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mercredi, 07 février 2024

7 février. Saint Romuald, abbé, fondateur de l'Ordre des Camaldules. 1027.

- Saint Romuald, abbé fondateur de l'Ordre des Camaldules. 1027.

Pape : Jean XIX. Roi de France : Robert II, le Pieux. Empereur romain germanique : Conrad II, le Salique.

" Homicide point ne seras... "

" Ne pleurez pas trop car cela affaiblit la vue et la tête."
Saint Romuald à ses religieux.


Saint Romuald. Sebastiano del Piombo. XVe.

La série des Martyrs est interrompue pour deux jours sur le Cycle sacré ; nous fêtons aujourd'hui un des héros de la pénitence, Romuald, l'ange des forêts de Camaldoli. C'est un des fils du grand patriarche Benoît ; père, après lui, d'une longue postérité. La filiation bénédictine se poursuit, directe, jusqu'à la fin des temps ; mais du tronc de cet arbre puissant sortent en ligne collatérale quatre glorieux rameaux toujours adhérents, et auxquels l'Esprit-Saint a donné vie et fécondité pour de longs siècles; ce sont : Camaldoli par Romuald, Cluny par Odon, Vallombreuse par Jean Gualbert, et Cîteaux par Robert de Molesmes.

Aujourd'hui, Romuald réclame nos hommages ; et si les Martyrs que nous avons déjà rencontrés, et que nous rencontrerons encore sur la route qui nous conduit à l'expiation quadragésimale, nous offrent un précieux enseignement par le mépris qu'ils ont fait de la vie, les saints pénitents, comme le grand Abbé de Camaldoli, nous présentent une leçon plus pratique encore. " Ceux qui sont à Jésus-Christ, dit l'Apôtre, ont crucifié leur chair avec ses vices et ses convoitises " (Gal. V, 24.) ; c'est donc la condition commune de tout chrétien ; mais quel puissant encouragement nous donnent ces généreux athlètes de la mortification qui ont sanctifié les déserts par les œuvres héroïques de leur pénitence, enlevant ainsi toute excuse à notre lâcheté qui s'effraie des légères satisfactions que Dieu exige pour nous rendre ses bonnes grâces ! Acceptons la leçon qui nous est donnée, et offrons de bon cœur au Seigneur que nous avons offensé le tribut de notre repentir, avec les œuvres qui purifient les âmes.


Paolo Domenico Finoglio. XVIIe.

Romuald, né à Ravenne et fils de Sergius, homme de noble race, se retira dès sa jeunesse dans le monastère de Saint-Apollinaire en Classe, près de Ravenne, pour y faire pénitence. Les discours d'un saint religieux l'animèrent fortement à la piété, et à la suite de deux apparitions qu'il eut de saint Apollinaire, pendant la nuit, dans son église, il se fit moine selon la prédiction que lui en avait faite ce serviteur de Dieu. Peu après, il se rendit auprès d'un personnage nommé Marin, qui était célèbre par la sainteté et l'austérité de sa vie, sur les terres des Vénitiens ; désirant l'avoir pour maître et pour guide, dans le chemin étroit et sublime de la perfection.

Il eut à souffrir les embûches de Satan et l'envie de la part des hommes ; mais il s'en montrait d'autant plus humble, s'exerçant assidûment aux jeûnes et à la prière. De plus, son ange gardien, et saint Michel archange lui-même, le secourèrent à de nombreuses reprises contre les démons qui le tourmentaient.


Saint Michel met en déroute un démon qui persécutait saint Romuald.
Le Guercin. XVIIe.

Lorsqu'il se livrait à la contemplation des choses célestes, il répandait d'abondantes larmes ; mais il ne laissait pas d'avoir toujours le visage si joyeux, qu'il réjouissait tous ceux qui le considéraient. Il fut en grand honneur auprès des princes et des rois, et plusieurs par son conseil renoncèrent aux attraits du monde et se retirèrent dans la solitude. Enflammé du désir du martyre, il partit pour la Pannonie, dans l'espoir de l'y rencontrer ; mais une maladie qui le tourmentait à mesure qu'il avançait, et qui le quittait lorsqu'il revenait sur ses pas, l'obligea de s'en retourner.

C'est à l'âge d'environ cent ans qu'il se fit offrir un champ dans les Appenins par le comte de Maldoli pour y établir un nouveau monastère (d'où le nom de Camaldule : le champ de Maldoli) et qu'il changea l'habit noir des bénédictins pour le blanc qui devait dès lors être celui de son Ordre.


Saint Romuald. Monastère de la Sainte-Croix. Campanie. Italie.

Il éclata par des miracles durant sa vie et après sa mort, et il eut aussi l'esprit de prophétie. Comme le Patriarche Jacob, il vit une échelle qui s'élevait de la terre au ciel, et par laquelle montaient et descendaient des hommes vêtus de blanc, et il reconnut que cette vision merveilleuse désignait les moines Camaldules dont il a été l'instituteur. Enfin, après avoir vécu cent vingt ans, et servi Dieu pendant cent ans par la vie la plus austère, il alla au ciel, l'an du salut mil vingt-sept. Son corps fut trouvé dans son intégrité, cinq ans après qu'il eut été enseveli, et on le déposa avec honneur dans l'Eglise de son Ordre à Fabriano.


Saint Romuald enseignant les religieux camaldules.
Andrea Sacchi. XVIIe.
 

PRIERE

" Ami de Dieu, Romuald, que votre vie a été différente de la nôtre ! Nous aimonsle monde et ses agitations ; c'est à peine si la pensée de Dieu traverse quelquefois nos journées d'un fugitif souvenir ; plus rarement encore est-elle le mobile de nos actions. Cependant chaque heure qui s'écoule nous approche de ce moment où nous nous trouverons en face de Dieu, chargés de nos œuvres bonnes et mauvaises, sans que rien ne puisse plus modifier la sentence que nous nous serons préparée. Vous n'avez pas entendu ainsi la vie, Ô Romuald ! Il vous a semblé qu'une pensée unique devait la remplir tout entière, un seul intérêt la préoccuper, et vous avez marché constamment en présence de Dieu. Pour n'être pas distrait de ce grand et cher objet, vous avez cherché le désert ; là, sous la règle du saint Patriarche des moines, vous avez lutté contre le démon et la chair ; vos larmes ont lavé vos péchés, si légers en comparaison des nôtres ; votre cœur, régénéré dans la pénitence, a pris son essor d'amour vers le Sauveur des hommes, et vous eussiez voulu lui offrir jusqu'à votre sang.


Saint Romuald. Ermitage camaldule Saint-Georges.
Bardolino. Italie. XVIe.

Vos mérites sont notre bien aujourd'hui, par cette heureuse communion que le Seigneur a daigné établir entre les plus saintes âmes et nous pécheurs. Aidez-nous donc dans la carrière de pénitence qui commencera bientôt ; nous avons tant besoin de mettre la faiblesse de nos œuvres à couvert sous la plénitude des vôtres ! Au fond de votre solitude, sous les ombrages de votre Eden de Camaldoli, vous aimiez les hommes vos frères, et jamais ils n'approchèrent de vous sans être captivés par votre aimable et douce charité : montrez-leur que vous les aimez toujours. Souvenez-vous aussi de l'Ordre que vous avez fondé ; fécondez ses restes vénérables, et faites qu'il soit toujours aux âmes que le Seigneur y appelle une échelle sûre pour monter jusqu'à lui."

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mardi, 06 février 2024

6 février. Sainte Dorothée, vierge, saint Théophile, magistrat, et leurs compagnons, martyrs à Césarée en Cappadoce. 304.

- Sainte Dorothée de Césarée, vierge, saint Théophile, magistrat, sainte Chrétienne et sainte Calliste, tous martyrs à Césarée en Cappadoce. 304.

Pape : Saint Marcellin. Empereur romain d'Orient : Maximien-Hercule. Empereur romain d'Occident : Dioclétien.

" Seigneur Jésus, accepter le don de notre patience et accordez-nous pardon et indulgence."
Actes de sainte Dorothée.

Sainte Dorothée de Césarée. Francisco de Zurbarán. XVIIe.

Aujourd’hui encore, c'est une des plus aimables Epouses du Christ qui vient nous consoler par sa présence ; c'est Dorothée, la vierge naïve et courageuse qui sème les plus gracieux prodiges sur la route qui la conduit au martyre. Notre sainte religion nous offre seule ces admirables scènes, où l'on voit un sexe timide déployer une énergie qui surpasse quelquefois peut-être celle que nous admirons dans les plus vaillants martyrs. On sent que Dieu se plaît à voir briser la tête de son ennemi sous la faiblesse même de ce pied que Satan redoute.

L'inimitié que le Seigneur a scellée entre la femme et le serpent, produit dans les annales de l'Eglise ces luttes sublimes dans lesquelles l'Ange rebelle succombe, avec d'autant plus de honte et de rage, que son vainqueur lui semblait moins digne d'exciter ses alarmes. Il doit savoir maintenant, après tant de rudes expériences, combien est redoutable pour lui la femme chrétienne ; et nous qui comptons tant d'héroïnes parmi les ancêtres de notre grande famille, nous devons en être fiers et chérir leur mémoire. Appuyons-nous donc sur leur constante protection ; elles sont puissantes sur le cœur de l'Epoux. Entre toutes, Dorothée occupe un des premiers rangs ; glorifions sa victoire, et méritons son secours.

Sainte Dorothée. Heures à l'usage de Sarum. XVe.

Sainte Dorothée, vierge de Césarée en Cappadoce, fut arrêtée par ordre d'Apricius, gouverneur de cette province, parce qu'elle confessait le nom de Jésus-Christ, et on la livra à deux sœurs, nommées Crysta (ou Chrétienne) et Calliste, qui avaient abandonné la foi, afin qu'elles la fissent changer de résolution. Mais ce fut elle au contraire qui fit revenir les deux sœurs à leur ancienne foi ; c'est pourquoi elles furent jetées dans une chaudière, où elles périrent par le feu.

Le gouverneur fit étendre Dorothée sur le chevalet ; mais il n'en obtint que ces paroles :
" Jamais, dans toute ma vie, je n'ai goûté un bonheur pareil à celui que j'éprouve en ce moment."
Il ordonna donc de brûler des torches ardentes, les flancs de la vierge avec, puis de la frapper longtemps au visage, enfin de lui trancher la tête.

Sainte Dorothée conduite au martyre.
Dessin. Ecole française. Pierre Verdier. XVIIe.

Comme on la menait au supplice, elle dit ces paroles :
" Recevez mes actions de grâces, Ô ami des âmes, qui avez daigné m'appeler aux délices de votre Paradis."
Un certain Théophile, officier du gouverneur, l'entendit, et se moquant de la vierge :
" Eh bien ! dit-il, épouse du Christ, envoie-moi du jardin de ton époux des pommes ou des roses."
Et Dorothée lui répondit :
" Je le ferai certainement."
Avant de recevoir le coup de la mort, ayant obtenu la permission de prier quelques instants, un enfant de la plus grande beauté apparut tout à coup devant elle, portant  dans un linge trois pommes et trois roses. La sainte lui dit :
" Portez, je vous prie, ceci à Théophile."
Elle eut ensuite la tête tranchée, et elle alla se réunir au Christ.

Décollation de sainte Dorothée. Dessin. Raffaello Motta. XVIe.

Au moment même où Théophile racontait, en se jouant, à ses compagnons la promesse que Dorothée lui avait faite, voici que l'enfant se présente devant lui portant dans le linge trois pommes des plus belles, et trois roses des plus vermeilles, et lui dit :
" Selon ta demande, la très sainte vierge Dorothée t'envoie ceci du jardin de son époux."
Comme on était au mois de février, et que la gelée sévissait sur toute la nature, Théophile fut saisi d'étonnement, et, en recevant ce qu'on lui présentait, il s'écria :
" Le Christ est vraiment Dieu !"

Cette profession publique de la foi chrétienne l'exposait à un cruel martyre : saint Théophile le souffrit héroïquement.

Sainte Dorothée. Dessin. Mathias Grünewald. XVIe.

SEQUENCE

Parmi les pièces liturgiques que contiennent en l'honneur de sainte Dorothée les Missels et les Bréviaires du moyen âge, nous choisirons la Prose suivante qui est d'origine allemande, et convient parfaitement au Temps de la Septuagésime :

" Unissons-nous dans un concert harmonieux ; avec mélodie et dans la joie de nos cœurs, faisons entendre un chant de triomphe.

Dans cette fête pleine d'allégresse, que les cœurs purs, que les voix les plus douces entonnent les louanges de Dorothée.

Servante du Christ, généreuse et sans tache, brillante lumière de ce monde, tu nous enivres d'un vin mystérieux.

Habitante du Paradis, pour le mal tu rends le bien ; à un infidèle tu envoies les dons du ciel, des roses, des fruits odorants.

Tu as mené la vie des Anges ; soumise aux liens de la chair, tu n'en as pas senti le poids ; ton amour pour le Seigneur dédaigne les noces mortelles.

Martyre du Christ, tu foules aux pieds les dieux profanes, tu rends la foi à des âmes redevenues païennes ; en elles tu restitues la pureté des mœurs.

Dans l'éclat de ta beauté, tu es semblable à la rose vermeille et odorante ; ton courage brille dans le combat, sous les menaces de Fabricius.

On te charge de chaînes, tes membres sont étendus sur le chevalet, le bourreau te frappe au visage ; mais tu demeures exempte de toute souillure.

Sainte Dorothée offrant la corbeille de fruits et de roses
à la très sainte Vierge Marie et à son divin Fils.
David Téniers le Jeune. Bruxelles. XVIIe.

Une troupe perverse, pleine d'espérances coupables, loin d'écouter la parole de Dieu que ta bouche lui annonce, meurtrit sans pitié les traits où brille la lumière céleste.

Dans sa fureur, elle accroît encore les tortures cruelles auxquelles elle t'a soumise ; conduites par sa main, des torches ardentes dévorent ton sein  virginal.

A tes pieds, nous implorons ton secours ; sainte Martyre, donne-nous la crainte du péché, obtiens-nous le temps de faire une vraie pénitence.

Vierge pleine de tendresse, efface nos péchés, nourris nos âmes, règle notre vie ; empêche que, pour nos négligences, nous ne soyons condamnés par la loi redoutable.

Epouse du Christ, Ô Dorothée, par tes mérites rends-nous le bonheur ; que nos cœurs coupables étant purifiés, nous devenions dignes de la récompense.

Apaise Dieu irrité contre nous, afin qu'il daigne, après cet exil, nous octroyer cette place que nous ambitionnons dans son sein, au plus haut des cieux.

Amen."

Sainte Dorothée. Imagerie populaire. Diot éditeur. Beauvais. XIXe.

PRIERE

" Vous êtes fidèle à vos promesses, Ô Dorothée, et dans les jardins de votre Epoux céleste, vous n'oubliez pas les habitants de la terre. Théophile l'éprouva ; mais le plus beau des présents qu'il vous plut de lui adresser, ne fut pas la corbeille de fleurs et de fruits qui dégageait votre parole ; le don de la foi, la persévérance dans le combat, furent des biens autrement précieux.

Ô Vierge ! Envoyez-nous donc des dons pareils. Nous avons besoin de courage pour rompre avec le monde et avec nos passions ; nous avons besoin de nous convertir et de revenir à Dieu ; nous sommes appelés à partager la félicité dont vous jouissez ; mais nous ne pouvons plus y avoir accès que par la pénitence. Soutenez-nous, fortifiez-nous, afin que, au jour de la Pâque de votre Epoux, nos âmes lavées dans le sang de l'Agneau soient odorantes comme les beaux fruits du ciel, vermeilles comme les roses que votre main cueillit en faveur d'un mortel."

Sainte Dorothée. Eglise Saint-Germain-d'Auxerre.
Genovesio. Gyé-sur-Seine. Champagne. France. XVIIIe.

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lundi, 05 février 2024

5 février. Sainte Agathe, vierge et martyre. 251.

- Sainte Agathe, vierge et martyre. 251.

Pape : Saint Corneille. Empereurs romains (période de l'anarchie militaire) : Trajan Dèce ; Herennius Etruscus ; Trébonien Galle ; Hostulien ; Volusien.

" A la messe, immédiatement après l'élévation, le prêtre récite une oraison où il prie Dieu de nous faire participer à la gloire des Apôtres et des Martyrs... Dans cette prière sont nommés plusieurs saints, entre autres sainte Agathe. Pour être jugée digne de l'honneur que lui fait l'Eglise de répéter son nom à tant de messes, depuis tant de siècles, il faut que sa sainteté ait été bien grande et bien extraordinaire.
Le doigt de Dieu est ici ! Cette gloire vient de Dieu ! Glorifions Dieu dans les saints !"


Francisco de Zurbaran. XVIIe.

Déjà deux de ces quatre illustres Vierges dont le souvenir est associé aux mérites de l'Agneau, dans la célébration du Sacrifice, ont passé devant nous dans leur marche triomphale sur le Cycle de la sainte Eglise ; la troisième se lève aujourd'hui sur nous, comme un astre aux plus doux rayons. Après Lucie et Agnès, Agathe vient nous consoler par sa gracieuse visite. La quatrième, l'immortelle Cécile, se lèvera en son temps, lorsque l'année inclinant à sa fin, le ciel de l'Eglise paraîtra tout à coup resplendissant de la plus magnifique constellation. Aujourd'hui fêtons Agathe, la Vierge de Sicile, la sœur de Lucie. Que les saintes tristesses du temps où nous sommes n'enlèvent rien à la plénitude des hommages qui sont dus à Agathe. En chantant sa gloire, nous contemplerons ses exemples ; du haut du ciel elle daignera nous sourire, et nous encourager dans la voie qui seule peut nous ramener à celui qu'elle a suivi noblement jusqu'à la fin, et auquel elle est réunie pour jamais.


Sainte Agathe. Tableau processionnel. Jacopo del Casentino. XIVe.

Agathe tire son nom de agios, qui veut dire saint, et de Theos, Dieu, Sainte de Dieu.
Trois qualités font les saints, comme dit saint Jean Chrysostome, et elles furent toutes réunies en elle. Elles sont : la pureté du coeur, la présence de l’Esprit-Saint et l’abondance des bonnes oeuvres.

Ou bien Agathe vient encore de a privatif, sans, de geos terre, et Theos, Dieu, comme on dirait une divinité sans terre, c'est-à-dire, sans amour des biens de la terre.

Ce mot viendrait encore, de aga, qui signifie parlant et thau, consommation, comme ayant parlé d'une manière consommée et parfaite, ainsi qu'on peut s'en assurer par ses réponses.
Ou bien il viendrait d'agath, esclavage et thaas, souverain, ce qui voudrait dire servitude souveraine, par rapport à ces paroles qu'elle prononça :
" C'est une souveraine noblesse que celle par laquelle on prouve qu'on est au service de Notre Seigneur Jésus-Christ."

Agathe viendrait encore d'aga, solennel, et thau, consommé, comme si on disait consommée ; ensevelie solennellement ; puisque les anges lui rendirent ce bon office.

Deux villes de Sicile, Palerme et Catane, se disputent l'honneur d'avoir donné naissance à sainte Agathe ; ce qui est certain, c'est qu'elle fut martyrisée à Catane, sous l'empereur Dèce.

Sainte Agathe, vierge de race noble et très belle de corps, honorait sans cesse Dieu en toute sainteté dans la ville de Catane. Or, Quintien, consulaire en Sicile, homme ignoble, voluptueux, avare et adonné à l’idolâtrie, faisait tous ses efforts pour se rendre maître d'Agathe.
Comme il était de basse extraction, il espérait en imposer en s'unissant à une personne noble ; étant voluptueux, il aurait joui de sa beauté ; en s'emparant de ses biens, il satisfaisait son avarice ; puisqu'il était idolâtre, il la contraindrait d'immoler aux dieux.
Il se la fit donc amener. Arrivée en sa présence, et avant connu son inébranlable résolution, il la livra entre les mains d'une femme de mauvaise vie nommée Aphrodisie, et à ses neuf filles débauchées comme leur mère, afin que, dans l’espace de trente jours, elles la fissent changer de résolution.


Eglise Sainte Agathe. Catane, Sicile.

Elles espéraient ; soit par de belles promesses, soit par des menaces violentes, qu'elles la détourneraient de son bon propos. La bienheureuse Agathe leur dit :
" Ma volonté est assise sur la pierre et à Notre Seigneur Jésus-Christ pour base ; vos paroles sont comme le vent, vos promesses comme la pluie, les terreurs que vous m’inspirez comme les fleuves. Quels que soient leurs efforts, les fondements de ma maison restent solides, rien ne pourra l’abattre."
En s'exprimant de la sorte, elle ne cessait de pleurer et chaque jour elle priait avec le désir de parvenir à la palme du martyre. Aphrodisie voyant Agathe rester inébranlable dit à Quintien :
" Amollir les pierres, et donner au fer, la flexibilité du plomb serait plus facile que de détourner l’âme de cette jeune fille des pratiques chrétiennes et de la,faire changer."

Le juge alors fit comparaître la servante du Seigneur devant son tribunal :
" Qui es-tu ?
- Je suis noble et d'une illustre famille, toute ma parenté le fait assez connaître.
- Pourquoi donc suis-tu la chétive condition des chrétiens ?
- Parce que la véritable noblesse s'acquiert avec Jésus-Christ dont je me dis la servante.
- Quoi donc ! sommes-nous dégradés de noblesse pour mépriser ton Crucifié ?
- Oui, tu perds la véritable liberté en te faisant esclave du démon jusqu'au point d'adorer des pierres pour lui faire honneur."


Sainte Agathe en prison. Martyre de sainte Agathe.
Speculum historiale. V. de Beauvais. XVe.

Afin d'apprendre à la jeune fille à mieux parler, Quintianus la fit frapper sur la joue, et commanda qu'on la conduisit en prison, lui disant qu'elle eût à se préparer à renier Jésus-Christ ou à mourir dans les tourments. Le lendemain, le juge essaya de gagner Agathe par des promesses, mais il la trouva inébranlable, et ses réponses excitèrent tellement la rage du persécuteur, que, sur son ordre, on tordit et on arracha une mamelle à la Sainte. Elle dit à Quintianus :
" N'as-tu pas honte, Ô cruel tyran, de me faire souffrir de cette façon, toi qui as sucé ta première nourriture du sein d'une femme ?"

Quand elle fut rentrée dans la prison où le préfet avait défendu de lui rien donner, saint Pierre lui apparut et la guérit au nom du Sauveur ; la Sainte s'écria :
" Je Vous rends grâces, Ô mon Seigneur Jésus-Christ, de ce qu'il Vous a plu de m'envoyer Votre Apôtre afin de guérir mes plaies et de me rendre ce que le bourreau m'avait arraché."
La prison fut remplie d'une si éclatante lumière que les gardiens s'enfuirent épouvantés, laissant les portes ouvertes.

Les autres prisonniers conseillaient à Agathe de prendre la fuite, mais elle répondit :
" Dieu me garde de quitter le champ de bataille et de m'enfuir en voyant une si belle occasion de remporter la victoire sur mes ennemis."


Martyre de sainte Agathe.
Livre d'images de Madame Marie. Hainaut. XIIIe.

Quatre jours après, Agathe fut ramenée devant le juge qui, la voyant saine et sauve, fut rempli d'étonnement ; sa rage n'en devint que plus grande. Par son ordre, on roula la Sainte sur des têts de pots cassés et sur des charbons, en même temps que l'on perçait son corps de pointes aiguës.

Tout à coup au même moment un grand tremblement de terre ébranla toute la ville, et deux murailles en s'écroulant écrasèrent Silvin et Falconius, amis intimes du gouverneur. La ville étant en proie à une vive émotion, Quintianus, qui craignait quelque sédition dans le peuple, fait ramener secrètement Agathe demi-morte dans sa prison. Elle y fit ces prières a Dieu :
" Seigneur, qui m'avez gardée dès mon enfance, qui avez enlevé de mon cœur l'amour du monde, et qui m'avez fait surmonter la rigueur des tourments, recevez mon âme."
" Ouvrez, Seigneur, les bras de Votre miséricorde, et recevez mon esprit qui désire Vous posséder avec tous les transports d'amour dont il est capable."
En finissant cette prière, elle passa de la terre au ciel, le jour des nones de février ; son corps fut enseveli par les chrétiens.


Martyre de sainte Agathe. Giambattista Tiepolo. XVIe.

Aussitôt que la nouvelle de cette mort se fut répandue, toute la ville accourut pour honorer les restes de sainte Agathe, et au moment où on voulut la mettre dans le tombeau, cent Anges, sous la figure de jeunes hommes, apparurent, et au front d'Agathe inscrivirent ces mots :
" C'est une âme sainte ; elle a rendu un honneur volontaire à Dieu et elle est la rédemption de sa patrie."
Quintianus, de son côté, était parti pour se mettre en possession des biens de la servante de Dieu, mais au passage d'une rivière, un cheval le mordit au visage et un autre, à coups de pieds, le précipita dans l'eau où il se noya.

Un an exactement après sa mort l'Etna entra à en éruption. Voyant la lave arriver sur la ville, les habitants placèrent le voile qui recouvrait le corps de Ste Agathe devant le feu, ce qui le stoppa sur le champ.

La dévotion à sainte Agathe ne tarda pas de se répandre partout, mais nulle part elle ne fut plus honorée qu'à Catane. Plusieurs fois sa protection a sauvé cette ville des éruptions de l'Etna, et pour cela il suffisait aux habitants de donner, comme barrière aux torrents de lave qui descendaient de la montagne, un objet qui avait touché le corps de la Sainte.


Le martyre de sainte Agathe. Psautier à l'usage de Reims. XIIIe.

Voici ce que dit saint Ambroise en parlant de cette vierge, en sa préface :
" Ô heureuse et illustre vierge qui mérita de purifier son sang par, un généreux martyre pour la gloire du Seigneur ! Ô glorieuse et noble vierge, illustrée d'une double gloire, pour avoir fait toutes sortes de miracles au milieu des plus cruels tourments, et qui, forte d'un secours mystérieux, a mérité d'être guérie par la visite de l’apôtre ! Les cieux reçurent cette épouse du Christ ; ses restes mortels sont l’objet d'un glorieux respect. Le chœur des anges y proclame la sainteté de son âme et lui attribue la délivrance de sa patrie."

Il se fait chaque année à Catane, et encore aujourd'hui, une procession qui dure deux jours.


HYMNE

Les anciens Livres liturgiques sont remplis de compositions poétiques en l'honneur de sainte Agathe ; mais elles sont généralement assez faibles. Nous nous bornerons donc à donner ici la belle Hymne que lui a consacrée le Pape saint Damase :


Saint Marin, sainte Agathe et saint Barnabé. Anonyme italien. XVIIIe.

" Voici le jour de la Martyre Agathe, le jour illuminé par cette illustre Vierge ; c'est aujourd'hui qu'elle s'unit au Christ, et qu'un double diadème orne son front.

Noble de race et remarquable en beauté, elle brillait plus encore par ses œuvres et par sa foi ; le bonheur de la terre ne fut rien à ses yeux ; elle fixa sur son cœur les préceptes de Dieu.

Plus indomptable que le bras des bourreaux, elle livre à leurs fouets ses membres délicats ; sa mamelle arrachée de sa poitrine montre combien invincible est son courage.

Le cachot est pour elle un séjour de délices ; c'est là que Pierre le Pasteur vient guérir sa brebis ; pleine de joie et toujours plus enflammée, elle court avec une nouvelle ardeur au-devant des tourments.

Une cité païenne en proie à l'incendie l'implore et obtient son secours ; qu'elle daigne bien plus encore éteindre les feux impurs en ceux qu'honore le titre de chrétien.

Ô toi qui resplendis au ciel comme l'Epouse, supplie le Seigneur pour les pauvres pécheurs ; que leur zèle à célébrer ta fête attire sur eux tes faveurs.

Gloire soit au Père, au Fils et à l'Esprit divin ; daigne le Dieu unique et tout-puissant nous accorder l’intercession d'Agathe.

Amen."


Sainte Agathe. Tableau processionnel.
Jacopo di Marcovaldo. XIIIe siècle.

PRIERE

" Que vos palmes sont belles, Ô Agathe ! Mais que les combats dans lesquels vous les avez obtenues furent longs et cruels ! Vous avez vaincu; vous avez sauvé en vous la foi et la virginité ; mais votre sang a rougi l'arène, et vos glorieuses blessures témoignent, aux yeux des Anges, du courage indomptable avec lequel vous avez gardé fidélité à l'Epoux immortel. Après les labeurs des combats, vous vous tournez vers lui, et bientôt votre âme bénie s'élance dans son sein, pour aller jouir de ses embrassements éternels. Toute l'Eglise vous salue aujourd'hui, Ô Vierge, Ô Martyre ! Elle sait que vous ne l'oubliez jamais, et que votre inénarrable félicité ne vous rend point indifférente à ses besoins. Vous êtes notre sœur ; soyez aussi pour nous une mère. De longs siècles se sont écoulés depuis le jour où votre âme brisa son enveloppe mortelle, après l'avoir sanctifiée par la pureté et la souffrance ; mais, hélas ! Jusqu'aujourd'hui et toujours, sur cette terre, la guerre existe entre l'esprit et la chair. Assistez vos frères dans leurs combats ; ranimez dans leurs cœurs l'étincelle du feu sacré que le monde et les passions voudraient éteindre.


Buste reliquaire de Sainte Agathe porté en procession.
Catane. Sicile.

En ces jours, où tout chrétien doit songer à se retremper dans les eaux salutaires de la componction, ranimez partout la crainte de Dieu qui veille sur les envahissements d'une nature corrompue, l'esprit de pénitence qui répare les faiblesses coupables, l'amour qui adoucit le joug et assure la persévérance. Plus d'une fois, votre voile virginal, présenté aux torrents enflammés des laves qui descendaient des flancs de l'Etna, les arrêta dans leur cours, aux yeux d'un peuple tout entier : opposez, il en est temps, la puissante influence de vos innocentes prières à ce torrent de corruption qui déborde de plus en plus sur nous, et menace d'abaisser nos mœurs au niveau de celles du paganisme. Le temps presse, Ô Agathe ! Secourez les nations infectées des poisons d'une littérature infâme ; détournez cette coupe vénéneuse des lèvres de ceux qui n'y ont pas goûté encore ; arrachez-la des mains de ceux qui déjà y ont puisé la mort. Epargnez-nous la honte de voir le triomphe de l'odieux sensualisme qui s'apprête à dévorer l'Europe, et déjouez les projets que l'enfer a conçus."

dimanche, 04 février 2024

Dimanche de la Sexagésime.

- Dimanche de la Sexagésime.



Noé. Lorenzo Monaco. XVe.

Dans le cours de la semaine qui commence aujourd'hui, la sainte Eglise présente à notre attention l'histoire de Noé et du déluge universel. Malgré la sévérité de ses avertissements, Dieu n'a pu obtenir la fidélité et la soumission de la race humaine. Il est contraint d'employer un châtiment terrible contre ce nouvel ennemi. Toutefois, il a trouvé un homme juste, et, dans sa personne, il fera encore alliance avec nous. Mais auparavant il veut faire sentir qu'il est le souverain Maître, et que tout aussitôt qu'il lui plaira, l'homme si fier d'un être emprunté s'abîmera sous les ruines de sa demeure terrestre.

Nous placerons d'abord ici, comme base des enseignements de cette semaine, quelques lignes du Livre de la Genèse empruntées à l'Office des Matines de ce jour :

Lecture du Livre de la Genèse. Chap. VI.



Noé trouve grâce aux yeux de Dieu.
Bible historiale. Guiard des Moulins. XVe.

" Dieu voyant que la malice des Hommes était extrême sur la terre, et que toutes les pensées de leur coeur se tournaient continuellement vers le mal, il se repentit d'avoir fait l'homme sur la terre. Et, étant touché de douleur jusqu'au fond du cœur, Il dit :
" J'exterminerai de dessus la terre l'homme que j'ai créé ; je les détruirai tous, depuis l'homme jusqu'aux animaux, depuis ceux qui rampent sur la terre jusqu'aux oiseaux du ciel ; car je me repens de les avoir faits."
Mais Noé trouva grâce devant le Seigneur.

Voici les enfants qu'engendra Noé : Noé, homme juste et parfait dans toute la conduite de sa vie, marcha avec Dieu, et engendra trois fils, Sem, Cham et Japheth. Or la terre était corrompue devant Dieu, et remplie d'iniquité. Dieu, voyant donc cette corruption de la terre (car toute chair avait corrompu sa voie sur la terre), dit à Noé :
" J'ai résolu de faire périr tous les hommes ; ils ont rempli la terre d'iniquité ; je les exterminerai avec la terre."


La catastrophe qui fondit alors sur l'espèce humaine fut encore le fruit du péché ; mais du moins un homme juste s'était rencontré,et le monde fut sauvé d'une ruine totale par lui et par sa famille. Après avoir daigné renouveler son alliance, Dieu permit que la terre se repeuplât, et que les trois enfants de Noé devinssent les pères des trois grandes races qui l'habitent.



Noé trouve grâce aux yeux de Dieu.
Heures à l'usage de Rome. XVe.

Tel est le mystère de l'Office durant cette semaine. Celui de la Messe, qui est figuré par le précédent, est plus important encore. Dans le sens moral, la terre n'est- elle pas submergée sous un déluge de vices et d'erreurs ? Il faut qu'elle se peuple d'hommes craignant Dieu, comme Noé. Cette génération nouvelle, c'est la Parole de Dieu, semence de vie, qui la suscite. C'est elle qui produit ces heureux enfants dont parle le Disciple bien-aimé, " qui ne sont point nés du sang, ni de la volonté de la chair, ni de la volonté de l'homme, mais de Dieu même " (Johan. I, 13.).

Efforçons-nous d'entrer dans cette famille, et, si nous en sommes déjà membres, gardons chèrement notre bonheur. Il s'agit, dans ces jours, d'échapper aux flots du déluge, de chercher un abri dans l'arche du salut ; il s'agit de devenir cette bonne terre dans laquelle la semence fructifie au centuple. Songeons à fuir la colère à venir, pour ne pas périr avec les pécheurs, et montrons-nous avides de la Parole de Dieu qui éclaire et convertit les âmes (Psalm. XVIII.).

Chez les Grecs, ce Dimanche est le septième jour de la semaine qu'ils appellent Apocreos, laquelle commence dès le lundi qui suit notre Dimanche de la Septuagésime. Cette semaine est ainsi nommée dans l’Église grecque, parce qu'elle annonce et précède immédiatement celle où l'on suspend déjà l'usage de la viande, jusqu'à la fête de Pâques.

A LA MESSE

A Rome, la Station est dans la Basilique de Saint-Paul-hors-les-Murs. C'est autour du tombeau du Docteur des nations, du propagateur de la divine semence, du père de tant de peuples par sa prédication, que l'Eglise Romaine réunit les fidèles en ce jour où elle veut leur rappeler que le Seigneur a épargné la terre, à la condition qu'elle se peuplera de vrais croyants et d'adorateurs de son Nom.

EPITRE

Lecture de l'Epître du bienheureux Paul, Apôtre, aux Corinthiens. II, Chap. XI.



Saint Paul. Filippo di Memmo. XIVe.

" Mes Frères, étant sages comme vous êtes, vous supportez sans peine les imprudents, puisque vous souffrez même qu'on vous réduise en servitude, qu'on vous dévore, qu'on vous pille, qu'on s'élève contre vous, qu'on vous frappe au visage. C'est à ma confusion que je rappelle cela : puisque nous passons pour avoir été trop faibles dans des épreuves semblables. Cependant aucun d'eux - excusez mon imprudence - ne saurait se glorifier de rien que je ne le puisse aussi moi-même.

Sont-ils Hébreux ? Je le suis aussi. Sont-ils enfants d'Israël ? Je le suis aussi. Sont-ils de la race d'Abraham ? J'en suis aussi. Sont-ils ministres du Christ ? Au risque de passer encore comme imprudent, j'ose dire que je le suis plus qu'eux : j'ai plus souffert de travaux, plus enduré de prisons, plus reçu de coups. Souvent je me suis vu près de la mort.

J'ai reçu des Juifs, à cinq différentes fois, trente-neuf coups de fouet ; j'ai été battu de verges trois fois ; j'ai été lapidé une fois ; j'ai fait naufrage trois fois ; j'ai passé un jour et une nuit au fond de la mer. Fréquemment j'ai été en péril dans les voyages ; en péril sur les fleuves ; en péril du côté des voleurs ; en péril de la part de ceux de ma nation ; en péril de la part des gentils ; en péril dans les villes ; en péril dans les solitudes ; en péril sur la mer ; en péril au milieu des faux frères.

J'ai souffert toutes sortes de travaux et de fatigues, des veilles fréquentes, fa faim, la soif, des jeûnes réitérés, le froid et la nudité. A ces maux extérieurs ajoutez mes préoccupations quotidiennes, la sollicitude de toutes les Eglises. Qui est faible, sans que je me fasse faible avec lui ? Qui est scandalisé, sans que j'en sois brûlé ? Que s'il est permis de se glorifier, je me glorifierai de mes souffrances.



La flagellation de saint Paul et de saint Silas.
Louis Testelin. Cathédrale Notre Dame. Paris. XVIIe.

Dieu, le Père de notre Seigneur Jésus-Christ qui est béni dans tous les siècles, sait que je ne mens pas. A Damas, le gouverneur de la province pour le roi Arétas faisait faire la garde dans la ville pour m'arrêter prisonnier : on me descendit par une fenêtre, le long de la muraille, dans une corbeille ; et je m'échappai ainsi de ses mains. S'il faut se glorifier, quoique cela ne convienne pas, je viendrai maintenant aux visions et aux révélations du Seigneur. Je connais en Jésus-Christ un homme qui fut ravi, il y a quatorze ans ; si ce fut en son corps, ou hors de son corps, je n'en sais rien, Dieu le sait ; qui fut ravi, dis-je, jusqu'au troisième ciel. Et je sais que cet homme, si ce fut en son corps, ou hors de son corps, je ne sais, Dieu le sait ; que cet homme, dis-je, fut ravi dans le Paradis, et qu'il entendit des paroles mystérieuses qu'il n'est pas permis à un homme de rapporter. Je pourrais me glorifier en parlant d'un tel homme ; mais, pour moi, je ne veux me glorifier que dans mes infirmités.

Ce ne serait cependant pas imprudence à moi, si je voulais me glorifier, car je dirais la vérité ; mais je me retiens, de peur que quelqu'un ne m'estime au-dessus de ce qu'il voit en moi, ou de ce qu'il entend de moi. Aussi, de peur que la grandeur des révélations ne me causât de l'orgueil, il m'a été donné un aiguillon dans ma chair, un ange de Satan, qui me donne des soufflets. C'est pourquoi j'ai prié trois fois le Seigneur de l'éloigner de moi, et il m'a répondu : " Ma grâce te suffit " ; car la force se perfectionne dans l'infirmité. Je prendrai donc plaisir à me glorifier dans mes infirmités, afin que la force du Christ habite en moi."


EVANGILE

La suite du saint Evangile selon saint Luc. Chap. VIII.



Parabole du semeur. Pieter Brueghel l'Ancien. XVIe.

" En ce temps-là, le peuple s'assemblant en foule et se pressant de sortir des villes pour venir au-devant de Jésus, il leur dit en parabole :
" Celui qui sème s'en alla pour semer son grain ; et comme il semait, une partie de la semence tomba le long du chemin, où elle fut foulée aux pieds, et les oiseaux du ciel la mangèrent. Et une autre partie tomba sur la pierre, et, après avoir levé, elle sécha, parce qu'elle n'avait point d'humidité. Et une autre tomba au milieu des épines, et les épines croissant avec la semence l'étouffèrent. Et une autre partie tomba sur de la bonne terre, et ayant levé, elle porta du fruit, cent pour un."
En disant cela, il criait :
" Que celui-là entende qui a des oreilles pour entendre."

Ses disciples l'interrogèrent sur le sens de cette parabole, et il leur dit :
" Pour vous, il vous a été donné de connaître le mystère du royaume de Dieu ; mais pour les autres, il ne leur est proposé qu'en paraboles, de sorte que voyant ils ne voient point, et qu'entendant ils ne comprennent point.
Voici donc le sens de cette parabole : La semence est la Parole de Dieu. Ceux qui sont marqués par ce qui tombe le long du chemin, sont ceux qui écoutent ; mais le diable vient, et enlève de leurs cœurs la parole, de peur que croyant, ils ne soient sauvés.
Ceux qui sont marqués par ce qui tombe sur la pierre, sont ceux qui, ayant écouté la parole, la reçoivent avec joie ; mais ils n'ont point de racines ; ils croient pour un temps, et ils se retirent à l'heure de la tentation.
Cequi tombe dans les épines, ce sont ceux qui écoutent la parole, mais en qui elle est étouffée par les inquiétudes, par les richesses et parles plaisirs de cette vie, et ils ne portent point de fruit.
Enfin, ce qui tombe dans la bonne terre, ce sont ceux qui, ayant écouté la parole, la conservent dans un cœur bon et excellent, et portent du fruit par la patience."



Parabole du semeur. Heures à l'usage de Rouen. XVe.

Saint Grégoire le Grand observe avec raison que la parabole qui vient d'être lue n'a pas besoin d'explication, la Sagesse éternelle s'étant chargée elle-même de nous en donner la clef. Il ne nous reste donc plus qu'à profiter d'un si précieux enseignement, et qu'à recevoir en bonne terre la semence céleste qui tombe sur nous. Combien de fois jusqu'ici ne l'avons-nous pas laissée fouler aux passants, ou enlever par les oiseaux du ciel ? Combien de fois ne s'est-elle pas desséchée sur le rocher de notre cœur, ou n'a-t-elle pas été étouffée par de funestes épines ? Nous écoutions la Parole ; elle avait pour nous un certain charme qui nous rassurait. Souvent même nous la reçûmes avec joie et empressement ; mais, si quelquefois elle germait en nous, sa croissance était bientôt arrêtée.

Désormais, il nous faut produire et fructifier ; et telle est la vigueur de la semence qui nous est confiée, que le divin Semeur en attend cent pour un. Si la terre de notre cœur est bonne, si nous avons soin de la préparer en mettant à profit les secours que nous offre la sainte Eglise, la moisson sera abondante au jour où le Seigneur, s'échappant vainqueur de son sépulcre, viendra associer ses fidèles croyants aux splendeurs de sa Résurrection.

HYMNE A VÊPRES

Nous terminerons cette journée par une Hymne que nous empruntons aux anciens Bréviaires des Eglises de France, et qui exprime les sentiments dont les fidèles doivent être animés au temps de la Septuagésime :



Parabole du semeur. Missel à l'usage de Saint-Didier d'Avignon. XIVe.

" Les jours de liberté s'écoulent ; ceux des saintes observances arrivent : le temps de la sobriété est proche ; d'un cœur pur cherchons le Seigneur.

Nos cantiques et nos louanges apaiseront celui qui est notre juge et Seigneur : il ne refuse pas le pardon, lui qui veut que l'homme implore de lui sa grâce.

Après avoir subi le joug de Pharaon, après avoir porté les chaînes de la cruelle Babylone, que l'homme affranchi cherche la céleste Jérusalem, sa patrie.

Fuyons de cet exil ; cherchons demeure auprès du Fils de Dieu : la plus grande gloire pour le serviteur, c'est de devenir le cohéritier de son maître.

Ô Christ ! Soyez notre guide dans cette nouvelle souvenez-vous que nous sommes vos brebis pour lesquelles, ô pasteur, vous avez donné votre vie et subi la mort.

Au Père, au Fils, soit la gloire ; honneur pareil au saint Paraclet ; comme il était au commencement, et maintenant et toujours.

Amen."

4 février. Sainte Jeanne de Valois, veuve. 1505.

- Sainte Jeanne de Valois, veuve. 1505.
 
Pape : Jules II. Roi de France : Louis XII.

" Filia Francorum regis, soror, unaque conjux,
Et non pulsa toro, Joanna ego mater eram."
" Je suis Jeanne, fille, soeur, épouse des rois de France.
Je ne suis jamais montée dans le lit nuptial, et cependant je devais être mère !"
Légende du testament de la bonne duchesse.


Sainte Jeanne de Valois. A. Padrao.
Monastère des Annonciades de Balsamso. Portugal. XVIIIe.

Les Eglises de France honorent aujourd'hui cette pieuse princesse qui fut d'abord l'épouse de Louis XII, appelée à régner avec lui, et qui, plus tard, renversée du trône par un jugement solennel qui déclara la nullité de son mariage, se montra plus sainte et plus grande encore dans sa disgrâce qu'elle ne l'avait paru dans les jours de sa grandeur.

Cette bienheureuse princesse naquit dans la pourpre et au milieu des lis en 1464. Fille de Louis XI et de Charlotte de Savoie - son enfance s'écoula presque entièrement au château d'Amboise -, soeur de Charles VIII, épouse du duc d'Orléans qui monta sur le trône et fut Louis XII, Jeanne paraît n'avoir été élevée si haut que pour mieux sentir le poids de l'infortune. Mais Dieu proportionna ses consolations et ses secours aux souffrances de la race royale victime en pansant Lui-même les blessures de so, âme, et lui donna cette merveilleuse fécondité qui enrichit l'Eglise d'un nouvel ordre religieux.


Portrait du vivant de sainte Jeanne de France.

Les vertus qui éclatèrent dans toute sa vie rendirent Jeanne de Valois l'objet de la vénération des peuples ; et si elle cessa de régner sur un trône fragile, son empire sur les coeurs ne fit que s'étendre, et l'auréole de la sainteté remplaça avantageusement pour elle le diadème qu'elle n'avait pas ambitionné et qu'elle dut déposer. Sa tendre confiance en Marie, son attrait pour les œuvres de la pénitence, sa miséricorde envers les pauvres, en font un modèle pour les chrétiens, dans ces jours où l'Eglise nous invite à préparer nos âmes pour la réconciliation.

Jeanne de Valois, fille de Louis XI, roi de France, fut donc élevée dès ses tendres années dans la piété, vers laquelle la portaient ses propres dispositions, et elle donna tout aussitôt des marques certaines de la sainteté qui devait briller en elle. A l'âge de cinq ans, demandant avec ferveur à la sainte Vierge, qu'elle honora toujours d'une manière admirable, de lui faire connaître en quelle façon elle pourrait lui être le plus agréable, il lui fut annoncé qu'elle était appelée à instituer dans la suite un nouvel Ordre de vierges sacrées, en l'honneur de la sainte Mère de Dieu.


Sainte Jeanne de Valois. Etienne Parrocel. XVIIIe.

Mariée à Louis, duc d'Orléans, contre le gré de ce prince, elle fit paraître dans la prospérité la plus grande retenue, et une admirable constance dans l'adversité. Le prince étant monté sur le trône de France, et son mariage ayant été déclaré nul par le Siège Apostolique, Jeanne non seulement supporta cet événement sans aucun regret, mais, se regardant comme délivrée d’un lien qui pesait sur elle, elle se félicita de pouvoir désormais servir Dieu seul en toute liberté.

Les revenus du duché de Berry qui lui avaient été assignés pour son entretien par le roi Louis, étaient largement employés par elle à nourrir les pauvres, à soulager les malades et à bâtir des monastères. Mais son œuvre principale fut la fondation et l'établissement d'un Ordre de vierges sacrées sous le titre d'Annonciades de la bienheureuse Vierge Marie, dont elles devaient imiter les vertus qui leur étaient proposées dans des règles approuvées par Alexandre VI ; elle vint heureusement à bout de cette œuvre sainte. Elle accueillait avec la charité d'une mère tous les indigents et les malheureux qui s'adressaient à elle, mais surtout les malades, dont elle ne craignait pas d'essuyer et de toucher de ses propres mains les ulcères dégoûtants ; plus d'une fois son seul attouchement leur rendit la santé.


Sa piété envers le très saint Sacrement de l'Eucharistie était admirable ; elle en approchait avec une si grande abondance de larmes, qu'elle excitait dans le cœur des assistants les mêmes sentiments d'amour et de dévotion. Sa piété n'était pas moins tendre envers les mystères de la Passion du Seigneur. Elle avait fait construire dans le jardin de sa maison une imitation du tombeau de notre Seigneur ; c'était là qu'elle se retirait de temps en temps pour se livrer à la prière, répandant des larmes abondantes et se frappant la poitrine avec une pierre. Parvenue à l'âge de quarante ans, elle sentit approcher la fin de sa vie pleine d'innocence, et, ayant reçu avec une grande ferveur les sacrés mystères de la religion chrétienne, elle mourut à Bourges la veille des nones de février, l'an mil cinq cent cinq.

Cinquante-sept ans après sa mort, des soldats hérétiques ayant enlevé son corps pour le brûler, il fut trouvé sans corruption ; et l'on rapporte qu'il poussa des gémissements, et que, percé de leurs épées, il répandit du sang avec abondance. Le culte de la Sainte fut approuvé d'autorité apostolique par Benoit XIV, en 1742.
 
Enfin, Pie VI accorda, le vingt avril 1775, à tout le royaume de France, de pouvoir célébrer l'Office et la Messe de sainte Jeanne de Valois au jour anniversaire de sa mort.


Statue de sainte Jeanne de France. Chapelle Sainte-Jeanne-de-France.
Couvent de l'Annonciade de Bourges. Berry. France.
 
PRIERE
 
" Nous honorons, Ô sainte Princesse, les vertus héroïques dont votre vie a été remplie, et nous glorifions le Seigneur qui vous a admise dans sa gloire. Mais que vos exemples nous sont utiles et encourageants, au milieu des épreuves de cette vie ! Qui plus que vous, a connu les disgrâces du monde ; mais aussi qui les a vues venir avec plus de douceur, et les a supportées avec plus de tranquillité ? Les grâces extérieures vous avaient été refusées, et votre cœur ne les regretta jamais ; car vous saviez que l'Epoux des âmes ne recherche pas dans ses élues les agréments du corps, qui trop souvent seraient un danger pour elles.

Le sceptre que vos saintes mains portèrent un instant leur échappa bientôt, et nul regret ne s'éleva en vous, et votre âme véritablement chrétienne ne vit dans cette disposition de la Providence qu'un motif de reconnaissance pour la délivrance qui lui était accordée La royauté de la terre n'était pas assez pour vous ; le Seigneur vous destinait à celle du ciel. Priez pour nous, servante du Christ dans ses pauvres, et faites-nous l'aumône de votre intercession.
 

Nicolas Van der Veken. XVIIe.

Ouvrez nos yeux sur les périls du monde, afin que nous traversions ses prospérités sans ivresse, et ses revers sans murmure. Souvenez-vous de la France qui vous a produite, et qui a droit à votre patronage. Un jour, la tombe qui recelait votre sainte dépouille fut violée par les impies, et des soupirs s'échappèrent de votre poitrine, au sentiment des malheurs de la patrie. C'était alors le prélude des maux qui depuis se sont appesantis sur la nation française ; mais du moins la cause de la foi trouva, dans ces temps, de généreux défenseurs, et l'hérésie fut contrainte de reculer. Maintenant, le mal est à son comble ; toutes les erreurs dont le germe était renferme dans la prétendue Réforme se sont développées, et menacent d'étouffer ce qui reste de bon grain. Aidez-nous, conservez la précieuse semence de vérité et de vertus qui semble prête à périr. Recommandez-nous à Marie, l'objet de votre tendre dévotion sur la terre, et obtenez-nous des jours meilleurs."

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samedi, 03 février 2024

3 février. Saint Blaise, évêque de Sébaste et martyr. 316.

- Saint Blaise, évêque de Sébaste et martyr. 316.

Pape : Saint Sylvestre Ier. Empereur romain d'Orient : Licinius. Empereur romain d'Occident : Constantin Ier.

" Apprends, misérable, que je suis le serviteur de Notre Seigneur Jésus-Christ et que je n'adore pas les démons !"
Saint Blaise au gouverneur. Actes du Saint.


Saint Blaise. Hans Memling. Flandres XVe.

Maintenant que l'Eglise a clos pour nous la touchante Quarantaine de la Naissance du Sauveur, et qu'elle nous a ouvert la source des fortes et sérieuses méditations qui doivent nous préparer pour la pénitence, chaque Fête des Bienheureux doit nous apporter une impression propre à nourrir en nous l'esprit de ce saint Temps. Dans la période dont nous sortons, tous les amis de Dieu que nous avions à fêter, nous apparaissaient rayonnants des joies de la Naissance de l'Emmanuel ; ils formaient sa cour radieuse et triomphante. D'ici à la Résurrection du Fils de Dieu, nous aimerons à les considérer surtout dans les labeurs du pèlerinage de cette vie. Ce qui nous importe aujourd'hui, c'est de voir et d'étudier comment ils ont vaincu le monde et la chair.

" Ils allaient, dit le Psalmiste, et ils jetaient la semence sur le sillon, l'arrosant de leurs pleurs ; mais ils reviendront dans l'allégresse, chargés des gerbes que leurs sueurs auront produites." (Psalm. CXXV.).

Espérons qu'il en sera de même pour nous, à la fin de cette laborieuse carrière, et que le Christ ressuscité nous saluera comme ses membres vivants et renouvelés. Dans la période que nous avons présentement à traverser, les Martyrs abondent, et nous débutons aujourd'hui par un des plus célèbres. Sébaste, en Arménie, fut honorée par ses vertus pastorales et par sa glorieuse Passion ; bientôt la même ville nous fournira dans un seul jour quarante soldats Martyrs. La dévotion envers saint Biaise est demeurée très vive en Orient, surtout en Arménie, et son culte, introduit de bonne heure dans les Eglises de l'Occident, y a toujours été très populaire. Sa fête n'est néanmoins que du degré simple.


Saint Blaise et saint Pantaléon. Psautier cistercien. XIIIe.

Blaise pourrait venir de blandus, doux, ou de belasius, bela signifie habitude et syor, petit. En effet saint Blaise fut doux en ses discours ; il eut l’habitude des vertus et il se fit petit par l’humilité de sa conduite.

L'histoire de saint Blaise nous apprend qu'il parut dès son enfance d'un bon naturel, qu'il fut modeste en sa jeunesse. Arrivé à l'âge mûr, il s'appliqua particulièrement à la médecine, et fut toujours pénétré par la crainte de Dieu.

Blaise excellait en douceur et en sainteté, et avait gagné l'affection de tout le peuple, ce qui le fit élire évêque de Sébaste ; ville de Cappadoce. Après avoir reçu l’épiscopat, il se retira dans une caverne où il mena la vie érémitique, à cause de la persécution de Dioclétien (Bréviaire). Les oiseaux lui apportaient sa nourriture, et s'attroupaient véritablement ensemble autour de lui, et ne le quittaient que quand il avait levé les mains pour les bénir. Si quelqu'un d'eux avait du mal, il venait aussitôt à lui et retournait parfaitement guéri.


Saint Blaise fuyant la persécution.
Legenda aurea. Bx J. de Voragine. R. de Montbaston. XIVe.

Le gouverneur du pays, Agricola, sous l'empereur Licinius, avait envoyé des soldats pour chasser des bêtes féroces en vue de les ramener à Sébaste et de leurs livrer les Chrétiens au cirque. Après s'être fatigués longtemps en vain, ils vinrent par hasard à l’antre de saint Blaise, où ils trouvèrent une grande multitude de bêtes rangées devant lui. Or, n'ayant pu prendre aucune d'elles, ils furent remplis d'étonnement et rapportèrent cela à leur maître, qui aussitôt envoya plusieurs soldats avec ordre de lui amener Blaise avec tous les chrétiens.


Eglise Saint-Blaise. Peinture de MM. Maisonade & Lapierre.
Javerdat. Limousin. XVIIIe.

Mais cette nuit-là même, Notre Seigneur Jésus-Christ était apparu au saint par trois fois en lui disant :
" Lève-toi et offre-moi le sacrifice."
Voici que les soldats arrivèrent et lui dirent :
" Sors d'ici, le gouverner t'appelle."
Saint Blaise répondit :
" Soyez les bienvenus, mes enfants ; je vois à présent que Dieu ne m’a pas oublié."

Pendant le trajet, qu'il fit avec eux, il ne cessa de prêcher, et en leur présence il opéra beaucoup de miracles. Une femme apporta aux pieds du saint son fils qui était mourant d'un os de poisson arrêté dans la gorge ; elle lui demanda avec larmes la guérison de son enfant. Saint Blaise lui imposa les mains et fit une prière pour que cet enfant, aussi bien que tous ceux qui demanderaient quoi que ce fût en son nom, obtinssent le bienfait de la santé ; et sur-le-champ, il fut guéri (Bréviaire).

Les esprits dits forts ne diront point qu'il s'agit là d'une invention récente car Aetius d'Amida sur le Tigre, médecin grec de la fin du Ve siècle, auteur du Tetrabiblos, vaste compilation où il a mis à contribution tous les médecins antérieurs connus, parmi les remèdes qu'il enseigne pour ce mal et les maux qui affectent la gorge en général, mentionne particulièrement l'invocation à saint Blaise.


Saint Blaise guérissant l'enfant dans la gorge duquel s'était fichée
une arrête de poisson. Graduel à l'usage de l'abbaye
Notre-Dame de Fontevrault. XIIIe.

Une pauvre femme n'avait qu'un seul pourceau qu'un loup lui ravit ; et elle priait saint Blaise de lui faire rendre son pourceau. Il lui dit en souriant :
" Femme, ne te désole pas : ton pourceau te sera rendu."
Et aussitôt le loup vint et rendit la bête à cette veuve.

Or, saint Blaise ne fut pas plutôt entré dans la ville que, par ordre du prince ; il fut jeté en prison. Le jour suivant, le gouverneur le fit comparaître devant lui. En le voyant, il le salua en lui adressant ces paroles flatteuses :
" Blaise, l’ami des dieux, soyez le bienvenu."
Blaise lui répondit :
" Honneur et joie à vous, illustre gouverneur ; mais n'appelez pas dieux ceux qui sont des démons, parce qu'ils seront livrés au feu éternel avec ceux qui les honorent."

Le gouverneur irrité le fit meurtrir à coups de bâton, puis rejeter en prison.
Blaise lui dit :
" Insensé, tu espères donc par tes supplices enlever de mon coeur l’amour de mon Dieu qui me fortifie lui-même ?"


Scènes de la vie de saint Blaise.
Speculum historiale. V. de Beauvais. François. XVe.

Or, la veuve à laquelle il avait fait rendre son pourceau, entendit cela ; elle tua l’animal, et en porta la tête et les pieds, avec une chandelle et du pain, à saint Blaise. Il l’en remercia, mangea, et lui dit :
" Tous les ans, offre une chandelle à une église qui porte mon nom, et tu en retireras bonheur, toi, et ceux qui t'imiteront."
Ce qu'elle ne manqua pas de faire ; et il en résulta en sa faveur une grande prospérité. Après quoi, le gouverneur fit tirer Blaise de sa prison ; et comme il ne le pouvait amener à honorer les dieux, il ordonna de le suspendre à un, arbre et de déchirer sa chair avec des peignes de fer ; ensuite il le fit reporter en prison.

Or, sept femmes qui le suivirent dans le trajet ramassaient les gouttes de son sang. On se saisit d'elles aussitôt et on les força de sacrifier aux dieux. Elles dirent :
" Si tu veux que nous adorions tes dieux, fais-les porter avec révérence à l’étang afin qu'après avoir été lavés, ils soient plus propres quand nous les adorerons."
Le gouverneur devint joyeux et fit exécuter au plus vite ce qu'elles avaient demandé. Mais elles prirent les dieux et les jetèrent au milieu de l’étang, en disant :
" Si ce sont des dieux, nous le verrons."
A ces mots le gouverneur devint fou de colère et se frappant lui-même, il dit à ses gardes :
" Pourquoi n'avez-vous pas tenu nos dieux afin qu'ils ne fussent pas jetés au fond du lac ?"
Ils répondirent :
" Vous vous êtes laissé mystifier par les paroles trompeuses de ces femmes et elles les ont jetés dans l’étang.
- Le vrai Dieu n'autorise pas les tromperies, reprirent-elles ; mais s'ils étaient des dieux, ils auraient certainement prévu ce que nous leur voulions faire."


Une des saintes martyres et son enfant, martyr lui aussi.
Vitrail. Soissonnais. XIIIe.

Le gouverneur irrité fit préparer du plomb fondu, des peignes de fer de plus, il fit préparer d'un- côté sept cuirasses rougies au feu, et il fit placer d'un autre côté sept chemises de lin. Il leur dit de choisir ce qu'elles préféraient ; alors une d'entre elles, qui avait deux jeunes enfants, accourut avec audace, prit les chemises et les jeta dans le foyer, ces enfants dirent à leur mère :
" Ô mère chérie, ne nous laisses pas vivre après toi ; mais de même que tu nous as rassasiés de la douceur de ton lait, rassasie-nous encore de la douceur du royaume du ciel."

Alors le gouverneur commanda de les suspendre et de réduire leurs chairs en lanières avec des peignes de fer. Or, leur chair avait la blancheur éclatante de la neige et, au lieu de sang, il en coulait du lait. Comme elles enduraient les supplices avec répugnance, un ange du Seigneur vint vers elles et leur communiqua une force virile en disant :
" Ne craignez point : un bon ouvrier qui commence bien et qui mène son œuvre à bien, mérite la bénédiction de celui qui le fait travailler ; pour ce qu'il a fait, il reçoit le prix de son labeur, et il est joyeux de posséder son salaire."
Alors le gouverneur les fit détacher et jeter dans le foyer ; mais Dieu permit que le feu s'éteignit et qu'elles sortissent sans avoir éprouvé aucune douleur. Le gouverneur leur dit :
" Cessez donc d'employer la magie et adorez nos dieux."
Elles répondirent :
" Achève ce que tu as commencé, parce que déjà nous sommes appelées au royaume céleste."


Martyre de saint Blaise. Sculpture en calcaire.
Agentan. Normandie. XVe.
 
Alors il porta une sentence par laquelle elles devaient avoir la tête tranchée. Au moment où elles allaient être décapitées, elles se mirent à genoux et adorèrent Dieu en disant :
" Ô Dieu qui nous avez ôtées des ténèbres et qui nous, avez amenées à cette très douce lumière, qui nous avez choisies pour vous être sacrifiées, recevez nos âmes et faites-nous parvenir à la vie éternelle."
Elles eurent donc la tête tranchée et passèrent au Seigneur.

Après cela, le gouverneur se fit présenter saint Blaise et lui dit :
" Adore à l’instant nos dieux, ou ne les adore pas."
Blaise lui répondit :
" Impie, je ne crains pas tes menaces ; fais ce que tu veux ; je te livre mon corps tout entier."

Alors il le fit jeter dans l’étang. Mais saint Blaise fit le signe. de la croix sur l’eau qui s'endurcit immédiatement comme une terre sèche ; et il dit :
" Si vos dieux sont de vrais dieux, faites-nous voir leur puissance et entrez ici."
Et soixante-cinq qui s'avancèrent furent aussitôt engloutis dans l’étang.
Mais il descendit un ange du Seigneur qui dit au saint :
" Sors, Blaise, et reçois la couronne que Dieu t'a préparée."


Saint Blaise et saint Guérin. Imagerie populaire.
Imagerie Pellerin. XIXe.

Quand il fut sorti, le gouverneur lui dit :
" Tu es donc bien déterminé à ne pas adorer les dieux ?
- Apprends, misérable, répondit Blaise, que je suis le serviteur de Notre Seigneur Jésus-Christ et que je n'adore pas les démons."
Et à l’instant l’ordre fut donné de le décapiter.

Quant à Blaise, il pria le Seigneur que si quelqu'un réclamait son patronage pour le mal 'de gorge, ou pour toute autre infirmité, il méritât aussitôt d'être exaucé. Et voici qu'une voix du ciel se fit entendre à lui, qu'il serait fait comme il avait demandé.

Ainsi fut décapité ce saint avec deux petits enfants des saintes femmes qui les avaient précédés, le 3 février de l'an 316.


Martyre de saint Blaise. Heures à l'usage du Mans. XVe.

CULTE

On met dans la main de saint Blaise une carde ou peigne de fer, ou bien une bougie roulée ; un peigne de fer parce qu'il endura, entre autres supplices, celui des ongles de fer, ce qui l'a fait choisir pour patron par les cardeurs de laine et même par les tailleurs de pierre, à cause d'un outil, appelé ripe, dont se servent ces derniers et qui ressemble à une carde ; un cierge, pour la raison que nous avons vue précédemment.

Les tisserands et les ouvriers en bâtiments de Paris l'ont pris pour saint patron.

Dans certains pays, comme on le sait, on fait bénir deux cierges le jour de la Chandeleur (jour où l'on fête la purification de notre Dame). Ceux qui veulent être délivrés de leurs maux de gorge pour lesquels on invoque spécialement saint Blaise, s'approchent du prêtre qui tient à la main les deux cierges bénits, les approche du cou des malades et prie sur eux en invoquant notre Saint.

On représente aussi saint Blaise avec un enfant, qu'il délivra de la strangulation qu'il risquait à cause de l'arrête de poisson fichée dans sa gorge, avec un cochon, qu'il força le loup à rendre à la pauvre femme dont il était toute la richesse, et en ermite entouré de bêtes féroces qui lui tenaient compagnie dans la caverne qu'il occupait.


Saint Blaise. Imagerie populaire. Imagerie Pellerin. XIXe.

En Orient, sa fête est d'obligation et se célèbre le 11 février.

Saint Blaise fait partie du groupe des quatorze saints dits secourables ; on appelle ainsi ceux d'entre eux qui sont plus particulièrement célèbres pour l'efficacité de leur invocation. Ces quatorze saints sont distribués deux à deux : saint Georges et saint Eustache ; saint Vit et saint Christophe ; saint Gilles et saint Cyriaque ; saint Erasme et saint Blaise ; saint Pantaléon et saint Achace ; saint Denis et sainte Marguerite ; sainte Catherine et sainte Barbe.

En Allemagne, la fête de saint Blaise se nomme messe de Blaise ou messe du vent, car le mot blas, en langue allemande, signifie également Blaise et vent. Autrefois, les marins scandinaves évitaient de prononcer le nom de cette fête, et les paysans danois regardent les vents qui soufflent ce jour-là comme présages de tempêtes tout au long de l'année.


Saint Blaise. Autel portatif à tablette de porphyre vert.
Abbaye de Fulda. Allemagne. XIe.

Saint Blaise est le saint patron, entres autres, de Comiso en Sicile, de Civitta di Penne et de Naples dans le royaume de Naples, de Raguse, de Mulhausen en Thuringe.

On invoque donc saint Blaise contre les affections de la gorge (dévotion particulière qui était chère à saint François de Sales) ; à cause du miracle du pourceau, on lui recommande aussi particulièrement l'espèce porcine et on l'invoque contre les bêtes farouches. En Russie, on l'invoque pour tout le bétail.

RELIQUES

Le corps de saint Blaise et celui des deux petits enfants furent pris par une femme pieuse nommée Hélisée, qui les ensevelit au même lieu, d'où plusieurs de ces saintes reliques ont été, à l'époque des croisades, apportées en diverses églises de France ; comme le chef sacré de notre Saint en la ville de Montpellier. D'autres ossements furent rapportés à Mende, en Gévaudan, à Melun-sur-Seine au monastère de Saint-Pierre, à Paris, en léglise Saint-Jean-en-Grève. Quelques-uns encore au prieuré de Variville, de l'ordre de Fontevrault, au diocèse de Beauvais, et aussi au couvent des Minimes de Grenoble, qui porta ainsi le nom de Saint-Blaise.

Il y a aussi des reliques de saint Blaise à Metz, en l'église Saint-Eucaire. Il se faisait chaque année, le jour de la fête du Saint, une fête très populaire. A cinq heures du matin commençait l'office, et la grand'messe, qui se chantait à huit heures, on bénissait une grande quantité de pains, qui se vendaient à plus de dix lieues à la ronde, et qui se conservaient d'une année à l'autre. Ces pains étaient appelés les pains de saint Blaise.


Eglise Saint-Blaise. Montepulciano. Sienne. Toscane. XVe-XVIe.

PRIERE

" Nous unissons nos voix au concert de louanges que vous adressent toutes les Eglises qui sont sous le ciel, ô glorieux Martyr ! En retour de nos hommages, du sommet de la gloire où vous régnez, abaissez vos regards sur nous, et voyez les fidèles de la Chrétienté tout entière qui se préparent aux saintes expiations de la pénitence, et qui songent à revenir au Seigneur leur Dieu par les larmes et la componction. Souvenez-vous de vos propres combats, et assistez-nous dans le travail de renouvellement que nous allons entreprendre. Vous n'avez pas craint les tourments de la mort ; et quelque rude qu'ait été l'épreuve, vous l'avez subie avec courage.

Obtenez-nous la constance dans une carrière moins périlleuse. Nos ennemis ne sont rien auprès de ceux qu'il vous a fallu vaincre; mais ils sont perfides, et si nous les ménageons, ils peuvent nous abattre. Obtenez-nous le secours divin par lequel vous avez triomphé. Nous sommes les fils des Martyrs ; que leur sang ne dégénère pas en nous. Souvenez-vous aussi, saint Pontife, des heureuses contrées que vous arrosâtes de votre sang. La foi pour laquelle vous avez donné votre vie s'y était altérée ; des jours meilleurs semblent briller enfin. Par vos prières paternelles, rendez l'Arménie à l'Eglise catholique, et consolez, par le retour de leurs frères, les fidèles qui ont su s'y conserver orthodoxes, parmi tant de périls."


Saint Blaise et saint Guérin. Imagerie populaire. Epinal. XIXe.

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vendredi, 02 février 2024

2 février. La Purification de la très sainte Vierge Marie.

- La Purification de la très sainte Vierge Marie.

" Délivrez les captifs,
Eclairez les aveugles,
Chassez loin tous nos maux,
Demandez tous les biens."
Hymne.


La présentation de Notre Seigneur Jésus-Christ au Temple.
Andrea Mantegna. XVe.

Enfin les quarante jours de la Purification de Marie sont écoulés, et le moment est venu où elle doit monter au Temple du Seigneur pour y présenter Jésus. Avant de suivre le Fils et la Mère dans ce voyage mystérieux à Jérusalem, arrêtons-nous encore un instant à Bethléhem, et pénétrons avec amour et docilité les mystères qui vont s'accomplir.

La Loi du Seigneur ordonnait aux femmes d'Israël, après leur enfantement, de demeurer quarante jours sans approcher du tabernacle ; après l'expiration de ce terme, elles devaient, pour être purifiées, offrir un sacrifice. Ce sacrifice consistait en un agneau, pour être consumé en holocauste; on devait y joindre une tourterelle ou une colombe, destinées à être offertes selon le rite du sacrifice pour le péché. Que si la mère était trop pauvre pour fournir l'agneau, le Seigneur avait permis de le remplacer par une autre tourterelle, ou une autre colombe.

Un second commandement divin déclarait tous les premiers-nés propriété du Seigneur, et prescrivait la manière de les racheter. Le prix de ce rachat était de cinq sicles, qui, au poids du sanctuaire, représentaient chacun vingt oboles. Marie, fille d'Israël, avait enfanté ; Jésus était son premier-né. Le respect dû à un tel enfantement, à un tel premier-né, permettait-il l'accomplissement de la loi ?


Antiphonaire. Clermont-Ferrand. XVe.

Si Marie considérait les raisons qui avaient porté le Seigneur à obliger les mères à la purification, elle voyait clairement que cette loi n'avait point été faite pour elle. Quel rapport pouvait avoir avec les épouses des hommes, celle qui était le très pur sanctuaire de l'Esprit-Saint, Vierge dans la conception de son Fils, Vierge dans son ineffable enfantement ; toujours chaste, mais plus chaste encore après avoir porté dans son sein et mis au monde le Dieu de toute sainteté ? Si elle considérait la qualité sublime de son Fils, cette majesté du Créateur et du souverain Seigneur de toutes choses, qui avait daigné prendre naissance en elle, comment aurait-elle pu penser qu'un tel Fils était soumis à l'humiliation du rachat, comme un esclave qui ne s'appartient pas à lui-même ?

Cependant, l'Esprit qui résidait en Marie lui révèle qu'elle doit accomplir cette double loi. Malgré son auguste qualité de Mère de Dieu, il faut qu'elle se mêle à la foule des mères des hommes, qui se rendent de toutes parts au Temple, pour y recouvrer, par un sacrifice, la pureté qu'elles ont perdue. En outre, ce Fils de Dieu et Fils de l'Homme doit être considéré en toutes choses comme un serviteur ; il faut qu'il soit racheté en cette humble qualité comme le dernier des enfants d'Israël. Marie adore profondément cette volonté suprême, et s'y soumet de toute la plénitude de son cœur.

Les conseils du Très-Haut avaient arrêté que le Fils de Dieu ne serait déclaré à son peuple que par degrés. Après trente années de vie cachée à Nazareth, où, comme le dit l'Evangéliste, il était réputé le fils de Joseph, un grand Prophète devait l'annoncer mystérieusement aux Juifs accourus au Jourdain, pour y recevoir le baptême de la pénitence. Bientôt ses propres œuvres, ses éclatants miracles, rendraient témoignage de lui. Après les ignominies de sa Passion, il ressusciterait glorieux, confirmant ainsi la vérité de ses prophéties, l'efficacité de son Sacrifice, enfin sa divinité.


Bréviaire à l'usage de Besançon. XVe.

Jusque-là presque tous les hommes ignoreraient que la terre possédait son Sauveur et son Dieu. Les bergers de Bethléhem n'avaient point reçu l'ordre, comme plus tard les pêcheurs de Génésareth, d'aller porter la Parole jusqu'aux extrémités du monde ; les Mages, qui avaient paru tout à coup au milieu de Jérusalem, étaient retournés dans l'Orient, sans revoir cette ville qui s'était émue un instant de leur arrivée. Ces prodiges, d'une si sublime portée aux yeux de l'Eglise, depuis l'accomplissement de la mission de son divin Roi, n'avaient trouvé d'écho et de mémoire fidèle que dans le cœur de quelques vrais Israélites qui attendaient le salut d'un Messie humble et pauvre ; la naissance même de Jésus à Bethléhem devait demeurer ignorée du plus grand nombre des Juifs ; car les Prophètes avaient prédit qu'il serait appelé Nazaréen.

Le même plan divin qui avait exigé que Marie fût l'épouse de Joseph, pour protéger, aux yeux du peuple, sa virginité féconde, demandait donc que cette très chaste Mère vînt comme les autres femmes d'Israël offrir le sacrifice de purification, pour la naissance du Fils qu'elle avait conçu par l'opération de l'Esprit-Saint, mais qui devait être présenté au temple comme le fils de Marie, épouse de Joseph. Ainsi, la souveraine Sagesse aime à montrer que ses pensées ne sont point nos pensées, à déconcerter nos faibles conceptions, en attendant le jour où elle déchire les voiles et se montre à découvert à nos yeux éblouis.

La volonté divine fut chère à Marie, en cette circonstance comme en toutes les autres. La Vierge ne pensa point agir contre l'honneur de son fils, ni contre le mérite glorieux de sa propre intégrité, en venant chercher une purification extérieure dont elle n'avait nul besoin. Elle fut, au Temple, la servante du Seigneur, comme elle l'avait été dans la maison de Nazareth, lors de la visite de l'Ange. Elle obéit à la loi, parce que les apparences la déclaraient sujette à la loi. Son Dieu et son Fils se soumettait au rachat comme le dernier des hommes ; il avait obéi à l'édit d'Auguste pour le dénombrement universel ; il devait " être obéissant jusqu'à la mort, et à la mort de la croix " : la Mère et l'Enfant s'humilièrent ensemble ; et l'orgueil de l'homme reçut en ce jour une des plus grandes leçons qui lui aient jamais été données.


Sandro di Benozzo di Lese. XVe.

Quel admirable voyage que celui de Marie et de Joseph allant de Bethléhem à Jérusalem ! L'Enfant divin est dans les bras de sa mère ; elle le tient sur son cœur durant tout le cours de cette route fortunée. Le ciel, la terre, la nature tout entière, sont sanctifiés par la douce présence de leur miséricordieux créateur. Les hommes au milieu desquels passe cette mère chargée de son tendre fruit la considèrent, les uns avec indifférence, les autres avec intérêt ; mais nul d'entre eux ne pénètre encore le mystère qui doit les sauver tous.

Joseph est porteur de l'humble offrande que la mère doit présenter au prêtre. Leur pauvreté ne leur permet pas d'acheter un agneau ; et d'ailleurs n'est-il pas l'Agneau de Dieu qui efface les péchés du monde, ce céleste Enfant que Marie tient dans ses bras ? La loi a désigné la tourterelle ou la colombe pour suppléer l'offrande qu'une mère indigente ne pourrait présenter : innocents oiseaux, dont le premier figure la chasteté et la fidélité, et dont le second est le symbole de la simplicité et de l'innocence. Joseph porte aussi les cinq sicles, prix du rachat du premier-né ; car il est vraiment le Premier-né, cet unique fils de Marie, qui a daigné faire de nous ses frères, et nous rendre participants de la nature divine, en adoptant la nôtre.

Enfin, cette sainte et sublime famille est entrée dans Jérusalem. Le nom de cette ville sacrée signifie vision de paix ; et le Sauveur vient par sa présence lui offrir la paix. Admirons une magnifique progression dans les noms des trois villes auxquelles se rattache la vie mortelle du Rédempteur. Il est conçu à Nazareth, qui signifie la fleur ; car il est, comme il le dit au Cantique, " la fleur des champs et le lis des vallons ; et sa divine odeur nous réjouit ". Il naît à Bethléhem, la maison du pain, afin d'être la nourriture de nos âmes. Il est offert en sacrifice sur la croix à Jérusalem, et par son sang, il rétablit la paix entre le ciel et la terre, la paix entre les hommes, la paix dans nos âmes. Dans cette journée, comme nous le verrons bientôt, il va donner les arrhes de cette paix.


Graduel à l'usage de l'abbaye Notre-Dame de Fontevrault. XIIIe.

Pendant que Marie portant son divin fardeau monte, Arche vivante, les degrés du Temple, soyons attentifs ; car une des plus fameuses prophéties s'accomplit, un des principaux caractères du Messie se déclare. Conçu d'une Vierge, né en Bethléhem, ainsi qu'il était prédit, Jésus, en franchissant le seuil du Temple, acquiert un nouveau titre à nos adorations.

Cet édifice n'est plus le célèbre Temple de Salomon, qui devint la proie des flammes aux jours de la captivité de Juda. C'est le second Temple bâti au retour de Babylone, et dont la splendeur n'a point atteint la magnificence de l'ancien. Avant la fin du siècle, il doit être renversé pour la seconde fois ; et la parole du Seigneur sera engagée à ce qu'il n'y demeure pas pierre sur pierre. Or, le Prophète Aggée, pour consoler les Juifs revenus de l'exil, qui se lamentaient sur leur impuissance à élever au Seigneur une maison comparable à celle qu'avait édifiée Salomon, leur a dit ces paroles, et elles doivent servir à fixer l'époque de la venue du Messie :
" Prends courage, Zorobabel, dit le Seigneur ; prends courage, Jésus, fils de Josedec, souverain Prêtre ; prends courage, peuple de cette contrée ; car voici ce que dit le Seigneur : " Encore un peu de temps et j'ébranlerai le ciel et la terre, et j’ébranlerai toutes les nations ; et le Désiré de toutes les nations viendra ; et je remplirai de gloire cette maison. La gloire de cette seconde maison sera plus grande que ne le fut celle de la première ; et dans ce lieu je donnerai la paix, dit le Seigneur des armées "."

L'heure est arrivée de l'accomplissement de cet oracle. L'Emmanuel est sorti de son repos de Bethléhem, il s'est produit au grand jour, il est venu prendre possession de sa maison terrestre ; et par sa seule présence dans l'enceinte du second Temple, il en élève tout d'un coup la gloire au-dessus de la gloire dont avait paru environné celui de Salomon. Il doit le visiter plusieurs fois encore ; mais cette entrée qu'il y fait aujourd'hui, porté sur les bras de sa mère, suffit à accomplir la prophétie ; dès maintenant, les ombres et les figures que renfermait ce Temple commencent à s'évanouir aux rayons du Soleil de la vérité et de la justice. Le sang des victimes teindra encore, quelques années, les cornes de l'autel ; mais au milieu de toutes ces victimes égorgées, hosties impuissantes, s'avance déjà l'Enfant qui porte dans ses veines le sang de la Rédemption du monde. Parmi ce concours de sacrificateurs, au sein de cette foule d'enfants d'Israël qui se presse dans les diverses enceintes du Temple, plusieurs attendent le Libérateur, et savent que l'heure de sa manifestation approche; mais aucun d'eux ne sait encore qu'en ce moment même le Messie attendu vient d'entrer dans la maison de Dieu.


Heures à l'usage d'Angers. XVe.

Cependant un si grand événement ne devait pas s'accomplir sans que l'Eternel opérât une nouvelle merveille. Les bergers avaient été appelés par l'Ange, l'étoile avait attiré les Mages d'Orient en Bethléhem ; l'Esprit-Saint suscite lui-même à l'Enfant divin un témoignage nouveau et inattendu.

Un vieillard vivait à Jérusalem, et sa vie touchait au dernier terme ; mais cet homme de désirs, nommé Siméon, n'avait point laissé languir dans son cœur l'attente du Messie. Il sentait que les temps étaient accomplis ; et pour prix de son espérance, l'Esprit-Saint lui avait fait connaître que ses yeux ne se fermeraient pas avant qu'ils eussent vu la Lumière divine se lever sur le monde. Au moment où Marie et Joseph montaient les degrés du Temple, portant vers l'autel l'Enfant de la promesse, Siméon se sent poussé intérieurement par la force irrésistible de l'Esprit divin ; il sort de sa maison, il dirige vers la demeure sacrée ses pas chancelants, mais soutenus par l'ardeur de ses désirs. Sur le seuil de la maison de Dieu, parmi les mères qui s'y pressent chargées de leurs enfants, ses yeux inspirés ont bientôt reconnu la Vierge féconde prophétisée par Isaïe ; et son cœur vole vers l'Enfant qu'elle tient dans ses bras.

Marie, instruite par le même Esprit, laisse approcher le vieillard ; elle dépose dans ses bras tremblants le cher objet de son amour, l'espoir du salut de la terre. Heureux Siméon, figure de l'ancien monde vieilli dans l'attente et près de succomber ! A peine a-t-il reçu le doux fruit de la vie, que sa jeunesse se renouvelle comme celle de l'aigle ; en lui s'accomplit la transformation qui doit se réaliser dans la race humaine. Sa bouche s'ouvre, sa voix retentit, il rend témoignage comme les bergers dans la région de Bethléhem, comme les Mages au sein de l'Orient.
" Ô Dieu ! dit-il, mes yeux ont donc vu le Sauveur que vous prépariez ! Elle luit enfin, cette Lumière qui doit éclairer les Gentils, et faire la gloire de votre peuple d'Israël."

Tout à coup survient, attirée aussi par le mouvement du divin Esprit, la pieuse Anne, fille de Phanuel, illustre par sa piété et vénérable à tout le peuple par son grand âge. Les deux vieillards, représentants de la société antique, unissent leurs voix, et célèbrent l'avènement fortuné de l'Enfant qui vient renouveler la face de la terre, et la miséricorde de Jéhovah qui, selon la prophétie d'Aggée, dans ce lieu, au sein même du second Temple, donne enfin la paix au monde.


Giovanni di Paolo di Grazia. XVe.

C'est dans cette paix tant désirée que va s'endormir Siméon. " Vous laisserez donc partir dans la paix votre serviteur, selon votre parole, Seigneur !" dit le vieillard ; et bientôt son âme, dégagée des liens du corps, va porter aux élus qui reposent dans le sein d'Abraham la nouvelle de la paix qui apparaît sur la terre, et leur ouvrira bientôt les cieux. Anne survivra quelques jours encore à cette grande scène ; elle doit, comme nous l'apprend l'Evangéliste, annoncer l'accomplissement des promesses aux Juifs spirituels qui attendaient la Rédemption d'Israël. Une semence devait être confiée à la terre ; les bergers, les Mages, Siméon, Anne, l'ont jetée ; elle lèvera en son temps : et quand les années d'obscurité que le Messie doit passer dans Nazareth seront écoulées, quand il viendra pour la moisson, il dira à ses disciples : " Voyez comme le froment blanchit à maturité sur les guérets : priez donc le maître de la moisson d'envoyer des ouvriers pour la récolte ".

Le fortuné vieillard rend donc aux bras de la très pure Mère le Fils qu'elle va offrir au Seigneur. Les oiseaux mystérieux sont présentés au prêtre qui les sacrifie sur l'autel, le prix du rachat est versé, l'obéissance parfaite est accomplie ; et après avoir rendu ses hommages au Seigneur dans cet asile sacré à l'ombre duquel s'écoulèrent ses premières années, Marie toujours Vierge, pressant sur son cœur le divin Emmanuel, et accompagnée de son fidèle époux, descend les degrés du Temple.

Tel est le mystère du quarantième jour, qui ferme la série des jours du Temps de Noël, par cette admirable fête de la Purification de la très sainte Vierge. De savants hommes, au nombre desquels on compte le docte Henschenius, dont Benoît XIV partage le sentiment, inclinent à donner une origine apostolique à cette solennité ; il est certain du moins qu'elle était déjà ancienne au cinquième siècle.

L'Eglise Grecque et l'Eglise de Milan mettent cette fête au nombre des solennités de Notre-Seigneur ; mais l'Eglise Romaine Fa toujours comptée entre les fêtes de la sainte Vierge. Sans doute, l'Enfant Jésus est offert aujourd'hui dans le Temple et racheté ; mais c'est à l'occasion de la Purification de Marie, dont cette offrande et ce rachat sont comme la conséquence. Les plus anciens Martyrologes et Calendriers de l'Occident donnent cette fête sous le titre qu'elle conserve aujourd'hui ; et la gloire du Fils, loin d'être obscurcie par les honneurs que l'Eglise rend à la Mère, en reçoit un nouvel accroissement, puisque lui seul est le principe de toutes les grandeurs que nous révérons en elle.


Heures à l'usage d'Avignon. XVe.

HYMNE

" Salut, astre des mers,
Mère de Dieu féconde,
Salut, Ô toujours Vierge,
Porte heureuse du ciel !

Vous qui de Gabriel
Avez reçu l’Ave,
Fondez-nous dans la paix,
Changeant le nom d'Eva.

Délivrez les captifs,
Eclairez les aveugles,
Chassez loin tous nos maux,
Demandez tous les biens.

Montrez en vous la Mère,
Vous-même offrez nos vœux
Au Dieu qui, né pour nous,
Voulut naître de vous.

Ô Vierge incomparable,
Vierge douce entre toutes !
Affranchis du péché,
Rendez-nous doux et chastes.

Donnez vie innocente,
Et sûr pèlerinage,
Pour qu'un jour soit Jésus
Notre liesse à tous.

Louange à Dieu le Père,
Gloire au Christ souverain ;
Louange au Saint-Esprit ;
Aux trois un seul hommage.

Amen."

V/. Il avait été révélé à Siméon parle Saint-Esprit,
R/. Qu'il ne mourrait point sans avoir vu le Christ du Seigneur.

LA BÉNÉDICTION DES CIERGES

Après l'Office de Tierce, l'Eglise pratique, en ce jour, la bénédiction solennelle des Cierges, que l'on compte pour une des trois principales qui ont lieu dans le cours de l'année : les deux autres sont celle des Cendres et celle des Rameaux. L'intention de cette cérémonie se rapporte au jour même de la Purification de la sainte Vierge ; en sorte que si l'un des Dimanches de Septuagésime, de Sexagésime, ou de Quinquagésime, tombe le deux février, la fête est remise au lendemain ; mais la bénédiction des Cierges, et la Procession qui en est le complément, demeurent fixes au deux février.


Guido Reni. XVIIe.

Afin de réunir sous un même rite les trois grandes Bénédictions dont nous parlons, l'Eglise a ordonné, pour celle des Cierges, l'usage de la même couleur violette qu'elle emploie dans la bénédiction des Cendres et dans celle des Rameaux ; en sorte que cette solennelle fonction, qui sert à marquer d'une manière inviolable le jour auquel s'est accomplie la Purification de Marie, doit s'exécuter tous les ans, le deux février, sans qu'il soit dérogé à la couleur prescrite pour les trois Dimanches dont nous venons de parler.

L'origine de cette cérémonie est assez difficile à assigner d'une manière précise. Selon Baronius, Thomassin, Baillet, etc., elle aurait été instituée, vers la fin du Ve siècle, par le Pape saint Gélase, pour donner un sens chrétien aux restes de l'antique fête des Lupercales, dont le peuple de Rome avait encore retenu quelques usages superstitieux. Il est du moins certain que saint Gélase abolit, à cette époque, les derniers vestiges de la fête des Lupercales qui, comme l'on sait, était célébrée au mois de février, dans les siècles du paganisme.

Innocent III, dans un de ses Sermons sur la fête de la Purification, enseigne que l'attribution de la cérémonie des Cierges au deux février est due à la sagesse des Pontifes romains, lesquels auraient appliqué au culte de la sainte Vierge les restes d'un usage religieux des anciens Romains, qui allumaient des flambeaux en mémoire des torches à la lueur desquelles Cérès avait, selon la fable, parcouru les sommets de l'Etna, cherchant sa fille Proserpine enlevée par Pluton ; mais on ne trouve pas de fête en l'honneur de Cérès, au mois de février, sur le Calendrier des anciens Romains.

Il nous semble donc plus exact d'adopter le sentiment de D. Hugues Ménard, Rocca, Henschenius et Benoît XIV, qui tiennent que la fête antique connue en février sous le nom d'Amburbalia, et dans laquelle les païens parcouraient la ville en portant des flambeaux, a donné occasion aux Souverains Pontifes de lui substituer un rite chrétien qu'ils ont uni à la célébration de la fête dans laquelle le Christ, Lumière du monde, est présenté au Temple par la Vierge-mère.


Heures à l'usage de Langres. XVe.

Le mystère de cette cérémonie a été fréquemment expliqué par les liturgistes depuis le VIIe siècle. Selon saint Ives de Chartres, dans son deuxième Sermon sur la fête d'aujourd'hui, la cire des cierges, formée du suc des fleurs par les abeilles, que l'antiquité a toujours considérées comme un type de la virginité, signifie la chair virginale du divin Enfant, lequel n'a point altéré, dans sa conception ni dans sa naissance, l'intégrité de Marie. Dans la flamme du cierge, le saint Evêque nous apprend à voir le symbole du Christ qui est venu illuminer nos ténèbres. Saint Anselme, dans ses Enarrations sur saint Luc, développant le même mystère, nous dit qu'il y a " trois choses à considérer dans le Cierge : la cire, la mèche et la flamme. La cire, dit-il, ouvrage de l'abeille virginale, est la chair du Christ ; la mèche, qui est intérieure, est l'âme ; la flamme, qui brille en la partie supérieure, est la divinité ".

Autrefois, les fidèles s'empressaient d'apporter eux-mêmes des cierges à l'Eglise, le jour de la Purification, afin qu'ils fussent bénis avec ceux que les prêtres et les ministres portent à la Procession ; cet usage est encore observé en beaucoup de lieux. Il est à désirer que les Pasteurs des âmes recommandent fortement cette coutume, et qu'ils la rétablissent ou la soutiennent partout où il est besoin. Tant d'efforts que l'on a faits pour ruiner, ou du moins pour appauvrir le culte extérieur, ont amené insensiblement le plus triste affaiblissement du sentiment religieux, dont l'Eglise possède seule la source dans la Liturgie.

Il est nécessaire aussi que les fidèles sachent que les cierges bénis au jour de la Chandeleur, car tel est le nom populaire de la fête de la Purification, emprunté à la cérémonie même dont nous parlons ; que ces cierges, disons-nous, sont bénis, non seulement pour servir à la Procession, mais encore pour l'usage des chrétiens qui, en les gardant avec respect dans leurs maisons, en les portant avec eux, tant sur la terre que sur les eaux, comme dit l'Eglise, attirent des bénédictions particulières du ciel. On doit allumer aussi ces cierges de la Chandeleur auprès du lit des mourants, comme un souvenir de l'immortalité que le Christ nous a méritée, et comme un signe de la protection de Marie.


Peinture flamande anonyme du XVIe.

CANTIQUE DE SIMÉON

" C'est maintenant, Seigneur, que vous laisserez aller en paix votre serviteur, selon votre parole.

Ant. Il sera la Lumière qui éclairera les nations, et la gloire de votre peuple d'Israël.

Parce que mes yeux ont vu votre Salut.

Ant. Il sera la Lumière qui éclairera les nations, et la gloire de votre peuple d'Israël.

Que vous avez destiné à être exposé aux regards de tous les peuples.

Ant. Il sera la Lumière qui éclairera les nations, et la gloire de votre peuple d'Israël.

Gloire au Père, et au Fils, et au Saint-Esprit.

Ant. Il sera la Lumière qui éclairera les nations, et la gloire de votre peuple d'Israël.

Comme il était au commencement, et maintenant, et toujours, et dans les siècles des siècles. Amen.

Ant. Il sera la Lumière qui éclairera les nations, et la gloire de votre peuple d'Israël."

A LA MESSE

Aujourd'hui, le Seigneur est grand dans la Cité de David, sur la montagne de Sion. Siméon, figure du genre humain, reçoit dans ses bras Celui qui est la miséricorde que Dieu nous envoie.

ÉPÎTRE

Lecture du Prophète Malachie. Chap. III. :


Heures à l'usage de Rome. XVe.

" Le Seigneur Dieu dit : " Voici que j'envoie mon Ange ; et il préparera la voie devant ma face : et aussitôt viendra à son Temple le Dominateur que vous cherchez, et l'Ange de l'Alliance que vous désirez. Voici qu'il vient, dit le Seigneur des armées : et qui pourra seulement penser au jour de son avènement ; ou qui pourra en soutenir la vue ? Car il sera comme le feu qui purifie les métaux, et comme l'herbe dont les foulons se servent. Il s'asseyera comme un homme qui fait fondre et qui épure l'argent, et il purifiera les enfants de Lévi, et il les rendra purs comme l'or et l'argent qui ont passé par le feu, et ils offriront des sacrifices au Seigneur dans la justice. Et le sacrifice de Juda et de Jérusalem sera agréable au Seigneur, comme l'ont été ceux des siècles passés et des années anciennes. Ainsi parle le Seigneur tout-puissant "."

Tous les Mystères de l'Homme-Dieu ont pour objet la purification de nos cœurs. Il envoie son Ange, son Précurseur, devant sa face, pour préparer la voie ; et Jean nous criait du fond du désert :
" Abaissez les collines, comblez les vallées. Il vient enfin lui-même, l'Ange, l'Envoyé par excellence, sceller l'alliance avec nous ; il vient à son Temple ; et ce temple est notre cœur. Mais il est semblable à un feu ardent qui fond et épure les métaux."

Il veut nous renouveler, en nous rendant purs, afin que nous devenions dignes de lui être offerts, et d'être offerts avec lui, dans un Sacrifice parfait. Nous ne devons donc pas nous contenter d'admirer de si hautes merveilles, mais comprendre qu'elles ne nous sont montrées que pour opérer en nous la destruction de l'homme ancien, et la création de l'homme nouveau. Nous avons dû naître avec Jésus-Christ ; cette nouvelle naissance est déjà à son quarantième jour. Aujourd'hui il nous faut être présentés avec lui par Marie, qui est aussi notre Mère, à la Majesté divine. L'instant du Sacrifice approche ; préparons une dernière fois nos âmes.


EVANGILE

La suite du saint Evangile selon saint Luc. Chap. II :


La présentation de Notre Seigneur Jésus-Christ au Temple.
Giovanni Bellini (d'après Mantegna). XVIe.

" En ce temps-là, quand les jours de la Purification de Marie, selon la Loi de Moïse, furent accomplis, ils portèrent Jésus à Jérusalem, pour le présenter au Seigneur, comme il est écrit dans la Loi du Seigneur : Tout mâle premier-né sera consacré au Seigneur ; et pour offrir en sacrifice, comme l'ordonne la Loi du Seigneur, deux tourterelles, ou deux petits de colombes. Or, il y avait à Jérusalem un homme appelé Siméon ; et cet homme juste et craignant Dieu attendait la consolation d'Israël ; et le Saint-Esprit était en lui. Et il lui avait été révélé par le Saint-Esprit qu'il ne verrait point la mort sans voir auparavant le Christ du Seigneur. Et par un mouvement de l'Esprit, il vint au Temple. Et comme les parents de Jésus l'y apportaient, afin d'accomplir pour l’Enfant ce qui était en usage selon la Loi, Siméon le prit dans ses bras, et il bénit Dieu, et il dit :
" C'est maintenant, Seigneur, que vous laisserez aller en paix votre serviteur, selon votre parole ; parce que mes yeux ont vu le Sauveur que vous avez destiné à être exposé aux regards de tous les peuples, pour être la Lumière qui éclairera les nations, et la gloire de votre peuple d'Israël."

L'esprit divin nous a conduits au Temple comme Siméon ; et nous y contemplons en ce moment la Vierge-mère, présentant à l'autel le Fils de Dieu et le sien. Nous admirons cette fidélité à la Loi dans le Fils et dans la Mère, et nous sentons au fond de nos coeurs le désir d'être présentés à notre tour au grand Dieu qui acceptera notre hommage, comme il a reçu celui de son Fils.

Hâtons-nous donc de mettre nos sentiments en rapport avec ceux du Cœur de Jésus, avec ceux qui s'élèvent du Cœur de Marie. Le salut du monde a fait un pas dans cette grande journée ; que l'œuvre de notre sanctification avance donc aussi. Désormais, le mystère du Dieu Enfant ne nous sera plus offert par l'Eglise comme l'objet spécial de notre religion ; la douce quarantaine de Noël touche à son terme ; il nous faut suivre maintenant l'Emmanuel dans ses luttes contre nos ennemis. Attachons-nous à ses pas; courons à sa suite comme Siméon, et marchons sans relâche sur les traces de Celui qui est notre Lumière ; aimons cette Lumière, et obtenons par notre fidélité empressée qu'elle luise toujours sur nous.


HYMNE

L'antiquité liturgique a produit peu d'Hymnes sur la Purification de la Sainte Vierge. Nous donnerons la suivante, qui ne manque pas de grandeur, et qui est de saint Paulin, Patriarche d'Aquilée :


Psautier cistercien. XIIIe.

" Le quarantième jour de la jeune Mère étant arrivé, selon la Loi du Seigneur, Marie,cette Vierge, présenta au Temple, sur ses bras sacrés, le saint Enfant Jésus, Fils unique de la majesté du Père.

L'heureuse Mère portait sur ses chastes épaules un Dieu couvert du voile de la chair ; ses lèvres avaient imprimé de doux baisers sur le visage de ce Dieu, homme véritable, par l'ordre duquel tout fut créé.

Les parents portèrent deux blanches et tendres colombes, au plumage pur comme le lait ; ils offrirent pour lui au Temple deux tourterelles ; elles furent consumées dans un sacrifice, comme le prescrivait la Loi.

Un Prêtre de Dieu, homme humble et doux, était dans la ville, un vieillard vénérable, l'heureux Siméon; rempli de l'Esprit-Saint aux influences célestes, il arrive dans la sainte Maison, poussé par un mouvement divin.

Car dès longtemps l'Esprit-Saint lui avait répondu que la puissance de la mort ne viendrait pas le séparer de son corps qu'il n'eût vu, de son vivant, le Christ du Seigneur, envoyé par le Père du haut des cieux.

Il prit donc l'Enfant dans ses bras, il rendit grâces au Père céleste ; pressant sur sa poitrine ce nouveau-né, il bénit le Seigneur ; dans le transport de son amour, au milieu des douceurs dont son cœur était inondé, il s'exprima ainsi à haute voix :

" Laissez maintenant, Seigneur, aller en paix votre serviteur ; car j'ai pu voir de mes yeux le Sauveur que vous envoyez, Celui que votre suprême bonté a préparé à la face de tous les peuples.

Il est la Lumière qui brille aux yeux des nations, la gloire du peuple d'Israël ; il est placé pour être la pierre sur laquelle plusieurs se heurteront à leur ruine ; pour être le salut de ceux qui sont la fidèle race de Jacob, au jour où les secrets des cœurs se révéleront.

Mais un glaive, Ô sainte Mère , transpercera ton âme." Et Marie conservait dans son cœur de si hauts mystères, et, fidèle à croire les oracles célestes, elle repassait constamment ces paroles en elle-même.

Gloire au Père de Jésus, dans sa majesté souveraine ; gloire à toi, Fils unique du Père, Dieu, puissance, vertu, plus haut que les cieux ; au saint Paraclet louange infinie, honneur et empire à jamais !

Amen."

SÉQUENCE

Les Séquences pour la Purification sont aussi rares que les Hymnes dans les anciens livres liturgiques. Celle qui suit est de la composition de Notker, et elle est tirée de l'ancien Séquential de l'Abbaye de Saint-Gall :


Heures à l'usage de Rouen. XVIe.

" Ce peuple n'a qu'une voix pour te célébrer, Ô Marie ! Tous ces cœurs pieux te vénèrent.

De l'illustre Abraham tu es la fille auguste, issue de la race royale de David.

Très sainte dans ton corps, très chaste dans ta vie, la plus belle de toutes, Vierge des vierges.

Mère et Vierge glorieuse, réjouis-toi : docile à l'oracle de l'Archange Gabriel, toujours intacte tu as enfanté un Fils ;

Un Fils dont le sang très sacré purifie la race perdue tout entière, comme Dieu l'a promis à Abraham.

C'est toi, Ô Marie, que figure la Verge d'Aaron desséchée, puis tout à coup ornée d'une belle fleur ; il est la fleur, ce Fils que tu as enfanté contre les lois de la nature.

Tu es la Porte toujours fermée que célèbre la voix d'Ezéchiel : tu n'es accessible qu'à Dieu seul, Ô Marie !

Mais, aujourd'hui, voulant nous donner un exemple digne de la mère des vertus, tu t'es présentée pour l'expiation imposée aux mères que leur enfantement avait souillées.

Tu portas au Temple pour être purifié avec toi, le Dieu-Homme dont la naissance a ajouté à ta pureté, Ô Mère immaculée !

Réjouis-toi, Ô sainte Marie ! Toi que Celui qui sonde les reins et les cœurs a trouvée la seule demeure digne de lui.

Tressaille, Ô Marie ! Car il te sourit enfant, Celui qui seul donne à tous les êtres de se réjouir et d'exister.

Donc, nous qui célébrons la fête du Christ, Enfant pour nous, et de Marie sa tendre Mère,

Si notre faiblesse ne nous permet pas d'atteindre à une si profonde humilité d'un Dieu, que du moins sa Mère soit notre modèle.

Louange au Père de gloire, qui, révélant son Fils aux Gentils et à son peuple, daigne nous associer à Israël.

Louange à son Fils, qui, nous réconciliant au Père par son sang, nous associe aux habitants des cieux.

Louange aussi à l'Esprit-Saint à jamais.

Amen."

SEQUENCE

L'admirable Prose que nous donnons ci-après est d'Adam de Saint-Victor. Elle était demeurée inédite jusqu'à la publication qu'en a faite M. Léon Gautier, dans sa précieuse édition des œuvres poétiques de notre grand lyrique. Cette Séquence est cependant une des plus belles de son auteur, et l'un des plus gracieux hommages que le moyen âge ait offerts à la Vierge-Mère :


Heures à l'usage de Troyes. XVe.

" Ornons le temple intérieur ; dans un cœur nouveau, renouvelons la joie nouvelle du saint vieillard, qui, prenant sur ses bras l'Enfant divin, satisfait enfin les désirs qui le firent soupirer tant d'années.

Il est l'étendard qui ralliera les peuples, cet Enfant dont la présence illumine le Temple, inspire de si beaux cantiques, émeut les cœurs d'un si noble transport ; aujourd'hui c'est un enfant que l'on présente ; plus tard, sur la croix, ce sera un homme offert comme hostie du péché.

Là le Sauveur, ici Marie : saint Enfant, sainte Mère, quels objets d'allégresse mais portons en nous avec amour l'œuvre de lumière que représentent nos cierges allumés.

Le Verbe du Père est la lumière, la chair formée par la Vierge est la cire ; le cierge étincelant est le Christ lui-même ; c'est lui qui éclaire nos cœurs de la vraie sagesse ; par sa grâce, celui qui était le jouet de l'erreur et du vice s'élance dans le chemin de la vertu.

Celui qui par l'amour tient le Christ dans ses bras, porte vraiment le flambeau de cire allumé, et remplit pleinement le rite de la fête ; de même que le vieillard dont le cœur portait déjà le Verbe du Père, serra dans ses bras ce même Verbe fait chair que lui confiait l'auguste Mère.

Mère d'un tel Fils, réjouis-toi ; pure au dedans, chaste au dehors, sans tache ni ride ; femme que son Bien-Aimé a choisie d'avance, que l'amour d'un Dieu a chérie avant les siècles.

A qui contemple ta beauté, toute autre beauté n'est que ténèbres et difformité qui repousse ; à qui goûte ta saveur délicieuse, toute autre saveur n'est qu'amertume et objet de dégoût.

A qui respire tes parfums, toute autre senteur est nulle ou désagréable ; en celui qui cultive ton amour, tout autre amour s'efface, ou n'obtient plus que le second rang.

De la mer brillante Etoile, honneur éternel de toutes les mères, Ô Mère véritable de la Vérité, de la Voie, de la Vie, de l'Amour, remède de ce monde languissant, canal de ce vin délicieux qui est la source de vie dont tous doivent éprouver la soif ; dont le breuvage est doux à celui qui est sain comme à celui qui est malade : rends la force et la santé à celui qui défaille.

Fontaine scellée, verse tes ruisseaux de sainteté ; fontaine des jardins spirituels, arrose de tes eaux nos âmes desséchées. Fontaine abondante, inonde-nous, lave nos cœurs coupables. Fontaine limpide, source toujours pure, daigne purifier des souillures du monde, par ta pureté, le cœur de ton peuple.

Amen."