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vendredi, 23 mai 2025

23 mai. Saint Didier, ou Dizier, évêque de Langres, et ses compagnons martyrs. IIIe.

- Saint Didier, ou Dizier, évêque de Langres, et ses compagnons martyrs. IIIe siècle.
 
Pape : Saint Denis. Empereur : Galien.
 
" Le bon pasteur donne sa vie pour ses brebis."
Saint Jean, X.
 

Martyre de saint Didier. Speculum historiale. V. de Beauvais. XIVe.

Saint Didier est nommé plus communément On le nomme plus communément saint Dizier en Champagne ; saint Desery et saint Drezery en Languedoc et en Italie ; saint Désir en Pays-Bas.

Saint Didier, troisième évêque connu de Langres, fut le successeur de saint Juste, qui lui-même avait succédé à saint Sénateur. Son élection à l'épiscopat remonte vers l'an 253.

De simple agriculteur, il devint pasteur des âmes par une vocation toute miraculeuse. L'église de Langres était veuve de Juste, son évêque, et les fidèles réunis dans l'oratoire de saint Jean l'Evangéliste, transformé plus tard en vaste cathédrale sous l'invocation de saint Mammès, demandaient à Dieu un chef selon son cœur. Le ciel fit savoir par révélation que ce pasteur serait Desiderius, en français Didier, Dizier ou Désiré. Mais comme on ne connaissait personne de ce nom, il fut résolu qu'on enverrait à Rome pour obtenir l'avis du souverain Pontife.

Les députés revenaient à Langres et passaient aux environs de Gênes, lorsqu'ils rencontrèrent au village de Bavari un laboureur qui conduisait la charrue dans son champ. Ils apprirent qu'il se nommait Desiderius et qu'il était tenu pour un homme d'une grande et rigoureuse piété et d'une intégrité de moeurs égale. Ils l'abordèrent. Quel ne fut pas leur étonnement quand ils virent son bâton fixé en terre se couvrir subitement de feuilles. A ce signe, ils reconnurent celui que le Seigneur avait annoncé ils saluèrent Desiderius évêque de Langres.
 

Martyre de saint Didier. Bréviaire à l'usage de Langres. XVe.
 
Au sujet de sa région d'origine, il existe une autre opinion qui le fait naître à Genève. La ressemblance des noms latins a pu faire hésiter entre Gênes et Genève. Mais l'Italie revendique spécialement saint Didier pour nn de ses enfants, et la célébrité de son culte dans cette contrée a sans doute pour cause l'origine du Saint. Gènes, qui a reçu de ses reliques sous Louis XIV, lui consacre un office sous le rite double le 23 mai. Il est en vénération dans un grand nombre d'autres villes d'Italie : à Milan, à Castelnovo. près de Tortone, ville de laquelle il est le principal patron.

Didier fut reçu avec allégresse par les Langrois comme l'élu de la Providence. Il obtint par la prière et l'humilité les grâces nécessaires pour être élevé à la plénitude du sacerdoce, et le Saint-Esprit, qui distribue ses dons comme il lui plaît, l'éclaira de ses divines lumières dans le gouvernement de son diocèse. Il propagea le règne de l'Evangile, et son épiscopat est une preuve entre mille autres que l'Eglise catholique doit ses conquêtes, non point aux ressources humaines, mais à l'action du Tout-Puissant qui l'a établie.

Depuis que Notre-Seigneur Jésus-Christ a prononcé cette parole : " le bon pasteur donne sa vie pour ses brebis ", et depuis qu'il est mort lui-même pour nous, ajoutant l'exemple à la leçon du sacrifice, une multitude innombrable d'évêques se sont volontairement immolas pour leurs troupeaux. Saint Didier a pris une place auguste au milieu d'eux. A l'époque où il vivait, les peuples barbares d'au-delà du Rhin commençaient à s'ébranler pour se jeter sur les provinces de l'empire romain comme sur une proie.

Attaque de Langres par les Vandales de Chrocus et martyre
de saint Didier. Speculum historiale. V. de Beauvais. XIVe.
 
Vers l'an 264, une horde d'Allemands se précipita dans l'est des Gaules, sous la conduite d'un chef nommé Chrocus. Ils mirent le siége devant Langres, qui ne devait pas être fortifiée à cette époque, non plus que les autres villes des Gaules. L'hagiographe Warnahaire la suppose cependant défendue par des remparts en pierre de taille. On n'avait aucun espoir de la sauver ; les premières barrières avaient cédé aux efforts des assiégeants le massacre commençait et les barbares n'épargnaient pas même les petits enfants dans les bras de leurs mères. Le titre de Chrétien ne faisait qu'allumer davantage la fureur des barbares. Didier n'hésita point à se livrer lui-même, en abordant Chrocus pour le supplier d'épargner la vie des habitants. Le barbare resta insensible à ce sublime dévouement. L'évêque alors le menaça de la vengeance céleste. Mais Chrocus, sans égard pour les cheveux blancs du pontife et bravant ses malédictions, ordonna de lui trancher la tête et de mettre à mort ceux qui l'accompagnaient. Le diacre Vincent était de ce nombre.

C'est pour indiquer la décollation de saint Didier qu'on le représente ordinairement portant entre les mains sa tête coupée. Au moment où il reçut le coup mortel, il tenait un livre sur lequel le sang jaillit ; les feuillets en furent couverts, mais les lettres demeurèrent intactes et on les lisait encore mille ans plus tard, ainsi qu'un célèbre auteur, Vincent de Beauvais dans son Speculum historiale, l'atteste au XIIIe siècle.

Sur le point des sources, il faut dire un mot de l'hagiographe Warnahaire, ou Garnier, que nous avons évoqué. C'était un clerc de l'église de Langres qui vivait au commencement du VIIe siècle. Les auteurs de La France littéraire disent de lui :
" Il faut qu'il ait eu la réputation d'homme studieux et lettré, puisque saint Céraune, évêque de Paris, dans le dessein qu'il avait formé de recueillir le plus qu'il pourrait d'Actes des Martyrs, s'adressa à lui préférablement à tout autre, pour avoir ceux qui regardaient le diocèse de Langres."

Saint Didier de Langres. Statue. Art franc. XIIIe.
 
Pour revenir au cours de notre notice, nous savons que le malheureux qui avait frappé l'évêque fut saisi d'une soudaine folie : il courait sur les remparts en poussant des cris affreux, et il alla se briser la tête contre une porte de la ville qui depuis resta murée en mémoire du sang qui l'avait souillée. A la vue du cadavre et de sa cervelle répandue, les barbares cessèrent de se livrer au carnage. Mais le sang des Martyrs criait vengeance ; Chrocus, au rapport de saint Grégoire de Tours, se jeta sur le midi de la France. On le fit prisonnier devant Arles et il subit le sort qu'il avait mérité en persécutant les Saints du Seigneur. Enfermé dans une cage de fer, il fut promené au milieu des villes qu'il avait ravagées ensuite on le mit à mort. Une ancienne tradition langroise rapporte que son supplice eut lieu au-delà de Saint-Geosmes, à l'endroit nommé la Croix-d'Arles.

Le saint évêque reçut la sépulture dans un tombeau de pierre, en l'oratoire qui a depuis porté son nom et qu'il avait dédié lui-même à sainte Marie-Madeleine. On y établit d'abord des chanoines réguliers, et ce fut plus tard un prieuré de l'Ordre de Saint-Benoît. La crypte où le Martyr reposait se voit encore dans la partie de cette église qui a été conservée et qui renferme un musée (!) d'antiquités gallo-romaines.

Les prodiges qui manifestèrent la puissance de saint Didier auprès du Seigneur enflammaient la dévotion des peuples. L'histoire rapporte que nul ne pouvait prêter un faux serment sur le tombeau du Saint sans être aussitôt puni par la justice divine.

Martyre de saint Didier. Pierre Cossard. Eglise Sain-Didier.
Briennes-le-Château. Champagne. XVIIIe.
 
C'est à cette même époque, c'est-à-dire en l'an 264 de l'ère chrétienne, que remonte la fondation de Saint-Dizier, dans l'actuel département de la Haute-Marne (Fanum sancti Desiderii.). Après le pillage de Langres, une compagnie de Langrois emportant avec eux les reliques de saint Dizier ou Didier, vinrent se retirer dans les forêts qui couvraient une partie de l'étendue du pays. Ils s'arrêtèrent sur les rives de la Marne, élevèrent une chapelle destinée à recevoir les précieuses reliques et groupèrent leurs cabanes tout autour de leur modeste sanctuaire. Ils formèrent ainsi le noyau de la ville de Saint-Dizier.

En 1315, sur la demande d'Etienne de Noyers, prieur de Saint-Didier, l'évoque de Langres, Guillaume de Durfort, fit la vérification et la translation solennelle des reliques du Martyr. La cérémonie s'accomplit le i9 janvier en présence des évêques voisins, des abbés de tout le diocèse et d'un immense concours de peuple, Guillaume ouvrit le cercueil de pierre.

Les reliques apparurent intactes, la tête détachée des épaules et les linges teints de sang. Ces précieux restes furent exposés aux regards des fidèles, et on lut à haute voix une antique inscription qui garantissait leur authenticité, puis on les enveloppa dans des étoffes de soie et on les renferma dans une châsse d'argent ornée de ciselures. La tête, à l'exception de la mâchoire inférieure, fut mise dans un .buste de vermeil tout brillant de pierres précieuses, et l'on transféra au trésor de la cathédrale, dans des reliquaires d'argent d'un admirable travail, le bras droit, une côte, la mâchoire inférieure et quelques autres parties des ossements. On vit éclater de nouveaux miracles en cette mémorable circonstance. Depuis, les reliques du Martyr se répandirent dans le monde catholique, spécialement à Gênes sa patrie, à Bologne en Italie et dans les villes d'Arles et d'Avignon.
 
En 1455, l'évoque de Langres, Guy Bernard, rendit obligatoire la célébration de la fête de saint Didier pour tout son diocèse. Mgr Sébastien Zamet ouvrit la châsse du Martyr en 1657, pour donner des reliques à l'église d'Avignon et aux paroisses d'Hortes et de Frettes. Il fit lui-même la translation à Hortes le 22 mai. Les processions de Rosoy, Rougeux, Maizières et de l'abbaye de Beaulieu augmentaient la pompe de cette cérémonie. La relique de saint Didier fut portée à Rosoy, dans la maison d'une femme en couches et dont la vie courait un grand danger. Au contact de la relique, la malade fut sauvée.

Statue. Bois polychrome. Eglise Saint-Didier
Briennes-le-Château. Champagne. XVIe.
 
Ce miracle, dont le chroniqueur Clément Macheret, curé d'Hortes, dressa procès-verbal, contribua beaucoup à répandre la confiance que l'on a dans l'intercession du Saint pour une heureuse délivrance.

Saint Didier fut toujours regardé comme le patron de la ville de Langres, qui l'invoquait solennellement dans les calamités publiques. Il y avait une célèbre confrérie instituée sous son patronage. Des rois de France et des ducs de Bourgogne ont tenu à honneur d'être inscrits sur ses registres.

La plupart des ossements du Martyr ont été détruits, dispersés ou perdus à la Révolution ; mais on possède une partie de la mâchoire inférieure qui était dans l'autel de la chapelle de l'hôpital Saint-Laurent.

Une église d'assez peu d'importance comme monument et vieille de six siècles - lorsqu'elle a disparu en 1792 après la suppression d'une paroisse de 1800 âmes dont elle était le centre - avait consacré à Poitiers le culte du saint évêque de Langres : l'église Notre-Dame de la capitale du Poitou possède encore une de ses reliques.

Ce saint pasteur ne fut pas le seul qui souffrit le martyre en cette persécution. Les Martyrologes lui joignent en ce jour plusieurs fidèles du nombre de ses diocésains. Ils marquent aussi, le 22 octobre, saint Florent, un de ses disciples, qui fut mis à mort par les mêmes Vandales, à Tille-Château, entre Langres et Dijon, et le 27 du même mois, saint Valère, son archidiacre, qui fut décapité par les mêmes Barbares, en un lieu nommé Port-Buxin, et vulgairement le Port-de-Loue, auprès de Salins, en Bourgogne.
 
On représente saint Didier portant sa tête dans ses mains. Au moment où il reçut le coup mortel, il tenait un livre saint sur lequel le sangs jaillit ; les feuillets en furent couverts mais les lettres demeurèrent intactes et on les lisait encore aisément mille ans plus tard ainsi que l'atteste Vincent de Beauvais au XIIIe.

Rq : On consultera avec avantage les intéressantes études réalisées au XIXe par M. l'abbé Mazelin : " Saints de la Haute-Marne " et " Vie de saint Aubin ".

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jeudi, 22 mai 2025

22 mai. Sainte Rita de Cascia, veuve, religieuse de l'Ordre de Saint-Augustin. 1456.

- Sainte Rita de Cascia, veuve, religieuse de l'Ordre de Saint-Augustin. 1456.

Pape : Calixte III. Empereur d'Allemagne : Frédéric III d'Autriche.

" Pour ne point pécher, il faut savoir souffrir en sa chair."
I Petr. IV, 1.

Sainte Rita naquit en Italie, à Rocca Poréna, petit hameau de Cascia (Cascia, depuis 1820 dans le diocèse de Norcia, était alors dans le diocèse de Spolète), le 22 mai 1381. Ses parents l'avaient longtemps demandée au Seigneur et, alors que tout espoir semblait perdu, sa mère avait reçu de Dieu l'assurance que sa prière était exaucée. Selon une inspiration céleste, l'enfant du miracle fut appelée Rita, diminutif de Margarita, ce qui signife " perle précieuse ".

Peu de temps après son baptême, tandis que Rita reposait paisiblement dans une corbeille d'osier, sous la garde de ses parents qui travaillaient aux champs, un essaim d'abeilles vint bourdonner autour de son berceau. Entrant dans la bouche entr'ouverte de Rita, les abeilles y déposèrent leur miel sans lui faire aucun mal. Loin de gâter leur fille unique par une éducation sans fermeté, les vieux parents s'appliquèrent à la former à la vertu. Obéissante et courageuse, Rita travaillait de bon cœur, aidant ses parents dans les soins du ménage.

Ne voulant se faire remarquer que de Dieu seul, Rita sacrifiait dans sa toilette les frivolites qui auraient pu la rendre plus gracieuse. Sa douceur, sa charité envers les pauvres, étaient remarquables. Rita ne savait guère lire ni écrire mais elle savait regarder et comprendre son crucifix. Seule dans sa chambre, elle priait longuement devant l'image de Jésus. En son cœur grandissait le désir de mener une vie de pénitence et ses yeux se tournaient avec ardeur vers le monastère de Cascia.


Imagerie populaire du XIXe.

Tandis que Rita se disposait à entrer au cloître, ses parents recevaient pour elle une demande en mariage. Le prétendant, Paul de Ferdinand, dit Ferdinando, était un homme violent. Craignant de s’attirer des représailles par un refus, les parents promirent la main de leur fille. Consternée, Rita supplia Dieu de mettre obstacle à ce projet. Les voies de Dieu sont impénétrables : en la chargeant de cette croix, mais Dieu voulait donner aux épouses malheureuses un éclatant modèle de patience. Ferdinando fut pour son épouse un véritable tyran. Dominé par un esprit de méchanceté, faisant de son foyer un enfer. Jamais content, se fâchant pour un rien, il accablait d'injures la timide Rita qui frémissait de peur. Il avait la boisson mauvaise et sa pauvre femme dut subir ses fureurs et ses brusques colères.

Qu'aurait fait une épouse ordinaire avec un tel mari ? Mais Rita avait contemplé Jésus dans sa Passion : injuriée, elle ne répondait pas ; frappée, elle souffrait en silence. Sa patience était si héroïque, que ses voisines l'appelaient " la femme sans rancune ". Elle gravissait son calvaire en priant pour la conversion de son indigne époux. Après dix-huit ans, le miracle se produisit : touché par 1a grâce, Ferdinando se jeta aux pieds de sa vertueuse épouse, lui demanda pardon et promit de se corriger. Il tint parole.

Alors commença pour Rita une vie nouvelle. Néanmoins, Ferdinando s’était créé beaucoup d'ennemis qui, sachant que le nouveau converti sortait désormais sans armes, en profitèrent pour assouvir leur vengeance. Un soir qu'il rentrait à Rocca Paréna par un sentier désert, Ferdinando fut attaqué et lâchement poignardé. La douleur de Rita fut extrême, pourtant elle puisa dans sa foi la force de pardonner aux meurtriers de son mari.


Basilique Sainte-Rita de Cascia. Cascia. Ombrie. Italie.

Ses deux grands fils qui ne ressemblaient pas à leur mère, prirent la résolution de venger leur père. Les ayant en vain supllié de ne pas verser le sang, Rita se tourna vers Dieu et fit cette prière héroïque :
" Seigneur, prenez-les plutôt que les laisser devenir criminels."
Peu de temps après les jeunes gens tombaient malades et mouraient à peu d'intervalle l'un de l'autre, après s'être reconciliés avec Dieu.

Restée seule, Rita qui songeait à réaliser son désir de vie religieuse, alla frapper à la porte du mon.astère de Cascia, mais comme jamais encore une veuve n'avait été admise dans la communauté, l’abbesse la refusa. Par deux fois elle renouvela sans succès sa démarche, puis s'adressa à Dieu et " la Sainte des Impossibles " fut miraculeusement exaucée.

Une nuit qu'elle veillait en priant, elle s'entendit appeler ; elle se leva et ouvrit la porte derrière laquelle elle vit les saints qu’elle avait invoqués : saint Jean-Baptiste, saint Augustin et saint Nicolas de Tolentino. Comme dans un rêve, elle les suivit, parcourant les ruelles désertes et sombres qui la menèrent devant le couvent. Comme manœuvrée par une main invisible, la porte s'ouvrit pour la recevoir. Les saints compagnons disparurent et Rita se retrouva seule à l'intérieur de la chapelle où la trouvèrent les religieuses. Le miracle était si évident qu'on la reçut cette fois-ci avec joie.


Statue de sainte Rita à Cascia en Ombrie.

Pour mettre la bonne novice à l'épreuve, l’abbesse lui ordonna d'arroser matin et soir un arbre mort situé a l'entrée du couvent. Voyant dans cet ordre l'expression de la volonté de Dieu, Rita accomplissait avec soin ce travail inutile et ridicule en apparence. Dieu allait montrer d'une manière éclatante combien cet acte d'obéissance lui était agréable. Un beau matin les sœurs ouvrirent des yeux étonnés : la vie était revenue dans ce bois aride. Des feuilles naissantes apparurent et une belle vigne se développa donnant en temps voulu des raisins exquis.

" Il n'y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux que l'on aime."
Ces paroles de Jésus avaient dans l'âme de Rita une résonance profonde. Son ardent désir de compatir à la Passion du Sauveur était si véhément qu'on la trouvait souvent en larmes devant la Croix, souffrant en son âme le martyre du Christ. Un jour qu'elle était prosternée devant l'image du crucifix, elle supplia Notre Seigneur de lui faire prendre part à ses douleurs et de ressentir en sa chair la souffrance de ses blessures.

Une épine de la couronne se détacha du crucifix et vint se planter violemment au front de Rita qui tomba évanouie. La plaie resta toujours ouverte, devint purulente et l'odeur nauséubonde qui s'en dégageait obligea Rita à se retirer dans une cellule complètement à l'écart de la communauté où elle resta quinze ans.


Lors d'une adoration au pied de la Croix, une épine de
la sainte Couronne se détacha et vint se planter dans
le front de sainte Rita. Giovan Francesco Guerrieri. XVIIe.

En 1450 le pape Nicolas V accorda l'indulgence du Jubilé que l’on gagnait en allant à Rome pour vénérer les reliques de la Passion du Seigneur. Rita sollicita la permission de se joindre a ses sœurs pour le pèlerinage, mais l’abbesse refusa à cause de la plaie au front. Rita demanda à Jésus la grâce de cicatriser sa blessure jusqu'à son retour de Rome, tout en conservant la douleur. La plaie se ferma et Rita put partir pour Rome.

Au retour Rita tomba gravement malade. Sa plaie, ouverte à nouveau, la faisait beaucoup souffrir, son estomac délabré par des jeûnes rigoureux ne pouvait supporter aucune nourriture, hormis l'hostie. Elle restait étendue tout le jour sur sa dure paillasse. Ses jours semblaient comptés. Elle resta pourtant ainsi entre la vie et la mort pendant quatre ans.
Ces longues années de douleurs intolerables achevèrent de graver en son âme les traits du divin crucifié.

Un jour qu’une de ses parentes venue la visiter lui demandait ce qui pourrait lui faire plaisir, Rita répondit :
" Je voudrais que tu me cueilles une rose dans le jardin de mes parents."
Or, on était au coeur de l’hiver et la campagne était sous la neige. La cousine alla toute même à Rocca Poréna où, en pénétrant dans le jardin, elle aperçut sur les branches épineuses, une rose splendide qu’elle cueillit et qu’elle porta à la mourante :
" Puisque tu as été si aimable, retourne au jardin et, cette fois, rapporte m'en deux figues fraîches."
Sans plus d'hésitation la messagère sortit en courant et trouva sur le figuier du jardin les deux figues.


Les vrais Niçois (espèce en voie de disparition hélas...) eurent
toujours, depuis le XVIe siècle, une grande dévotion pour
sainte Rita. Il se fait encore une procession en son honneur.
Eglise Sainte-Rita. Nice.

Rita attendait dans la paix l'heure de Dieu. Un jour sa chambre fut innondée de lumière où apparurent Jésus et Marie qui lui annoncèrent son départ vers le ciel. Trois jours après cette apparition, Rita, serrant sur son coeur le crucifix qu'elle avait tant aimé, rendit son âme à Dieu (22 mai 1457). Elle avait soixante-seize ans. Son visage émacié prit un air de beauté incomparable, l'horrible plaie se changea en un rubis éclatant, exhalant un suave parfum. Pour annoncer sa mort, les cloches du monastère s'ébranlèrent d'elles-mêmes, et la foule accourue défila devant sa dépouille glorieuse.

Vêtu de l'habit des religieuses de l'ordre de Saint-Augustin, le corps de Sainte Rita repose dans une châsse en verre en l'église de Cascia où il est encore intact. En 1628, lors des fêtes de la béatification, on vit les yeux s'ouvrir pendant quelques instants. D’autres fois, comme il est attesté par un document officiel du 16 mai 1682, conservé aux archives de Cascia, le saint corps se souleva jusqu’à toucher le plafond de la châsse. Souvent aussi, dit la bulle de canonisation, un parfum suave s'exhalait de la dépouille pour embaumer le monastère et les pélerins.


La châsse renfermant le corps incorrompu de sainte Rita.
Basilique Sainte-Rita. Cascia.

En 1900, le pape Léon XIII, après l'examen minutieux de nombreux miracles, plaça la bienheureuse Rita au nombre des saints et composa lui même un office spécial en son honneur.

PRIERES A SAINTE RITA

Le recours à Sainte Rita est une très puissante intercession auprès de notre Père des cieux, partuiculièrement lorsqu'une situation, à vue humaine, est perdue.

Il existe de nombreuses prières et neuvaines à sainte Rita. En cette matière, on privilégiera toujours le recours à des prières sanctionnées par l'Eglise, d'une manière ou d'une autre, jusqu'au règne de Pie XII inclusivement.

1.

" Sainte Rita, j'ai recours à vous, que tous proclament " la sainte des impossibles ".
Je vous implore, car j'ai confiance en vous et j'espère être rapidement exaucé, car vous êtes proche de notre Père du ciel.
Je ne vois pas de solution humaine, mais je me confie à vous que Dieu a choisie pour être " l'avocate des causes désespérées ".
Si mes péchés sont un obstacle à la réalisation de mes désirs, obtenez-moi de Dieu la miséricorde et le pardon.
Ne permettez pas que je reste plus longtemps dans l'angoisse daignez répondre à la confiance que je place en vous.
Sainte Rita, qui avez si intimement participé à la passion de Jésus, priez pour moi et venez à mon secours.

Ainsi soit-il."

+ Pater, Ave, Gloria.

2.

" Sainte Rita, vous êtes l'" avocate des causes désespérées ".
C'est en toute confiance que je me confie en vous, puisque je suis dans une situation désespérée ; Je n'ai aucun recours humain.
Je suis sûr que vous ne me refuserez pas de m'aider, puisque vous êtes si près du Bon Dieu, que vous avez toujours si bien servi.
Priez pour moi, intercédez pour moi auprès du Seigneur Dieu. Il connaît ma détresse. Obtenez la grâce que j'espère. Présentée par vous, ma demande sera exaucée.
J'essaierai de changer ce qui doit être changé dans ma vie, afin de mieux répondre aux appels du Seigneur Jésus.
Et je rendrai grâce au Dieu de toute tendresse.
Sainte Rita, priez pour moi et venez à mon secours.

Ainsi soit-il."

+ Pater, Ave, Gloria.

3.

" Sainte Rita, au secours !... Je n'en puis plus !... Accablé sous le poids de la douleur, j'ai élevé ma voix vers le Ciel, j'en ai imploré le secours, mais en vain ; le Ciel n'a pas répondu à mon appel, Il est resté muet, et j'ai l'impression d'avoir été abandonné à mon triste sort. C'est peut-être à cause de mes péchés qui me rendent indigne des faveurs divines.

Pourtant j'ai un grand besoin, un besoin absolu de la grâce que je sollicite.

Alors, chère Sainte Rita, c'est à Vous que j'ai recours… N'êtes-vous pas " La Sainte des cas impossibles, l'Avocate des causes désespérées, le Refuge de la dernière heure " ?

Ô, prenez à coeur ma cause, je Vous en conjure !... Ecartez par votre puissante intervention, les obstacles qui m'empêchent de mériter cette faveur : obtenez-moi de la Divine Miséricorde un sincère repentir et le pardon de mes péchés. Et puis, patronnez ma cause comme Vous savez le faire, en l'appuyant sur vos mérites.

Non, Vous ne permettrez pas que je sois la seule créature malheureuse à ne pas avoir été exaucée par Vous. Je ne veux pas, je ne peux pas le croire. Vous m'obtiendrez cette grâce qui me tient tant à cœur en ce moment et qui m'est si nécessaire. Je le crois, je veux le croire avec toute la force de ma foi, tout en me soumettant, cependant, à la Sainte Volonté Divine.

Et, dès à présent, avec tout l'élan de mon cœur reconnaissant, je Vous promets de vivre désormais une vie de vrai chrétien pour mériter toujours votre efficace protection, et de faire connaître à tous que Vous vous montrez et que vous êtes vraiment " La Sainte des cas impossibles, l'Avocate des causes désespérées, le Refuge de la dernière heure " !

Ainsi soit-il."


+ Pater, Ave, Gloria.

4.

" Glorieuse Sainte Rita qui êtes dans le ciel une protectrice puissante auprès de Dieu, j'ai recours à vous, avec confiance et abandon.
Intercédez auprès du Seigneur de toute bonté.
Aidez-moi.
D'avance, je vous en remercie.

Je mets en vous ma confiance : exaucez ma prière Dieu éternel, dont la miséricorde est infinie, je vous rends grâce pour les dons que vous m'avez accordés par les mérites de Sainte Rita.
Et vous ma protectrice, faites que je devienne de plus en plus digne de l'amour de Dieu et de votre protection.

Ainsi soit-il."

+ Pater, Ave, Gloria.

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mercredi, 21 mai 2025

21 mai. Saint Hospice de Villefranche, vulgairement saint Sospis, ermite et confesseur. 581.

- Saint Hospice de Villefranche, vulgairement saint Sospis, ermite et confesseur. 581.

Pape : Pélage II. Roi de Bourgogne : Gontran.

" Soyez dans l'allégresse, vous dont les noms sont écrits au ciel."
Luc, X, 20.


Saint Hospice face aux Lombards. Bois polychrome du XVIe.
Chapelle des Pénitents rouges : confrérie de la Très-Sainte-Trinité
et du-Saint-Suaire). Nice.

Saint Hospice est un ermite du VIe siècle, dont le nom demeure célèbre aujourd'hui encore dans la région de Nice où il vécut. Sa vie nous a été racontée par saint Grégoire de Tours, au livre VI de son " Histoire des Francs ". C'est ce récit que nous allons résumer ici.

Hospice s'était enfermé dans une vieille tour située près de Villefranche, à une lieue de la ville de Nice, sur une petite presqu'île qui, en souvenir de lui, est appelée aujourd'hui encore San Sospis. Là se livrait aux exercices de la pénitence la plus rigoureuse. Il avait enserré son corps dans des chaînes de fer qu'il portait à même la chair, avec un cilice par-dessus. Il ne mangeait que du pain sec et quelques dattes. Les jours de Carême, il faisait son repas avec des herbes utilisées par les solitaires d'Égypte, et qu'il achetait à des marchands. (Une tradition locale veut qu'il ait été originaire d'Égypte, et qu'il ait fait là l'apprentissage de la vie monastique.) Il prenait d'abord le jus dans lequel elles avaient cuit, et plus tard, les herbes elles-mêmes.

Mais Dieu récompensait son zèle par le don des miracles et l'esprit de prophétie. C'est ainsi qu'il prédit aux habitants du pays la prochaine invasion des Lombards :
" Les Lombards, dit-il, viendront dans les Gaules et dévasteront sept provinces, parce que la malice de ce pays s'est accrue devant les yeux du Seigneur car il n'y a plus personne qui comprenne, personne qui recherche Dieu ; personne qui fasse le bien, pour que la colère de Dieu s'apaise. Tout le monde est sans Foi, adonné aux parjures, accoutumé à voler, prompt à tuer ; aucun fruit de justice ne mûrit en eux. On ne paye pas les dîmes, on ne nourrit pas les pauvres, on ne couvre pas ceux qui sont nus, on ne recueille pas les pèlerins, on ne leur donne pas une nourriture suffisante. C'est pour cela que ce fléau va venir.
Je vous dis donc maintenant : ramassez tout votre avoir derrière des murailles, pour que les Lombards ne vous l'enlèvent pas ; et retranchez-vous vous-mêmes derrière les enceintes les mieux fortifiées."


Il prévint également les moines de se hâter de se mettre en sûreté, avec ce qu'ils pourraient prendre, car les Barbares approchaient. La même tradition prétend que saint Hospice était abbé d'un monastère établi sur la même presqu'île, et qu'il le gouvernait de sa tour. Ces traditions sont rapportées dans un ouvrage publié à Turin en 1658, " Nice illustrée ", par Gioffredi. Et comme les religieux protestaient à l'envi qu'ils ne voulaient pas l'abandonner, il répartit :
" Ne craignez rien pour moi. Peut-être me feront-ils subir quelques outrages, mais ils n'iront pas jusqu'à me tuer."

Les moines s'étaient à peine éloignés que les Lombards arrivèrent. Dévastant tout sur leur passage, ils atteignirent la tour où le saint vivait, enfermé, et d'où il se montrait à eux par la fenêtre. Ayant vainement cherché une entrée pour pénétrer dans la tour et monter jusqu'à lui, ils grimpèrent sur la toiture et, enlevant les tuiles, réussirent à l'approcher. Voyant alors cet homme chargé de chaînes, dans cette sévère prison, ils pensèrent qu'ils avaient affaire à quelque grand criminel et, faisant venir un interprète, ils lui demandèrent de quoi il était coupable pour avoir mérité un tel châtiment. Hospice déclara qu'il était un homicide et qu'il avait commis les pires méfaits.

Un des Barbares alors tira son épée et la brandit au-dessus de sa tête mais, au moment où il allait frapper, son bras droit se raidit sans qu'il pût le ramener à lui, et il lâcha son arme qui tomba à terre. Les autres, voyant cela, poussèrent un grand cri vers le ciel, en suppliant le saint de leur dire ce qu'il fallait faire. Lui fit le signe de la croix sur le bras raidi et lui rendit aussitôt sa souplesse. L'homme se convertit sur l'heure ; plus tard, il embrassa l'état monastique et donna l'exemple d'une grande ferveur. Il vivait encore lorsque Grégoire de Tours écrivait sa chronique. Beaucoup d'autres Barbares écoutèrent les conseils du saint, et ceux-là rentrèrent sains et saufs dans leur pays ; ceux au contraire qui les méprisèrent périrent misérablement en terre étrangère.

Parmi les nombreux miracles imputés à saint Hospice, on rapporte la guérison d'un homme originaire d'Angers, qui était sourd et muet, et qu'un diacre conduisait à Rome pour que les saints Apôtres lui rendissent l'usage de ses sens. Comme il passait près du lieu où vivait le solitaire, celui-ci le fit appeler. Il lui versa de l'huile bénite dans la bouche et sur la tête, en disant :
" Au Nom de mon Seigneur Jésus-Christ, que tes oreilles s'ouvrent et que ta bouche se desserre, par cette vertu qui autrefois chassa d'un homme sourd et muet un démon malfaisant."

En même temps, il lui demanda son nom. L'infirme répondit à haute voix et se nomma. A ce spectacle, le diacre qui le conduisait éclata en cris d'admiration :
" Je te rends des grâces infinies, Ô Jésus-Christ, qui daignes opérer de tels prodiges par ton serviteur ; j'allais chercher Pierre, j'allais chercher Paul, ou d'autres qui de leur sang illustrèrent Rome, mais ici je les vois tous, ici je les ai tous trouvés !
- Tais-toi, tais-toi, très cher frère, reprit le saint qui redoutait les blessures de la vaine gloire. Ce n'est pas moi qui fais cela, mais Celui qui de rien a créé le monde ; qui, se faisant homme pour nous, fit voir les aveugles, entendre les sourds, parler les muets ; qui rendit aux lépreux leur première peau, aux morts la vie, et qui accorde à tous les malades une foule de soulagements."


Notre saint guérit de même un aveugle de naissance et délivra un grand nombre de possédés. Lorsqu'il sentit approcher le jour de sa mort, il fit venir l'économe du monastère et lui dit :
" Faites faire une ouverture avec la pioche, dans le mur de cette tour, et envoyez des messages à l'évêque de Nice, afin qu'il vienne m'ensevelir : car, dans trois jours, je quitterai ce monde pour aller jouir du repos que le Seigneur m'a promis."

Tandis qu'on s'acquittait en diligence de la commission, un nommé Crescent vint à la fenêtre, et voyant le solitaire ainsi chargé de chaînes et plein de vermine, il lui dit :
" Ô mon maître, comment peux-tu supporter de si durs tourments avec tant de courage ?
- Celui pour le nom duquel je supporte cela, répondit le saint, m'en donne la force. Mais je te le dis je suis déjà délivré de ces chaînes, et je vais à mon repos."


Le troisième jour qu'il avait annoncé comme devant être celui de son trépas étant arrivé, il ôta les chaînes qu'il portait et se prosterna en oraison. Après avoir prié fort longtemps, en répandant d'abondantes larmes, il s'étendit sur un banc, leva ses mains vers le ciel en rendant grâces à Dieu et rendit l'esprit. Aussitôt tous les vers qui rongeaient ses saints membres disparurent.

La chapelle Saint-Hospice à Saint-Jean-Cap-Ferrat (anciennement
partie de la commune de Villefranche-sur-Mer) fut construite sur
la tour dans laquelle saint Hospice était reclus.

Cependant l'évêque de Nice, Austadius, étant arrivé sur ces entrefaites, fit ensevelir le corps du bienheureux avec le plus grand soin. Son tombeau devint aussitôt un lieu de pèlerinage extrêmement fréquenté. On disait que la poussière même que l'on en emportait avait le pouvoir de faire des miracles.

Le même saint Grégoire de Tours rapporte, dans un autre ouvrage (De gloria confes., ch. 97.), qu'un chrétien, qui portait sur lui un peu de cette poussière, était monté un jour sur un vaisseau appartenant à des Juifs qui faisaient voile vers Marseille. Mais son désir à lui était de descendre au monastère des îles de Lérins. Lorsqu'on arriva à hauteur de celles-ci, le navire s'arrêta de lui-même et il fut impossible de le faire avancer. L'homme alors avoua aux Juifs son dessein, et leur fit connaître la puissante protection qu'il avait sur lui : les Juifs, comprenant qu'il était inutile de lutter, le déposèrent à terre et continuèrent leur route sans encombre.

La cathédrale de Nice ne possède comme reliques de saint Hospice qu'un os de sa main. Il en existe d'autres dans plusieurs églises du diocèse, notamment à Villefranche, à La Turbie, et dans le sanctuaire de la presqu'île San-Sospis. Celui-ci continue à être un lieu de pèlerinage très fréquenté des populations de la région. La fête figure au propre de Nice.

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mardi, 20 mai 2025

20 mai. Saint Bernardin de Sienne, Franciscain. 1444.

- Saint Bernardin de Sienne, Franciscain. 1444.

Pape : Clément VII ; Eugène IV. Empereurs d'Allemagne : Wenceslas ; Frédéric III.

" On pressait un jour Jean d'Avila, l'apôtre de l'andalousie, de donner des règles pour enseigner l'art de prêcher :
" Je ne connais d'autre art que l'amour de Dieu et le zèle pour Sa gloire."
Il avait coutume de dire aux jeunes ecllésiastiques qu'un mot prononcé par un homme de prière toucherait plus que des discours éloquents."


Saint Bernardin de Sienne. Antonio Vivarini. XVe.

Bernardin Albizesca, issu d'une noble famille de Sienne, donna dès son enfance des marques éclatantes de sainteté. Elevé dans des habitudes honnêtes par ses parents qui étaient vertueux, il négligea les jeux de l'enfance, et dès ses premières études sur la grammaire on le vit se livrer aux Oeuvres de la piété, au jeune, à l'oraison, et particulièrement au culte de la très sainte Vierge. La charité envers les pauvres éclatait en lui.

Après quelques années, dans le but de mieux pratiquer encore toutes ces vertus, il voulut être du nombre des confrères qui servent Dieu à Sienne dans l'hôpital de Notre-Dame de la Scala, d'où sont sortis plusieurs personnages célèbres par leur sainteté. Il s'y exerça avec une ferveur et une charité incroyables à la mortification de son corps et au soin des malades, durant une peste qui sévissait cruellement sur la ville, si bien qu’on lui confia la direction de l'établissement.


Bartolomeo della Gatta. XVe.

Entre autres vertus, il garda inviolablement la chasteté, malgré les dangers que pouvait lui susciter la rare beauté de ses traits ; et tel fut le respect qu'il inspira, que les plus licencieux n'auraient osé prononcer un mot déshonnête en sa présence.

Après une grave maladie qu'il avait endurée avec la plus héroïque patience pendant quatre mois, il conçut le dessein d'embrasser la vie religieuse. Afin de s'y disposer, il loua une petite maison à l'extrémité de la ville, où il vécut inconnu, menant la vie la plus austère, et priant Dieu continuellement de lui faire connaître le parti qu'il devait prendre.


Dario di Giovanni. XVe.

En 1402, il entra chez les Franciscains de l’Étroite-Observance ; y fit profession le 8 septembre 1403 et fut ordonné prêtre le 8 septembre 1404. Il excella en humilité, en patience et en toutes les autres vertus religieuses. Le gardien du couvent ayant remarqué cette haute vertu, et connaissant d'ailleurs la science à laquelle ce religieux était arrivé dans les saintes lettres, lui imposa le devoir de la prédication. Le saint accepta humblement cet emploi, bien qu'il s'y reconnût peu propre, à cause de la faiblesse et de l'enrouement de sa voix. Mais ayant imploré le secours de Dieu, il se trouva délivré miraculeusement de cet obstacle.

Il se consacra donc à la prédication, surtout dans l’Italie du Nord. A cette époque, un débordement de crimes était répandu en Italie, et de sanglantes factions y foulaient aux pieds toutes les lois divines et humaines. Bernardin parcourut les villes et les villages au nom de Jésus qu'il avait toujours à la bouche et dans le coeur, et vint à bout par ses discours et ses exemples de rétablir presque partout la piété et les bonnes mœurs qui avaient disparu. Plusieurs villes considérables le demandèrent au pape pour leur évêque ; mais Bernardin refusa constamment cette dignité par une humilité invincible.


Aux pieds de saint Bernardin, les évêchés qu'il refusa.
Heures à l'usage de Paris. XVe.

Il résidait, de préférence, dans les ermitages. À partir de 1417, ayant prêché à Milan, sa renommée de prédicateur devint manifeste et on l’appelait donc de toutes les villes de l’Italie, pour des auditoires de plusieurs milliers de personnes. Il était contraint de prêcher sur les places publiques, car aucune église ne pouvait contenir ces foules.

Il prêchait essentiellement la pénitence, l’invitation à la conversion des moeurs et s’adressait aussi bien au peuple qu’aux responsables des cités, provoquant parfois des réformes des législations locales, notamment en ce qui concerne les pratiques usuraires qui pesaient lourdement sur le pauvre peuple.


Une prédication de saint Bernardin de Sienne.
Domenico Mecarino. XVIe.

Le saint Nom de Jésus

Il invitait les édiles à inscrire le nom de Jésus sur les murs des édifices, au moins les 3 lettres IHS (Iesus humani salvator, Jésus sauveur des hommes). Il prêchait en montrant aux foules un panneau portant le monogramme du Christ IHS peint en lettres d'or dans un soleil symbolique. En effet sa prédication était centrée sur le nom de Jésus dont il recommandait la dévotion. Quelques religieux, jaloux de ses succès, le dénoncèrent à Rome, l’accusant de déviation doctrinale. Saint Jean de Capistran prit sa défense auprès du pape Martin V. Celui-ci approuva la dévotion au Nom de Jésus et voulut faire de Bernardin l’évêque de Sienne. Mais Bernardin refusa, préférant continuer ses prédications en Italie. Le 7 janvier 1432, malgré de nouvelles attaques contre Bernardin, le pape Eugène IV imposa le silence à ses détracteurs. En 1530, la fête du Saint Nom de Jésus fut accordée aux Frères mineurs, et étendue à l’Église universelle en 1722.


Statue votive. Bois polychrome. Lorenzo di Pietro. XVe.

Le réformateur

En 1438, Bernardin devint vicaire général de l’Ordre franciscain, et y développa la réforme dont il devint l’ardent promoteur, y gagnant de nombreux couvents et ermitages d’Italie. Il envoya des missionnaires en Orient, dans l’espoir de permettre un rapprochement avec les chrétiens séparés, ce qui devint la visée du Concile de Florence où il eut l’occasion de s’adresser lui-même aux pères Grecs (1439). Le pape Eugène IV, en 1443, le désigna comme prédicateur d’une croisade contre les Turcs, mais il ne semble pas avoir eu l’occasion de s’acquitter de cette charge.

Ayant résigné sa charge de Vicaire de l’Ordre, il reprit ses tournées de prédication vers le Royaume de Naples, mais il était très fatigué et usé. Il attrapa une fièvre maligne, à Aquila où il mourut, le 20 mai 1444, dans le couvent de cette ville, tandis que les frères chantaient l’antienne :
" Père, j’ai fait connaître votre nom aux hommes que vous m'avez donnés ; maintenant je prie pour eux et non pour le monde, parce que je viens à vous."


Saint Bernardin de Sienne et saint Louis de Toulouse.
Alessandro Boncivino. XVe.

Il fut inhumé dans l’église du couvent. De nombreux miracles lui furent attribués, si bien que le pape Nicolas V le canonisa le 24 mai 1450. Notons que jeune, saint Bernardin avait assisté à un sermon de saint Vincent Ferrier à Alexandrie en Lombardie et que ce dernier avait prédit sa sainteté sans le connaître puisqu'il avait dit :
" Il y a un personnage en cet auditoire qui sera la lumière de l'Ordre de Saint-François, de toute l'Italie et de l'Eglise, et qui sera déclaré Saint."

Son saint corps est conservé dans une double-châsse au couvent des Franciscain d'Aquila.

L’Italie le considère comme son plus grand prédicateur. Dès sa canonisation, les peintres et les sculpteurs les plus illustres le représentèrent très fréquemment.

Bernardin prêchait habituellement en langue vulgaire, dans un style populaire et plein d’images et d’interpellations des auditeurs. Mais les sermons écrits en latin que nous possédons sont certainement des recompositions, un peu savantes, qui laissent mal transparaître la verve de l’orateur. Ils furent publiés à partir de 1501, à Lyon, puis à Paris en 1536, enfin à Venise en 1745. Les éditions franciscaines de Quaracchi en ont fait une édition critique entre 1950 et 1965.


Lorenzo d'Alessandro. XVe.

PRIERE

" Qu'ils sont beaux, Ô Bernardin, les rayons qui forment le nom de Jésus ! Que leur lumière est douce, au moment où le Fils de Dieu reçoit ce nom sauveur, le huitième jour après sa naissance! Mais quel oeil mortel pourrait supporter leur éclat, lorsque Jésus opère notre salut, non plus dans l'humilité et la souffrance, mais par le triomphe de sa résurrection ? C'est au milieu des splendeurs pascales du nom de Jésus que vous nous apparaissez, Ô Bernardin ! Ce nom que vous avez aimé et glorifié vous associe désormais à son immortelle victoire. Maintenant donc répandez sur nous, plus abondamment encore que vous ne le faisiez sur la terre, les trésors d'amour, d'admiration et d'espérance dont ce divin nom est la source, et purifiez les yeux de notre âme, afin que nous puissions un jour contempler avec vous ses magnificences.

Apôtre de la paix, l'Italie, dont vous avez si souvent apaisé les factions, a droit de vous compter au rang de ses protecteurs. Voyez-la en ces jours livrée en proie aux ennemis du Sauveur des hommes, rebelle à la voix de la sainte Eglise, et tristement abandonnée à son sort. Ne vous souviendrez-vous pas que c'est dans son sein que vous avez pris naissance, qu'elle fut docile à votre voix, et que longtemps votre mémoire lui fut chère? Intervenez en sa faveur ; arrachez-la à ceux qui l'oppriment, et montrez qu'au défaut des armées de la terre, les milices célestes peuvent toujours sauver les villes et les provinces.

Illustre fils du grand patriarche d'Assise, l'Ordre séraphique vous vénère comme l'une de ses principales colonnes. Vous avez ravivé dans son sein l'observance primitive ; continuez du haut du ciel à protéger l'œuvre commencée par vous ici-bas. La famille de saint François est l'un des plus fermes appuis de la sainte Eglise ; faites-la fleurir toujours, soutenez-la dans les tempêtes, multipliez-la en proportion des besoins du peuple fidèle ; car vous êtes le second père de cette famille sacrée, et vos prières sont puissantes auprès du Rédempteur dont vous avez confessé le nom glorieux sur la terre."


Saint Bernardin de Sienne. El Greco. XVIIe.

SERMON SUR LE NOM GLORIEUX DE JESUS

" Le nom de Jésus est la gloire des prédicateurs, parce qu’il fait annoncer et entendre sa parole dans une gloire lumineuse. Comment crois-tu que se soit répandue dans le monde entier une clarté de foi si grande, si rapide et si fervente, sinon parce qu’on a prêché Jésus ? N‘est-ce pas par la clarté et la saveur de ce nom que Dieu nous a appelés à son admirable lumière ? A ceux qui ont été illuminés et qui voient la lumière dans cette lumière, l’Apôtre peut bien dire : Autrefois, vous n’étiez que ténèbres ; maintenant, dans le Seigneur, vous êtes devenus lumière ; vivez comme des fils de la lumière.

Par conséquent, il faut faire connaitre ce nom pour qu’il brille, et ne pas le passer sous silence. Cependant, il ne doit pas être proclamé dans la prédication par un cœur impur ou une bouche souillée, mais il doit être conservé puis proclamé par un vase choisi. C’est pourquoi le Seigneur dit au sujet de saint Paul : " Cet homme est le vase que j’ai choisi afin qu’il porte mon Nom auprès des nations paiennes, auprès des rois, et des fils d’lsraël. Le vase que j’ai choisi, dit-il, est celui où se montre un liquide très doux et de grand prix, pour qu’on ait envie de le boire parce qu’il brille et resplendit dans des vases de choix : afin qu’il porte mon nom, dit le Seigneur ".

Lorsqu’on allume un feu pour nettoyer les champs, les buissons et les épines, sèches et stériles, se mettent à brûler ; lorsque les ténèbres sont chassées par les rayons du soleil levant, les voleurs, les vagabonds nocturnes, les cambrioleurs vont se cacher. C’est ainsi que la prédication de saint Paul, comme un fracas de tonnerre, comme un incendie violent, comme le soleil à son aurore, faisait disparaître l’incroyanee, dissipait l’erreur, mettait en lumière la vérité, à la manière dont la cire se liquéfie sous un feu intense.

En effet, il mettait partout le nom de Jésus : dans ses paroles, ses lettres, ses miracles et ses exemples. Il louait le nom de Jésus continuellement, il le chantait dans son action de grace.

De plus, l’Apôtre portait ce nom auprès des rois, des nations païennes et des fils d’Israël, comme une lumière dont il illuminait les nations du monde, et partout il s’écriait : La nuit est bientôt finie, le jour est tout proche. Rejetons les activités des ténèbres, revêtons-nous pour le ombat de la lumière. Conduisons-nous honnêtement, comme on fait en plein jour. Il montrait à tous la lampe ardente, posée sur le lampadaire, annonçant en tout lieu Jésus, le crucifié.


Aussi l’Église, épouse du Christ, toujours appuyée sur son témoignage, exulte-t-elle en disant avec le Prophète : Mon Dieu, tu m’as instruit dès ma jeunesse et je redirai tes merveilles jusqu’à présent, c’est-à-dire toujours. Le prophète y exhorte aussi en disant : Chantez le Seigneur en bénissant son nom, de jour en jour proclamez son salut, c’est-à-dire Jésus le Sauveur."

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lundi, 19 mai 2025

19 mai. Saint Yves, tertiaire franciscain, juge, avocat, official et prêtre. 1303.

- Saint Yves, tertiaire franciscain, juge, avocat, official et prêtre. 1303.

Pape : Boniface VIII. Duc de Bretagne : Jean II*. Roi de France : Philippe IV, Le Bel.

" Prenez bien garde, juges, à ce que vous ferez : car ce n'est pas la justice de l'homme que vous exercez, mais la justice du Seigneur, et tout ce que vous aurez jugé retombera sur vous."
II Par. XIX, 5, 6.


Saint Yves. Roger van der Weyden. Flandres. XVe.

Nous craindrions d'imposer une privation à la piété de nos lecteurs, si nous omettions aujourd'hui la mémoire d'un saint dont le culte n'est que local, il est vrai, mais qui n'en a pas moins été, durant des siècles, l'objet d'une vénération presque universelle. Au reste, la catholique Bretagne, sa patrie, n'a rien perdu du fervent amour qu'elle portait autrefois à son saint Yves ; et cette noble province a bien le droit que l'on recommande ici sa fidélité à ses saintes et antiques traditions. Dans ses églises, l'image patriotique d'un si célèbre patron est entourée d'un culte particulier ; dans ses villes et ses gros bourgs, le nom de saint Yves désigne et consacre toujours quelque rue ou quelque place ; et d'innombrables familles se transmettent, de génération en génération, ce nom béni comme un précieux héritage.


Chapelle de l'hôpital Frémeur. Quimperlé. Diocèse de Quimper. XVIe.

Yves est monté en ce jour vers son Sauveur ressuscité, après l'avoir représenté sur la terre par le sacerdoce dont il fut revêtu, par son zèle pour le salut des âmes, et par son héroïque charité envers les pauvres. Mais ce qui a frappé le plus vivement l'imagination des peuples, c'est le justicier qui rendait ses sentences avec une équité à laquelle nul n'eût osé contredire ; c'est l'avocat qui ne plaida jamais que dans un but charitable ; car saint Yves s'est assis sur le siège du magistrat durant une partie de sa vie, et plus tard on l'a entendu plaider au palais, non seulement dans les villes de la Bretagne, mais au loin, jusque dans Paris. Cette vie étonnante, qui est une merveille du XIIIe siècle et s'achève dans le XIVe, se rehausse encore de l'éclat des miracles, avec un luxe qui est en juste rapport avec la vive foi des Bretons ; et l'on peut affirmer qu'après saint Martin, saint Yves est le thaumaturge de la France.


Saint Yves. Imagerie populaire. XIXe.

Honorons cet homme aux entrailles de miséricorde qui fut le modèle des magistrats, et ne porta jamais une sentence pénale que l'on ne vît des larmes couler de ses yeux, parce qu'il faisait réflexion sur lui-même, et pensait qu'il serait jugé à son tour ; cet homme qui, changeant de rôle, fit si souvent entendre sa voix au palais dans l'intérêt du pauvre et de l'opprimé; vrai gentilhomme breton devenu plus tard, sous la robe du prêtre, l'émule des chevaliers de son sang; cet homme en tin qui voua sa vie et ses forces aux saintes fonctions de curé de campagne, et réalisa l'idéal de ce touchant ministère avec une perfection qui a rendu son nom impérissable. L'amour de la pauvreté et les habitudes de la plus sévère pénitence en firent un personnage tout céleste ; et quand l'heure fut venue, il s'élança vers le souverain bien avec toute l'ardeur de l'exilé auquel il est permis de rentrer dans sa patrie.


Saint Yves. Panneau peint. Cathédrale de Florence. XIVe.

Né le 13 octobre 1253 au manoir de Kermartin, près de Tréguier, Yves Hélory de Kermartin était fils d'Hélorius et d'Hadone, tous deux de race noble. Dès son enfance, il se distingua par sa piété, visitant les églises soir et matin, et se montrant empressé à servir les prêtres et les autels. Sa pieuse mère l'exhortant un jour à tendre à la sainteté, il lui répondit qu'il n'avait pas d'autre désir. En effet, lorsqu'il lui arrivait de lire la Vie des saints, s'il y rencontrait quelque trait de perfection, il s'efforçait de l'imiter autant qu'il lui était possible.

Il fit ses premières études à Paris à partir de 1267, accompagné de son précepteur Jean de Kerhos. Tout en étudiant la dialectique et la théologie, Yves fréquentait les églises parisiennes de Saint-Julien-le-Pauvre et de Saint-Séverin, et se privait volontiers de tout pour venir en aide aux pauvres.


Eglise Saint-Pierre & Saint-Ebons. Sarrancolin. Béarn. XVIe.

En 1277, il se rendit à Orléans pour étudier la jurisprudence sous la direction de Pierre de La Chapelle, depuis évêque de Toulouse puis cardinal (1277), et, muni de tous ses grades, il fut appelé en 1280 par un archidiacre de Rennes pour occuper une charge de conseiller juridique du diocèse. Dans l'exercice de ses charges, Yves abandonnait le tiers de ses droits de chancellerie aux pauvres. Il recueillit deux orphelins dont l'un deviendra dominicain et l'autre gardien de la cathédrale de Tréguier.

Fuyant le vin et la bonne chère, ainsi que tous les plaisirs, il domptait son corps par les austérités, en sorte qu'à cet âge si dangereux de la jeunesse il maintint son âme agréable à Dieu par une entière chasteté.


Saint Yves défendant les pauvres. Isaac Moillon.
Collégiale Notre-Dame. Beaune. Bourgogne. XVIIe.

En 1284, l'évêque de Tréguier, Alain de Bruc, le choisit comme official (en ce temps, il suffisait d'être clerc pour pouvoir être official), c'est-à-dire comme juge ecclésiastique, l'ordonna prêtre et lui confia les paroisses de Trédez, près de Lannion, puis de Lohanet, sur la baie de Perros. Son sens de la justice le rendit rapidement populaire, aussi bien auprès des grands que chez les pauvres, car il défendait les uns et les autres avec une parfaite impartialité. Il s'employait aussi à apaiser les querelles et parvenait à éviter bien des procès.

Il est peu connu que saint Yves exerça sa charge tant au tribunal ecclésiastique que civil, et avec la même et inébranlable intégrité.

Il vécut de la manière la plus frugale et la plus austère, vêtu d'un habit grossier qui couvrait un cilice. Son sommeil était court ; il le prenait sur la terre nue ou sur des morceaux de bois étendus à terre, avant pour chevet une Bible, ou d'autres fois une pierre. Il se levait à minuit pour réciter l'Office divin, célébrait la Messe chaque jour, à moins qu'il n'en tût empêché par de très graves affaires ou par la nécessite. Il portait dans cette sainte action au plus haut degré la pureté de conscience et la ferveur de l'esprit. Un jour, au moment où il élevait la sainte hostie afin que le peuple l'adorât, chacun la vit entourée d'un cercle de feu qui répandait une admirable splendeur.


Saint Yves plaidant. Legenda aurea. Bx. J. de Voragine. XVe.

Son attrait pour l'oraison et la contemplation était si grand, que souvent il lui fit oublier de prendre sa nourriture. On le vit quelquefois passer la semaine entière dans sa chambre, fixe dans une oraison continuelle. Son oraison jaculatoire favorite était :
" Jésus, Fils de Dieu ; Seigneur, créez en moi un coeur pur."

Sa libéralité envers les pauvres, son hospitalité à l'égard des étrangers, sa compassion pour les malades, étaient merveilleuses ; il servait chacun avec tout l'empressement de son âme. Il vouait tous ses efforts et consacrait son patronage à secourir les orphelins et les veuves dans leurs nécessités, et souvent il plaidait leurs causes dans les tribunaux, en sorte qu'on l'appelait volontiers le père et l'avocat des pauvres. Non seulement il annonçait avec assiduité la parole de Dieu dans son église ; mais il prêchait encore dans les paroisses environnantes.

Un jour qu'il s'était mis en route pour remplir cette fonction, il trouva tout couvert d'eau un pont sur lequel il avait coutume de passer la rivière. Il fit le signe de la croix sur les eaux, qui s'écartèrent aussitôt pour le laisser passer, et revinrent dès qu il eut traversé le pont.

Saint Yves était doué " d'un extérieur avantageux et d'une haute taille ; son air était imposant ; le feux qui brillait dans ses yeux marquait la pureté de son âme et de son corps, et prévenait l'auditoire en sa faveur."

En 1298, il abandonna sa charge d'official et se retira au manoir de Kermartin qui l'avait vu naître. Il s'y fit construire une chapelle et se consacra à la prière jusqu'à sa mort, le 19 mai 1303.

Peu de jours avant son départ pour le ciel, il se trouvait au château de Coatredan, chez Typhaine de Pestivien, dame de Kéraurais :
" Depuis quelque temps, dit-il à la pieuse femme, je me sens très affaibli ; je m'attends à mourir sous peu, et je m'en réjouis fort, si c'est le bon plaisir de Dieu.
- Ne dites pas cela, s'écria la noble châtelaine ; quel malheur pour moi et pour tant d'autres qui tirons un si grand profit de vos exemples et de vos enseignements !
- Vous vous réjouiriez, répondit le saint Recteur, si vous aviez terrassé votre ennemi ; laissez-moi donc me réjouir de mon trépas ; car j'ai la confiance d'avoir, par la grâce de Dieu, vaincu mon adversaire."


Saint Yves. Imagerie populaire. XIXe.

Tel fut dans toute sa vie cet homme simple et fort, au milieu d'une population digne de le comprendre. Mais non seulement il commandait aux hommes ; la nature elle-même obéissait à sa voix. Son procès de canonisation, ouvert en 1330, fut conclu en 1347 sous le pontificat de Clément VI ; et, lorsque les prélats commis par le Souverain Pontife pour instruire la cause de sa canonisation, eurent à présenter dans le consistoire le résultat de leur enquête sur les lieux, ils déclarèrent que, sur le nombre des miracles avérés qu'ils avaient à constater, ils s'étaient contentés d'en recueillir cent dont ils apportaient les procès-verbaux.

Son corps fut transporté à la cathédrale de Tréguier, où Jean V, duc de Bretagne, lui fit élever un tombeau magnifique. Les miracles se multipliant bientôt sur son tombeau, celui-ci ne tarda pas à devenir un lieu de pèlerinage.


Cathédrale Saint-Yves. Tréguier. Trégor. Bretagne.

CULTE

Son culte, resté très vivace en Bretagne, s'est répandu dans toute l'Europe, jusqu'à Rome où une église lui est consacrée, en Espagne, en Allemagne, et aux Pays-Bas.

Saint Yves est l'un des patrons des marins, mais c'est surtout le patron des juristes, des magistrats, avocats, avoués et des professeurs de droit.

Au cours de l'hiver 1794, le bataillon des " volontaires d'Étampes ", composé des bêtes féroces révolutionnaires, mit à sac tous les monuments religieux de la ville de Tréguier : ainsi disparurent presque tout le mobilier, la statuaire, l'orfèvrerie, les vitraux et surtout la presque totalité des reliques.


Saint Yves-de-Vérité. Imagerie populaire. XIXe.

La cathédrale servit d'écurie et fut tellement saccagée, abîmée, vandalisée et dégradée qu'elle ne put servir au culte de l'Être suprême, lequel, pour mémoire et pour souligner qu'il y a mille manières d'adorer Satan, s'opposait au culte de la Raison instauré par Chaumette en 1793.

Tréguier fut ruinée par la perte de son statut, au point qu'avant la Révolution, elle était plus peuplée que Saint-Brieuc et que de nos jours elle est douze fois moins peuplée.

REPRESENTATIONS

L'iconographie de saint Yves, postérieure à sa canonisation, ne s'épanouit guère avant le XVe siècle.

Yves apparaît en robe de docteur en droit ou d'avocat, coiffé d'une barrette (bonnet carré). Il tient à la main le rouleau de parchemin, ou une sacoche contenant une bible ou des rôles de procès. Il est représenté isolément (statue, XVe siècle, cathédrale de Barcelone ; statue, XVIe siècle, église Saint-Jean à Chaumont, Haute-Marne ; statue, XVIe siècle, Sainte-Chapelle de la collégiale Notre-Dame à Dôle, Jura).


Vitrail provenant de la chapelle du château de
La Meilleraye-de-Bretagne. XVIe.

Un second type, très répandu, présente saint Yves rendant la justice, debout ou assis, entre deux plaideurs : l'un est riche et l'autre pauvre (vitrail, église de Moncontour, XVIe siècle). Parfois le saint avocat a, d'un côté, une veuve qui l'implore, de l'autre, un riche bourgeois qui lui tend une bourse ; il se penche vers la veuve et sa juste cause et tourne le dos à l'argent. Souvent, il est entouré de pauvres, il leur donne conseils et aumônes, il mange avec eux et une colombe descend du ciel et vient planer au-dessus de sa tête.


Le saint crâne de saint Yves, vénéré et exposé une fois l'an
en la cathédrale de Tréguier.

De nombreuses églises de Bretagne ont conservé de très belles statues populaires de saint Yves.

Les attributs de saint Yves sont la robe d'avocat, la barrette et la sacoche.

Le pélerinage de Tréguier a rassemblé près de 20 000 personnes le dimanche 18 mai 2003 pour célébrer le 700e anniversaire de la mort de saint Yves.

La restauration de l'église Saint-Yves-des-Bretons (Sant'Ivo dei Bretoni) à Rome. Bien avant le rattachement de la Bretagne à la France, qui date du mariage de Louis XI avec Anne de Bretagne, une bulle du Pape Callixte III, en 1455, attribue l'église Sant'Andrea dei Mormorariis, construite au XIIe siècle, aux Bretons de Rome. En 1875, l'église, trop délabrée, est démolie et rebâtie dans un style néo-renaissance florentine élégant et pur. Elle vient de faire l'objet d'une restauration avec l'aide des Bretons.


Eglise Saint-Yves-des-Bretons. Université pontificale de La Sapienza.
Ch. Borromini. Rome.

PRIERES

" Puissant serviteur de Dieu, vous à qui la voix r du peuple chrétien a décerné le beau nom d'Avocat des pauvres, écoutez l'humble prière des fidèles qui viennent aujourd'hui remettre entre vos mains la cause de leur salut. Vous avez été cher au Christ, " notre Avocat auprès du Père " (I Johan. II, I.), parce que vous avez été comme lui le protecteur du faible contre l'oppresseur (Psalm. LXXI, 12-14.) ; vous avez attiré sur vous les regards miséricordieux de Marie, que la sainte Eglise appelle " notre Avocate " ; plaidez maintenant en notre faveur en présence du fils et de la mère. Votre charité si vive et si agissante ici-bas est plus ardente encore dans les cieux ; nous la réclamons en ce jour où vous avez quitté la terre de l'exil pour la patrie.

Tant de prodiges opérés à votre glorieux tombeau montrent assez que vous êtes demeuré attentif et compatissant aux besoins des habitants de la terre. Nous vous demandons d'élever nos cœurs jusqu'à Jésus ressuscité que vos yeux contemplent maintenant, et vers lequel vous avez constamment aspiré ici-bas. Obtenez que nous soyons affranchis comme vous des convoitises terrestres, et que nous aimions la justice comme vous l'avez aimée.

Inspirez aux magistrats qui recourent à vous le sentiment que vous éprouviez vous-même sur votre tribunal, en pensant à la suprême judicature du Christ qui doit, au dernier jour, reviser toutes les sentences de la terre. Suscitez des défenseurs qui plaident la cause de l'opprimé, non pour un vain renom d'éloquence ou pour un intérêt mondain, mais pour rendre hommage au bon droit. Aimez toujours, Ô grand Yves, la noble terre qui vous a produit pour l'Eglise et pour le ciel.

Jusqu'ici votre protection l'a maintenue catholique et fidèle (rappelons que dom Guéranger écrit au milieu du XIXe siècle...) ; en retour du culte fervent et patriotique dont elle vous honore, demandez au Seigneur qu'il lui conserve la foi, qu'il la préserve de la séduction, qu'il la maintienne ferme et loyale dans un temps où les caractères défaillent parce qu'ils sont moins chrétiens. La Bretagne est demeurée votre héritage ; ne la laissez pas déchoir.

Ainsi soit-il."


Tombeau de saint Yves. Cathédrale de Tréguier.

" Saint-Yves, tant que vous avez vécu parmi nous
Vous avez été l’avocat des pauvres,
Le défenseur des veuves et des orphelins,
La Providence de tous les nécessiteux ;
Écoutez aujourd’hui notre prière.

Obtiens nous d’aimer la justice comme vous l'avez aimée.
Faites que nous sachions défendre nos droits sans porter préjudice aux autres,
En cherchant avant tout la réconciliation et la paix.
Suscitez des défenseurs qui plaident la cause de l’opprimé
Pour que " justice soit rendue dans l’amour ".

Donnez nous un coeur de pauvre, capable de résister à l’attrait des richesses,
Capable de compatir à la misère des autres et de partager.
Vous, le modèle des prêtres, qui parcourais nos campagnes
Bouleversant les foules par le feu de votre parole et le rayonnement de votre vie,
Obtennez à notre pays les prêtres dont il a besoin.

Saint-Yves, priez pour nous,
Et priez pour ceux que nous avons du mal à aimer."


Prière à saint Yves à l'enclos paroissial de Guimillau. Bretagne.

* Relevons que Jean II s'était allié à Philippe Le Bel au temps où ce malheureux prince fit sa guerre aux droits de l'Eglise et au souverain pontife, affaiblissant par-là l'indépendance du duché de Bretagne.
En 1305, il se rendit à Lyon pour le sacre du pape Clément V, deuxième successeur du pape Boniface VIII que l'émissaire du roi de France, Guillaume de Nogaret, assassinat. Pendant la cérémonie, il tenait la bride de la mule pontificale, quand un pan de mur s'effondra et l'ensevelit. On l'en retira mourant, et il expira quatre jours plus tard.

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19 mai. Saint Pierre-Célestin, Célestin V, pape, fondateur de la branche bénédictine des Célestins. 1296.

- Saint Pierre-Célestin, Célestin V, pape, fondateur de la branche bénédictine des Célestins. 1296.
 
Papes : Nicolas IV (préd.) ; Boniface VIII (succ.). Roi de France : Philippe IV, Le Bel.
 
" On est dans l'étonnement de m'avoir vu quitter la papauté, et moi j'admire ma simplicité de l'avoir accepter."
Saint Pierre-Célestin.
 

Statue de saint Pierre-Célestin.
Bois polychrome. Saint-Amarin. Alsace. XVIe.

Jésus ressuscité appelle en ce jour l'humble Pierre-Célestin, Pontife suprême, mais à peine assis sur la chaire apostolique, qu'il en est descendu pour retourner au désert.

Entre tant de héros dont est formée la chaîne des Pontifes romains, il devait s'en rencontrer à qui fût donnée la charge de représenter plus spécialement la noble vertu d'humilité ; et c'est à Pierre Célestin que la grâce divine a dévolu cet honneur. Arraché au repos de sa solitude pour être élevé sur le trône de saint Pierre et tenir dans ses mains tremblantes les formidables clefs qui ouvrent et ferment le ciel, le saint ermite a regardé autour de lui ; il a considéré les besoins de l'immense troupeau du Christ, et sondé ensuite sa propre faiblesse.


Saint Pierre-Célestin. Livre d'heures de Jean de Vy. XIVe.

Oppressé sous le fardeau d'une responsabilité qui embrasse la race humaine tout entière, il s'est jugé incapable de supporter plus longtemps un tel poids ; il a déposé la tiare, et imploré la faveur de se cacher de nouveau à tous les regards humains dans sa chère sollicitude. Ainsi le Christ, son Maître, avait d'abord enfoui sa gloire dans une obscurité de trente années, et plus tard sous le nuage sanglant de sa Passion et sous les ombres du sépulcre. Les splendeurs de la divine Pâque ont tout à coup dissipé ces ténèbres, et le vainqueur de la mort s'est révélé dans tout son éclat.

Mais il veut que ses membres aient part à son triomphe, et que la gloire dont ils brilleront éternellement soit, comme la sienne, en proportion de leur empressement à s'humilier dans les jours de cette vie mortelle. Quelle langue pourrait décrire l'auréole qui entoure le front de Pierre Célestin, en retour de cette obscurité au sein de laquelle il a cherché l'oubli des hommes avec plus d'ardeur que d'autres ne recherchent leur estime et leur admiration ? Grand sur le trône pontifical, plus grand au désert, sa grandeur dans les cieux dépasse toutes nos pensées.

Les cardinaux viennent chercher saint Pierre-Célestin après
son élection. Anonyme. Eglise Saint-Leu-Saint-Gilles.
Thiais. Île-de-France. XVIIe.

Pierre de Morone, nommé Célestin, du nom qu'il prit lorsqu'il fut créé pape, naquit de parents honnêtes et pieux à Isernia dans les Abruzzes. il était le onzième des douze enfants de cet humble couple chrétien. Il reçut une éducation plus soignée que ses frères, grâce aux dispositions extraordinaires d'intelligence et de piété qu'il montra dès son bas âge.

A peine entré dans l'adolescence, il se retira au désert pour garantir son âme des séductions du monde. Il la nourrissait dans cette solitude par la contemplation, et réduisait son corps en servitude, portant sur sa chair une chaîne de fer.

Pendant trois ans, malgré son jeûne quotidien, il fut assailli de toutes sortes de pensées de découragement, de sensualité, de volupté ; mais il était fortifié par les fréquentes visions des Anges. Il consentit à recevoir le sacerdoce, afin de trouver dans l'Eucharistie un soutien contre les tentations.

La sainteté du solitaire lui attira des disciples : ce fut l'origine de cette branche de l'Ordre de Saint-Benoît, dont les religieux sont appelés Célestins. Ils vivaient sous des huttes faites avec des épines et des branches, mais Dieu réjouissait leur affreuse solitude par de suaves harmonies célestes et par la visite des bienheureux esprits.

Bien plus austère que ses religieux, Pierre ne mangeait que du pain de son très noir et très dur ; jeûnant quatre carêmes, ne prenant généralement que des herbes crues, une seule fois tous les trois jours. Couvert d'instruments de pénitence, il couchait sur le fer plutôt que sur la terre : une voix céleste vint lui ordonner de diminuer cette pratique excessive de la mortification.


Couronnement de Célestin V. Anciennement au couvent des
Célestins de Marcoussis. Île-de-France. XVIe.

L'Eglise Romaine ayant été longtemps sans pasteur, après une vacance du Saint-Siège pendant vingt-sept mois, le choix des cardinaux alla chercher l'humble moine au fond de son désert. Âgé de soixante-douze ans, notre Saint subit en pleurant son élection sur la chaire de saint Pierre.
Comme on place la lumière sur le chandelier, cet événement peu ordinaire ravit tout le monde de joie et d'admiration.

Mais lorsque Pierre, élevé à cette dignité sublime, sentit que la multitude des affaires préoccupant son esprit, il pouvait à peine vaquer comme auparavant à la méditation des choses célestes, il renonça volontairement à la charge et à la dignité.


Anonyme français du XVIIe.

Il reprit donc son ancien genre de vie, et s'endormit dans le Seigneur, par une mort précieuse, qui fut rendue plus glorieuse encore par l'apparition d'une croix lumineuse que l'on vit briller dans les airs au-dessus de l'entrée de sa cellule. Pendant sa vie et après sa mort, il éclata par un grand nombre de miracles qui, ayant été soigneusement examinés, portèrent Clément V à l'inscrire au nombre des Saints, onze ans après sa mort.

On ira lire avec profit les pages que les Petits Bollandistes, Rhorbacher, Alzog et Darras consacrent, dans leurs notices, consacrent à la fin de la vie de saint Pierre-Célestin et à sa réclusion volontaire qui fut organisée et surveillée fermement par son successeur Boniface VIII qui craignait que le parti de Philippe Le Bel n'instrumentalisât notre saint pour sa cause. La suite de l'histoire lui donnera raison au point de mourir des suites des blessures infligées par le fils de Cathares manichéen Nogaret, mandaté par ce prince si nuisible à l'histoire de France et à l'histoire de l'Eglise.


Mort de Boniface VIII des suites des blessures infligées
par Nogaret et sa suite. De Casibus. Boccace. XVe.
 
PRIERE
 
" Vous avez obtenu l'objet de votre ambition, Ô Célestin ! Il vous a été accordé de descendre les degrés du trône apostolique, et de rentrer dans le calme de cette vie cachée qui avait si longtemps fait toutes vos délices. Jouissez des charmes de l'obscurité que vous aviez tant aimée ; elle vous est rendue avec tous les trésors de la contemplation, dans le secret de la face de Dieu. Mais cette obscurité n'aura qu'un temps, et quand l'heure sera venue, la Croix que vous avez préférée à tout se dressera lumineuse à la porte de votre cellule, vous invitant à prendre part au triomphe pascal de celui qui est descendu du ciel pour nous apprendre que quiconque s'abaisse sera élevé.

Votre nom, Ô Célestin, brillera jusqu'au dernier jour du monde sur la liste des Pontifes romains ; vous êtes l'un des anneaux de cette chaîne qui rattache la sainte Eglise à Jésus son fondateur et son époux ; mais une plus grande gloire vous est réservée, celle de faire cortège à ce divin Christ ressuscité. La sainte Eglise, qui un moment s'est inclinée devant vous pendant que vous teniez les clefs de Pierre, vous rend depuis des siècles et vous rendra jusqu'au dernier jour l'hommage de son culte, parce qu'elle reconnaît en vous un des élus de Dieu, un des princes de la céleste cour.
 

Prophétie illustrée de saint Pierre-Célestin.
Vaticinia de summis pontificibus. XVe.

Et nous aussi, Ô Célestin ! nous sommes appelés à monter là où vous êtes, à contempler éternellement comme vous le plus beau des enfants des hommes, le vainqueur de la mort et de l'enfer. Mais une seule voie peut nous y conduire : celle que vous avez vous-même suivie, la voie de l'humilité. Fortifiez en nous cette vertu, Ô Célestin ! Et allumez-en le désir dans nos cœurs. Substituez le mépris de nous-mêmes à l'estime que nous avons trop souvent le malheur d'en faire. Rendez-nous indifférents à toute gloire mondaine, fermes et joyeux dans les abaissements, afin qu'ayant " bu l'eau du torrent ", comme notre Maître divin, nous puissions un jour, comme lui et avec vous, " relever notre tête " et entourer éternellement le trône de notre commun libérateur."


Boniface VIII publiant les Décrétales. Liber sextus Decretalium. XIVe.

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dimanche, 18 mai 2025

IVe dimanche après Pâques.

- Le IVe dimanche après Pâques.

 
Baptême de Notre Seigneur Jésus-Christ. Psautier cistercien. XIIIe.

 

Nous avons montré, il y a quelques jours, comment la sainte Eglise, société spirituelle, était en même temps une société visible et extérieure, parce que l'homme auquel elle est destinée est composé d'un corps et d'une âme. Jésus, en instituant ses Sacrements, leur assigne à chacun un rite essentiel ; et ce rite est extérieur et sensible. Le Verbe divin, en prenant la chair, en a fait l'instrument de notre salut dans sa Passion sur la croix : c'est par le sang de ses veines qu'il nous a rachetés ; poursuivant ce plan mystérieux, il prend les éléments de la nature physique pour auxiliaires dans l'œuvre de notre justification. Il les élève à l'état surnaturel, et en fait jusqu'au plus intime de nos âmes les conducteurs fidèles et tout-puissants de sa grâce. Ainsi s'appliquera jusqu'à ses dernières conséquences le mystère de la divine incarnation, qui a eu pour but de nous élever, par les choses visibles, à la connaissance et à la possession des choses invisibles. Ainsi est brisé l'orgueil de Satan, qui dédaignait la créature humaine, parce que l'élément matériel s'unit en elle à la grandeur spirituelle, et qui refusa, pour son éternel malheur, de fléchir le genou devant le Verbe fait chair.

En même temps, les divins Sacrements étant autant de signes sensibles, formeront un lien de plus entre les membres de l'Eglise, déjà unis entre eux par la soumission à Pierre et aux Pasteurs qu'il envoie, et par la profession d'une même foi. L'Esprit-Saint nous dit dans les divines Ecritures que " le lien tressé en trois ne se rompt pas aisément " (Eccle. IV, 12.) ; or, tel est celui qui nous retient dans la glorieuse unité de l'Eglise : Hiérarchie, Dogme et Sacrements, tout contribue à faire de nous un seul corps. Du septentrion au midi, de l'orient à l'occident, les Sacrements proclament la fraternité des chrétiens; ils sont en tous lieux leur signe de reconnaissance, et la marque qui les désigne aux yeux des infidèles. C'est dans ce but que ces Sacrements divins sont identiques pour toutes les races baptisées, quelle que soit la variété des formules liturgiques qui en accompagnent l'administration : partout le fond est le même, et la même grâce est produite sous les mêmes signes essentiels.

Notre divin ressuscité choisit le septénaire pour le nombre de ses Sacrements. Il empreint ce nombre sacré sur son œuvre la plus sublime, de même qu'il l'avait marqué au commencement, en créant ce monde visible et inaugurant la semaine par six jours d'action et un jour de repos. Sagesse éternelle du Père, il nous révèle, dès l'Ancien Testament, qu'il se bâtira une maison qui est la sainte Eglise, et il ajoute qu'il la fera reposer sur sept colonnes (Prov. IX, 1.). Cette Eglise, il la figure d'avance dans le tabernacle de Moïse, et il ordonne qu'un superbe chandelier qui lance sept branches chargées de fleurs et de fruits, éclaire jour et nuit le sanctuaire (Exod. XXV, 37.). S'il transporte au ciel, dans un ravissement, son disciple bien-aimé, c'est pour se montrer à lui environné de sept chandeliers, et tenant sept étoiles dans sa main (Apoc. I, 12, 16.).

 
Baptême de saint Paul. Bible. XIIIe.

 

S'il se manifeste sous les traits de l'Agneau vainqueur, cet Agneau porte sept cornes, symbole de sa force, et sept yeux qui marquent l'étendue infinie de sa science (Ibid. V, 6.). Près de lui est le livre qui contient les destinées du genre humain, et ce livre est scellé de sept sceaux que l'Agneau seul peut lever (Ibid. 5.). Devant le trône de la Majesté divine, le disciple aperçoit sept Esprits bienheureux ardents comme sept lampes (Ibid. IV, 5.), attentifs aux moindres ordres de Jéhovah, et prêts à porter sa parole jusqu'aux dernières limites de la création.

Si maintenant nous tournons nos regards vers l'empire des ténèbres, nous voyons l'esprit de malice occupé à contrefaire l'œuvre divine, et usurpant le septénaire pour le souiller en le consacrant au mal. Sept péchés capitaux sont l'instrument de sa victoire sur l'homme; et le Seigneur nous avertit que lorsque, dans sa fureur, Satan s'élance sur une âme, il prend avec lui sept esprits des plus méchants de l'abîme. Nous savons que Madeleine, l'heureuse pécheresse, ne recouvra la vie de l'âme qu'après que le Sauveur eut expulsé d'elle sept démons. Cette provocation de l'esprit d'orgueil forcera la colère divine, lorsqu'elle tombera sur le monde pécheur, à empreindre le septénaire jusque dans ses justices. Saint Jean nous apprend que sept trompettes, sonnées par sept Anges, annonceront les convulsions successives de la race humaine (Ibid. VIII, 2.), et que sept autres Anges verseront tour à tour sur la terre coupable sept coupes remplies de la colère de Dieu (Ibid. XV, 1.).

Nous donc qui voulons être sauvés, et jouir de la grâce en ce monde, et en l'autre de la vue de notre divin ressuscité, accueillons avec un souverain respect et une tendre reconnaissance le Septénaire miséricordieux de ses Sacrements. Sous ce nombre sacré il a su renfermer toutes les formes de sa grâce. Soit qu'il veuille dans sa bonté nous faire passer de la mort à la vie, par le Baptême et la Pénitence ; soit qu'il s'applique à soutenir en nous la vie surnaturelle, et à nous consoler dans nos épreuves, par la Confirmation, l'Eucharistie et l'Extrême-Onction ; soit enfin qu'il pourvoie au ministère de son Eglise et à sa propagation par l'Ordre et le Mariage : on ne saurait trouver un besoin de l'âme, une nécessite de la société chrétienne auxquels il n'ait satisfait au moyen des sept sources de régénération et de vie qu'il a ouvertes pour nous, et qu'il ne cesse de faire couler sur nos âmes. Les sept Sacrements suffisent à tout ; un seul de moins, l'harmonie serait rompue.

 

Baptême de Clovis. Chroniques de Burgos. Gundisalvus de Hinojosa. XIVe.

 

Les Eglises de l'Orient, séparées de l'unité catholique depuis tant de siècles, confessent avec nous le septénaire sacramentel ; et le protestantisme, en portant sur ce nombre sacré sa main profane, a montré en cela, comme en toutes ses autres réformes prétendues, que le sens chrétien lui faisait défaut. Ne nous en étonnons pas ; la théorie des Sacrements s'impose tout entière à la foi ; l'humble soumission du fidèle doit l'accueillir d'abord comme venant du souverain Maître : c'est lorsqu'elle s'applique sans y rien ajouter ni retrancher que sa magnificence et son efficacité divine se révèlent ; alors nous comprenons, parce que nous avons cru : " Credite et intelligetis ".

Aujourd'hui, consacrons notre admiration et notre reconnaissance au premier des Sacrements, au Baptême. Le Temps pascal nous le montre dans toute sa gloire. Nous l'avons vu, au Samedi saint, comblant les vœux de l'heureux catéchumène, et enfantant à la patrie céleste des peuples entiers. Mais ce divin mystère avait eu sa préparation. En la fête de l'Epiphanie, nous adorâmes notre Emmanuel descendant dans les flots du Jourdain, et communiquant à l'élément de l'eau, par le contact de sa chair sacrée, la vertu de purifier toutes les souillures de l'âme. L'Esprit-Saint, colombe mystique, vint reposer sur la tête de l'Homme-Dieu, et féconder par sa divine influence l'élément régénérateur, tandis que la voix du Père céleste retentissait dans la nue, annonçant l'adoption qu'il daignerait faire des baptisés, en son Fils Jésus, l'objet de son éternelle complaisance.

Durant sa vie mortelle, le Rédempteur s'explique déjà devant un docteur de la loi sur ses mystérieuses intentions :
" Celui, dit-il, qui ne sera pas rené de l'eau et du Saint-Esprit ne pourra entrer dans le royaume de Dieu." (Johan. III, 5.).
Selon son usage presque constant, il annonce ce qu'il doit faire un jour, mais il ne l'accomplit pas encore ; nous apprenons seulement que notre première naissance n'ayant pas été pure, il nous en prépare une seconde qui sera sainte, et que l'eau en sera l'instrument.

 
Baptême de Louis de Poissy le 24 avril 1214. Verrière du XXe.
Collégiale Notre-Dame de Poissy. Île-de-France.

 

Mais en ces jours le moment est venu où notre Emmanuel va déclarer la puissance qu'il a donnée aux eaux de produire la sublime adoption projetée par le Père. S'adressant à ses Apôtres, il leur dit tout à coup avec la majesté d'un roi qui promulgue la loi fondamentale de son empire :
" Allez ; enseignez toutes les nations ; baptisez-les au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit." (Matth. XXVIII, 19.).
Le salut par l'eau, avec l'invocation de la glorieuse Trinité, tel est le bienfait capital qu'il annonce au monde ; car, dit-il encore :
" Celui qui croira et sera baptisé, sera sauvé." (Marc XVI, 16.).
Révélation pleine de miséricorde pour la race humaine ; inauguration des Sacrements, par la déclaration du premier, de celui qui, selon le langage des saints Pères, est la porte de tous les autres !

Nous qui lui devons la vie de nos âmes, avec le sceau éternel et mystérieux qui fait de nous les membres de Jésus, saluons avec amour cet auguste mystère. Saint Louis, baptisé sur les humbles fonts de Poissy, se plaisait à signer Louis de Poissy, considérant la fontaine baptismale comme une mère qui l'avait enfanté à la vie céleste, et oubliant son origine royale pour ne se souvenir que de celle d'enfant de Dieu. Nos sentiments doivent être les mêmes que ceux du saint roi.

Mais admirons avec attendrissement la condescendance de notre divin ressuscité, lorsqu'il institua le plus indispensable de ses Sacrements. La matière qu'il choisit est la plus commune, la plus aisée à rencontrer. Le pain, le vin, l'huile d'olives, ne sont pas partout sur la terre ; l'eau coule en tous lieux ; la providence de Dieu l'a multipliée sous toutes les formes, afin qu'au jour marqué, la fontaine de régénération fût accessible de toutes parts à l'homme pécheur.

  L'église où Louis de Poissy reçu le saint Baptême.
Collégiale Notre-Dame. Poissy. Île-de-France.

 

Ses autres Sacrements, le Sauveur les a confiés au sacerdoce qui seul a pouvoir de les administrer ; il n'en sera pas ainsi du Baptême. Tout fidèle pourra en être le ministre, sans distinction de sexe ni de condition. Bien plus, tout homme, ne fût-il pas même membre de l'Eglise chrétienne, pourra conférer à son semblable, par l'eau et l'invocation de la sainte Trinité, la grâce baptismale qui n'est pas en lui, à la seule condition de vouloir, en cet acte, accomplir sérieusement ce que fait la sainte Eglise, quand elle administre le sacrement du Baptême.

Ce n'est pas tout encore. Ce ministre du sacrement peut manquer à l'homme qui va mourir ; l'éternité va s'ouvrir pour lui sans que la main d'autrui se lève pour répandre sur sa tête l'eau purificatrice ; le divin instituteur de la régénération des âmes ne l'abandonne pas dans ce moment suprême. Qu'il rende hommage au saint Baptême, qu'il le désire de toute l'ardeur de son âme, qu'il entre dans les sentiments d'une componction sincère et d'un véritable amour ; après cela qu'il meure : la porte du ciel est ouverte au baptisé de désir.

Mais l'enfant qui n'a pas encore l'usage de sa raison, et que la mort va moissonner dans quelques heures, a-t-il donc été oublié dans cette munificence générale ?
Jésus a dit :
" Celui qui croira et sera baptisé, sera sauvé " ; comment alors obtiendra-t-il le salut, cet être faible qui va s'éteindre, chargé de la faute originelle, et incapable de la foi ? Rassurez-vous. La puissance du saint Baptême s'étendra jusqu'à lui. La foi de l'Eglise qui le veut pour fils, lui va être imputée ; qu'on répande l'eau sur sa tête au nom des trois divines Personnes, et le voilà chrétien pour jamais. Baptisé dans la foi de l'Eglise, cette foi est maintenant personnelle en lui, avec l'Espérance et la Charité ; l'eau sacramentelle a produit cette merveille. Qu'il expire maintenant, ce tendre rejeton de la race humaine ; le royaume du ciel est à lui.

Tels sont, Ô Rédempteur, les prodiges que vous opérez dans le premier de vos Sacrements, par l'effet de cette volonté sincère que vous avez du salut de tous (I Tim. II, 4.) ; en sorte que ceux en qui cette volonté ne s'accomplit pas, n'échappent à la grâce de la régénération que par suite du péché commis antérieurement, péché que votre éternelle justice ne vous permet pas toujours de prévenir en lui-même, ou de réparer dans ses suites. Mais votre miséricorde est venue au secours ; elle a tendu ses filets, et d'innombrables élus y sont tombés. L'eau sainte est venue couler jusque sur le front de l'enfant qui s'éteignait entre les bras d'une mère païenne, et les Anges ont ouvert leurs rangs pour recevoir cet heureux transfuge. A la vue de tant de merveilles, que nous reste-t-il à faire, sinon de nous écrier avec le Psalmiste : " Nous qui possédons la vie, bénissons le Seigneur " ?

A LA MESSE

Le quatrième Dimanche après Pâques est appelé, dans l'Eglise grecque, le Dimanche de la Samaritaine, parce qu'on y lit le passage de l'Evangile où la conversion de cette femme est rapportée.

L'Eglise Romaine commence aujourd'hui, à l'Office de la nuit, la lecture des Epîtres dites Canoniques, qu'elle continue jusqu'à la fête de la Pentecôte.

EPÎTRE

Lecture de l'Epître du bienheureux Jacques, Apôtre. Chap. I.

 
Saint Jacques le Majeur prêchant. Legenda aurea.
Bx J. de Voragine. R. de Montbaston. XIVe.

 

" Mes bien-aimés , toute grâce excellente et tout don parfait viennent d'en haut, et descendent du Père des lumières, chez lequel il n'y a ni changement, ni ombre de vicissitude. C'est lui qui nous a librement engendrés par la parole de vérité, afin que nous fussions comme les prémices de ses créatures. Vous le savez, mes frères très chers. Que tout homme soit donc prompt à écouter, lent à parler, et lent à se mettre en colère ; car ce n'est pas la colère de l'homme qui accomplit la justice de Dieu. Rejetant donc toutes les suites immondes et superflues du péché, recevez dans la douceur la parole qui est greffée en vous, et qui a la puissance de sauver vos âmes."

 
Martyre de saint Jacques le Majeur. Jean Mansel. Fleurs des histoires. XVe.

 

Les faveurs répandues sur le peuple chrétien procèdent de la haute et sereine bonté du Père céleste. Il est le principe de tout dans l'ordre de la nature ; et si, dans l'ordre de la grâce, nous sommes devenus ses enfants, c'est parce que lui-même a envoyé vers nous son Verbe consubstantiel, qui est la Parole de vérité, par laquelle nous sommes devenus, au moyen du Baptême, les fils de Dieu. Il suit de là que nous devons imiter, autant qu'il est possible à notre faiblesse, le calme divin de notre Père qui est dans les cieux, et nous garantir de cette agitation passionnée qui est le caractère d'une vie toute terrestre, tandis que la nôtre doit être du ciel où Dieu nous attire. Le saint Apôtre nous avertit de recevoir dans la douceur cette Parole qui nous fait ce que nous sommes. Elle est, selon sa doctrine, une greffe de salut entée sur nos âmes. Qu'elle s'y développe, que son succès ne soit pas traversé par nous, et nous serons sauvés.

ÉVANGILE

La suite du saint Evangile selon saint Jean. Chap. XVI.

 
Notre Seigneur Jésus-Christ s'adressant à ses disciples.
Calendrier des bergers. XVe.
 

" En ce temps-là, Jésus dit à ses disciples : " Je m'en vais à celui qui m'a envoyé, et aucun de vous ne me demande : " Où allez-vous ?"
Mais parce que je vous ai dit ces choses, la tristesse a rempli votre coeur. Néanmoins je vous dis la vérité : Il vous est bon que je m'en aille ; car si je ne m'en vais pas, le Paraclet ne viendra pas à vous ; mais si je m'en vais, je vous l'enverrai. Et lorsqu'il sera venu, il convaincra le monde en ce qui touche le péché, et la justice, et le jugement. En ce qui touche le péché, parce qu'ils n'ont pas cru en moi ; en ce qui touche la justice, parce que je vais au Père, et que vous ne me verrez plus ; en ce qui touche le jugement, parce que le prince de ce monde est déjà jugé. J'ai encore beaucoup de choses à vous dire; mais vous ne les pourriez porter présentement. Quand cet Esprit de vérité sera venu, il vous enseignera toute vérité. Car il ne parlera pas de lui-même : mais il dira tout ce qu'il aura entendu, et vous annoncera ce qui doit advenir. Il me glorifiera, parce qu'il recevra de ce qui est à moi et vous l'annoncera."


Les Apôtres furent attristés lorsque Jésus leur eut dit : " Je m'en vais ".
Ne le sommes-nous pas aussi, nous qui, depuis sa naissance en Bethléhem, l'avons suivi constamment, grâce à la sainte Liturgie qui nous attachait à ses pas ? Encore quelques jours, et il va s'élever au ciel, et l'année va perdre ce charme qu'elle empruntait, jour par jour, aux actions et aux discours de notre Emmanuel. Il ne veut pas cependant que nous nous laissions aller à une trop grande tristesse. Il nous annonce qu'en sa place le divin Consolateur, le Paraclet, va descendre sur la terre, et qu'il restera avec nous pour nous éclairer et nous fortifier jusqu'à la fin des temps. Profitons avec Jésus des dernières heures ; bientôt il sera temps de nous préparer à recevoir l'hôte céleste qui doit venir le remplacer.

Jésus, qui prononçait ces paroles la veille de sa Passion, ne se borne pas à nous montrer la venue de l'Esprit-Saint comme la consolation de ses fidèles ; il nous la fait voir en même temps comme redoutable à ceux qui auront méconnu leur Sauveur. Les paroles de Jésus sont aussi mystérieuses que terribles ; empruntons-en l'explication à saint Augustin, le Docteur des docteurs. " Lorsque l'Esprit-Saint sera venu, dit le Sauveur, il convaincra le monde en ce qui touche le péché."
Pourquoi ? " Parce que les hommes n'ont pas cru en Jésus." 

Combien, en effet, sera grande la responsabilité de ceux qui, ayant été les témoins des merveilles opérées par le Rédempteur, ne se rendront pas à sa parole ! Jérusalem entendra dire que l'Esprit est descendu sur les disciples de Jésus, et elle demeurera aussi indifférente qu'elle le fut aux prodiges qui lui désignaient son Messie.

La venue de l'Esprit-Saint sera comme le prélude de la ruine de cette ville déicide. Jésus ajoute que " le Paraclet convaincra le monde au sujet de la justice, parce que je vais au Père, et que vous ne me verrez plus ". Les Apôtres et ceux qui croiront à leur parole seront saints et justes par la foi. Ils croiront en celui qui s'en est allé au Père, en celui que leurs yeux ne verront plus en ce monde. Jérusalem , au contraire , ne gardera souvenir de lui que pour le blasphémer ; la justice, la sainteté, la foi de ceux qui auront cru seront sa condamnation, et l'Esprit-Saint l'abandonnera à son sort. Jésus dit encore : " Le Paraclet convaincra le monde en ce qui touche le jugement ".

Et pourquoi ? " Parce que le prince du monde est déjà jugé ".

Ceux qui ne suivent pas Jésus-Christ ont cependant un chef qu'ils suivent. Ce chef est Satan. Or, le jugement de Satan est déjà prononcé.

L'Esprit-Saint avertit donc les disciples du monde que leur prince est pour jamais plongé dans la réprobation. " Qu'ils y réfléchissent ; car ", ajoute saint Augustin, " l'orgueil de l'homme aurait tort de compter sur l'indulgence ; qu'il se donne la peine de contempler le supplice auquel sont livrés les anges superbes " (In Johannem, Tract. XCV.).