêtre) et l'honora de sa plus grande familiarité.
Sacre de saint Rieul. Vie de saint Denis. XIIIe.
Mais la persécution arracha bientôt le maître au disciple car l'empereur Domitien, qui avait succède à Tite, son frère, ayant été informé des fruits merveilleux que saint Jean produisait dans Ephese contre le culte des faux dieux, se le fit amener à Rome, et, après l'avoir fait plonger dans une chaudière d'huile bouillante, le relégua dans l'île de Pathmos.
Saint Rieul demeura encore quelque temps à Ephèse, pour soutenir et confirmer les catholiques ; mais il apprit que saint Denis l'Aréopagite était passé à Rome, avec le dessein d'aller porter la foi dans les pays où elle n'avait pas encore été portée animé du même zèle et du même désir du salut des infidèles, il le suivit et vint s'offrir à saint Clément, qui occupait depuis peu de temps la chaire de saint Pierre. Ce grand pape les reçut avec une joie extraordinaire ; et, comme il avait un désir extrême de la conversion des Gaules, dont les frontières, du côté de l'Italie et de l'Espagne, avaient seules reçu l'Evangile, il composa une sainte colonie de plusieurs hommes apostoliques pour cette grande expédition. Saint Denis, que sa haute érudition, sa sagesse toute céleste et sa dignité d'évêque d'Athènes rendaient très considérable, en fut déclaré le chef on lui donna Rustique pour diacre et Eleuthère pour sous-diacre, et on lui joignit, pour ses collègues et ses coopérateurs, notre saint Rieul, avec Lucien, Eugène et plusieurs autres, dont nous aurons occasion de parler dans la suite de ce recueil.
Sacre de saint Rieul. Vita et passio beati Dionysii. XIVe.
Un des historiens de saint Rieul le conduit tout d'un coup à Paris et à Senlis ; mais les autres, que l'ancienne tradition des églises de Provence autorise extrêmement, nous apprennent que cette illustre colonie vint d'abord à Arles, où il y avait déjà plusieurs chrétiens que saint Trophime avait convertis et baptisés, en ayant été fait évêque par saint Paul, lorsqu'il y passa avec plusieurs excellents missionnaires pour aller en Espagne. Nos saints prédicateurs furent donc reçus de cette sainte société comme des Anges venus du ciel, et ils en accrurent bientôt le nombre par la force de leurs sermons, de leurs remontrances et de leurs miracles.
Saint Denis renversa même, par la seule invocation du nom de Jésus-Christ, la célèbre idole de Mars, que le peuple adorait ; et s'étant, par ce moyen, rendu maître du temple, il le purifia et le consacra au vrai Dieu en l'honneur des bienheureux apôtres saint Pierre et saint Paul, et fit faire un baptistère pour la régénération de ceux qui se convertiraient. Il n'eût pas été à propos d'abandonner cette église naissante, ni la riche moisson que l'on y pouvait espérer dans la suite; c'est pourquoi le même saint Denis, ayant envoyé quelques-uns de ses autres collègues en diverses provinces des Gaules, consacra saint Rieul éveque, et le laissa à Arles lui, qui était destiné à Paris, poursuivit son chemin et vint y apporter la précieuse semence de l'Evangile.
Saint Rieul quittant Arles. Vita et passio beati Dionysii. XIVe.
Notre nouvel Evêque travailla avec un courage infatigable à défricher le champ qui lui avait été désigné, et il le fit avec tant de succès, qu'il se vit, en peu de temps, à la tête d'une église nombreuse et dont la piété répandait la bonne odeur de Jésus-Christ dans tout le pays. Cependant, le bienheureux Aréopagite et ses deux compagnons ayant été martyrisés à Paris, Rieul en fut averti le même jour d'une manière tout à fait surnaturelle il célébrait les divins mystères devant tout le peuple. Après avoir récité, dans le canon, les noms de saint Pierre et de saint Paul, il ajouta, sans y penser, ceux de ces nouveaux martyrs, disant " et des bienheureux martyrs Denis, Rustique et Eleuthère ", et il vit sur l'autel trois colombes, qui portaient ces noms sacrés imprimés en couleur de sang sur la poitrine. Il communiqua, après la messe, sa vision aux principaux de son clergé, et, ayant commis à un éveque, nommé Félicissime, la charge de l'église d'Arles, il partit aussitôt pour venir chercher leurs reliques à Paris.
Y étant arrivé, sur les avis qu'on lui donna, il alla au village de Châtou et y rencontra heureusement une dame nommée Catulle c'était celle qui avait enlevé les corps des martyrs et les avait enterrés secrètement. Comme il se fit connaître à elle, elle lui déclara toute l'histoire de leur martyre et le mena au lieu où elle les avait ensevelis. Ce fut là que saint Rieul, abandonnant son cœur à la douleur, répandit un torrent de larmes mais il ne pleurait pas tant le supplice de son maître et de ses compagnons, que son propre malheur de ce qu'il n'avait pas eu part à leur triomphe. Il célébra au même lieu le divin sacrifice à leur honneur, et grava sur une pierre le récit de ce qui s'était passé dans le cours de leurs combats. Cependant la pieuse Catulle, désirant être plus parfaitement instruite qu'elle ne l'était des mystères de notre religion, supplia son saint hôte de ne pas sortir si tôt de son logis, puisque, d'ailleurs, la persécution contre les chrétiens n'étant pas encore apaisée, il ne pouvait se produire sans s'exposer inutilement à la mort. Mais trois jours après, le président Fescenninus s'en étant allé sur la nouvelle de la mort de l'empereur Domitien, elle put faire bâtir une chapelle de bois autour des tombeaux des saints martyrs, et saint Rieul la consacra sous leur nom. C'est la chapelle que sainte Geneviève de Paris fit, depuis, rebâtir en pierre, comme nous l'avons déjà marqué dans sa vie.
Saint Rieul exorcisant Catulle et la baptisant.
Vita et passio beati Dionysii. XIVe.
Après avoir fait renaître le courage dans le cœur des fidèles de Paris, dispersés par la tempête, et avoir mis à leur tête le prêtre Malon qu'il sacra évêque, saint Rieul se sentant appelé plus loin, prit le chemin de Senlis, et, passant à Louvres, à six lieues do Paris, il y trouva des paysans qui adoraient l'idole de Mercure. Leur aveuglement lui donna beaucoup de compassion il fit le signe de la croix sur cette idole, la toucha de son bâton, prononça le saint nom de Jésus, et, en même temps, l'idole tomba par terre et fut réduite en poussière. De là il prit sujet d'instruire ces paysans et de leur faire voir que c'était à tort qu'ils rendaient à une créature inanimée, ou à un démon qui s'y montrait, le culte souverain qui n'est dû qu'au seul Dieu créateur du ciel et de la terre et sa parole fut si puissante, qu'elle convertit ces pauvres gens et les porta à demander le saint Baptême.
Ils bâtirent même une chapelle que saint Rieul dédia depuis, et l'on croit que c'est encore celle que l'on voit auprès de la paroisse; quoiqu'on ne puisse douter que, depuis tant de siècles, il ne l'ait fallu réparer plusieurs fois. Elle porte le nom de la sainte Vierge.
Baptême de Catulle. Vie de saint Denis. XIIIe.
Cet heureux succès donna à saint Rieul le courage d'entreprendre la conversion des habitants de Senlis. Il y fut invité par une dame ayant son fils possédé d'un démon furieux, qui le supplia avec beaucoup de larmes de l'en venir délivrer. Ce fut le premier miracle qu'il fit dans cette ville. Ensuite, les portes de la prison s'étant ouvertes à son commandement, et les chaînes des prisonniers s'étant rompues, il les tira de ce lieu de misère et leur donna la liberté ces actions, qui se firent en présence de tout le peuple, furent cause que plusieurs reconnurent la vérité de notre sainte foi, et prièrent le Saint de les baptiser. Le président Quintilien, en étant averti, commanda aux prêtres des idoles de disposer, pour le lendemain, un grand sacrifice, dans le dessein d'obliger Rieul de s'y trouver et d'offrir comme les autres de l'encens aux faux dieux, ou, s'il refusait de le faire, de l'immoler lui-même par de cruels supplices mais saint Denis et ses compagnons, lui apparaissant la nuit, le dissuadèrent d'une résolution si injuste et l'avertirent que, s'il voulait être sauvé, il fallait nécessairement qu'il embrassât la religion que prêchait ce nouveau docteur. Le lendemain, il communiqua sa vision à sa femme, qui, bien loin d'éteindre ces premières étincelles de conversion, les alluma au contraire et les fortifia beaucoup par ses discours, ayant déjà elle-même reçu quelque tçenture de la foi par le moyen de ceux qui avaient assisté aux prédications de saint Denis.
Saint Rieule détruisant les idoles. Vie de saint Denis. XIIIe.
Cependant Rieul se rendit de grand matin au temple, bâti dans l'enceinte des murs de la ville. C'était un édifice somptueux et magnifique où il y avait toutes sortes d'idoles et de figures des divinités païennes. Mais à son arrivée, et aussitôt qu'il eut prononcé le nom adorable de Jésus, toutes ces figures tombèrent par terre et furent brisées. Cet accident mit le trouble et la consternation parmi les sacrificateurs mais durant leur agitation, le Saint, animé du zèle et de la gloire de son Dieu, se mit à prêcher publiquement la fausseté du paganisme et la vérité de l'Evangile et il le fit avec tant d'ardeur et de force, qu'il n'y eut presque personne des assistants qui ne se rendit à ses raisons. Le président arriva là-dessus avec sa femme et toute sa famille, et témoigna qu'il voulait être chrétien ce qui acheva de gagner les principaux habitants que la crainte d'un homme si terrible pouvait beaucoup empêcher de se déclarer. Les sacrificateurs mêmes ne purent résister à une démonstration si évidente de leur erreur aussi, après un jeûne de trois jours, et après que le temple eut été purifié et dédié en l'honneur de la sainte Vierge (c'est encore aujourd'hui la cathédrale où est la chapelle et la célèbre image de Notre-Dame-des-Miracle), il se fit un baptême solennel d'un nombre presque infini de personnes de toutes sortes d'âges, d'états et de conditions.
Cathédrale Notre-Dame. Senlis. Île-de-France.
Saint Rieul fit disposer aussi un cimetière à la porte de la ville, pour la sépulture des fidèles, et y fit construire une église sous les noms de Saint-Pierre et de Saint-Paul. Cette église et ce cimetière portent à présent son nom, et on l'a donné aussi à une fontaine qui est du côté de Compiègne, parce que ce fut lui qui la fit sourdre miraculeusement, après avoir prêché le peuple en pleine campagne.
Saint Rieul prêchant les idolâtres de Senlis.
Vita et passio beati Dionysii. XIVe.
Voilà quels furent les prémices de la conversion du pays de Senlis. Dieu en augmenta les progrès par de grands miracles, que le Saint opéra en diverses rencontres car son histoire nous apprend qu'il rendit la vue à des aveugles, l'ouïe à des sourds, l'usage des pieds à des boiteux et la santé à plusieurs malades. Mais on peut dire que le plus grand de ses miracles était sa vie toute céleste et angélique. Il avait une humilité très-profonde, qu'il appuyait sur ces paroles du Fils de Dieu, dont il ne perdait jamais le souvenir :
" Tous ceux qui s'abaisseront seront élevés, et tous ceux qui s'élèveront seront abaissés."
Consécration de Saint-Denis-de-l'Estrée. Vie de saint Denis. XIIIe.
Son zèle pour la gloire de Dieu n'avait point de bornes, et il n'y avait rien qu'il n'entreprît et qu'il ne fût prêt à souffrir pour rétendre et pour l'augmenter de tous côtés. Sa charité était immense, et elle se répandait sur toutes sortes de malheureux. Nulle adversité n'était capable de l'abattre. Nulle prospérité et nul bon succès n'étaient capables d'enfler son cœur. Sa modestie, jointe à un port majestueux et à une vénérable vieil-lesse, imprimait un si grand respect dans l'esprit de tous ceux qui le regardaient, qu'ils ne pouvaient s'empêcher de l'aimer et de l'honorer.
Tous les auteurs de sa vie rapportent que le clergé et le peuple de Beauvais l'envoyèrent supplier de venir sacrer évêque leur apôtre, saint Lucien, qui était aussi un des missionnaires compagnons de saint Denis mais durant le voyage de leurs députés à Senlis, ce saint apôtre fut mis à mort pour la foi de Jésus-Christ, sans avoir reçu de lui l'imposition des mains. Si cela est, il faut dire que saint Lucien n'est appelé premier évêque de Beauvais, que parce qu'il était élu, nommé et désigné évêque, et, qu'étant envoyé par saint Clément et saint Denis, il avait toute la juridiction épiscopale, comme les ecclésiastiques nommés à un évôché et institués par le Pape l'ont avant leur sacre.
Saint Rieul procédant à la consécration de Saint-Denis-de-l'Estrée.
Vita et passio beati Dionysii. XIVe.
Quoi qu'il en soit, les auteurs ajoutent que la nouvelle de cet illustre martyre, qui fut apportée à saint Rieul à son départ, ne l'empêcha pas de continuer son voyage dans tous les villages qu'il rencontra sur sa route, il prêcha Jésus-Christ avec un merveilleux succès. Non loin de Senlis, il guérit un aveugle, et, en mémoire de ce miracle, on bâtit au même lieu une chapelle, dont on voit encore les vestiges au village de Ruily.
Prêchant en pleine campagne, comme le bruit des grenouilles empêchait qu'on ne l'entendît, il leur défendit à toutes, excepté à une, de croasser tant que durerait son discours, et aussitôt il fut obéi, et il se servit avantageusement de l'obéissance de ces animaux sans raison, pour porter ses auditeurs à obéir au vrai Dieu. A Brenouille, où il rendit la vue à un aveugle, on éleva une église qui, plus tard, fut placée sous son patronage. A Canneville, il éleva un oratoire qu'il dédia à saint Lucien de Beauvais.
Eglise Saint-Rieul. Brénouille. Picardie.
Enfin, après avoir admirablement consolé et fortifié le peuple de Beauvais par sa présence, il retourna à sa première église. Il employa le reste de sa vie à cultiver par ses visites, ses exhortations et ses exemples, la vigne dont il avait la charge. Enfin, ce qui est admirable en un temps où le martyre était presque inséparable de l'épiscopat, il mourut en paix au milieu de son peuple, l'an 130, sous l'empereur Adrien, après avoir travaillé près de quarante ans à ces diSérentes missions. Son corps fut enterré dans l'église de Saint-Pierre et de Saint-Paul, qui a pris depuis son nom, comme nous l'avons dit et il a fait, dans la suite des siècles, un grand nombre de miracles. Ses historiens sont obligés d'en omettre la plus grande partie, parce que l'incendie arrivé dans l'église cathédrale de Senlis en a fait perdre les actes mais ils en rapportent quelques-uns fort considérables, et qui font voir les grands mérites et le pouvoir extraordinaire de ce saint Evêque.
On représente saint Rieul avec un âne couché à ses pieds voici le sens de cette représentation qui, du reste, se trouve rarement dans les œuvres des artistes Rieul ayant délivré un possédé à Senlis, le diable chassé par l'exorcisme, témoigna le désir d'entrer dans le corps de l'âne, qui servait de monture au saint Evêque. C'était sans doute une compensation, comme celle des démons qui, d'après l'Evangile, demandèrent à pouvoir habiter le corps des pourceaux. Mais, dit la légende, l'âne, en bête bien apprise, fit un signe de croix avec son pied sur la terre, et le diable fut réduit à se pourvoir ailleurs. On voit encore un cerf et une biche sur les anciennes peintures représentant saint Rieul, sans doute pour rappeler le miracle de ces animaux, allant s'agenouiller devant son tombeau, au milieu de la foule, le jour de sa fête. Mais il y a peut-être à cela une explication plus allégorique.
Ne serait-ce pas la représentation pour ainsi dire hiéroglyphique de la conversion du pays de Senlis, dont les habitants s'appelaient habitants des bois, Sylvanectenses ? Il va sans dire que les grenouilles, dont la voix se tut à l'ordre du saint Rieul, ont figuré dans ses images. Les habitants de Ruily où s'opéra ce miracle, et dont le nom latin Reguliacus, vient de Regulus (Rieul), n'ont pas manqué de faire représenter des grenouilles sur le tableau de la chapelle de saint Rieul, leur apôtre.
Saint Rieul désigne son successeur. Vita et passio beati Dionysii. XIVe.
RELIQUES ET CULTE
Clovis, notre premier roi chrétien, étant venu à son tombeau pour y faire sa prière, en fit découvrir les précieuses reliques ; et, après leur avoir rendu beaucoup de respect, il pria les évêques de lui en donner quelques ossements. Les prélats n'osèrent démembrer un corps si vénérable ; mais ils ne purent refuser au roi une dent du saint Evêque. Lorsqu'ils l'arrachèrent de la mâchoire, il en coula un ruisseau de sang ; ce qui remplit encore les assistants d'une plus grande révérence. Clovis la reçut avec beaucoup de dévotion, et l'emporta avec une joie extrême ; mais, lorsqu'il voulut rentrer dans la ville, ni !ui, ni ses officiers n'en purent jamais trouver l'entrée reconnaissant sa faute, il reporta la relique au lieu où il l'avait prise et, pour témoigner davantage sa piété envers saint Rieul, il fit rebâtir fort somptueusement l'église où il était enterré, et la dota de quelques fonds de terre ; il lui fit faire aussi un sépulcre d'or, où il y avait tous les ans, au jour de sa fête, un concours infini de peuple et de pèlerins ; et ce qui est merveilleux, les cerfs mêmes et les biches avec leurs faons, se mêlaient sans crainte parmi le monde, comme pour faire paraître leur joie dans cette solennité publique.
Basilique Saint-Denis. Saint-Denis. Île-de-France.
Un habitant de Senlis s'étant consacré par voeu au service de cette église, changea, quelques années après, de résolution, et s'adonna aux emplois tout à fait séculiers ; mais il fut puni de sa transgression par une cécité subite, et n'en put être guéri que par beaucoup de prières et de larmes, et en reprenant les fonctions sacrées auxquelles il était engagé par sa promesse. Un pauvre estropié des environs d'Auxerre se fit apporter au tombeau du Saint, et il y trouva une guérison si parfaite, que, après être entré dans l'église par le secours d'autrui, il en sortit en sautant, et s'en retourna à pied, plein de force et de vigueur, en son pays. Il en a'riva de même à un boiteux du pays de Gâtinais, et à une pauvre fille de Sentis, qui était si percluse de tous ses membres, qu'elle ne pouvait aller qu'en les traînant misérablement contre la terre. Mais la guérison la plus illustre fut celle de la fille du roi et empereur Charles le Chauve, nommée Hermengarde elle fut délivrée d'une fièvre qui la réduisit à l'extrémité, aussitôt qu'elle eut fait ses dévotions et communié à l'autel de ce saint sépulcre le roi et la reine firent de grands présents à cette même église.
Les habitants de Sentis ont souvent ressenti les effets de la protection de leur bien-aimé Apôtre aussi, dans les circonstances critiques, se sont-ils toujours empressés de réclamer son appui on portait alors ses reliques dans les rues de la ville avec une grande solennité. Le 23 avril ou le dimanche qui en est le plus proche, saint Rieul reçevait encore (en 1872 notamment) les hommages d'une foule de pèlerins en mémoire d'une ancienne translation de ses reliques. Deux fêtes destinées à rappeler ses miracles se célébraient autrefois le février et le 13 juillet. Plusieurs chapelles lui ont été dédiées dans le Valois, où son culte a toujours été très-répandu.
Vision de saint Rieul pendant le Très Saint Sacrifice de la messe.
Vie de saint Denis. XIIIe.
Voilà ce que les auteurs que nous avons cités nous apprennent de saint Rieul. Nous savons que plusieurs savants de ces derniers temps ne tombent pas d'accord sur le temps de sa mission ; les uns ne la mettent que sous l'empire de Dèce, et les autres sous celui de Dioclétien. Mais nous n'avons jamais pu entrer dans le sentiment de ces auteurs, qui veulent que les Papes et les hommes apostoliques aient tellement négligé les Gaules, qu'ils aient été deux ou trois cents ans sans y envoyer de missionnaires, tandis que l'Evangile était porté chez les Scythes. les Indiens et les Brachmanes. Et d'ailleurs, comme un des auteurs que nous avons suivis, et qui vivait apparemment il y a près de huit cents ans, assure qu'il a tiré ce qu'il dit de plusieurs chartes très anciennes, nous avons cru que nous pouvions nous y arrêter sans crainte d'erreur.
Quelques-unes de ses reliques, conservées à la cathédrale d'Amiens, furent sauvées en 1793 par M. Lecouvé, maire de cette ville, gardées jusqu'en 1802 par M. Lejeune, curé constitutionnel de Notre-Dame, et vérifiées en 1816 et en 1829. Elles se trouvent aujourd'hui confondues avec d'autres reliques dans la chasse dite de saint-Honoré.
Vision de saint Rieul pendant le Très Saint Sacrifice de la messe.
Vita et passio beati Dionysii. XIVe.
L'opinion qui fait venir saint Rieul dans les Gaules vers la fin du Ier siècle, est appuyée sur la tradition constante de l'église de Senlis, et confirmée :
1. par trois vies de saint Rieul qui remontent au
IXe siècle ;
2. par l'ancienne liturgie de Senlis ;
3. par les liturgies conformes de l'abbaye de Saint-Denis et de l'église d'Arles ;
4. par les diptyques de cet évêché.
00:15 Publié dans R | Lien permanent | Commentaires (0)
samedi, 29 mars 2025
29 mars. Saint Jonas, saint Barachisius, frères, et leurs saints compagnons, martyrs. 326.
Pape : Saint Sylvestre Ier. Roi des Perses : Sapor Ier.

Saint Jonas et saint Barachisius. Gravure de Jacques Callot. XVIIe.
La dix-huitième année de son règne, Sapor, croyant qu'il était de sa politique de persécuter l'Église du Christ, renversa les églises et les autels, brûla les monastères, et accabla de vexations les chrétiens. Il voulait leur faire renier le culte du Dieu créateur pour celui du feu, du soleil et de l'eau : quiconque refusait d'adorer ces divinités était torturé.
Il y avait dans la ville de Beth-Asa deux frères également vertueux et chers à tous les chrétiens ; ils se nommaient Jonan et Berikjesu. Connaissant les tourments qu'on faisait subir, en divers lieux, aux chrétiens, pour les forcer à renier, ils résolurent de s'y rendre incontinent. Arrivés à la ville de Hubaham, et désirant tout voir par eux-mêmes, ils pénétrèrent jusqu'à la prison publique, pour y visiter les chrétiens. Ils en trouvèrent un grand nombre qui avaient résisté à plusieurs épreuves; ils les animèrent à persévérer, leur apprirent à trouver dans les Écritures des réponses pour confondre les juges ; et le succès de leurs exhortations fut tel que, parmi ces chrétiens, les uns confessèrent devant les tyrans et les autres cueillirent la palme du martyre ; ces derniers furent au nombre de neuf : Zébinas, Lazare, Marout, Narsai, Elia, Mahri, Habile, Saba et Schembaitch.
A la vue de plusieurs chrétiens dans les tourments, ils les encouragèrent ainsi :
" Ne craignez rien, leur dirent-ils, combattons, mes frères, pour le nom de Jésus crucifié, et nous obtiendrons, comme nos devanciers, la glorieuse couronne promise aux vaillants soldats de la foi."
Soutenues par ces paroles, les victimes consommèrent sans faiblesse leur sacrifice. Mais il n'en fallait pas davantage pour exciter la colère des ministres du roi. Jonas et Barachisius sont arrêtés et menacés de mort s'ils n'adorent les dieux de la Perse, le soleil, le feu et l'eau. Leur refus est suivi de cruelles tortures.
Jonas, attaché à un pieu, est frappé de verges couvertes d'épines jusqu'à ce que ses côtes soient mises à nu ; mais il bénit et glorifie le Seigneur. On le traîne alors, une chaîne aux pieds, sur un étang glacé pour y passer la nuit.
Pendant ce temps, Barachisius confond à son tour la folie des adorateurs des idoles, et affirme que jamais il n'adorera que Celui qui est le Créateur tout-puissant du soleil, du feu et de l'eau. On lui verse du plomb fondu sur les yeux, dans la bouche, dans le nez et les oreilles, puis on le suspend par un pied dans sa prison.
Le lendemain, le combat recommence pour les deux frères. Aux questions railleuses de ses bourreaux, Jonas répond :
" Dieu ne m'a jamais donné une nuit plus heureuse ni plus tranquille ", puis il leur parle avec une éloquence et une sagesse qui les ravissent d'étonnement et d'admiration malgré eux, sans toutefois diminuer leur barbarie. Ils coupent par phalanges les doigts des mains et des pieds du saint martyr, et ensuite le jettent dans une chaudière de poix bouillante, après lui avoir ôté la peau de la tête. La poix bouillante l'ayant épargné, ils le placent sous un pressoir à vis et le broient en faisant tourner sur lui cet horrible instrument ; et c'est dans ce supplice que Jonas termina son combat victorieux.
Quant à son frère Barachisius, il ne fut pas moins admirable. Jeté dans un buisson d'épines aiguës, on ne l'en retira que pour enfoncer dans sa chair des pointes de roseaux et les arracher violemment. Au lieu de se plaindre, la douce victime, à l'exemple du Maître, priait pour ses ennemis. Son corps fut ensuite broyé sous le même pressoir où son frère avait expiré.
00:15 Publié dans J | Lien permanent | Commentaires (0)
vendredi, 28 mars 2025
28 mars. Saint Jean de Capistran, général de l'Ordre des Frères Mineurs, légat du Saint-Siège. 1456.
- Saint Jean de Capistran, général de l'Ordre des Frères Mineurs, légat du Saint-Siège. 1456.
Pape : Callixte III. Empereurs : Frédéric III.
" Si Dieu ne se proposait de mettre en possession de son héritage ceux qui sont éprouvés, Il ne prendrait pas soin de les former par la tribulation."
Saint Antonin de Florence.

Saint Jean de Capistran. Bartolomeo Vivarini. XVe.
Plus l’Eglise semble approcher du terme de ses destinées, plus aussi l’on dirait qu’elle aime à s’enrichir de fêtes nouvelles rappelant le glorieux passé. C'est qu'en tout temps du reste, un des buis du Cycle sacré est de maintenir en nous le souvenir des bienfaits du Seigneur. " Ayez mémoire des anciens jours, considérez l'histoire des générations successives ", disait déjà Dieu sous l'alliance du Sinaï (Deut. XXXII, 7.) ; et c'était une loi en Jacob, que les pères rissent connaître à leurs descendants, pour qu'eux-mêmes les transmissent à la postérité, les récits antiques (Psalm. LXXVII, 5.). Plus qu'Israël qu'elle a remplacé, l'Eglise a ses annales remplies des manifestations de la puissance de l'Epoux ; mieux que la descendance de Juda, les fils de la nouvelle Sion peuvent dire, en contemplant la série des siècles écoulés : " Vous êtes mon Roi, vous êtes mon Dieu, vous qui toujours sauvez Jacob !" (Psalm. XLIII, 5.).
Tandis que s'achevait en Orient la défaite des Iconoclastes, une guerre plus terrible, où l'Occident devait lutter lui-même pour la civilisation et pour l'Homme-Dieu, commençait à peine. Comme un torrent soudain grossi, l'Islam avait précipité de l'Asie jusqu'au centre des Gaules ses flots impurs ; pied à pied, durant mille années, il allait disputer le sol occupé par les races latines au Christ et à son Eglise. Les glorieuses expéditions des XIIe et XIIIe siècles, en l'attaquant au centre même de sa puissance, ne firent que l'immobiliser un temps. Sauf sur la terre des Espagnes, où le combat ne devait finir qu'avec le triomphe absolu de la Croix, on vit les princes, oublieux des traditions de Charlemagne et de saint Louis, délaisser pour les conflits de leurs ambitions privées la guerre sainte, et bientôt le Croissant, défiant à nouveau la chrétienté, reprendre ses projets de conquête universelle.
En 1453, Byzance, la capitale de l'empire d'Orient, tombait sous l'assaut des
janissaires turcs ; trois ans après, Mahomet II son vainqueur investissait Belgrade, le boulevard de l'empire d'Occident. Il eût semblé que l'Europe entière ne pouvait manquer d'accourir au secours de la place assiégée. Car cette dernière digue forcée, c'était la dévastation immédiate pour la Hongrie, l'Autriche et l'Italie ; pour tous les peuples du septentrion et du couchant, c'était à bref délai la servitude de mort où gisait cet Orient d'où nous est venue la vie, l'irrémédiable stérilité du sol et des intelligences dont la Grèce, si brillante autrefois, reste encore aujourd'hui frappée.

Saint Jean de Capestran. Gaetano Lapis. XVIIIe.
Or toutefois, l'imminence du danger n'avait eu pour résultat que d'accentuer la division lamentable qui livrait le monde chrétien à la merci de quelques milliers d'infidèles. On eût dit que la perte d'autrui dût être pour plusieurs une compensation à leur propre ruine ; d'autant qu'à cette ruine plus d'un ne désespérait pas d'obtenir délai ou dédommagement, au prix de la désertion de son poste de combat. Seule, à rencontre de ces égoïsmes, au milieu des perfidies qui se tramaient dans l'ombre ou déjà s'affichaient publiquement, la papauté ne s'abandonna pas. Vraiment catholique dans ses pensées, dans ses travaux, dans ses angoisses comme dans ses joies et ses triomphes, elle prit en mains la cause commune trahie par les rois. Econduite dans ses appels aux puissants, elle se tourna vers les humbles, et plus confiante dans sa prière au Dieu des armées que dans la science des combats, recruta parmi eux les soldats de la délivrance.
C'est alors que le héros de ce jour, saint Jean de Capistran, depuis longtemps déjà redoutable à l'enfer, consomma du même coup sa gloire et sa sainteté. A la tête d'autres pauvres de bonne volonté, paysans, inconnus, rassemblés par lui et ses Frères de l'Observance, le pauvre du Christ ne désespéra pas de triompher de l'armée la plus forte, la mieux commandée qu'on eût vue depuis longtemps sous le ciel. Une première fois, le 14 juillet 1456, rompant les lignes ottomanes en la compagnie de Jean Hunyade, le seul des nobles hongrois qui eût voulu partager son sort, il s'était jeté dans Belgrade et l'avait ravitaillée. Huit jours plus tard, le 22 juillet, ne souffrant pas de s'en tenir à la défensive, sous les yeux d'Hunyade stupéfié par cette stratégie nouvelle, il lançait sur les retranchements ennemis sa troupe armée de fléaux et de fourches, ne lui donnant pour consigne que de crier le nom de Jésus à tous les échos.

C'était le mot d'ordre de victoire que saint Jean de Capistran avait hérité de Bernardin de Sienne son maître :
" Que l'adversaire mette sa confiance dans les chevaux et les chars ; pour nous, nous invoquerons le Nom du Seigneur." (Psalm. XIX, 8.).
Et en effet, le Nom toujours " saint et terrible " (Psalm. CX, 9.) sauvait encore son peuple. Au soir de cette mémorable journée, vingt-quatre mille Turcs jonchaient le sol de leurs cadavres ; trois cents canons, toutes les armes, toutes les richesses des infidèles étaient aux mains des chrétiens ; Mahomet II, blessé, précipitant sa fuite, allait au loin cacher sa honte et les débris de son armée.
Ce fut le 6 août que parvint à Rome la nouvelle d'une victoire qui rappelait celle de Gédéon sur Madian (Judic. VII.). Le Souverain Pontife, Callixte III, statua que désormais toute l'Eglise fêterait ce jour-là solennellement la glorieuse Transfiguration du Seigneur. Car en ce qui était des soldats de la Croix, " ce n'était pas leur glaive qui avait délivré la terre, ce n'était pas leur bras qui les avait sauvés, mais bien votre droite et la puissance de votre bras à vous, Ô Dieu, et le resplendissement de votre visage, parce que vous vous étiez complu en eux " (Psalm. XLIII , 4.), " comme au Thabor en votre Fils bien-aimé " (Matth. XVII, 5.).
Saint Jean naquit à Capestrano dans les Abruzzes. Envoyé pour ses études à Pérouse, il profita grandement dans les sciences chrétiennes et libérales Sa connaissance éminente du droit le fit appeler par le roi de Naples Ladislas au gouvernement de plusieurs villes. Or, tandis qu'il s'en acquittait saintement et s'efforçait dans des temps troublés de ramener la paix, lui-même est jeté dans les fers. Délivré miraculeusement, il embrasse la règle de saint François d'Assise parmi les Frères Mineurs. Dans les lettres divines il eut pour maître saint Bernardin de Sienne, dont il devint le parfait imitateur pour la vertu, pour la propagation surtout du culte du très saint nom de Jésus et delà Mère de Dieu. Il refusa l'évêché d'Aquila. Son austérité, ses nombreux écrits pour la réforme des moeurs le rendirent célèbre.
Tout adonné à la prédication de la parole de Dieu, il parcourut en s'acquittant de cet office l'Italie presque entière, ramenant d'innombrables âmes dans les voies du salut par la force de son éloquence et ses miracles répétés. Martin V l'établit inquisiteur pour l'extinction de la secte des Fratricelles.
Nommé par Nicolas V inquisiteur général en Italie contre les Juifs et les Sarrasins, il en convertit un grand nombre à la foi du Christ. En Orient, il fut le promoteur de beaucoup d'excellentes mesures ; au concile de Florence, où on le vit briller comme un soleil, il rendit à l'Eglise catholique les Arméniens. Sur la demande de l'empereur Frédéric III, le même Nicolas V l'envoya comme nonce du Siège apostolique en Allemagne, pour qu'il y rappelât les hérétiques à la foi véritable et l’esprit des princes à la concorde. Un ministère de six années en ce pays et dans d'autres provinces lui permit d'accroître merveilleusement la gloire de Dieu, amenant sans nombre au sein de l'Eglise, par la vérité de la doctrine et l'éclat des miracles, Hussites, Adamites, Thaborites et Juifs.

Saint Bernardin de Sienne et saint Jean de Capestran.
Callixte III ayant résolu, principalement à sa prière, de promouvoir la croisade, Jean parcourut sans repos la Hongrie et d'autres contrées, excitant par lettres ou discours les princes à la guerre, enrôlant dans un court espace de temps soixante-dix mille chrétiens. C'est surtout à sa prudence, à son courage, qu'est due la victoire de Belgrade, où cent vingt mille Turcs furent partie massacrés, partie mis en fuite. La nouvelle de cette victoire étant arrivée à Rome le huit des ides d'août, Callixte III, en perpétuelle mémoire, consacra ce jour en y fixant la solennité de la Transfiguration du Seigneur. Atteint d'une maladie mortelle, Jean fut transporté à Illok, où plusieurs princes étant venus le visiter, il les exhorta à la défense de la religion, et rendit saintement à Dieu son âme.
On était en l'année du salut mil quatre cent cinquante-six. Dieu confirma sa gloire après sa mort par beaucoup de miracles, lesquels ayant été prouvés juridiquement, Alexandre VIII le mit au nombre des Saints l'an mil six cent quatre-vingt-dix. Au second centenaire de sa canonisation, Léon XIII a étendu son Office et sa Messe à toute l'Eglise.

Statue de saint Jean de Capestran à la gloire de la défense de la
PRIERE
" Le Seigneur est avec vous, Ô le plus fort des hommes ! Allez dans cette force qui est la vôtre, et délivrez Israël, et triomphez de Madian : " sachez que c'est moi qui vous ai envoyé " (Judic. VI.). Ainsi l'Ange du Seigneur saluait Gédéon, quand il le choisissait pour ses hautes destinées parmi les moindres de son peuple ! Ainsi pouvons-nous, la victoire remportée, vous saluer à notre tour, Ô fils de François d'Assise, en vous priant de nous aide toujours. L'ennemi que vous avez vaincu sur les champs de bataille n'est plus à redouter pour notre Occident ; le péril est bien plutôt où Moïse le signalait pour son peuple après la délivrance, quand il disait :
" Prenez garde d'oublier le Seigneur votre Dieu, de peur qu'après avoir écarté la famine, bâti de belles maisons, multiplié vos troupeaux, votre argent et votre or, goûté l'abondance de toutes choses, votre coeur ne s'élève et ne se souvienne plus de Celui qui vous a sauvés de la servitude." (Deut. VIII, 11-14.).
Si, en effet, le Turc l'eût emporté, dans la lutte dont vous fûtes le héros, où serait cette civilisation dont nous sommes si fiers ? Après vous, plus d'une fois, l'Eglise dut assumer sur elle à nouveau l'œuvre de défense sociale que les chefs des nations ne comprenaient plus. Puisse la reconnaissance qui lui est due préserver les fils de la Mère commune de ce mal de l'oubli qui est le fléau de la génération présente ! Aussi remercions-nous le ciel du grand souvenir dont resplendit par vous en ce jour le Cycle sacré, mémorial des bontés du Seigneur et des hauts faits des Saints. Faites qu'en la guerre dont chacun de nous reste le champ de bataille, le nom de Jésus ne cesse jamais de tenir en échec le démon, le monde et la chair ; faites que sa Croix soit notre étendard, et que par elle nous arrivions, en mourant à nous-mêmes, au triomphe de sa résurrection."
00:15 Publié dans J | Lien permanent | Commentaires (1)
jeudi, 27 mars 2025
27 mars. Saint Jean Damascène, docteur de l'Eglise. 780.
" Le bien n'est même pas bien s'il n'est pas bien fait."
Maxime favorite de saint Jean Damascène.

Saint Jean Damascène. Xe.
Jean, appelé Damascène du nom de sa ville natale, était de noble race. Il fut instruit dans les lettres humaines et divines, à Constantinople, par le moine Côme. Dans ce temps-là, l'empereur Léon l’Isaurien ayant déclaré une guerre impie aux saintes Images, Jean, sur l'exhortation du Pontife romain Grégoire III, mit tout son zèle à défendre dans ses discours et ses écrits la sainteté de leur culte ; ce qui lui attira l'inimitié de l'empereur. Cette inimitié alla si loin que celui-ci, au moyen de lettres supposées, accusa Jean de trahison près du calife de Damas dont il était le conseiller et le ministre. Trop crédule à la calomnie, le calife, sans écouter les protestations de l'accusé, lui fit couper la main droite. Mais l'innocence devait être vengée ; la Vierge très sainte prêta l'oreille à la prière fervente de son dévot client : par son secours, la main coupée se rejoignit au bras comme si elle n'en avait jamais été séparée.
Ce miracle émut Jean de telle sorte, qu'il résolut d'accomplir un dessein formé dès longtemps dans son âme : le calife lui ayant quoique à regret permis de quitter son service, il distribua tous ses biens aux pauvres, affranchit ses esclaves, et, après avoir fait le pèlerinage des saints lieux de Palestine, se retira dans la compagnie de son maître Côme en la laure de saint Sabas près de Jérusalem, où on l’ordonna prêtre.
L'arène de la vie religieuse le vit donner aux moines d'admirables exemples de vertu, principalement d'humilité et d'obéissance. Il réclamait comme siens les plus vils emplois du monastère, et mettait tout son zèle à les accomplir. Envoyé vendre à Damas les corbeilles qu'il avait tressées, les insultes et les moqueries de la plèbe étaient pour lui comme un breuvage délicieux dans cette ville où jadis il avait joui des plus grands honneurs. Son obéissance ne le tenait pas seulement à la disposition du moindre signe des supérieurs ; mais, si durs, si insolites que fussent les ordres donnés, il ne se crut jamais permis d'en demander la raison.

Manuscrit Grec. XIIe.
Dans cet exercice de toutes les vertus, son dévouement à défendre le dogme catholique du culte des saintes Images ne se démentit jamais. Aussi la haine de Constantin Copronyme, comme auparavant celle de Léon l'Isaurien, le poursuivit-elle de ses vexations ; d'autant qu'il ne craignait pas de relever l'orgueilleuse prétention de ces empereurs s'estimant maîtres dans les choses de la foi, et s'y posant en juges suprêmes.
Combien, tant en prose qu'en vers, Jean composa d'ouvrages pour cette cause de la foi et pour nourrir la piété des peuples, c'est ce qu'on doit certes admirer, comme fit le second concile de Nicée qui l'honora des plus grandes louanges, comme l'atteste aussi ce nom de Chrysorrhoès qui lui fut donné pour signifier les flots d'or de ses discours. Ce ne fut pas seulement, en effet, contre les Iconoclastes qu'il défendit l'orthodoxie ; mais presque tous les hérétiques eurent à subir ses coups, spécialement les Acéphales, les Monothélites, ceux qui prétendent que dans le Christ la divinité a souffert.
Il vengea noblement les droits et la puissance de l'Eglise, affirma éloquemment la primauté du Prince des Apôtres, qu'il nomme maintes fois le soutien des églises, la pierre infrangible, le maître et le guide de l'univers. Or ses ouvrages sans exception ne brillent pas seulement par la doctrine et la science ; on y trouve le parfum d'une dévotion touchante, surtout lorsqu'il célèbre les louanges de la Mère de Dieu, pour laquelle excellaient son culte et son amour.
Entre toutes ces gloires, la moindre pour Jean n'est pas d'avoir le premier ramené l'ensemble de la théologie à un ordre logique, et aplani la voie dans laquelle saint Thomas devait traiter de la science sacrée avec une si admirable méthode. Enfin, plein de mérites et chargé d’années, consommé en sainteté, il se reposa dans la paix du Christ vers l'an sept cent cinquante quatre. Le Souverain Pontife Léon XIII a accordé à toute l'Eglise d'en célébrer l'Office et la Messe sous le titre de Docteur.

" C'est légitimement, déclare le deuxième concile de Nicée, qu'on place dans les églises, en fresques, en tableaux, sur les vêtements, les vases sacrés, comme dans les maisons ou dans les rues, les images soit de couleur, soit de mosaïque ou d'autre matière convenable, représentant notre Seigneur et Sauveur Jésus-Christ, notre très pure Dame la sainte Mère de Dieu, les Anges et tous les Saints ; de telle sorte qu'il soit permis de faire fumer l'encens devant elles et de les entourer de lumières (Concil. Nic. Il, sess. VII.). Non, sans doute, reprennent contre les Protestants les Pères de Trente, qu'on doive croire qu'elles renferment une divinité ou une vertu propre, ou que l'on doive pincer sa confiance dans l'image même comme autrefois les païens dans leurs idoles ; mais, l’honneur qui leur est rendu se référant au prototype (Cette formule, où se trouve exprimée la vraie base théologique du culte des images, est empruntée par le concile de Trente au second de Nicée, qui lui-même l'a tirée textuellement de saint Jean Damascène : De fide orthodoxa, IV, XVI.), c'est le Christ à qui vont par elles nos adorations, ce sont les Saints que nous vénérons dans les traits qu'elles nous retracent d'eux." (Concil. Trident., sess. XXV.).
On n'a point oublié que les Grecs célèbrent au premier dimanche de Carême une de leurs plus grandes solennités : la fête de l'Orthodoxie. La nouvelle Rome, montrant bien qu'elle ne partageait aucunement l'indéfectibilité de l'ancienne, avait parcouru tout le cycle des hérésies concernant le dogme du Dieu fait chair. Après avoir rejeté successivement la consubstantialité du Verbe, l'unité de personne en l'Homme-Dieu, l'intégrité de sa double nature, il semblait qu'aucune négation n'eût échappé à la sagacité de ses empereurs et de ses patriarches. Un complément pourtant des erreurs passées manquait encore au trésor doctrinal de Byzance.
Il restait à proscrire ici-bas les images de ce Christ qu'on ne parvenait pas à diminuer sur son trône du ciel ; en attendant qu'impuissante à l'atteindre même dans ces représentations figurées, l'hérésie laissât la place au schisme pour arriver à secouer du moins le joug de son Vicaire en terre : dernier reniement, qui achèvera de creuser pour Constantinople la tombe que le Croissant doit sceller un jour.
L'hérésie des Iconoclastes ou briseurs d'images marquant donc, sur le terrain de la foi au Fils de Dieu, la dernière évolution des erreurs orientales, il était juste que la fête destinée à rappeler le rétablissement de ces images saintes s'honorât, en effet, du glorieux nom de fête de l'Orthodoxie ; car en célébrant le dernier des coups portés au dogmatisme byzantin, elle rappelle tous ceux qu'il reçut dans les Conciles, depuis le premier de Nicée jusqu'au deuxième du même nom, septième œcuménique. Aussi était-ce une particularité de ladite solennité, qu'en présence de la croix et des images exaltées dans une pompe triomphale, l'empereur lui-même se tenant debout à son trône, on renouvelât à Sainte-Sophie tous les anathèmes formulés en divers temps contre les adversaires de la vérité révélée.
Satan, du reste, l'ennemi du Verbe, avait bien montré qu'après toutes ses défaites antérieures, il voyait dans la doctrine iconoclaste son dernier rempart. Il n'est pas d'hérésie qui ait multiplié à ce point en Orient les martyrs et les ruines. Pour la défendre, Néron et Dioclétien semblèrent revivre dans les césars baptisés Léon l'Isaurien, Constantin Copronyme, Léon l'Arménien, Michel le Bègue et son fils Théophile. Les édits de persécution, publiés pour protéger les idoles autrefois, reparurent pour en finir avec l'idolâtrie dont l'Eglise, disait-on, restait souillée.
Vainement, dès l'abord, saint Germain de Constantinople rappela-t-il au théologien couronné sorti des pâturages de l'Isaurie, que les chrétiens n'adorent pas les images, mais les honorent d'un culte relatif se rapportant à la personne des Saints qu'elles représentent. L'exil du patriarche fut la réponse du césar pontife.

Saint Jean Damascène. Couvent Saint-Simplice.
La soldatesque, chargée d'exécuter les volontés du prince, se rua au pillage des églises et des maisons des particuliers. De toutes parts, les statues vénérées tombèrent sous le marteau des démolisseurs. On recouvrit de chaux les fresques murales ; on lacéra, on mit en pièces les vêtements sacrés, les vases de l'autel, pour en faire disparaître les émaux historiés, les broderies imagées. Tandis que le bûcher des places publiques consumait les chefs-d'œuvre dans la contemplation desquels la piété des peuples s'était nourrie, l'artiste assez osé pour continuer de reproduire les traits du Seigneur, de Marie ou des Saints, passait lui-même par le feu et toutes les tortures, en compagnie des fidèles dont le crime était de ne pas retenir l'expression de leurs sentiments à la vue de telles destructions. Bientôt, hélas ! dans le bercail désolé, la terreur régna en maîtresse ; courbant la tête sous l'ouragan, les chefs du troupeau se prêtèrent à de lamentables compromissions.
C'est alors qu'on vit la noble lignée de saint Basile, moines et vierges consacrées, se levant tout entière, tenir tête aux tyrans. Au prix de l'exil, de l'horreur des cachots, de la mort par la faim, sous le fouet, dans les flots, de l'extermination par le glaive, ce fut elle qui sauva les traditions de l'art antique et la foi des aïeux. Vraiment apparut-elle, à cette heure de l'histoire, personnifiée dans ce saint moine et peintre du nom de Lazare qui, tenté par flatterie et menaces, puis torturé, mis aux fers, et enfin, récidiviste sublime, les mains brûlées par des lames ardentes, n'en continua pas moins, pour l'amour des Saints, pour ses frères et pour Dieu, d'exercer son art, et survécut aux persécuteurs.
Alors aussi s'affirma définitivement l'indépendance temporelle des Pontifes romains, lorsque l’Isaurien menaçant de venir jusque dans Rome briser la statue de saint Pierre, l'Italie s'arma pour interdire ses rivages aux barbares nouveaux, défendre les trésors de ses basiliques, et soustraire le Vicaire de l'Homme-Dieu au reste de suzeraineté que Byzance s'attribuait encore.
Glorieuse période de cent vingt années, comprenant la suite des grands Papes qui s'étend de saint Grégoire II à saint Pascal Ier, et dont les deux points extrêmes sont illustrés en Orient par les noms de Théodore Studite, préparant dans son indomptable fermeté le triomphe final, de Jean Damascène qui, au début, signifia l'orage. Jusqu'à nos temps, il était à regretter qu'une époque dont les souvenirs saints remplissent les fastes liturgiques des Grecs, ne fût représentée par aucune fête au calendrier des Eglises latines. Sous le règne du Souverain Pontife Léon XIII, cette lacune a été comblée ; depuis l'année 1892, Jean Damascène, l'ancien vizir, le protégé de Marie, le moine à qui sa doctrine éminente valut le nom de fleuve d'or, rappelle au cycle de l'Occident l'héroïque lutte où l'Orient mérita magnifiquement de l'Eglise et du monde.

L'image est le livre de ceux qui ne savent pas lire ; souvent les lettrés mêmes profitent plus dans la vue rapide d'un tableau éloquent, qu'ils ne feraient dans la lecture prolongée de nombreux volumes (lbid. Comment, in Basil.). L'artiste chrétien, dans ses travaux, fait acte en même temps de religion et d'apostolat ; aussi ne doit-on pas s'étonner des soulèvements qu'à toutes les époques troublées la haine de l'enfer suscite pour détruire ses œuvres.
Avec vous, qui compreniez si bien le motif de cette haine, nous dirons donc :
" Arrière, Satan et ton envie, qui ne peut souffrir de nous laisser voir l'image de notre Seigneur et nous sanctifier dans cette vue ; tu ne veux pas que nous contemplions ses souffrances salutaires, que nous admirions sa condescendance, que nous ayons le spectacle de ses miracles pour en prendre occasion de connaître et de louer la puissance de sa divinité. Envieux des Saints et des honneurs qu'ils tiennent de Dieu, tu ne veux pas que nous ayons sous les yeux leur gloire, de crainte que cette vue ne nous excite à imiter leur courage et leur foi ; tu ne supportes pas le secours qui provient à nos corps et à nos âmes de la confiance que nous mettons en eux. Nous ne te suivrons point, démon jaloux, ennemi des hommes." (De Imaginibus, III, 3.).
Soyez bien plutôt notre guide, Ô vous que la science sacrée salue comme un de ses premiers ordonnateurs. Connaître, disiez-vous, est de tous les biens le plus précieux (Dialectica, I.). Et vous ambitionnez toujours d'amener les intelligences au seul maître exempt de mensonge, au Christ, force et sagesse de Dieu : pour qu'écoutant sa voix dans l'Ecriture, elles aient la vraie science de toutes choses ; pour qu'excluant toutes ténèbres du cœur comme de l'esprit, elles ne s'arrêtent point à la porte extérieure de la vérité, mais parviennent à l'intérieur de la chambre nuptiale (Ibid.).
Un jour, Ô Jean, Marie elle-même prédit ce que seraient votre doctrine et vos œuvres ; apparaissant à ce guide de vos premiers pas monastiques auquel vous obéissiez comme à Dieu, elle lui dit :
" Permets que la source coule, la source aux eaux limpides et suaves, dont l'abondance parcourra l'univers, dont l'excellence désaltérera les âmes avides de science et de pureté, dont la puissance refoulera les flots de l'hérésie et les changera en merveilleuse douceur."
Et la souveraine des célestes harmonies ajoutait que vous aviez aussi reçu la cithare prophétique et le psaltérion, pour chanter des cantiques nouveaux au Seigneur notre Dieu, des hymnes émules de ceux des Chérubins (Joan. Hierosolymit. Vita J. Damasceni, XXXI.). Car les filles de Jérusalem, qui sont les Eglises chantant la mort du Christ et sa résurrection (Ibid.), devaient avoir en vous l'un de leurs chefs de chœurs. Des fêtes de l'exil, de la Pâque du temps, conduisez-nous par la mer Rouge et le désert à la fête éternelle, où toute image d'ici-bas s'efface devant les réalités des cieux, où toute science s'évanouit dans la claire vision, où préside Marie, votre inspiratrice aimée, votre reine et la nôtre."
00:15 Publié dans J | Lien permanent | Commentaires (2)
mercredi, 26 mars 2025
26 mars. Saint Ludger, premier évêque de Münster. 809.
- Saint Ludger, premier évêque de Münster. 809.
Pape : Saint Léon III. Empereur : Saint Charlemagne.
" Quis te docuit ? Respondens, ait : Deus me docuit."
" Qui t'a instruit ? Il répondait : Dieu m'a instruit."
Saint Ludger enfant. Vita, apud Bolland. et Pertz, II, 407.

Statue reliquaire de saint Ludger. Cathédrale Saint-Paul de Münster.
Dans un canton de Frise, où la foi commençait à s'introduire, la femme d'un chef crétien avait mit au monde une fille. L'aïeule encore païenne, irritée contre sa bru, qui ne lui donnait pas de petit-fils, ordonna que l'nfant fût étouffée, comme le permettait les lois, avant qu'elle eût goûté le lait de sa mère, ou la nourriture des hommes. Un esclave l'emporta pour la noyer, et la plongea dans un grand vase plein d'eau. Mais l'enfant étendant ses petites mains, se retenait aux bords. Les cris attirèrent une femme qui l'arracha des bras de l'esclave, l'emporta dans sa maison et lui mouilla les lèvres d'un peu de miel ; dès lors, les lois ne permettait pas qu'elle mourût : ce fut la mère de saint Ludger.
Le signe de Dieu était sur cette maison, et l'on vit de bonne heure ce que Ludger serait un jour. Ses parents le mirent donc au monastère d'Utrecht, et il y fit tant de progrès dans les lettres sacrées, qu'on l'envoya aux écoles d'York, où les leçons d'Alcuin attiraient un grand concours de jeunes gens des contrées étrangères.
Il y passa quatre ans et revint en Frise avec un grand savoir et beaucoup de livres. Alors on l'appliqua à la prédication de l'Evangile dans le canton d'Ostracha. Mais au milieu des païens, il n'oubliait pas ses amis d'Angleterre. Pendant qu'il bâtissait un oratoire, Alcuin lui adressait des vers pour les inscrire au porche de l'édifice. Vers le même temps, il recevait de l'un de ses condisciples d'York une épître qui commençait ainsi :
" Frère, frère chéri de cet amour divin plus fort que le sang, Ludger que j'aime, puisse la grâce du Christ vous sauver. Prêtre honoré aux rivages occidentaux du monde, vous êtes savant, puissant par la parole, profond par la pensée. Tandis que vou sgrandissez dans le bien, ministre de Dieu, souvenez-vous de moi, et que vos prières recommandent au ciel celui qui vous célébra dans ses chants trop courts !"
Et le poëte finissait, demandant à son ami un bâton de bois blanc, humble don pour humble vers.

Saint Ludger. Münster. XIVe.
Ludger travailla sept ans, au bout desquels Witikind ayand soulevé les Saxons, les païens se jetèrent dans la Frise et chassèrent les prédicateurs de la foi. Alors Ludger se rendit à Rome, puis au mont Cassin, où il s'arrêta pour étudier la règle de saint Benoît et la rapporter parmi les moines de sa province. A son retour, le bienheurex roi Charlemagne, qui venait de vaincre les Barbares, le chargea d'évangéliser les cinq cantons de la Frise orientale. Ludger les parcourut, renversant les idoles et annonçant le vrai Dieu. Ensuite, ayant passé dans l'île de Fositeland, il détruisit les temples qui en faisait un lieu vénéré des nations du Nord et baptisa les habitants dans les eaux d'une fontaine qu'ils avaient adorée.
Vers ce temps-là, comme il voyageait de village en village, et qu'un jour il avait reçu l'hospitalité d'une noble dame, pendant qu'il mangeait avec ses disciples, on lui présenta un aveugle nommé Bernlef, que les gens du pays aimaient, parce qu'il savait bien chanter les récits des anciens temps et les combats des rois ; le serviteur de Dieu le pria de se trouver le lendemain en un lieu qu'il lui marqua. Le lendemain, quand il aperçut Bernlef, il descendit de cheval, l'emmena à l'écart, entendit sa confession, et, faisant le signe de la Croix sur ses yeux, lui demanda s'il voyait. L'aveugle vit d'abord les mains du prêtre, puis les arbres et les toits du hameau voisin. Mais Ludger exigea qu'il cachât ce miracle. Plus tard, il le prit à sa suite pour baptiser les païens, et il lui enseigna les psaumes pour les chanter au peuple.
Cependant le roi Charles, apprenant le grand bien que saint Ludger avait fait, l'établit à Mimigerford, qui fut depuis Münster, au canton de Suthergau, en Westphalie, et o, l'ordonna évêque malgré lui. Alors il éleva des églises et dans chacune il mit un prêtre du nombre de ses disciples. Lui-même instruisait tous les jours ceux qu'il destinait aux saints autels, et dont il avait choisi plusieurs parmi les enfants des Barbares. Il ne cessait pas non plus d'exhorter le peuple, invitant même les pauvres à sa table, afin de les entretenir plus longtemps.
Ses grandes aumônes vidaient les trésors de l'église, jusqu'au jour où il fut accusé auprès du bienheureux Charles comme dissipateur des biens du clergé. Il se rendit donc à la cour, et, comme il s'était mis à prier et à réciter son bréviaire en attendant l'heure de l'audience, un officier l'appela. Le Saint voulut achever sa prière et se fit attendre :
" Pourquoi, lui dit Charles, n'être pas venu tout d'abord ?
- Prince, répond l'évêque, je priais Dieu ; quand vous m'avez choisi pour évêque, vous m'avez recommandé de préférer toujours le service de ce Roi des rois à celui des hommes, à celui même de l'empereur."


Couverture d'un livre exécuté pour le bienheureux Rodolphe,
abbé du monastère Saint-Ludger de Werden.
Signalons que c'est d'un monastère de chanoines réguliers que saint Ludger avait établi dans sa ville épiscopale, que celle-ci prit le nom de Münster.
Saint Ludger est le patron de Münster, de Werden, de la Frise orientale, de Helmstadt, de Deventer, de Kaiserwerth, etc.
L'essentiel de ses saintes reliques se trouvent toujours à Werden, même si Münster et Billerbeck en possèdent des fragments.
On représente saint Ludger :
1. soutenant une église ou s'appuyant dessus : ce symbole rappelant toujours les fondateurs d'églises ;
2. tenant un livre ou l'ayant à ses côtés : ce livre rappelant son amour rare pour l'étude dans sa jeunesse ou, mieux encore, la circonstance du bréviaire qu'il était en train de lire lorsqu'on vint le demander de la part de saint Charlemagne.

Cathédrale Saint-Ludger de Billerbeck. Wesphalie. Allemagne.
00:15 Publié dans L | Lien permanent | Commentaires (0)