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lundi, 02 juin 2025

2 juin. Saint Pothin, évêque, sainte Blandine, vierge, et leurs compagnons, tous martyrs à Lyon. 177.

- Saint Pothin, évêque, sainte Blandine, vierge, et leurs compagnons, tous martyrs à Lyon. 177.

Pape : Saint Eleuthère. Empereur : Marc-Aurèle.

" Les reliques d'un seul Martyr suffise pour exciter l'allégresse d'une ville. Pour nous,, voici que nous possédons tout un peuple de Martyrs. Gloire à notre terre, nourricière de céleste combattants, mère féconde d'héroïques vertus."
Homélie de saint Eucher, évêque de Lyon, sur Sainte blandine.


Verrière représentant saint Pothin, sainte Blandine et saint Irénée.
Chapelle Sainte-Blandine à Lyon.

Lyon est une colonie romaine fondée une cinquantaine d'années avant l'ère chrétienne. Son excellente position géographique lui permit de devenir le chef-lieu d'une grande province, avec sa garnison, son hôtel des monnaies, ses sociétés financières et commerciales, ses corporations comme celle des bateliers du Rhône et de la Saône. Ses négociants étaient en relations avec le monde entier.

Lyon avait ses bâtiments officiels, ses lieux de distraction comme l'amphithéâtre, ses faubourgs avec ses villas luxueuses. Des routes bien tenues rayonnaient autour de la ville, et des aqueducs. Un monument sacré avait été dédié à Rome et à Auguste. Son autel se dressait entre deux victoires colossales.

Chaque année, au 1er août, la ville était le théâtre de grandes solennités religieuses. Alors se réunissait l'assemblée des cités gauloises de Lyonnaise, d'Aquitaine et de Belgique, pour célébrer le culte impérial. Une foire, des jeux rehaussaient l'éclat de ces fêtes qui attiraient une foule d'étrangers. C'était le grand rassemblement de la paix romaine, de la prospérité romaine et gauloise. En termes évangéliques, c'était la fête de César et de Mammon, l'argent.

Une chrétienté se forma là de bonne heure. L'Évangile lui était venu d'Orient par la Méditerranée et la vallée du Rhône. Lyon était ville " épiscopale ", pointe avancée du christianisme vers la vallée du Rhin. La communauté de Vienne, en 177, était administrée, semble-t-il, par le diacre Sanctus, délégué de l'évêque lyonnais. Peut-être cependant Lyon et Vienne formaient-elles deux communautés distinctes.
Sous le " sage " empereur Marc-Aurèle, il y eut plusieurs persécutions. L'an 177, peu avant l'ouverture des réjouissances annuelles, une hostilité soudaine éclata contre les éléments chrétiens dans ce milieu lyonnais si cosmopolite.

Saint Eusèbe de Césarée, dans son Histoire ecclésiastique, (T. V, ch. 1.), nous a conservé presque entièrement une admirable lettre aux Églises d'Asie et de Phrygie, qui renferme tout le récit des combats récemment livrés par les martyrs de Lyon et de Vienne. Ils souffrirent à l'amphithéâtre municipal et à l'amphithéâtre des Gaules. Ils furent la grande attraction pour un public sanguinaire.

Parmi ces vaillants, plusieurs portent des noms grecs : l'évêque de Lyon, Pothin, un nonagénaire ; Vettius Epagathus ; le médecin Alexandre, venu de Phrygie, mais établi en Gaule depuis des années ; Attale de Pergame, Alcibiade, Ponticus, Biblis... D'autres noms sont latins Sanctus, Maturus, Blandine...


Eglise Saint-Pothin à Lyon.

Voici une traduction de cette lettre vénérable, perle de la littérature chrétienne du IIe siècle :

" Les serviteurs du Christ qui habitent Vienne et Lyon, en Gaule, aux frères d'Asie et de Phrygie qui ont la même foi et la même espérance que nous dans la Rédemption paix, grâce et gloire de la part de Dieu, Père, et du Christ Jésus Notre-Seigneur.

La force de la persécution, par ici, la rage et la violence des païens contre les saints, toutes les souffrances qu'ont supportées les bienheureux martyrs, défient les narrations que nous pourrions faire de vive voix ou par écrit. En effet, l'ennemi est tombé sur nous de toute sa force : avant-goût de son avènement quand il aurait ses facilités. Il alla partout, stylant ses suppôts et les exerçant contre les serviteurs de Dieu, en sorte qu'on nous pourchassa d'abord dans les maisons, dans les bains, au forum ; puis on fit défense générale à chacun de nous de paraître en aucun lieu.

Mais la grâce de Dieu prit ses mesures défensives. Elle réserva les faibles et aligna contre l'ennemi des colonnes inébranlables dont l'endurance attirerait tout l'effort du Méchant. Ces vaillants abordèrent la lutte et subirent toute espèce d'outrages et de tortures. Des supplices, que d'autres estimeraient formidables, furent pour eux peu de chose : ils se hâtaient vers le Christ et montraient par leur exemple que " les souffrances du temps présent ne sont pas proportionnées à la gloire qui doit être manifestée en nous " (Rom., VIII, 18.).

Et d'abord, ils supportèrent généreusement les manifestations populaires : insultes, coups, violences, spoliations, grêles de pierres, emprisonnements, tout ce qu'une foule enragée a coutume d'imaginer contre des ennemis détestés. Ensuite, ils furent traduits au forum, questionnés en public par le tribun et les magistrats municipaux. Ils confessèrent leur foi et furent tous jetés en prison jusqu'au retour du gouverneur.

Quand il fut là, on les mena devant lui et il les traita avec la cruauté d'usage. Vettius Epagathus se trouvait avec nos frères. Il débordait de charité envers Dieu et le prochain ; sa vie austère lui méritait, malgré sa jeunesse, l'éloge donné au vieillard Zacharie ; oui, " il marchait sans reproche dans tous les commandements et observances du Seigneur " (Luc., I, 6.). Il était diligent pour rendre service, très zélé pour Dieu, tout bouillant de l'esprit. Un pareil homme ne put tolérer la procédure extravagante instituée contre nous.

Dans un sursaut d'indignation, il réclama la parole, lui aussi, pour défendre ses frères et montrer qu'il n'y avait rien d'irréligieux ni d'impie parmi nous. Mais ceux qui étaient autour du tribunal crièrent haro sur lui, car c'était un homme connu, et le gouverneur n'admit point cette requête pourtant juste. Il se contenta de lui demander s'il était chrétien, lui aussi. Epagathus le reconnut d'une voix vibrante, et fut admis ainsi au nombre des martyrs. Il s'était comporté en avocat des chrétiens c'est qu'il avait en lui le Paraclet, l'Esprit, plus abondamment que Zacharie, ce qu'il prouva par son ardente charité qui l'exposa à la mort, pour le salut de ses frères. Il était, il est un véritable disciple du Christ, " suivant l'Agneau partout où il va " (Apoc., 14, 4).

Dès lors, il se fit un partage parmi les chrétiens. Les uns se révélèrent bien prêts au martyre et de tout coeur rendirent ce témoignage suprême. D'autres montrèrent qu'ils étaient sans entraînement, sans préparation, faibles et incapables de supporter la tension d'un grand combat. Dix environ parmi eux tombèrent et furent pour nous cause d'une grande peine et d'une componction immense. Ils brisèrent le courage des autres qui n'étaient pas encore arrêtés et qui, malgré de rudes épreuves, assistaient les confesseurs et gardaient la liaison avec eux. Alors nous fûmes en proie à une grande inquiétude : comment tourneraient les professions de la foi ? Nous pensions à leur issue et nous craignions que quelqu'un ne tombât."

Cependant, chaque jour, on en saisissait qui étaient dignes de compléter le nombre des martyrs. C'est ainsi qu'on rafla dans les deux Églises (Lyon et Vienne) les plus zélés, les artisans de ce qui existe par ici. On arrêta aussi quelques-uns de nos serviteurs qui étaient païens, car le gouverneur avait décrété de nous rechercher tous. Ceux-ci, influencés par Satan, terrifiés par les tortures qu'ils voyaient infliger aux saints, et incités à cela par les soldats, nous calomnièrent en nous accusant de repas de Thyeste et d'incestes d'Oedipe, et d'autres énormités qu'il ne nous est pas permis de dire, ni même de penser ou croire possibles chez des hommes.

Ces racontars se répandirent ; tous devinrent fous furieux contre nous. Des gens qui, naguère, étaient de nos relations et continuaient à nous ménager nous trouvèrent du coup absolument intolérables et grincèrent des dents contre nous. Ainsi s'accomplissait la parole de Notre-Seigneur : " Il viendra un temps où quiconque vous tuera croira rendre hommage à Dieu " (Jean., 16, 2).


Le martyr de sainte Blandine et de ses compagnons.
Jean-Léon Gérome. XIXe.

Alors les saints martyrs n'eurent plus qu'à endurer des supplices au-dessus de toute description. Satan brûlait d'envie de leur tirer, à eux aussi, quelque parole de calomnie. Surexcitée, toute la colère de la plèbe, du gouverneur et de l'armée tomba sur Sanctus, le diacre de Vienne, sur Maturus, un néophyte, mais un généreux combattant, sur Attale de Pergame, qui fut toujours la colonne et le soutien de notre Eglise, et sur Blandine. En elle le Christ montra que ce qui paraît aux hommes sans prix, sans beauté, méprisable, est en grand honneur auprès de Dieu, à cause de l'amour - qu'on lui prouve par des actes, et non par les fanfaronnades de l'imagination.

Nous craignions tous, avec sa maîtresse selon la chair, qui combattait elle aussi parmi les martyrs, qu'elle ne pût faire franchement profession de la foi, à cause de sa faiblesse physique. Mais Blandine fut remplie d'une telle force qu'elle fatigua et découragea les bourreaux, qui se succédèrent près d'elle depuis le matin jusqu'au soir, et épuisèrent tout l'arsenal des supplices. Ils s'avouèrent vaincus ils n'avaient plus rien à lui faire.

Ils s'étonnaient qu'il lui restât encore un souffle de vie, alors que tout son corps était déchiré et labouré. Ils certifiaient que le moindre de ces tourments était suffisant pour ôter la vie et tout leur assortiment n'avait pas réussi! Mais la bienheureuse, comme un généreux athlète, retrouvait des forces à confesser sa foi. C'était pour elle un réconfort, un repos et un apaisement de ses souffrances de dire :
" Je suis Chrétienne, et chez nous il n'y a rien de mal."

Sanctus lui aussi se classait hors-concours en supportant, avec une générosité surhumaine, toutes les violences des tortionnaires. Les impies espéraient, par la durée et l'intensité des supplices, obtenir de lui un motif de condamnation. Il leur résista avec une telle fermeté qu'il ne dit ni son nom, ni son pays, ni sa ville d'origine, ni s'il était esclave ou libre, mais à toutes les interrogations il répondait en latin :
" Je suis Chrétien."

C'était là sa réponse pour le nom, la cité, la race, pour tout successivement, et les païens ne purent tirer de lui autre refrain. Alors une grande émulation saisit gouverneur et bourreaux, en sorte que n'ayant plus rien à lui faire subir, ils lui appliquèrent finalement des lames d'airain ardentes sur les parties les plus sensibles du corps. Celles-ci brûlaient, mais lui, invincible, inflexible, ferme dans sa confession, s'abreuvait et se fortifiait à la source céleste d'eau vive qui jaillit du sein du Christ. Son pauvre corps attestait ce qu'il avait enduré ; tout n'y était que plaies et meurtrissures. Cette chair contractée n'avait plus forme humaine. Mais le Christ qui souffrait en lui acquérait une grande gloire en ruinant l'ennemi et en montrant par un exemple mémorable que rien n'est à craindre avec l'amour du Père, rien n'est douloureux avec la gloire du Christ.


Martyre de saint Pothin.
Speculum historiale. V. de Beauvais. XIVe.

Les impies, quelques jours après, recommencèrent à torturer le martyr. Ils pensaient qu'en appliquant les mêmes tortures sur des plaies encore soulevées et phlegmoneuses, ils viendraient à bout de lui puisqu'il ne supportait même pas le contact des mains ; ou bien sa mort dans les supplices inspirerait de la crainte aux autres. Mais rien de tel n'arriva à Sanctus. Bien mieux ! son pauvre corps se releva, se redressa dans ces nouveaux supplices; il reprit sa forme, l'usage de ses membres. Ainsi ce ne fut pas une torture, mais une cure, par le grâce du Christ, ce deuxième supplice.

Biblis était une de celles qui avaient apostasié, et le diable croyait déjà l'avoir assimilée. Désireux d'obtenir sa condamnation par calomnie, il la fit mener au supplice : il la forcerait bien à nous charger d'impiétés, cette femmelette sans énergie. Mais quoi! pendant la torture, Biblis reprit conscience et se réveilla comme d'un profond sommeil. La douleur momentanée lui fit penser au châtiment sans fin de la géhenne. Elle contrecarra les calomniateurs par cette réplique :
" Comment pourraient-ils manger des enfants, ces gens qui ne doivent même pas prendre du sang d'animaux ?"

Dès lors elle se déclara chrétienne et elle fut mise au rang des martyrs.

Les supplices tyranniques se trouvaient sans force, grâce au Christ qui donnait patience aux bienheureux. Le diable combina d'autres machinations. Il fit enfermer les martyrs dans l'endroit le pins malsain et le plus obscur de la prison, les fit mettre aux ceps, les pieds écartés jusqu'au cinquième trou, sans parler des mauvais traitements que des gardiens acharnés et possédés du démon ont accoutumé d'infliger aux détenus. C'est ainsi qu'un bon nombre périrent d'asphyxie dans la geôle. Le Seigneur avait voulu qu'ils partissent ainsi pour souligner sa puissance. En effet, quelques-uns, si cruellement torturés qu'ils semblaient ne plus pouvoir vivre, même avec les plus grands soins, subsistèrent dans la prison, privés du secours des hommes, mais fortifiés par le Seigneur, et rendus vaillants de corps et d'âme au point de réconforter et de consoler les autres. Tandis que d'autres, des nouveaux, qui avaient été arrêtés récemment et dont le corps n'avait pas enduré la question, ne pouvaient souffrir cette geôle intolérable, et succombèrent.

Le bienheureux Pothin, chargé du ministère de l'épiscopat à Lyon, avait plus de 90 ans. Il était très infirme, pouvait à peine respirer à cause de sa débilité. Mais l'ardeur de l'Esprit le rendit fort, avec un vif désir du martyre.

Il fut lui aussi traîné devant le tribunal. Son corps était épuisé par la vieillesse et la maladie, mais son âme gardait sa vigueur pour que, par elle, le Christ triomphât. Mené au tribunal par les soldats, avec un cortège des magistrats de la cité et de tout le peuple, qui poussait contre lui des cris variés, comme s'il était le Christ en personne, il rendit cet admirable témoignage, le gouverneur lui ayant demandé quel était le dieu des chrétiens :
" Si tu en es digne, tu sauras."

Alors il fut entraîné sans ménagements, pris dans un réseau de coups ; ceux qui l'entouraient s'en donnaient à coeur joie, et du pied et du poing, sans même considérer son âge ; ceux qui étaient loin empoignaient le premier objet venu et le lui lançaient. Tous pensaient qu'ils auraient gravement manqué à leur devoir civique et religieux, s'ils s'étaient montrés tièdes à l'insulter. Ils croyaient que leurs dieux trouvaient ainsi vengeance. Pothin respirait à peine lorsqu'il fut enfin jeté en prison. Il y rendit l'âme deux jours après. Alors se manifesta dans sa grandeur la Providence de Dieu, et la miséricorde immense de Jésus apparut. Ce n'est pas tous les jours que notre confrérie est ainsi à l'honneur, mais cela fut bien dans la manière du Christ.

Ceux qui, aussitôt pris, avaient renié leur foi, se trouvaient écroués eux aussi et partageaient les souffrances des martyrs. En l'occurrence, leur apostasie ne leur procura donc aucun avantage.


Détail du retable de l'autel de sainte Blandine.
Eglise Saint-Martin-d'Ainay. Lyon. XVIIIe.

Ceux, en effet, qui avaient reconnu ce qu'ils étaient, furent mis sous les verrous comme chrétiens sans autre accusation. Mais nos renégats étaient détenus pour homicides et attentats à la pudeur, avec double peine par rapport aux autres. Ceux-ci se sentaient allégés par la joie du martyre, l'espoir des biens promis, l'amour du Christ et l'Esprit du Père.

Tandis que les autres étaient torturés par leur conscience, en sorte qu'on les distinguait au passage rien qu'à leur mine, Les confesseurs avançaient, joyeux, l'air resplendissant de majesté et aussi de grâce, à ce point que leurs chaînes faisaient élégants atours et parures, comme à une robe nuptiale des ganses brochées d'or. Ils répandaient le parfum du Christ, si bien que certains pensaient à des onctions d'essence pour la toilette. Les apostats baissaient les yeux, honteux, repoussants, parfaitement ignobles. Le comble, c'est que les païens les couvraient d'outrages, les traitaient de canailles et de capons. On les accusait de meurtres : ils avaient perdu le titre qui donne l'honneur, la gloire et la vie.

A cette vue, les autres se sentirent d'autant plus fermes, et ceux qu'on arrêtait confessaient leur foi sans barguigner, loin de tout calcul diabolique. Après ces tournois, les épreuves finales des martyrs furent variées à merveille. De mille fleurs bariolées ils tressèrent une couronne et l'offrirent au Père : ils méritaient bien, ces vaillants athlètes qui avaient soutenu un combat multiforme et remporté de grandes victoires, de recevoir la couronne magnifique de l'immortalité.

Maturus, Sanctus, Blandine et Attale furent conduits aux bêtes dans l'amphithéâtre, en spectacle inhumain pour les païens : c'était jour de combat avec les bêtes, offert précisément à l'occasion des nôtres.

Maturus et Sanctus, de nouveau, subirent à l'amphithéâtre tous les tourments, comme s'ils n'avaient rien souffert déjà. Ou plutôt ils étaient comme des champions qui ont battu l'adversaire dans plusieurs rencontres, et qui luttent cette fois pour la couronne, ils passèrent encore par les fouets, selon l'usage du pays, subirent les assauts des bêtes, et tout ce qu'un peuple délirant réclamait bruyamment çà et là. Le clou fut la chaise de fer où la grillade des corps puait la graisse. Mais les païens n'étaient pas rassasiés ; leur folie allait crescendo, voulait vaincre la constance des victimes.

Cependant, de Sanctus ils n'obtinrent rien, que cette profession de la foi qu'il répétait depuis le début. Et comme les martyrs avaient encore du souffle après ce grand combat, ils furent immolés pour aboutir. En ce jour, au lieu du programme varié des duels de gladiateurs, il y eut les saints offerts en spectacle au monde.


L'amphithéâtre des trois Gaules à Lyon ;
lieu du martyre de nos Saints.

Blandine, suspendue à un poteau, était exposée en pâture aux bêtes qu'on avait lâchées. La vue de ce crucifix improvisé, qui priait d'une voix assurée, animait grandement les combattants. Ils voyaient dans leur soeur, durant le combat, avec les yeux du corps, celui qui avait été crucifié pour eux afin de garantir aux fidèles que souffrir pour la gloire du Christ donne part au Dieu vivant. Aucune des bêtes, cette fois-là, ne toucha à Blandine.
On la détacha donc de son poteau et on la remit en prison, en réserve pour un autre combat. Ses multiples performances disqualifiaient irrémédiablement le Serpent tortueux et stimulaient nos frères. Cette petite, cette faible, cette méprisée, avec le grand athlète imbattable, le Christ, qu'elle avait revêtu, était victorieuse à plusieurs reprises de l'Adversaire. De haute lutte elle s'adjugeait la couronne de l'immortalité.


Bannière de sainte Blandine. Eglise Notre-Dame.
Clohars-Carnoët. Bretagne. XVIIIe.

Attale, lui aussi, fut violemment réclamé par le public, car il était très connu. Lutteur en pleine forme, il fit son entrée, fort de sa bonne conscience. Il s'était soigneusement exercé dans l'armée chrétienne, et toujours il avait rendu témoignage, parmi nous, à la vérité. On lui fit faire le tour de l'amphithéâtre, précédé d'un tableau où était écrit en latin " Attale chrétien ".

Le peuple se montait extrêmement contre lui. Mais le gouverneur, ayant su qu'il était citoyen romain, ordonna de le ramener avec le reste en prison, fit son rapport à César et attendit sa réponse.
Alcibiade, un des martyrs, vivait très chichement. D'abord il ne changea rien du tout à son régime, se contentant de pain et d'eau et s'efforçant de maintenir ce menu dans son cachot. Mais Attale, après sa première performance à l'amphithéâtre, eut une révélation à son sujet : Alcibiade avait tort de s'abstenir des choses créées par Dieu et de laisser aux autres une occasion de scandale. Persuadé, Alcibiade prit de tout sans scrupules et avec actions de grâces. Car les martyrs étaient visités par la grâce de Dieu et l'Esprit-Saint les conseillait.

Le temps qui s'écoulait n'était pas perdu pour eux. Leur patience faisait éclater l'infinie miséricorde du Christ. Les vivants faisaient revivre les morts, les martyrs graciaient les martyrs manqués. Et ce fut une grande joie pour l'Eglise, la Vierge Mère, de recevoir vivants ceux qu'elle avait rejetés morts. Grâce aux confesseurs, nombre de renégats se reprirent. Ils étaient conçus à nouveau, la vie se ranimait en eux. Il apprenaient à confesser la foi. Désormais vivants et énergiques, ils vinrent devant le tribunal. Dieu est doux, il ne veut pas la mort du pécheur, mais sa conversion; il les aida quand ils furent interrogés de nouveau par le gouverneur. La réponse de César, en effet, était de mettre à mort les persévérants ; les renégats, de les libérer.

La grande fête annuelle, qui amène un concours immense de tous les peuples, commençait alors. Le gouverneur fit venir les bienheureux à son tribunal dans une audience théâtrale, avec défilé devant le public. Il les interrogea derechef. Ceux qui parurent nantis du droit de cité romaine eurent le tête tranchée; les autres, il les envoya aux fauves.

Le Christ fut magnifiquement glorifié par ceux qui, une première fois, l'avaient désavoué. Contre l'attente des païens ils le confessèrent alors. On les avait interrogés séparément, comme si on voulait les libérer ; mais ils confessèrent-leur Foi et s'ajoutèrent à la liste des martyrs. Resta exclu ce qui n'avait jamais eu trace de foi, jamais compris l'histoire de la robe nuptiale (Matth., XXII, 11.), jamais eu la crainte de Dieu ; des gens qui par leur volte-face avaient couvert de honte leur Eglise, des fils de perdition enfin ! Tous les autres furent réunis à l'Église.


Saint Pothin. Sébastien-Melchior Cornu.
Chapelle du palais de l'Elysée. XIXe.

A l'interrogatoire assistait Alexandre de Phrygie, médecin en Gaule depuis bien des années. Tous le connaissaient pour son amour de Dieu et sa franchise; il avait bien sa part de grâce pour l'apostolat. Debout près du tribunal, il faisait des signes de tête aux accusés pour les inciter à confesser. C'était visible pour ceux qui entouraient le tribunal on peut dire qu'il enfantait des martyrs. Les gens, irrités de voir les ci-devant renégats se rétracter, accusèrent hautement Alexandre d'être la cause de ce changement. Le gouverneur le fait comparaître, lui demande son identité.
Alexandre répond :
" Chrétien !"

Agacé, le gouverneur le condamne aux bêtes.

Le lendemain, il entra dans l'arène avec Attale, car le gouverneur, pour plaire au public, livrait de nouveau Attale aux bêtes. Ils passèrent par tous les instruments de supplice inventés pour l'amphithéâtre et soutinrent un combat très dur. Enfin, on les immola eux aussi. Alexandre ne prononça pas un mot, ne fit pas entendre un cri ; il s'entretenait avec Dieu dans son coeur.

Pour Attale, il fut placé sur la chaise de fer et brûlé. Comme une fumée et une odeur de graisse s'exhalaient de son corps, il dit au public en latin :
" Voyez c'est vous, à cette heure, qui êtes des mangeurs d'hommes. Nous autres, nous ne mangeons pas d'hommes, et nous ne faisons rien de mal."
On lui demanda quel étoit le nom de Dieu :
" Dieu, dit-il, n'a pas de nom comme un homme."


Après tous ces supplices, le dernier jour des combats singuliers, Blandine fut réintroduite, avec Ponticus, un jeune gars d'une quinzaine d'années. Chaque jour ils avaient été amenés pour voir les autres souffrir. On voulait les contraindre à jurer par les idoles. Ils restèrent calmes et dédaigneux. Fureur du public qui fut sans pitié pour l'âge de l'enfant, sans respect pour le sexe de Blandine. On les livra à toutes les atrocités ; ils parcoururent tout le cycle des supplices. Après chaque épreuve, on les pressait de jurer, mais sans pouvoir y réussir. Ponticus était encouragé par sa soeur : les païens voyaient bien que c'était elle qui l'exhortait et l'affermissait. Il endura vaillamment toutes les tortures et rendit l'âme.

La bienheureuse Blandine restait la dernière. Comme une noble mère qui lance ses fils vainqueurs pour qu'ils la devancent chez le roi, elle soutint elle aussi tous les combats de ses enfants et se hâta de les rejoindre. Joyeuse et allègre de s'en aller, elle avait l'air d'une invitée à un repas de noces et non pas jetée aux fauves. Après les fouets, puis les bêtes, puis le gril, elle fut mise dans un filet et livrée à un taureau. Plusieurs fois projetée en l'air par l'animal, elle n'avait plus le sentiment de ce qui se passait, tant elle était prise par son espérance, son attente des promesses, son entretien avec le Christ. On l'immola elle aussi. Et les païens eux-mêmes avouaient que jamais, chez eux, une femme n'avait enduré des souffrances aussi nombreuses et aussi cruelles.

Mais ce n'était pas assez pour assouvir leur fureur et leur cruauté contre les saints. Excitées par la Bête féroce de l'enfer, ces tribus féroces et barbares s'apaisaient malaisément : voire leur démence se renouvela, cette fois contre des cadavres. Le fait d'avoir été vaincus ne les humiliait pas, car ils ne pouvaient former un raisonnement; non, cela échauffait leur fureur, comme chez la bête. Le gouverneur et le peuple faisaient preuve envers nous de la même haine sans fondement. Par là s'accomplissait l'Écriture :
" Que l'injuste devienne plus injuste encore, et que le juste augmente en vertu !"
(Cf. Apoc., 22, 11; Ez., 2, 27, selon les LXX.)

Ceux qui étaient morts asphyxiés en prison, on les jeta aux chiens, avec sentinelles de jour et de nuit pour nous interdire de les enterrer. Semblablement, on exposa ce dont n'avaient pas voulu les bêtes ou le bûcher, des lambeaux déchirés ou carbonisés, des têtes coupées, des troncs mutilés. Cela resta également sans sépulture, avec une garde de soldats pendant plusieurs jours. Des païens frémissaient et grinçaient des dents contre les martyrisés on aurait dû les soumettre à des supplices encore plus forts ! D'autres se gaussaient des morts et les insultaient. Ils vantaient leurs idoles qui, disaient-ils, avaient bien puni ces gens-là. Quelques-uns, plus modérés, paraissaient éprouver une certaine pitié ; ils se répandaient en plaintes :
" Où est leur Dieu ? A quoi bon ce culte qu'ils ont préféré à leur vie ?"
Ainsi leurs sentiments étaient assez variés.

De notre côté, vive était la douleur de ne pouvoir enterrer les corps. La nuit ne nous fut pas favorable; l'argent se trouva sans séduction, les prières échouèrent. La garde était acharnée, comme si elle avait un réel intérêt à priver ces os de sépulture.

Les corps des martyrs furent donc exposés aux injures de l'air pendant 6 jours. Ensuite on les brûla. Les cendres furent balayées par les impies jusqu'au Rhône qui coule près de là, de peur qu'il ne restât sur la terre une relique. Ils faisaient cela comme s'ils pouvaient vaincre Dieu et ôter aux morts la résurrection.

" Rendons sans objet, disaient-ils, leur espérance dans une résurrection. C'est par elle qu'ils ont introduit chez nous une religion étrangère et nouvelle, qu'ils méprisent les tourments, qu'ils sont prêts à marcher joyeusement à la mort. Maintenant, voyons s'ils ressusciteront et si leur dieu est capable de les secourir et de les tirer de nos mains."

CULTE

A la fin du IIe siècle, l'Occident n'avait pas encore commencé à rendre un culte aux martyrs comme l'Orient le pratiquait depuis longtemps. De sorte que les premiers martyrs furent souvent oubliés par les générations postérieures ou n'eurent pas les honneurs qu'ils nous semblent mériter.


La primatiale Saint-Jean-Baptiste à Lyon.

Les martyrs de Lyon eurent la chance d'avoir le récit de leur mort écrit par un témoin direct, ce qui pour les modernes est d'un prix inestimable, mais leurs corps avaient disparu entièrement dans les eaux du Rhône et comme, aux premiers siècles, la dévotion des fidèles s'accrochait volontiers aux souvenirs sensibles, leur culte n'eut pas le même éclat que celui de beaucoup d'autres. C'est ainsi qu'on a la surprise de constater que des Gaulois : saint Victrice de Rouen et saint Sidoine Apollinaire ne les nomment pas dans leurs longues énumérations de martyrs. Grégoire de Tours, il est vrai, rachètera cette omission ; il nous dit que sa grand'mère Leucadia appartenait à la famille de Vettius Epagathus, le premier de la liste (Historia Francorum, I. 1, ch. 29.), et il raconte, par ailleurs, que les martyrs eux-mêmes seraient apparus aux fidèles pour leur indiquer le lieu où ils pourraient ramasser leurs cendres (De gloria martyrum, ch. 49.).

Cette seconde assertion est bien suspecte ; d'après le contexte, il semble que la révélation aurait eu lieu, à l'époque même de leur mort. Or la lettre des chrétiens de Lyon n'y fait aucune allusion, saint Augustin non plus ; il sous-entend même le contraire en disant que la sépulture n'a aucune importance (P. L., t. 40, col. 600.), et dans une homélie attribuée à saint Eucher, l'orateur explique longuement que les cendres des martyrs furent jetées dans le Rhône, sans rien ajouter.


La basilique Notre-Dame de Fourvière. A son emplacement actuel,
saint Pothin avait fondée une chapelle en l'honneur de Notre Dame.

L'absence des reliques explique la difficulté de la localisation du culte des martyrs ; les basiliques s'élevaient en effet ordinairement sur les tombeaux. Cependant la vision racontée par Grégoire de Tours entra dans la tradition lyonnaise et, au IXe siècle, Adon atteste que les fidèles vont à l'église des Apôtres vénérer les cendres des martyrs.

Cette église des Apôtres et des 48 martyrs a changé son vocable pour prendre le nom de Saint-Nizier. Son origine est très ancienne, et elle fut cathédrale jusqu'au Ve siècle, époque à laquelle Saint-Étienne reçut ce titre. Peut-on penser qu'elle s'élève exactement là où saint Pothin réunissait les fidèles ? C'est possible, mais ce n'est pas sûr.

Actuellement plusieurs lieux sont considérés à Lyon comme étant ceux où les martyrs ont souffert. Remarquons d'abord que, dans l'antiquité, le culte ne se fixait pas au lieu du supplice. Par exemple, il a fallu attendre le XVIe siècle pour que le Colisée fût considéré par les Romains comme un lieu saint ; au Moyen Age, ils n'y voyaient qu'une carrière de pierres. Si des fouilles permettaient de retrouver un ancien oratoire ou quelque inscription, si un texte attestait sûrement une tradition très ancienne, nous pourrions savoir où furent emprisonnés, jugés et mis à mort les martyrs de Lyon. Mais il n'y a rien de tel.

La prison de l'Antiquaille est totalement ignorée avant le XVIe siècle, et s'il est vraisemblable de placer la prison auprès du Forum, il ne l'est pas du tout de croire que c'était un souterrain de 6 mètres sur 3. Saint Grégoire de Tours écrit que les martyrs ont souffert à Ainay et que pour cela on les appelle quelquefois martyrs d'Ainay. Ce texte n'autorise pourtant pas à situer le lieu de leur exécution auprès de l'église Saint-Martin d'Ainay, car autrefois les collines de la rive droite de la Saône portaient le nom de Puy d'Ainay. Saint-Martin d'Ainay fut pourtant pendant le Moyen Age le but d'une grande procession en l'honneur des martyrs. Les Lyonnais s'y rendaient pour y célébrer la Fête des merveilles.

En fait, la tradition lyonnaise ne nous apporte à peu près rien. L'Église universelle connut de bonne heure saint Pothin et ses compagnons. Eusèbe, en insérant le récit de leur martyre dans son Histoire ecclésiastique, leur donna la célébrité, car il fut beaucoup lu en Orient, et en Occident dans la traduction de Rufin.

Le martyrologe hiéronymien annonce au 2 Juin les 48 martyrs et énumère leurs noms. Le vénérable Bède composa une notice d'après le récit que donne Eusèbe. Ils devaient garder une belle place puisque les plus célèbres auteurs de martyrologes du IXe siècle, l'anonyme dont le livre est conservé à la Bibliothèque nationale sous la cote latin 3879, Florus et Adon habitaient à Lyon. Ils sont passés de là dans le martyrologe romain.

Leur office n'a jamais été célébré par l'Église universelle, mais seulement par le diocèse de Lyon et quelques diocèses voisins.

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dimanche, 01 juin 2025

Dimanche dans l'octave de l'Ascension.

  • - Le dimanche dans l'octave de l'Ascension.

    " Ô Roi de gloire. Seigneur des armées,
    Qui aujourd'hui êtes monté triomphant au-dessus de tous les cieux,
    Ne nous laissez pas orphelins ;
    Mais envoyez-nous l'Esprit de vérité, selon la promesse du Père,
    Alleluia."


Bible. Picardie. XIe.

Jésus est monté aux cieux. Sa divinité n’en avait jamais été absente, mais aujourd'hui son humanité y est intronisée, elle y est couronnée d'un diadème de splendeur; et c'est là encore une nouvelle face du glorieux mystère de l'Ascension. A cette humanité sainte le triomphe ne suffisait pas ; le repos lui était préparé sur le trône même du Verbe éternel auquel elle est unie éternellement dans une même personnalité, et c'est du haut de ce trône qu'elle doit recevoir les adorations de toute créature. Au nom de Jésus Fils de l'homme et Fils de Dieu, de Jésus assis à la droite du Père tout-puissant, " tout genou doit fléchir au ciel, sur la terre et dans les enfers " (Philip. II, 10.).


Antiphonaire romain. XVIe.

Habitants de la terre, c'est là cette nature humaine qui apparut autrefois dans l'humilité des langes, qui parcourut la Judée et la Galilée n'ayant pas où reposer sa tête, qui fut enchaînée par des mains sacrilèges, flagellée, couronnée d'épines, clouée à une croix ; mais tandis que les hommes qui l'avaient méconnue la foulaient aux pieds comme un ver de terre, elle acceptait le calice des douleurs avec une entière soumission et s'unissait à la volonté du Père ; elle consentait, devenue victime, à réparer la gloire divine en donnant tout son sang pour la rançon des pécheurs. Cette nature humaine, issue d'Adam par Marie l'immaculée, est le chef d'œuvre de la puissance de Dieu. Jésus, " le plus beau des enfants des hommes " (Psalm. XLIV.), est l'objet de l'admiration extatique des Anges ; sur lui se sont reposées les complaisances de la suprême Trinité ; les dons de la grâce déposés en lui surpassent ce qui a été accordé à tous les hommes et à tous les esprits célestes ensemble ; mais Dieu l'avait destiné à la voie de l'épreuve, et Jésus qui aurait pu racheter l'homme à moins de frais, s'est plongé volontairement dans une mer d'humiliations et de douleurs, afin de payer avec surabondance la dette de ses frères. Quelle sera la récompense ? l'Apôtre nous le dit dans ces fortes paroles :
" Il s'est fait obéissant jusqu'à la mort et à la mort de la croix ; à cause de cela Dieu l'a exalté, et lui a donné un nom qui est au-dessus de tout nom." (Philip. II.).


Bas-relief. Benedetto Buglioni. XVe.

Ô vous donc qui compatissez ici-bas aux douleurs par lesquelles il nous a rachetés, vous qui aimez à le suivie dans les stations de son pèlerinage jusqu'au Calvaire, levez la tête aujourd'hui, et regardez au plus haut des cieux. Le voici, " parce qu'il a souffert la mort, le voici couronné de gloire et d'honneur " (Heb. II, 9.). " Plus il s'est anéanti sous la forme d'esclave, lui qui dans son autre nature pouvait sans injustice se dire égal à Dieu " (Philip, II, 6, 7.) ; plus le Père prend plaisir à l'élever en gloire et en puissance. La couronne d'épines qu'il a portée ici bas est remplacée par le diadème d'honneur (Psalm. XX.). La croix qu'il laissa imposer sur son épaule est désormais le signe de sa principauté (Isai. XII.). Les plaies que les clous et la lance ont imprimées sur son corps resplendissent comme des soleils. Gloire soit donc rendue à la justice du Père envers Jésus son Fils ! mais réjouissons-nous aussi de voir en ce jour " l'Homme des douleurs " (Ibid. LIII.) devenu le Roi de gloire, et répétons avec transport l'Hosannah que la cour céleste fait retentir à son arrivée.


Heures à l'usage de Rome. Dijon. XVe.


A LA MESSE

Le Dimanche dans l'Octave de l'Ascension était appelé à Rome, au moyen âge, le Dimanche des Roses, parce que l'on avait coutume en ce jour de joncher de roses le pavé des basiliques, comme un hommage au Christ qui s'élevait au ciel dans la saison des fleurs. On sentait alors toutes les harmonies. La fête de l'Ascension si riante et si remplie de jubilation, lorsqu'on la considère sous son principal aspect, qui est le triomphe du Rédempteur, venait embellir les radieuses journées du printemps sous un ciel fortuné. On cessait un moment de sentir les tristesses de la terre, veuve de son Emmanuel, pour ne se souvenir que de la parole qu'il a dite à ses Apôtres, afin qu'elle nous fût répétée : " Si vous m'aimiez, vous vous réjouiriez de ce que je m'en vais à mon Père " (Johan. XIV, 28.). Imitons cet exemple ; offrons à notre tour la rose à celui qui l'a faite pour l'embellissement de notre séjour, et sachons nous aider de sa beauté et de son parfum pour nous élever jusqu'à lui, qui nous dit dans le divin Cantique : " Je suis la fleur des champs et le lis des vallons " (Cant IV, 1.). Il voulut être appelé Nazaréen, afin que ce nom mystérieux réveillât en nous le souvenir qu'il retrace, le souvenir des fleurs dont il n'a pas dédaigné d'emprunter le symbole, pour exprimer le charme et la suavité que ceux qui l'aiment trouvent en lui.

EPÎTRE

Lecture de l'Epître de saint Pierre, Apôtre. I, Chap. IV.



Chute de Simon le Magicien. Eglise abbatiale de l'abbaye Saint-Oyend aujourd'hui cathédrale Saint-Pierre-Saint-Paul et Saint-André. Saint-Claude. Franche-Comté. XVIIe.

" Mes bien-aimés, soyez prudents et veillez dans la prière ; mais avant tout. ayez une charité persévérante les uns envers les autres : car la charité couvre la multitude des péchés. Exercez entre vous l'hospitalité sans murmurer. Que chacun se rende utile aux autres, selon la grâce qu'il a reçue, comme étant de fidèles dispensateurs des diverses grâces de Dieu. Si quelqu'un parle, que ce soit comme des paroles de Dieu ; si quelqu'un exerce un ministère, que ce soit comme par la vertu que Dieu lui donne; afin qu'en toutes choses Dieu soit honoré par Jésus-Christ notre Seigneur."


Homéliaire. XIIe.

Tandis que les disciples sont réunis dans le Cénacle, n'ayant qu'un cœur et qu'une âme, et attendant la venue de l'Esprit-Saint, le prince des Apôtres qui présidait cette assemblée sainte se tourne vers nous qui attendons ici-bas la même faveur, et nous recommande la charité fraternelle. Il nous promet que cette vertu couvrira la multitude de nos péchés ; quelle heureuse préparation pour recevoir le don divin ! L'Esprit-Saint arrive afin d'unir les hommes en une seule famille ; arrêtons donc toutes nos discussions, et préparons-nous à la fraternité universelle qui doit s'établir dans le monde à la prédication de l'Evangile. En attendant la descente du Consolateur promis, l'Apôtre nous dit que nous devons être prudents et veiller dans la prière. Reçevons la leçon : la prudence consistera à écarter de nos cœurs tout obstacle qui repousserait le divin Esprit ; quant à la prière, c'est elle qui les ouvrira, afin qu'il les reconnaisse et s'y établisse.

EVANGILE

La suite du saint Evangile selon saint Jean. Chap. XV.



Legenda aurea. Bx J. de Voragine. J. de Besançon. XVe.

" En ce temps-là, Jésus dit à ses disciples :
" Lorsque viendra le Consolateur que je vous enverrai du Père, l'Esprit de vérité qui procède du Père, il rendra témoignage de moi ; et vous aussi vous rendrez témoignage, parce que vous êtes avec moi depuis le commencement. Je vous ai dit ces choses, afin que vous ne soyez pas scandalisés. Ils vous chasseront des synagogues ; et vient l'heure où quiconque vous tuera croira rendre service à Dieu. Et ils vous traiteront ainsi, parce qu'ils ne connaissent ni le Père, ni moi. Je vous ai dit ces choses, afin que lorsque l'heure sera venue, vous vous souveniez que je vous les ai dites."



Recueil d'images pieuses. Ethiopie. XVIIe.

A la veille de nous envoyer son Esprit, Jésus nous annonce les effets que ce divin Consolateur produira dans nos âmes. S'adressant aux Apôtres dans la dernière Cène, il leur dit que cet Esprit leur rendra témoignage de lui, c'est-à-dire qu'il les instruira sur la divinité de Jésus et sur la fidélité qu'ils lui doivent, jusqu'à mourir pour lui. Voilà donc ce que produira en eux cet hôte divin que Jésus, près de monter aux cieux, leur désignait en l'appelant la Vertu d'en haut. De rudes épreuves les attendent ; il leur faudra résister jusqu'au sang. Qui les soutiendra, ces hommes faibles ? L'Esprit divin qui sera venu se reposer en eux. Car lui ils vaincront, et l'Evangile fera le tour du monde.



Speculum humanae salvationis. Lyon. XVe.

Or, il va venir de nouveau, cet Esprit du Père et du Fils; et quel sera le but de sa venue, sinon de nous armer aussi pour le combat, de nous rendre forts pour la lutte ? Au sortir de la Saison pascale, où les plus augustes mystères nous illuminent et nous protègent, nous allons retrouver en face le démon irrité, le monde qui nous attendait, nos passions calmées un moment qui voudront se réveiller. Si nous sommes " revêtus de la Vertu d'en haut ", nous n'aurons rien à craindre ; aspirons donc à la venue du céleste Consolateur, préparons-lui en nous une réception digne de sa majesté ; quand nous l'aurons reçu, gardons-le chèrement ; il nous assurera la victoire, comme il l'assura aux Apôtres.



Missel à l'usage de Nantes. XVe.

1er juin. Sainte Angèle de Mérici, vierge, fondatrice des Ursulines. 1540.

- Sainte Angèle de Mérici, vierge, fondatrice des Ursulines. 1540.
 
Pape : Paul III. Empereur d'Autriche, roi de Sardaigne et de Corse : Charles Quint. Roi de France : François Ier.
 
" Ce que la compagnie de Jésus fut pour les hommes, celle de sainte Ursule le fut pour les femmes. C'est à ces deux compagnies en effet que l'Europe - et la France en particulier - doivent en grande partie le bonheur d'avoir conservé la vraie doctrine."
Ch. de Sainte-Foi, Vie des premières Ursulines de France.
 

Sainte Angèle de Mérici. Italie. XVIIe.

Sainte Angèle de Mérici naquit à Desonzano, sur le lac de Garde. Ses parents, de petite noblesse (son père était Jean de Mérici et sa mère de la famille des Biancosi de Salo), était profondément chrétiens. Ils désiraient que leurs cinq enfants trouvassent leur bonheur dans la gloire de Dieu. Pour réaliser cet idéal, ils avaient fait un vrai sanctuaire de la maison paternelle où chacun travaillait sous le regard de Dieu et récitait la prière en commun. Une lecture dans un livre de piété ou dans la Vie des Saints terminait la journée.


Slovénie, XVIIIe.

A ces pieuses pratiques, Angèle ajoutait les rigueurs de la pénitence. Elle voua sa virginité au Seigneur à l'âge de neuf ans et renonça le jour même à toute parure. Elle perdit son père vers l'âge de treize ans ; sa mère mourut deux ans plus tard. Un oncle nommé Barthélémy la prit alors chez lui et s'attacha à favoriser ses pratiques de dévotion. Six ans s'écoulèrent avant que Dieu vienne lui ravir son unique soeur de sang et de sentiments ; le décès de l'oncle Barthélémy suivit de près cette perte vivement ressentie.

Doublement orpheline, Angèle, cette jeune fille d'une " beauté hors du commun " rentra à la maison paternelle, acheva de se dépouiller de tout ce qu'elle possédait et se livra aux plus grandes austérités. Elle était alors âgée de vingt-deux ans. Afin de se sanctifier plus sûrement, elle s'affilia au Tiers-Ordre de Saint-François d'Assise.


En 1506, un jour qu'elle travaillait aux champs, une lumière éclatante l'environna soudain. Angèle vit une échelle s'élever du sol jusqu'au ciel et une troupe innombrable de vierges qui en parcouraient les échelons, soutenues par des anges. Une des vierges se tourna vers elle et lui dit :
" Angèle, sache que Dieu t'a ménagé cette vision pour te révéler qu'avant de mourir tu fonderas, à Brescia, une société de vierges semblable à celles-ci."
Dieu fournit à Sa servante les moyens de réaliser cet oracle, seulement vingt ans après la mémorable vision.


Statue japonaise. XIXe.

La réputation de sainteté d'Angèle Mérici s'était répandue jusque dans la ville de Brescia. Les Patengoli, riche famille et grands bienfaiteurs des oeuvres pies, habitaient cette cité. En 1516, ayant perdu coup sur coup leurs deux fils, ils invitèrent Angèle à venir habiter avec eux pour les consoler dans leur peine. A partir de ce moment, sainte Angèle se fixa à Brescia, édifiant la ville par ses vertus. Chaque jour, on la voyait en compagnie de jeunes filles de son âge, rassembler les fillettes et leur enseigner la doctrine chrétienne, visiter les pauvres et les malades, instruire les grandes personnes qui venaient, en foule, écouter leurs conférences. Ces pieuses filles s'ingéniaient à rechercher les pécheurs jusque dans leur lieu de travail.

Suivant une pratique très usitée à cette époque, sainte Angèle Mérici entreprit plusieurs pèlerinages. Comme elle se rendait un jour à Jérusalem avec un groupe de pèlerins, une mystérieuse cécité se déclara dans la ville de Candie, l'affligeant tout le reste du parcours, pour ne cesser qu'à son retour exactement au même endroit où elle avait perdu l'usage de la vue. Dans cette pénible circonstance, la Sainte vit comme un symbole du renoncement qui devait être à la base de tous ses projets. Le pape Clément VII, instruit des vertus et des miracles de sainte Angèle, lui réserva un accueil des plus bienveillants.


Statue thaïlandaise. Début du XXe.

Le souvenir de la merveilleuse vision demeurait toujours au fond de son coeur. Un jour, Angèle réunit douze jeunes filles qui désiraient tendre à la vie parfaite. Elle leur proposa de mener une vie retirée dans leurs demeures et les rassemblaient fréquemment pour les former à la pratique des vertus chrétiennes. En 1533, ce noviciat achevé, sainte Angèle Mérici leur révéla son plan, leur démontrant que l'ignorance religieuse était la cause des ravages exercés par le protestantisme et que la fondation d'une société de religieuses d'une forme nouvelle pour l'époque, unissant la vie contemplative à l'instruction des enfants, constituerait un remède efficace à l'état déplorable qui régnait dans l'Église.

Afin de mieux atteindre toutes les âmes dans le besoin, la fondatrice implanta les bases d'un Ordre sans clôture. Ses soeurs parcouraient les prisons et les hôpitaux, recherchaient les pauvres pour les instruire et rompaient généreusement leur pain avec eux. Remontant le cours du mal jusqu'à sa source, sainte Angèle Mérici pensait qu'on ne pouvait réformer les moeurs que par la famille, laquelle dépendait surtout de la mère. Elle réalisait que la mauvaise éducation des jeunes filles provenait de la carence de mères chrétiennes. Dans les desseins de Dieu, la congrégation des Ursulines devait rayonner à travers le monde par l'éducation des jeunes filles.


Statue de sainte Angèle de Mérici au Vatican.

Le 25 novembre 1535, à Brescia, les premières religieuses du nouvel institut prononcèrent les trois voeux traditionnels de pauvreté, chasteté et obéissance, ajoutant celui de se consacrer exclusivement à l'enseignement. Sainte Angèle Mérici plaça sa congrégation sous le patronage de sainte Ursule.

Dieu l'avait gratifiée des dons éminents de science infuse et de prophétie. Elle parlait latin sans l'avoir étudié, expliquait les passages les plus difficiles des Livres Saints et traitait les questions théologiques avec une si admirable fermeté et précision, que les plus doctes personnages recouraient volontiers à ses lumières. Ses dernières années furent marquées par de fréquentes extases.


Sainte Angèle Mérici mourut le 28 janvier 1540 à lâge de 65 ans. Pendant trois nuits, toute la ville de Brescia contempla une lumière extraordinaire au-dessus de la chapelle où reposait le corps de la Sainte qui s'est conservé intact de toute corruption. Le pape Pie VII l'a canonisée en 1807.

Sa dernière demeure était située non loin de l'église Sainte-Afre, desservie par les chanoines de Saint-Jean-de-Latran. Son corps y fut exposé pendant 30 jours et aucune corruption ne se constata ; son visage conservait ses couleurs naturelles et son expression de douceur et de modestie éclatait toujours.

La vile de Desenzano del Garda, qui l'avait vu naître la choisie comme avocate et patronne et l'ajouta à ses autres saints patrons.


Statue de sainte Angèle de Mérici. Desenzano del Garda.

Les Ursulines se sont répandues dans le monde entier et à une vitesse miraculeuse. Le Canada français leur doit la permanence de la foi jusqu'à l'effondrement récent. Mais il serait incomplet et injuste de limiter leur sainte influence à ce continent, comme en témoigne les belles et touchantes représentations de sainte Angèle illustrant cette notice.

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samedi, 31 mai 2025

31 mai. Marie Reine, Mère et Médiatrice de toutes grâces. XIXe.

- Notre Dame la Très Sainte Vierge Marie, Reine, Mère et Médiatrice de toutes grâces. XIXe.


Que la très Sainte Vierge Marie soit la Médiatrice de toutes les grâces, ce n'est pas une doctrine nouvelle, et l'Office et la Messe approuvée par le pape Pie XI ne sont que la confirmation officielle d'une vérité qui découle de la Maternité divine de Marie et de tout le plan de Dieu dans l'ordre de notre salut.
 
Cette fête était de plus en plus dans les voeux des serviteurs les plus fervents et les plus éclairés de la très Sainte Vierge ; elle dérive de toute la doctrine de l'Église, de l'enseignement des Docteurs et des Saints ; il suffit de nommer, parmi d'autres, saint Éphrem, saint Bernard, saint Bernardin, saint Louis-Marie Grignion de Montfort, dont le Traité de la vraie dévotion à la Sainte Vierge est, en quelque sorte, l'illustration magnifique de cette Médiation universelle de la Mère de Dieu.

Le titre par excellence de Marie, Sa gloire suprême, le principe de toutes Ses grandeurs et de toutes Ses vertus, c'est Sa Maternité divine. Si la tradition de l'Église L'appelle la Trésorière du Royaume des Cieux, la Toute-puissance suppliante, la Dispensatrice de la grâce, la Corédemptrice, la Reine du Ciel et de la terre, etc., c'est en raison de Sa divine Maternité. Mais le titre qui semble le mieux résumer tous les autres et le plus heureusement exprimer la mission de la glorieuse Mère de Dieu, c'est celui de Médiatrice de toutes les grâces, Médiatrice d'intercession, et de plus, Médiatrice de dispensation et de distribution de toutes les grâces.

C'est bien à cette doctrine que reviennent ces paroles des plus grands docteurs et serviteurs de Marie :
" Tout ce qui convient à Dieu par nature convient à Marie par grâce... Telle a été la Volonté de Dieu, qu'Il a voulu que nous recevions tout par Marie... Tous les dons, vertus, grâces du Saint-Esprit Lui-même, sont administrés par les mains de Marie, à qui Elle veut, quand Elle veut, autant qu'Elle veut..."

Toute la Liturgie mariale suppose ou exprime la doctrine de Marie Médiatrice universelle de toutes les grâces.

Piéta. Anonyme italien. XVIIe.

PRIERE

" Ô Marie, très Sainte Mère de Dieu et Mère des hommes, en ce mois où par toute la terre, jusque dans les endroits les plus petits et les plus reculés, vous allez être encore plus louée et priée par toutes les âmes ferventes et chrétiennes, en ce mois où vous allez obtenir de Dieu des bienfaits plus grands et plus nombreux pour tous, nous voulons, nous aussi, vous témoigner davantage notre dévotion et notre amour.
 
Priez pour nous, Sainte Vierge Marie, obtenez-nous tout ce qui peut faire notre bonheur en ce monde et en l’autre ; inspirez-nous de vous prier, de vous honorer, de vous aimer, pour que toujours, par votre protection, nous soyons bénis et aimés de Dieu, à la vie et à la mort.
 
Et vous, ô Bienheureuse Jeanne d’Arc, priez aussi pour nous, afin qu’à votre exemple nous ayons de plus en plus de la dévotion pour la Très Sainte Vierge, et qu’ainsi nous méritions plus de grâces pour nous et pour l’Eglise et la France que vous avez tant aimées."

vendredi, 30 mai 2025

30 mai. Sainte Jeanne d'Arc, vierge et martyre. 1431.

- Sainte Jeanne d'Arc, vierge et martyre. 1431.

Pape : Martin V. Roi de France : Charles VII.

" En Nom Dieu ! Les hommes d'armes batailleront, et Messire Dieu leur donnera la victoire !"
Sainte Jeanne d'Arc à Poitiers. Mars 1430.


Sainte Jeanne d'Arc au couronnement de Charles VII. Ingres. XIXe.

Sainte Jeanne d'Arc montre une fois de plus, et d'une manière particulièrement éclatante, deux choses : combien Dieu aime la France et comme il est vrai qu'Il Se plaît à choisir les plus faibles instruments pour l'accomplissement des plus grandes choses.

A ce sujet, l'humble copiste d'Hodie Mecum souhaite faire une mise au point.

Bien des partis, des courants, des pseudos monarchistes même, tous prétendument amoureux de la France et de la patrie, réclament pour eux la mémoire et l'exemple de notre Sainte, recourent à son intercession par d'étranges et bien peu orthodoxes prières poétiques, analogiques ou métaphoriques, au gré de leurs intérêts immédiats, et surtout de la captation de l'attention de braves gens généreux mais égarés dans des " actions " politiques vaines et dont l'issue est toujours, oui toujours ! perdue !


Charles VII. Jean Fouquet. XVe.

Depuis plus de 300 ans environ, c'est-à-dire, depuis que Louis XIV et ses successeurs, de suspectes mémoires au moins à ce titre, refusèrent d'arborer et de brandir fièrement sur les étendards francs, le Sacré-Coeur de Notre Seigneur Jésus-Christ (que nous fêtons d'ailleurs aujourd'hui), Souverain-Prêtre et Souverain-Roi et Souverain-Maître de la France - demande présentée par Notre Seigneur Jésus-Christ Soi-même par l'intermédiaire de sainte Marguerite-Marie Alacoque -, ces faux dévôts de sainte Jeanne d'Arc toujours édulcorent et jettent un voile sur quelqu'aspect de la vie de la sainte, sur le surnaturel divin qui éclate magnifiquement à tous les moments de cette épopée catholique et française.

Tronquée par eux, dissimulée, quand ce n'est pas habilement ridiculisée, la geste chrétienne et toute miraculeuse de notre petite et sainte bergère, devient un récit fastidieux, incompréhensible, légendaire, incertain.


Vision de saint Michel Archange par sainte Jeanne d'Arc.
E. Thirion, XIXe.

Nous donnons quelques ressources bibliographiques, à la fin de cette trop courte notice, qui sont à consulter en priorité. Elles n'ont rien à voir avec les élucubrations nationalistes, matérialistes, modernistes et libérales qui pullulent depuis un siècle-et-demi, et qui ne sauraient bien entendu satisfaire toute âme authentiquement chrétienne, toute personne, française ou non, authentiquement attachée à la France et à sa mission élective et particulière dans l'histoire.

Nous allons rappeler le contexte historique dans lequel " Monseigneur Dieu " sucita une nouvelle fois une humble bergère pour, entre autres vérités, rappeler à la France, au Français et à leur roi que c'est du sacre que procède la légitimité du pouvoir et non pas du sang, de la dynastie ou encore de l'élection ; laquelle peut certes désigner légitimement le prince, mais en aucun cas lui donner légitimement le pouvoir :
" Messire Dieu premier servi !"


Statue de sainte Jeanne d'Arc. Place Saint-Augustin. Paris.

De très anciens commentateurs, français et étrangers, et après eux toute la tradition la plus orthodoxe et irréprochable, appelèrent le sacre des rois de France le " huitième sacrement ". Cette appellation, par extension et par licence certes, fut employée pour marquer la singularité de ce sacre par rapport à tous les autres sacres de rois chrétiens. Seul le roi de France en effet, est le Lieutenant - le Tenant lieu - de Dieu sur terre. L'élection divine du roi des Francs est un pacte que Dieu engage avec le roi des Francs pour autant que ce roi se conforme à Sa volonté.

C'est en ce sens, et en ce sens seul, que la France, sous le seigneurage de son roi très Chrétien, dument sacré selon les formules essentielles exactes et exhaustives du sacre que saint Remi institua sous la dictée du Saint-Esprit et administra à Clovis, est universelle. Est-il besoin de dire que l'universalisme maçonnique, républicain et révolutionnaire est l'universalisme du démon !?


Sainte Jeanne d'Arc au siège d'Orléans. Jules Eugène Lenepveu. XIXe.

A l'époque où paru notre Sainte, des guerres cruelles désolaient le royaume de France. Une rivalité, dégénérant souvent en inimitié, s'était établie entre l'Angleterre et la France, depuis que les Français d'Anjou, sous Henri Plantagenêt, étaient devenus maîtres de l'Angleterre.

Ce qui envenima ce mal, ce fut surtout la postérité de Philippe Le Bel. Ce roi qui le premier et le plus violemment revendiqua l'autonomie du pouvoir temporel contre la souveraineté de Notre Seigneur Jésus-Christ, avait marié sa fille Isabelle à Edouard II, roi d'Angleterre. Leur fils, La postérité masculine de Philippe Le Bel s'étant éteinte - qui ne voit pas en cela que Dieu, très mécontent des outrages des quatre derniers capétiens directs, voulu changer de lignée en établissant les Valois ? -, Edouard III revendiqua indument le royaume du chef de sa mère.

Ce ne sont plus hélas les Français qui sont les plus fervents dévôts
de leur immense sainte, quant il ne la ridiculisent pas...
Dieu merci, les Ecossais, en vertu de la " Vieille alliance ",
palient cette sombre et tragique décadence.
Plaque commémorative de la bataille de Patay.

A la tête d'une puissante armée et d'une flotte nombreuse, deux fois il débarqua sur le sol français : la première en 1346 et la seconde en 1355. Les Français perdirent la bataille de Poitiers en 1356, le roi Jean II fut fait prisonnier, et Calais se rendit à Edouard. Charles V lui reprit à peu près toute ses conquêtes ; mais après sa mort, survenue le 16 septembre 1380, les ducs d'Anjou, de Berri et de Bourgogne, se disputèrent le gouvernement de leur neveu, le jeune roi Charles VI, et du royaume.

Charles VI tomba hélas en démence. Passagère et par crise au début, elle devint bien vite invalidante. Le duc de Bourgogne fit assassiner le frère du roi, le duc d'Orléans. La guerre civile éclata entre les Bourguignons et les Armagnacs. Charles VI - fut-ce pendant une crise ou un répit ? - donna sa fille Catherine en mariage au roi d'Angleterre Henri V, et le déclara régent du royaume et héritier de la couronne de France, à l'exclusion de toute autre personne de la famille royale, son fils compris (!?) le 21 mai 1420.

A la mort de Charles VI, dont les circonstances sont suspectes, le 22 octobre 1421, Henri de Lancastre fut donc proclamé roi d'Angleterre et de France. Son oncle et tuteur, le duc de Bedford, fut nommé régent.

De son côté, Charles VII, déshérité par son père, s'était retiré à Bourges et avait été reconnu par une minorité significative des grands du royaume, mais faible en moyens et en hommes. Les partisans du roi se battirent, se battirent bien même, mais ils n'essuyèrent que des échecs. Le duc de Bedford voulut alors pousser son avantage est porter ses conquêtes au-delà de la Loire. Il mit donc le siège devant la ville-clef qu'était Orléans, bientôt réduite à l'estrémité.

Charles VII, apprenant la situation, impuissant à secourir la ville, envisagea sérieusement, et fit commencer des préparatifs, de s'enfuir en Espagne ou en Ecosse. Avait-il oublié que " c'est le sacre qui fait le roi " ? Avait-il oublié les promesses du dit sacre ? Toujours est-il que Dieu intervint tout puissamment et lui envoya l'humble mais Ô combien décisif secours : sainte Jeanne d'Arc !


Manuscrit français du XVe.

Sainte Jeanne d'Arc naquit à Domremy, dans la Lorraine actuelle, le 6 janvier 1412 ; ses parents, Jacques d'Arc et Isabelle Romée, qui avaient aussi trois fils et une autre fille, étaient des cultivateurs faisant valoir leur petit bien. La première parole que lui apprit sa mère fut le nom de Jésus ; toute sa science se résuma dans le Pater, l'Ave, le Credo et les éléments essentiels de la religion. Elle approchait souvent du tribunal de la pénitence et de la Sainte Communion ; tous les témoignages contemporains s'accordent à dire qu'elle était " une bonne fille, aimant et craignant Dieu, priant beaucoup Jésus et Marie.
Son curé put dire d'elle :
" Je n'ai jamais vu de meilleure chrétienne, et il n'y a pas sa pareille dans toute la paroisse."


Saint Michel apparaît à la sainte bergère.
Gravure d'après dessin. XXe.

La France était alors à la merci des Anglais et des Bourguignons, leurs alliés ; la situation du roi Charles VII était, nous l'avons vu, désespérée. A vue humaine, tout était perdu ! " Mais Dieu Se souvint de Son peuple ", et afin que l'on vît d'une manière évidente que le salut venait de Lui seul, Il Se servit de l'humble fille des champs, de l'humble bergère.


Départ de Vaucouleurs. Scherrer. XIXe.

Sainte Jeanne avait treize ans quand l'Archange saint Michel lui apparut une première fois, vers midi, dans le jardin de son père, lui donna des conseils pour sa conduite et lui déclara que Dieu voulait sauver la France par elle. Les visions se multiplièrent ; l'Archange protecteur de la France était accompagné de sainte Catherine et de sainte Marguerite, que Dieu donnait à Jeanne comme conseillères et comme soutien.

Jusqu'ici la vie de Jeanne est l'idylle d'une pieuse bergère ; elle va devenir l'épopée d'une guerrière vaillante et inspirée ; elle avait seize ans quand le roi Charles VII, convaincu de sa mission par des signes miraculeux, lui remit la conduite de ses armées. Bientôt Orléans fut délivrée ; de défaite en défaite, supérieurs en nombre et en force, les Anglais tremblèrent bientôt à la simple évocation de la jeune fille, et bien des batailles remportées n'en furent point, faute de combattant...


Entrée dans Orléans. Scherrer. XIXe.

Quelques mois plus tard, et en cela, et en cela seul, consistait la mission terrestre que Dieu avait confié à sainte Jeanne d'Arc, le roi était sacré à Reims et devenait ainsi pleinement Charles VII, roi de France. Cela est si vrai que jamais avant le sacre, sainte Jeanne d'Arc ne l'appela autrement que " Gentil dauphin ".

C'est le sacre chrétien qui fait le roi de France ! Le sacre seul ! Pas la volonté d'un seul ! Pas la volonté du plus grand nombre ! Pas la volonté de tous ! La désignation d'une ou de plusieurs personnes n'est pas la dévolution de la légitimité de l'exercice du seigneurage de la France " En Nom Dieu " !

Le lecteur voudra bien pardonner la chaleur du propos, mais le très humble copiste qui rédige ces lignes chercha des années durant, trop longtemps et en vain, dans le maquis des modernes et autres faux dévôts de la Sainte, la signification précise et exacte de cette geste toute divine et toute humaine à la fois, pour n'être pas quelque peu vif depuis que " Monseigneur Dieu " lui fit la grâce de le mettre enfin en connaissance de la simple et exacte mission de sainte Jeanne d'Arc.


Jeanne d'Arc conduite devant ses juges. Vigiles de Charles VII. XVe.

Ce n'est pas le lieu ici de relater le détail, très bien connu et rapporté par le postulateur de la cause de notre sainte, le père Jean-Baptiste Ayroles s.j., de la vie de sainte Jeanne d'Arc. Le lecteur se reportera aux indications bibliographiques données à la fin de cette notice.


Sainte Jeanne d'Arc interrogée par le cardinal de Winchester.
P. Delaroche. XIXe.

Rappelons néanmoins que, dans les vues divines, la vie de Jeanne devait être couronnée par l'apothéose du martyre : elle fut trahie à Compiègne, vendue aux Anglais, et après un long emprisonnement, où elle subit tous les outrages, condamnée et brûlée à Rouen, le 30 mai 1431. Son âme s'échappa de son corps sous la forme d'une colombe, et son coeur ne fut pas touché par les flammes.


Sainte Jeanne d'Arc communie avant d'aller au martyre.
Image pieuse du XIXe.

L'Église a réhabilité sa mémoire et l'a élevée au rang des Saintes. Sainte Jeanne d'Arc demeure la gloire de la France, sa Protectrice puissante et bien-aimée. Elle a été déclarée sa Patronne secondaire par un Bref du Pape Pie XI, le 2 mars 1922.


Image pieuse du XXe.

Rq : On lira en matière d'introduction la notice que les Petits Bollandistes consacrent à notre si chère Sainte (T. XV, pp. 389 et suiv.) :
http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k30745g

Il est très vivement recommandé, le lecteur l'aura compris, de lire les sources suivantes :

- " L'Université de Paris au temps de Jeanne d'Arc et la cause de sa haine contre la libératrice " par le père Jean-Baptiste Ayroles s.j. disponible en consultation et téléchargement sur le site suivant :
http://www.a-c-r-f.com/principal.html
- " La vraie Jeanne d'Arc ", en cinq tomes, par le père Jean-Baptiste Ayroles s.j., et dont les quatre premiers tomes sont disponibles en téléchargement, le cinquième l'étant en consultation, sur un site remarquable consacré à notre Sainte et dont nous recommandons la consultation, même si toutes les ressources ne sont pas d'égal intérêt, (http://www.stejeannedarc.net) :
==> T. I à IV :

http://www.stejeannedarc.net/livres/livres.php
==> T. V :
http://www.stejeannedarc.net/ayroles-V/ayroles-V.php
- " Jeanne d'Arc et les héroïnes juives ", par l'abbé Joseph Lémann, sur le même site :
http://www.a-c-r-f.com/principal.html
- " La mission posthume de sainte Jeanne d'Arc ", par Mgr Henri Delassus, extraits disponibles sur le même site :
http://www.a-c-r-f.com/principal.html
- " Panégyrique de sainte Jeanne d'Arc ", par le cardinal Pie, disponible sur le même site :
http://www.a-c-r-f.com/principal.html
- " Jeanne d'Arc et la monarchie ", par l'abbé Marie-Léon Vial, disponible en téléchargement sur l'excellent site de la bibliothèque Saint-Libère :
http://liberius.net/livre.php?id_livre=107
- La croix présentée à sainte Jeanne d'Arc : http://blog.catholicapedia.net/wp-content/uploads/2020/05/La-croix-pr%C3%A9sent%C3%A9e-%C3%A0-Jeanne-d%E2%80%99Arc-sur-son-b%C3%BBcher.pdf


Enfin, sur le Net, un nombre très important de sites, de tous pays, sont en ligne. La passion universelle autour de notre Sainte est à l'image de l'universalité, lorsqu'elle est chrétienne, de son pays la France. Dans cette profusion, beaucoup de sites sont à éviter car n'apportant que très peu d'intérêt quand ils ne sont pas sots, nuisibles ou injurieux.

Dans ce foisonnement, on relèvera et recommandera, pour la recherche iconographique remarquable notamment, et même si sa ligne éditoriale est hasardeuse, un site danois anglophone de grande qualité :

http://www.jeanne-darc.dk
Et une bibliographie francophone considérable rassemblée sur le lien suivant :
http://www.ljcreation.com/jeannedarc/pages_php/jdc_liste_...

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jeudi, 29 mai 2025

L'Ascension de Notre Seigneur Jésus-Christ.

- L'Ascension de Notre Seigneur Jésus-Christ.


Anonyme italien du XIVe.

A LA MESSE

L'Eglise romaine indique aujourd'hui pour la Station la basilique de Saint-Pierre. C'est une belle pensée de réunir en un tel jour l'assemblée des fidèles autour du glorieux tombeau d'un des principaux témoins de la triomphante Ascension de son Maître. Cette Station est toujours maintenue ; mais, depuis plusieurs siècles, le Pape se rend avec le sacré Collège des Cardinaux à la basilique du Latran, afin de terminer dans cet antique sanctuaire, dédié par Constantin au Sauveur des hommes, la série annuelle des mystères par lesquels le Fils de Dieu a opéré et consomme aujourd'hui notre salut.


Psautier cistercien. XIIIe.

Dans ces deux augustes basiliques, comme dans les plus humbles églises de la chrétienté, le symbole liturgique de la fête est le Cierge pascal, que nous vîmes allumer dans la nuit de la résurrection, et qui était destiné à figurer, par sa lumière de quarante jours, la durée du séjour de notre divin Ressuscité au milieu de ceux qu'il a daigné appeler ses frères. Les regards des fidèles rassemblés s'arrêtent avec complaisance sur sa flamme scintillante, qui semble briller d'un éclat plus vif, à mesure qu'approche l'instant où elle va succomber. Bénissons notre mère la sainte Eglise à qui l'Esprit-Saint a inspiré l'art de nous instruire et de nous émouvoir à l'aide de tant d'ineffables symboles, et rendons gloire au Fils de Dieu qui a daigné nous dire : " Je suis la lumière du monde " (Johan. VIII, 12.).

EPÎTRE

Lecture des Actes des Apôtres. Chap. I.


Livre d'images de Madame Marie. Hainaut. XIIIe.

" J'ai parlé dans mon premier livre, Ô Théophile, de tout ce que Jésus a fait et enseigné, jusqu'au jour où il fut élevé dans le ciel, après avoir instruit par le Saint-Esprit les Apôtres qu'il avait choisis ; auxquels aussi il s'était montre depuis sa Passion, et leur avait Fait voir par beaucoup de preuves qu'il était vivant, leur apparaissant durant, quarante jours, et leur parlant du Royaume de Dieu.
Et prenant un repas avec eux, il leur commanda " de ne pas sortir de Jérusalem, mais d'attendre la promesse du Père, que vous avez, leur dit-il, entendue de ma propre bouche ; car Jean a baptisé dans l'eau ; mais vous, sous peu de jours, vous serez baptisés dans le Saint-Esprit ".
Alors ceux qui se trouvaient présents lui demandèrent :
" Seigneur, sera-ce en ce moment que vous rétablirez le royaume d'Israël ?"
Mais il leur dit :
" Il ne vous appartient pas de savoir les temps et les moments que le Père a réservés à son pouvoir ; mais vous recevrez la vertu du Saint-Esprit qui descendra sur vous, et vous serez mes témoins dans Jérusalem, et dans toute la Judée et la Samarie, et jusqu'aux extrémités de la terre."
Et après qu'il eut dit ces choses, ils le virent s'élever vers le ciel. et il entra dans une nuée qui le déroba à leurs yeux.
Et comme ils le suivaient du regard montant au ciel, deux hommes vêtus de blanc se présentèrent tout à coup à eux. et leur dirent :
" Hommes de Galilée, pourquoi vous arrêtez-vous à regarder au ciel ? Ce Jésus qui en vous quittant s'est élevé au ciel, viendra de la même manière que vous l'y avez vu monter."


Bréviaire de Martin d'Aragon. XIVe.

Nous venons d'assister, en suivant cet admirable récit, au départ de notre Emmanuel pour les cieux. Est-il rien de plus attendrissant que ce regard des disciples fixé sur leur Maître divin qui s'élève tout à coup en les bénissant ? Mais un nuage vient s'interposer entre Jésus et eux, et leurs yeux mouillés de larmes ont perdu la trace de son passage. Ils sont seuls désormais sur la montagne ; Jésus leur a enlevé sa présence visible. Dans ce monde désert, quel ne serait pas leur ennui, si sa grâce ne les soutenait, si l'Esprit divin n'était au moment de descendre sur eux et de créer en eux un nouvel être ? Ce n'est donc plus qu'au ciel qu'ils le reverront, celui qui, étant Dieu, daigna durant trois années être leur Maître, et qui, à la dernière Cène, voulut bien les appeler ses amis !


Sacramentarium mettense, dit usuellement
sacramentaire de Drogon. Lorraine. IXe.

Mais le deuil n'est pas pour eux seulement. Cette terre qui recevait en frémissant de bonheur la trace des pas du Fils de Dieu, ne sera plus foulée par ses pieds sacrés. Elle a perdu cette gloire qu'elle attendit quatre mille ans, la gloire de servir d'habitation à son divin auteur. Les nations sont dans l'attente d'un Libérateur ; mais, hors de la Judée et de la Galilée, les hommes ignorent que ce Libérateur est venu et qu'il est remonté aux cieux.


Eglise de l'Invention-de-Saint-Etienne. Germ. Pyrénées. XVIIe.

L'œuvre de Jésus cependant n'en demeurera pas là. Le genre humain connaîtra sa venue ; et, quant à son Ascension au ciel en ce jour, écoutez la voix de la sainte Eglise qui dans les cinq parties du monde retentit et proclame le triomphe de l'Emmanuel. Dix-huit siècles se sont écoulés depuis son départ, et nos adieux pleins de respect et d'amour s'unissent encore à ceux que lui adressèrent ses disciples, pendant qu'il s'élevait au ciel. Nous aussi nous pleurons son absence ; mais nous sommes heureux aussi de le voir glorifié, couronné, assis à la droite de son Père.


Evangeliarium, dit usuellement évangéliaire de Poussay.
Allemagne. Xe.

" Vous êtes entré dans votre repos, Seigneur ; nous vous adorons sur votre trône, nous qui sommes vos rachetés, votre conquête. Bénissez-nous, attirez-nous à vous, et daignez faire que votre dernier avènement soit notre espoir et non notre crainte."

ÉVANGILE

La suite du saint Evangile selon saint Marc. Chap, XVI.


Orationes encomiasticae in SS. Virginem Dei param.
Jacobus Kokkinobaphi. Constantinople. XIIe.

" En ce temps-là, les onze disciples étant à table, Jésus leur apparut, et il leur reprocha leur incrédulité et la dureté de leurs cœurs, de n'avoir pas cru à ceux qui avaient vu qu'il était ressuscité. Et il leur dit :
" Allez par le monde entier, prêchez l'Evangile à toute créature. Celui qui croira et qui sera baptisé, sera sauvé ; mais celui qui ne croira pas sera condamné. Voici les miracles qui accompagneront ceux qui auront cru : ils chasseront les démons en mon nom ; ils parleront des langues nouvelles ; ils prendront les serpents avec la main ; et s'ils boivent quelque breuvage mortel, il ne-leur nuira pas ; ils imposeront les mains sur les malades, et les malades seront guéris."
Et après leur avoir parlé, le Seigneur Jésus fut élevé au ciel, où il est assis à la droite de Dieu.
Et eux étant partis prêchèrent partout, le Seigneur coopérant avec eux, et confirmant leur parole par les miracles qui l'accompagnaient."


Tryptique de l'Ascension. Ivoire. France. XIe.

Le diacre ayant achevé ces paroles, un acolyte monte à l'ambon, et éteint silencieusement le Cierge mystérieux qui nous rappelait la présence de Jésus ressuscité. Ce rite expressif annonce le commencement du veuvage de la sainte Eglise, et avertit nos âmes que pour contempler désormais notre Sauveur, il nous faut aspirer au ciel où il réside. Que rapide a été son passage ici-bas ! Que de générations se sont succédées, que de générations se succéderont encore jusqu'à ce qu'il se montre de nouveau !


Bible historiale. Guiard des Moulins. Abbaye de Saint-Omer. XIVe.

Loin de lui, la sainte Eglise ressent les langueurs de l'exil ; elle persévère néanmoins à habiter cette vallée de larmes ; car c'est là qu'elle doit élever les enfants dont le divin Epoux l'a rendue mère par son Esprit ; mais la vue de son Jésus lui manque, et si nous sommes chrétiens, elle doit nous manquer aussi à nous-mêmes.
" Oh ! quand viendra le jour où, de nouveau revêtus de notre chair, nous nous élancerons dans les airs à la rencontre du Seigneur, pour demeurer avec lui à jamais !" (I Thess. IV, 16.).
C'est alors, et seulement alors, que nous aurons atteint la fin pour laquelle nous fûmes créés.
Tous les mystères du Verbe incarné que nous avons vu se dérouler jusqu'ici devaient aboutir à son Ascension ; toutes les grâces que nous recevons jour par jour doivent se terminer à la nôtre.


Bible. Bourbonnais. XIIe.

" Ce monde n'est qu'une figure qui passe " (I Cor. VII, 31.) ; et nous sommes en marche pour aller rejoindre notre divin Chef. En lui est notre vie, notre félicité ; c'est en vain que nous voudrions les chercher ailleurs. Tout ce qui nous rapproche de Jésus nous est bon ; tout ce qui nous en éloigne est mauvais et funeste. Le mystère de l'Ascension est le dernier éclair que Dieu fait luire à nos regards pour nous montrer la voie. Si notre coeur aspire à retrouver Jésus, c'est qu'il vit de la vraie vie ; s'il est concentré dans les choses créées, en sorte qu'il ne ressente plus l'attraction du céleste aimant qui est Jésus, c'est qu'il serait mort.


Evangeliarium. Prüm. Allemagne. XIIe.

Levons donc les yeux comme les disciples, et suivons en désir celui qui monte aujourd'hui et qui va nous préparer une place. En haut les coeurs ! Sursum corda ! C'est le cri d'adieu que nous envoient nos frères qui montent à la suite du divin Triomphateur ; c'est le cri des saints Anges accourus au-devant de l'Emmanuel, et qui nous invitent à venir renforcer leurs rangs.


Sacramentaire. Normandie. XIe (1020).

PRIERE

" Sois donc béni, Ô Cierge de la Pâque, colonne lumineuse, qui nous as réjouis quarante jours par ta flamme joyeuse et brillante. Tu nous parlais de Jésus, notre flambeau dans la nuit de ce monde ; maintenant ta lumière éteinte nous avertit qu'ici-bas on ne voit plus Jésus, et que pour le voir désormais, il faut s'élever au ciel. Symbole chéri que la main maternelle de la sainte Eglise avait créé pour parler à nos coeurs en attirant nos regards, nous te faisons nos adieux ; mais nous conservons le souvenir des saintes émotions que ta vue nous fit ressentir dans tout le cours de cet heureux Temps pascal que tu fus chargé de nous annoncer, et qui à peine te survivra de quelques jours."


Dyptique de l'Ascension et de la Pentecôte. Ivoire franc du XIVe.

29 mai. Sainte Marie-Madeleine de Pazzi, Carmélite. 1607.

- Sainte Marie-Madeleine de Pazzi, Carmélite. 1607.
 
Pape : Paul V.
 
" Elle aimait le prochain au-dessus de toute expression. Elle avait pris l'habitude de ne pas dire les hommes mais les âmes."
 

Sainte Marie-Madeleine de Pazzi. Bartolommeo Gennari. XVIIe siècle.

Le Cycle pascal nous offre trois illustres vierges que l'Italie a produites. Nous avons salué dans notre admiration la vaillante Catherine de Sienne ; sous peu de jours, nous célébrerons Angèle de Mérici, entourée de son essaim de jeunes filles ; aujourd'hui le lis de Florence, Madeleine de Pazzi, embaume toute l'Eglise de ses parfums. Elle a été l'amante et l'imitatrice du divin crucifié ; n'est-il pas juste qu'elle ait part aux allégresses de sa résurrection ?

Madeleine de Pazzi a brillé sur le Carmel par son éclatante pureté et par l'ardeur de son amour. Elle a été, comme Philippe Néri, l'une des plus éclatantes manifestations de la divine charité au sein de la vraie Eglise, se consumant à l'ombre du cloître comme Philippe dans les labeurs du ministère des âmes, ayant recueilli l'un et l'autre, pour l'accomplir en eux, cette parole de l'Homme-Dieu :
" Je suis venu allumer le feu sur la terre ; et quel est mon désir, sinon qu'il s'enflamme ?" (Luc. XII. 40.).

La vie de l'Epouse du Christ fut un miracle continuel. L'extase et les ravissements étaient journaliers chez elle. Les plus vives lumières lui furent communiquées sur les mystères, et, afin de l'épurer davantage pour ces sublimes communications, Dieu lui fit traverser les plus redoutables épreuves de la vie spirituelle. Elle triompha de tout, et son amour montant toujours, elle ne trouvait plus de repos que dans la souffrance, par laquelle seule elle pouvait alimenter le feu qui la consumait. En même temps son cœur débordait d'amour pour les hommes ; elle eût voulu les sauver tous, et sa charité si ardente pour lésâmes s'étendait avec héroïsme jusqu'à leurs corps. Tant que dura ici-bas cette existence toute séraphique, le ciel regarda Florence avec une complaisance particulière ; et le souvenir de tant de merveilles a maintenu dans cette ville, après plus de deux siècles, un culte fervent à l'égard de l'insigne épouse du Sauveur des hommes.

L'un des plus frappants caractères de la divinité et de la sainteté de l'Eglise apparaît dans ces existences privilégiées, sur lesquelles se montre avec tant d'éclat l'action directe des mystères de notre salut.
" Dieu a tant aimé le monde, qu'il lui a donné son Fils unique." (Johan. III, l6.).
 
Et ce Fils de Dieu daigne se passionner pour une de ses créatures, produisant en elle de tels effets, que tous les hommes sont à même d'y prendre une idée de l'amour dont son Cœur divin est embrasé pour ce monde qu'il a racheté au prix de son sang. Heureux ceux qui savent goûter ce spectacle, qui savent rendre grâces pour de tels dons ! Ils ont la vraie lumière, tandis que ceux qui s'étonnent et hésitent font voir que les lueurs qui sont en eux luttent encore avec les ténèbres de la nature déchue.

Chapelle des Pazzi. Filippo Brunelleschi. XIVe.

Sainte Marie-Madeleine de Pazzi, l'une des fleurs les plus suaves qui aient embaumé les jardins du Carmel, naquit le 2 avril 1566 à Florence de l'illustre famille des Pazzi. Son père était Camille Géri de Pazzi et sa mère Marie-Laurence de Bondelmonte. Elle fut nommée Ctaherine à son baptême en l'honneur de sainte Catherine de Sienne qu'elle eut toujours en grande vénération.

Dès l'âge de sept ans, à l'école du Ciel, elle était formée à l'oraison, et elle paraissait presque un prodige de mortification. Toute une nuit elle porta une couronne d'épines sur sa tête, avec des douleurs inexprimables, pour imiter son Amour crucifié. Chaque fois que sa mère avait communié, l'enfant s'approchait d'elle et ne pouvait plus la quitter, attirée par la douce odeur de Jésus-Christ.

A partir de sa Première Communion, elle fut prête à tous les sacrifices, et c'est dès lors qu'elle fit à Jésus le voeu de n'avoir jamais d'autre époux que Lui. C'est en effet à l'âge de 12 ans qu'elle fit le voeu de conserver la virginté. Aussi, quand plus tard, son père voulut la marier, elle s'écria :
" Je livrerais plutôt ma tête au bourreau que ma chasteté à un homme."
Son père avait été nommé gouverneur de la ville de Cortone par le grand-duc de Toscane et avait laissé notre sainte en pension chez les religieuses de Saint-Jean à Florence.

A son retour il lui chercha un parti mais sainte Marie-Madeleine de Pazzi lui représenta son désir d'entrer au Carmel. Elle y entra en habit séculier et quinze jours après en ressortit pour trois mois par obéissance pour son père qui voulait éprouver sa vocation. Enfin, elle fut admise définitivement au Carmel avec la bénédiction affectueuse et chaleureuse de ses parents.


Sainte Marie-Madeleine de Pazzi quelques temps avant
son entrée au Carmel. Tito di Santi. XVIIe.

La sainte épouse du Christ entra au Carmel, parce qu'on y communiait presque tous les jours. Dès lors sa vie est un miracle continuel ; elle ne vit que d'extases, de ravissements, de souffrances, d'amour. Pendant cinq années, elle fut assaillie d'affreuses tentations ; son arme était l'oraison, durant laquelle elle s'écriait souvent :
" Où êtes-Vous, mon Dieu, où êtes-Vous ?"
Un jour, tentée plus fortement qu'à l'ordinaire, elle se jeta dans un buisson d'épines, d'où elle sortit ensanglantée, mais victorieuse.

Le feu de l'amour divin était si brûlant en elle, que n'en pouvant supporter l'ardeur, elle était obligée pour la tempérer de répandre de l'eau sur sa poitrine. Souvent ravie hors d'elle-même, elle éprouvait de longues et merveilleuses extases, dans lesquelles elle pénétrait les mystères célestes, et recevait de Dieu des faveurs admirables. Fortifiée par ces secours, elle soutint un long combat contre les princes des ténèbres, livrée à la sécheresse et à la désolation, abandonnée de tout le monde, et poursuivie de diverses tentations, par la permission de Dieu, qui voulait en faire le modèle d'une invincible patience et de la plus profonde humilité.

Mais Notre Seigneur ne l'abandonna pas qui lui prescrivit des règles admirables pour la conduite de sa vie :
1. d'avoir la même pureté dans toutes ses paroles et toutes ses actions que si elles étaient les dernières heures de sa vie,
2. De ne donner jamais d'avis sans avoir auparavant consulté Jésus-Christ attaché à Sa croix,
3. D'avoir toujours un saint empressement de fair la charité aux autres,
4. De ne faire pas plus de cas de son corpsque de la terre qu'on foule aux pieds,
5. de ne refuser jamais à personne ce qu'elle pourrait accorder,
6. d'avoir autant qu'il lui serait possible beaucoup de condescendance pour les autres,
7. De faire autant de cas de ces règles que si Jésus-Christ même les lui avait données,
8. d'offrir souvent, depuis les six heures du soir jusqu'au temps de la communion, la Passion de Jésus-Christ à son père, et de s'offrir aussi elle-même, et toutes les créatures, en mémoire de ce qu'il fut séparé de sa sainte Mère depuis sa Passion jusqu'à la Résurrection et, enfin, de tâcher de visiter le trèes-saint Sacrement le jour et le nuit, jusqu'à trente fois, si la charité ou l'obéissance ne lui en ôtait les moyens,
9. d'être toujours, et en toutes ses actions, transformée en Jésus-Christ, par la résignation à Sa volonté.


Alessandro Rossi. XVIIe.

Elle avait tant de plaisir à proférer ces mots : " La Volonté de Dieu !" qu'elle les répétait continuellement, disant à ses soeurs :
" Ne sentez-vous pas combien il est doux de nommer la Volonté de Dieu ?"
Un jour, ravie en extase, elle alla par tout le couvent en criant :
" Mes soeurs, oh ! que la Volonté de Dieu est aimable !"
Il plut à Dieu de la crucifier longtemps par des douleurs indicibles, qui la clouaient sur son lit, dans un état d'immobilité en même temps que de sensibilité extraordinaire. Loin de demander soulagement, elle s'écriait bien souvent :
" Toujours souffrir et ne jamais mourir !"

Son coeur était un brasier ardent consumé par l'amour. Quinze jours avant sa mort, elle dit :
" Je quitterai le monde sans avoir pu comprendre comment la créature peut se résoudre à commettre un péché contre son Créateur."
Elle répétait souvent :
" Si je savais qu'en disant une parole à une autre fin que pour l'amour de Dieu, je dusse devenir plus grande qu'un Séraphin, je ne le ferais jamais."
Près de mourir, ses dernières paroles à ses soeurs furent celles-ci :
" Je vous prie, au nom de Notre-Seigneur, de n'aimer que Lui seul !"

Elle rendit son âme le 15 mai 1607, le lendemain de l'Ascension à midi. Son visage devint si beau et si vermeil que personne ne se lassait de le regarder.
Son corps, revêtu d'une tunique, d'un scapulaire et d'un manteau de taffetas blanc, fut inhumé derrière le grand autel, où, deux ans après, il fut trouvé aussi sain et intact que le jour où il y avait été mis ; de plus, son corps exhalait un parfum admirable, quoiqu'il eût été inhumé sans cerceuil et sans avoir été embaumé.
Urbain VIII l'a déclarée bienheureuse et Clément X l'a canonisée.
Une de ses reliques se trouvait encore au début du XXe siècle à l'Hôtel-Dieu d'Abbeville.


Allégorie du Carmel. Carmel Notre-Dame-de-l'Incarnation. Tours. XIXe.
 
 
 
 
PRIERE
 
 
" Votre vie ici-bas, Ô Madeleine, a semblé celle d'un ange que la volonté divine eût captivé sous les lois de notre nature inférieure et déchue. Toutes vos aspirations vous entraînaient au delà des conditions de la vie présente, et Jésus se plaisait à irriter en vous cette soif d'amour qui ne pouvait s'apaiser qu'aux sources jaillissantes de la vie éternelle. Une lumière céleste vous révélait les mystères divins, votre cœur ne pouvait contenir les trésors de vérité et d'amour que l'Esprit-Saint y accumulait; et alors votre énergie se réfugiait dans le sacrifice et dans la souffrance, comme si l'anéantissement de vous-même eût pu seul acquitter la dette que vous aviez contractée envers le grand Dieu qui vous comblait de ses faveurs les plus chères.

Âme de séraphin, comment vous suivrons-nous ? Qu'est notre amour auprès du vôtre ? Nous pouvons cependant nous attacher de loin à vos traces. L'année liturgique était le centre de votre existence ; chacune de ses saisons mystérieuses agissait sur vous, et vous apportait, avec de nouvelles lumières, de nouvelles ardeurs. L'Enfant divin de Bethlehem, la sanglante Victime de la croix, le glorieux Epoux vainqueur de la mort, l'Esprit rayonnant de sept dons ineffables, vous ravissaient tour à tour ; et votre âme, renouvelée par cette succession de merveilles, se transformait toujours plus en celui qui, pour s'emparer de nos coeurs, a daigné se traduire lui-même dans ces gestes immortels que la sainte Eglise nous fait repasser chaque année avec le secours d'une grâce toujours nouvelle. Vous aimiez ardemment les âmes durant votre vie mortelle, Ô Madeleine ; votre amour s'est accru encore dans la possession du bien suprême ; obtenez-nous la lumière pour voir mieux ce qui ravissait toutes vos puissances, l'ardeur de l'amour pour aimer mieux ce qui passionnait votre coeur."

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