dimanche, 08 juin 2025
Dimanche de la Pencôte.
- Le dimanche de la Pencôte.
" Veni Sancte Spiritus, reple tuorum corda fidelium, et tui amoris in eis ignem accende."
" Venez , Ô Esprit-Saint, remplissez les cœurs de vos fidèles, et allumez en eux le feu de votre amour."
La grande journée qui consomme l'oeuvre divine sur la race humaine a lui enfin sur le monde. " Les jours de la Pentecôte sont accomplis ." (Act II, 1.).
Depuis la Pâque, nous avons vu se dérouler sept semaines ; voici le jour qui fait suite et amène le nombre mystérieux de cinquante. Ce jour est le Dimanche, consacré par les augustes souvenirs de la création de la lumière et de la résurrection du Christ ; son dernier caractère lui va être imposé, et par lui nous allons recevoir " la plénitude de Dieu " (Voir la Mystique du Temps Pascal, tome 1, pages 20 à 23.).
Sous le règne des figures, le Seigneur marqua déjà la gloire future du cinquantième jour. Israël avait opéré, sous les auspices de l'agneau de la Pâque, son passage à travers les eaux de la mer Rouge. Sept semaines s'écoulèrent dans ce désert qui devait conduire à la terre promise, et le jour qui suivit les sept semaines fut celui où l'alliance fut scellée entre Dieu et son peuple. La Pentecôte (le cinquantième jour) fut marquée par la promulgation des dix préceptes de la loi divine, et ce grand souvenir resta dans Israël avec la commémoration annuelle d'un tel événement. Mais ainsi que la Pâque, la Pentecôte était prophétique : il devait y avoir une seconde Pentecôte pour tous les peuples, de même qu'une seconde Pâque pour le rachat du genre humain. Au Fils de Dieu, vainqueur de la mort, la Pâque avec tous ses triomphes ; à l'Esprit-Saint, la Pentecôte, qui le voit entrer comme législateur dans le monde placé désormais sous sa loi.
Bréviaire à l'usage de Besançon. XVe.
Mais quelle dissemblance entre les deux Pentecôtes ! La première sur les rochers sauvages de l'Arabie, au milieu des éclairs et des tonnerres, intimant une loi gravée sur des tables de pierre ; la seconde en Jérusalem, sur laquelle la malédiction n'a pas éclaté encore, parce qu'elle contient dans son sein jusqu'à cette heure les prémices du peuple nouveau sur lequel doit s'exercer l'empire de l'Esprit d'amour. En cette seconde Pentecôte, un feu divin s'est emparé d'eux, et ce feu embrasera la terre entière. Jésus avait dit :
" Je suis venu apporter le feu sur la terre, et quel est mon vœu, sinon de le voir s'éprendre ?" (Luc. XII, 49.).
L'heure est venue, et celui qui en Dieu est l'Amour, la flamme éternelle et incréée, descend du ciel pour remplir l'intention miséricordieuse de l'Emmanuel.
En ce moment où le recueillement plane sur le Cénacle tout entier, Jérusalem est remplie de pèlerins accourus de toutes les régions de la gentilité, et quelque chose d'inconnu se remue au fond du cœur de ces hommes. Ce sont des Juifs venus pour les fêtes de la Pâque et de la Pentecôte de tous les lieux où Israël est allé établir ses synagogues. L'Asie, l'Afrique, Rome elle-même, ont fourni leur contingent mêlés à ces Juifs de pure race, on aperçoit des gentils qu'un mouvement de piété a portés à embrasser la loi de Moïse et ses pratiques : on les appelle Prosélytes. Cette population mobile qui doit se disperser sous peu de jours, et que le seul désir d'accomplir la loi a rassemblée dans Jérusalem, représente, par la diversité des langages, la confusion de Babel ; mais ceux qui la composent sont moins influencés que les habitants de la Judée par l'orgueil et les préjugés. Arrivés d'hier, ils n'ont pas, comme ces derniers, connu et repoussé le Messie, ni blasphémé ses oeuvres qui rendaient témoignage de lui. S'ils ont crié devant Pilate avec les autres Juifs pour demander que le Juste fût crucifié, c'est qu'ils étaient entraînés par l'ascendant des prêtres et des magistrats de cette Jérusalem vers laquelle leur piété et leur docilité à la loi les avaient amenés.
Missel à l'usage d'Aix-en-Provence. XIVe.
Soudain un vent violent qui venait du ciel se fait entendre ; il mugit au dehors et remplit le Cénacle de son souffle puissant. Au dehors il convoque autour de l'auguste édifice que porte la montagne de Sion une foule d'habitants de Jérusalem et d'étrangers ; au dedans il ébranle tout, il soulève les cent-vingt disciples du Sauveur, et montre que rien ne lui résiste. Jésus avait dit de lui : " C'est un vent qui souffle où il veut, et vous entendez retentir sa voix " (Johan III, 8.) ; puissance invisible qui creuse jusqu'aux abîmes dans les profondeurs de la mer, et lance les vagues jusqu'aux nues. Désormais ce vent parcourra la terre en tous sens, et rien ne pourra l'arrêter dans son domaine.
Nos yeux tout d'abord cherchent respectueusement Marie, Marie plus que jamais " pleine de grâce ". Une nouvelle mission s'ouvre pour Marie : à cette heure, la sainte Eglise est enfantée par elle ; Marie vient de mettre au jour l'Epouse de son Fils, et de nouveaux devoirs l'appellent. Jésus est monté seul dans les cieux ; il l'a laissée sur la terre, afin qu'elle prodigue à son tendre fruit ses soins maternels.
Qu'elle est touchante, mais aussi qu'elle est glorieuse cette enfance de notre Eglise bien-aimée, reçue dans les bras de Marie,allaitée par elle, soutenue de son appui dès les premiers pas de sa carrière en ce monde ! Il faut donc à la nouvelle Eve, à la véritable " Mère des vivants ", un surcroît de grâces pour répondre à une telle mission : aussi est-elle l'objet premier des faveurs de l'Esprit-Saint.
Il la féconda autrefois pour être la mère du Fils de Dieu ; en ce moment il forme en elle la mère des chrétiens. " Le fleuve de la grâce, comme parle le Roi-prophète, submerge de ses eaux cette Cité de Dieu qui les reçoit avec délices " ; l'Esprit d'amour accomplit à ce moment l'oracle divin du Rédempteur mourant sur la croix. Il avait dit, en désignant l’homme : " Femme, voilà votre fils " ; l'heure est arrivée, et Marie a reçu avec une plénitude merveilleuse cette grâce maternelle qu'elle commence à appliquer dès aujourd'hui, et qui l'accompagnera jusque sur son trône de reine, lorsqu'enfin la sainte Eglise ayant pris un accroissement suffisant, sa céleste nourrice pourra quitter la terre, monter aux cieux et ceindre le diadème qui l'attend.
Regardons maintenant le collège apostolique. Ces hommes que quarante jours de relations avec leur Maître ressuscité avaient relevés, et que nous trouvions déjà si différents d'eux-mêmes, que sont-ils devenus depuis l'instant où l'Esprit divin les a saisis ? Tout ce que le Maître leur avait annoncé est accompli en eux ; et c'est véritablement la Vertu d'en haut qui est descendue pour les armer au combat.
Où sont-ils ceux qui tremblaient devant les ennemis de Jésus, ceux qui doutaient de sa résurrection ? La vérité que le Maître leur a enseignée brille aux regards de leur intelligence ; ils voient tout, ils comprennent tout. L'Esprit-Saint leur a infus le don de la foi dans un degré sublime, et désormais, ils n'aspirent qu'à affronter tous les périls en prêchant, comme Jésus le leur a commandé, à toutes les nations son nom et sa gloire.
Anonyme. Eglise Saint-Christophe, ancien prieuré bénédictin.
Châteaufort. Île-de-France. XVIe.
Il fallait rompre, en effet, avec les siens, mériter par le sacrifice les faveurs de la nouvelle Pentecôte, passer de la Synagogue dans l'Eglise. Plus d'un combat se livra dans les cœurs de ces hommes ; mais le triomphe de l'Esprit-Saint fut complet en ce premier jour. Trois mille personnes se déclarèrent disciples de Jésus, et furent marquées aujourd'hui même du sceau de l'adoption. Demain c'est au temple même que Pierre parlera, et à sa voix cinq mille personnes se déclareront à leur tour disciples de Jésus de Nazareth.
Salut donc, Ô Eglise, noble et dernière création de l'Esprit-Saint, société immortelle qui militez ici-bas, en même temps que vous triomphez dans les cieux.
Ô Pentecôte, jour sacré de notre naissance, vous ouvrez avec gloire la série des siècles que doit parcourir en ce monde l'Epouse de l'Emmanuel. Vous nous donnez l'Esprit divin qui vient écrire, non plus sur la pierre, mais dans nos cœurs, la loi qui régira les disciples de Jésus.
Ô Pentecôte promulguée dans Jérusalem, mais qui devez étendre vos bienfaits à ceux " qui sont au loin ", c'est-à-dire aux peuples de la gentilité, vous venez remplir les espérances que nous fit concevoir le touchant mystère de l'Epiphanie. Les mages venaient de l'Orient ; nous les suivîmes au berceau de l'Entant divin, et nous savions que notre tour viendrait.
Votre grâce, Ô Esprit-Saint, les avait secrètement attirés à Bethléhem ; mais dans cette Pentecôte qui déclare votre souverain empire avec tant d'énergie, vous nous appelez tous ; l'étoile est transformée en langues de feu, et la face de la terre va être renouvelée. Puissent nos cœurs conserver les dons que vous nous apportez, ces dons que le Père et le Fils qui vous envoient nous ont destinés !
Heures à l'usage de Rouen. XVe.
L'importance du mystère de la Pentecôte étant si principale dans l'économie du christianisme, on ne doit pas s'étonner que l'Eglise lui ait assigné dans la sainte Liturgie un rang aussi distingué que celui qu'elle attribue à la Pâque elle-même.
La Pâque est le rachat de l'homme par la victoire du Christ : dans la Pentecôte l'Esprit-Saint prend possession de l'homme racheté ; l'Ascension est le mystère intermédiaire. D'un côté, elle consomme la Pâque en établissant l'Homme-Dieu, vainqueur de la mort et chef de ses fidèles, à la droite du Père ; de l'autre, elle détermine l'envoi de l'Esprit-Saint sur la terre. Cet envoi ne pouvait avoir lieu avant la glorification de Jésus, comme nous dit saint Jean (Johan. VII, 39.), et de nombreuses raisons alléguées par les Pères nous aident à le comprendre. Il fallait que le Fils de Dieu, qui avec le Père est le principe de la procession du Saint-Esprit dans l'essence divine, envoyât personnellement aussi cet Esprit sur la terre.
La mission extérieure de l'une des divines personnes n'est qu'une suite et une manifestation de la production mystérieuse et éternelle qui a lieu au sein de la divinité. Ainsi le Père n'est envoyé ni par le Fils ni par le Saint-Esprit, parce qu'il n'est pas produit par eux. Le Fils a été envoyé aux hommes par le Père, étant engendré par lui éternellement. Le Saint-Esprit est envoyé par le Père et par le Fils, parce qu'il procède de l'un et de l'autre. Mais pour que la mission du Saint-Esprit s'accomplit de manière à donner plus de gloire au Fils, il était juste qu'elle n'eût lieu qu'après l'intronisation du Verbe incarné à la droite du Père, et il était souverainement glorieux pour la nature humaine qu'au moment de cette mission elle fût indissolublement unie à la nature divine dans la personne du Fils de Dieu, en sorte qu'il fût vrai de dire que l'Homme-Dieu a envoyé le Saint-Esprit sur la terre.
Heures à l'usage de Rouen. XVIe.
Cette auguste mission ne devait être donnée à L'Esprit divin que lorsque les hommes auraient perdu la vue de l'humanité de Jésus. Ainsi que nous l'avons dit, il fallait désormais que les yeux et les cœurs des fidèles poursuivissent le divin absent d'un amour plus pur et tout spirituel. Or, à qui appartenait-il d'apporter aux hommes cet amour nouveau, sinon à l'Esprit tout-puissant qui est le lien du Père et du Fils dans un amour éternel ? Cet Esprit qui embrase et qui unit est appelé dans les saintes Ecritures le " don de Dieu " ; et c'est aujourd'hui que le Père et le Fils nous envoient ce don ineffable. Rappelons-nous la parole de notre Emmanuel à la femme de Samarie, au bord du puits de Sichar.
Psautier à l'usage d'Arras. XIIIe.
" Oh ! Si tu connaissais le don de Dieu !" (Johan. IV, 10.).
Il n'était pas descendu encore ; il ne se manifestait jusqu'alors aux hommes que par des bienfaits partiels. A partir d'aujourd'hui, c'est une inondation de feu qui couvre la terre: l'Esprit divin anime tout, agit en tous lieux. Nous connaissons le don de Dieu ; nous n'avons plus qu'à accepter, qu'à lui ouvrir l'entrée de nos cœurs, comme les trois mille auditeurs fidèles que vient de rencontrer la parole de Pierre que nous rappelons ici (Act. II.) :
" Hommes juifs, s'écrie dans la plus haute éloquence le pêcheur du lac de Génézareth, hommes juifs et vous tous qui habitez en ce moment Jérusalem, apprenez ceci et prêtez l'oreille à mes paroles. Non, ces hommes que vous voyez ne sont pas ivres comme vous l'avez pensé ; car il n'est encore que l'heure de tierce ; mais en ce moment s'accomplit ce qu'avait prédit le prophète Joël :
" Dans les derniers temps, dit le Seigneur, je répandrai mon Esprit sur toute chair, et vos fils et vos filles prophétiseront, et vos jeunes gens seront favorisés de visions, et vos vieillards auront des songes prophétiques. Et dans ces jours, je répandrai mon Esprit sur mes serviteurs et sur mes servantes, et ils prophétiseront."
Hommes Israélites, écoutez ceci. Vous vous rappelez Jésus de Nazareth, que Dieu même avait accrédité au milieu de vous par les prodiges au moyen desquels il opérait par lui, ainsi que vous le savez vous-mêmes. Or, ce Jésus, selon le décret divin résolu à l'avance, a été livré à ses ennemis, et vous-mêmes vous l'avez fait mourir par la main des impies. Mais Dieu l'a ressuscite, en l'arrachant à l'humiliation du tombeau qui ne pouvait le retenir.
David n'avait-il pas dit de lui :
" Ma chair reposera dans l'espérance ; car vous ne permettrez pas, Seigneur, que celui qui est votre Saint éprouve la corruption du tombeau ?"
Ce n'était pas en son propre nom que David parlait ; car il est mort, et son sépulcre est encore sous nos yeux ; mais il annonçait la résurrection du Christ qui n'a point été laissé dans le tombeau, et dont la chair n'a pas connu la corruption. Ce Jésus, Dieu lui-même l'a ressuscité, et nous en sommes tous témoins. Elevé à la droite de Dieu, il a, selon la promesse qu'en avait faite le Père, répandu sur la terre le Saint-Esprit, ainsi que vous le voyez et l'entendez. Sachez donc, maison d'Israël, et sachez-le avec toute certitude, que ce Jésus crucifié par vous, Dieu en a fait le Seigneur et le Christ."
" Repentez-vous, et que chacun de vous soit baptisé au nom de Jésus-Christ, et vous aurez part, vous aussi, au don du Saint-Esprit. La promesse a été faite pour vous et pour vos fils et également pour ceux qui sont loin, c'est-à-dire les gentils : en un mot, pour tous ceux qu'appelle le Seigneur notre Dieu."
Giotto di Bondone. Sienne. XIVe.
Mais voyons à quel moment de l'année l'Esprit divin vient prendre possession de son domaine. Nous avons vu notre Emmanuel, Soleil de justice, s'élever timidement du sein des ombres du solstice d'hiver et monter d'une course lente à son zénith. Dans un sublime contraste, l'Esprit du Père et du Fils a cherche d'autres harmonies. Il est feu, feu qui consume (Deut. IV, 24.) ; il éclate sur le monde au moment où le soleil brille de toute sa splendeur, où cet astre contemple couverte de fleurs et de fruits naissants la terre qu'il caresse de ses rayons. Accueillons de même la chaleur vivifiante du divin Esprit, et demandons humblement qu'elle ne se ralentisse plus en nous. A ce moment de l'Année liturgique, nous sommes en pleine possession de la vérité par le Verbe incarné ; veillons à entretenir fidèlement l'amour que l'Esprit-Saint vient nous apportera son tour.
Fondée sur un passé de quatre mille ans quant aux figures, la Pentecôte chrétienne, le vrai quinquagénaire, est du nombre des fêtes instituées par les Apôtres eux-mêmes. Nous avons vu qu'elle partagea avec la Pâque, dans l'antiquité, l'honneur de conduire les catéchumènes à la fontaine sacrée, et de les en ramener néophytes et régénérés. Son Octave, comme celle de Pâques, ne dépasse pas le samedi par une raison identique. Le baptême se conférait dans la nuit du samedi au dimanche, et pour les néophytes la solennité de la Pentecôte s'ouvrait au moment même de leur baptême. Comme ceux de la Pâque, ils revêtaient alors les habits blancs, et ils les déposaient le samedi suivant, qui était compté pour le huitième jour.
Chapelle du château de Meillant. Meillant. Berry. XVe.
Le moyen âge donna à la fête de la Pentecôte le gracieux nom de Pâque des roses ; nous avons vu celui de Dimanche des roses imposé dans les mêmes siècles de foi au Dimanche dans l'Octave de l'Ascension. La couleur vermeille de la rose et son parfum rappelaient à nos pères ces langues enflammées qui descendirent dans le Cénacle sur chacun des cent vingt disciples, comme les pétales effeuillés de la rose divine qui répandait l'amour et la plénitude de la grâce sur l'Eglise naissante. La sainte Liturgie est entrée dans la même pensée en choisissant la couleur rouge pour le saint Sacrifice durant toute l'Octave. Durand de Mende, dans son Rational si précieux pour la connaissance des usages liturgiques du moyen âge, nous apprend qu'au treizième siècle, dans nos églises, à la Messe de la Pentecôte, on lâchait des colombes qui voltigeaient au-dessus des fidèles en souvenir de la première manifestation de l'Esprit-Saint au Jourdain, et que l'on répandait de la voûte des étoupes enflammées et des fleurs en souvenir de la seconde au Cénacle.
Heures à l'usage de Paris. XIVe.
A LA MESSE
A Rome, la Station est dans la Basilique de Saint-Pierre. Il était juste de rendre hommage au prince des Apôtres en ce jour où son éloquence inspirée par l'Esprit-Saint conquit à l'Eglise les trois mille chrétiens dont nous sommes les descendants. Actuellement, la Station demeure toujours fixée à Saint-Pierre avec les indulgences qui s'y rapportent ; mais le Souverain Pontife et le sacré Collège se rendent pour la Fonction à la Basilique du Latran, Mère et Chef de toutes les églises de la ville et du monde.
Le moment de célébrer le saint Sacrifice est arrivé. Remplie de l'Esprit divin, l'Eglise va payer le tribut auguste de sa reconnaissance en offrant la victime qui nous a mérité un tel don par son immolation. Déjà l'Introït retentit avec un éclat et une mélodie non pareils. Le chant grégorien s'élève rarement à un tel enthousiasme. Les paroles contiennent un oracle du livre de la Sagesse, qui reçoit son accomplissement aujourd'hui. C'est l'Esprit divin se répandant sur le monde, et comme gage de sa présence donnant aux saints Apôtres la science de la parole dont il est la source.
ÉPÎTRE
Lecture des Actes des Apôtres. Chap. II.
Louis Galloche. Nantes. XVIIIe.
" Les jours de la Pentecôte étant accomplis, et tous les disciples se trouvant réunis dans un même lieu, il se fit tout à coup un grand bruit, comme d'un vent impétueux qui venait du ciel, et qui remplit toute la maison où ils étaient assis. Et ils virent apparaître comme des langues de feu qui se partagèrent, et s'arrêtèrent sur chacun d'eux. Et ils furent tous remplis du Saint-Esprit, et commencèrent à parler diverses langues, selon que le Saint-Esprit leur en mettait l'expression dans la bouche. Or, il y avait à Jérusalem des Juifs remplis de religion, et appartenant à toutes les nations qui sont sous le ciel. Le bruit de ce qui venait de se passer s'étant répandu, il s'en rassembla un grand nombre, et ils furent très étonnés de ce que chacun d'eux les entendait parler en sa propre langue. Ils en étaient tous hors d'eux-mêmes, et dans leur étonnement, ils se disaient les uns aux autres : Tous ces gens qui nous parlent ne sont-ils pas Galiléens ? Comment donc les entendons nous parler chacun la langue de notre pays ? Parthes, Mèdes, Elamites, ceux d'entre nous qui ha bitent la Mésopotamie, la Judée, la Cappadoce.le Pont et l'Asie, la Phrygie et la Pamphylie, l'Egypte et la contrée de la Libye qui est proche de Cyrène ; et ceux d'entre nous qui sont venus de Rome, Juifs et Prosélytes; Crétois et Arabes, nous les entendons parler chacun en notre langue les merveilles de Dieu."
Psautier à l'usage d'Arras. XIIIe.
Quatre grands événements signalent l'existence de la race humaine sur la terre, et tous les quatre témoignent de la bonté infinie de Dieu envers nous. Le premier est la création de l'homme et sa vocation à l'état surnaturel, qui lui donne pour fin dernière la vision et la possession éternelle de Dieu. Le second est l'incarnation du Verbe divin qui, unissant la nature humaine à la nature divine dans le Christ, élevé l'être créé à la participation de la divinité, et fournit en même temps la victime nécessaire pour racheter Adam et sa race de leur prévarication. Le troisième événement est la descente du Saint-Esprit, dont nous célébrons l'anniversaire en ce jour. Enfin le quatrième est le second avènement du Fils de Dieu qui viendra délivrer l'Eglise son épouse, et l'emmènera au ciel pour célébrer avec elle les noces éternelles. Ces quatre opérations divines, dont la dernière n'est pas accomplie encore, sont la clef de l'histoire humaine ; rien n'est en dehors d'elles ; mais l'homme animal ne les voit même pas, il n'y songe pas.
" La lumière a lui dans les ténèbres, et les ténèbres ne l'ont pas comprise." (Johan. I, 5.).
Béni soit donc le Dieu de miséricorde qui " nous a appelés des ténèbres à l'admirable lumière de la foi " (I Petr. II, 9.). Il nous a faits enfants de cette génération " qui n'est ni de la chair et du sang, ni de la volonté de l'homme, mais de Dieu " (Johan. I, 3.). Par cette grâce, nous voici aujourd'hui attentifs à la troisième des opérations divines sur ce monde, à la descente de l'Esprit-Saint, et nous avons entendu le récit émouvant de sa venue. Cette tempête mystérieuse, ce feu, ces langues, cette ivresse sacrée, tout nous transporte au centre même des divins conseils, et nous nous écrions :
" Dieu a-t-il donc tant aimé ce monde ?"
Jésus, quand il était avec nous sur la terre, nous le disait :
" Oui, Dieu a tant aimé le monde qu'il lui a donné son Fils unique." (Ibid. III, 16.).
Aujourd'hui il nous faut compléter cette sublime parole et dire :
" Le Père et le Fils ont tant aimé le monde, qu'ils lui ont donné leur Esprit-Saint."
Acceptons un tel don, et comprenons enfin ce qu'est l'homme. Le rationalisme, le naturalisme, prétendent le grandir en s'efforçant de le captiver sous le joug de l'orgueil et de la sensualité ; la foi chrétienne nous impose l'humilité et le renoncement ; mais pour prix elle nous montre Dieu lui-même se donnant à nous.
ÉVANGILE
La suite du saint Evangile selon saint Jean. Chap. XIV.
Peinture monumentale. Eglise Saint-Etienne.
Vallouise. Comté de Nice. XIVe.
" En ce temps-là, Jésus dit à ses disciples :
" Si quelqu'un m'aime, il gardera ma parole ; et mon Père l'aimera, et nous viendrons à lui, et nous ferons en lui notre demeure. Celui qui ne m'aime pas, ne garde pas mes paroles ; et la parole que vous avez entendue n'est pas ma parole, mais celle de mon Père qui m'a envoyé. Je vous ai dit ceci, demeurant encore avec vous ; mais le Paraclet, l'Esprit-Saint que le Père enverra en mon nom, vous enseignera toutes choses, et vous rappellera tout ce que je vous ai dit. Je vous laisse la paix, je vous donne ma paix. Je vous la donne, non comme le monde la donne. Que votre cœur ne se trouble point et ne s'effraie point.
Vous avez entendu que je vous ai dit :
" Je m'en vais, et je reviens à vous. Si vous m'aimez, vous vous réjouirez de ce que je vais au Père, parce que le Père est plus grand que moi."
Je vous le dis maintenant, avant que cela arrive, afin que quand ce sera arrivé, vous croyiez. Je ne vous parlerai plus beaucoup ; car le Prince de ce monde vient, et il n'a rien en moi qui soit à lui ; mais c'est afin que le monde connaisse que j’aime le Père, et que, selon le commandement que le Père m'a donné, ainsi je fais."
Anonyme. Eglise Saint-Christophe, ancien prieuré bénédictin.
Châteaufort. Île-de-France. XVIe.
La venue de l'Esprit-Saint n'est pas seulement un événement qui intéresse la race humaine considérée en général ; chaque homme est appelé à recevoir cette même visite qui aujourd'hui " renouvelle la face de la terre entière " (Psalm. CLI, 30.). Le dessein miséricordieux du souverain Seigneur de toutes choses s'étend jusqu'à vouloir contracter une alliance individuelle avec chacun de nous. Jésus ne demande de nous qu'une seule chose : il veut que nous l'aimions et que nous gardions sa parole. A cette condition, il nous promet que son Père nous aimera, et viendra avec lui habiter notre âme. Mais ce n'est pas tout encore. Il nous annonce la venue de l'Esprit-Saint, qui par sa présence complétera l'habitation de Dieu en nous. L'auguste Trinité tout entière se fera comme un nouveau ciel de cette humble demeure, en attendant que nous soyons transportés après cette vie au séjour même où nous contemplerons l'hôte divin, Père, Fils et Saint-Esprit, qui a tant aimé sa créature humaine.
Jésus nous enseigne encore dans ce passage, tiré du discours qu'il adressa à ses disciples après la Cène, que le divin Esprit qui descend sur nous aujourd'hui est envoyé par le Père, mais par le Père " au nom du Fils " ; de même que dans un autre endroit Jésus dit que " c'est lui-même qui enverra l'Esprit-Saint " (Johan. XV, 26.). Ces diverses manières de s'exprimer ont pour but de nous révéler les relations qui existent dans la Trinité divine entre les deux premières personnes et le Saint-Esprit. Ce divin Esprit est du Père, mais il est aussi du Fils ; c'est le Père qui l'envoie ; mais le Fils l'envoie aussi ; car il procède de l'un et de l'autre comme d'un même principe.
Heures à l'usage de Rome. XVe.
En ce grand jour de la Pentecôte, notre reconnaissance doit donc être la même envers le Père qui est la Puissance, et envers le Fils qui est la Sagesse ; car le don qui nous arrive du ciel vient de tous les deux. Eternellement le Père a engendré son Fils, et quand la plénitude des temps fut venue, il l'a donné aux hommes pour être dans la nature humaine leur médiateur et leur sauveur ; éternellement le Père et le Fils ont produit l'Esprit-Saint, et, à l'heure marquée, ils l'ont envoyé ici-bas pour être dans les hommes le principe d'amour, comme il l'est entre le Père et le Fils. Jésus nous enseigne que la mission de l'Esprit est postérieure à la sienne, parce qu'il a fallu que les hommes fussent d'abord initiés à la vérité par celui qui est la Sagesse. En effet, ils n'auraient pu aimer ce qu'ils ne connaissaient pas. Mais lorsque Jésus a consommé son œuvre tout entière, qu'il a fait asseoir son humanité sur le trône de Dieu son Père, de concert avec le Père il envoie l'Esprit divin pour conserver en nous cette parole qui est " esprit et vie " (Ibid. VI, 64.), et qui est en nous la préparation de l'amour.
Missel à l'usage d'Autun. XVe.
PRIERE
" Que vous êtes belle, Ô Eglise de Dieu, rendue sensible dans cet auguste prodige de l'Esprit divin qui agit désormais sans limites ! Vous nous retracez le magnifique spectacle qu'offrait la terre, lorsque la race humaine ne parlait qu'un seul langage. Et cette merveille ne sera pas seulement pour la journée de la Pentecôte, et elle ne durera pas seulement la vie de ceux en qui elle éclate en ce moment. Après la prédication des Apôtres, la forme première du prodige s'effacera peu à peu, parce qu'elle cessera d'être nécessaire ; mais jusqu'à la fin des siècles, Ô Eglise, vous continuerez de parler toutes les langues ; car vous ne serez pas confinée dans un seul pays, mais vous habiterez tous les pays du monde. Partout on entendra exprimer une même foi dans la langue de chaque peuple, et ainsi le miracle de la Pentecôte, renouvelé et transformé, vous accompagnera toujours, Ô Eglise ! Et demeurera l'un de vos principaux caractères.
C'est ce qui fait dire au grand docteur saint Augustin parlant aux fidèles, ces paroles admirables :
" L'Eglise répandue parmi les nations parle toutes les langues. Qu'est cette Eglise, sinon le corps du Christ ? Dans ce corps vous êtes un membre. Etant donc membre d'un corps qui parle toutes les langues, vous avez droit de vous considérer vous-même comme participant au même don." (In Johan. Tract. XXII.).
Durant les siècles de foi, la sainte Eglise, source unique de tout véritable progrès dans l'humanité, avait fait plus encore ; elle était parvenue à réunir dans une même forme de langage les peuples qu'elle avait conquis. La langue latine fut longtemps le lien du monde civilisé. En dépit des distances, les relations de peuple à peuple, les communications de la science, les affaires même des particuliers lui étaient confiées ; l'homme qui parlait cette langue n'était étranger nulle part dans tout l'Occident et au delà. La grande hérésie du XVIe siècle émancipa les nations de ce bienfait comme de tant d'autres, et l'Europe, scindée pour longtemps, cherche, sans le trouver, ce centre commun que l'Eglise seule et sa langue pouvaient lui offrir.
Mais méditons sur le Cénacle dont les portes sont désormais ouvertes, et continuons à y contempler les merveilles du divin Esprit."
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8 juin. Saint Médard et saint Gildard, frères, évêque de Noyon et archevêque de Rouen. 545.
- Saint Médard et saint Gildard, frères. Evêque de Noyon et archevêque de Rouen. 545.
Papes : Saint Léon Ier, le Grand ; Vigile. Roi des Francs Saliens : Childéric Ier. Roi des Francs : Clovis Ier ; Clotaire Ier.
" Sanguinis fraternitas similitudinem tantum corporis refert, Christi autem fraternitas unanimitatem cordis animaeque demonstrat."
" La fraternité du sang produit seulement une ressemblance corporelle, mais la fraternité de Jésus-Christ produit l'union de sentiments dans le coeur et dans l'âme."
Saint Augustin.
Saint Médard et saint Gildard. Bréviaire à l'usage de Paris. XVe.
Puisque la divine Providence a joint si étroitement ces deux frères, nés et baptisés ensemble, ordonnés prêtres et sacrés évêques ensemble, et morts le même jour pour aller jouir ensemble de la couronne immortelle due à leurs mérites, il n'est pas raisonnable de les séparer. Ils naquirent en Picardie, au village de Salency, à une lieue de Noyon, à une époque où les Francs, conquérants d'une partie des Gaules, étaient encore idolâtres ; c'était vers le commencement du règne de Childéric, père de Clovis.
Leur père, Nectard, franc d'origine, était l'un des principaux seigneurs qui environnaient le roi ; et leur mère, qui se nommait Protagie, c'est-à-dire, selon l'étymologie grecque, première sainte, était gallo-romaine et de naissance aussi très-illustre. Nectard, quoique idolâtre, avait toutes les vertus morales capables de faire un honnête homme. Protagie était chrétienne, et avait même résolu de demeurer vierge et de n'avoir jamais d'autre époux que Jésus-Christ ; mais Dieu, qui la voulait rendre mère de deux grands saints, lui fit connaitre, par un Ange, qu'il se contentait de sa bonne volonté et qu'elle devait épouser Nectard, selon le désir et l'engagement de ses parents.
Ce mariage eut pour premier effet la conversion de Nectard ; il ne put résister aux puissantes raisons de Protagie : elle le fit renoncer au culte des idoles pour adorer le Dieu souverain, créateur de toutes choses. La ressemblance de leur foi fut suivie d'une parfaite ressemblance dans les moeurs, et la superstition ayant été bannie de leur maison, on y vit régner la piété, la dévotion, la miséricorde envers les pauvres, la continence, la frugalité, la modestie et toutes les autres vertus chrétiennes.
D'après saint Ouen et plusieurs autres auteurs, Médard et Gildard étaient jumeaux. Les tables de l'Eglise de Rouen ajoutent qu'on ne différa point leur baptême, comme on le faisait souvent en ce temps-là ; mais qu'aussitôt après leur naissance, ils furent régénérés en Jésus-Christ. Leur enfance fut toute sainte, et leurs actes en rapportent des exemples admirables, qui ne doivent pas être passés sous silence. Ce qui brilla le plus en ce jeune saint, ce fut sa grande compassion envers les pauvres et les malheureux.
Retable de saint Médard. Eglise Saint-Médard de Torcé. Bretagne.
Il s'assujétissait à des jeûnes rigoureux, afin de leur distribuer le pain qu'il devait manger, et se privait de toutes les douceurs dont on le gratifiait pour leur en faire largesse. Il se dépouillait lui-même pour les revêtir ; et, un jour qu'on lui avait fait faire un manteau de grand prix, pour paraître avec honneur parmi les jeunes gens de son rang, ayant rencontré un aveugle qui n'avait pas de quoi se couvrir, il lui en fit présent : ce qui causa plus d'admiration que de peine à sa pieuse mère qui, heureuse de lui voir de si excellentes qualités, s'efforçait de les développer dans son jeune coeur.
Un autre jour, son père étant revenu de la campagne avec beaucoup de chevaux, le chargea de les conduire dans le pré et de les y garder quelque temps, parce que tous ses gens étaient occupés à divers ministères. Comma il s'acquittait de cet humble emploi, il aperçut un homme qui, ayant perdu son cheval par quelque accident, emportait sur sa tête, avec beaucoup de peine, la selle, la bride, les étriers et les sangles. Il lui demanda pourquoi il se chargeait tant, puisque même sans charge il avait beaucoup de peine à marcher. Le passant lui répondit que son cheval venait de mourir, et que c'était pour lui un grand malheur, parce qu'il n'avait pas de quoi s'en procurer un autre. Alors le coeur du Saint fut touché de compassion, et, considérant que son père avait plusieurs chevaux, et qu'il lui était aisé d'en avoir encore d'autres, il prit un des chevaux confiés à sa garde et le lui donna. Dieu lui fit connaltre aussitôt que cette action lui était agréable ; car une grosse pluie étant survenue, un aigle vint au-dessus de la tète de Médard et le mit à l'abri de ses ailes: ce qui fut vu, non-seulement d'un valet qui alla le chercher pour diner, mais aussi de son père, de sa mère et de toutes les personnes de la maison, qui accoururent pour admirer cette merveille. L'écuyer de Nectard se plaignit qu'il manquait un de ses chevaux; mais, dès que Médard eut déclaré son action, le nombre des chevaux fut rempli : il se trouva qu'il n'en manquait plus, sans qu'on pût dire comment cela s'était fait.
Après un miracle si éclatant, Nectard et Protagie donnèrent à leur fils toute liberté de faire l'aumône, ne doutant pas que, faite d'une si bonne main, elle n'attirât la bénédiction du Ciel sur leur personne et sur leur famille.
Médard apaisa aussi un grand différend qui était survenu entre des paysans pour le bornage de leurs héritages ; car, s'étant transporté sur le lieu, il mit le pied sur un caillou qui était en terre, leur assurant que c'était là la vraie borne ; pour les en convaincre entièrement, il imprima le vestige de son pied sur ce caillou, aussi facilement que si c'eût été de la cire molle.
Durant toute son enfance, notre Saint mena une vie pieuse, mortifiée, charitable. Quoiqu'il ait passé peu d'années au lieu de sa naissance, il y a laissé des souvenirs édifiants que le temps n'a pas effacés. Bientôt, il quitta Salency et se rendit aux écoles littéraires de Vermand et de Tournai. Son père habitait souvent cette dernière ville que Childéric, roi des Francs, avait choisie pour sa résidence.
Sous des maîtres recommandables par leur science et par leur piété, Médard avança rapidement dans la connaissance des lettres profanes, et surtout dans celle des divines Ecritures. Il fit des progrès plus merveilleux encore dans la pratique des vertus chrétiennes. Evitant la fréquentation des grands et les divertissements de la cour, il mettait tout son bonheur à étudier, à prier, à visiter et à soulager les pauvres. Au don des miracles qu'il possédait déjà, Dieu daigna ajouter le don de prophétie: ce fut alors qu'il prédit à Eleuthère, son condisciple et son ami, la future élévation de ce saint jeune homme au siège de Tournai.

Bannière de procession de saint Médard.
Pour saint Gildard, les tables de l'église de Rouen témoignent que, dans l'enfance même, il était extrêmement assidu à l'église, et qu'il y trouvait toutes ses délices ; qu'ayant la gravité d'un vieillard, il fuyait tous les jeux et les divertissements qui sont l'amusement de ce premier âge, qu'après ses devoirs envers Dieu, il se faisait un devoir capital d'obéir en toutes choses à ses parents, et qu'il ne cédait en rien à son frère pour la charité envers les pauvres, jeûnant aussi pour les nourrir et se dépouillant pour les revêtir.
Nos deux Saints, offrant dans leur vie toutes les marques de la vocation ecclésiastique, furent tonsurés dans une église dédiée sous le nom de saint Etienne, où l'on a longtemps conservé les ciseaux qui avaient servi à leur couper les cheveux. On croit que cette église était aux portes de Soissons, et que c'est celle-là même qui, ayant été beaucoup augmentée par les rois Clotaire et Sigebert, a pris le nom de Saint-Médard. Ce que nous pouvons savoir de leurs études, c'est qu'ils furent mis sous la conduite des évéques de Tournai et de Vermand, qui eurent soin de leur apprendre la doctrine sacrée, afin qu'ils devinssent capables d'enseigner le peuple chrétien, de travailler à la conversion des infidèles et de confondre les hérétiques. La docilité de leur esprit, la beauté de leur mémoire et la solidité de leur jugement, firent qu'ils acquirent en peu de temps ce que d'autres n'eussent acquis qu'en beaucoup d'années, et qu'ils furent jugés dignes, dans un âge peu avancé, d'être promus aux Ordres de l'Eglise.

Statue de saint Médard. Eglise Saint-Médard de Blénod-les-Toul.
Ils reçurent même la prêtrise des mains de Sophrone, évêque de Vermand. Ce fut dans cet Ordre que parut admirablement le concert précieux de toutes les vertus dont leur âme était douée. Leurs jeûnes étaient fréquents et leur oraison continuelle ; ils passaient les nuits entières dans la méditation des nos mystères, et ils y trouvaient tant de délices, qu'ils ne la quittaient qu'avec une sainte impatience de la reprendre.
Modestes et humbles, ils portaient beaucoup d'honneur à leurs supérieurs ; mais ils n'en voulaient pas recevoir de leurs égaux ni de leurs inférieurs, qu'ils traitaient comme leurs frères. Leur douceur et leur affabilité les faisaient aimer de tout le monde, et on ne parlait de tous côtés que de ces 2 frères, qui, comme 2 beaux soleils, éclairaient les églises de Picardie.
L'archevêché de Rouen étant venu à vaquer vers la fin du Ve siècle, par la mort de Crescence, l'un de ses plus dignes prélats, le clergé et le peuple élurent saint Gildard en sa place. Ce saint Prêtre n'apprit qu'avec douleur cette élection ; mais, comme il était évident qu'elle s'était faite par l'inspiration de Dieu, et sans nulle faveur humaine, il fut obligé de s'y soumettre. Etant arrivé à Rouen, où il y avait encore beaucoup d'idolâtres, il travailla avec un zèle infatigable à les gagner à Jésus-Christ, et il eut la consolation de voir la synagogue de Satan diminuer de jour en jour, et son troupeau prendre à tous moments un accroissement nouveau par la conversion de ces infidèles : la douceur, l'honnêteté et la tendresse paternelle avec lesquelles il les visitait et leur parlait, contribuèrent extrêmement à cet heureux résultat. Mais ce qui y aida davantage, ce furent les prières continuelles qu'il adressait à Dieu pour ce peuple qui lui était confié, et la célébration continuelle du Sacrifice de nos autels. Il assistait les pauvres, il rachetait les captifs, il visitait et secourait les malades dont il avait toujours les noms imprimés dans sa mémoire; il consolait les affligés, et, pour dire tout en un mot, avec les Actes de sa vie, qui se trouvent dans les archives de Rouen, il pourvut en toutes choses à l'utilité de tout le monde.
Il y a surtout 3 événements qui l'ont rendu célèbre dans l'histoire ecclésiastique :
- il coopéra, avec saint Remi, saint Médard, son frère, saint Waast et saint Solène à l'entière conversion et au baptême de Clovis, notre premier roi chrétien, comme il est rapporté dans les anciennes Leçons de l'église qui porte son nom à Rouen ;
- il assista, l'an 511, au premier Concile d'Orléans, un des plus célèbres de France ; il y souscrivit en ces termes :
" Gilderadus, episcopus ecclesiae Rothomagensis metropolis, subscripsi." " Gildard, évêque de l'église métropolitaine de Rouen, j'ai souscrit."

Statue de saint Médard. Eglise Saint-Médard d'Arsy. Picardie.
- enfin, il consacra saint Lô, pour évêque de Coutances. Ce n'était qu'un enfant de douze ans et qui n'avait pa même la première tonsure ; mais Possesseur, évêque de ce siége, étant décédé, Dieu fit connaltre, par des signes manifestes, qu'il l'avait choisi pour pasteur de son troupeau. L'Ange, qui avait révélé ce choix à deux prètres de sainte vie de la même Eglise, le révéla aussi au roi Childebert, qui donna son consentement.
Cependant saint Gildard, à qui, comme métropolitain, il appartenait de confirmer l'élection du clergé, et de donner l'imposition des mains, y trouva de grandes difficultés. Il avait devant les yeux la défense que fait saint Paul d'élever trop tôt aux dignités ecclésiastiques ; il connaissait aussi les Canons de l'Eglise qui ne permettaient pas de consacrer prêtre et évêque avant l'âge de 30 ans. On lui disait que Dieu pouvait dispenser de ces lois, et que la déclaration que l'Ange avait faite de sa divine volonté en était une dispense suffisante ; mais il savait qu'il ne fallait pas croire à tout esprit, et que le meilleur moyen de reconnaître la vérité d'une révélation était d'en douter d'abord et de l'avoir pour suspecte. Il vint donc trouver le roi pour lui exposer son embarras, et lui dire que c'était une chose si inouïe de faire un évêque à 12 ans, qu'il n'osait s'attirer le reproche d'avoir donné un exemple si dangereux. Mais le roi l'ayant assuré de la vision qu'il avait eue ci-dessus, il eut recours à la prière, et alors Dieu lui fit connaître qu'étant au-dessus de toutes les lois, il avait des coups privilégiés, et que, comme il voulait donner à cet enfant la prudence et la maturité d'un vieillard, il voulait aussi qu'il fit, par un choix extraordinaire, l'évêque de la ville de Coutance. Ainsi, notre Saint l'embrassa comme son confrère, et le consacra par l'imposition des mains, qui, en lui donnant la Saint-Esprit, lui donna en même temps la sagesse et la vigueur épiscopales.
Peu d'années après, ce bienheureux archevêque, consumé de travaux et de pénitences, tomba dans une maladie mortelle qui lui fit connaître que l'heure de son départ et de sa récompense approchait ; il s'y prépara par la réception des Sacrements et par un renouvellement de ferveur, et rendit enfin son esprit à Dieu au milieu d'une grande lumière et sous la forme d'une colombe, comme le dit une leçon de son office. Son corps fut enterré dans sa cathédrale, qui porte son nom, et, depuis, il a été transporté à Soissons et déposé dans l'abbaye de Saint-Médard, comme nous le dirons bientôt. Le jour de sa mort est marqué au 8 juin et vers l'année 545.
Revenons maintenant à saint Médard : ce saint Prêtre, jusqu'au temps de sa promotion à l'épiscopat, assista son père, son évêque et nos rois de ses sages conseils, et édifia merveilleusement tout le Vermandois par la sainteté de sa vie et par la force de ses discours et de ses exhortations.
Statue de saint Médard à Salency (sa ville natale).
Sa charité envers les pauvres ne se bornait pas à leur distribuer du pain, des vêtements, toutes les choses nécessaires à la vie ; dans son zèle pour leur salut, il en arracha un grand nombre à l'ignorance, au péché, à des habitudes criminelles.
Pour accomplir une tâche souvent si difficile et si rude, il ne recula devant aucun péril, devant aucun sacrifice. Cependant, notre Saint n'oubliait pas de visiter souvent ses chers Salenciens. Ce fut, dit-on, dans une de ces courses apostoliques aux environs de Noyon, qu'il les dota de la belle et touchante institution connue sous le nom de fête de la Rosière. Si aucun document positif ne vient appuyer cette opinion, elle trouve un argument assez puissant en sa faveur dans la tradition ancienne et constante du pays.
Saint Médard fit aussi de grands miracles, qui lui donnèrent une si haute réputation, qu'on le regardait lui-même comme un prodige de grâce et comme l'un des plus saints personnages de son siècle. Dieu prit sa défense et sa protection en toutes choses. Un voleur étant entré le soir dans sa vigne, et y ayant fait un grand dégât, il n'en put trouver l'issue durant toute la nuit, ni se décharger de son butin ; on le trouva, le lendemain matin, son vol entre ses mains, et dans un effroi merveilleux à cause de l'étrange nuit qu'il avait passée. On voulait le punir comme larron ; mais le Saint lui pardonna et lui donna même, par grâce, ce qu'il avait voulu enlever contre la justice. Un autre, lui ayant dérobé ses ruches, fut tellement poursuivi par les abeilles, qu'il fut contraint de se jeter à ses pieds et de lui demander pardon pour en être délivré, ce qu'il obtint sans difficulté. Un troisième, qui avait emmené un taureau de son troupeau, fut obligé de le ramener, parce que la clochette, qui était pendue au cou de cet animal, en quelque lieu qu'il la mit, sonnait continuellement d'elle-même, et rendait témoignage de son larcin.
L'armée du roi Clotaire Ier ayant fait de grands ravages dans le Vermandois, les chariots sur lesquels les soldats avaient chargé leur butin, demeurèrent immobiles, et ne purent jamais avancer jusqu'à ce qu'ils eussent fait restitution et que le saint Prêtre leur eut donné sa bénédiction. Il délivra aussi un nommé Tosion d'un démon très-cruel qui le tourmentait, en faisant seulement sur lui le signe de la Croix.

Cathédrale Notre-Dame de Noyon.
Ses travaux, ses vertus et ses miracles avaient rendu son nom célèbre, même dans des contrées éloignées ; mais sa mission n'était pas remplie, et il ne lui fut pas encore permis de se préparer dans la retraite au voyage de l'éternité : il dut combattre les combats du Seigneur jusqu'à son dernier soupir. Appelé à gouverner l'église de Vermand, devenue veuve de son pasteur par la mort d'Abuser, il essaya de se soustraire à cet honneur, alléguant son âge avancé et la diminution de ses forces. Toutes ses résistances échouèrent devant les efforts réunis du roi, du clergé, du peuple et du saint pontife Remi : la volonté de Dieu était manifeste ; il fallut qu'il se résiguat à recevoir l'onction épiscopale. Il fut sacré évêque de Vermand par saint Remi, qui était alors à la fin de sa glorieuse carrière.
Vermand, qui n'est plus aujourd'hui qu'un chef-lieu de canton du département de l'Aisne, n'a jamais pu recouvrer son ancienne importance. Il possède actuellement environ 1280 habitants [en 1876].
A peine élevé sur la chaire épiscopale, il fit paraître plus que jamais sa charité envers les pauvres, son soin pour la conversion des pécheurs, sa compassion pour tous les misérables, et sa véritable dévotion envers Dieu. Mais comme, un peu avant son élection, tout le pays autour de l'Oise, et de la Somme avait été misérablement pillé et dévasté par les Huns, les Vandales et d'autres barbares, et que sa ville épiscopale était continuellement exposée à de semblables insultes, il prit la résolution de transférer son siège et de faire venir la plupart de son peuple à Noyon, forteresse considérable, où il aurait moins sujet de craindre les courses des ennemis. Dieu bénit admirablement ce dessein, et Noyon devint une grande ville et un des beaux évêchés de France, auquel la comté-pairie était attachée.
Saint Médard donnant son vêtement à un aveugle.
Legenda aurea. Bx J. de Voragine. Jean Le Tavernier. XVe.
Quelques années après, saint Eleuthère, à qui saint Médard avait prédit, étant écolier avec, lui, qu'il serait évêque, laissa l'évêché de Tournai vacant par sa mort; tous les catholiques de cette ville demandèrent instamment notre Saint pour prélat. Cette proposition lui parut inadmissible, n'étant permis à personne, selon les Canons, de posséder ensemble deux évêchés. Mais le roi, les évêques de la province, saint Rémi même, le métropolitain, et enfin le bienheureux pape Hormisdas, considérant les besoins du diocèse de Tournai, qui était encore plongé, partie dans l'idolàtrie et partie dans les vices infâmes que le mélange des barbares y avait attirés, jugèrent nécessaire de lui accorder cet excellent pasteur. Il unit donc ensemble ces deux diocèses, mais sans ôter, ni à Noyon, ni à Tournai, la qualité de ville épiscopale, et il se consacra à travailler en l'une et en l'autre au salut des âmes et à la ruine de la puissance du démon qui y exerçait sa tyrannie.
Il eut surtout des maux incroyables à souffrir dans Tournai ; il y fut chargé d'injures et couvert d'opprobres ; il se vit souvent menacé de la mort, et condamné par des furieux aux derniers supplices ; mais comme il était inébranlable au milieu de ces tempètes, et qu'il souffrait tous ces mauvais traitements avec une constance qui ne put jamais être altérée ; il dompta enfin la dureté des infidèles et des libertins, et, en peu de temps, il fit tant de conversions et régénéra tant d'idolâtres dans les fonts sacrés du Baptême, que tout le diocèse changea de face, et qu'on y vit reluire, avec grand éclat, la lumière du Christianisme.
Fortunat remarque, en sa vie, qu'il y fit spirituellement tout ce que Notre-Seigneur promet dans l'Evangile aux prédicateurs apostoliques : il chassa les démons au nom de Jésus-Christ, parce qu'il les bannit de l'âme de ceux qui se convertirent et reçurent la foi ; il parla des langues nouvelles, parce qu'il annonça aux infidèles des vérités qui leur étaient inconnues, dont ils n'avalent jamais ouï parler ; il extermina les serpents, parce qu'il munit les chrétiens contre toutes les tentations du grand dragon et du serpent infernal ; il but du poison sans en être offensé, parce que, recevant la confession de tous les pécheurs, il se remplit, pour ainsi dire, du venin de leur crime, sans que la pureté de son âme en fût altérée ; il guérit enfin les malades en leur imposant les mains, parce qu'ayant trouvé presque tous ses diocésains spirituellement malades par la violence de leurs mauvaises habitudes et de leurs passions, il les fit revenir en santé en leur imprimant la haine du vice et l'amour de la vertu.

Bannière de saint Médard. Eglise Saint-Médard.
De retour dans le diocèse de Noyon, saint Médard consacra le reste de ses forces à cette portion si chère de son troupeau. Un des plus remarquables événements de son épiscopat fut l'arrivée à Noyon de sainte Radegonde, qui se retirait, avec l'assentiment du roi, des honneurs de la cour, et venait demander au saint évêque le voile qui devait la consacrer à la vie religieuse. Saint Médard fit d'abord quelques difficultés, dans la crainte que Clotaire, se repentant plus tard de la liberté laissée à la vertueuse princesse, ne fit retomber sur la religion une séparation qu'elle eût rendue irrévocable.
Mais la sainte éloquence de Radegonde, l'inspiration qui brillait dans ses instances triomphèrent enfin de cette louable prudence. Le prélat imposa les mains à la jeune reine, et ajouta une gloire de plus à toutes celles de son illustre épiscopat. Les traditions du Moyen-âge ont conservé le souvenir de ce fait dans les peintures murales de l'ancienne collégiale poitevine, où saint Médard figure sur la voûte du sanctuaire parmi les évêques dont Radegonde avait eu l'estime et l'amitié.
Sur ces entrefaites, une grave maladie, jointe à une grande vieillesse, lui donna des gages comme assurés de sa prochaine délivrance. Le roi Clotaire, l'ayant appris, vint trouver le saint prélat pour recevoir sa bénédiction. Ce prince, repentant de la cruauté qu'il avait exercée envers Chramne et la famille de ce fils rebelle, confessa publiquement son crime. Son aveu, ses regrets, la pénitence à laquelle il se soumit, lui en méritèrent l'absolution. Puis il lui demanda où il voulait être enterré ; Médard dit que ce devait être dans sa cathédrale, selon l'usage des autres évêques ; mais le roi insista fortement pour que son corps fût transporté à Soissons, où il ferait une basilique magnifique pour lui servir de tombeau : le Saint fut obligé de céder. Peu de temps après, il exhala son âme toute pure ; quelques-uns de ceux qui étaient présents la virent monter dans le ciel ; il parut aussi, durant deux heures, des lumières célestes auprès de son corps, qui firent assez voir qu'il était sorti des ténèbres de cette vie mortelle pour entrer dans la lumière de la vie immortelle.
Dès le lendemain, les évêques qui étaient à Noyon ayant célébré la messe des morts en présence du saint corps, on vit arriver une foule nombreuse, tant du peuple que de la noblesse, pour assister à ses obsèques. Ils demandaient tous qu'on ne leur arrachât pas un si précieux trésor pour le transporter en un autre diocèse ; mais le roi demeura ferme dans sa résolution, et chargea lui-même ce précieux fardeau sur ses épaules royales ; les évêques et les premiers de la cour l'aidèrent en cet office de piété; et, se relevant ainsi les uns et les autres, ils passèrent la rivière d'Aisne à Attichy, et vinrent jusqu'au bourg de Crouy, à deux cents pas de Soissons, lieu où le roi avait résolu de bâtir sa nouvelle église.

Chevet de la cathédrale Notre-Dame de Noyon.
Quand on fut en ce lieu, le cercueil devint entièrement immobile, sans qu'on le pût lever ni de côté ni d'autre, jusqu'à ce que le roi eut fait don de la moitié de ce bourg de son domaine, qui était de la mense royale, pour l'entretien de ceux qui y célébreraient les divins Offices.
Mais comme après cette donation le cercueil se laissait lever d'un côté et restait si pesant de l'autre, qu'il était impossible de le remuer, il fit le don tout entier, et en fit expédier sur-le-champ des lettres patentes, scellées de son sceau ; alors, le saint corps se hissa aisément transporter où on voulut. Avant qu'on fermât entièrement son tombeau, on vit deux belles colombes descendre du ciel, et une troisième, plus blanche que la neige, sortir de sa bouche : signe manifeste que les Anges étaient venus au-devant de son âme, et qu'elle était sortie de son corps avec une innocence et une pureté angéliques.
Tant de merveilles portèrent encore le roi à presser la construction de la basilique. Il en prépara donc tous les matériaux ; mais, étant mort bientôt après dans son château de Compiègne, il laissa ce soin à son fils, Sigebert, qui s'en acquitta très-dignement. Les rois qui le suivirent, comme Clotaire, père de Dagobert, Louis le Débonnaire et Charles le Chauve, rendirent encore cette église plus magnifique. On y ajouta aussi un monastère qui fut donné aux religieux de Saint-Benoit, et qui a été si illustre, que saint Grégoire, pape, l'ayant soumis immédiatement au Saint-Siège, et l'ayant doté d'autres grands privilèges, le fit chef de tous les monastères de France. On y a vu jusqu'à 400 religieux qui y chantaient jour et nuit, l'un après l'autre, les louanges de Dieu, comme faisaient ces religieux d'Orient qu'on appelait les Acémètes. Grand nombre de bourgs, de fiefs, de prieurés et de prévôtés en dépendaient, et l'abbé avait même autrefois pouvoir de battre monnaie.
Saint Médard mourut vers l'an 543, le 8 juin. Le Père Giry est obligé de reculer sa mort au-delà de 560, parce que, d'après lui, saint Médard donna à Clotaire l'absolution du crime qu'il avait commis en faisant brûler son fils naturel Chramne, pour révolte, faits se rapportant à l'an 560.
On représente ordinairement saint Médard avec un aigle qui étend ses ailes au-dessus de sa tète, et le garantit de la pluie. Cela rappelle le fait qu'on a lu au commencement de sa vie. On le représente aussi avec un cheval à ses côtés.
CULTE ET RELIQUES - ABBAYE DE SAINT-MÉDARD
La célèbre abbaye de Saint-Médard, dit M. Lequeux, ancien vicaire général de Soissons, dans ses Antiquités religieuses du diocèse de Soissons et de Laon, fut fondée en 547, par Clotaire Ier, roi de Soissons. Si ce prince était très-vicieux, il appréciait la vertu : il prouva son estime pour le saint évêque Médard, en allant le visiter à Noyon, dans sa dernière maladie ; et, dès qu'il connut sa mort (545), il voulut qu'on le transportât dans le palais qu'il avait près de Soissons, au-delà de l'Aisne, sur le territoire de Crouy. C'est là que, peu d'années après, il jeta les fondements d'un grand monastère, où il appela des moines bénédictins qu'il tira de Glanfeuil. (C'était à Glanfeuil, en Anjou, que saint Maur, envoyé en France par saint Benoît lui-même, en 543, avait formé le premier établissement où fut suivie la Règle adoptée depuis par la plupart des monastères).
Après la mort de Clotaire, Sigebert, roi d'Austrasie, à qui appartenait Crouy, comme étant au-delà de l'Aisne, continua l'oeuvre de son père et acheva l'église. On rapporte à cette première époque la crypte ou église souterraine qui se voit encore à Saint-Médard, et qui est un des monuments les plus curieux de la contrée.
L'abbaye fut comblée de biens par les rois de la première et de la seconde race ; on compta dans la suite jusqu'à 220 fiefs qui en dépendaient ; les évêques de Soissons, et même ceux d'autres diocèses, lui confièrent un grand nombre d'autels ou de paroisses ; elle reçut de plusieurs papes tous les privilèges auxquels on attachait alors le plus d'importance, surtout celui de l'exemption de la juridiction épiscopale : elle arriva bientôt à un tel point de splendeur, que 400 moines, se partageant entre eux la nuit et le jour, et se succédant sans interruption, y accomplissaient une psalmodie perpétuelle, en même temps qu'ils tenaient les écoles publiques pour l'enseignement des sciences divines et humaines.
On est obligé de choisir parmi les traits les plus remarquables de l'histoire de ce lieu célèbre. Hilduin, qui en était abbé vers 826, et qui avait à la fois beaucoup de crédit à la cour des rois de Francs et à celle de Rome, obtint du pape Eugène II une portion considérable des reliques de l'illustre martyr saint Sébastien et de saint Grégoire le Grand, et d'autres saints très-célèbres dans toute l'Eglise.
On honore présentement à Rome les reliques de saint Grégoire le Grand dans l'église de Saint-Pierre, et celles de saint Sébastien dans l'église de ce nom ; ce qui prouve que les corps entiers ne furent pas donnés à Hilduin.
La dévotion des grands et du peuple fut tellement ranimée par cette précieuse acquisition, que l'abbé put facilement rebâtir, sur un plan plus vaste, la principale église du monastère : la consécration s'en fit en 841, avec la plus grande pompe ; le roi Charles le Chauve ne se contenta pas d'y assister, environné de 72 archevêques et évêques, et de presque tous les grands de son royaume ; mais, aidé des seigneurs les plus distingués, il transporta lui-même le corps de saint Médard de la crypte inférieure dans la nouvelle basilique.
Parmi les abbés qui gouvernèrent le monastère dans les siècles suivants, on doit surtout remarquer saint Arnould, qui fut élevé dans la suite sur le siège de Soissons en 1080, et saint Géraud.
L'église du monastère ayant été détruite par un désastre dont la cause est ignorée, elle fut rebâtie au commencement du XIIe siècle ; la consécration fut faite le 15 octobre 1131 par le pape de Rome Innocent II.
Outre l'église principale, le monastère renfermait dans son enceinte six autres églises ; la plus remarquable était celle de sainte Sophie, où Hilduin avait placé des chanoines ou ecclésiastiques vivant en communauté, en les chargeant d'administrer les Sacrements aux pèlerins et aux hôtes, afin de laisser plus de liberté aux moines. Les autres églises étaient vraisemblablement des chapelles extèrieures pour les gens qui dépendaient du monastère, ou des oratoires intérieurs servant à quelques exercices de la communauté.
On compte jusqu'à dix conciles qui se sont tenus à Saint-Médard ; le premier eut lieu en l'an 744, et le cinquième, en l'an 862. Plusieurs roi, et plusieurs reines y furent couronnés. Il s'y passa aussi des scènes qui eurent une gravité déplorable : c'est à Saint-Médard que Louis le Débonnaire fut enfermé, après qu'il eut été déposé contrairement à toutes les règles et soumis à la pénitence publique ; mais il parvint bientôt à rentrer dans l'exercice des droits de la souveraineté.
Aux temps de prospérité succédèrent, pour l'abbaye de Saint-Médard, les jours de tribulations et d'angoisse. Plusieurs fois dévastée par les Normands, dans le cours du IXe siècle, dépouillée d'une partie de ses biens, durant ce siècle et le suivant, par de puissants seigneurs, elle avait triomphé de ces épreuves. Les guerres civiles du XVe siècle lui furent ensuite plus funestes : cependant elle parvint encore à se relever, et, dans le milieu du XVIe siècle, elle semblait avoir repris son éclat.
Ces jours d'un dernière magnificence furent bientôt suivis de la désolation. Ce que l'abbaye souffrit, en 1567, de la part des Calvinistes, surpassa toutes les calamités des âges précédents : les hérétiques y commirent d'horribles dévastations. Nous empruntons ici le récit de l'auteur de l'Histoire de Soissons, presque contemporain :
" Dès le dimanche 28 septembre, pendant que les soldats étaient occupés au pillage de la ville, quelques gentilhommes sortirent sans bruit et vinrent à cette abbaye pour en emporter ce qu'il y avait de plus précieux. Ils trouvèrent les châsses de saitn Sébastien, saint Grégoire et saint Médard, avec trois croix d'argent embellies d'or et de pierreries, et des chandeliers de même métal ; ils emportèrent les châsses et jetèrent les os dans les fossés. Dieu ne permit pas que ces saintes reliques fussent ensevelies sous les ondes : le tailleur des religieux les recueillit, avec le secours d'une veuve qui les porta à la princesse de Bourbon, abbesse de Notre-Dame de Soissons ; depuis, un vigneron de Crouy trouva dans une vigne un sac de damas blanc dans lequel étaient les os de saint Grégoire. (Plus tard ces reliques furent rendues à l'abbaye ; on peut voir dans Dormay les précautions qui furent prises pour les reconnaître).
Le mardi suivant, lorsque le butin commençait à faillir dans la ville, les soldats en sortirent et s'attaquèrent premièrement au monastère de Saint-Médard. Vous eussiez cru que c'était autant de démons emportés de fureur contre les choses les plus saintes. Les uns démolissaient les autels, en jetaient par terre les colonnes et les balustres ; d'autres s'employèrent à briser les images de l'église, du cloître et du chapitre, à renverser les orgues ou à remuer les tombes : on n'entendait que des voix confuses, des coups de marteau et de hache et un fracas épouvantable des pierres, du bois, du fer et autres métaux qui tombaient sur le pavé. On en vit monter au clocher pour briser les cloches qui étaient d'une grosseur extraordinaire. Les plus fins trouvèrent le lieu où avait été caché le reste des châsses et des ornements, et ils firent un grand feu dans lequel ils jetèrent toutes les reliques qu'ils trouvèrent. Ainsi, l'on perdit en une heure un grand nombre de corps saints que l'on gardait depuis des siècles. Après avoir déchargé leur haine sur les objets qu'ils pouvaient détruire avec moins de travail, ils se prirent à la galerie qui était au-dessus du portail, aux combles de l'église, aux dortoirs, au réfectoire et aux autres bâtiments qui étaient d'une ancienne sculpture, et la plupart d'une merveilleuse beautés."
Une partie des ruines qu'on voit encore à Saint-Médard se rapportent au temps de cette catastrophe. L'abbaye fut dès lors réduite à un état fort médiocre. L'église, ébranlée par tant de coups, tomba en 1621, et on fut obligé de recourir à la munificence de Louis XIII pour la relever.
Saint-Médard entra, en 1637, dans la congrégation de Saint-Maur, et cette union lui fut profitable. Toutefois, l'antique monastère n'avait plus que 12 à 13 religieux, lorsque la Révolution vint fermer cet asile vénérable.
Pour complèter cette notice sur l'abbaye Saint-Médard, M. Henri Congnet, doyen du Chapitre de Soissons, nous écrivait le 15 août 1866 :
Des constructions qui existaient au moment de la Révolution française, il reste :
1. le bâtiment assez moderne de l'abbatiale ;
2. une vaste crypte très-remarquable et parfaitement conservée ; elle date peut-être du règne de Clotaire 1er ou du moins de celui de son fils Sigebert. Dans le compartiment du fond on trouve le tombeau du charitable abbé Dupont, couvert d'une pierre funéraire ;
3. un cachot appelé " prison de Louis le Débonaire " ; mais sa construction accuse l'époque ogivale, et l'inscription n'est pas du IXe siècle. La duchesse de Berry a visité cette prison en 1621.
4. la tour où Abélard fut renfermé après sa condamnation, prononcée dans un concile tenu à Saint-Médard en 1122. Sur cette tour on a récemment bâtit une chapelle à Notre-Dame de la Salette, qui en forme le couronnement.
Saint Médars et saint Gildard. Gravure de Basset. XVIIIe.
L'abbaye tout entière a été vendue en 1763 à divers particuliers, et son enceinte partagée en plusieurs lots. En l'année 1840, un prêtre dévoué, M. l'abbé Dupont, alors curé de Saint-Germain-Villeneuve, après avoir fait, pendant quelque temps, de son presbytère une école de sourds-muets, eut l'heureuse pensée d'acheter de la famille Geslin la principale portion des bâtiments de Saint-Médard. Il l'obtint pour une somme de 40,000 francs. Son patrimoine personnel n'était que de 10,000 francs ; il le donna en accompte aux vendeurs et se voua à la Providence pour l'aider à payer le reste. Dès lors il transporta ses élèves dans l'ancienne abbaye de Saint-Médard et mit en oeuvre toute l'activité dont il était doué pour recueillir des secours dans tout le diocèse et achever ainsi l'admirable fondation que le Seigneur lui avait inspirée. Tant de soucis, de travaux, de démarches eurent bientôt usé les forces de ce nouvel Abbé de Lépée ; il mourut à la peine en 1843, n'étant âgé que de 43 ans. Etendu sur son lit de douleur, il fit prier Mgr de Simony de venir écouter l'expression de ses dernières volontés ; le pieux évêque se rendit aux désirs du mourant et accepta sans hésiter sa succession, c'est-à-dire ses chers sourds-muets, et la maison de Saint-Médard avec toutes ses charges. Les dettes étaient de 80.000 francs. Mgr de Simony vendit immédiatement des rentes qu'il avait sur l'état, et put ainsi satisfaire les créanciers les plus pressés. Ensuite par le moyen de quêtes, de loteries, et aussi par ses propres revenus, le pieux évêque parvint à libérer entièrement l'établissement ; il le légua en mourrant à ses successeurs.
Longtemps, l'institut des sourds-muets et aveugles de Saint-Médard tint le premier rang, après celui de Paris, parmi tous les établissements de ce genre. Il fut dirigé, pour les filles, par les soeurs de la Sagesse, et pour les garçons, par les frères de Saint-Gabriel.
La maison contenait environ 200 enfants. Des bourses y furent fondées par le Conseil général de l'Aisne et par les départements limitrophes.
Le culte de Saint Médard s'est répandu rapidement ; les fidèles se rendaient de toutes parts au tombeau du saint, qu'ils invoquaient comme associé à la gloire des élus. Déjà, en l'année 563, on lui rendait un culte public. La célébration solennelle de sa fête fut fixée au 8 juin, jour anniversaire de sa mort. Des églises s'élevèrent en son honneur, non seulement dans les diocèses de Noyon, de Tournai et de Soissons, mais sur tous les points de la France. On l'invoqua même en Angleterre, jusqu'au moment où ce pays eut le malheur de se séparer de Rome.
Saint Géri, qui fut presque son contemporain, lui dédia le monastère qu'il bâtit sur le Mont-des-Boeufs à Cambrai. Il portait toujours sur lui des reliques de ce pontife. On en trouve plus tard dans un grand nombre d'églises. Jogoigne, dans le Brabant, possédait une machoire du Saint ; Douai, Tournai, et l'abbaye de Liessies, avaient également quelques parcelles de ses ossements, ainsi que les villes de Cologne, Trèves, Prague, de Noyon et de Dijon. On compte dans le diocèse de Cambrai 6 paroisses qui reconnaissent saint Médard pour leur patron. A Paris, dans le faubourg saint-Marceau, une église lui est dédiée. Elle n'était dans l'origine qu'une chapelle, dans laquelle les religieux de sainte Geneviève avaient placé des reliques de ce saint évêque après l'invasion des Normands.
Les reliques du Bienheureux ont subit aussi de tristes vicissitudes. Transportées en divers lieux, elles n'ont échappé à la fureur des Normands et des Hongrois que pour tomber au pouvoir des sectaires impies qui les ont livrées aux flammes. Par une faveur bienveillante de la Providence, de pieuses mains ont pu en recueillir les cendres et les ont déposées avec respect dans l'église de Saint-Médard. Heureusement aussi, des portions considérables en avaient été distraites à diverses époques, et distribuées à un grand nombre d'églises. La cathédrale de Noyon a le bonheur d'en posséder quelques-unes. En l'année 1852, Mgr Joseph-Armand Gignoux, évêque de Beauvais, Noyon et Senlis, les a solennellement reconnues et renfermées dans une magnifique châsse due à la libéralité d'un pieux noyonnais, M. Michaux Hannonet. Cette châsse en cuivre doré se trouve dans la chapelle de Saint-Médard. L'église paroissiale de Sainte-Vertu (Yonne), au diocèse de Sens, possède également, depuis le 11 octobre 1874, quelques reliques du saint évêque de Noyon.
On attribue à saint Médard l'institution de la fête de la Rosière. Ce bon évêque avait imaginé de donner tous les ans à celle des filles de sa terre de Salency qui jouirait de la plus grande réputation de vertu, une somme de 25 livres, et une couronne ou chapeau de roses. On dit qu'il donna lui-même ce prix glorieux à l'une de ses soeurs, que la voix publique avait nommée pour être Rosière.
On voyait au-dessus de l'autel de la chapelle de Saint-Médard, située à l'une des extrémités du village de Salency, un tableau où ce saint prélat est représenté en habits pontificaux, et mettant une couronne de roses sur la tête de sa soeur, qui est coiffée en cheveux et à genoux.
Cette récompense devint pour les filles de Salency un puissant motif de sagesse. Saint Médard, frappé de cet avantage, en perpétua l'établissement. Il détacha des domaines de sa terre 11 à 12 arpents, dont il affecta les revenus au paiement des 25 livres et des frais accessoires de la cérémonie de la Rosière.
Par le titre de la fondation, il faut non-seulement que la Rosière ait une conduite irréprochable, mais que son père, sa mère, ses frères, ses soeurs et autres parents, en remontant jusqu'à la quatrième génération, soient eux-mêmes irrépréhensibles ; la tache la plus légère, le moindre soupçon, le plus petit nuage dans la famille serait un titre d'exclusion.
Le seigneur de Salency a toujours été en possession du droit de choisir la Rosière entre trois filles natives du village de Salency, qu'on lui présente un mois d'avance. Lorsqu'il l'a nommée, il est obligé de la faire annoncer au prône de sa paroisse, afin que les autres filles, ses rivales, aient le temps d'examiner ce choix et de le contredire, s'il n'était pas conforme à la justice la plus rigoureuse. Cet examen se fait avec l'impartialité la plus sévère, et ce n'est que d'après cette épreuve que le choix du seigneur est confirmé.

Saint Médard couronnant la première Rosière.
Le 8 juin, jour de la fête de saint Médard, ou bien le dimanche le plus rapproché de ce jour, vers les 2 heures de l'après-midi, la Rosière, vêtue de blanc, frisée, poudrée, les cheveux flottants en boucles sur ses épaules, accompagnée de sa famille et de douze filles aussi vêtues de blanc, avec un large ruban bleu en baudrier, se rend au château de Salency au son de divers instruments. Le seigneur ou son préposé et son bailli, précédés des mêmes instruments, et suivis d'un nombreux cortège, la mènent à la paroisse, où elle entend les Vêpres sur un prie-Dieu placé au milieu du choeur.
Les Vêpres finies, le clergé sort processionnellement avec le peuple pour aller à la chapelle de Saint-Médard. C'est là que le curé ou l'officiant bénit la couronne ou le chapeau de roses qui est sur l'autel. Ce chapeau est entouré d'un ruban bleu et garni sur le devant d'un anneau d'argent. Après la bénédiction et un discours analogue au sujet, le célébrant pose la couronne sur la tête de la Rosière, qui est à genoux, et lui remet en même temps les 25 livres, en présence du seigneur et des officiers de sa justice. La Rosière ainsi couronnée, est reconduite à la paroisse, où l'on chante le Te Deum et une antienne à saint Médard.
Cette touchante cérémonie, interrompue pendant la révolution, a été rétablie en 1812, et depuis cette époque elle se renouvelle chaque année ; mais le temps y a apporté quelques modifications. La Rosière reçoit actuellement une somme de 300 francs [français de 1866], dont le conseil municipal fournit la moitié. On voit dans la chapelle de Saint-Médard, située à l'entrée du village et dans le llieu même où le Saint était né, un tableau qui contient les noms des Rosières ; un ou deux de ces noms ont été effaçés, parce que celles qui les portaient se sont rendues indignes du titre honorable qu'elles avaient reçu.
On ne saurait croire combien cet établissement a excité à Salency l'émulation des moeurs et de la sagesse. Quoique les habitants de ce village soient au nombre d'environ 500, on assure qu'il n'y a pas un seul exemple de crime commis par un naturel du lieu, pas même d'un vice grossier, encore moins d'une faiblesse de la part du sexe.
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samedi, 07 juin 2025
7 juin. Saint Mériadec, évêque de Vannes. VIIe.
" L'homme juste ne craint point l'exil, et il n'appelle terre d'exil que celle où il n'y a point de place pour la vertu."
Ciceron, Orat. 38, pro Milone.

Statue de saint Mériadec. Chapelle Saint-Rivalain. Melrand. Bretagne.
Sa mémoire est encore très vivace. L'église du XVIe siècle à Plougasnou possède un reliquaire contenant ce qui pourrait bien être une partie du crâne de Meriadec. A Stival, on conserve ce qui serait sa cloche. Placée sur la tête des sourds et de ceux qui souffrent de la migraine, on dit qu'elle les soignerait.

Chapelle Saint-Mériadec. Stival. Bretagne.
Meriadec était de la race royale des Conan-Mériadec, du nom du premier qui porta le nom de roi de Bretagne ? Dès l'enfance, il avait une gravité de conduite et de tenue qui pouvait laisser prévoir quelle serait un jour sa ssainteté. Son coeur était toute charité. Les maux des autres le touchaient plus que les siens. Avant de devenir ermite, il donna tout son argent à de pauvres clercs, distribua ses terres aux nécessiteux. Sa réputation de sainteté devint si grande qu'il craignit tomber dans la vanité, et se retira plus loin encore du monde. Au lieu de la soie et de la pourpre qu'il portait autrefois, Meriadec se mit à porter des loques, mangeant simplement, vivant dans une totale pauvreté.

La " cloche de saint Mériadec ". Conservée à Stival,
Lorsque ses proches tentèrent de le faire quitter cette nouvelle vie et de revenir dans le monde, il répondit au vicomte de Rohan qui était venu avec eux qu'il ferait mieux de s'occuper de chasser les voleurs et les bandits des environs. Le vicomte le prit au mot, et un grand mal fut chassé hors de Bretagne.
Bien que Meriadec fut unanimement élu évêque de Vannes, Gueganton, évêque de son clergé l'avait agrégé à son clergé malgré ses fortes résistances, il accepta difficilement son épiscopat. Il fallut le conduire de force à Vannes Après sa consécration, il continua à mener une vie d'abstinence et d'amour pour les pauvres. Il mourrut en embrassant ses frères, et criant : " Entre Tes mains, Seigneur, je remet mon esprit."
Il se fit sur la tombe de saint Mériadec et par l'intercession de ce saint en général un nombre considérable de miracle. On peut dire que l'éclat de sa sainteté est plus connue des Bretons que les détails de son existence.

Eglise Saint--Mériadec à Mériadec. Bretagne.
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vendredi, 06 juin 2025
6 juin. Saint Norbert, archevêque de Magdebourg, fondateur des Prémontrés. 1134.
- Saint Norbert, archevêque de Magdebourg, fondateur des Prémontrés. 1134.
Papes : Saint Grégoire VII ; Innocent II. Empereurs d'Allemagne : Henri IV ; Lothaire II.
" L'ordre de Prémontré a fourni à l'Eglise un grand nombre de ses évêques."
Bonniface VIII.
Norbert, issu de nobles parents, naquit près de Cologne en 1080. Il reçut dans sa jeunesse une éducation distinguée. Placé ensuite à la cour de l'empereur, il se laissa attiré par les honneurs et les plaisirs.
Il avait déjà trente-trois ans, quand, traversant à cheval une belle prairie, accompagné d'un seul serviteur, il fut assailli par une soudaine et horrible tempête. La scène de saint Paul sur le chemin de Damas se renouvela ; car Norbert entendit une voix céleste lui dire :
" Pourquoi Me fuis-tu ? Je te destinais à édifier Mon Église, et tu scandalises Mon peuple."
En même temps, la foudre éclate et le renverse par terre, où il demeure évanoui pendant une heure entière. Quand il eut recouvré ses sens, il dit à Dieu :
" Seigneur, que demandez-Vous de moi ?"
Et la réponse à sa question lui fit comprendre qu'il devait quitter le monde et vivre dans la pénitence.
La conversion fut immédiate et complète, et bientôt l'on put voir, non sans étonnement, le brillant gentilhomme échanger ses riches vêtements contre la bure du moine. Il se prépara pendant quarante jours, dans un monastère, à offrir pour la première fois le Saint Sacrifice de la Messe.
Il méprisa dès lors les attraits du monde, et voulut être enrôlé dans la milice ecclésiastique. Après avoir reçu les saints Ordres, il renonça au luxe et il se livra tout entier à la prédication de la parole de Dieu. Ayant renoncé pareillement aux revenus ecclésiastiques dont il jouissait et qui étaient considérables, il distribua de plus son patrimoine aux pauvres, et entreprit un genre de vie d'une austérité admirable, ne faisant qu'un seul repas par jour qu'il prenait sur le soir et qui ne consistait qu'en mets permis pour le carême, marchant nu-pieds et ne portant que des habits usés dans les rigueurs même de l'hiver.

Saint Norbert. Laurent de La Hyre. XVIIe.
Norbert obtint du Pape les pouvoirs de missionnaire apostolique et commença à prêcher la pénitence. Ses oeuvres étaient plus éloquentes encore que sa prédication : il marchait nu-pieds, même en plein hiver, au milieu de la neige, n'avait pour vêtement qu'un rude cilice en forme de tunique et un manteau de pénitent ; il observait perpétuellement le carême selon la rigueur des premiers siècles, et y ajoutait de ne manger presque point de poisson et de ne boire du vin que très rarement : on eût dit un nouveau Jean-Baptiste, par son zèle et ses austérités.
Cependant Dieu réservait à Norbert la gloire de fonder l'Ordre des Prémontrés, ainsi nommé parce que le Saint avait eu révélation du lieu où il devait l'établir. Saint Augustin lui ayant apparu, une Règle d'or à la main, il comprit qu'il devait adopter pour son Ordre la règle de ce grand docteur. Il fut lui-même la règle vivante de ses frères.
En 1126, se réalisa une vision que sa mère avait eue avant sa naissance : Norbert fut obligé d'accepter l'archevêché de Magdebourg, et il eut désormais outre le souci de son Ordre, le soin de son diocèse, où son apostolat fut traversé par de grandes persécutions et couronné d'abondants fruits de salut. Rien du reste, n'avait changé dans sa vie, et jusqu'à sa mort il mena dans son palais la vie d'un moine dans sa cellule.

Vue de l'église Sainte-Marie du Strahof sur le Mont-Sion de Prague.
Ayant été appelé à Anvers, Norbert détruisit dans cette ville la coupable hérésie de Tanquelin. Il fut illustré par le don de prophétie et celui des miracles. A la fin, ayant été élevé, malgré ses refus, sur le siège archiépiscopal de Magdebourg, il y soutint avec constance la discipline ecclésiastique , principalement le célibat. Au concile de Reims, il se montra un excellent appui d'Innocent II, et, se rendant à Rome avec d'autres évêques il réprima le schisme de Pierre de Léon.
Enfin cet homme de Dieu, rempli du Saint-Esprit et chargé de mérites, s'endormit dans le Seigneur à Magdebourg, l'an du salut onze cent trente-quatre, le six de juin.
Son corps, après avoir été transféré dans l'église Notre-Dame du monastère de son ordre à Magdebourg, fut transféré en 1627 à Prague par ordre de Ferdinand II après que la ville de Magdebourg fût tombée aux mains des bêtes féroces luthériennes. Il est toujours dans l'église Sainte-Marie du couvent des prémontrés de cette ville, le Strahof.

PRIERE
" Vous sûtes racheter le temps (I Petr. IV, 2.) comme il convenait, Ô Norbert, en ces jours mauvais où vous-même, entraîné par l'exemple de la multitude insensée, aviez frustré Dieu si longtemps dans ses desseins d'amour. Les années refusées par vous d'abord au service du seul vrai Maître du monde lui sont revenues multipliées à l'infini, augmentées de toutes celles que lui ont données vos fils et vos filles. En vingt ans, vos oeuvres personnelles ont, elles aussi, rempli le monde. Le schisme abattu, l'hérésie terrassée pour la plus grande gloire du divin Sacrement qu'elle attaquait dès lors, les droits de l'Eglise revendiqués intrépidement sur les princes de ce monde et tous les détenteurs injustes, le sacerdoce rendu à sa pureté première, la vie chrétienne affermie sur ses véritables fondements qui sont la prière et la pénitence : tant de triomphes en si peu d'années, sont dus à la générosité qui vous empêcha de regarder en arrière, même un instant, du jour où l'Esprit-Saint toucha votre cœur.
Faites donc comprendre aux hommes qu'il n'est jamais trop tard pour commencer à servir Dieu. Fût-on, comme vous, déjà sur le soir de la vie, ce qu'il reste de temps suffit à faire de nous des saints, si nous donnons pleinement ce reste au ciel (Eph. V, 16.).
Foi et patience furent vos vertus chéries ; répandez-les sur notre triste siècle, qui ne sait plus que douter et que jouir en allant stupidement à l'abîme. N'oubliez point dans le ciel, Ô apôtre, les contrées que vous avez évangélisées, malgré leur oubli, malgré leur retour aux tromperies de l'enfer. Saint pontife, Magdebourg a perdu l'antique foi, et avec elle le dépôt qu'elle ne méritait plus de votre saint corps ; Prague possède aujourd'hui vos reliques sacrées ; en bénissant l'hospitalière cité, priez pour la ville ingrate qui n'a pas su garder son double trésor.

Saint Norbert flanqué des rois de Bohème
Enfin, Ô fondateur de Prémontré, souriez à la France qui se réclame de votre plus pure gloire. Obtenez de Dieu que, pour le salut de nos temps malheureux, il rende à votre puissant Ordre quelque peu de son ancienne splendeur. Bénissez dans leur trop petit nombre, ceux de vos fils et de vos filles qui cherchent, en dépit des hostilités ridicules et odieuses du pouvoir, à faire revivre chez nous vos bienfaits. Maintenez en eux votre esprit : qu'ils sachent trouver dans la paix avec eux-mêmes le secret du triomphe sur les forces de Satan ; que les splendeurs du culte divin soient toujours pour eux la montagne aimée d'où, comme Moïse, ils rapportent au peuple chrétien, nouvel Israël, la connaissance des volontés du Seigneur."
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jeudi, 05 juin 2025
5 juin. Saint Boniface, archevêque de Mayence, Apôtre de l'Allemagne et Martyr. 754.
- Saint Boniface, archevêque de Mayence, Apôtre de l'Allemagne et Martyr. 754.
Papes : Saint Agathon ; Etienne II. Rois de France : Thierry III ; Pépin le Bref.
" Vae mihi si non evangelisavero."
" Malheur à moi si je ne prêche pas l'évangile !"
I Cor. IV, 17.
Saint Boniface, appelé d'abord Winfrid, naquit à Kirton, dans le Devonshire, de parents considérables, et qui eurent un grand soin de son éducation. Dès l'age de 5 ans, ayant vu dans la maison paternelle quelques moines qui faisaient des missions dans le pays, il demanda à les suivre dans leur monastère ; toutefois, son père, prenant ses souhaits pour des fantaisies d'enfant, lui refusa absolument ce qu'il demandait.
Mais il eut beau faire, l'aspiration à la vie monastique croissait dans le coeur de son fils, et, comme il s'y opposait, il tomba dangereusement malade ; il y vit un signe de la volonté de Dieu, et permit à Winfrid de suivre sa vocation.
Notre Saint passa 13 ans dans le monastère d'Adesean-Castre, aujourd'hui Exeter, qui était sous la conduite d'un saint abbé nommé Wolphard. Il passa ensuite dans l'abbaye de Nutcell, dont le vénérable Winbert était abbé ; il n'y fit pas un moindre progrès dans les lettres humaines que dans la vertu. Après avoir été écolier, il devint maître, et enseigna aux autres ce qu'il avait appris avec tant de soin. Beaucoup d'élèves, de couvents éloignés, accouraient à ses leçons. A l'age de 30 ans, il fut ordonné prêtre. Peu de temps après, le roi Ina et le clergé, réunis dans un synode, le chargèrent d'une ambassade auprès de Britkwald, archevêque de Cantorbéry, qui devait approuver les décisions de ce synode ; il s'acquitta de cette négociation avec tant d'habilité et de prudence, qu'il jouit dès lors de la plus grande considération ; on l'invitait à presque tous les synodes.
Mais Winfrid était destiné par la Providence à une plus grande mission. La Grande-Bretagne travailla pendant un siècle à christianiser la Germanie : notre Saint devait achever cette sainte entreprise et organiser définitivement l'Eglise chez les peuples germaniques. Il vint d'abord dans la Frise, et s'avança jusqu'à Utrecht, la capitale de ce pays ; mais le roi Radbod, qui persécutait le Christianisme, rendit inutiles tous les efforts de l'Apôtre. Il fut obligé de revenir en Angleterre, où on le nomma abbé de son monastère.
Après un séjour de 2 ans (718), il résolut de recommencer son apostolat. Muni de lettres de recommandation de son évêque, le sage Daniel, de Winchester, il partit pour Rome, afin de recevoir l'appui du pape. Grégoire II, après avoir éprouvé sa foi, sa vertu et la pureté de ses intentions, l'encouragea par de sages conseils et confirma sa mission, le 15 mai 719. Il lui donna aussi des saintes reliques et des lettres de recommandation pour les souverains christianisés qui se trouveraient sur sa route.
Comblé de faveurs et muni d'utiles recommendations, le Saint partit de Rome ; et, après avoir visité en passant Luitprand, roi des Lombards, qui lui fit très-bon accueil, il entra en Germanie, et alla jusqu'en Thuringe, où il séjourna quelque temps, exhortant les princes et les notables de la province à embrasser la Foi de Jésus-Christ. Il y réforma aussi quelques prêtres qui s'étaient abandonnés à plusieurs déréglements. Mais ayant entendu dire que Radbod, roi des Frisons et ennemi juré de la Foi chrétienne, était mort, il monta sur un bateau pour passer en Frise ; et, y étant arrivé, il travailla glorieusement à la conversion des infidèles.
Il obéissait, en tous ses travaux, à saint Willibrod, archevêque d'Utrecht. Celui-ci voulait l'avoir pour coadjuteur et comme successeur mais le Saint refusa cette dignité, disant qu'il devait évangéliser les idolâtres de toute la Germanie. Après être resté 3 ans dans la Frise, il parcourut de nouveau la Thuringe et la Hesse, que les armes de Charles-Martel lui avaient ouvertes, en délivrant les 2 pays des Saxons. Il fonda le couvent de Hamelbourg, sur la Saale.
Ensuite, il envoya au pape Grégoire un de ses disciples et de ses associés, pour lui annoncer les progrès de l'Evangile, et pour lui demander conseil sur quelques difficultés touchant la discipline ecclésiastique, et sur la manière dont il se devait comporter avec les nouveaux convertis. Le Pape de Rome lui répondit article par article ; mais voulant être plus amplement informé du succès de cette grande mission, il lui manda de le venir trouver à Rome. Winfrid s'y rendit aussitôt, et lui fit connaître de vive voix ce qu'il lui avait mandé dans ses lettres. Il lui donna aussi, par écrit, sa profession de Foi ; après quoi Winfrid y fut consacré évêque régionnaire, le 30 novembre 723.
De plus, il lui changea le nom de Winfrid, qu'il avait porté jusqu'alors, en celui de Boniface, et lui fit présent d'un livre contenant les règles et les institutions canoniques et des ordonnances, tirées des saints Conciles. Il lui mit encore entre les mains des lettres, non-seulement pour Charles-Martel, qui gouvernait alors le royaume des Francs, mais aussi pour les ecclésiastiques et les princes de Germanie ; il exhortait les uns à le favoriser et à le secourir dans ses besoins, et les autres à la persévérance dans la Foi Chrétienne. Il y en avait aussi pour le peuple de Thuringe, où il l'instruisait de quelques points de la foi et lui recommandait de rendre toute sorte d'obéissance à Bouiface, son père évêque, et de le recevoir comme celui qui lui était envoyé, non pas pour profiter de ses biens temporels, mais pour gagner les âmes à Jésus-Christ. Il n'y eut pas même jusqu'aux Saxons nouvellement convertis que ce vigilant Pape n'honorât d'une lettre, pour les exhorter à demeurer constants dans la Foi qu'ils venaient d'embrasser.
Boniface étant muni de ces lettres et recommandations, s'en vint en Austrasie pour présenter les lettres du Pape à Charles-Martel, qui lui en donna en même temps d'autres de faveur et de protection pour les souverains de Germanie. Cependant, avec toutes ces puissantes recommandations, il ne manqua pas de difficultés dans l'exécution de ses desseins, particulièrement lorsqu'il prêcha aux Hessois et aux Goths qui étaient extrêmement attachés aux superstitions du paganisme : il osa entreprendre d'abattre le principal sanctuaire païen de la contrée : c'était le chêne de Thor ou du Tonnerre, arbre gigantesque, près du village de Geismar. Les idolâtres menaçaient Boniface de le massacrer ; mais le chêne s'étant fendu en 4, et étant tombé au premier coup de cognée qu'il lui donna, ils en furent si épouvantés, que, plusieurs ouvrant les yeux à la lumière de l'Evangile, se convertirent à la Foi. A la suite de ce miracle, il fit bâtir, dans le même endroit, du bois même de cet arbre, une petite chapelle qu'il consacra en l'honneur du prince des Apôtres, et ce fut la première église de ces pays.
On vit sortir aussi des couvents de la Grande-Bretagne un essaim de veuves et de vierges, mères, soeurs, parentes des missionnaires, jalouses de partager leurs vertus et leurs périls. Chunihild et Berathgit, sa fille, s'arrêtèrent en Thuringe. Chunidrat fut envoyée en Bavière ; Thecla demeura à Kitzingen, sur le Mein. Lioba, " belle comme les Anges, ravissante dans ses discours, savante dans les Ecritures et les saints Canons ", gouverna l'abbaye de Bischofsheim. Les farouches Germains, qui autrefois aimaient le sang et se mêlaient aux batailles, venaient maintenant s'agenouiller au pied de ces douces maîtresses. Le silence et l'humilité ont caché leurs travaux aux regards du monde ; mais l'histoire marque leur place aux origines de la civilisation germanique : la providence a mis des femmes auprès de tous ces berceaux.
Au bout de quelques années, l'Apôtre comptait 100.000 convertis.
Tandis que saint Boniface était occupé en Germanie, non-seulement à prêcher aux infidèles, mais aussi à corriger les moeurs déréglées des néo-Chrétiens de Thuringe, qui, par la négligence des pasteurs, commençaient à chanceler en la Foi, Grégoire II passa de cette vie à une meilleure, et Grégoire III fut élu en sa place pour remplir le Siège de Rome. Notre Saint envoya à Rome des délégués pour rendre ses respects au nouveau Patriarche d'Occident ; et il le consulta, par le même moyen, sur quelques doutes qui concernaient sa mission. Le Pontife romain lui fit une réponse très-favorable, et lui accorda même le Pallium pour marque de sa dignité archiépiscopale, et lui permettant ainsi de créer de nouveaux évêques, selon qu'il le jugerait plus nécessaire pour le progrès de la diffusion de la Foi.
L'an 738, il vint effectuer un 3e pèlerinage aux tombeaux des saints Apôtres Pierre et Paul. Il en profita pour s'entretenir avec l'évêque de Rome sur plusieurs articles importants pour le Salut des âmes. Il reçut un très bon accueil, et pareil à celui que ses prédécesseurs avaient fait autrefois à saint Athanase, à saint Epiphane et à d'autres grands personnages qui avaient bien servi l'Eglise. A son départ, il lui donna plusieurs reliques qu'il lui avait demandées ; il lui donna aussi Wilibaud, religieux Anglais du Mont-Cassin, pour l'aider dans ses fonctions apostoliques. Boniface se dirigea vers la ville de Pavie, tant pour visiter Luitprand, roi des Lombards, que pour y vénérer les saintes reliques de saint Augustin d'Hippone, apportées depuis quelques années de l'lle de Sardaigne, par les soins de ce prince.
Il passa ensuite en Bavière ; après avoir délivré la province de plusieurs faux ministres, qui usurpaient l'office des prêtres, et de quelques autres qui se disaient évêques, il érigea 3 évêchés : celui de Salzbourg, celui de Freisingen et celui de Ratisbonne, ou aussi celui de Passau qui était déjà établi. Il en avertit le pontife Romain, qui approuva, avec ce bel éloge : qu'après Dieu, la conversion de 100.000 païens lui était due, à lui et à Charles-Martel, prince des Francs, qui l'avait beaucoup assisté dans cette entreprise.
Pépin le Bref. Amiel, XIXe siècle.
L'an 742, il assembla, à la demande de Grégoire III, le Concile de Germanie, dans lequel il fit faire plusieurs saints décrets pour l'heureux établissement de ces nouvelles églises. Il présida, en 744, le concile de Soissons, où l'on rétablit l'autorité des métropolitains, ébranlée en quelques endroits. Il présida encore d'autres conciles. Il était puissamment soutenu par Carloman et Pépin, qui avaient succédé à Charles-Martel leur père, en 741. Dans l'année 744, il posa les bases du couvent de Fulda, ce grand monastère qui fut pour la Germanie centrale ce que furent le Mont-Cassin pour l'Italie, Saint-Gall pour la Germanie méridionale, la nouvelle Corbie pour la Saxe et le nord de la Germanie.
Gewilied, évêque de Mayence, ayant été déposé, le pape de Rome Zacharie fit nommer Boniface archevêque de Mayence. Il devenait ainsi le métropolite, primat de toute la Germanie (747), et des certains diocèses se trouvant actuellement en France et Belgique. En cette qualité il sacra, à Soissons, en 752, roi des Francs, Pépin le Bref, tige de nos rois appelés Carlovingiens, à cause de Charlemagne, fils aîné de ce prince, comme la première s'appelait des Mérovingiens, à cause de Mérovée, fils de Pharamond.
Il est important de noter que par la suite, en 754, le pape Etienne II octroya, par un second sacre, à la royauté de Pépin le caractère religieux indispensable.
Enfin, Dieu voulant récompenser les illustres travaux de Son serviteur par la couronne du martyre, lui donna l'inspiration de retourner en Frise, où le peuple, qu'il avait converti plusieurs années auparavant, s'était replongé dans l'idolâtrie. Il demanda conseil au pape de Rome, qui l'autorisa à quitter sa métropole pour reprendre la mission en Frise. Ensuite il écrivit à Fulrade, abbé de Saint-Denis, premier aumônier du roi, afin qu'il suppliât Pépin de l'assister de son autorité dans cette entreprise, et de secourir aussi ses disciples qui étaient dans la dernière indigence. Enfin, ayant ordonné en sa place un saint prêtre appelé Lulle, selon son pouvoir de métropolite, et l'ayant prié d'avoir soin, quand il aurait reçu les nouvelles de sa mort, de retirer son corps pour le faire inhumer, il partit de Mayence et s'embarqua sur le Rhin, avec Eoban, évêque, 3 diacres et 4 moines. Ils arrivèrent tous heureusement en Frise où ils baptisèrent en peu de jours plusieurs milliers de personnes.
Un jour, le 5 juin, le pavillon de l'archevêque avait été dressé près de Dockum, au bord de la Burda, qui sépare les Frisons orientaux et les occidentaux. L'autel était prêt et les vases sacrés disposés pour le saint Sacrifice, car une grande multitude était convoquée pour recevoir l'imposition des mains.
Après le lever du soleil, une nuée de barbares, armés de lances et de boucliers, parut dans la plaine et vint fondre sur le camp. Les serviteurs coururent aux armes et se préparèrent à défendre militairement leurs maîtres. Mais l'homme de Dieu, au premier tumulte de l'attaque, sortit de sa tente entouré de ses clercs et portant les saintes reliques, qui ne le quittaient point :
" Cessez ce combat, mes enfants ! s'écria-t-il ; souvenez-vous que l'Ecriture nous apprend à rendre le bien pour le mal. Car ce jour est celui que j'ai désiré longtemps, et l'heure de notre délivrance est venue. Soyez forts dans le Seigneur, espérez en lui, et il sauvera vos âmes."
Puis, se retournant vers les prêtres, les diacres et les autres clercs, il leur dit ces paroles :
" Frères, soyez fermes, et ne craignez point ceux qui ne peuvent rien sur l'âme ; mais réjouissez-vous en Dieu, qui vous prépare une demeure dans la cité des Anges. Ne regrettez pas les vaines joies du monde, mais traversez courageusement ce court passage de la mort, qui sous mène à un royaume éternel."
Aussitôt une bande furieuse de barbares les enveloppa, égorgea les serviteurs de Dieu, et se précipita dans les tentes, où, au lieu d'or et d'argent, ils ne trouvèrent que des reliques, des livres, et le vin réservé pour le saint Sacrifice. Irrités de la stérilité du pillage, ils s'enivrèrent, ils se querellèrent et se tuèrent entre eux. Les Chrétiens, se levant en armes de toutes parts, exterminèrent ce qui était resté de ces misérables. Saint Boniface tenait en mourant le livre des Evangiles entre les mains : ces infidèles le percèrent d'un coup d'épée ; mais ils n'en coupèrent pas une seule lettre : ce qui ne se put faire sans miracle.

Martyre de saint Boniface. Sacramentaire de Fulda. XIe.
Son corps fut d'abord porté à Maastricht, ensuite à Mayence, et, de là, il fut solennellement transféré au monastère de Fulda, comme il l'avait ordonné. Il a fait, depuis, beaucoup de miracles, que l'on peut voir dans ses actes. (l'église collégiale de Saint-Quentin, dans l'Aisne, possède une partie du crâne de saint Boniface. Nous avons fait des recherches pour savoir comment cette relique insigne était arrivée en la possession de cette église sans avoir pu y parvenir).
Nous ne voulons pas omettre ici un très-bel apophthegme qui est attribué à ce saint Apôtre et Martyr, au concile de Tivoli. Faisant allusion à la mauvaise vie de quelques prêtres de son temps, il disait que :
" Autrefois les prêtres étaient d'or, et se servaient de calices de bois ; mais qu'alors ils étaient de bois, et se servaient de calices d'or."
On peint saint Boniface tenant un livre qui est traversé par une épée. Comme cette épée n'endommagea pas le texte sacré, les tailleurs qui ont besoin d'avoir le coup de ciseaux sûr et adroit, ont choisi saint Boniface pour leur patron.

Cathédrale Saint-Martin de Mayence.
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mercredi, 04 juin 2025
4 juin. Saint François Caracciolo, fondateur des Clerc régulier Mineur. 1608.
François, de la famille Caracciolo, l'une des plus illustres du royaume de Naples, entra dès son enfance dans le chemin de la perfection, par l'amour de la pénitence et une tendre dévotion à la Sainte Vierge. Il récitait chaque jour le petit Office et le Rosaire et jeûnait tous les samedis en l'honneur de sa bonne Mère. Cependant, jusqu'à l'âge de vingt-deux ans, il ne songeait point à quitter le siècle. Il fallut l'horrible maladie de la lèpre pour le détacher du monde et le décider à se donner à Dieu dans la vie religieuse. La Providence lui fit rencontrer bientôt deux vertueux prêtres, Jean-Augustin Adorno, jeune homme qui avait renoncé aux vanités du monde après les avoir éprouvées et Frabrice Carraciolo, son oncle, abbé de la collégiale Sainte-Marie Majeure de Naples.
Dès ses premières années il brilla par sa piété ; il était encore dans son adolescence , lorsque pendant une grave maladie il prit la résolution de s'attacher entièrement au service de Dieu et du prochain. Il se rendit à Naples, y fut ordonné prêtre, et ayant donné son nom à une pieuse confrérie, il se livra tout entier à la contemplation et au salut des pécheurs ; il s'adonnait assidûment à la fonction d'exhorter les criminels condamnés au dernier supplice.
François, encore tout jeune, fut bientôt supérieur général de l'Ordre, qui prenait de rapides accroissements. Il profita de la liberté que lui donnait cette charge pour augmenter ses exercices de piété et de mortification. Trois fois la semaine il jeûnait au pain et à l'eau, portait habituellement un rude cilice, prenait toutes les nuits la discipline, et passait le temps du repos partie au pied du Très Saint-Sacrement et partie dans l'étude. Quand le sommeil le pressait, c'était souvent sur le marchepied de l'autel qu'il prenait le peu de repos qu'il accordait à la nature, et qui ne durait jamais plus de trois ou quatre heures. Il donnait sept heures chaque jour à la contemplation et à la méditation de la Passion de Notre-Seigneur Jésus-Christ. Ami de la pauvreté, si on lui donnait des vêtements neufs, il les changeait avec les habits les plus usés des simples frères ; il évitait avec soin toutes les marques de distinction et d'honneur, disant :
" Je n'en suis pas digne ; la Compagnie ne me supporte que par charité."
Il signait ordinairement ses lettres :
" François, pécheur."
Il arriva un jour qu'une lettre destinée à un autre lui fut remise par erreur de nom ; on y invitait le destinataire à prendre part à la fondation d'un nouvel institut religieux, et l'invitation venait de deux pieux personnages. C'est Jean-Agustin Adorno qui eut le premier l'idée de la fondation d'un nouvel Ordre, c'est Fabrice Carraciolo qui bénit, encouragea et s'associa à la fondation et notre saint qui, recevant par inadvertance une communication entre les deux précédents - ne portaient-ils pas le même patronyme ? - se joignit pour l'établissement des Clercs réguliers Mineurs. Frappé de la nouveauté du fait et admirant les conseils de la volonté divine, François se joignit à eux avec allégresse. Ils se retirèrent dans une solitude des Camaldules pour y arrêter les règles du nouvel Ordre, et se rendirent ensuite à Rome où ils en obtinrent la confirmation de Sixte-Quint. Celui-ci voulut qu'on les appelât Clercs Réguliers Mineurs. Ils ajoutèrent aux trois voeux ordinaires celui de ne point rechercher les dignités.

A la suite de sa profession solennelle, notre saint prit le nom de François à cause de sa dévotion particulière envers saint François d'Assise. Adorno étant venu à mourir deux ans après, il fut mis, malgré lui, à la tète de tout l'Ordre, et, dans cet emploi, il donna les plus beaux exemples de toutes les vertus. Zélé pour le développement de son institut, il demandait à Dieu cette grâce par des prières continuelles, des larmes et de nombreuses mortifications. Il fit trois fois dans ce but le voyage d'Espagne, couvert d'un habit de pèlerin et mendiant sa nouriture de porte en porte.
Le Saint alla lui-même établir son Ordre à Madrid, en Espagne, où il obtint un succès extraordinaire ; il y fit trois voyages et s'acquit une telle réputation, qu'on ne l'appelait que le Prédicateur de l'amour divin. A toutes les instances du Pape Paul V, qui voulait l'élever aux dignités ecclésiastiques, il faisait répondre :
" Je veux faire mon salut dans mon petit coin."
Il eut dans la route grandement à souffrir, mais éprouva aussi d'une façon merveilleuse l'appui du Tout-Puissant. Par le secours de sa prière, il arracha au danger imminent du naufrage le navire sur lequel il était monté. Pour arriver aux fins qu'il s'était proposées dans ce royaume, il dut peiner longtemps ; mais la renommée de sa sainteté et la très large munificence dont il fut favorisé par les rois Catholiques Philippe II et Philippe III, l'aidèrent à surmonter avec une force d'âme singulière l'opposition de ses ennemis, et il fonda plusieurs maisons de son Ordre ; ce qu'il fit également en Italie avec le même succès.

Son humilité était si profonde, que lorsqu'il vint à Rome, il fut reçu dans un hospice de pauvres où il choisit la compagnie d'un lépreux, et qu'il refusa constamment les dignités ecclésiastiques que lui offrait Paul V. Il conserva toujours sans tache sa virginité, et gagna à Jésus-Christ des femmes dont l'impudence avait osé lui tendre des pièges. Enflammé du plus ardent amour envers le divin mystère de l'Eucharistie, il passait les nuits presque entières en adoration devant lui ; et il voulut que ce pieux exercice, qu'il établit comme devant être pratiqué à jamais dans son Ordre, en fût le lien principal. Il fut un propagateur zélé de la dévotion envers la très sainte Vierge Mère de Dieu. Sa charité envers le prochain fut aussi ardente que généreuse.
Il fut doué du don de prophétie et connut le secret des cœurs. Etant âge de quarante-quatre ans, un jour qu'il priait dans la sainte maison de Lorette, il eut connaissance que la fin de sa vie approchait. Aussitôt il se dirigea vers l'Abruzze, et étant arrivé dans la petite ville d'Agnoni, il fut atteint d'une fièvre mortelle dans la maison de l'Oratoire de saint Philippe Néri.
Près de mourir, on l'entendait crier en se soulevant de son lit :
" Seigneur Jésus, que Vous êtes bon. Seigneur, ne me refusez pas ce précieux sang que Vous avez répandu pour moi... Ô Paradis ! Ô Paradis !..."
Après avoir fait ses adieux à ses frères, tenant le crucifix d'une main et l'image de Marie de l'autre, il mourut le 4 juin 1608, à l'âge de quarante-quatre ans, en disant :
" Allons ! Allons !
- Et où ? lui répondit-on.
- Au Ciel ! Au Ciel !"

Ayant donc reçu les sacrements de l'Eglise avec la plus tendre dévotion, il s'endormit paisiblement dans le Seigneur la veille des nones de juin de l'an mil six cent huit, le jour d'avant la fête du Saint-Sacrement. Son saint corps fut porté à Naples et enseveli avec honneur dans l'église de Sainte-Marie-Majeure, où il avait jeté les premiers fondements de son Ordre. L'éclat de ses miracles détermina le Souverain Pontife Clément XIV à l'inscrire solennellement au nombre des bienheureux ; et de nouveaux prodiges ayant déclaré de plus en plus sa sainteté, Pie VII le mit au nombre des Saints l'an mil huit cent sept.
Sans cesse, sur la terre, vous vous écriiez au Seigneur avec le Psalmiste : " Le zèle de votre maison m'a dévoré " (Psalm. LXVIII, 10.). Ces paroles, qui étaient moins encore les paroles de David que celles de l'Homme-Dieu dont il était la figure (Johan. II, 17.), remplissaient bien réellement votre cœur; après la mort, on les trouva gravées dans la chair même de ce cœur inanimé, comme ayant été la règle unique de ses battements et de vos aspirations. De là ce besoin de la prière continuelle, avec cette ardeur toujours égale pour la pénitence, dont vous fîtes le trait particulier de votre famille religieuse, et que vous eussiez voulu faire partager à tous. Prière et pénitence ; elles seules établissent l'homme dans la vraie situation qui lui convient devant Dieu. Conservez-en le dépôt précieux dans vos fils spirituels, Ô François ; que par leur zèle à propager l'esprit de leur père, ils fassent, s'il se peut, de ce dépôt sacré le trésor de la terre entière."
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mardi, 03 juin 2025
3 juin. Sainte Clotilde, reine de France. 545.
- Sainte Clotilde, reine de France. 545.
Pape : Vigile. Roi de Paris : Childebert Ier. Roi des Francs : Clotaire Ier.
" Après qu'elle eût invoqué Dieu qui gouverne et sauve tout, Dieur changea l'esprit du roi."
Esther, XV, 5.

Gravure. Blin et Allabre, graveurs. Garnier-Allabre, imprimeur. XIXe.
En cette saison où l'Office du Temps nous amène à considérer les premiers développements de la sainte Eglise, il entrait dans les vues de l'éternelle Sagesse que les fêtes des Saints complétassent, comme toujours, les enseignements du Cycle mobile. Le Paraclet, dont l'avènement est si près de nous, doit remplir la terre (Sap. I, 7.) ; l'Homme-Dieu l'envoie conquérir l'espace et assurer les temps à son Eglise. Or, c'est en soumettant les royaumes par la foi, qu'il doit former au Christ son empire ; c'est en faisant que l'Eglise s'assimile les nations, qu'il donne à l'Epouse croissance et durée. Voici donc qu'au temps même où il vient de nouveau s'emparer du monde, les coopérateurs de l'Esprit dans son oeuvre de conquête apparaissent de toutes parts au ciel de la sainte Liturgie.
Mais l'Occident surtout concourt à former la constellation qui vient mêler ses clartés radieuses aux feux puissants de la Pentecôte. Et, en effet, l'établissement de la chrétienté latine ne manifestera-t-il pas plus que nulle part ailleurs, dans ces lointaines contrées, la toute-puissance de l'Esprit du Christ ? Aussi voyez comme, partis d'Orient, les deux astres incomparables des princes des Apôtres se hâtent, sur notre horizon, vers le zénith glorieux qu'ils atteindront en ce mois même ; hier Jean, le disciple bien-aimé, projetait sur la Gaule ses derniers, ses plus durables rayons; quelques jours plus tôt, c'était le pape Eleuthère et le moine Augustin joignant leur action à travers les siècles, pour porter la lumière du salut dans l'extrême Occident, chez les Bretons et les Angles ; après-demain, Boniface illuminera la Germanie.
Mais aujourd'hui, quelle autre étoile se lève en nos régions ? Son doux éclat rivalise en vertu avec la lumière des plus puissants flambeaux du Christ. La ville de Lyon, préparée par le sang des martyrs à cette seconde gloire, vit grandir dans son sein l'astre nouveau ; comme d'eux-mêmes, après trois siècles, ses rayons se mêlent à ceux de Blandine. Comme Blandine en effet, Clotilde est mère ; et la maternité de l'esclave , engendrant pour le ciel dans sa virginité les martyrs gaulois, préparait la naissance des Francs au Christ-Dieu du sein de leur première reine. Clotilde n'eut point comme Blandine à verser son sang ; mais d'autres tortures l'atteignirent cruellement toute jeune encore, et mûrirent son âme pour les grandes destinées que Dieu réserve aux privilégiés de la souffrance.
La mort violente de son père Chilpéric détrôné par un usurpateur fratricide . la vue de ses frères massacrés, de sa mère noyée dans le Rhône, sa longue captivité à la cour arienne du meurtrier qui amenait avec lui l'hérésie sur le trône des Burgondes, développèrent en elle le même héroïsme de foi qui soutenait Blandine dans l'enfantement douloureux de l'amphithéâtre, et devait faire également de la nièce de Gondebaud la mère de tout un peuple. Unissons donc leurs noms dans un même hommage ; et, prosternés aux pieds du Père souverain de qui découle toute paternité sur la terre et au ciel (Eph. III, 15.), adorons ses voies remplies pour nous de tendresse et d'amour.
Dieu, qui n'a tiré du néant l'univers visible que pour manifester sa bonté, a voulu que l'homme, sortant de ses mains sans pouvoir encore contempler directement son auteur, rencontrât comme première traduction de l'amour infini la tendresse d'une mère : traduction sublime, irrésistible dans sa douceur, et dont l'exquise pureté donne à la mère cette facilité qui n'appartient qu'à elle seule d'achever par l'éducation, dans l'âme de son enfant, la reproduction complète de l'idéal divin qui doit s'imprimer en lui.

Clotilde apportant des subsides à un ermite.
Mais la fête d'aujourd'hui nous révèle combien plus sublime encore, plus puissante et plus étendue que dans l'ordre de la nature, est la maternité dans l'ordre supérieur de la grâce. Lorsque Dieu en effet, venant parmi nous, voulut prendre chair au sein d'une fille d'Adam, la maternité s'éleva jusqu'à la limite extrême qui sépare les dons d'une simple créature des attributs divins. En même temps qu'elle s'élevait par delà les deux, elle embrassait le monde , rapprochant tous les hommes, sans distinction de familles ou de nations, dans la filiation de la Vierge-Mère. Car l'Adam nouveau, modèle parfait de la race humaine et notre premier-né (Rom. VIII, 29. ; Heb. II, 11-12.), nous voulait pour frères en toute plénitude, frères en Marie comme en Dieu (Matth. I, 25 ; Heb. I, 6.).
La Mère de Dieu fut donc proclamée celle des hommes au Calvaire ; du haut de sa croix, l'Homme-Dieu replaçait sur la tète de Marie la couronne d'Eve, brisée près de l'arbre fatal. Constituée l'unique mère des vivants par cette auguste investiture (Gen. III, 20.), Notre-Dame entrait une fois de plus en communication des privilèges du Père qui est aux deux. Non seulement elle était, par nature comme lui, mère de son Fils éternel ; mais de même que toute paternité découle ici-bas de ce Père souverain, et lui emprunte sa dignité suréminente : toute maternité ne fut plus dès lors, dans un sens très vrai, qu'un écoulement de celle de Marie, une délégation de son amour, et la communication de son auguste privilège d'enfanter à Dieu les hommes qui doivent être ses fils.
Les mères chrétiennes ont bien le droit de s'en glorifier, car c'est là leur grandeur ; leur dignité s'est accrue par Marie jusqu'à un point que n'aurait pu soupçonner la nature. Mais en même temps, sous l'égide de Marie, comme hier en notre Blandine, non moins réelle pour Dieu que la leur apparaîtra maintes fois, désormais, la maternité des vierges ; comme Clotilde aujourd'hui, souvent aussi l'épouse, préparée par l'appel de Dieu et la souffrance, se verra douée d'une fécondité plus grande mille fois que celle qui lui venait de la terre. Heureux les hommes issus, par la faveur de Marie, de cette fécondité surnaturelle qui réunit toutes les grandeurs ! Heureux les peuples auxquels une mère fut donnée par la divine munificence !
L'histoire nous apprend que les fondateurs des empires ont toujours eu la prérogative redoutable d'imprimer aux nations le caractère, néfaste ou bienfaisant, qui marque leur existence à travers les siècles. Combien parfois on sent, dans l'impulsion qui leur fut donnée pour détruire plutôt que pour édifier, le manque d'un contrepoids à la prépondérance du pouvoir ! C'est que les peuples anciens n'avaient point de mères ; on ne peut donner ce titre aux héroïnes qui n'ont transmis leurs noms à la postérité, que pour avoir rivalisé d'ambition et de faste avec les conquérants. Il était réservé aux temps chrétiens de voir s'introduire dans la vie des nations cet élément de la maternité, plus salutaire, plus efficace en son humble douceur, que celui qui résulte des qualités ou des vices, de la puissance ou du génie de leurs premiers princes.

Sainte Clotilde en prière au pied du tombeau de saint Martin.
Dans le christianisme même, la sainteté que demande chez la créature qui en est investie cette maternité sublime, en fait l'apanage exclusif de l’Eglise catholique, seule sainte, et des nations qui sont dans l'Eglise ; les empires issus du schisme ou de l'hérésie n'ont point à y prétendre. Rejetés par ce côté au rang des nations païennes, ils pourront exceller comme elles dans la richesse ou la force, être appelés même d'en haut au sinistre honneur d'être les fléaux de Dieu contre des enfants indociles ; mais il restera toujours dans leur formation sociale, dans leur vie entière, un vide immense : sortis de la terre directement, fils de leurs œuvres, comme on dit aujourd'hui, ils n'ont point bénéficié des prières et des larmes d'une mère ; son sourire n'a point éclairé leurs premiers pas, adouci leur enfance. En conséquence, selon le mot du poète latin, ils ne seront point admis à la table divine, ni aux intimités d'une alliance véritable avec le ciel (Virg. Egl. IV. : "... Cui non risere parentes, nec deus hunc mensa, dea nec dignata cubili est ") ; et jamais la vraie civilisation n'avancera par leurs mains.
Les peuples fidèles, au contraire, sont pour l'Eglise, qui est le royaume de Dieu, comme les familles dont le rapprochement sous une même unité sociale forme la nation ; leur vocation, d'ordre avant tout surnaturel, appelle en eux une plénitude de vie au développement de laquelle s'emploient, dans l'éternelle Trinité, la Toute-Puissance, la Sagesse et l'Amour. Aussi, bien que la nature ait l'honneur de fournir ici les ternies du langage et les points de comparaison, ses procèdes et sa puissance sont tellement surpassés à ces hauteurs divines, qu'elle n'y apparaît plus que comme une faible image, presque fautive à force d'être incomplète. Mais parmi les nations baptisées dans la foi au Christ et la soumission à son vicaire, c'est à la France surtout qu'il appartient de s'écrier avec le Psalmiste :
" Ô Seigneur qui avez prévu mes voies et longtemps à l'avance fixé mes destinées, votre science, dans le travail de ma formation, a été merveilleuse ! Mes reins vous appartiennent ; avec ses aspirations et ses pensées, tout mon être est à vous ; car vous m'avez reçu dans vos bras comme votre oeuvre, lorsque je sortais du sein même de ma mère. Aucun de mes os qui vous soit caché, à vous qui l'avez façonné dans le secret des entrailles maternelles et qui connaissez l'imperfection de mes premières origines." (Psalm. CXXXVIII.).
Il fallut du temps pour dompter les instincts farouches des guerriers de Clovis, et préparer leur épée à la noble mission dont elle était appelée à devenir, dans la main de Charlemagne et de saint Louis, l'instrument glorieux. On a dit avec raison que ce travail fut l'honneur des évêques et des moines. Mais, pour être complet et faire preuve d'une science plus approfondie des voies de la Providence, il eût convenu d'oublier moins la part que devait avoir la femme, et qu'elle eut en effet, dans l'oeuvre de la conversion et de l'éducation qui firent du peuple franc le premier-né de l'Eglise.
C'est Clotilde qui conduit les Francs au baptistère de Reims, et présente à Rémi le fier Sicambre transformé beaucoup moins par les exhortations du saint évêque, que par la vertu des prières de la femme forte élue de Dieu pour enlever cette riche dépouille à l'enfer. Quelle virile énergie, quel dévouement à Dieu nous révèlent les démarches de cette noble fille du roi détrôné des Burgondes, qui, sous l'oeil soupçonneux de l'usurpateur meurtrier de sa famille, attend l'heure du ciel dans l'exercice de la charité et le silence de l'oraison : jusqu'à ce que, le moment venu enfin, ne prenant conseil que de l'Esprit-Saint et d'elle-même, elle s'élance pour conquérir au Christ cet époux, qu'elle ne connaît pas encore, avec une vaillance qui dépasse celle des guerriers formant son escorte !
La force et la beauté (Prov. XXXI.) sont véritablement sa parure au jour des noces ; le coeur de Clovis a bientôt compris que les conquêtes réservées à cette épouse, l'emporteront sur le butin ravi jusque-là par ses armes. Clotilde, au reste, a trouvé sur les rives de la Seine son oeuvre préparée ; depuis cinquante ans, Geneviève est debout, défendant Paris contre l'invasion des hordes païennes, et n'attendant que le baptême du roi des Francs pour lui ouvrir ses portes.
Toutefois, lorsque dans cette même nuit de Noël qui vit Notre-Dame donner au monde l'Enfant divin, Clotilde a enfanté pour Marie à l'Eglise son peuple premier-né, l'oeuvre est loin d'être achevée ; il s'agit de faire maintenant de ce peuple nouveau, dans les labeurs d'une lente éducation, la nation très chrétienne. L'élue de Dieu et de Notre-Dame ne défaille point à sa tâche maternelle. Que de larmes pourtant il lui faudra verser encore ! Que d'angoisses sur des fils dont la violence de race semble indomptable, livrés par l'exubérance même de leur riche nature à la fougue des passions qui les pousse en aveugles aux crimes les plus atroces !
Les petits-fils qui grandissaient près d'elle, massacrés dans un infâme guet-apens par des oncles perfides ; des guerres fratricides, promenant la dévastation sur tout ce territoire de la vieille Gaule qu'elle avait purgé du paganisme et de l'hérésie ; et, comme pour compenser l'amertume des discordes intestines par une autre douleur du moins plus glorieuse, sa fille chérie, Clotilde la jeune, mourant d'épuisement à la suite des sévices endurés pour sa foi de la part d'un époux arien : tout montre assez à la reine des Francs que si le ciel l'a choisie pour être leur mère, il entend lui en laisser la peine aussi bien que l'honneur. Ainsi le Christ traite les siens, quand ils ont sa confiance. Clotilde l'a compris : depuis longtemps déjà, veuve de son époux, privée de l'assistance di Geneviève qui a suivi de près Clovis au tombeau, elle s'est retirée près du sépulcre de son glorieux précurseur, le thaumaturge des Gaules, pour y continuer avec l'aide de Martin, dans le secret de la prière et l'héroïsme de la foi qui soutint son enfance, la préparation du nouveau peuple à ses grandes destinées.

Sainte Clotilde au baptême de Clovis. Legenda aurea.
Travail immense, auquel une seule vie ne pourrait suffire ! Mais la vie de Clotilde, qui ne doit point voir s'achever la transformation tant désirée, ne se clora pas qu'elle n'ait, à Tours, serré dans ses bras Radegonde, son illustre belle-fille ; investie de sa sublime maternité dans une étreinte suprême, elle l'envoie poursuivre près de la tombe d'Hilaire, cet autre vrai père de la patrie, l'intercession toute-puissante qui fera la nation. Puis, lorsque Radegonde elle-même, sa tâche de souffrance et d'amour accomplie, devra quitter la terre, Bathilde bientôt paraîtra, consommant l'œuvre en ce siècle septième, dont on a pu dire qu'il sembla comme celui où, prêt enfin pour sa mission, " le Franc fut fiancé à l'Eglise et armé chevalier de Dieu " (Hist. de S. Léger. Introduction.).
Clotilde, Radegonde, Bathilde, mères de la France, se présentent à nous reconnaissables toutes les trois aux mêmes traits pour leurs fils : préparées toutes trois, dès le début de la vie, au dévouement qu'exige leur grande mission, par les mêmes épreuves, la captivité, l'esclavage, par le massacre ou la perte des leurs ; toutes trois ne portant sur le trône que l'indomptable amour du Christ-Roi et le désir de lui donner leur peuple ; toutes trois enfin déposant le diadème au plus tôt, afin de pouvoir, prosternées devant Dieu dans la retraite et la pénitence, atteindre plus sûrement l'unique but de leur ambition maternelle et royale. Héritières d'Abraham en toute vérité, elles ont trouvé dans sa foi (Rom. IV, 18 ; Heb. XI, 11.) la fécondité qui les rendit mères des multitudes que si longtemps notre sol, arrosé de leurs larmes , produisit sans compter pour le ciel.
En nos temps amoindris eux-mêmes, ils sont nombreux encore, ceux que, chaque jour, la terre des Francs envoie rejoindre dans la vraie patrie les heureux combattants des jours meilleurs ; et tous, n'étant plus soumis aux distractions d'ici-bas, ont vite, là-haut du moins, reconnu leurs mères. A la vue de cette affluence toujours croissante de nouveaux fils pressant leurs rangs dans l'allégresse autour de leurs trônes, leur cœur débordant d'amour renvoie au Père souverain la parole du Prophète :
" Qui donc m'a engendré ceux-ci ? Moi la stérile et qui n'enfantais pas, moi la captive et l'exilée, qui m'a nourri tous ces fils ? J'étais seule, abandonnée ; et tous ceux-là, où étaient-ils ?
- En vérité, répond le Seigneur, tous ceux-là seront ta parure, et tu en seras entourée comme l'épouse de ses joyaux. Tes déserts, tes solitudes, la terre de ruines qui vit ta souffrance, seront remplis des fils de ta stérilité, jusqu'à en être trop étroits pour les contenir. Les rois seront tes nourriciers, et les reines tes nourrices. Et tu sauras que c'est moi, le Seigneur, au sujet de qui ne seront point confondus ceux qui l'attendent." (Isai. XLIX, 18-23.).

Sainte Clotilde et sa famille ; notamment trois de ses petits fils
Clotilde, fille du roi Chilpéric, après le meurtre de sus parents, fut élevée par son oncle Gondebaud, roi de Bourgogne, qui la donna en mariage à Clovis encore païen. Etant devenue mère, elle fit baptiser son premier-né, avec la tolérance plutôt que l'assentiment de Clovis. L'enfant, à qui on avait donné le nom d'Ingomer, étant venu à mourir lorsqu'il portait encore la robe blanche des néophytes, Clovis se plaignit vivement à Clotilde, attribuant la perte de son fils à la vengeance des dieux de ses pères irrités du mépris qu on avait fait de leur divinité. Mais Clotilde disait :
" Je rends grâces au tout-puissant Créateur de toutes choses, de ce qu'il ne m'a pas jugée indigne de mettre au monde un fils appelé à partager son royaume."
Ayant mis au monde un second fils, elle voulut aussi qu'il fût baptisé ; on lui donna le nom de Clodomir. L'enfant étant tombé malade, le roi affirmait déjà qu'il allait avoir le même sort que son frère, lorsqu'il fut guéri par les prières de sa mère. Cependant la reine ne cessait d'exhorter son époux à repousser l'idolâtrie pour adorer le Dieu unique en trois personnes ; mais Clovis se tenait attaché aux superstitions des Francs, jusqu'à ce qu'un jour...
En 496 Clovis fut contraint de mener une campagne contre les Alamans, dont l'établissement jouxtait la frontière Est des nouveaux territoires saliens. Ceux ci ne cessaient d'agresser les Francs Rhénans du royaume de Cologne. Clovis vint donc au secours de Sigebert le Boiteux, allié de Clovis, roi de Cologne, et qui devait son surnom à une blessure qu'il reçu des Alamans.
La bataille qui eut lieu, à Tolbiac (aujourd'hui Zülpich au sud ouest de Cologne), dégénéra en un violent massacre et son armée de Francs-Saliens fut sur le point d'être complètement exterminée. Après avoir invoqué en vain ces dieux païens, Clovis implora avec succès le Dieu de Clotilde. La bataille, près d'être perdue, fut une complète victoire et le roi des Alamans fut tué d'une flèche.
Clovis décida alors de sa conversion au Christianisme. Les Alamans firent leur soumission, abandonnant le cours supérieur du Rhin, désormais placé solidement sous le contrôle de Sigebert le Boîteux.
Clotilde, pleine de joie, vint au-devant de lui jusqu'à Reims, ayant su la manière dont tout s'était passé. Appelé par elle, saint Remi, et plusieurs autres illustres prélats choisis par lui, instruisirent Clovis des mystères de la foi, le baptisèrent et lui conférèrent l'onction du saint Chrême.

Bataille de Tolbiac. Ary Scheffer. Château de Versailles. XIXe.
Après la mort de Clovis, Clotilde se fixa à Tours, où elle passa le reste de sa vie au tombeau de saint Martin, se livrant aux veilles, à l'aumône et aux autres œuvres de la piété, exerçant sa munificence envers les églises et les monastères. Clodomir ayant été tué dans la guerre de Bourgogne, elle éleva près d'elle ses petits-fils, Théobald, Gontaire et Clodoald.
Enfin, pleine de jours, elle rendit son âme au Seigneur, à Tours, et son corps fut transféré à Paris, escorté de chœurs qui chantaient des psaumes. Les rois Childebert et Clotaire ses fils l'ensevelirent à côté de Clovis, dans le sanctuaire de la basilique de Saint-Pierre qui a reçu depuis le nom de Sainte-Geneviève.
L'éclat des miracles ayant illustré le tombeau de la sainte reine, on leva de bonne heure son corps pour l'honorer, et il fut placé dans une châsse. Toutes les fois que la ville de Paris éprouvait quelque calamité, nos pères avaient coutume de porter ce saint corps en procession avec un pieux appareil.

Sacre de Clovis. Clovis guérit les écrouelles.
A la fin du dix-huitième siècle, les bêtes féroces révolutionnaires s'étant emparés du gouvernement, et tandis que les reliques des Saints étaient profanées dans tout Paris et dans toute la pauvre France par une fureur sacrilège, les ossements de la bienheureuse reine, grâce à une admirable providence de Dieu, furent soustraits par des personnes pieuses.
La paix ayant été enfin rendue à l'Eglise, les saintes reliques furent placées dans une nouvelle châsse et déposées dans l'église des Saints-Leu-et-Gilles à Paris, où elles sont entourées des honneurs d'un culte fervent.
Votre gloire est grande sur la terre et au ciel, Clotilde, mère des peuples. Non seulement vous avez donné à l'Eglise la nation très chrétienne ; mais elles-mêmes, la catholique Espagne et l'île des Saints remontent jusqu'à vous devant Dieu par Ingonde et Berthe, vos illustres petites-filles. Plus heureuse que Clotilde la jeune, Ingonde, soutenue par Léandre de Séville, ramène à l'intégrité de la foi son royal époux Herménégilde, et l'élève jusqu'au martyre; Berthe accueille Augustin sur la terre des Angles, et, selon la parole de l'Apôtre qui avait annoncé que le mari infidèle serait sanctifié par la femme fidèle (I Cor. VII, 14.), Ethelbert est conduit des ténèbres du paganisme au baptême et à la sainteté. Depuis, en combien de lieux dans notre Europe et sur combien de lointains rivages, les fils de la nation dont vous êtes mère directement n'ont-ils pas propagé cette lumière de la foi que vous leur aviez donnée : soit que l'épée fût en leurs mains la protectrice du droit qui convient à l'Epouse de l'Homme-Dieu d'enseigner librement partout et toujours ; soit qu'eux-mêmes, se faisant missionnaires et apôtres, portassent, loin de toute protection possible, aux peuples infidèles leurs sueurs et leur sang ? Heureuse êtes-vous d'avoir, la première, engendré au Christ-Roi une nation pure de toute tache hérétique et vouée à l'Eglise dès son premier instant! C'est à bon droit que, par un juste hommage envers la Mère de Dieu, l'église Sainte-Marie de Reims fut, au jour de Noël 496, choisie comme lieu de cette insigne naissance ; car Notre-Dame vous fit part alors de sa glorieuse maternité sur la race humaine en des proportions admirables.
Et c'est là ce qui nous rassure, Ô Clotilde, en recourant à vous. Beaucoup de vos fils ne sont plus, hélas ! Ce qu'ils devraient être à l'égard de leur mère. Mais Notre-Dame, en vous communiquant les droits de sa maternité, ne l'a pu faire sans vous communiquer aussi sa tendre compassion pour des enfants abusés qui n'écoutent plus la voix maternelle. Prenez en pitié les malheureux que des doctrines étrangères l'ont entraînés bien loin de leur point de départ.

Partage du royaume de Clovis devant sainte Clotilde.
La monarchie chrétienne que vous aviez fondée n'est plus. Vous l'aviez établie sur la reconnaissance des droits de Dieu dans son Christ et dans le vicaire de son Christ. Des princes à courte vue sur leurs propres intérêts, traîtres à la mission qu'ils avaient reçue de maintenir votre oeuvre, ont cru faire merveille en laissant pénétrer chez nous des maximes proclamant l'indépendance du pouvoir civil à l'égard de l'Eglise ; et la société, par un juste retour, a proclamé son indépendance à l'égard des princes.
Mais, en même temps, le peuple affolé n'entend plus avoir d'autre souverain que lui-même, et, dans l'ivresse de la fausse liberté qu'il a prétendu conquérir, il méconnaît jusqu'au domaine suprême que garde sur lui son Créateur. Les droits de l'homme ont remplacé les droits de Dieu, comme base du pacte social ; évangile nouveau que la France, dans son prosélytisme égaré, prétend maintenant imposer au monde, à la place de l'ancien !
Tel est, dans notre pauvre pays empoisonné par une philosophie menteuse, l'excès de la déraison, que plusieurs qui déplorent l'apostasie du grand nombre et veulent rester chrétiens, croient pouvoir le faire en admettant le principe de libéralisme destructeur qui forme l'essence de la révolution : au Christ le ciel et les âmes ; à l'homme la terre, avec le droit de la gouverner comme il l'entend et de penser à sa guise. A genoux devant la divinité du Seigneur Jésus dans le sanctuaire de leur conscience, ils scrutent les Ecritures et n'y découvrent point que l'Homme-Dieu soit le roi du monde ; en de savantes études ils ont, disent-ils, approfondi l'histoire et n'y ont rien vu qui les contredise.
Si le gouvernement de Clovis, de Charlemagne et de saint Louis, ne répond pas en tout aux données de leur politique, il faut faire, assurent-ils, la part de ces temps primitifs : ce n'est pas en un jour qu'on arrive à l'âge parfait où nous établit enfin la loi du progrès. Pitié, Ô mère, pour ces insensés! Ressuscitez en nous la foi des Francs. Que le Dieu de Clotilde, Seigneur des armées et Roi des nations, se montre à nous ramenant la victoire, sous le vrai nom que Clovis lui donnait à Tolbiac :
" Jésus-Christ !"
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