UA-75479228-1

Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

mardi, 13 février 2024

13 février. Sainte Catherine de Ricci, de l'Ordre de Saint-Dominique, vierge. 1590.

- Sainte Catherine de Ricci, de l'Ordre de Saint-Dominique, vierge. 1590.
 
Pape : Sixte Quint (V). Grand-duc de Toscane : Ferdinand Ier de Médicis. Roi de France : Empereur du Saint-Empire : Rodolphe II de Habsbourg. Roi de France : Henri de Navarre (usurpateur sous le nom d'Henri IV. C'est Louis XIII qui légitimera les Bourbons sur le trône Très Chrétien en consacrant la France à Notre Dame et en faisant de la fête de l'Assomption la fête nationale de la France).

" Non est mortale quod opto."
" Mes voeux s'élèvent bien au-dessus des chose mortelles."
Sainte Catherine de Ricci.

" On ne donne pas des joyaux et des perles à ceux qui n'en connaissent pas le prix. Ni moi non plus, je ne livre pas mes dons et mes faveurs à ceux qui ne savent pas les apprécier. Je ne les donne qu'aux âmes qui les recherchent et me les demandent instamment."
Notre Seigneur Jésus-Christ à Sainte Catherine de Ricci.


Sainte Catherine de Ricci.

La vie de notre grande sainte est l'une des plus prodigieuses, par les ravissements, les extases, les grâces extraordinaires et variées qui la remplissent.

Sainte Catherine (" Alexandrine " avant d'entrer en religion) de Ricci naquit à Florence en 1522.
Dès l'âge de trois ans, on la voyait s'exercer à la prière, rechercher la solitude et le silence pour s'y livrer plus à l'aise, et sa prière était si recueillie, qu'elle y paraissait l'esprit absorbé en Dieu, et comme plongée dans la contemplation de Ses mystères.

La Passion de Jésus-Christ était déjà l'objet des vives ardeurs de son amour, et elle préludait par ses exercices enfantins à cette admirable dévotion envers Jésus crucifié, qui est le caractère le plus éclatant de sa vie.

Elle prit le voile à treize ans, chez les Dominicaines. C'est à l'âge de dix-neuf ans qu'elle reçut cette grâce inouïe de voir changer par Notre-Seigneur son coeur en celui de Marie. Quelques mois après, elle eut une mémorable extase de la Passion, qui dura vingt-huit heures, et dans laquelle elle assista successivement au détail de toutes les scènes de la Passion du Sauveur, paraissant elle-même, par ses gestes, subir chacun des supplices dont elle était témoin. Ce spectacle devait se renouveler toutes les semaines pendant les douze dernières années de sa vie. On entendait, dans ces extases, la Sainte pousser des exclamations de douleur et d'amour. Quelle impression pour les innombrables témoins de ces merveilles !

Le cachet de la vertu véritable, c'est l'humilité ; un seul fait montrera que Catherine était bien conduite par l'esprit de Dieu. Elle avait appris que ses soeurs s'étaient plu à écrire, pour en garder le souvenir, la relation de toutes les grâces et faveurs extraordinaires dont le Ciel l'avait comblée. Elle n'eut point de repos avant d'avoir mis la main sur tous ces écrits. Un jour, pendant que ses soeurs étaient à l'office, elle entra dans leurs cellules, s'empara de tous les manuscrits qu'elle put rencontrer, les mit dans un sac, et, le portant à la soeur boulangère, qui chauffait le four :
" Tenez, lui dit-elle, brûlez vite tout ceci, car malheur à nous si on le trouvait dans la maison !"

Notre sainte eut une influence très importante sur saint Pie V, saint Charles Borromée, saint Philippe Neri et sainte Marie-Madeleine de Pazzi.

Au cours de l'une de ses extases, la Sainte Vierge la prend par la main et l'amène à son Fils :
" Ô mon Fils, voici que je vous présente notre très chère vierge Catherine, qui sollicite de votre tendresse la grâce de changer son cœur de chair en un cœur tout céleste, afin qu'elle soit plus digne de vous, en prenant un cœur semblable au vôtre. O ma chère Mère, vous ai-je jamais refusé quelque chose, et votre cœur n'est-il pas le chemin naturel qui mène à mon cœur ? Il sera fait comme vous avez demandé. Et vous, ma très chère fille Catherine, souvenez-vous que dès cet instant vous ne vous appartenez plus, et que vous êtes toute à moi ; car voici que je purifie votre cœur de toute affection qui n'est pas la mienne, et que je le remplis de mon seul amour."

Extase et vision de sainte Catherine de Ricci.
Bronze de Massimiliano Soldani Benzi. Florence. XVIIe.

Sa dernière prière fut le Pater Noster. Le couvent retentit alors des chants harmonieux des anges. En différents lieux, de saints personnages eurent la vision d'une magnifique procession de Saints et de Saintes ; au bout du cortège, Jésus conduisait en triomphe Sa glorieuse épouse.

Il faut relever que sainte Catherine de Ricci était une amie de saint Philippe de Néri, le fondateur de l'Oratoire, avec lequel elle entretint des rapports épistolaires, et qu'elle communia avec lui dans un même culte pour la mémoire de Savonarole.

On représente sainte Catherine de Ricci recevant de Notre Seigneur Jésus Christ l'anneau des vierges, une couronne d'épines sur la tête, priant devant le crucifix - Notre Seigneur semblant s'en détaché pour embrasser notre sainte.

00:15 Publié dans C | Lien permanent | Commentaires (0)

lundi, 12 février 2024

12 février. Saint Saturnin, saint Datif (ou Dative), et leurs compagnons, Martyrs en Afrique. 304.

- Saint Saturnin, saint Datif (ou Dative), et leurs compagnons, Martyrs en Afrique. 304.
 
Pape : Saint Marcellin. Empereur romain d'Occident : Maximien Hercule. Empereur romain d'Orient : Dioclétien.

" J'ai vu les âmes de ceux qui ont été tués pour la parole de Dieu et à cause du témoignage qu'ils lui avaient rendu ; elles se tenaient debout devant le trône de l'Agneau, avec des palmes à la main."
Apoc., VII, 9.


Saint Saturnin saint Dative et leurs compagnons.
Ménologe grec. XIe.

A la suite de l'édit de 303, un grand nombre d'Eglises avaient suspendu l'assemblée des fidèles. Si quelques exceptions passèrent inaperçues grâce, souvent, à la tolérance des fonctionnaires, il n'en allait pas de même dans les provinces où la persécution était conduite avec rigueur, notamment en Afrique. Dans la ville d'Abitène une communauté avait pu se reformer sous la présidence d'un prêtre, car l'évêque avait perdu toute autorité morale depuis qu'il avait livré les saintes Ecritures.

Les Actes très complets que nous possédons dispensent d'entrer ici dans plus de détails. Ces Actes viennent du greffe officiel, un écrivain donatiste y a mêlé de son style dans la seule version que l'on en ait :

" Ici commencent la Confession et les Actes des martyrs Saturnin, prêtre, Félix, Dative, Ampèle, et des autres dont on lira les noms plus bas. Ils ont confessé le Seigneur, à Carthage, le 11 février, sous le proconsul d'Afrique Aurèle, à cause des Collectes et des Écritures divines ; depuis ils ont répandu leur sang bienheureux en divers lieux et à différentes époques pour la défense de leur foi.

Sous le règne de Dioclétien et Maximien, le diable dirigea contre les chrétiens une nouvelle guerre. Il recherchait, pour les brûler, les Livres saints, renversait les églises chrétiennes et interdisait la célébration du culte et des assemblées des fidèles. Mais la troupe du Seigneur ne put supporter un commandant aussi injuste, elle eut horreur de ces défenses sacrilèges, saisit à l'instant les armes de la foi, et descendit au combat moins pour lutter contre les hommes que contre le démon.

Sans doute quelques-uns tombèrent détachés de la foi qui faisait leur appui, en livrant aux païens, pour être brûlés par eux, les Écritures divines et les livres de la liturgie (ce terme est employé pour traduire le mot latin sacrosancta Domini Testamenta et plus bas divina Testamenta, parce que, rapproché les deux fois de Scriptura divina, il me semble pouvoir viser les livres. dans lesquels était consignée la liturgie du sacrifice dont le Sauveur avait dit : " Ceci est le Testament nouveau et éternel.") ; le plus grand nombre cependant surent mourir avec courage et répandirent leur sang pour les défendre. Remplis de Dieu qui les animait, après avoir vaincu et terrassé le diable, ces martyrs ont conquis dans leurs souffrances la palme de la victoire, et écrit de leur sang, contre les traditeurs et leurs congénères, la sentence par laquelle l'Eglise les rejetait de sa communion, parce qu'il n'était pas possible qu'il y eût, à la fois, dans l'Eglise de Dieu, des martyrs et des traditeurs.

On voyait de toutes parts accourir au lieu du combat d'innombrables légions de confesseurs, et partout où chacun d'eux trouvait un adversaire, il y dressait le champ clos du Seigneur.

Lorsque eut sonné la trompette de guerre dans la ville d'Abitène, dans le logis d'Octave Félix, de glorieux martyrs levèrent le drapeau du Christ, leur Seigneur. Tandis qu'ils y célébraient, comme ils avaient coutume de faire, le mystère de l'Eucharistie, ils furent arrêtés par les magistrats de la colonie, assistés des hommes de police.
C'étaient le prêtre Saturnin avec ses quatre enfants, Saturnin le jeune et Félix, tous deux lecteurs, Marie, vierge consacrée, et le petit Hilarion. Venaient ensuite le décurion Dative, trois hommes nommés Félix, Eméritus, Ampèle, trois hommes portant le nom de Rogatien, Quintus, Maximin, Thelique, deux hommes ayant nom Rogatus, Janvier, Cassien, Victorien, Vincent, Cecilien, Givalis, Martin, Dante, Victorin, Peluse, Fauste, Dacien, et dix-huit femmes : Restitute, Prime, Eve, Pomponie, Seconde, deux femmes portant le nom de Januarie, Saturnine, Marguerite, Majore, Honorée, Regiole, deux femmes du nom de Matrone, Cécile, Victoire, Hérectine et Seconde. Tous furent amenés au Forum.
 

Martyre de saint Saturnin et de saint Dative.
Speculum historiale. V. de Beauvais. XVe.
 
Pour ce premier combat Dative, que ses pieux parents avaient engendré pour qu'il portât un jour la robe blanche des sénateurs dans la cour céleste, Dative, dis-je, ouvrait la marche. Saturnin le suivait, escorté de ses quatre enfants comme d'une muraille (faite de sa propre chair) ; deux d'entre eux devaient partager son martyre ; il laisserait les autres à l'Église pour rappeler sa mémoire et son nom. Puis venait la troupe fidèle éblouissante de la splendeur des armes célestes, le bouclier de la foi, la cuirasse de la justice, le casque du salut et le glaive à deux tranchants de la parole sainte.

Invincibles dans cet équipage, ils donnaient aux frères l'assurance de leur prochaine victoire. Enfin, ils arrivèrent sur le Forum, où ils livrèrent leur premier combat, duquel, de l'aveu des magistrats, ils sortirent vainqueurs. C'est sur ce Forum que le ciel s'était déjà révélé. On venait de jeter au feu les Écritures livrées par l'évêque Fundanus ; aussitôt, quoique le ciel fût sans nuage, une averse subite éteignit le feu, tandis que la grêle et les éléments déchaînés, respectueux des Écritures, ravageaient tout le pays.

Ce fut donc à Abitène que les martyrs commencèrent de porter ces chaînes tant souhaitées. On les mena à Carthage au proconsul Anulinus. Pendant la route les confesseurs chantaient des hymnes ; à leur arrivée, afin de leur enlever l'appui qu'ils tiraient de leur réunion, on les fit comparaître séparément.

Ce qui suit contient les propres paroles des martyrs qui feront voir l'impudence de l'ennemi, ses attaques sacrilèges, la patience des frères et, dans leur confession, la toute-puissante vertu du Christ Notre-Seigneur. L'huissier les présenta au proconsul sous le titre de chrétiens envoyés par les magistrats d'Abitène sous l'inculpation d'assemblées illicites pour la célébration de leurs mystères.

Le proconsul demanda à Dative quelle était sa condition et s'il avait pris part à une assemblée. Dative se déclara Chrétien et reconnut avoir assisté aux réunions.
Le proconsul demanda ensuite qui était l'organisateur des réunions ; en même temps on étendit Dative sur le chevalet, et les bourreaux s'apprêtèrent à lui déchirer le corps avec des ongles de fer ; ils mettaient à leur besogne une hâte fiévreuse ; déjà les flancs étaient à nu, les valets prenaient les ongles de fer, lorsque Thélique fendit la foule et, bravant la souffrance, cria :
" Nous sommes chrétiens ! Nous nous sommes assemblés."
Le proconsul rugit, il fit rouer de coups le chrétien, puis le fit mettre sur le chevalet d'où les ongles de fer faisaient voler les lambeaux de sa chair.
Thélique priait :
" Grâces à vous, mon Dieu. Par ton nom, Christ Fils de Dieu, délivre tes serviteurs."
Le proconsul lui demanda :
" Qui fut ton collègue pour l'organisation des assemblées ?"
Les bourreaux redoublaient. Thélique cria :
" C'est Saturnin et tous."
Généreux martyr ! Tous sont au premier rang ! Il ne nomma pas le prêtre sans les frères, mais au prêtre il joint les frères dans une confession commune.
Le proconsul se fit montrer Saturnin. Thélique le lui désigna. Il ne trahissait pas, puisque Saturnin était là, à ses côtés, combattant le diable, mais il tenait à prouver au proconsul qu'il s'agissait réellement d'une assemblée, puisqu'un prêtre était avec eux.
 

Sainte Victoire démasquant le démon.
Vie de saints. R. de Monbaston. XIVe.

Cependant le martyr unissait ses prières à son sang, et, fidèle aux préceptes de l'Évangile, il priait pour ceux qui déchiraient son corps. Pendant la torture il ne cessa de parler et de prier :
" Malheureux, tu agis injustement ; tu combats contre Dieu. Dieu très haut, ne leur impute pas ce péché. Tu pèches, malheureux, tu combats Dieu. Observe les commandements du Dieu très haut. Malheureux, tu agis injustement, tu déchires des innocents. Nous n'avons pas commis d'homicides, ni de fraudes. Mon Dieu, aie pitié ; je te rends grâces, Seigneur. Pour l'amour de ton nom, donne-moi la force de souffrir. Délivre tes serviteurs de la captivité du monde. Je te rends grâces. Je ne suffis pas à te rendre grâces."
Les ongles de fer creusaient dans la chair de plus en plus, le sang ruisselait ; à ce moment le proconsul dit :
" Tu vas commencer à sentir les souffrances qui vous sont réservées."
Thélique riposta :
" C'est pour la gloire. Je rends grâces au Dieu des royaumes. Il apparaît, le royaume éternel, le royaume incorruptible. Seigneur Jésus-Christ, nous sommes Chrétiens, nous te servons ; tu es notre espérance, tu es l'espérance des chrétiens. Dieu très saint, Dieu très haut, Dieu tout-puissant ! Nous louons ton saint nom, Seigneur Dieu tout-puissant."
Le juge, porte-voix du diable, lui dit :
" Il te fallait observer l'ordre des Empereurs et des Césars."
Thélique, malgré son état d'épuisement, répondit :
" Je m'occupe seulement de la loi de Dieu qui m'a été enseignée. C'est elle que j'observe, je vais mourir pour elle, j'expire en elle, il n'y en a pas d'autres.
- Cessez !", dit le proconsul aux tortionnaires.
Thélique fut mis au cachot, réservé à des souffrances plus dignes de lui et de son courage.

Ce fut alors au tour de Dative, resté étendu sur le chevalet d'où il voyait le combat de Thélique. Il répétait souvent :
" Je suis Chrétien ", et il déclarait s'être trouvé à l'assemblée, lorsque l'on vit sortir de la foule Fortunatien, frère de la martyre Victoire.
C'était un grand personnage, qui avait droit de porter la toge, il était encore païen ; il interpella Dative :
" C'est toi qui, pendant que je faisais ici mes études et que mon père était absent, as séduit ma soeur Victoire, et de cette splendide cité de Carthage l'a conduite, en même temps que Seconde et Restitute, dans la colonie d'Abitène. Tu n'es entré chez nous que pour corrompre l'esprit de quelques jeunes filles."

Victoire fut indignée d'entendre ces mensonges contre le sénateur. Prenant la parole avec la liberté d'une chrétienne, elle s'écria :
" Je n'ai eu besoin de personne pour partir. Ce n'est pas avec Dative que je suis venue à Abitène. Qu'on interroge les gens de la ville. Tout ce que j'ai fait, c'est de moi-même, en toute liberté. Oui, j'étais de la réunion, parce que je suis Chrétienne."

Fortunatien continua d'incriminer Dative, qui, du haut de son chevalet, niait, réfutait tout. Anulinus ordonna qu'on reprît les angles de fer, les bourreaux mirent à nu les flancs du martyr et prirent leurs crocs; leurs mains volaient, déchirant la peau, accrochant les entrailles, mettant à jour jusqu'au coeur. Dative demeurait calme : les membres se rompaient, les entrailles sortaient, les côtes volaient en éclats, son coeur restait intact et ferme. Jadis sénateur, il se souvenait du rang qu'il avait occupé dans la cité, et tandis qu'on frappait, il disait :
" Ô Christ Seigneur, que je ne sois pas confondu !
- Cessez !", dit le proconsul tout troublé.
On s'arrêta. Il n'était pas juste que le martyr du Christ fût tourmenté dans une cause qui regardait la seule Victoire.

Un avocat, Pompeianus, entra en scène, apportant contre Dative d'infâmes insinuations, mais le martyr lui dit avec mépris :
" Que fais-tu, démon ? Que tentes-tu contre les martyrs du Christ ?"
On reprit la torture. Cette fois on interrogeait sur la participation à l'assemblée. Dative répéta qu'étant survenu pendant les mystères, il s'était uni à ses frères et que la réunion n'avait pas été organisée par un seul.
Le bourreau redoubla. Dative répétait :
" Je te prie, Ô Christ, que je ne sois pas confondu.
- Qu'ai-je fait ?
- Saturnin est notre prêtre."

On appela Saturnin. Celui-ci, perdu en Dieu, n'avait regardé les tourments de ses frères que comme une chose peu importante.
Le proconsul lui dit :
" Tu as contrevenu aux édits des Empereurs et des Césars en réunissant tous ces gens-là.
- Nous avons célébré en paix les mystères.
- Pourquoi ?
- Parce qu'il n'est pas permis de suspendre les mystères du Seigneur."
Le proconsul le fit étendre sur un chevalet en face de Dative, qui assistait comme insensible à l'émiettement de son corps et répétait à Dieu :
" Aide-moi, je t'en prie, Christ, aie pitié. Sauve mon âme, garde mon esprit, que je ne sois pas confondu. Je te prie, Ô Christ, donne-moi la force de souffrir."
Le proconsul dit à Dative :
" Toi, membre du conseil de cette splendide cité, tu devais ramener les autres à de meilleurs sentiments, au lieu de transgresser l'ordre des Empereurs et des Césars.
- Je suis Chrétien ", répondit Dative.
Par ces seuls mots, le démon fut vaincu.
" Cessez !", dit-il, et il fit reconduire le martyr à la prison.

Saturnin, étendu sur un chevalet déjà mouillé du sang des martyrs, trouvait dans ce contact une nouvelle vigueur.
Le proconsul lui demanda s'il était l'organisateur de la réunion.
" J'étais présent ", dit Saturnin.
Un homme bondit, c'était le lecteur Ernéritus :
" L'organisateur c'est moi, la maison c'est la mienne."
Le proconsul continua de s'adresser au vieux prêtre :
" Pourquoi violes-tu le décret des empereurs ?
- Le jour du Seigneur ne peut être omis, c'est la loi.
- Tu n'aurais pas dû mépriser la défense, mais obéir à l'ordre impérial."

La torture commence, les nerfs sont brisés, les entrailles mises à nu, la foule voit les os du martyr ruisselant de sang. Lui craignait que, à cause des lenteurs de la torture, son âme ne s'échappât dans un instant de répit.
" Je t'en prie, dit-il, Christ, exauce-moi. Je te rends grâces, Ô Dieu, ordonne que je sois décapité. Je te prie, Christ, aie pitié ; Fils de Dieu, viens à mon secours."


Martyres des saintes Restitute, Seconde, Pomponie, Januarie.
Vies de saints. R. de Monbaston. XIVe.
 
Le proconsul disait :
" Pourquoi violais-tu l'édit ?"
Le prêtre répondit :
" La loi l'ordonne... le commande.
- Cessez !", dit Anulinus, et il fit emmener le vieux prêtre à la prison.

Ce fut au tour d'Eméritus.
" Des assemblées ont eu lieu chez toi.
- Oui, nous avons célébré le jour du Seigneur.
- Pourquoi permettais-tu à ceux-ci d'entrer ?
- Parce qu'ils sont mes frères et que je ne pouvais le leur défendre.
- Tu aurais dû le faire.
- Je ne pouvais pas, nous ne pouvons vivre sans célébrer le jour du Seigneur."

On l'étendit sur le chevalet et on appela un nouveau bourreau.
" Je t'en prie, Christ, disait Eméritus, viens à mon secours.
- Tu vas contre les commandements de Dieu, malheureux."

Le proconsul l'interrompit :
" Tu n'aurais pas dû les recevoir.
- Je ne puis pas ne pas recevoir mes frères.
- L'ordre des empereurs doit l'emporter sur tout.
- Dieu est plus grand que les empereurs. Ô Christ, je t'invoque reçois mes hommages, Christ, mon Seigneur, donne-moi la force de souffrir.
- Tu as des Écritures dans ta maison ?
- J'en possède, mais dans mon coeur.
- Sont-elles dans ta maison, oui ou non ?
- Je les ai dans mon coeur. Christ, je t'en supplie, à toi mes louanges : délivre-moi, Ô Christ, je souffre pour ton nom. Je souffre pour peu de temps, je souffre volontiers : Christ, Seigneur, que je ne sois pas confondu."
" Cessez !", dit le proconsul, et il dicta le procès-verbal des premiers interrogatoires, puis il ajouta :
" Conformément à vos aveux, vous recevrez tous le châtiment que vous avez mérité."

La rage de cette bête commençait à se calmer, quand un chrétien nommé Félix, qui allait réaliser à l'instant, dans les supplices, la vérité de son nom, s'offrit au combat. Le groupe des accusés était là, toujours invincible.
" J'espère, dit Anulinus s'adressant à Félix et à tous les autres, j'espère que vous prendrez le parti d'obéir, afin de conserver la vie."
Les confesseurs dirent d'une seule voix :
" Nous sommes Chrétiens ; nous ne pouvons que garder la saine loi du Seigneur jusqu'à l'effusion du sang."
Se tournant vers Félix :
" Je ne te demande pas si tu es Chrétien, mais si tu as pris part à une assemblée et si tu possèdes les Écritures.
- La réunion, dit Félix, nous l'avons célébrée solennellement : nous nous réunissons toujours le jour du Seigneur pour lire les divines Écritures."

Anulinus, confondu, fit bâtonner Félix ; le martyr mourut pendant le supplice, mais un autre Félix lui succéda, semblable au précédent par le nom, par la foi, par le martyre. Descendu dans l'arène avec le même courage, il fut brisé comme lui sous le bâton et mourut pendant le supplice.

Vint le tour du lecteur Ampèle, à qui le proconsul demanda s'il avait assisté à la réunion :
" Je me suis réuni aux frères, j'ai célébré le jour du Seigneur, je possède les Écritures, mais dans mon coeur. Ô Christ, je te loue ; Ô Christ, exauce-moi."
On le frappa à la tête et on le reconduisit à la prison, où il pénétra comme dans le tabernacle du Seigneur.
Rogatien confessa, mais ne fut pas frappé.

Quintus, Maximien, et un troisième Félix furent bâtonnés. Pendant son supplice Félix disait :
" J'ai célébré avec dévotion le jour du Seigneur, je fus de l'assemblée avec les frères, parce que je suis Chrétien."
On le joignit aux autres dans la prison.

Saturnin, le fils du vieux prêtre, s'avança, impatient d'égaler son père :
" Étais-tu présent ?" dit le proconsul.
" Je suis Chrétien.
- Je ne te demande pas cela, étais-tu à la réunion ?
- J'y étais, parce que le Christ est mon Sauveur."

On mit le fils sur le chevalet où le père avait été étendu.
" Choisis ! Tu vois ta position. As-tu les Écritures ?
- Je suis chrétien.
- Je te demande si tu étais de la réunion et si tu as les Ecritures.
- Je suis chrétien. Le nom du Christ est le seul par qui nous puissions être sauvés.
- Puisque tu t'obstines, tu vas être torturé. Une dernière fois as-tu les Ecritures ?"
Se tournant vers le bourreau :
" Commence."

Le sang du fils se mêlait sur les crocs au sang du père. Dans ce mélange sacré l'enfant sembla trouver une vigueur nouvelle :
" J'ai les divines Écritures, dit-il, mais dans mon coeur. Je t'en prie, Ô Christ, donne-moi la force de souffrir, en toi est mon espérance.
- Pourquoi désobéis-tu à l'édit ?
- Parce que je suis chrétien.
- Cessez !", dit le proconsul, et l'enfant alla rejoindre son père.

Le jour baissait (il régnait une sorte de lassitude générale parmi les assistants et les bourreaux). Le proconsul s'adressa aux chrétiens qui n'avaient pas encore été interrogés :
" Vous voyez, leur dit-il, ce qu'ont souffert ceux qui se sont obstinés, et ce qu'il leur faudra souffrir encore s'ils persistent dans leur foi. Celui d'entre vous qui espère l'indulgence et veut avoir la vie sauve n'a qu'à avouer."
Les confesseurs s'écrient :
" Nous sommes chrétiens."
Le proconsul fit conduire tout le monde en prison.

Les femmes, toujours avides de sacrifice et de dévouement, le glorieux choeur des vierges saintes, ne devait pas être privé des honneurs de ce grand combat ; toutes, avec l'aide du Christ, combattirent dans la personne de Victoire et triomphèrent avec elle. Victoire, la plus sainte des femmes, la fleur des vierges, l'honneur et la gloire des confesseurs, de grande race, plus grande encore par sa foi et sa piété, modèle de tempérance, d'autant plus belle qu'elle était plus chaste, également belle dans son âme et dans son corps, éclatante dans sa foi et dans la perfection de sa sainteté, Victoire se réjouissait de trouver dans le martyre la seconde palme qu'elle ambitionnait. Dès l'enfance sa pureté étincelait, en ces années d'imprévoyance elle se montrait pénitente et grave. A l'âge où la virginité se voue pour toujours, afin d'échapper à la violence morale de ses parents, elle s'enfuit par la fenêtre, presque à l'heure même de ses noces, se cacha dans une grotte et coupa sa chevelure.

Le proconsul lui demanda quelle était sa foi :
" Je suis chrétienne."
Fortunatien s'efforça de la faire passer pour folle.
Victoire dit :
" Telle est ma volonté, je n'ai jamais changé."
Le proconsul :
" Veux-tu retourner avec Fortunatien, ton frère ?
- Jamais ! Je suis Chrétienne, mes frères sont ceux-ci qui gardent les commandements de Dieu.
- Réfléchis ; tu vois que ton frère veut te sauver.
- J'ai ma volonté. Je n'en ai jamais changé. Je fus de l'assemblée parce que je suis Chrétienne."
On l'adjoignit aux autres martyrs dans la prison.

Restait le dernier fils du vieux Saturnin, Hilarion, un petit enfant.
Le magistrat lui dit :
" As-tu suivi ton père et tes frères ?"
Hilarion grossit sa voix pour dire :
" Je suis Chrétien, c'est de moi-même, volontairement, que je fus à l'assemblée avec papa et mes frères."

Le proconsul essaya d'intimider l'enfant :
" Je vais te couper les cheveux, le nez et les oreilles.
- Comme tu voudras, je suis Chrétien.
- Qu'on le mette en prison.
- Grâces à Dieu."

Rq : D'après le R. P. Allard, " les détails donnés par le compilateur donatiste sur le séjour des martyrs dans la prison sont trop suspects pour que nous en puissions retenir quelque chose. Un seul fait paraît vraisemblable : Anulinus les y oublia volontairement, et, l'un après l'autre, ils moururent de faim ".

00:15 Publié dans S | Lien permanent | Commentaires (0)

dimanche, 11 février 2024

Dimanche de la Quinquagésime.

- Dimanche de la Quinquagésime.



Notre Seigneur Jésus-Christ guérissant l'aveugle.
Duccio di Buoninsegna. XIIIe.

La vocation d'Abraham est le sujet que l'Eglise offre aujourd'hui à nos méditations. Quand les eaux du déluge se furent retirées, et que le genre humain eut de nouveau couvert la surface de la terre, la corruption des mœurs qui avait allumé la vengeance de Dieu reparut parmi les hommes, et l'idolâtrie, cette plaie que la race antédiluvienne avait ignorée, vint mettre le comble à tant de désordres. Le Seigneur, prévoyant dans sa divine sagesse la défection des peuples, résolut de se créer une nation qui lui serait particulièrement dévouée, et au sein de laquelle se conserveraient les vérités sacrées qui devaient s'éteindre chez les Gentils.

Ce nouveau peuple devait commencer par un seul homme, père et type des croyants. Abraham, plein de foi et d'obéissance envers le Seigneur, était appelé à devenir le père des enfants de Dieu, le chef de cette génération spirituelle à laquelle ont appartenu et appartiendront jusqu'à la fin des siècles tous les élus, tant de l'ancien peuple que de l'Eglise chrétienne.




Abraham. Lorenzo Monaco. XVe.

Il nous faut donc connaître Abraham, notre chef et notre modèle. Sa vie se résume tout entière dans la fidélité à Dieu, dans la soumission à ses ordres, dans l'abandon et le sacrifice de toutes choses, pour obéir à la sainte volonté de Dieu. C'est le caractère du chrétien ; hâtons-nous donc de puiser dans la vie de ce grand homme tous les enseignements qu'elle renferme pour nous.

Le texte de la Genèse que nous donnons ci-après servira de fondement à tout ce que nous avons à dire sur Abraham. La sainte Eglise le lit aujourd'hui dans l'Office des Matines :



Abraham. Chapelle des Strozzi, Eglise Santa Maria Novella.
Florence. XVIIIe.

Lecture du Livre de la Genèse. Chap. XII.

" Or le Seigneur dit à Abram :
" Sors de ton pays, et de ta parente, et de la maison de ton père, et viens dans la terre que je te montrerai ; et je ferai sortir de toi un grand peuple, et je glorifierai ton nom, et tu seras béni. Je bénirai ceux qui te béniront, et je maudirai ceux qui te maudiront ; et toutes les familles de la terre seront bénies en toi."
Abram sortit donc comme le Seigneur le lui avait commandé, et Loth alla avec lui. Or, Abram était âgé de soixante-quinze ans, lorsqu'il sortit de Haran, et il emmena avec lui Saraï son épouse et Loth fils de son frère, tout ce qu'ils possédaient, et tout ce qui leur était né dans Haran : et ils sortirent pour aller dans la terre de Chanaan. Lorsqu'ils y furent arrivés, Abram pénétra jusqu'au lieu appelé Sichem et jusqu'à la Vallée-Illustre ; le Chananéen occupait alors cette terre.
Or, le Seigneur apparut à Abram, et lui dit :
" Je donnerai cette terre à ta postérité. Abram éleva en cet endroit un autel au Seigneur qui lui était apparu, et étant passé de là vers la montagne qui est à l'orient de Bethel, il y dressa sa tente, ayant Bethel à l'occident et Haï à l'orient. Il éleva encore en ce lieu un autel au Seigneur, et il invoqua son Nom."

Quelle plus vive image pouvait nous être offerte du disciple de Jésus-Christ que celle de ce saint Patriarche, si docile et si généreux à suivre la voix de Dieu qui l'appelle ? Avec quelle admiration ne devons-nous pas dire, en répétant la parole des saints Pères :
" Ô homme véritablement chrétien avant même que le Christ fût venu ! Ô homme évangélique avant l'Evangile ! Ô homme apostolique avant les Apôtres !"



Abraham et les trois anges.
Gerbrandt Jansz van den Eeckhout. XVIIe.

A l'appel du Seigneur, il quitte tout, sa patrie, sa famille, la maison de son père, et il s'avance vers une région qu'il ne connaît pas. Il lui suffit que Dieu le conduise ; il se sent en sûreté, et ne regarde pas en arrière. Les Apôtres eux-mêmes ont-ils fait davantage ? Mais voyez la récompense. En lui toutes les familles de la terre seront bénies ; ce Chaldéen porte dans ses veines le sang qui doit sauver le monde. Il clora néanmoins ses paupières, avant de voir se lever le jour où, après bien des siècles, un de ses petits-fils, né d'une vierge et unie personnellement au Verbe divin, rachètera toutes les générations passées, présentes et futures. Mais en attendant que le ciel s'ouvre pour le Rédempteur et pour l'armée des justes qui auront déjà conquis la couronne, les honneurs d'Abraham dans le séjour de l'attente seront dignes de sa vertu et de ses mérites. C'est dans son sein (Luc. XVI, 22.), autour de lui, que nos premiers parents purifiés par la pénitence, que Noé, Moïse, David, tous les justes en un mot, jusqu'à Lazare l'indigent, ont goûté les prémices de ce repos, de cette félicité qui devait les préparer à l'éternelle béatitude. Ainsi Dieu reconnaît l'amour et la fidélité de sa créature.



Le départ d'Abraham pour Canaan. Jacopo Bassano. XVIe.

Quand les temps furent accomplis, le Fils de Dieu, en même temps fils d'Abraham, annonça la puissance de son Père, qui s'apprêtait à faire sortir une nouvelle race d'Enfants d'Abraham des pierres même de la gentilité. Nous sommes, nous chrétiens, cette nouvelle génération ; mais sommes-nous dignes de notre Père ?

Voici ce que dit l'Apôtre des Gentils :
" Plein de foi, Abraham obéit au Seigneur ; il partit sans délai pour se rendre dans le lieu qui devait être son héritage, et il se mit en route, ne sachant pas où il allait. Plein de foi, il habita cette terre qui lui avait été promise, comme si elle lui eût été étrangère, vivant sous la tente, avec Isaac et Jacob, les cohéritiers de la promesse; car il attendait cette cité dont les fondements ont Dieu même pour auteur et pour architecte." (Heb. XI, 8.).

Si donc nous sommes les enfants d'Abraham, nous devons, ainsi que la sainte Eglise nous en avertit, en ce temps de la Septuagésime, nous regarder comme des exilés sur la terre, et vivre déjà, par l'espérance et l'amour, dans cette unique patrie dont nous sommes exilés, mais dont nous nous rapprochons chaque jour, si, comme Abraham, nous sommes fidèles à occuper les diverses stations que le Seigneur nous indique. Dieu veut que nous usions de ce monde comme n'en usant pas (I Cor. VII, 31.) ; que nous reconnaissions à toute heure qu'il n'est point pour nous ici-bas de cité permanente (Heb. XIII, 14.), et que notre plus grand malheur et notre plus grand danger serait d'oublier que la mort doit nous séparer violemment de tout ce qui passe.



La rencontre d'Abraham et de Melchisédec. Dieric Bouts. XVe.

Combien donc sont loin d'être de véritables enfants d'Abraham ces chrétiens qui, aujourd'hui et les deux jours suivants, se livrent à l'intempérance et à une dissipation coupable, sous le prétexte que la sainte Quarantaine va bientôt s'ouvrir ! On s'explique aisément comment les mœurs naïves de nos pères ont pu concilier avec la gravité chrétienne ces adieux à une vie plus douce que le Carême venait suspendre, de même que la joie de leurs festins dans la solennité Pascale témoignait de la sévérité avec laquelle ils avaient gardé les prescriptions de l'Eglise. Mais si une telle conciliation est toujours possible, combien de fois n'arrive-t-il pas que cette chrétienne pensée des devoirs austères que l'on aura bientôt à remplir, s'efface devant les séductions d'une nature corrompue, et que l'intention première de ces réjouissances domestiques finit par n'être plus même un souvenir ? Qu'ont-ils de commun avec les joies innocentes que l'Eglise tolère dans ses enfants, ceux pour qui les jours du Carême ne se termineront pas par la réception des Sacrements divins qui purifient les cœurs et renouvellent la vie de l'âme ? Et ceux qui se montrent avides de recourir à des dispenses qui les mettent plus ou moins sûrement à couvert de l'obligation des lois de l'Eglise, sont-ils fondés à préluder par des têtes à une carrière durant laquelle, peut-être, le poids de leurs péchés, loin de s'alléger, deviendra plus lourd encore ?

Puissent de telles illusions captiver moins les âmes chrétiennes ! Puissent ces âmes revenir à la liberté des enfants de Dieu, liberté à l'égard des liens de la chair et du sang, et qui seule rétablit l'homme dans sa dignité première ! Qu'elles n'oublient donc jamais que nous sommes dans un temps où l'Eglise elle-même s'interdit ses chants d'allégresse, où elle veut que nous sentions la dureté du joug que la profane Babylone fait peser sur nous, que nous rétablissions en nous cet esprit vital, cet esprit chrétien qui tend toujours à s'affaiblir. Si des devoirs ou d'impérieuses convenances entraînent durant ces jours les disciples du Christ dans le tourbillon des plaisirs profanes, qu'ils y portent du moins un cœur droit et préoccupé des maximes de l'Evangile. A l'exemple de la vierge Cécile, lorsque les accords d'une musique profane retentiront à leurs oreilles, qu'ils chantent à Dieu dans leurs cœurs, et qu'ils lui disent avec cette admirable Epouse du Sauveur : " Conservez-nous purs, Seigneur, et que rien n'altère la sainteté et la dignité qui doivent toujours résider en nous."

Qu'ils évitent surtout d'autoriser, en y prenant part, ces danses libertines, où la pudeur fait naufrage, et qui seront la matière d'un si terrible jugement pour ceux et celles qui les encouragent. Enfin qu'ils repassent en eux-mêmes ces fortes considérations que leur suggère saint François de Sales :
" Tandis que la folle ivresse des divertissements mondains semblait avoir suspendu tout autre sentiment que celui d'un plaisir futile et trop souvent périlleux, d'innombrables âmes continuaient d'expier éternellement sur les brasiers de l'enfer les fautes commises au milieu d'occasions semblables ; des serviteurs et servantes de Dieu, à ces mêmes heures, s'arrachaient au sommeil pour venir chanter ses louanges et implorer ses miséricordes sur vous ; des milliers de vos semblables expiraient d'angoisses et de misère sur leur triste grabat ; Dieu et ses Anges vous considéraient attentivement du haut du Ciel ; enfin, le temps de la vie s'écoulait, et la mort avançait sur vous d'un degré qui ne reculera pas." (Introduction à la vie dévote. IIIe part. Chap. XXXIII.).



Le cardinal Gabriel Paleotti, archevêque de Bologne.

Il était juste, nous en convenons, que ces trois premiers jours de la Quinquagésime, ces trois derniers jours encore exempts des saintes rigueurs du Carême, ne s'écoulassent pas sans offrir quelque aliment à ce besoin d'émotions qui tourmente tant d'âmes. Dans sa prévision maternelle, l'Eglise y a songé ; mais ce n'est pas en abondant dans le sens de nos vains désirs d'amusements frivoles, et des satisfactions de notre vanité. A ceux de ses enfants sur lesquels la foi n'a pas encore perdu son empire, elle a préparé une diversion puissante, en même temps qu'un moyen d'apaiser le colère de Dieu, que tant d'excès provoquent et irritent. Durant ces trois jours, l'Agneau qui efface les péchés du monde est exposé sur les autels. Du haut de son trône de miséricorde, il reçoit les hommages de ceux qui viennent l'adorer et le reconnaître pour leur roi ; il agrée le repentir de ceux qui regrettent à ses pieds d'avoir suivi trop longtemps un autre maître que lui ; il s'offre à son Père pour les pécheurs qui, non contents d'oublier ses bienfaits, semblent avoir résolu de l'outrager en ces jours plus que dans tout autre temps de l'année.



Le cardinal-archevêque de Bologne Prospero Lambertini, qui
deviendra le pape Benoit XIV. Pierre Hubert Subleyras. France. XVIIIe.

Cette sainte et heureuse pensée d'offrir une compensation à la divine Majesté pour les péchés des hommes, au moment même où ils se multiplient davantage, et d'opposer aux regards du Seigneur irrité son propre Fils, médiateur entre le ciel et la terre, fut inspirée dès le XVIe siècle au pieux cardinal Gabriel Paleotti, Archevêque de Bologne, contemporain de saint Charles Borromée et émule de son zèle pastoral. Ce dernier s'empressa d'adopter lui-même pour son diocèse et pour sa province une coutume si salutaire. Plus tard, au XVIIIe siècle, Prosper Lambertini, qui gouverna avec tant d'édification la même Eglise de Bologne, eut à cœur de suivre les traditions de Paleotti son prédécesseur, et d'encourager son peuple à la dévotion envers le très saint Sacrement, dans les trois jours du Carnaval ; et étant monté sur la Chaire de saint Pierre sous le nom de Benoît XIV, il ouvrit le trésor des indulgences en faveur des fidèles qui, durant ces mêmes jours, viendraient visiter notre Seigneur dans le divin mystère de son amour, et implorer le pardon des pécheurs.

Cette faveur ayant d'abord été restreinte aux Eglises de l'Etat romain, Clément XIII, en 1765, daigna l'étendre à l'univers entier, en sorte que cette dévotion, dite communément des Quarante heures, est devenue l'une des plus solennelles manifestations de la piété catholique. Empressons-nous donc d'y prendre part ; comme Abraham, dérobons-nous aux profanes influences qui nous assiègent, et cherchons le Seigneur notre Dieu ; faisons trêve pour quelques instants aux dissipations mondaines, et venons mériter, aux pieds du Sauveur, la grâce de traverser celles qui nous seraient inévitables, sans y avoir attaché notre cœur.

Considérons maintenant la suite des mystères du Dimanche de la Quinquagésime. Le passage de l'Evangile que l'Eglise nous y présente contient la prédiction que le Sauveur fit à ses Apôtres sur sa passion qu'il devait bientôt souffrir à Jérusalem. Cette annonce si solennelle prélude aux douleurs que nous célébrerons bientôt. Qu'elle soit donc reçue dans nos cœurs avec attendrissement et reconnaissance ; qu'elle les aide dans ces efforts qui les arracheront à eux-mêmes pour les mettre à la disposition de Dieu, comme fut le cœur d'Abraham, Les anciens liturgistes ont remarqué aussi la guérison de l'aveugle de Jéricho, symbole de l'aveuglement des pécheurs, en ces jours où les bacchanales du paganisme semblent si souvent revivre au milieu des chrétiens. L'aveugle recouvra la vue, parce qu'il sentait son mal, et qu'il désirait voir. La sainte Eglise veut que nous formions le même désir, et elle nous promet qu'il sera satisfait.



La Charité. Piero Benci. XVe.

Chez les Grecs, ce Dimanche est appelé Tyrophagie, parce qu'il est le dernier jour auquel il soit permis de faire usage des aliments blancs, par lesquels ils désignent les laitages qui, selon leur discipline, étaient encore permis depuis le lundi précédent jusqu'aujourd'hui. A partir de demain, cette nourriture leur est interdite, et le Carême commence dans toute la rigueur avec laquelle l'observent les Orientaux.

A LA MESSE

La Station est dans la Basilique de Saint-Pierre, au Vatican. Cette église paraît avoir été choisie à cet effet, comme on le voit par le Traité des divins Offices de l'Abbé Rupert, à l'époque où on lisait encore, en ce Dimanche, le récit de la Loi donnée à Moïse ; ce Patriarche ayant été regardé, comme on le sait, par les premiers chrétiens de Rome, comme le type de saint Pierre. L'Eglise ayant depuis placé en ce jour le mystère de la Vocation d'Abraham et retardé la lecture de l'Exode jusqu'au Carême, la Station romaine est restée dans la Basilique du Prince des Apôtres, qui d'ailleurs a été aussi figuré par Abraham, dans sa qualité de Père des croyants.

EPITRE

Lecture de l'Epître du bienheureux Paul, Apôtre, aux Corinthiens. I, Chap. XIII.



La Foi, l'Espérance, la Charité. Anonyme italien. XVe.

" Mes Frères, quand je parlerais toutes les langues des hommes et des Anges mêmes, si je n'ai la charité, je ne suis que comme un airain sonnant ou une cymbale retentissante. Et quand j'aurais le don de prophétie et que je pénétrerais tous les mystères, et que j'aurais toute science ; quand j'aurais toute la foi possible, jusqu'à transporter les montagnes, si je n'ai pas la charité, je ne suis rien. Et quand j'aurais distribué tout mon bien pour nourrir les pauvres, et que j'aurais livré mon corps pour être brûlé, si je n'ai pas la charité, tout cela ne me sert de rien. La charité est patiente, elle est douce ; la charité n'est point envieuse, elle n'est point téméraire et précipitée, elle ne s'enfle point d'orgueil, elle n'est point ambitieuse, elle ne cherche point ses intérêts ; elle ne pense point le mal ; elle ne se réjouit point de l'iniquité, mais elle se réjouit de la vérité ; elle supporte tout, elle croit tout, elle espère tout, elle souffre tout. La charité ne finira jamais, au lieu que le don de prophétie cessera, le don des langues finira, le don de science sera aboli ; car ce don de science et ce don de prophétie sont incomplets. Mais quand sera venu ce qui est parfait, ce qui n'est qu'imparfait cessera. Quand j'étais enfant, je parlais en enfant, je jugeais en enfant, je raisonnais en enfant ; mais en devenant homme, je me suis défait de tout ce qui tenait de l'enfant. Nous voyons maintenant comme dans un miroir, et en énigme ; mais alors nous verrons face à face. Je ne connais maintenant qu'imparfaitement ; mais alors je connaîtrai comme je suis moi-même connu. Présentement la foi, l'espérance, la charité, trois vertus, demeurent ; mais la charité est la plus excellente des trois."



Allégorie de la Charité. Mino da Fiesole. XVe.

C’est avec raison que l'Eglise nous fait lire aujourd'hui le magnifique éloge que saint Paul fait de la charité. Cette vertu, qui renferme l'amour de Dieu et du prochain, est la lumière de nos âmes ; si elles en sont dépourvues, elles demeurent dans les ténèbres, et toutes leurs oeuvres sont frappées de stérilité. La puissance même des prodiges ne saurait rassurer sur son salut celui qui n'a pas la Charité; sans elle les œuvres en apparence les plus héroïques ne sont qu'un piège de plus. Demandons au Seigneur cette lumière, et sachons que, si abondante qu'il daigne nous l'accorder ici-bas, il nous la réserve sans mesure pour l'éternité. Le jour le plus éclatant dont nous puissions jouir en ce monde n'est que ténèbres auprès des clartés éternelles. La foi s'évanouira en présence de la réalité contemplée à jamais ; l'espérance sera sans objet, dès que la possession commencera pour nous ; l'amour seul régnera, et c'est pour cela qu'il est plus grand que la foi et l'espérance qui doivent l'accompagner ici-bas. Telle est la destinée de l'homme racheté et éclairé par Jésus-Christ ; doit-on s'étonner qu'il quitte tout pour suivre un tel Maître ?



La Charité. Bartolomeo Schedoni. XVIe.

Mais ce qui surprend, ce qui prouve notre dégradation, c'est que des chrétiens baptisés dans cette foi et cette espérance, et qui ont reçu les prémices de cet amour, se précipitent en ces jours dans des désordres grossiers, si raffinés qu'ils paraissent quelquefois. On dirait qu'ils aspirent à éteindre en eux-mêmes jusqu'au dernier rayon de la lumière divine, comme s'ils avaient fait un pacte avec les ténèbres. La Charité, si elle règne en nous, doit nous rendre sensibles à l'outrage qu'ils font à Dieu, et nous porter en même temps à solliciter sa miséricorde envers ces aveugles qui sont nos frères.

EVANGILE

La suite du saint Evangile selon saint Luc. Chap. XVIII.



Notre Seigneur Jésus-Christ guérissant l'aveugle.
Lucas van Leyden. XVIe.

" En ce temps-là, Jésus prit à part ses douze disciples, et leur dit :
" Voilà que nous montons à Jérusalem, et que tout ce que les Prophètes ont écrit du Fils de l'homme va s'accomplir. Car il sera livré aux gentils, et moqué, et fouetté, et couvert de crachats, et après qu'ils l'auront fouetté, ils le tueront, et le troisième jour il ressuscitera."
Et ils ne comprirent rien à cela, et cette parole leur était cachée, et ils ne comprenaient point ce qui leur était dit. Comme il approchait de Jéricho, il arriva qu'un aveugle était assis au bord du chemin, demandant l'aumône. Et entendant passer la foule, il s'enquit de ce que c'était. On lui dit que c'était Jésus de Nazareth qui passait.
Et il cria, disant :
" Jésus, fils de David, ayez pitié de moi !"
Et ceux qui allaient devant le gourmandaient pour le faire taire ; mais il criait plus fort encore :
" Fils de David, ayez pitié de moi !"
Jésus alors s'arrêtant, commanda qu'on le lui amenât ; et lorsqu'il se fut approché, il l'interrogea, disant :
" Que veux-tu que je te fasse ?"
Il répondit :
" Seigneur, que je voie."
Et Jésus lui dit :
" Vois ; c'est ta foi qui t'a sauvé."
Et au même instant il vit, et il le suivait, glorifiant Dieu. Et tout le peuple, voyant cela, loua Dieu."



Notre Seigneur Jésus-Christ guérissant l'aveugle. El Greco. XVIe.

La voix du Christ annonçant sa douloureuse Passion vient de se faire entendre, et les Apôtres qui ont reçu cette confidence de leur Maître n'y ont rien compris. Ils sont trop grossiers encore pour rien entendre à la mission du Sauveur ; du moins ils ne le quittent pas, et ils restent attachés à sa suite. Mais combien sont plus aveugles les faux chrétiens qui, dans ces jours, loin de se souvenir qu'un Dieu a donné pour eux son sang et sa vie, s'efforcent d'effacer dans leurs âmes jusqu'aux derniers traits de la ressemblance divine.



Notre Seigneur Jésus-Christ guérissant l'aveugle.
Détail. Nicolas Poussin. XVIIe.

Adorons avec amour la divine miséricorde qui nous a retirés comme Abraham du milieu d'un peuple abandonné, et, à l'exemple de l'aveugle de Jéricho, crions vers le Seigneur, afin qu'il daigne nous éclairer davantage : " Seigneur, faites que je voie "; c'était sa prière. Dieu nous a donné sa lumière ; mais elle nous servirait peu, si elle n'excitait pas en nous le désir de voir toujours davantage. Il promit à Abraham de lui montrer le lieu qu'il lui destinait ; qu'il daigne aussi nous faire voir cette terre des vivants ; mais, auparavant, prions-le de se montrer à nous, selon la belle pensée de saint Augustin, afin que nous l'aimions, et de nous montrer à nous-mêmes, afin que nous cessions de nous aimer.



Notre Seigneur Jésus-Christ guérissant l'aveugle. Sebastiano Ricci. XVIIe.

11 février. Notre Dame de Lourdes. 1858.

- Notre Dame de Lourdes. 1858.
 
Pape : Pie IX.

" Je suis l'Immaculée Conception !"
Notre Dame à sainte Bernadette Soubirous.


Dans la Grotte de Massabiel, Notre Dame dit à sainte Bernadette
dans la belle langue gasconne :
" Que soy era Immaculada Councepciou !"

Proclamée Immaculée dans Sa Conception, le 8 décembre 1854, Marie ne devait pas tarder à montrer combien Elle agréait ce nouvel hommage de la sainte Église. Quatre ans plus tard, en 1858, elle daigna Se montrer, à dix-huit reprises, à une petite fille de Lourdes, bourgade des Pyrénées.

L'enfant, ignorante et candide, s'appelait Bernadette. La Vierge paraissait dans une grotte sauvage. Son visage était gracieux et vermeil; Elle était enveloppée dans les plis d'un long voile blanc; une ceinture bleue flottait autour d'Elle; sur chacun de Ses pieds brillait une rose épanouie. L'enfant regarda longtemps, étonnée et ravie; elle prit son chapelet et le récita pieusement. L'apparition lui ordonna de revenir.

La dix-huitième fois, Bernadette supplia la vision de Se faire connaître. Alors, l'Être mystérieux, joignant les mains devant Sa poitrine, et revêtant une majesté toute divine, disparut en disant :
" JE SUIS L'IMMACULÉE CONCEPTION !"
C'était la Sainte Vierge, patronne de l'Église et de la France, qui venait appeler Son peuple à la prière et à la pénitence.


L'Immaculée Conception. Francisco de Zurbaran. XVIIe.

A partir de cette époque, la ville de Lourdes devenait immortelle. L'Apparition triompha de toutes les impiétés et de toutes les persécutions. Des foules immenses sont venues, selon le désir exprimé par l'Apparition, saluer la Vierge Immaculée dans Sa grotte bénie et dans les splendides sanctuaires érigés à Sa demande et en Son honneur, sur le flanc de la montagne.

De nombreux et éclatants miracles ont récompensé et récompensent toujours la foi des pieux pèlerins ; et chaque jour ce grand mouvement catholique va croissant ; c'est par centaines de mille, chaque année, que les dévôts de Marie affluent, à Lourdes, de toutes les parties du monde.

La piété catholique a multiplié les Histoires et les Notices de Notre-Dame de Lourdes ; mille et mille cantiques de toutes langues ont été chantés au pied de la Grotte bénie; partout, en France et dans toutes les parties du monde, se sont multipliées les représentations de la Grotte de Lourdes et de sa basilique, les images et les statues de la Vierge Immaculée. Les féeriques processions aux flambeaux, les merveilleuses illuminations, les grandioses manifestations qui s'y renouvellent souvent, ont fait de Lourdes comme un coin du Paradis.


Sainte Bernadette Soubirous.

Bernadette Soubirous (Bernadeta Sobirons en Gascon), de son vrai nom Marie-Bernarde Soubiroux (Maria Bernada Sobeirons), née le 7 janvier 1844 à Lourdes, et décédée le 16 avril 1879 à Nevers, est une sainte catholique, célèbre pour avoir vu des apparitions de la Vierge dans une grotte de sa ville natale.

Ses parents, François Soubirous (1807-1871) et Louise Castérot (1825-1866), exploitent le moulin de Boly, où elle est née, jusqu'en 1854. Les Soubirous qui avaient, dit-on, fait un mariage d'amour, ont eu au total neuf enfants dont cinq sont morts en bas-âge. Bernadette est l'aînée. À cette date, l'entreprise familiale est ruinée (trop artisanale pour cette époque d'industrialisation, et sans doute mal gérée). Bernadette connaît la faim et la maladie, elle sait à peine lire et écrire. De santé fragile (elle est notamment asthmatique), elle paraît moins que son âge. Elle est par ailleurs belle fille, selon les témoignages de l'époque et comme en attestent les photographies qui ont été prises d'elle. Son sentiment religieux est déjà très fort même si elle ignore à peu près tout du catéchisme (" [...] si la Sainte Vierge m’a choisie, c’est parce que j’étais la plus ignorante !" dira-t-elle plus tard).

Les parents de Bernadette l'envoient chez sa marraine et tante, Bernarde Castérot (1823-1907), qui l'emploie comme servante à la maison et au comptoir de son cabaret.


L'Immaculée Conception. Francisco de Zurbaran. XVIIe.

Les Soubirous déménagent pour une cellule de l'ancienne prison de la rue Haute, surnommée Le cachot (que l'on peut visiter actuellement) et où ils logent à six dans 3,77 x 4,40 m. En 1857, François Soubirous est accusé (à tort) du vol de deux sacs de farine. Il est envoyé en prison. La famille Soubirous est dans une période de détresse noire.

Bernadette témoigne d'apparitions de la Vierge à partir de 1858. Lors de sa neuvième apparition, elle suit les indications de la Vierge et découvre une source d'eau au pied de la grotte de Massabielle, à Lourdes. Entre le 11 février et le 16 juillet 1858, la Vierge lui apparaît dix-huit fois.

RESUME CHRONOLOGIQUE


Statue de Notre Dame à Lourdes.

- Jeudi 11 février 1858. Avec sa sœur Marie (1846-1892), dite Toinette, et Jeanne Abadie, une amie, Bernadette se rend le long du Gave pour ramasser des os et du bois mort. Du fait de sa santé précaire, elle hésite à traverser le Gave, gelée, comme sa sœur et son amie. Elle est alors surprise par un bruit et lève la tête vers la grotte de Massabielle :
" J'aperçus une dame vêtue de blanc : elle portait une robe blanche, un voile blanc également, une ceinture bleue et une rose jaune sur chaque pied."
Bernadette récite une prière, la dame disparaît.
- Dimanche 14 février 1858. Ses parents interdisent à Bernadette de retourner à la grotte. Elle insiste, ils cèdent. Sur place, elle récite des chapelets et voit apparaître la dame. Elle lui jette de l'eau bénite. La dame sourit, incline la tête et disparaît.
- Jeudi 18 février 1858. Bernadette, sous la pression d'une dame de la bourgeoisie lourdaise, demande à la dame de lui écrire son nom. Celle-ci lui répond :
" Ce n'est pas nécessaire."
Puis elle ajoute :
" Je ne vous promets pas de vous rendre heureuse en ce monde mais dans l'autre. Voulez-vous avoir la grâce de venir ici pendant quinze jours ?"
 
- Vendredi 19 février 1858. Bernadette vient à la Grotte avec un cierge béni et allumé (ce qui est devenu, depuis, une coutume). La dame apparaît brièvement.
- Samedi 20 février 1858. La dame apprend une prière personnelle à Bernadette qui, à la fin de sa vision, est saisie d'une grande tristesse.
- Dimanche 21 février 1858. Une centaine de personnes accompagnent Bernadette. La dame se présente (à Bernadette seule) et le commissaire de police Jacomet l'interroge sur ce qu'elle a vu. Bernadette se contente de répéter :
" Aquerò." (cela).
- Mardi 23 février 1858. Accompagnée de cent cinquante personnes, Bernadette se rend à la grotte où l'apparition lui révèle un secret " rien que pour elle ".
- Mercredi 24 février 1858. La dame transmet un message à Bernadette :
" Pénitence ! Pénitence ! Pénitence ! Priez Dieu pour les pécheurs ! Allez baiser la terre en pénitence pour les pécheurs !"
- Jeudi 25 février 1858. Trois cents personnes sont présentes. Bernadette explique que la dame lui demande de boire à la source :
" Allez boire à la fontaine et vous y laver. Vous mangerez de cette herbe qui est là."
Bernadette racontera plus tard :
" Je ne trouvai qu'un peu d'eau vaseuse. Au quatrième essai je pus boire."
La foule l'accuse d'être folle et elle répond :
" C'est pour les pécheurs."
- Samedi 27 février 1858. Huit cents personnes accompagnent Bernadette. L'Apparition reste silencieuse, Bernadette boit l'eau.
- Dimanche 28 février 1858. Deux mille personnes assistent à l'extase de Bernadette qui prie, baise la terre, rampe sur les genoux. Le juge Ribes la menace de prison.
- Lundi 1er mars 1858. Mille cinq cents personnes accompagnent Bernadette, dont, pour la première fois, un prêtre. La même nuit, Catherine Latapie, une amie de Bernadette, se rend à la Grotte et trempe son bras déboîté dans l'eau de la source : son bras et sa main retrouvent toute leur souplesse.
- Mardi 2 mars 1858. La foule est très importante. La dame demande à Bernadette :
" Allez dire aux prêtres qu'on vienne ici en procession et qu'on y bâtisse une chapelle."
 
L'abbé Peyramale, curé de Lourdes veut connaître le nom de la dame et exige en sus une preuve précise : il veut voir fleurir le rosier/églantier de la Grotte en plein hiver.
- Mercredi 3 mars 1858. Trois mille personnes accompagnent Bernadette. La vision ne vient pas. Plus tard, Bernadette se sent appelée et retourne à la grotte où elle demande son nom à la Dame qui lui répond par un sourire. Le curé Peyramale insiste :
" Si la Dame désire vraiment une chapelle, qu'elle dise son nom et qu'elle fasse fleurir le rosier de la Grotte."
- Jeudi 4 mars 1858. Environ huit mille personnes attendent un miracle à la grotte. La vision est silencieuse. Pendant vingt jours, Bernadette ne ressent plus l'invitation à se rendre à la grotte.
- Jeudi 25 mars 1858. L'apparition se montre à Bernadette et dit en Gascon bigourdan - la langue que parlait Bernadette -, levant les yeux au ciel et joignant ses mains :
" Que soy era immaculada councepciou."
Bernadette retient ces mots, qu'elle ne comprend pas, et court les dire au curé, qui est troublé : quatre ans plus tôt, le pape Pie IX a fait de l'Immaculée Conception de Marie un dogme, et Bernadette dit ignorer qu'elle désigne la Vierge. Le rosier n'a toujours pas fleuri.
- Mercredi 7 avril 1858. Le docteur Douzous constate que la flamme du cierge que tient Bernadette pendant l'apparition entoure sa main sans la brûler.
- Jeudi 16 juillet 1858. C'est la dernière apparition. Une palissade interdit l'accès à la grotte. Bernadette franchit le Gave et voit la vierge exactement comme si elle se trouvait devant la grotte.

L'Immaculée Conception. Vittore Crivelli. XIVe.

Le 28 juillet 1858, soit douze jours seulement après la dernière apparition, Mgr Laurence, évêque de Tarbes, réunit une commission d'enquête destinée à établir le crédit que l'Église doit apporter aux affirmations de Bernadette Soubirous. Cette commission est chargée de vérifier la validité des miracles annoncés, en recueillant des témoignages divers et les avis de scientifiques ou de gens d'Église. Elle est aussi chargée d'interroger Bernadette dont la sincérité semblera " incontestable " à l'évêque :
" Qui n'admire, en l'approchant, la simplicité, la candeur, la modestie de cette enfant ? Elle ne parle que quand on l'interroge ; alors elle raconte tout sans affectation, avec une ingénuité touchante, et, aux nombreuses questions qu'on lui adresse, elle fait, sans hésiter, des réponses nettes, précises, pleines d'à propos, empreintes d'une forte conviction."
Le fait que la jeune fille répète des mots dits par la Vierge qu'elle ne pouvait pas connaître eu égard à son manque d'instruction, sera un argument décisif.

Entre-temps, la foule des pèlerins venant voir la grotte et y demander de l'aide à Marie ne cesse de croître, il vient des gens de toute l'Europe et de nouveaux témoignages de miracles s'accumulent.
" Si l'on doit juger l'arbre par ses fruits, nous pouvons dire que l'apparition racontée par la jeune fille est surnaturelle et divine ; car elle a produit des effets surnaturels et divins."


L'Immaculée Conception. Francesco Maria Schiaffino. XVIIe.

Quatre ans plus tard, le 18 janvier 1862, l'évêque rend son avis, favorable :
" Nous jugeons que l'Immaculée Marie, Mère de Dieu, a réellement apparu à Bernadette Soubirous, le 11 février 1858 et les jours suivants, au nombre de dix-huit fois, dans la grotte de Massabielle, près de la ville de Lourdes ; que cette apparition revêt tous les caractères de la vérité, et que les fidèles sont fondés à la croire certaine. Nous soumettons humblement notre jugement au Jugement du Souverain Pontife, qui est chargé de gouverner l'Église universelle."

samedi, 10 février 2024

10 février. Sainte Scholastique, vierge. 543.

- Sainte Scholastique, vierge. 543.

Pape : Vigile. Empereur romain d'Orient : Justinien Ier. Roi des Goths d'Italie : Totila.

" Que toutes vos paroles soient telles qu'on puisse les écrire, pour les relire à haute voix, au jugement dernier, devant le genre humain et devant les esprits célestes réunis."

" Taisez-vous, ou parlez de Dieu ; car quelle chose en ce monde est digne qu'on en parle ?"
Sainte Scholastique.


Sainte Scholastique. Détail d'un dyptique. Andrea Mantegna. XVe.

La sœur du Patriarche des moines d'Occident vient nous réjouir aujourd'hui de sa douce présence ; la fille du cloître apparaît sur le Cycle à côté de la martyre! toutes deux épouses de Jésus, toutes deux couronnées, parce que toutes deux ont combattu et ont remporté la palme. L'une l'a cueillie au milieu des rudes assauts de l'ennemi, dans ces heures formidables où il fallait vaincre ou mourir ; l'autre a dû soutenir durant sa vie entière une lutte de chaque jour, qui s'est prolongée, pour ainsi dire, jusqu'à la dernière heure. Apolline et Scholastique sont sœurs ; elles sont unies à jamais dans le cœur de leur commun Epoux.

Il fallait que la grande et austère figure de saint Benoît nous apparût adoucie par les traits angéliques de cette sœur que, dans sa profonde sagesse, la divine Providence avait placée près de lui pour être sa fidèle coopératrice. La vie des saints présente souvent de ces contrastes, comme si le Seigneur voulait nous faire entendre que bien au-dessus des régions de la chair et du sang, il est un lien pour les âmes, qui les unit et les rend fécondes, qui les tempère et les complète. Ainsi, dans la patrie céleste, les Anges des diverses hiérarchies s'unissent d'un amour mutuel dont le souverain Seigneur est le nœud, et goûtent éternellement les douceurs d'une tendresse fraternelle.


Cloître du noviciat de Sainte-Scholastique à Subiaco.
François-Marie Granet. XIXe.

La vie de Scholastique s'est écoulée ici-bas, sans laisser d'autre trace que le gracieux souvenir de cette colombe qui, se dirigeant vers le ciel d'un vol innocent et rapide, avertit le frère que la sœur le devançait de quelques jours dans l'asile de l'éternelle félicité. C'est à peu près tout ce qui nous reste sur cette admirable Epouse du Sauveur, avec le touchant récit dans lequel saint Grégoire le Grand nous a retracé l'ineffable débat qui s'éleva entre le frère et la sœur, trois jours avant que celle-ci fût conviée aux noces du ciel. Mais que de merveilles cette scène incomparable ne nous révèle-t-elle pas! Qui ne comprendra tout aussitôt l'âme de Scholastique à la tendre naïveté de ses désirs, à sa douce et ferme confiance envers Dieu, à l'aimable facilité avec laquelle elle triomphe de son frère, en appelant Dieu même à son secours ? Les anciens vantaient la mélodie des accents du cygne à sa dernière heure ; la colombe du cloître bénédictin, prête à s'envoler de cette terre, ne l'emporte-t-elle pas sur le cygne en charme et en douceur ?

Mais où donc la timide vierge puisa-t-elle cette force qui la rendit capable de résister au vœu de son frère, en qui elle révérait son maître et son oracle ? qui donc l'avertit que sa prière n'était pas téméraire, et qu'il pouvait y avoir en ce moment quelque chose de meilleur que la sévère fidélité de Benoît à la Règle sainte qu'il avait donnée, et qu'il devait soutenir par son exemple ? Saint Grégoire nous répondra. Ne nous étonnons pas, dit ce grand Docteur, qu'une sœur qui désirait voir plus longtemps son frère, ait eu en ce moment plus de pouvoir que lui-même sur le cœur de Dieu ; car, selon la parole de saint Jean, Dieu est amour, et il était juste que celle qui aimait davantage se montrât plus puissante que celui qui se trouva aimer moins.


Saint Benoît et sainte Scholastique.
Speculum historiale. V. de Beauvais. XVe.

Sainte Scholastique sera donc, dans les jours où nous sommes, l'apôtre de la charité fraternelle. Elle nous animera à l'amour de nos semblables, que Dieu veut voir se réveiller en nous, en même temps que nous travaillons à revenir à lui. La solennité pascale nous conviera à un même banquet ; nous nous y nourrirons de la même victime de charité. Préparons d'avance notre robe nuptiale ; car celui qui nous invite veut nous voir habiter unanimes dans sa maison (Psalm. LXVII.).

La sainte Eglise nous fait lire aujourd'hui la narration que saint Grégoire a consacrée à la dernière entrevue du frère et de la sœur. Du second livre des Dialogues de saint Grégoire, Pape :


Mort de sainte Scholastique. Jean Restout. XVIIIe.

Scholastique était sœur du vénérable Père Benoît. Consacrée au Seigneur tout-puissant dès son enfance , elle avait coutume de venir visiter son frère une fois chaque année. L'homme de Dieu descendait pour la recevoir dans une maison dépendante du monastère, non loin de la porte. Scholastique étant donc venue une fois, selon sa coutume, son vénérable frère descendit vers elle avec ses disciples. Ils passèrent tout le jour dans les louanges de Dieu et les pieux entretiens ; et, quand la nuit fut venue, ils prirent ensemble leur repas. Comme ils étaient encore à table, et que le temps s'écoulait vite dans leur entretien sur les choses divines, la vierge sacrée adressa cette prière à Benoît :
" Je te prie, mon frère, de ne me pas abandonner cette nuit, afin que nous puissions jus-ce qu'au matin parler encore des joies de la vie céleste."
Le saint lui répondit :
" Que dis-tu là, ma sœur ? Je ne puis en aucune façon passer la nuit hors du monastère."
Dans ce moment, le ciel était si pur qu'il n'y paraissait aucun nuage. La servante de Dieu, ayant entendu le refus de son frère, appuya sur la table ses doigts entrelacés ; et, cachant son visage dans ses mains, elle s'adressa au Seigneur tout-puissant. Au moment où elle releva la tête, des éclairs, un violent coup de tonnerre, une pluie à torrents, se déclarèrent tout à coup : au point que ni le vénérable Benoit, ni les frères qui étaient avec lui ne purent mettre le pied hors du lieu où ils étaient.


Saint Benoît et sainte Scholastique. Legenda aurea.
Bx J. de Voragine. Jean Le Tavernier. XVe.

La pieuse servante de Dieu, pendant qu'elle avait tenu sa tête appuyée sur ses mains, avait versé sur la table un ruisseau de larmes ; il n'en avait pas fallu davantage pour charger de nuages le ciel serein jusqu'à cette heure. Après la prière de la sainte, l'orage ne s'était pas fait longtemps attendre ; mais cette prière et les torrents de pluie qu'elle amenait s'étaient si parfaitement rencontrés ensemble, que, au même instant où Scholastique levait sa tête de dessus la table, le tonnerre grondait déjà : en sorte qu'un même instant vit la sainte faire ce mouvement, et la pluie tomber du ciel. L'homme de Dieu, voyant que ces éclairs, ces tonnerres, cette inondation ne lui permettaient plus de rentrer au monastère, en fut contristé, et exhala ainsi ses plaintes :
" Que le Dieu tout-puissant te pardonne, ma sœur ! Que viens-tu défaire ?"
Elle répondit :
" Je t'ai adressé une demande, et tu n'as pas voulu m'écouter : j'ai eu recours à mon Dieu, et il m'a exaucée. Maintenant sors, si tu peux, laisse-moi, et retourne à ton monastère."
Mais le saint était dans l'impossibilité de sortir de la maison, et lui qui n'avait pas voulu y rester volontairement, demeura contre son gré. Ainsi, les deux saints passèrent la nuit entière dans les veilles, et reprenant leurs pieux entretiens sur la vie spirituelle, ils se rassasièrent à loisir par l'échange des sentiments qu'ils éprouvaient.


Statue de sainte Scholastique. Arnold Hontoire.
Abbaye de La Paix-Notre-Dame. Liège. Flandres. XVIIe.

Le lendemain, la vénérable Mère retourna à son monastère, et l'homme de Dieu reprit le chemin de son cloître. Trois jours après, étant dans sa cellule, et ayant élevé ses yeux en haut, il vit l'âme de sa sœur, qui venait de briser les liens du corps, et qui, sous la forme d'une colombe, se dirigeait vers les hauteurs mystérieuses du ciel. Ravi dé joie pour la gloire dont elle était entrée en possession, il rendit grâces au Dieu tout-puissant par des hymnes et des cantiques, et annonça aux frères le trépas de Scholastique. Il les envoya aussitôt au lieu qu'elle avait habité, afin qu'ils apportassent le corps au monastère, et qu'il fût déposé dans le tombeau qu'il s'était préparé pour lui-même. Il arriva ainsi que ceux dont l'âme avait toujours été unie en Dieu ne furent point séparés par la mort, leurs corps n'ayant eu qu'un même tombeau.

RÉPONS ET ANTIENNES

Nous placerons ici quelques pièces liturgiques de l'Office monastique en l'honneur de la sœur du grand Benoît :
 
 Anne d'Autriche, reine de France, avec le futur Louis XIV et le duc
d'Orléans aux pieds de saint Benoît et de sainte Scholastique.
Philippe de Champaigne. XVIIe.

R/. L'illustre Scholastique fut la sœur du très saint Père Benoît : * Consacrée dès l'enfance au Seigneur tout-puissant, elle ne quitta jamais la voie de la justice.

V/. Louez le Seigneur, enfants, louez le Nom du Seigneur. * Consacrée dès l'enfance.

R/. Désirant se régler sur les exemples de la sainte vie de son frère, et selon la doctrine de ses sacrés enseignements, elle avait coutume de venir à lui une fois chaque année : * Et l'homme de Dieu l'instruisait de ses célestes leçons.

V/. Heureux qui écoute ses paroles et observe les règles qu'il a écrites. * Et l'homme de Dieu.

R/. La sainte vierge Scholastique était comme un jardin diligemment arrosé ; * La rosée des célestes grâces la rafraîchissait continuellement.

V/. Comme une source d'eau qui ne tarit jamais. * La rosée des célestes grâces.

R/. Le Seigneur lui accorda le désir de son cœur:* Elle obtint de lui ce qu'elle n'avait pu obtenir de son frère.

V/. Le Seigneur est bon envers tous ceux qui espèrent en lui, envers l'âme qui le cherche. * Elle obtint de lui.

R/. L'Epoux tardant à paraître, Scholastique gémissait et disait : * Qui me donnera des ailes comme à la colombe, et je volerai et je me reposerait.

V/. Voici mon bien-aimé, il me dit : Lève-toi, mon amie, et viens * Qui me donnera.

R/. Scholastique parut sous la forme d'une colombe; l'âme de son frère témoigna son allégresse par des hymnes et des cantiques : * Béni soit ce départ ! mais bien plus encore soit bénie cette entrée !

V/. Le vénérable Père Benoit demeura tout inondé d'une joie céleste. * Béni soit.

R/. L'âme de Scholastique sortit de l'arche de son corps, comme la colombe portant le rameau d'olivier, signe de paix et de grâce ; * Elle s'envola dans les cieux.

V/. Comme elle ne trouvait pas où reposer son pied, * Elle s'envola dans les cieux.


Saint Benoît et sainte Scholastique.
Giovanni Giacomo Pandolfi. XVIIe.

Ant. Que l'assemblée des fidèles tressaille d'allégresse pour la gloire de l'auguste vierge Scholastique ; que la troupe des vierges sacrées se livre à une joie plus grande encore, en célébrant la fête de celle qui par ses larmes fléchit le Seigneur, et fut plus puissante sur lui que son frère, parce qu'elle eut plus d'amour.

Ant. Aujourd'hui la sacrée vierge Scholastique monte au ciel toute joyeuse, sous la forme d'une colombe. Aujourd'hui elle jouit pour jamais avec son frère des délices de la vie céleste.

HYMNE

Voici deux Hymnes empruntées au même Office bénédictin :

" Heureuse épouse du Christ , Scholastique, colombe des vierges , les habitants du ciel te comblent de louanges ; nos cœurs te saluent en faisant monter vers toi l'hommage d'un joyeux concert.

Tu foulas aux pieds les honneurs du monde et ses couronnes ; dirigée par les enseignements de ton frère et les préceptes de sa Règle sainte, attirée par l'odeur des grâces célestes, tu appris de bonne heure à prendre le chemin de la patrie.

Ô force invincible de l'amour ! Ô victoire à jamais glorieuse, en ce jour où par la force de tes larmes tu fais descendre les pluies du ciel, et contrains le Patriarche de Nursie à continuer ses entretiens célestes.

Aujourd'hui tu brilles, au plus haut des cieux, de l'éclat de cette lumière vers laquelle tu soupirais ; les feux de la charité, les splendeurs de la grâce embellissent ton front; unie à l'Epoux, tu reposes au sein de la gloire.

Daigne donc maintenant écarter du cœur des fidèles les nuages d'ici-bas, afin que le Soleil éternel, versant sur nous sa splendeur sereine, nous comble des joies de la lumière sans fin.

Chantons gloire au Père et gloire au Fils unique ; hommage égal au Paraclet divin ; honneur éternel à celui qui créa les siècles et qui les gouverne.

Amen."


Sainte Scholastique. Eglise Saint-Jean-Baptiste.
Chaource. Champagne. XVIe.

HYMNE

" Les ombres de la nuit disparaissent, le jour désiré se lève, auquel l'Epoux éternel s'unit à la vierge Scholastique.

Le temps des frimas est passé, les nuages pluvieux ont disparu, les plaines du ciel s'émaillent de fleurs éternelles.

A l'appel du Dieu qui est amour, la bien-aimée déploie ses ailes ; conviée au baiser mystique, la colombe s'élance d'un vol rapide.

Que tu es belle dans ta marche triomphante, fille chérie du grand Roi ! L'œil de ton frère contemple ton départ ; son cœur rend grâces au Dieu éternel.

De sa droite l'Epoux la presse sur son sein ; elle recueille les couronnes qui lui sont dues ; plongée dans un fleuve de gloire, elle s'enivre des joies divines.

Ô Christ, fleur des vallons, que tous les siècles vous adorent, avec le Père et le Paraclet, dans toute l'étendue de cet univers.

Amen."


Scènes de la vie de saint Benoît. Mort de sainte Scholastique.
Ecrits sur saint Benoît. Jean de Stavelot. XIIIe.

PRIERE

" Colombe chérie de l'Epoux, que votre vol fut rapide, lorsque, quittant cette terre d'exil, vous prîtes votre essor vers lui ! L'œil de votre illustre frère, qui vous suivit un instant, vous perdit bientôt de vue ; mais toute la cour céleste tressaillit de joie à votre entrée. Vous êtes maintenant à la source de cet amour qui remplissait votre cœur, et rendait ses désirs tout-puissants sur celui de votre Epoux. Désaltérez-vous éternellement à cette fontaine de vie ; et que votre suave blancheur devienne toujours plus pure et plus éclatante, dans la compagnie de ces autres colombes, vierges de l'Agneau comme vous, et qui forment un si noble essaim autour des lis du jardin céleste.

Souvenez-vous cependant de cette terre désolée qui a été pour vous, comme elle l'est pour nous, le lieu d'épreuve où vous avez mérité vos honneurs. Ici-bas, cachée dans le creux de la pierre, comme parle le divin Cantique, vous n'avez pas déployé vos ailes, parce que rien n'y était digne de ce trésor d'amour que Dieu lui-même avait versé dans votre cœur. Timide devant les hommes, simple et innocente, vous ignoriez à quel point vous aviez " blessé le cœur de l'Epoux ".

Vous traitiez avec lui dans l'humilité et la confiance d'une âme qu'aucun remords n'agita jamais, et il se rendait à vos désirs par une aimable condescendance; et Benoit, chargé d'années et de mérites, Benoit accoutumé à voir la nature obéir à ses ordres, était vaincu par vous, dans une lutte où votre simplicité avait vu plus loin que sa profonde sagesse.

Qui donc vous avait révélé, Ô Scholastique, ce sens sublime qui, en ce jour-là, vous fit paraître plus sage que le grand homme choisi de Dieu pour être la règle vivante des parfaits ? Ce fut celui-là même qui avait élu Benoît comme l'une des colonnes de la Religion, mais qui voulut montrer que la sainte tendresse d'une charité pure l'emporte encore à ses yeux sur la plus rigoureuse fidélité à des lois qui n'ont été faites que pour aider à conduire les hommes au but que votre cœur avait déjà atteint. Benoît, l'ami de Dieu, le comprit ; et bientôt, reprenant le cours de leur céleste entretien, vos deux âmes se confondirent dans la douceur de cet amour incréé qui venait de se révéler et de se glorifier lui-même avec tant d'éclat. Mais vous étiez mûre pour le ciel, Ô Scholastique ; votre amour n'avait plus rien de terrestre ; il vous attirait en haut. Encore quelques heures, et la voix de l'Epoux allait vous faire entendre ces paroles de l'immortel Cantique, que l'Esprit-Saint semble avoir dictées pour vous :
" Lève-toi, Ô mon amie, ma belle, et viens ; ma colombe, montre-moi ton visage ; que ta voix résonne à mon oreille ; car ta voix est douce, et ton visage est plein d'attraits." (Cant. II, 10.).

Dans votre départ de la terre, ne nous oubliez pas, Ô Scholastique ! Nos âmes sont appelées à vous suivre, bien qu'elles n'aient pas les mêmes charmes aux yeux de l'Epoux. Moins fortunées que la vôtre, il leur faut se purifier longtemps pour être admises dans le séjour où elles contempleront votre félicité. Votre prière força les nuées du ciel à envoyer leur pluie sur la terre ; qu'elle obtienne pour nous les larmes de la pénitence. Vos délices furent dans les entretiens sur la vie éternelle ; rompez nos conversations futiles et dangereuses ; faites-nous goûter ces discours du ciel, dans lesquels les âmes aspirent à s'unir à Dieu. Vous aviez trouvé le secret de cette charité fraternelle dont la tendresse même est un parfum de vertu qui réjouit le coeur de Dieu ; ouvrez nos cœurs à l'amour de nos frères ; chassez-en la froideur et l'indifférence, et faites-nous aimer comme Dieu veut que nous aimions.

Mais, Ô colombe de la solitude, souvenez-vous de l'arbre sous les rameaux duquel s'est abritée votre vie. Le cloître bénédictin vous réclame, non seulement comme la sœur, mais encore comme la fille de son auguste Patriarche. Du haut du ciel, contemplez les débris de cet arbre autrefois si vigoureux et si fécond, à l'ombre duquel les nations de l'Occident se sont reposées durant tant de siècles. De toutes parts, la hache dévastatrice de l'impiété s'est plue aie frapper dans ses branches et dans ses racines. Ses ruines sont partout ; elles jonchent le sol de l'Europe entière. Cependant, nous savons qu'il doit revivre, qu'il poussera de nouveaux rameaux, et que votre divin Epoux, Ô Scholastique, a daigné enchaîner le sort de cet arbre antique aux destinées mêmes de l'Eglise. Priez pour que la sève première revive en lui ; protégez d'un soin maternel les faibles rejetons qu'il produit encore ; défendez-les de l'orage, bénissez-les, et rendez-les dignes de la confiance que l'Eglise daigne avoir en eux."

00:15 Publié dans S | Lien permanent | Commentaires (1)

vendredi, 09 février 2024

9 février. Sainte Apolline, ou Apollonie, vierge et martyre. 249.

- Sainte Apolline, ou Apollonie, vierge et martyre. 249.

Pape : Saint Fabien. Empereur romain : Gordien III.

" La raison et la foi s'accordent à nous faire penser que les saints qui ont plus particulièrement souffert en quelque partie de leur corps ont aussi une compassion particulière pour ceux qui souffrent de la même manière."


Sainte Apolline. Francisco de Zurbaran. XVIIe.

Sainte Apolline ou Apollonie était d'Alexandrie ; au milieu de la corruption générale, elle y passait pour un modèle de vertu et de modestie chrétienne. Cette héroïque jeune fille ne se contenta pas de consacrer au Seigneur ses premières années, sa jeunesse et son existence entière, elle voulut encore lui offrir le sacrifice de sa vie.

L'an 248, sous l'empereur Dèce, une persécution sanglante éclata dans la cité à l'instigation d'un magicien qui détestait les chrétiens et qui attisa de toute son influence la fureur des païens. Cette fureur contre les chrétiens ne connut point de bornes. On pilla les maisons et on exerça contre les personnes les plus horribles violences. Apolline, déjà avancée en âge, loin de prendre la fuite, demeura toujours à Alexandrie, sans craindre la perte de ses biens ni de sa vie, heureuse, au contraire, d'attendre l'occasion de couronner ses vertus par un glorieux martyre.


Piero della Francesca. XVIe.

Un jour, elle fut arrêtée ; les bourreaux se jetèrent sur elle, la frappèrent si rudement avec des cailloux, qu'ils lui rompirent les mâchoires et lui brisèrent les dents ; puis, l'ayant entraînée hors de la ville, ils allumèrent un grand feu, résolus de l'y jeter, si elle ne renonçait pas à Jésus-Christ. La Sainte demanda quelques moments comme pour réfléchir à ce qu'elle devait faire.

Les païens espérèrent un instant qu'elle allait reculer devant l'horrible supplice du feu. Mais Apolline, profitant de cet instant de liberté, s'échappa de leurs mains, et poussée par l'ardeur de l'amour divin qui embrasait son coeur, elle s'élança elle-même impétueusement dans le feu, au grand étonnement de ses bourreaux stupéfaits de voir une fille plus hardie et plus prompte à souffrir la mort qu'eux-mêmes à la lui faire endurer.


Sainte Apolline. Détail d'un retable de Ghirlandaio. XVe.

Eprouvée déjà par différents supplices, cette courageuse martyre ne se laissa pas vaincre par la douleur des tourments qu'elle subissait, ni par l’ardeur des flammes, car son coeur était bien autrement embrasé des rayons de la vérité. Aussi ce feu matériel, attisé par la main des hommes, ne put détruire dans son cour intrépide l’ardeur qu'y avait déposée l’oeuvre de Dieu.

Oh ! La grande et l’admirable lutte que celle de cette vierge, qui, par l’inspiration de la grâce de Dieu, se livra aux flammes pour ne pas brûler, et se consuma pour ne pas être consumée ; comme si elle n'eût pas été la proie du feu, et des supplices! Elle était libre de se sauvegarder, mais sans combat, elle ne pouvait acquérir de gloire. Cette vierge et martyre intrépide de Notre Seigneur Jésus-Christ méprise les délices mondaines, foule par ses mépris les joies d'ici-bas, et sans autre désir que de plaire au Christ, son époux, elle reste inébranlable dans sa résolution de garder sa virginité, au milieu des tourments les plus violents.


Heures à l'usage de Paris. XVe.

Ses mérites éminents la font distinguer au milieu des martyrs pour le glorieux triomphe qu'elle a heureusement remporté. Assurément il y eut dans cette femme un courage viril, puisque la fragilité de son sexe ne fléchit point dans une lutte si violente. Elle refoule la crainte humaine par l’amour de Dieu, elle se saisit de la croix du Christ comme d'un trophée ; elle combat et remporte plus promptement la victoire avec les armes de la foi qu'elle n'aurait fait avec le fer, aussi bien contre les passions que contre tous les genres de supplices.

L'enlumineur, Jean Fouquet, a mis en scène le martyre de sainte Apolline comme un mystère. Un rideau d'arbres doublé d'un clayonnage limite le devant de la scène. Avec des gestes démonstratifs, les bourreaux, sur l'ordre de Dèce, ligotent la martyre, lui immobilisent la tête en tirant ses cheveux et lui arrachent les dents. Tandis qu'un fou, au geste obscène, déambule avec sa marotte, le régisseur, baguette en main, dirige l'ensemble du jeu et les musiciens. Décor et tribunes ferment le théâtre : à gauche le paradis, au centre les spectateurs et à droite, l'enfer.


Martyre de sainte Apolline. Heures d'Étienne Chevalier.
Jean Fouquet. XIVe.

Son corps, comme un holocauste pur et sans tache, fut bientôt dévoré par les flammes, et son âme généreuse et pure s'envola dans les Cieux, l'an 249 de Notre-Seigneur, le 9 février. L'exemple étonnant de sainte Apolline serait répréhensible si elle avait obéi à la précipitation de la nature ; mais l'Église, en l'admettant au nombre des martyrs, nous oblige à croire qu'elle obéit à l'impulsion de l'Esprit divin. Sainte Apolline a toujours été regardée par la dévotion populaire comme secourable contre le mal de dents, sans doute à cause du premier supplice qu'elle avait enduré.

Le courage de cette vierge, allant elle-même au-devant des supplices, est une éclatante condamnation de notre lâcheté au service de Dieu. Daigne nous accorder aussi cette grâce celui qui avec le Père et le Saint-Esprit règne dans les siècles des siècles.

Une église de Rome est sous son invocation et il s'y fait un pélerinage très populaire. Des pélerinages se font aussi en Provence, dans l'Ouest de la France et en particulier en Bretagne.


Heures à l'usage de Bayeux. XVe.

PRIERE

" Quelle ardeur est la vôtre, Ô Apolline ! La flamme du bûcher, loin de vous effrayer, vous attire, et vous y courez comme à un lieu de délices. En face du péché, la mort vous semble douce; et vous n'attendez pas que la main barbare des hommes vous y précipite. Ce courage étonne notre faiblesse ; et cependant le brasier que vous avez préféré à l'apostasie, et qui, dans peu d'instants, devait vous enfanter à un bonheur sans fin, n'est rien auprès de ces feux éternels que le pécheur brave à toute heure, parce qu'il ne les sent pas encore. Il ose défier ces flammes vengeresses, s'y exposer, pour une satisfaction passagère. Avec cela, les mondains se scandalisent des saints ; ils les trouvent exagérés, emportés, fanatiques, parce que les saints voient plus loin qu'ils ne voient eux-mêmes.


Sainte Marguerite et sainte Apolline foulant le démon.
Rogier van der Weyden. Flandres. XVe.

Réveillez en nous, Ô Apolline, la crainte du péché qui dévore éternellement ceux qui meurent avec lui. Si le bûcher qui fut pour vous comme un lit de repos nous semble affreux, que l'horreur de la souffrance et de la destruction serve du moins à nous éloigner du mal qui entraîne les hommes dans cet abîme, du fond duquel, comme parle saint Jean, la fumée de leurs tourments monte dans les siècles des siècles . Ayez pitié de nous, Ô Vierge ! priez pour les pécheurs. Ouvrez-leur les yeux sur les périls qui les menacent. Faites-nous craindre Dieu, afin que nous puissions éviter ses justices, et que nous commencions enfin à l'aimer."

00:15 Publié dans A | Lien permanent | Commentaires (4)

jeudi, 08 février 2024

8 février. Saint Jean de Matha, prêtre, fondateur de l'Ordre de la Très Sainte Trinité pour la Rédemption des Captifs. 1213.

- Saint Jean de Matha, prêtre, co-fondateur de l'Ordre de la Très Sainte Trinité pour la Rédemption des Captifs. 1213.
 
Pape : Innocent III. Roi de Castille et de Tolède : Alphonse VIII, le Bon. Roi de Léon et de Galice : Alphonse IX. Roi de France : Philippe II Auguste. Empereurs romains germaniques : Othon IV ; Frédéric II.

" Plus une âme est parfaite, plus elle a de compassion pour les souffrances d'autrui."
Saint Grégoire le Grand.


Saint Jean de Matha et saint Félix de Valois aux pieds de
Notre Seigneur Jésus-Christ libérant deux esclaves. XVIIe.

Naguère, nous célébrions la mémoire de Pierre Nolasque, appelé par la très sainte Mère de Dieu à fonder un Ordre destiné au rachat des chrétiens captifs chez les infidèles ; aujourd'hui, nous avons à honorer l'homme généreux qui fut le premier favorisé de cette sublime pensée, et établit, sous le nom de la très sainte Trinité, une société religieuse dont les membres s'engagèrent à mettre leurs efforts, leurs privations, leur liberté, leur vie, au service des pauvres esclaves qui gémissaient sous le joug des Sarrasins. L'Ordre des Trinitaires et celui de la Merci, quoique distincts, son frères dans leur but et dans l'intention qui les a produits ; leurs résultats, e six siècles de durée, ont été de rendre à leurs familles et à leur patrie plus d'un million d'hommes, dont ils préservaient en même temps la foi des périls de l'apostasie.

C'est en France, près de Meaux, que Jean de Matha, assisté de son fidèle coopérateur Félix de Valois, qui paraîtra à son tour sur le Cycle dans la dernière partie de l'année, établit le centre de son œuvre à jamais bénie. En ces jours de préparation au Carême, où nous avons besoin de raviver en nous la flamme de la charité envers ceux qui souffrent, quel plus admirable modèle que Jean de Matha, que son Ordre tout entier, qui n'a eu d'autre raison d'existence que le désir d'aller arracher aux horreurs de l'esclavage des frères inconnus qui languissent chez les barbares !

Est-il une aumône, si généreuse qu'elle soit, qui ne s'efface, quand on la compare au dévouement de ces hommes qui s'obligent par leurs règles non seulement à parcourir la chrétienté pour y recueillir les deniers à l'aide desquels ils rendront la liberté aux esclaves, mais à prendre tour à tour les fers de quelqu'un de ces infortunés, afin d'accroître le nombre des rachetés ? N'est-ce pas, autant que la faiblesse humaine le peut permettre, imiter à la lettre l'exemple du Fils de Dieu lui-même, descendant du ciel pour être notre Rédempteur ? Animés par de tels modèles, nous entrerons plus volontiers encore dans les intentions de l'Eglise qui nous recommandera bientôt les œuvres de miséricorde comme l'un des éléments essentiels de la pénitence quadragésimale.


Saint Jean de Matha travaillant à la règle et aux statuts de l'Ordre.
Vicente Carducho. XVIIe.

Le 24 juin 1160 naissait à Faucon Jean de Matha. Son père Euphème de Matha était un seigneur espagnol qui avait reçu de Raymond Bérenger le jeune, comte de Barcelone et de Provence, la terre de Faucon. Pour lui donner une instruction et une éducation digne de son rang, la famille se fixe à Marseille où Jean commence ses études. Sa mère, Marthe, lui apprend à connaitre les pauvres, les malheureux et à les aimer. Elle le conduit aussi dans les hopitaux et les prisons.

Il poursuivra ses études à Aix en Provence, puis à l'université à Paris où il prend ses grades de docteur en théologie. Il est encouragé à devenir prêtre par Maurice de Sully, évêque de Paris, qui avait remarqué sa valeur et sa piété.

Quand il célèbre sa première messe, le 28 janvier 1193/1194, fête de sainte Agnès, dans la chapelle de Maurice de Sully, il " voit " un homme en blanc, une croix rouge et bleue sur la poitrine, posant les mains sur deux prisonniers dont l'un est blanc et l'autre maure.

Le lendemain, alors qu'il s'est retiré dans une forêt pour prier avec un ermite dont la réputation de sainteté est arrivée jusqu'à ses oreilles, les deux hommes sont témoins de l'apparition d'un cerf portant une croix entre les bois, qui vient s'abreuver à une fontaine auprès d'eux.


Le pape Innocent III remet le décret d'approbation de l'Ordre
à saint Jean de Matha et à saint Félix de Valois.
Eglise Saint-Thomas de Formis. Rome. XVIIe.

Jean de Matha parle de sa vision des prisonniers au pape, qui a eu la même : ils l'interprètent comme un appel à la fondation d'un ordre ayant pour mission de racheter les captifs victimes des razzias menés par les Sarrasins sur les côtes méditerranéennes. L'Ordre de la Très Sainte Trinité et de la Rédemption des Captifs est approuvé, en même temps que sa Règle, par Innocent III le 17 décembre 1198 (bulle Operante divine dispositionis).

Les Trinitaires construisent un premier monastère à Cerfroid (actuellement commune de Brumetz, dans l'Aisne), lieu de l'apparition, sur une propriété donnée par Marguerite de Blois, future comtesse de Bourgogne (la Maison de la Trinité de Cerfroid restera le Chef-d'ordre des Trinitaires jusqu'au châtiment de la Révolution qui ravagea la France). À Cerfroid s'ajoutent Planels et Bourg-la-Reine : ce sont les trois fondations initiales.


Statue de saint Jean de Matha. Salamanque. Espagne. XVIe.

Puis Philippe Auguste aide les Trinitaires à construire un monastère à Paris près d'une chapelle dédiée à saint Mathurin, d'où leur nom de Mathurins. Des milliers de chrétiens sont ainsi rachetés aux musulmans du Maroc, d'Algérie et de Tunisie dont ils étaient devenus esclaves.

Après la mort de son ami ermite, Félix de Valois, Jean se retire à Rome où il meurt. Son corps est déposé dans un mausolée de marbre.

En 1665 le père Jean de la Conception présenta une requête au vicariat de Rome avec des arguments prouvant que Jean de Matha (ainsi que Félix de Valois) avait été qualifié de saint par plusieurs papes. Le 31 juillet 1665, le cardinal vicaire de Rome rend un décret constatant le culte accordé de temps immémorial à Jean de Matha et à Félix de Valois, sentence confirmée par la Sacrée Congrégation des rites le 14 août 1666 et par le pape Alexandre VII le 21 octobre. Les noms de Jean et de Félix seront insérés dans le martyrologe romain le 27 janvier 1671 par un décret d'Innocent XI. Le 14 mars 1694 les fêtes des deux saints seront étendues à l'Église universelle.


Messe de fondation de l'Ordre par saint Jean de Matha.
Juan Carreno de Miranda. 1650.
 
PRIERE
 
" Jouissez maintenant du fruit de votre dévouement pour vos frères, Ô Jean de Matha ! Le Rédempteur du monde voit en vous une de ses plus fidèles images, et il se plaît à honorer aux yeux de toute la cour céleste les traits de ressemblance que vous avez avec lui. C'est à nous sur la terre de suivre vos traces, puisque nous espérons arriver au même terme. La charité fraternelle nous y conduira ; car nous savons que les œuvres qu'elle inspire ont la vertu d'arracher l'âme au péché (Eccli. III, 33.).

Vous l'avez comprise telle qu'elle est dans le cœur de Dieu, qui aime nos âmes avant nos corps, et qui cependant ne dédaigne pas de subvenir aux besoins de ceux-ci. Emu des périls que couraient tant d'âmes exposées au danger de l'apostasie, vous êtes accouru à leur aide, et vous leur avez fait comprendre tout le prix d'une religion qui suscite de tels dévouements. Vous avez compati aux souffrances de leurs corps, et votre main généreuse a fait tomber les chaînes sous le poids desquelles ils languissaient. Enseignez-nous à imiter de tels exemples. Que les périls auxquels sont exposées les âmes de nos frères ne nous trouvent plus insensibles. Faites-nous comprendre cette parole d'un Apôtre : " Celui qui aura retiré un pécheur des erreurs de sa voie, en même temps qu'il sauvera l'âme de celui-ci, couvrira la multitude de ses propres péchés " (Jacob, V, 20.).

Diplôme d'une confrérie de Laïcs de l'Ordre de la
Très Sainte Trinité pour la rédemption des captifs. Début du XVIIIe.

Donnez-nous part aussi à cette tendresse compatissante qui nous rendra généreux et empressés à soulager les maux que nos frères souffrent dans leurs corps, et qui sont trop souvent pour eux l'occasion de blasphémer Dieu et sa Providence. Libérateur des hommes, souvenez-vous en ces jours de tous ceux qui gémissent par le péché sous la captivité de Satan, de ceux surtout qui, dans l'ivresse des illusions mondaines, ne sentent plus le poids de leurs chaînes et dorment tranquillement dans leur esclavage. Convertissez-les au Seigneur leur Dieu, afin qu'ils recouvrent la véritable liberté. Priez pour la France votre patrie, et maintenez-la au rang des nations fidèles. Protégez enfin les restes précieux de l'Ordre que vous avez fondé, afin que, l'objet de son antique dévouement ayant pour ainsi dire cessé aujourd'hui, il puisse encore servir aux besoins de la société chrétienne."

00:15 Publié dans J | Lien permanent | Commentaires (0)