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4 octobre. Saint François d'Assise, confesseur, fondateurs de l'Ordre des Frères mineurs. 1226.
- Saint François d'Assise, confesseur, fondateur de l'Ordre des Frères mineurs. 1226.
Pape : Honorius III. Roi de France : Louis VIII le Lion (+ 8 nov. 1226) ; saint Louis. Empereur romain germanique : Frédéric II.
" Qui n'admirerait la folie sublime et céleste de saint François d'Assise, qui lui fait établir ses richesses dans la pauvreté, ses délices dans les souffrances, sa gloire dans la bassesse !"
Bossuet. Panégyriques.
Saint François d'Assise. Francesco Albani, XVIIe.
François, né à Assise en Ombrie, s'adonna dès le jeune âge au négoce, à l'exemple de son père. Un jour que, contre sa coutume, il avait repoussé un pauvre qui sollicitait de lui quelque argent pour l'amour de Jésus-Christ, il fut aussitôt pris de repentir et exerça largement la miséricorde envers ce mendiant, promettant à Dieu que, de ce jour, il ne rebuterait quiconque lui demanderait l'aumône. Une grave maladie qu'il eut ensuite fut pour lui, dès sa convalescence, le point de départ d'une ardeur nouvelle dans la pratique de la charité. Ses progrès y furent tels, que, désireux d'atteindre la perfection évangélique, il donnait aux pauvres tout ce qu'il avait. Ce que son père ne pouvant souffrir, il traduisit François devant l'évêque d'Assise à l'effet d'exiger de lui une renonciation aux biens paternels ; le saint lui donna satisfaction jusqu'à dépouiller les habits dont il était revêtu, ajoutant qu'il lui serait désormais plus facile de dire : " Notre Père, qui êtes aux cieux ".
Saint françois d'Assise. Le Greco. XVIe.
Un jour qu'il avait entendu lire ces paroles de l'Evangile : " N'ayez or, argent, ni monnaie dans vos ceintures, ni besace pour la route, ni deux vêtements, ni chaussures " ; il résolut d'en faire la règle de sa vie, et, quittant les chaussures qu'il avait aux pieds, ne garda plus qu'une tunique. Avec douze compagnons qui s'adjoignirent à lui, il fonda l'Ordre des Mineurs.
L'an du salut 1209 le vit venir à Rome, pour obtenir du Siège apostolique qu'il confirmât la règle dudit Ordre. Le Souverain Pontife Innocent III l'ayant d'abord éconduit, vit ensuite en songe cet homme qu'il avait repoussé et qui soutenait de ses épaules la basilique de Latran menaçant ruine ; il le fit aussitôt chercher et mander, l'accueillit avec bienveillance et approuva tout ce qui lui fut exposé.
Saint François d'Assise. Vittorio Crivelli. XVe.
Saint François donc envoya ses Frères dans toutes les parties du monde, afin d'y prêcher l'Evangile de Notre Seigneur Jésus-Christ ; pour lui, ambitionnant de rencontrer quelque occasion du martyre, il fit voile vers la Syrie ; mais si le Sultan qui régnait là n'eut pour lui que des honneurs, il n'avançait à rien de significatif quant à sa conversion et se résolut à revenir en Italie.
Ayant donc construit un grand nombre de couvents, il se retira dans la solitude du mont Alverne, pour y commencer un jeûne de quarante jours en l'honneur de saint Michel Archange ; c'est alors que, le jour de l'Exaltation de la sainte Croix, un Séraphin lui apparut portant entre ses ailes l'image du Crucifié, et imprima à ses mains, à ses pieds, à son côté les plaies sacrées. Saint Bonaventure témoigne en ses écrits qu'assistant à une prédication du Souverain Pontife Alexandre IV, il entendit le Pontife raconter avoir vu de ses yeux ces stigmates augustes. Signes du très grand amour que portait au Saint le Seigneur, et qui excitaient au plus haut point l'admiration universelle (se reporter à notre notice du 17 septembre).
Notre Dame et Notre Seigneur Jésus-Christ entourés de
saint Côme, saint Damien, sainte Marie-Madeleine, saint
François d'Assise, saint Jean-Baptiste et sainte Catherine
d'Alexandrie. Sandro Boticcelli. XVe.
Deux ans après, gravement malade, saint François voulut être transporté à l'église de Sainte-Marie-des-Anges, afin de rendre à Dieu son esprit là même où il avait reçu l'esprit de grâce. Ayant donc exhorté les Frères à aimer la pauvreté, la patience, à garder la foi de la sainte Eglise Romaine, il entonna le Psaume : " J'ai élevé ma voix pour crier vers le Seigneur " ; et au verset " Les justes attendent que vous me donniez ma récompense ", il rendit l'âme. C'était le quatre des nones d'octobre. Les miracles continuèrent d'étendre sa renommée, et le Souverain Pontife Grégoire IX l'inscrivit au nombre des saints.
Saint Michel archange et saint François d'Assise.
Jean de Flandres. XVIe.
PRIERE
" Soyez béni de toute âme vivante, Ô vous que le Sauveur du monde associa si pleinement à son œuvre de salut. Le monde, qui n'est que pour Dieu, ne subsiste que par les Saints ; car c'est en eux que Dieu trouve sa gloire. Quand vous naquîtes, les Saints se faisaient rares ; l'ennemi de Dieu et du monde étendait chaque jour son empire de glaciales ténèbres ; or, quand le corps social aura perdu foi et charité, lumière et chaleur, c'en sera fait de l'humanité. Venu à temps pour rechauffer encore une société que l'hiver semblait avoir déjà stérilisée, vous sûtes au souffle de vos séraphiques ardeurs donner à ce treizième siècle, si riche en fleurs exquises, l'apparence d'un printemps qu'hélas ! l'été ne devait pas suivre.
Par vous, la Croix força de nouveau le regard des peuples ; mais ce fut moins pour être exaltée dans un triomphe permanent comme jadis, qu'arin de rallier les prédestinés en face de l'ennemi ; bientôt, en effet, celui-ci reprendra ses avantages. L'Eglise dépouille la parure de gloire qui lui seyait au temps de la royauté incontestée du Seigneur ; avec vous, elle aborde nu-pieds la carrière où ses propres épreuves vont désormais l'assimiler à l'Epoux souffrant et mourant pour l'honneur de son Père. Par vous et par les vôtres, tenez toujours haut devant elle l'étendard sacré.
Saint Francois d'Assise. Eglise Saint-Pierre de Thauvenay.
Sancerrois, Berry.
C'est en s'identifiant au Christ sur la Croix, qu'on le retrouve dans les splendeurs de sa divinité ; car l'homme et Dieu en lui ne se séparent pas, et toute âme, disiez-vous, doit contempler les deux ; mais c'est chimère de chercher ailleurs que dans la compassion effective à notre Chef souffrant le chemin de l'union divine et les très doux fruits de l'amour (Francisci Opusc. T. III, Collatio XXIV.). Si l'âme se laisse conduire au bon plaisir de l'Esprit-Saint, ajoutiez-vous, ce Maître des maîtres n'aura pas avec elle d'autre direction que celle que le Seigneur a consignée dans les livres de son humilité, patience et passion (Ibid.)."
Le pape Nicolas V fait ouvrir le caveau de saint François en 1449.
Laurent de la Hyre. XVIIe.
François, marqué du sceau divin, chantait dans un langage des cieux le duel sublime qu'avait été sa vie (In foco l’amor mi mise. Francisci Opusc. T. III, Cant. II) :
" L'amour m'a mis dans la fournaise, l'amour m'a mis dans la fournaise ; il m'a mis dans une fournaise d'amour.
Mon nouvel époux, l'amoureux Agneau, m'a remis l'anneau nuptial ; puis, m'ayant jeté en prison, il m'a fendu tout le cœur, et mon corps est tombé à terre. Ces flèches que décoche l'amour m'ont frappé en m'embrasant. De la paix il a fait la guerre ; je me meurs de douceur.
Les traits pleuraient si serrés que j'en étais tout agonisant. Alors je pris un bouclier ; mais les coups se pressèrent si bien, qu'il ne me protégea plus ; ils me brisèrent tout le corps, si fort était le bras qui les dardait.
Il les dardait si fortement, que je désespérai de les parer ; et pour échapper à la mort je criai de toute ma force : " Tu forfais aux lois du champ clos ". Mais lui, dressa une machine de guerre qui m'accabla de nouveaux coups.
Jamais il ne m'eût manqué, tant il savait tirer juste. J'étais couché à terre, sans pouvoir m'aider de mes membres. J'avais le corps tout rompu, et sans plus de sentiment qu'un homme trépassé.
Trépassé, non par mort véritable, mais par excès de joie. Puis, reprenant possession de mon corps, je me sentis si fort, que je pus suivre les guides qui me conduisaient à la cour du ciel.
Après être revenu à moi, aussitôt je m'armai ; je fis la guerre au Christ ; je chevauchai sur son terrain, et l'ayant rencontré, j'en vins aux mains sans retard, et je me vengeai de lui.
Quand je fus vengé, je fis avec lui un pacte ; car dès le commencement le Christ m'avait aimé d'un amour véritable. Maintenant mon cœur est devenu capable des consolations du Christ."
Rq : On lira avec fruits un superbe résumé de la vie de saint François d'Assise dans la Légende dorée du bienheureux Jacques de Voragine sur cette page : http://www.abbaye-saint-benoit.ch/voragine/tome03/150.htm
vendredi, 04 octobre 2024 | Lien permanent
3 octobre. Sainte Thérèse de l'Enfant Jésus et de la Sainte Face, vierge, carmélite. 1897.
- Sainte Thérèse de l'Enfant Jésus et de la Sainte Face, vierge, carmélite. 1897.
Pape : Léon XIII. Président de la République révolutionnaire et donc anti-catholique en France : Félix Faure.
" Je comprends si bien qu’il n’y a que l’amour qui puisse nous rendre agréables au Bon Dieu que cet amour est le seul bien que j’ambitionne. Jésus se plaît à me montrer l’unique chemin qui conduit à cette fournaise Divine, ce chemin c’est l’abandon du petit enfant qui s’endort sans crainte dans les bras de son Père."
Sainte Thérèse de l'Enfant Jésus et de la Sainte Face.
Sainte Thérèse de Lisieux est de ces saints qui ont excité une admiration et un enthousiasme immédiat dès après leur mort ; acquérant une étonnante popularité dans le monde entier.
Thérèse Martin naquit à Alençon, en Normandie, de parents très chrétiens, qui regardaient leurs neuf enfants comme des présents du Ciel et les offraient au Seigneur avant leur naissance au point que chacun de leur neuf enfants (dont quatre moururent en bas âge) recurent comme premier prénom celui de Marie. Elle fut la dernière fleur de cette tige bénie qui donna quatre religieuses au Carmel de Lisieux, et elle montra, dès sa plus petite enfance, des dispositions à la piété qui faisaient présager les grandes vues de la Providence sur elle.
Monsieur Louis Martin, père de notre sainte.
Atteinte, à l'âge de neuf ans, d'une très grave maladie, elle fut guérie par la Vierge Marie, dont elle vit la statue s'animer et lui sourire auprès de son lit de douleur, avec une tendresse ineffable.
Thérèse eût voulu, dès l'âge de quinze ans, rejoindre ses trois soeurs au Carmel, mais il lui fallut attendre une année encore (1888). Sa vie devint alors une ascension continuelle vers Dieu, mais ce fut au prix des plus douloureux sacrifices toujours acceptés avec joie et amour ; car c'est à ce prix que Jésus forme les âmes qu'Il appelle à une haute sainteté.
Elle s'est révélée ingénument tout entière elle-même dans son Histoire d'une âme qu'elle a laissés par ordre de sa supérieure : " Jésus, comme elle l'a écrit, dormait toujours dans Sa petite nacelle ". Elle pouvait dire : " Je n'ai plus aucun désir, si ce n'est d'aimer Jésus à la folie ". C'est, en effet, sous l'aspect de l'amour infini que Dieu Se révélait en elle.
La voie de l'Amour, telle fut, en résumé, la voie de la " petite " Thérèse de l'Enfant-Jésus et de la Sainte Face ; mais c'était en même temps la voie de l'humilité parfaite, et par là, de toutes les vertus. C'est en pratiquant les " petites vertus ", en suivant ce qu'elle appelle sa " petite Voie ", Voie d'enfance, de simplicité dans l'amour, qu'elle est parvenue en peu de temps à cette haute perfection qui a fait d'elle une digne émule de sa Mère, la grande Thérèse d'Avila.
Sa vie au Carmel pendant neuf ans seulement fut une vie cachée, toute d'amour et de sacrifice. Elle quitta la terre le 30 septembre 1897. Comme elle l'a prédit, " elle passe son Ciel à faire du bien sur la terre ".
Son procés de béatification et de cannonisation débuta en 1910 sous saint Pie X. Elle fut béatifiée le 29 avril 1923 par le Pape Pie XI qui la cannonisa le 17 mai 1925, puis la proclama Patronne des Missions le 14 décembre 1927. Le 30 septembre 1929 est posée la premiere pierre de la Basilique de Lisieux. Le 3 Mai 1944, Pie XII la proclama Patronne secondaire de la France.
Sainte Thérèse de l'Enfant Jésus et de la Sainte Face ne fut pas et n'est pas une âme légère dont les écrits sont niais ou doucereux. Hélas, depuis quelques dizaines d'années, c'est parfois ainsi qu'elle peut être ressentie à cause des commentateurs modernes - clercs ou laïcs - qui professent (de bonne ou de mauvaise foi peu importe) une religion abrutie et anti-catholique : une fausse religion à la portée, au mieux, des caniches ou des cochons d'Inde !
Sainte Thérèse fut une âme d'élite, une âme de combattante pour la cité du Bien. C'est avec une foi de soldat du Christ qu'il faut lire notre grande Sainte.
" Comment réaliser les désirs de ma pauvre petite âme ?... Ah ! malgré ma petitesse, je voudrais éclairer les âmes comme les Prophètes, les Docteurs, j’ai la vocation d’être Apôtre... Je voudrais parcourir la terre, prêcher ton nom et planter sur le sol infidèle ta Croix glorieuse, mais, Ô mon Bien-Aimé, une seule mission ne me suffirait pas, je voudrais en même temps annoncer l’Evangile dans les cinq parties du monde et jusque dans les îles les plus reculées... (Is. LXVI, 19.). Je voudrais être missionnaire non seulement pendant quelques années, mais je voudrais l’avoir été depuis la création du monde et l’être jusqu’à la consommation des siècles... Mais je voudrais par-dessus tout, Ô mon Bien-Aimé Sauveur, je voudrais verser mon sang pour Toi jusqu’à la dernière goutte... Le Martyre, voilà le rêve de ma jeunesse, ce rêve il a grandi avec moi sous les cloîtres du Carmel... Mais là encore, je sens que mon rêve est une folie, car je ne saurais me borner à désirer un genre de martyre... Pour me satisfaire, il me les faudrait tous... Comme toi, mon Epoux Adoré, je voudrais être flagellée et crucifiée... Je voudrais mourir dépouillée comme Saint Barthélémy... Comme Saint Jean, je voudrais être plongée dans l’huile bouillante, je voudrais subir tous les supplices infligés aux martyrs... Avec Sainte Agnès et Sainte Cécile, je voudrais présenter mon cou au glaive et comme Jeanne d’Arc, ma soeur chérie, je voudrais sur le bûcher murmurer Ton nom, Ô Jésus... En songeant aux tourments qui seront le partage des chrétiens au temps de l’Antéchrist, je sens mon coeur tressaillir et je voudrais que ces tourments me soient réservés... Jésus, Jésus, si je voulais écrire tous mes désirs, il me faudrait emprunter Ton livre de vie, (Ap. XX, 12.) là sont rapportées les actions de tous les Saints et ces actions, je voudrais les avoir accomplies pour Toi... Ô mon Jésus !"
Basilique Sainte-Thérère-de-l'Enfant-Jésus-et-de-la-Sainte-Face.
Prière inspirée par une image représentant sainte Jeanne d'Arc :
" Seigneur, Dieu des armées qui nous avez dit dans Votre Évangile : " Je ne suis pas venu apporter la paix mais le glaive ". Armez-moi pour la lutte, je brûle de combattre pour Votre gloire, mais je Vous en supplie, fortifiez mon courage.... Alors avec le Saint roi David je pourrai m'écrier : " C'est Vous seul qui êtes mon bouclier, c'est Vous, Seigneur, qui dressez mes mains à la guerre... "
Ô mon Bien-Aimé ! Je comprends à quel combat Vous me destinez, ce n'est point sur les champs de bataille que je lutterai........
Je suis prisonnière de Votre Amour, j'ai librement rivé la chaîne qui m'unit à Vous et me sépare à jamais du monde que Vous avez maudit.... Mon glaive n'est autre que l'Amour, avec lui je chasserai l'étranger du royaume. Je Vous ferai proclamer Roi dans les âmes qui refusent de se soumettre à Votre Divine Puissance.
Sans doute, Seigneur, un aussi faible instrument que moi ne vous est pas nécessaire, mais Jeanne votre virginale et valeureuse épouse l'a dit : " Il faut batailler pour que Dieu donne victoire ".
Ô mon Jésus, je bataillerai donc pour Votre Amour jusqu'au soir de ma vie. Puisque Vous n'avez pas voulu goûter de repos sur la terre, je veux suivre Votre exemple et j'espère ainsi que cette promesse sortie de Vos lèvres Divines se réalisera pour moi : " Si quelqu'un Me suit, en quelque lieu que Je sois il y sera aussi, et Mon Père l'élèvera en honneur ".
Être avec Vous, être en Vous, voilà mon unique désir.... Cette assurance que Vous me donnez de sa réalisation me fait supporter l'exil en attendant le radieux jour du Face à Face éternel !"
On trouvera et lira avec fruit les oeuvres complètes de sainte Thérèse de l'Enfant Jésus et de la Sainte Face sur le site suivant : http://www.jesusmarie.com/therese_de_lisieux.html
jeudi, 03 octobre 2024 | Lien permanent | Commentaires (3)
22 octobre. Saint Philippe, évêque d'Héraclée, et ses compagnons, martyrs à Andrinople en Roumélie. 304.
- Saint Philippe, évêque d'Héraclée, et ses compagnons, martyrs à Andrinople (ou Adrianople) en Roumélie. 304.
Pape : Saint Marcellin. Empereur romain d'Orient : Dioclétien. Empereur romain d'Occident : Maximien-Hercule.
" Celui qui brûle d'arriver dans léternelle patrie doit être d'autant plus froid pour l'amour des biens du siècle, qu'il s'élève plus ardemment à l'amour de Dieu."
Saint Grégoire le Grand.
Martyre de saint Philippe d'Héraclée et de ses compagnons.
Vies de saints. J. de Vignay. XVe.
Philippe fut éprouvé d'abord en qualité de diacre, ensuite avec celle de prêtre dans les travaux que l'Église impose à ses ministres.
Son application à ses devoirs lui avait valu la louange des hommes, et ses vertus, les joies de la conscience ; l'honnêteté de ses moeurs l'avait en même temps mis à l'abri de tout reproche. Ce fut donc du consentement des frères qu'il fut enfin élevé à la dignité épiscopale. Confirmant alors dans la foi ses disciples, le prêtre Sévère et le diacre Hermès, par de fréquents entretiens, il eut le bonheur de les voir partager non seulement ses pensées, mais encore la gloire de sa passion ; en sorte qu'après les avoir eus pour ministres dans l'offrande du glorieux mystère, il les eut pour compagnons dans son martyre.
Malgré la menace de la persécution, son coeur ne se. laissa point troubler. Un grand nombre lui conseillaient de quitter la ville ; il s'y refusa, nous apprenant par son exemple à ambitionner de tels supplices et non à les craindre. Il dit : " Que la volonté de Dieu s'accomplisse !" et demeura dans son église, où il exhortait chacun à la patience :
" Frères, vous dont la foi est sincère, les temps annoncés par les prophéties sont proches. Le siècle penche vers sa ruine ; il semble rouler le cercle de ses derniers jours. Le diable dans sa rage obstinée nous menace ; le pouvoir lui a été donné pour un peu de temps ; il vient, non point, il est vrai, pour perdre les serviteurs du Christ, mais pour les éprouver. Le jour de l'Épiphanie approche ; c'est un avertissement de nous préparer à la gloire. Que ni les menaces des impies, ni leurs tourments ne vous épouvantent ; car le Christ donne à ses soldats la patience de souffrir et la récompense de tous les supplices qu'ils endurent. J'ai la confiance que tous les efforts de nos ennemis sont inutiles."
Andrinople, Adrianople ou Adrianopolis (ville fondée par
l'empereur Hadrien) et aujourd'hui Edirne en Turquie,
en Roumélie, est située à l'Ouest du Bosphore. Héraclée-Sintique,
ou Périnthe et aujourd'hui Erékli en Turquie était non loin de
cette ville, vers la Mer Noire.
Le bienheureux Philippe parlait encore, quand l'homme de police de la cité, Aristomaque, arriva pour fermer l'église des chrétiens, en y apposant les scellés de la part du gouverneur.
Philippe dit :
" Homme crédule, qui t'imagines que le Dieu tout-puissant habite plutôt dans des murs de pierre que dans les coeurs des hommes. Tu ignores cette parole d'Isaïe : Le ciel est mon trône, et la terre est l'escabeau de mes pieds. Quelle maison espérez-vous donc me construire ?"
Le lendemain, l'homme de police vint faire l'inventaire de tout le mobilier de l'église et y apposa le sceau de l'empereur.
Tous étaient tristes ; Philippe avec Sévère, Hermès et les autres, s'interrogeait, plein d'anxiété, sur son propre devoir. Appuyé contre la porte, il ne permettait pas que personne s'éloignât du siège qui lui avait été confié. Il parlait de l'avenir. A quelque temps de là, les frères étant réunis à Héraclée pour célébrer le jour du Seigneur, le président Basse trouva Philippe, environné de tous les fidèles, debout à la porte de l'église.
Basse voulut les juger séance tenante ; il s'assit et les fit approcher ; puis, s'adressant à Philippe et à la foule :
" Qui de vous est le maître des chrétiens, le docteur de leur Eglise ?"
Philippe répondit :
" C'est moi que tu cherches."
Basse continua :
" Tu connais la loi de l'empereur qui défend aux chrétiens de tenir des réunions ; il veut que dans tout l'univers les hommes de cette secte se convertissent aux idoles ou soient mis à mort. Ainsi donc tous les vases que vous avez, qu'ils soient d'or ou d'argent ou de toute autre matière, quel que soit d'ailleurs le prix du travail, de même aussi les Ecritures que vous lisez et que vous enseignez, seront soumis à l'examen de notre puissance. Que si vous ne le faites pas de bon gré, vous y serez réduits par les tourments."
Philippe répondit :
" S'il te plaît de nous faire souffrir, notre âme est prête.
Prends donc ce corps infirme, déchire-le comme tu voudras, mais ne t'attribue pas un pouvoir quelconque sur mon âme. Quant aux vases que tu demandes, prends-les, nous n'y sommes pas attachés. Ce n'est pas avec un métal précieux, c'est par la crainte de Dieu que nous honorons le Seigneur ; c'est la beauté du coeur, et non l'ornement d'une église, qui plaît au Christ. Quant à nos Ecritures, tu ne peux les recevoir, et il serait indigne à moi de te les livrer."
Le président fit approcher les bourreaux. Mucapor entra : c'était une sorte de monstre bestial. Le président appela le prêtre Sévère ; on ne le trouva pas, il fit alors torturer Philippe.
Le supplice se prolongeait sans mesure, lorsque Hermès s'écria :
" Juge, avec tes impitoyables recherches quand même on te livrerait tous nos saints Livres, et qu'il ne resterait plus aucune trace écrite de cette vénérable tradition dans tout l'univers, nos fils, fidèles à la mémoire de leurs pères, et animés par le zèle de leur propre salut, auraient bientôt refait des volumes en plus grand nombre, et ils enseigneraient avec d'autant plus d'ardeur la crainte respectueuse que nous devons au Christ."
On le fouetta longtemps ; ensuite il entra dans le lieu où l'on conservait cachés tous les vases sacrés ainsi que les Écritures. Il y fut suivi par Publius, l'assesseur du président, homme avide et voleur. Il se mit aussitôt à détourner avec adresse quelques-uns des vases dont on avait fait l'inventaire.
Hermès voulut blâmer son audace et l'arrêter ; l'autre lui meurtrit le visage au point que le sang jaillit en abondance. Basse, l'ayant appris, fit venir Hermès ; la vue de son visage tout sanglant l'irrita contre Publius, et il fit soigner la victime. Les vases, ainsi que toutes les Écritures, furent, par ordre du président, remis aux mains d'un officier. Il fit ensuite conduire au forum Philippe et tous les autres, entourés de gardes.
Pendant que la foule roulait vers le forum, le président chargea les soldats d'y porter toutes les Écritures, et il se rendit au palais. Le toit de l'église des chrétiens fut dépouillé de ses ornements. On activait à coups de fouet la répugnance de ceux qui étaient chargés de cet office, de peur qu'ils ne fussent trop lents à détruire. Pendant ce temps on alluma des feux sur le forum dans lesquels on jeta toutes les Écritures divines. Les flammes s'élancèrent vers le ciel si impétueuses et si menaçantes que les spectateurs pris de peur s'enfuirent. Quelques-uns cependant, au milieu de cette exécution, étaient demeurés sur le forum qui sert de marché à la ville, et entouraient le bienheureux Philippe.
Quand la nouvelle de ce malheur arriva, le saint prit la parole :
" Habitants d'Héraclée, juifs et païens, à quelque secte, à quelque religion que vous apparteniez, sachez que l'heure des derniers temps n'est pas éloignée, cette heure que l'Apôtre nous apprenait à craindre, lorsqu'il disait : Voilà que du haut du ciel la colère de Dieu va se révéler pour punir l'impiété et l'injustice des hommes.
Sur Sodome autrefois a pesé la juste colère de Dieu, à cause des crimes de. ses habitants. Si donc les habitants d'Héraclée redoutent le jugement de Sodome, qu'ils fuient ses injustices, et recherchent enfin le Dieu qui s'est réservé le jugement ; qu'ils abandonnent le vain culte des pierres et assurent leur salut. Ceux qui dans l'Orient ont vu les feux de Sodome ont eu là un signe du jugement, un exemple de la colère de Dieu. Mais ces feux ne devaient pas être seulement manifestés en Orient ; la Sicile et même l'Italie ont eu aussi leur merveilleux enseignement. Le saint homme Lot avec ses filles fut arraché par les Anges à la ville de Sodome, parce qu'il était exempt de péché et plein d'horreur pour les crimes de ses concitoyens. De même autrefois, en Sicile, une immense quantité d'eau s'élança de la bouche du cratère divin, en même temps qu'une flamme vengeresse descendait du ciel pour punir les pécheurs.
Tout fut consumé, à l'exception de deux jeunes vierges qui échappèrent au danger. Même au milieu de la frayeur universelle, la prudence ne les avait point abandonnées : leur père était accablé par la vieillesse et les infirmités, elles l'emportèrent pieusement dans leurs bras.
Mais en cherchant à échapper à l'incendie, le doux fardeau qu'elles portaient les arrêta dans leur fuite ; un cercle de flammes pétillantes les environnait, et elles se virent contraintes d'essayer un moyen de salut désespéré.
Le Christ tout-puissant ne voulut pas laisser succomber tant de piété filiale et de dévouement. Par le secours sensible de sa majesté souveraine, il rendit le père à ses enfants et les enfants à leur père, en sorte que l'on put comprendre que ce n'était pas Dieu qui avait manqué, mais bien plutôt le mérite et la vertu à tous ceux qui furent les victimes de l'incendie.
Aussitôt donc s'ouvrit pour les vierges une voie libre et sûre, et partout où elles dirigeaient leurs pas, vous eussiez vu la flamme tracer, comme en se jouant, la route devant elles. Le feu suspendait son souffle embrasé ; doux et caressant comme le zéphir, il embellissait même tous les lieux sur leur passage ; on eût dit qu'à la volonté de ces vierges tout s'animait d'une nouvelle vie."
" Telle était donc la sainteté de leurs mérites et la puissance de leur piété filiale, que le feu respectait non seulement leurs personnes, mais encore les endroits par où elles passaient. Ce lieu que la flamme n'avait pas osé toucher s'appela depuis la Piété, il a conservé jusqu'aujourd'hui ce nom glorieux qui devra, mieux que tous nos écrits, transmettre à nos descendants le souvenir du miracle. Quant à ce feu intelligent, c'était sans aucun doute le feu divin qui, juge et vengeur de toutes nos actions, descend souvent du ciel sur la terre, et brûle tout ce qu'il y trouve d'inutile. Autrefois la pensée de ce feu inspira je ne sais quel amour de la mort à Hercule, en lui persuadant que les hommes dévorés par les flammes deviennent des dieux ; et l'infortuné héros se brûla sur le mont Igie. Il est vrai que le médecin Esculape, frappé de la foudre sur le mont Cynosyris, trouva dans ce feu comme une consécration divine aux yeux des gentils insensés, qui se prirent à honorer en lui ce qui n'était, certes, pas une puissance quelconque, mais le juste châtiment de ses crimes et sa triste fin.
Assurément ils n'auraient pas imaginé en lui tant de puissance s'il eût continué à vivre. C'est ce même feu qui a brûlé ce que les Éphésiens appellent leur dieu, brûlé le Capitole et le temple de la ville de Rome, brûlé l'empereur Héliogabale ; ce même feu qui n'a point épargné dans Alexandrie l'asile de Sérapis, dévorant à la fois le temple et son Dieu."
" Qui donc, dites-le-moi, pourrait espérer encore du secours de ces vaines idoles, qui non seulement ne peuvent se donner l'être, mais ne sauraient même se le conserver ? Un tel dieu est créé par celui qui l'adore ; et si par hasard le matin il devient la proie des flammes, le soir l'activité vigilante de l'ouvrier l'a remis en état.
Tant qu'on pourra trouver des pierres et du bois, les dieux ne manqueront point parmi les hommes. Dans Athènes, le dieu Bacchus a volontiers laissé brûler son temple, sachant que la foudre consacrerait sa divinité. Minerve avec sa lance a brûlé de même ; ni la tête de la Gorgone qui défend sa poitrine, ni l'éclat de son armure aux mille couleurs n'ont pu la défendre ; plus heureuse, si elle eût continué à tourner ses fuseaux ! De même à Delphes, le temple d'Apollon, que la tempête avait déjà renversé, fut aussi consumé par un feu mystérieux.
Mais celui qui punit respecte partout sa grâce ; s'il éprouve l'homme juste, ce n'est plus une flamme qui châtie, c'est une lumière qui fait éclater la vertu."
Pendant ce long discours, Hermès aperçoit le prêtre Cataphrons et ses ministres, qui portaient aux idoles des mets impies, de sacrilèges offrandes.
Aussitôt il dit aux fidèles qui l'environnaient :
" Ce festin que vous voyez, c'est l'invocation du diable ; on l'apporte pour nous souiller."
Philippe lui dit :
" Que la volonté du Seigneur s'accomplisse !"
En même temps le président Basse arriva, escorté de la foule dans laquelle les uns s'apitoyaient, tandis que la colère, chez les autres, s'emportait aux plus grands excès ; les Juifs surtout étaient les plus violents ; car le jugement de l'Écriture contre eux est toujours vrai ; c'est d'eux que l'Esprit-Saint a dit par son Prophète : Ils ont sacrifié au démon, et non à Dieu.
Le président commença l'interrogatoire ; il dit à Philippe :
" Immole des victimes aux dieux."
Philippe répondit :
" Comment puis-je, moi chrétien, honorer des pierres ?
- Tu ne peux refuser à nos maîtres le tribut d'un sacrifice.
- Nous avons appris à obéir aux princes, à offrir aux empereurs nos hommages : le culte, jamais.
- Mais à la fortune de la ville tu ne refuseras pas un sacrifice. Vois comme sa statue est belle et riante, avec quelle bienveillance elle admet à l'honneur de son service tout ce peuple nombreux.
- Je vois bien qu'elle vous plaît, puisque vous l'honorez ; pour moi je professe hautement que l'oeuvre d'un homme, quel que soit son talent, ne pourra jamais m'arracher au culte du Maître du ciel.
- Laisse-toi toucher par cette statue d'Hercule si belle.
- Ah ! les malheureux, dignes de toutes nos larmes ! ignorer à ce point la sainteté trois fois adorable de la Divinité ! Infortunés que vous êtes, vous abaissez le ciel aux proportions de la terre ; et, dans votre ignorance de la vérité, vous inventez et vous fabriquez l'objet de votre culte ! Qu'est-ce donc que l'or, l'argent, l'airain, le fer ou le plomb ? N'est-ce pas de la terre, cette terre qui dans son sein les nourrit et les forme ?
Vous ignorez la divinité du Christ, qu'aucune intelligence humaine ne peut ni mesurer ni comprendre; et vous osez reconnaître quelque ombre de puissance dans ces dieux que la main d'un ouvrier, peut-être appesanti par le sommeil ou par le vin, vous a façonnés ?
Si, par hasard, de son travail sort une image plus parfaite, aussitôt à cette image vous attribuez la puissance, vous la revêtez de la divinité. Convenez que vos maisons et vos palais sont des ateliers de sacrilèges, où l'impiété se renouvelle sans cesse ; car enfin, lorsque, pour les usages domestiques, vous brûlez quelque morceau de bois, c'est la matière de votre dieu que vous brûlez.
Quelle excuse donnerez-vous d'un pareil crime ? Vous dites, il est vrai : Ce bois n'était pas un dieu ; mais je vous répondrai : Il pouvait le devenir, si l'ouvrier l'avait voulu. Et vous ne comprenez pas dans quelles ténèbres vous êtes plongés ! Parce que le marbre de Paros est beau, le Neptune qu'on y taillera en sera-t-il meilleur ? Et parce que vous avez un bel ivoire, votre Jupiter en retirera-t-il quelque attrait de plus, si vous l'y entaillez ?
Avouez que vos ouvriers ont trouvé un excellent moyen d'accroître la valeur du métal qu'ils emploient ; mais ce n'est pas au profit du dieu ; c'est au leur. Concluons donc que tout cela n'est que de la terre, qu'il faut fouler aux pieds et non pas adorer. Dieu, à notre sentiment, a fait la terre afin que nous en jouissions ; pour vous, il paraîtrait qu'il ne l'a faite que comme une matière destinée à vous fournir des dieux."
Basse se tourna vers Hermès :
" Toi, du moins, sacrifie aux dieux.
- Non ; je suis chrétien.
- Quel est ton rang dans la cité ?
- Je suis décurion ; mais voici mon maître à qui j'obéis en tout.
- Si j'amène Philippe à sacrifier, tu le suivras comme ton maître.
- Non, ni moi je suivrai son apostasie, ni toi tu ne triompheras de sa vertu. Un même esprit, une même force nous animent.
- Tu seras livré au feu, si tu t'obstines dans cette fureur de la résistance.
- Les flammes dont tu me menaces sont impuissantes ; tu ignores le feu éternel qui consume, dans d'interminables souffrances, les disciples du diable.
- Sacrifie au moins à nos maîtres, à nos empereurs ; en disant : Vie et puissance à nos princes !
- Nous aussi, nous aspirons à la vie.
- Sacrifiez donc ; dérobez-vous à ces chaînes, à ces tourments.
- Juge impie, jamais tu ne nous amèneras à ton impiété ; tes menaces, loin de nous amollir, donnent à notre foi plus de courage."
Basse furieux, forçant la voix, commanda qu'on les re-conduisît en prison. Pendant le trajet, des hommes osaient pousser Philippe avec violence ; souvent le saint évêque roulait à terre. Mais il se relevait le visage joyeux, ne témoignant ni indignation ni douleur. La stupeur avait envahi les âmes ; tous étaient en admiration devant un vieillard qui souffrait avec joie tant de cruelles insultes. Cependant les saints martyrs arrivèrent en chantant des psaumes. Après quelques jours de prison, on leur offrit la maison d'un certain Pancrace, où, sous la surveillance des soldats du gouverneur, ils devaient être traités avec tous les égards de l'hospitalité.
Or, comme ils demeuraient dans cette maison, les frères accouraient en foule de toutes parts auprès de ces saints confesseurs, qui les accueillaient avec bonté et leur enseignaient les sacrés mystères. Le diable, témoin de cette affluence, devint furieux de se voir enlever tous ses sujets ; c'est pourquoi, par la trahison et les calomnies, il obtint un nouvel ordre de les re-mettre en prison. Mais la prison était adossée au théâtre, en sorte qu'on avait pu y ménager une communication secrète. Par cette voie, les prisonniers, pénétrant dans l'enceinte réservée aux spectacles, pouvaient y recevoir la foule qui accourait pour les visiter. Cette pieuse avidité était si grande et si universelle, que la nuit même ne suspendait
mardi, 22 octobre 2024 | Lien permanent
3 mars. Saint Guénolé, abbé et fondateur de l'abbaye de Landévennec. 504.
- Saint Guénolé, abbé et fondateur de l'abbaye de Landévennec. 504.
Pape : Saint Symmaque. Roi de Cornouailles : Grallon. Roi de France : Clovis Ier.
" Plein d'austérité pour lui-même, il n'était point dur envers les autres ; il avait le caractère facile, l'humeur toujours égale : son visage empreint de douceur ne subissait pas les vicissitudes de l'hilarité et de la tristesse."
Propre de Quimper.
Saint Guénolé. Chapelle Saint-Guénolé. Quistinic. Bretagne. XVIIe.
Le père de saint Guénolé s’appelait Fragan. Né au Pays-de-Galles, il était de noble extraction puisqu'il était parent de Conan Mériadec, que beaucoup regardent comme ayant été le premier roi de Bretagne-Armorique. Au début du Ve siècle, il émigra en Armorique lorsque les Romains, et avec eux un bon nombre de Bretons, quittèrent la Bretagne insulaire, et, abordant d'abord sur l'île de Bréhat, s’arrêta enfin sur les rives du Gouët aux environs de Saint-Brieuc en un lieu appelé aujourd’hui Ploufragan. Il était accompagné de ses deux jeunes fils, les futurs saint Jacut et saint Guéthenoc et de leur mère, sainte Gwenn, que l’on représente souvent avec trois mamelles, selon le nombre de ses fils. A peine arrivée, Gwenn donne naissance à son troisième fils, le futur abbé de Landévennec, en 418 ou 419. Fragan et Gwenn eurent encore une fille, plus tard, Creirvie.
Fragan et Gwenn avait fait vœu d'offrir saint Guénolé au Seigneur. Eduqué selon son rang, l’enfant manifesta très tôt des dispositions brillantes, et surtout une aptitude supérieure à la louange du Seigneur. Tout petit, il demanda à son père de le confier à quelque ancien, qui l’instruirait des choses de Dieu. Las, Fragan refusa, méprisant par-là son ancien vœu. Un jour où il visitait ses terres, il fut pris dans un orage épouvantable. Ses gens le virent dans une espèce d'extase pendant laquelle ils l'entendirent s'exprimer ainsi :
" Seigneur, Ils sont tous à vous, non seulement Guénolé, mais aussi Guethenoc et Jacut, mais aussi Creirvie, mais aussi leur père et leur mère !"
Quelques temps plus tard, Fragan emmena saint Guénolé au saint et vieux moine Budoc, sur l’île des Lauriers, entre l'embouchure de la rivière du Trieu et l'île de Bréhat, et appelée aujourd'hui l'île Verte. En chemin, les voyageurs furent pris par une brutale tempête, notre petit saint Guénolé s’empressa de la calmer par le signe de la croix.
Sous l’égide de saint Budoc, Guénolé apprend bien vite les lettres, et en quelques années devient " un éminent connaisseur accompli des Saintes Ecritures ". Sa sainteté se révèle dès la jeunesse, lorsque Guénolé guérit un camarade tombé en l’absence de l’abbé. Guénolé se distinguait par son humilité et son amour des pauvres qu’il secourt, guérit, console, nourrit, à l’insu de tous, leur enseignant l’Evangile. A un frère qui lui faisait des reproches sur ses enseignements aux pauvres, Guénolé répond tout joyeux :
" Béni sois-tu, frère très aimé, car tu as vraiment proféré contre moi le témoignage qu’il fallait. Alors que tous ont les yeux aveuglés, toi seul as les yeux assez ouverts pour me juger avec tant de vérité !"
La réputation de ses miracles se répandit bientôt et saint Budoc dut recommander à son disciple de ne pas, par sa modestie et son souci compréhensible de se retirer des regards du monde, " éteindre la lampe que Dieu Lui-même a allumée, d’être condamné comme détenteur d’un unique denier, et de tenir pour superflus les dons de Dieu qu’Il a voulu que tu aies gratuitement ".
Parmi les miracles de Guénolé, on compte la guérison de l’œil de sa sœur, arraché par une oie, le miracle des serpents chassés de la contrée, la résurrection d’un enfant tué par un cheval et celle de la mère d’un de ses moines et celle d'un écuyer de son père, et bien d’autres encore.
Statue de saint Guénolé. Eglise Saint-Guénolé de Locunolé.
Après quelques années auprès de saint Budoc, Guénolé fut pris du désir de s’en aller visiter saint Patrick en Hibernie (Irlande). Une nuit, il eut la vision du saint irlandais resplendissant, qui le dissuada de mettre son projet à exécution, mais le prévint qu’il devrait bientôt quitter l'île des Lauriers. Le lendemain, saint Guénolé s’ouvrit de cet événement à saint Budoc, qui, avertit lui même de la pertinence de la vision qu'avait eu saint Guénolé, lui recommanda d'obéir à saint Patrick, et, ayant choisit onze des plus saints religieux et ayant fait saint Guénolé leur supérieur, quoiqu'il n'eût que 21 ans, donna sa bénédiction à tous pour partir fonder un monastère.
Le petit groupe, guidé par la Providence, s’en alla vers la Cornouaille, et s’installa sur une île inhospitalière à l'embouchure de la rivière d'Aven, nommée Ti-Bidi (maison des prières). De l’île, se découvrait au loin le panorama de ce qui allait devenir plus tard Landévennec et les moines conçurent le désir de s’installer en ces lieux. Ils étaient cependant inaccessibles à pied, et c’est par la prière de saint Guénolé, qui tel Moïse ouvrit les eaux, que le petit groupe gagna ce qui allait être leur nouvelle retraire. Guénolé y fit jaillir une source, et la vie monastique s’organisa, les moines se multiplièrent.
La règle monastique, sur le modèle irlandais était sévère. Homme de prière, pétri de la lecture des psaumes, saint Guénolé fut aussi tourmenté par les démons, qui d’après les témoignages de ses voisins de cellule le visitèrent certaines nuits et recevaient de lui semonces et belles réponses. Guénolé se distinguait par la sévérité de sa vie ascétique : il ne s’asseyait jamais à l’église, usait pour son vêtement uniquement du poil de chèvre, dormait à même le sol, une pierre sous la tête, prenait pour nourriture le strict nécessaire, mêlant de la cendre à son pain quotidien, ne mangeant que deux fois par semaines au cours du Grand Carême. Il guérissait les malades et on venait à lui de toute la contrée, recevoir réconfort et demander guérison. Les moines furent un jour témoin de la visite de Notre Seigneur Jésus-Christ, sous la forme d’un lépreux venu demander secours. Devant Guénolé, qui n’avait pas hésité à s’humilier pour guérir le malade, le pauvre devint resplendissant disant :
" Vous n’avez pas rougi de moi dans mes détresses, je ne rougirai pas de vous devant mon père."
On doit aussi à Guénolé la conversion de trois voleurs, venus cambrioler le monastère à l’heure de Prime. Arrêtés par Dieu dans leurs larcins, ils remirent leur vie entre les mains du saint moine, en demandant à être reçu dans la communauté.
Le roi Grallon, ayant eu connaissance de Guénolé, voulut le rencontrer. Ce roi n’était pas sans reproche et avait un caractère dur et violent. Il se mit à fréquenter les moines, et, après plusieurs entretiens particuliers avec saint Guénolé, fut touché et réforma heureusement son caractère impérieux mais dont le fond était bon et porté à la justice.
Saint Guénolé commanda au roi d’abandonner aux flots sa fille, coupable de nombreux vices et ayant corrompu la ville d'Ys. La légende comporte sans doute une part de vérité, celle de rappeler en particulier un cataclysme historique, qui sous la forme d’un gigantesque raz-de-marée, dévasta et ravagea les côtes de l’Armorique et probablement des îles sur lesquelles il ne faut pas exclure qu'y furent bâties. Rappelons à ce sujet, et pour étayer notre propos, que la baie du Mont-Saint-Michel fut inondée et envahie par les flots quelques siècles plus tard dans des conditions similaires et que les hauts-fonds en conservent encore les traces sous la forme d'anciens villages et monastères aujourd'hui immergés.
Dès lors, Grallon se retira à Landévennec, où il vécut jusqu’à sa mort. La vieille église romane conservait un tombeau que l’on disait celui du roi.
Parvenu à un âge vénérable, saint Guénolé reçut l’annonce de sa mort, et commanda à ses frères de se préparer. Selon la tradition codifiée au XIe siècle, il désigna pour lui succéder saint Gwenhaël. Ayant lui-même célébré la Liturgie et communié, chantant des psaumes et des cantiques debout devant l'autel et porté par deux de ses religieux, il rendit l’âme le mercredi de la première semaine de Carême, qui était le trois mars, et qui, selon le cycle Victorin, convient à l'an 504, où Pâque fut le 11 avril.
Les reliques de saint Guénolé reposèrent en son abbaye jusqu’aux invasions normandes qui dévastèrent l’abbaye dans les années 913. Les moines fuyèrent alors la Bretagne, et la toponymie permet de suivre leur périple : on trouve quelques paroisses dédiées à saint Guénolé sur les rives de la Manche. Les moines furent invités à rester à Montreuil-sur-Mer, où ils fondent une abbaye portant le nom de saint Walloy, déformation flamande de Guénolé. Une partie des reliques fut disséminée dans diverses paroisses de Bretagne et du Nord. Une partie a été perdue à la Révolution, certaines sont revenues à Landevennec, à la réouverture de la nouvelle abbaye.
L’origine du nom de Landévennec est discutée : certains proposent Lan-tevennec, l’ermitage de la falaise, d’autres proposent Lan-to-Winnoc, l’ermitage de Guénolé.
dimanche, 03 mars 2024 | Lien permanent
7 mars. Saint Thomas d'Aquin, Dominicain, docteur de l'Eglise. 1274.
- Saint Thomas d'Aquin, Dominicain, docteur de l'Eglise. 1274.
Pape : Saint Grégoire X. Roi de France : Saint Louis. Roi de Naples : Charles Ier.
" Ange de l'école... c'est-à-dire vierge et docteur."
Saluons aujourd'hui l'un des plus sublimes et des plus lumineux interprètes de la Vérité divine. L'Eglise l'a produit bien des siècles après l'âge des Apôtres, longtemps après que la parole des Ambroise, des Augustin, des Jérôme et des Grégoire, avait cessé de retentir ; mais Thomas a prouvé que le sein de la Mère commune était toujours fécond ; et celle-ci, dans sa joie de l'avoir mis au jour, l'a nommé le Docteur Angélique. C'est donc parmi les chœurs des Anges que nos yeux doivent chercher Thomas; homme par nature, sa noble et pure intelligence l'associe aux Chérubins du ciel ; de même que la tendresse ineffable de Bonaventure, son émule et son ami, a introduit ce merveilleux disciple de François dans les rangs des Séraphins.
Glorification de saint Thomas d'Aquin. Détail.
La gloire de Thomas d'Aquin est celle de l'humanité, dont il est un des plus grands génies ; celle de l'Eglise, dont ses écrits ont exposé la doctrine avec une lucidité et une précision qu'aucun Docteur n'avait encore atteintes ; celle du Christ lui-même, qui daigna de sa bouche divine féliciter cet homme si profond et si simple d'avoir expliqué dignement ses mystères aux hommes. En ces jours qui doivent nous ramener à Dieu, le plus grand besoin de nos âmes est de le connaître, comme notre plus grand malheur a été de ne l'avoir pas assez connu. Demandons à saint Thomas " cette lumière sans tache qui convertit les âmes, cette doctrine qui donne la sagesse même aux enfants, qui réjouit le cœur et éclaire les yeux " (Psalm. XVIII.). Nous verrons alors la vanité de tout ce qui est hors de Dieu, la justice de ses préceptes, la malice de nos infractions, la bonté infinie qui accueillera notre repentir.
Bernardo Daddi. XIVe.
Admirable ornement du monde chrétien et lumière de l'Eglise, le bienheureux Thomas naquit de Landolphe, comte d'Aquin, et de Théodora de Naples, tous deux de noble extraction. Il montra, encore au berceau, quelle devait être l'ardeur de sa dévotion envers la Mère de Dieu ; car ayant trouvé un papier sur lequel on avait écrit la Salutation angélique, il le retint dans sa main fermée malgré les efforts de sa nourrice, et sa mère l'ayant arraché de force, il le redemanda par pleurs et par gestes, jusqu'à ce qu'on le lui rendît, ce qui étant fait, il l'avala.
Il fut confié à l'âge de cinq ans aux soins des moines Bénédictins du Mont-Cassin. De là, il fut envoyé à Naples pour faire ses études ; il y découvre sans doute Aristote avec des traductions à partir de l'arabe fournies par Frédéric II. Etant encore adolescent, il entra dans l'Ordre des Frères-Prêcheurs en 1244 - l'ordre fondé par saint Dominique était alors jeune et suscitait l'enthousiasme religieux et intellectuel de notre Saint.
Cette résolution ayant excité le mécontentement de sa mère et de ses frères, on le fit partir pour Paris. Durant le voyage, il fut enlevé par ses frères qui l'entraînèrent dans le château-fort de Saint-Jean. On s'y prit de diverses manières pour le détourner de sa sainte résolution, jusqu'à envoyer près de lui une femme de mauvaise vie, afin d'ébranler sa constance. Thomas la mit en fuite avec un tison. Après cette victoire le saint jeune homme, s'étant mis à genoux devant une croix, fut saisi d'un sommeil durant lequel il sentit ceindre ses reins par les Anges ; et, depuis ce temps, il fut exempt des révoltes de la chair. Ses sœurs étaient venues aussi au château dans l'intention de le détourner de son pieux dessein ; il leur persuada de mépriser les embarras du siècle, et d'embrasser les exercices d'une vie toute céleste.
On l'aida à s'échapper du château par une fenêtre, et on le ramena à Naples. Ce fut de là que Frère Jean le Teutonique, Maître général de l'Ordre des Frères-Prêcheurs, le conduisit à Rome, puis à Paris, où il étudia la philosophie et la théologie. Il suit un temps son maître Albert le Grand à Cologne jusqu'en 1252. De retour à Paris, il fut bientôtt bachelier biblique (lectures commentées des Écritures) de 1252 à 1254, puis bachelier sententiaire (commentateur du Livre des Sentences de Lombard) de 1254 à 1256. Il enseigna l'Écriture sainte, rédiga le de Ente et Essentia, reçut sa maîtrise en théologie, fut nommé Maître-Régent, défendit et rédigea les Questions Disputées : de Veritate, les Quodlibet (7 à 11) ; commenta le de Trinitate de Boèce, etc.
Après d'âpres luttes avec les séculiers de l'Université, il fut enfin admis, avec saint Bonaventure, dans le Consortium Magistrorum, non sans quelque pression pontificale en leur faveur, et de 1256 à 1259, il fut maître en théologie (choisi avant l’âge requis). En 1259, saint Thomas avait trente-quatre ans lorsqu'il partit pour l'Italie, où il resta dix ans. Il y enseigna la théologie jusqu'en 1268.
Rappelons-le, élevé au degré de Docteur dès l'âge de vingt-cinq ans, il expliquait publiquement, et avec une grande réputation, les écrits des philosophes et des théologiens. Jamais il ne se livra à la lecture ou à la composition sans avoir prié. Pour obtenir l'intelligence des passages difficiles de l'Ecriture sainte, il joignait le jeûne à la prière. Il avait même coutume de dire à Frère Réginald, son compagnon, que ce qu'il savait, il l'avait moins acquis par son étude et son travail qu'il ne l'avait reçu du Ciel.
Saint Thomas revint à Paris de 1269 à 1272. Il avait quarante-quatre ans lorsqu'il rédigea la seconde partie (IIa Pars) de la Somme théologique et la plus grande partie des Commentaires des oeuvres d'Aristote. Il dut faire face à des attaques des Ordres Mendiants, dont des rivalités avec les franciscains et à des disputes avec certains maîtres ès arts (en particulier Siger de Brabant).
Le travail incroyable accompli à la fois pour l'enseignement et la rédaction de son oeuvre, les luttes continuelles qu'il dut mener au sein même de l'Université, le départ de quelques-uns de ses amis (Robert de Sorbon, Eudes de Saint-Denys, etc.), tout cela contribua à miner la santé de saint Thomas, qui, à quarante-sept ans (1272) repartit à Naples, où il fut nommé maître Régent en théologie de l’école dominicaine. Il y termina la troisième partie (IIIa Pars) de la Somme, la lectio de l’Épître aux Romains, les commentaires des Psaumes, du Credo, du Pater, de l'Ave Maria.
Sa santé déclina encore et, aphasique, en se rendant au concile de Lyon, convoqué par le pape Grégoire X, qui devait se tenir en mai, il mourut le 7 mars 1274, au monastère cistercien de Fossa Nova, où il reposa jusqu'à la translation de sa dépouille mortelle en 1369 à Toulouse, aux Jacobins, où il repose toujours aujourd'hui.
Le 6 décembre 1273, à Naples, alors qu'il priait avec ardeur devant le crucifix du tabernacle, à l'issue de la sainte messe, il entendit cette voix :
" Tu as bien écrit de moi, Thomas : quelle récompense en désires-tu recevoir ?"
A quoi il répondit :
" Point d'autre que vous-même, Seigneur."
A la suite de cet épisode, lors duquel il avait vu Notre Seigneur face à face, il lui parut toute la vanité de son oeuvre et arrêta ses écrits.
Comme il se rendait au Concile de Lyon par ordre du Bienheureux Grégoire X, nous l'avons vu, il tomba malade dans l'abbaye de Fosse-Neuve, où, malgré son infirmité, il donna l'explication du Cantique des cantiques. Ce fut là qu'il mourut, âgé de cinquante ans, l'an du salut 1274, aux nones de mars. Il éclata, même après sa mort, par des miracles, lesquels étant prouvés, Jean XXII le mit au nombre des Saints, en 1323 ; son corps fut ensuite transporté à Toulouse par l'ordre du Bienheureux Urbain V.
Le plus grand des miracles de sa courte vie de quarante-huit ans, ce sont les ouvrages incomparables et immenses qu'il trouva le temps d'écrire au milieu d'accablantes occupations. Les admirables hymnes de la fête du Très Saint-Sacrement sont l'oeuvre de ce grand Docteur, dont la piété égalait la science.
Comparé aux esprits angéliques non moins pour son innocence que pour son génie, il a mérité le titre de Docteur Angélique, qui lui fut confirmé par l'autorité de saint Pie V. Enfin Léon XIII, agréant avec grande joie les prières et les voeux de presque tous les évêques du monde catholique : pour éloigner le fléau de tant de systèmes, philosophiques principalement, qui s'écartent de la vérité, pour le progrès des sciences et la commune utilité du genre humain, de l'avis de la Congrégation des Rites Sacrés, l'a par Lettres Apostoliques déclaré et institué céleste Patron de toutes les Ecoles Catholiques et donc " Docteur commun ".
Ce grand docteur fut l'ami de saint Louis et le bras droit des Papes.
HYMNE
" Célèbre, Ô Eglise Mère, l'heureuse mort de Thomas, lorsqu'il fut admis à l'éternel bonheur par les mérites du Verbe de vie.
Fosse-Neuve reçut la dépouille mortelle de celui qui était un trésor de grâces, au jour où le Christ appela Thomas à l'héritage du royaume de gloire.
Sa doctrine de vérité nous reste avec son corps précieux, le parfum merveilleux qu'il exhale, et la santé qu'il rend aux infirmes.
Ses prodiges le rendent digne des louanges de la terre, des mens et des cieux ; qu'il daigne nous aider par ses prières, nous recommander à Dieu par ses mérites.
Louange au Père, au Fils et au Saint-Esprit ; daigne la Trinité Sainte, par les mérites de Thomas, nous réunir aux chœurs célestes !
Amen."
PRIERE
" Gloire à vous, Thomas, lumière du monde ! Vous avez reçu les rayons du Soleil de justice, et vous les avez rendus à la terre. Votre oeil limpide a contemplé la vérité, et en vous s'est accomplie cette parole : " Heureux ceux dont le coeur est pur ; car ils verront Dieu " (Matth. V, 8.). Vainqueur dans la lutte contre la chair, vous avez obtenu les délices de l'esprit ; et le Sauveur, ravi des charmes de votre âme angélique, vous a choisi pour célébrer dans l'Eglise le divin Sacrement de son amour. La science n'a point tari en vous la source de l'humilité ; la prière fut toujours votre secours dans la recherche de la vérité ; et après tant de travaux vous n'aspiriez qu'à une seule récompense, celle de posséder le Dieu que votre coeur aimait.
Votre carrière mortelle fut promptement interrompue, et vous laissâtes inachevé le chef-d'oeuvre de votre angélique doctrine ; mais, Ô Thomas, Docteur de vérité, vous pouvez luire encore sur l'Eglise de Dieu. Assistez-la dans les combats contre l'erreur. Elle aime à s'appuyer sur vos enseignements, parce qu'elle sait que nul ne connut plus intimement que vous les secrets de son Epoux. En ces jours où " les vérités sont diminuées parmi les enfants des hommes " (Psalm. XI.), fortifiez, éclairez la foi des croyants. Confondez l'audace de ces vains esprits qui croient savoir quelque chose, et qui profitent de l'affaissement général des intelligences, pour usurper dans la nullité de leur savoir le rôle de docteurs. Les ténèbres s'épaississent autour de nous ; la confusion règne partout ; ramenez-nous à ces notions qui dans leur divine simplicité sont la vie de l'esprit et la joie du coeur.
Protégez l'Ordre illustre qui se glorifie de vous avoir produit ; fécondez-le de plus en plus ; car il est un des premiers auxiliaires de l'Eglise de Dieu. N'oubliez pas que la France a eu l'honneur de vous posséder dans son sein, et que votre chaire s'est élevée dans sa capitale : obtenez pour elle des jours meilleurs. Sauvez-la de l'anarchie des doctrines, qui a enfanté pour elle cette désolante situation où elle périra, si la véritable science, celle de Dieu et de sa Vérité, ne lui est rendue.
La sainte Quarantaine doit voir les enfants de l'Eglise se disposer à rentrer en grâce avec le Seigneur leur Dieu ; révélez-nous, Ô Thomas, cette souveraine Sainteté que nos péchés ont offensée ; faites-nous comprendre l'état d'une âme qui n'est plus en rapport avec la justice éternelle. Saisis d'une sainte horreur à la vue des taches qui nous couvrent, nous aspirerons à purifier nos cœurs dans le sang de l'Agneau immaculé, et à réparer nos fautes par les œuvres de la pénitence."
Le triomphe de saint Thomas d'Aquin. Gozzoli. XVe.
Rq : On lira et téléchargera avec fruit la vie et les oeuvres complètes de saint Thomas d'Aquin : http://www.abbaye-saint-benoit.ch/saints/thomas/index.htm
jeudi, 07 mars 2024 | Lien permanent | Commentaires (1)
8 mars. Saint Jean de Dieu, fondateurs des religieux hospitaliers dits de la Charité. 1550.
" L'aumône est une fleur dont les fruits se récolte au Ciel."
Le même esprit qui avait inspire Jean de Matha se reposa sur Jean de Dieu, et le porta à se faire le serviteur de ses frères les plus délaissés. Tous deux, dans ce saint temps, se montrent à nous comme les apôtres de la charité fraternelle. Ils nous enseignent, par leurs exemples, que c'est en vain que nous nous flatterions d'aimer Dieu, si la miséricorde envers le prochain ne règne pas dans notre coeur, selon l'oracle du disciple bien-aimé qui nous dit :
" Celui qui aura reçu en partage les biens de ce monde, et qui, voyant son frère dans la nécessité, tiendra pour lui ses entrailles fermées, comment la charité de Dieu demeurerait-elle en lui ?" (I Johan. III, 17.).
Mais, s'il n'est point d'amour de Dieu sans l'amour du prochain, l'amour des hommes, quand il ne se rattache pas à l'amour du Créateur et du Rédempteur, n'est aussi lui-même qu'une déception. La philanthropie, au nom de laquelle un homme prétend s'isoler du Père commun, et ne secourir son semblable qu'au nom de l'humanité, cette prétendue vertu n'est qu'une illusion de l'orgueil, incapable de créer un lien entre les hommes, stérile dans ses résultats. Il n'est qu'un seul lien qui unisse les hommes : c'est Dieu, Dieu qui les a tous produits, et qui veut les réunir à lui. Servir l'humanité pour l'humanité même, c'est en faire un Dieu ; et les résultats ont montré si les ennemis de la charité ont su mieux adoucir les misères auxquelles l'homme est sujet en cette vie, que les humbles disciples de Jésus-Christ qui puisent en lui les motifs et le courage de se vouer à l'assistance de leurs frères.
Le héros que nous honorons aujourd'hui fut appelé Jean de Dieu, parce que le saint nom de Dieu était toujours dans sa bouche. Ses oeuvres sublimes n'eurent pas d'autre mobile que celui de plaire à Dieu, en appliquant à ses frères les effets de cette tendresse que Dieu lui avait inspirée pour eux. Imitons cet exemple ; et le Christ nous assure qu'il réputera fait à lui-même tout ce que nous aurons fait en faveur du dernier de nos semblables.
Le patronage des hôpitaux a été dévolu par l'Eglise à Jean de Dieu, de concert avec Camille de Lellis que nous retrouverons au Temps après la Pentecôte.
Moulage de cire du visage de saint Jean de Dieu d'après nature. XVIe.
Le 8 mars 1495, à Monte-Mayor-El-Nuovo au diocèse d'Evora en Portugal, naissait Jean Ciudad. Il fut élevé dans la foi par ses parents, André et Thérèse Ciudad, qui n'avaient pour seule grande richesse leur piété et leurs vertus.
Jeune encore, notre saint s'enfuya de la maison et commença une vie aventureuse faite hélas de toutes sortes de vices.
Lorsque André, qui l'avait cherché longtemps, revint chez lui, il découvrit son épouse à l'article de la mort. Elle venait d'avoir la visite de l'anbge gardien de notre saint qui l'avait rassuré quant au sort de leur fils en lui signifiant qu'il vivrait de terribles épreuves avant que de devenir un grand saint. Elle demanda à son époux, qui la chérissait et se lamentait d'avoir presque perdu son fils et d'être sur le point de perdre son épouse, d'entrer dans le Tiers-Ordre de Saint-François après sa mort.
Notre saint encore enfant se retrouva un jour affamé et pleurant sur un chemin de Castille non loin de la ville d'Oropeza. Un Mayoral (berger en chef) s'approcha de lui et, après avoir écouter l'histoire de saint Jean de Dieu, le prit à son service.
Saint Jean de Dieu. Détail. Murillo. XVIIe.
Quelques années plus tard, satisfait de son dévouement, il lui fit la proposition d'épouser sa fille. Après une nuit passé en prière devant une image de la Sainte Vierge, saint Jean de Dieu, décida de s'enfuir, se jugeant indigne de cette marque de bienveillance.
Arrivé dans la ville d'Oropeza, il aperçu une troupe de milicien qui vaquait à des exercices militaires, et il s'engagea. La vie militaire qu'il mena fut troublée et dissipée. Il finit même par avoir honte d'être vertueux et s'adonna à toutes sortes de passions et de vices.
Un jour que la troupe se trouvait aux alentours de Fontarabie, à la frontière française, une chute de cheval - qu'il avait volé - lui fit perdre connaissance. A son réveil, il reçu une effusion de grâces qui lui fit ressentir la protection divine et lui permit de regagner la troupe. Il fut bientôt accusé injustement d'avoir dérobé un butin et fut contraint de quiter le service militaire.
Ses pas le ramenèrent alors chez le bon mayoral qui le reçut avec force affection malgré son ancienne défection. Saint Jean de Dieu s'en expliqua en présentant à son bienfaiteur, toujours disposé à lui donner sa fille :
" Pourquoi me tentez-vous ainsi par tant de générosité ? Ne comprenez-vous pas que je ne suis point appelé ici-bas à jouir du repos que donne la richesse ? Quelle que soit ma destinée, je sens qu'elle n'est point accomplie. Il y a en moi des pressentiments vagues qui s'agitent et dont je ne me rends pas bien compte. Ô mon cher maître ! Si je suis revenu ici c'est pour vous voir et non pour devenir votre héritier."
Il raconta au mayoral les circonstances qui avaient présidé à son départ du service militaire et ajouta que le roi d'Espagne voulant se croisé contre les Turcs, il voulait y combattre pour la sainte foi lui-même. S'il revenait vivant de ces combats, alors il retournerait à Monte-Mayor-El-Nuovo, embrassé les êtres chers qu'il avait follement abandonnés.
Quelques années plus tard, notre saint rentra enfin pour découvrir que ses parents avaient trépassé.
Résolu d'expier ce qu'il considérait comme un crime - avoir tué ses parents de chagrin -, il passa en Andalousie et s'engagea bientôt au service d'un gentilhomme portugais que le roi Jean III avait banni avec sa famille et faisait conduire sur les côtes africaines à Ceuta.
Saint Jean de Dieu secourant de pauvres malades.
Là-bas, il se multiplia pour subvenir aux besoins de son maître. Dieu avait en effet laissé à Jean Ciudad une solide santé. Il trouvait encore le temps de visiter les prisons afin de faire entendre des paroles consolantes aux prisonniers, et ne manquait jamais à ses devoirs de piété.
Bientôt, le gentilhomme fut à l'extrémité. Il remercia Jean de ses soins constants et dévoués et lui proposa de rejoindre l'Espagne avec le reste de sa famille car le roi venait d'accepter leur retour et leur réintagration dans une partie de leurs biens confisqué à la faveur du bannissement dont ils avait été l'objet.
Jean ne céda point à cette perspective de confort et repassa seul en Espagne. Quelques temps après, notre saint se retrouva à nouveau affamé, quoiqu'il eut trouvé pour subsister l'activité de vendre des images pieuses et des cathéchismes par les routes.
Saint Jean de Dieu. Pedro de Raxis. Grenade. XVIe siècle.
Il croisa un jour un petit enfant miséreux et exténué qu'il prit sur son dos pour le conduire au village le plus proche. Il faisait tellement chaud que Jean s'arrêta à une fontaine et demanda au petit enfant de descendre. Cet enfant n'était autre que Notre Seigneur ! Ceuillant une grenade sur un arbre alentour, Notre Seigneur montra à notre nouveau saint Christophe le fruit ouvert et au milieu duquel se voit une croix et lui dit :
" Jean de Dieu, Grenade sera ta croix !"
Notre saint comprit la volonté du Seigneur et se rendit bien vite à Grenade où il loua une petite boutique depuis laquelle il continua son commerce d'images et de livres pieux.
Le docteur Jean d'Avila, célèbre par sa science et par ses vertus, prêcha un jour de la saint Sébastien et toucha le coeur de saint Jean de Dieu.
Il résolu de supporter toute sorte d'injures comme saint Sébastien et partit dans les rues en criant sans cesse :
" Miséricorde ! Miséricorde !"
Il fut prit pour fou et on l'enferma bientôt dans un hospice où il reçut pendant des semaines plus de cinq mille coups de bâtons.
Bientôt, on se rendit compte qu'il n'était pas fou et, à la faveur du dévouement qu'il montrait pour les pauvres, on lui fit des aumônes conséquentes. Il ne les accepta que pour fonder un hôpital destiné à soulager les misères des pauvres.
Le panier ou capacha du Saint pour le soin des pauvres.
Pour procurer des aliments à ses nombreux malades, Jean, une hotte sur le dos et une marmite à chaque bras, parcourait les rues de Grenade en criant :
" Mes frères, pour l'amour de Dieu, faites-vous du bien à vous-mêmes."
Sa sollicitude s'étendait à tous les malheureux qu'il rencontrait ; il se dépouillait de tout pour les couvrir et leur abandonnait tout ce qu'il avait, confiant en la Providence, qui ne lui manqua jamais.
Mais Jean, appelé par la voix populaire Jean de Dieu, ne suffisait pas à son oeuvre ; les disciples affluèrent ; un nouvel Ordre se fondait, qui prit le nom de Frères Hospitaliers de Saint-Jean-de-Dieu, et s'est répandu en l'Europe entière. Peu de Saints ont atteint un pareil esprit de mortification, d'humilité et de mépris de soi-même.
Un jour, la Mère de Dieu lui apparut, tenant en mains une couronne d'épines, et lui dit :
" Jean, c'est par les épines que tu dois mériter la couronne du Ciel.
- Je ne veux, répondit-il, cueillir d'autres fleurs que les épines de la Croix ; ces épines sont mes roses."
Aux derniers jours de sa vie (il faut absolument lire la notice que les petits bollandistes lui consacrent), une pieuse dame de la famille Pisa, le persuada de prendre une chambre dans sa maison. Il accepta et y mourrut très saintement. Après avoir demandé à tous de sortir de la chambre, il se leva, se mit à genoux, et dit :
" Jésus ! Jésus ! Je recommande mon âme entre vos mains !"
Il embrassa le crucifix et expira ainsi, le samedi 8 mars 1550, peu avant minuit.
Chambre et lit où saint Jean de Dieu passa les dermiers jours
Saint Jean de Dieu est un des patrons des pauvres et des affligés, il l'est aussi des libraires.
Ses reliques sont vénérées dans la basilique Saint-Jean-de-Dieu à Grenade. La maison Pisa, où il mourut, est aujourd'hui un musée dédié à notre grand saint.
Basilique Saint-Jean-de-Dieu à Grenade.
Homme de charité, ouvrez les yeux de ces aveugles, et daignez guérir la société des maux qu'ils lui ont faits. Longtemps on a conspiré pour effacer du pauvre la ressemblance du Christ ; mais c'est le Christ lui-même qui l'a établie et déclarée, cette ressemblance ; il faut que le siècle la reconnaisse, ou il périra sous la vengeance du pauvre qu'il a dégradé. Votre zèle, Ô Jean de Dieu, s'exerça, avec une particulière prédilection, sur les infirmes ; protégez-les contre les odieux attentats d'une laïcisation qui poursuit leurs âmes jusque dans les asiles que leur avait préparés la charité chrétienne. Prenez pitié des nations modernes qui, sous prétexte d'arriver à ce qu'elles appelaient la sécularisation, ont chassé Dieu de leurs mœurs et de leurs institutions : la société, elle aussi, est malade, et ne sent pas encore assez distinctement son mal; assistez-la, éclairez-la, et obtenez pour elle la santé et la vie. Mais comme la société se compose des individus, et qu'elle ne reviendra à Dieu que par le retour personnel des membres qui la composent, réchauffez la sainte charité dans le cœur des chrétiens : afin que, dans ces jours où nous voulons obtenir miséricorde, nous nous efforcions d'être miséricordieux, comme vous l'avez été, à l'exemple de celui qui, étant notre Dieu offensé, s'est donné lui-même pour nous, en qui il a daigné voir ses frères.
Protégez aussi du haut du ciel le précieux institut que vous avez fondé, et auquel vous avez donné votre esprit, afin qu'il s'accroisse et puisse répandre en tous lieux la bonne odeur de cette charité de laquelle il emprunte son beau nom."
vendredi, 08 mars 2024 | Lien permanent | Commentaires (1)
9 mars. Sainte Françoise Romaine, veuve, religieuse, fondatrice des Oblates du Mont-Olivet. 1440.
- Sainte Françoise Romaine, veuve, religieuse, fondatrice des Oblates du Mont-Olivet. 1440.
Papes : Clément VI, Eugène IV. Empereurs : Venceslas, Frédéric III.
" Pour être née dans l'opulence, une femme du monde n'en est pas moins obligée de suivre les maximes de l'Evangile."
Sainte Françoise Romaine.
Sainte Françoise Romaine reçoit l'Enfant Jésus
La période de trente-six jours ouverte au lendemain de la Purification de Notre-Dame, et qui comprend toutes les fêtes des Saints dont la solennité peut se rencontrer du trois février au dernier terme où descend quelquefois le Mercredi de la Quinquagésime, offre une suite de noms glorieux dont l'ensemble représente tous les degrés de la cour céleste. Les Apôtres ont donné Mathias et la Chaire de Pierre à Antioche ; les Martyrs ont fourni Siméon, Blaise, Valentin, Faustin et Jovite, Perpétue et Félicité, et les quarante héros de Sébaste que nous honorerons demain ; les Pontifes, André Corsini, Cyrille d'Alexandrie et Pierre Damien qui figurent en même temps dans l'auguste sénat des Docteurs, au milieu desquels nous avons salué Thomas d'Aquin ; les Confesseurs nous ont produit Romuald, Jean de Matha, Jean de Dieu, et, du milieu même des pompes mondaines, l'angélique Casimir ; le chœur des Vierges a envoyé Agathe, Dorothée, Apolline, couronnées des roses vermeilles du martyre, et Scholastique, dont la candeur efface celle du lis ; enfin, les saintes Pénitentes offent l'austère Marguerite de Cortone. Aujourd'hui, cette imposante série déjà si nombreuse se complète par l'admirable figure de l'épouse chrétienne, dans la personne de Françoise, la pieuse dame romaine.
Après avoir donné durant quarante ans l'exemple de toutes les vertus dans l'union conjugale qu'elle avait contractée dès l'âge de douze ans, Françoise alla chercher dans la retraite le repos de son cœur éprouvé par de longues tribulations ; mais elle n'avait pas attendu ce moment pour vivre au Seigneur. Durant toute sa vie, des œuvres de la plus haute perfection l'avaient rendue l'objet des complaisances du ciel, en même temps que les douces qualités de son cœur lui assuraient la tendresse et l'admiration de son époux et de ses enfants, des grands dont elle fut le modèle, et des pauvres qu'elle servait avec amour. Pour récompenser cette vie tout angélique, Dieu permit que l'Ange gardien de Françoise se rendît presque constamment visible à elle, en même temps qu'il daigna l'éclairer lui-même par les plus sublimes révélations. Mais ce qui doit particulièrement nous frapper dans cette vie admirable, qui rappelle à tant d'égards les traits de celle des deux grandes saintes Elisabeth de Hongrie et Jeanne-Françoise de Chantal c'est l'austère pénitence que pratiqua constamment l'illustre servante de Dieu. L'innocence de sa vie ne la dispensa pas de ces saintes rigueurs ; et le Seigneur voulut qu'un tel exemple fût donné aux fidèles, afin qu'ils apprissent à ne pas murmurer contre l'obligation de la pénitence qui peut n'être pas aussi sévère en nous qu'elle le fut en sainte Françoise, mais néanmoins doit être réelle, si nous voulons aborder avec confiance le Dieu de justice, qui pardonne facilement à l'âme repentante, mais qui exige la satisfaction.
Sainte Françoise Romaine et son ange gardien.
Sainte Françoise Romaine naquit l'an de grâce 1384. Son père, Paul Bussa, et sa mère, Jacqueline Roffredeschi, étaient l'un et l'autre issus des premières familles de Rome. Elle fit paraître dès le berceau, une grande aversion pour tout ce qui est contraire à la pureté et donna dès les premières années de sa vie d'illustres exemples de vertu, méprisant les divertissements de l'enfance et les attraits du monde et mettant toutes ses joies dans la solitude et dans la prière. Dès l'âge de 12 ans, elle eût bien désiré le cloître afin se servir jusqu'au dernier jour l'Epoux des vierges.
Dans son sens élevé de l'humilité, et malgré ses répugnances, elle obéit à la volonté de ses parents et épousa Laurent de Ponziani, jeune homme riche et de grande naissance. Il y eut peu de mariages aussi heureux, parce qu'il y en a peu d'aussi saints ; l'estime, le respect et l'amour furent mutuels, la paix et l'union inaltérables ; ces époux vécurent ensemble quarante années sans la moindre mésintelligence, sans une ombre de froideur.
Sainte Françoise Romaine guérissant un malade.
Cependant, à peine sainte Françoise fut-elle entrer dans la condition du mariage, qu'elle tomba dangereusement malade, ce qui fit connaître à son époux le déplaisir qu'elle avait eu à s'engager dans cette voie. Néanmoins sa maladie ne dura pas longtemps, car saint Alexis de Rome, lui apparaissant une nuit, lui rendit en un instant une santé parfaite.
Sa maison fut une véritable école de vertu : elle regardait ses domestiques, non pas comme ses serviteurs et ses servantes, mais comme ses frères en Jésus-Christ, sans néanmoins que cette douceur lui fit relâcher en rien le zèle et la justice, quand il y allait de l'offense de Dieu.
Sainte Françoise Romaine. Statue. Basilique Saint-Pierre. Rome.
Un de ses premiers soins fut d'étudier le naturel de son mari afin d'éviter scrupuleusement tout ce qui aurait pu lui déplaire. Bientôt, Notre Père des cieux fit paraître par une merveille combien cette obéissance lui était agréable. Alors que sainte Françoise récitait l'office de Notre-Dame, elle s'interrompit à quatre reprises au même verset pour satisfaire à ses devoirs d'épouse ; mais, l'affaire faite, retournant à sa dévotion, elle trouva le verset écrit en lettres d'or dans son missel quoiqu'auparavant il ne fût écrit qu'en caractères communs. Quelques temps après, l'Apôtre saint Paul lui apparut dans une extase, et lui dit que c'était son ange gardien qui avait tracé ces lettres afin de lui faire connaître le mérite de son obéissance.
Le sacrement de mariage ayant été établi de Dieu pour peupler le ciel par la naissance des enfants sur la terre, cette fidèle épouse pria Notre Seigneur de lui en pouvoir donner. Elle eut, entre autres, un fils qui, par un heureux présage, eut pour patron saint Jean l'Evangéliste, à la différence de son aîné appelé Jean-Baptiste. Il ne vécut que neuf ans ; mais en ce peu de temps il fit connaître qu'il était né pour le ciel plutôt que pour la terre, car il fut doué du don de prophétie, et prédit à son père qu'il recevrait un coup dangereux en un endroit du corps qu'il lui marqua, et, à un religieux mendiant, qu'il changerait bientôt d'habit : ces prédictions se vérifièrent ; Laurent de Ponziani fut blessé, pour la cause de l'Eglise, en une guerre survenue entre les Romains et les Napolitains, et le religieux fut fait évêque.
Sainte Françoise Romaine et le démon.
Ce saint enfant fut frappé de la peste lorsqu'elle affligea la ville de Rome, au commencement du XVe siècle. Prévoyant sa mort, il en avertit sa mère et la supplia de lui donner un confesseur, parce qu'il voyait saint Antoine et saint Onuphre, aux quels il portaient une particulière dévotion, s'avancer pour le conduire au ciel. Cet événement arriva le même jour, et il fut enterré dans l'église Sainte-Cécile au-delà du Tibre.
Un an après, notre Sainte, priant dans son oratoire, aperçut son petit Jean tout brillant de lumière , assisté d'un ange encore plus éclatant que lui ; il lui dévoila ainsi l'état de sa gloire dans le ciel. Il était dans le second choeur de la première hiérarchie. L'ange qui l'accompagnait paraissait encore plus beau parce qu'il était dans un degré de gloire plus haut que lui. Il ajouta qu'il venait chercher sa soeur Agnès, alors âgée de cinq ans, pour être placée avec lui parmi les anges. Enfin, en s'en allant, il lui laissa pour gardien, cet archange qui depuis demeura toujours avec elle. Sainte Françoise avoua à son confesseur que, quand elle jetait les yeux sur cet esprit céleste, il lui arrivait la même chose qu'à une personne qui regarde fixement le soleil et ne peut supporter l'éclat de sa lumière.
Sainte Françoise Romaine, protégée par le manteau de Notre Dame
Le genre de vie austère qu'elle s'était proposé, fuyant avec horreur les spectacles, les festins et les autres divertissements semblables. Son habit était de laine et d'une grand simplicité, et tout ce qui lui restait de temps après les soins domestiques, elle l'employait à la prière et à l'assistance du prochain. Elle s'appliquait avec un grand zèle à retirer les dames romaines des pompes du siècle, et à les détourner des vaines parures.
Le ciel répandait sur elle ces douceurs d'un autre monde, qui sont l'avant-goût des joies divines ; mais il lui réservait une croix, et une croix terrible. Rome ayant été prise par le roi de Naples, Ladislas, Françoise vit sa maison pillée, son mari banni : elle supporta ces revers avec une constance admirable. La tempête l'agitait au dehors ; mais le calme était dans son âme et la sérénité sur son visage. L'orage passa, son mari fut rappelé, ses biens lui furent restitués ; la paix rentra dans sa famille.
Sainte Françoise Romaine secourant les affamés pendant
La vertueuse dame profita de ces malheurs pour persuader à son époux de vivre ensemble dans une parfaite continence. Cet époux sanctifié par les vertus célestes de son épouse qu'il aimait profondément et tendrement, lui accorda tout ce qu'elle voulut. Dès lors, elle ne mangea plus qu'une fois par jour, ne se nourrit que de pain et d'eau, et, au plus, de quelques légumes insipides. Elle s'interdit pour jamais l'usage du linge fin et ne se vêtit plus, dessous ses habits de serge, que d'un âpre cilice et d'une ceinture faite de crin de cheval ; elle portait, en outre, un autre cercle de fer qui lui perçait la peau. Non contente de cet instrument de pénitence, elle y ajoutait, régulièrement, une discipline faîtes de chaînons de fer avec des pointes aigües. La seule obéissance, qu'elle préférait à toutes les autres pénitences, lui fit atténuer parfois ces rigueurs, lorsque son confesseur lu imposait d'y apporter de la modération.
Elle joignait cette austérité à la pratique des oeuvres de miséricordes, en assistant les pauvres qu'elle regardait comme les images de son Sauveur crucifié. Pour le faire avec plus d'efficace et de liberté, elle se joignit à sa belle-soeur, Vannosa, âme très vertueuse : elles allaient ensemble, de porte en porte par les rues de Rome, quêter des aumônes pour les nécessiteux. Dieu agréa si fort cette conduite, quil fit souvent des miracles en leur faveur, multipliant le pain et le vin qu'elles donnaient pour son amour.
Eglise Sainte-Françoise-Romaine. Rome.
Elle se confessait très régulièrement et communiait au moins une fois par semaine ; elle fréquentait beaucoup l'église de Saint-Pierre, au Vatican, celle de Saint-Paul, hors la ville, celle de Notre-Dame d'Ara-Coeli, celle de Sainte-Marie-la-Neuve et celle de Sainte-Marie au-delà du Tibre, toujours en compagnie de sa belle-soeur.
On raconte qu'un jour elles allèrent à l'église Sainte-Cécile faire leurs dévotions : un prêtre, qui n'approuvait pas que des femmes mariées communiassent si souvent, leur donna à l'une et à l'autre des hosties non consacrées ; mais sainte Françoise s'en aperçut en ne ressentant pas la présence de Notre Seigneur Jésus-Christ. Elle s'en ouvrit au père Antoine de Monte-Sabellio, son confesseur, qui vint trouver le prêtre : ce dernier confessa la vérité de la chose, et fit pénitence de sa faute.
Le démon, qui ne constatait qu'à regret la vertu de notre Sainte, résolut de la combattre. Employant tous ses efforts pour la perdre, il se présenta à elle en mille postures épouvantables, avec des gestes ridicules et immodestes. Il l'attaquait souvent durant ses prières, la roulait le visage contre terre, la traînait par les cheveux, la battait et la fouettait cruellement. Une nuit, comme elle prenait un peu de repos après un rude combat, il transporta le corps d'un homme mort dans sa chambre, et la tint sur ce cadavre un long espace de temps : cela lui fit une telle impression, que, depuis cet accident, il lui semblait que cet objet était toujours proche d'elle.
Sainte Françoise Romaine et le démon.
Il serait impossible de rapporter ici toutes les persécutions que le démon lui a faites, et les victoires qu'elle a remporté sur lui. Elle a triomphé de sa malice, non-seulement quand il l'a employée contre elle, mais encore quand il l'a employée contre les autres : tantôt elle convertissait les femmes abandonnées au vice, tantôt elle les chassait de Rome, ou des autres asiles où elles se retiraient, pour les empêcher de pervertir l'innocence.
Elle obtint par ses prières que son confesseur fût délivré d'un esprit malin qui le poussait à la colère. Elle prévoyait les tentations de plusieurs âmes et les préservait d'y tomber par ses bons avis. Une fois, le démon précipita la pieuse Vannosa, sa belle-soeur, du haut d'une montée en bas, et lui brisa tous le corps ; mais sainte Françoise, par ses prières, la fit rétablir aussitôt en parfaite santé par Notre Père des cieux. Ainsi, le démon demeurait vaincu de tous côtés.
Depuis que sainte Françoise s'était associé à Vannosa, elle ne faisait rien que de concert avec elle. Un jour, Dieu voulut lui montrer, par une merveille, combien leur union lui était agréable : comme elles s'étaient retirées à l'écart d'un côté d'un jardin pour délibérer des moyens de se retirer du monde, des poires extrêmement belles et de bon goût tombèrent à leurs pieds quoique ce fût au printemps. Ces deux saintes femmes portèrent ces fruits à leurs maris, afin de les affermir, par ce prodige, dans la volonté de servir Dieu, et de leur donner une entière liberté de le faire.
Le démon se présentant sous divers masques afin de tromper,
C'est ainsi que l'an 1425, notre Sainte entreprit d'ériger une congrégation de filles et de femmes veuves qui s'adonnassent parfaitement à la piété et la dévotion, la maison des Oblates de la Congrégation du Mont-Olivet, sous la règle de saint Benoît. Elle fut affermie dans ce pieux dessein par plusieurs visions célestes où lui apparurent les Apôtres saint Pierre et saint Paul, saint Benoît et sainte Marie-Madeleine, qui lui prescrivirent des règles pour ses religieuses. Il lui sembla voir un jour que saint Pierre, après l'avoir voilée et bénite solennellement, l'offrait à Notre Dame, pour être reçue sous sa protection et sa sauvegarde spéciale ; ce fut alors qu'étant revenue à elle, elle rédigea par écrit les règles qui furent observées depuis. Les ayant communiquées à son père spirituel, elle les fit approuver par le pape Eugène IV.
Sainte Françoise avait alors quarante-trois ans ; elle en avait passé déjà vingt-huit dans le mariage. dans les douze qu'elle y passa depuis, Dieu fit éclater sa sainteté par plusieurs merveilles et guérisons miraculeuses ; mais son humilité les lui faisait déguiser par l'application des remèdes sur la partie blessée, quoique ces remèdes ne fussent que d'une utilité superflue. Nous disons trop peu de l'assistance que les anges
samedi, 09 mars 2024 | Lien permanent | Commentaires (3)
4 mars. Saint Casimir, duc de Lithuanie, confesseur. 1483.
- Saint Casimir, duc de Lithuanie, confesseur. 1483.
Papes : Pie II, Sixte IV. Empereur d'Allemagne : Frédéric III.
" La chasteté est la vertu qui représente ici-bas l'état glorieux de l'immortalité."
St. Bernard, Ep. XLIII, à Henri, archv. de Sens.
Saint Casimir de Lithuanie. Anonyme. XVIIe.
C'est du sein même d'une cour mondaine que l'exemple des plus héroïques vertus nous est offert aujourd'hui. Casimir est prince de sang royal ; toutes les séductions de la jeunesse et du luxe l'environnent ; cependant, il triomphe des pièges du monde avec la même aisance que le ferait un Ange exilé sur la terre. Profitons d'un tel spectacle ; et si, dans une condition bien inférieure à celle où la divine Providence avait placé ce jeune prince, nous avons sacrifié à l'idole du siècle, brisons ce que nous avons adoré, et rentrons au service du Maître souverain qui seul a droit à nos hommages. Une vertu sublime, dans les conditions inférieures de la société, nous semble quelquefois trouver son explication dans l'absence des tentations, dans le besoin de chercher au ciel un appui contre une fortune inexorable : comme si, dans tous les états, l'homme ne portait pas en lui des instincts qui, s'ils ne sont combattus, l'entraînent à la dépravation. En Casimir, la force chrétienne paraît avec une énergie qui montre que sa source n'est pas sur la terre, mais en Dieu.
Statue de saint Casimir. Statuaire populaire lithuanienne.
C'est là qu'il faut aller puiser, dans ce temps de régénération. Un jour, Casimir préféra la mort au péché. Fit-il autre chose, dans cette circonstance, que ce qui est exigé du chrétien, à toute heure de sa vie ? Mais tel est l'attrait aveugle du présent, que sans cesse on voit les hommes se livrer au péché qui est la mort de l'âme, non pas même pour sauver cette vie périssable, mais pour la plus légère satisfaction, quelquefois contre l'intérêt même de ce monde auquel ils sacrifient tout le reste. Tel est l'aveuglement que la dégradation originelle a produit en nous. Les exemples des saints nous sont offerts comme un flambeau qui doit nous éclairer : usons de cette salutaire lumière, et comptons, pour nous relever, sur les mérites et l'intercession de ces amis de Dieu qui, du haut du ciel, considèrent notre dangereux état avec une si tendre compassion.
Casimir, fils de Casimir, roi de Pologne, et d'Elisabeth d'Autriche, fut élevé dans la piété et les belles-lettres par d'excellents maîtres. Dès sa jeunesse, il domptait sa chair par un rude cilice et par des jeûnes fréquents. Dédaignant la mollesse d'un lit somptueux, il couchait sur la terre nue, et s'en allait secrètement au milieu de la nuit implorer, prosterné contre terre, la divine miséricorde, devant les portes des églises. La Passion de Notre Seigneur Jésus-Christ était l'objet continuel de sa méditation, et il assistait à la sainte Messe avec un esprit tellement uni à Dieu, qu'il semblait ravi hors de lui-même.
Saint Casimir. Anonyme. XVIe.
Il s'appliqua avec un grand zèle à l'augmentation de la foi catholique et à l'extinction du schisme des Ruthènes : c'est pourquoi il porta le roi Casimir son père à défendre par une loi aux schismatiques de bâtir de nouvelles églises, et de réparer les anciennes qui tombaient en ruine. Libéral et miséricordieux envers les pauvres et tous ceux qui souriraient quelque misère, il s'acquit le nom de père et de défenseur des indigents. Ayant conservé intacte la virginité depuis son enfance, il la défendit courageusement sur la fin de sa vie, lorsque, pressé par une grande maladie, il résolut fermement de mourir plutôt que de rien faire contre la chasteté, en acceptant les conseils des médecins.
Statue de saint Casimir. Cathédrale Saint-Stanislas de Vilnius.
Ayant ainsi consommé sa course en peu de temps, plein de vertus et de mérites, après avoir prédit le jour de sa mort, il rendit son âme à Dieu, entouré de prêtres et de religieux, en la vingt-cinquième année de son âge. Son corps fut porté à Vilna, où il éclate par un grand nombre de miracles. Une jeune fille qui était morte recouvra la vie au tombeau du saint; les aveugles y reçurent la vue, les boiteux la marche, et de nombreux malades la santé. Il apparut dans les airs à une armée lithuanienne effrayée de son petit nombre, au moment de l'invasion inopinée d'un ennemi puissant, et il lui fit remporter une victoire signalée. Frappé de tant de merveilles, Léon X inscrivit Casimir au catalogue des Saints.
PRIERE
" Reposez maintenant au sein des félicités éternelles, Ô Casimir, vous que les grandeurs de la terre et toutes les délices des cours n'ont pu distraire du grand objet qui avait ravi votre cœur. Votre vie a été courte en durée, mais féconde en mérites. Plein du souvenir d'une meilleure patrie, celle d'ici-bas n'a pu attirer vos regards ; il vous tardait de vous envoler vers Dieu, qui sembla n'avoir fait que vous prêter à la terre. Votre innocente vie ne fut point exempte des rigueurs de la pénitence : tant était vive en vous la crainte de succomber aux attraits des sens !
Faites-nous comprendre le besoin que nous avons d'expier les péchés qui nous ont séparés de Dieu. Vous préférâtes mourir plutôt que d'offenser Dieu ; détachez-nous du péché, qui est le plus grand mal de l'homme, parce qu'il est en même temps le mal de Dieu. Assurez en nous les fruits de ce saint temps qui nous est accordé pour faire enfin pénitence. Du sein de la gloire où vous régnez, bénissez la chrétienté qui vous honore ; mais souvenez-vous surtout de votre patrie terrestre. Autrefois, elle eut l'honneur d'être un boulevard assuré pour l'Eglise contre le schisme, l'hérésie et l'infidélité ; allégez ses maux, délivrez-la du joug, et, rallumant en son sein l'antique zèle de la foi, préservez-la des séductions dont elle est menacée."
lundi, 04 mars 2024 | Lien permanent | Commentaires (1)
5 mars. Saint Jean-Joseph de la Croix, franciscain. 1734.
- Saint Jean-Joseph de la Croix, franciscain. 1734.
Papes : Innocent X, Clément XII. Rois des Deux-Siciles : Philippe IV, Charles IV.
" La parole de la Croix est une folie pour ceux qui se perdent ; mais pour ceux qui se sauvent, elle est la vertu de Dieu."
I Cor., I, 18.
" Aimons Notre Seigneur Jésus-Christ, aimons-le réellement et en vérité ; car l'amour de Dieu est un grand trésor. Heureux celui qui aime Dieu."
Saint Jean-Joseph de la Croix.
Saint Jean-Joseph de la Croix naquit dans l'île d'Ischia, près de Naples, le jour de l'Assomption, 1654. Ses parents, Joseph Calosirto et Laure Garguilo le baptisèrent le jour même sous le patronage de Charles-Cajétan, Il s'étaient tous deux d'une grande piété et d'une foi ferme, et il est bon de relever que notre Saint se distingua par sa piété au-dessus de ses frères dont cinq au moins embrassèrent la vie religieuse. Tout enfant, il aimait la retraite, le silence et la prière, et fuyait les jeux de son âge, aimant mieux consacrer le temps de ses récréations à visiter des églises et à y adorer le Sauveur.
La très sainte Vierge Marie avait, après Notre Seigneur Jésus-Christ, toute sa prédilection ; il dressa dans sa chambre un petit autel, récitait chaque jour les offices de la Mère de Dieu et jeûnait en son honneur tous les samedis et aux vigiles de ses fêtes. Dès ce temps, il aimait les pauvres au point de leur distribuer tout l'argent dont il pouvait disposer.
A cet âge où l'enfant suit si facilement les premiers mouvements de la colère, on le vit, un jour, se mettre à genoux dans la boue et réciter le Pater pour un de ses frères qui l'avait souffleté.
C'est à dix-sept ans qu'il entra chez les Frères Mineurs réformés de Saint-Pierre d'Alcantara. A dix-neuf ans, il s'acquitta avec succès des missions les plus difficiles ; à vingt-quatre ans, il était maître des novices, puis gardien d'un couvent ; mais il n'accepta jamais les honneurs qu'avec une humble crainte et les quitta toujours avec joie.
Sa mortification la plus extraordinaire fut une longue croix d'un pied environ, garnie de pointes aiguës, qu'il s'attachait sur les épaules au point qu'il s'y forma une plaie inguérissable. Il en portait une autre plus petite, sur la poitrine. Rarement il dormait, et pendant trente ans, il s'abstint de toute espèce de liquide.
Il avait coutume de dire à ses compagnons ou à tous ceux qui le sollicitait sa charité lors d'une épreuve :
" Espérons en Dieu, et nous serons certainement consolés. Dieu est un tendre père qui aime et secourt tous ses enfants. N'en doutez point, espérez en Dieu, il pourvoira à vos besoins."
Ou encore :
" Qu'est-ce que cette terre, sinon de la boue, un morceau de poussière, un pur néant. Le paradis, le ciel : Dieu est tout. Ne vous attachez point aux biens de ce monde, fixez vos affections en haut ; pensez à ce bonheur qui durera éternellement, tandis que l'ombre de ce monde s'évanouira."
Il aimait Dieu d'un ardent amour :
" Quand il n'y aurait ni Ciel ni enfer, disait-il, je voudrais néanmoins aimer Dieu toujours."
Sa charité pour les pauvres fut plusieurs fois l'occasion de multiplication de pains ; son dévouement pour les malades le porta à demander à Dieu de faire retomber sur lui les souffrances des autres, demande qui fut quelquefois exaucée.
Dieu opérait de nombreuses merveilles par les mains de ce fidèle disciple de saint François d'Assise et de saint Pierre d'Alcantara. Prophéties, visions, extases, bilocation (présence en deux lieux à la fois), sont des preuves étonnantes de sa sainteté.
Comme dans ses vieux ans on lui recommandait de se ménager à raison de ses infirmités, et particulièrement quant à son dévouement aux malades et aux pauvres, il dit un jour :
" Je n'ai point d'infirmité qui m'empêche de travailler ; mais quand même, ne devrais-je pas sacrifier ma vie pour la même fin pour laquelle Notre Seigneur Jésus-Christ à été crucifié."
Il s'étudiait à cacher et à dissimuler le don des miracles et de prophétie dont Dieu l'avait favorisé à un si haut degré, attribuant les miracles qu'il opérait par la foi de ceux en faveur desquels ils étaient opérés, ou bien à l'intercession des Saints auprès desquels il se recommandait. Souvent, il ordonnait à ceux auxquels il rendait la santé de prendre quelque médecine, afin que la guérison pût être attribuée à un remède purement naturel.
Quant à ses prophéties, qui sont en grand nombre, il affectait de juger d'après l'analogie et l'expérience. Ainsi, pendant l'épouvantable tremblement de terre qui eut lieu à la saint André en 1735 à Naples, comme les religieuses de plusieurs couvents n'osaient pas aller à leurs dortoirs, il les rassura en leur disant qu'après quelques secousses seulement, il cesserait sans causer le moindre préjudice à la ville ou à ses habitants. Quelqu'un lui ayant demandé quelle raison il avait de s'exprimer d'une manière aussi positive, il dit :
" Je suis sûr qu'il en arrivera ainsi parce que c'est ainsi qu'il en est arrivé précédemment."
Dans la pratique de toutes ces vertus et favorisé de grâces toutes privilégiées, sur lesquelles ce n'est pas le lieu ici de s'étendre (nous renvoyons le lecteur à la notice que lui consacrent les Petits bollandistes : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k30733g), notre Saint passa ainsi les jours de son pèlerinage ici-bas, glorifiant Dieu, donnant l'aumône, secourant les malades et faisant le bien, jusqu'au moment où il plut à Notre Seigneur de mettre un terme à sa carrière, non sans lui avoir fait connaître à l'avance les circonstances et le temps de sa mort.
Le temps où elle arriva, un de ses neveu lui écrivit de Vienne pour lui dire qu'il serait de retour à Naples au mois de mai suivant. Notre Saint lui répondit qu'il ne le trouverait pas vivant. Une semaine avant de passer, il s'entretenait avec son frère François et lui dit :
" Jusqu'ici, je ne vous ai encore rien demandé, faites moi la charité de prier le Tout-Puissant pour moi vendredi prochain, vous entendez ? Vendredi prochain, souvenez-vous en, n'oubliez pas."
Ce fut le jour même de sa mort.
A peine eut-il rendu l'âme qu'il se manifesta à plusieurs personnes dans un état glorieux. A l'heure de son départ, le duc de Monte-Lione, qui se promenait dans son appartement, aperçut saint Jean-Joseph dans son salon, en parfaite santé, environné d'une lumière toute surnaturelle, et quoiqu'il l'eut laisser très malade à Naples quelques jours plus tôt lors de la dernière visite qu'il lui avait faite.
Le duc s'écria :
" Quoi ! Père Jean-Joseph, êtes-vous donc si subitement rétabli ?"
A quoi le Saint répondit avant de disparaître :
" Je suis bien et heureux."
Procession de saint Jean-Joseph de la Croix (29 septembre).
Sur l'île d'Ischia, on porte la châsse contenant
Après son inhumation, des miracles sans nombres attestèrent les vertus et la gloire de notre Saint. Ces prodiges déterminèrent le pape Pie VI à l'inscrire au catalogue des bienheureux le 15 mai 1789 ; Pie VII reconnut deux nouveaux miracles le 27 avril 1818 ; Léon XII donna le décret, le 29 septembre 1824, permettant de procéder à sa canonisation ; et Grégoire XVI en fit la cérémonie solennelle le 26 mai 1839.
mardi, 05 mars 2024 | Lien permanent
11 mars. Saint Euloge, prêtre, et sainte Lucrèce, vierge, martyrs à Cordoue. 859.
" En principe, on doit obéir à ses parents, à ses maîtres, aux autorités constituées ; mais quand ils commandent des choses contraires à la loi de Dieu, il faut appliquer la maxime de l'Apôtre saint Pierre : " Il vaut mieux obéir à Dieu qu'aux hommes."
Saint Euloge et sainte Lucrèce. Icône mozarabe du Xe.
Euloge signifie qui parle bien. Saint Euloge, le principal ornement de l'Eglise d'Espagne au IXe siècle, appartenait à une des premières familles de Cordoue, alors capitale du royaume des Maures. Euloge entra, dès sa jeunesse, dans la communauté des prêtres de saint Zoïle, où il apprit les sciences avec la piété, et devint très habile, surtout dans la connaissance de l'Ecriture sainte. Il alla ensuite se mettre sous la direction d'un pieux et savant abbé nommé Espère-en-Dieu, qui gouvernait le monastère de Cute-Clar. Puis il enseigna les lettres dans Cordoue et fut élevé au sacerdoce. Il menait une vie sainte et mortifiée, tout en demeurant dans le monde. En 850, les Maures ayant persécuté les chrétiens, notre saint fut jeté en prison.
Il fut bientôt remis en liberté, et, l'archevêque de Tolède étant mort, le peuple et le clergé de cette ville choisirent Euloge pour lui succéder. Mais il plut à Notre-Seigneur de le couronner avant qu'il fût sacré. Il y avait à Cordoue une vierge chrétienne nommé Lucrèce, convertie fort jeune de l'infidélité de Mahomet à la foi de Jésus-Christ, par le moyen d'une de ses parentes. Elle se voyait extrêmement maltraitée par ses parents, qui voulaient la contraindre à apostasier. Elle se réfugia chez saint Euloge, qui la donna à garder à sa soeur Annulon, puis la fit mettre en sûreté chez un ami. Les parents de Lucrèce obtinrent du magistrat le pouvoir d'informer sur cet enlèvement et de saisir tous ceux qui leur seraient suspects. Beaucoup de personnes furent ainsi arrêtées.
Cependant la vierge Lucrèce désirait vivement revoir la soeur d'Euloge qu'elle aimait beaucoup. Elle se rendit pendant la nuit à sa demeure, espérant satisfaire le besoin de consolation qu'elle éprouvait. Elle se proposait de passer la journée auprès de sa compagne et puis de regagner sa retraite la nuit suivante. Elle raconta à Euloge et à sa soeur Annulon que deux fois, pendant qu'elle priait, elle avait senti sa bouche remplie d'une liqueur ressemblant à du miel, que, n'osant pas la cracher, elle l'avait avalée, et avait été ravie de la délicieuse saveur qu'elle y avait trouvée. Le saint lui dit que c'était là un présage e la douceur du royaume céleste, dont elle jouirait bientôt.
Saint Euloge prêchant. Mosaïque mozarabe du XIVe.
Euloge, conservant le calme et la patience, se mit en devoir d'exposer la vérité avec l'élocution brillante qui le distinguait :
" Président, dit-il, c'est un devoir de notre charge, et il est dans la nature même de notre religion, d'offrir à ceux qui nous la demandent la lumière de la foi, et de ne pas refuser lès sacrements à ceux qui veulent marcher dans les sentiers qui mènent à la vie. C'est là le devoir des prêtres, c'est là une obligation que nous impose notre religion : l'ordre de Notre Seigneur Jésus-Christ est formel sur ce point : quiconque, dans sa soif, désire puiser aux fleuves de la foi, doit trouver deux fois plus de boisson qu'il n'en cherche. Or, cette vierge étant venue nous demander la règle de notre sainte foi, il était nécessaire que nous nous occupassions d'elle en proportion de sa ferveur. Il ne convenait pas de repousser celle qui formulait de si saints désirs ; surtout un tel refus venant de celui qui a été choisi par le Christ pour accomplir ces fonctions auprès des fidèles. J'ai donc, selon mon pouvoir, instruit et éclairé cette vierge ; je lui ai exposé notre foi qui ouvre le chemin du royaume céleste. J'aurais rempli avec grand plaisir le même devoir envers toi, si tu m'en avais prié."
Le président, les traits bouleversés par la fureur, ordonna d'apporter les verges et menaça le saint de le faire périr sous les coups. Euloge dit alors :
" Que désires-tu faire avec ces verges ?"
Le juge :
" T'arracher la vie."
Le saint :
" Apprête plutôt et aiguise ton glaive, tu délivreras plus facilement par ce moyen mon âme des liens du corps, et tu la rendras à son Créateur ; car avec tes verges tu ne peux pas espérer de couper nies membres."
Puis, d'une voix claire et assurée, le saint se mit à flageller la fausseté du prophète et de sa loi, et à proclamer la vérité de notre religion.
Aussitôt on l'entraîna au palais et on le fit comparaître devant les conseillers du roi. En l'apercevant, un des conseillers, qui connaissait intimement le saint, fut touché de compassion et lui cria :
" Que des fous et des idiots se soient précipités d'une façon lamentable dans ce gouffre de la mort, passe encore. Mais toi qui brilles par la sagesse, qui es renommé pour ta vie exemplaire, quelle démence a pu éteindre en toi l'amour naturel de la vie et t'entraîner dans cette chute mortelle ? Ecoute-moi, je t'en prie ; ne te précipite pas, tête baissée, dans cet abîme, je t'en supplie ; dis seulement une parole dans ce moment, et ensuite, dès que tu le, pourras, tu retourneras à ta foi. Nous promettons de ne pas t'inquiéter dans la suite."
Le martyr sourit en entendant cette exhortation :
" Ô mon ami, lui répondit-il, si tu pouvais savoir ! Quels biens sont réservés à ceux qui professent notre religion ! Si je pouvais faire passer en ton coeur la foi dont est rempli le mien ! Tu cesserais alors d'essayer de me détourner de mon dessein, et tu ne songerais qu'à te débarrasser de ces honneurs mondains !"
Euloge se mit alors à lui exposer le texte de l'Evangile éternel, et à lui prêcher le royaume du ciel avec liberté Les conseillers, ne voulant pas l'entendre, ordonnèrent de le décapiter séance tenante.
Pendant qu'on emmenait le saint, un des eunuques du roi lui donna un soufflet. Euloge présenta l'autre joue, en disant :
" Je t'en prie, frappe maintenant cette joue, afin qu'elle ne soit pas jalouse de l'honneur de sa compagne."
L'eunuque frappa une seconde fois, et le saint, sans rien perdre de sa patience et de sa douceur, présenta de nouveau la première. Mais les soldats l'arrachèrent et l'entraînèrent vers le lieu du supplice. Arrivé là, Euloge se mit à genoux pour prier, tendit les mains vers le ciel, fit le signe de la croix, et après une courte prière intérieure il tendit le cou au bourreau. Aussitôt un coup rapide lui donna la vie. Euloge consomma son martyre le 5 des ides de mars, un samedi, à l'heure de none.
Aussitôt que son cadavre eut été précipité du haut d'un rocher dans le fleuve, une colombe éclatante de blancheur fendit les airs à la vue de tous les spectateurs, et vint en voletant se poser sur la dépouille du martyr. On se mit alors à lui jeter des pierres pour la chasser, mais ce fut en vain. On essaya de l'écarter avec les mains, mais elle alla en sautillant, sans se servir de ses ailes, se percher sur une tour qui dominait le fleuve, et se tint là les yeux tournés vers le corps du bienheureux.
Il ne faut pas omettre ici de rapporter le miracle que le Christ opéra sur ce corps pour la gloire de son nom. Un habitant d'Artyge, qui accomplissait son service mensuel dans le palais et était chargé de veiller pendant la nuit, voulut se désaltérer et se rendit à l'aqueduc qui amène en ce lieu les eaux du fleuve. En arrivant, il aperçut autour du cadavre du bienheureux Euloge, qui était là gisant, des prêtres dont les vêtements étaient plus blancs que la neige : ils tenaient à la main des lampes brillantes et récitaient gravement des psaumes comme on fait à l'office divin. Effrayé par cette vision, le garde regagna son gîte à toutes jambes. Il raconta ce qu'il venait de voir à son compagnon et retourna avec lui en ce même endroit ; mais tout avait disparu. Le lendemain de l'exécution, les chrétiens purent racheter la tête du martyr ; son corps fut recueilli trois jours après, et on l'ensevelit dans l'église du bienheureux Zoïle, martyr lui aussi.
Les juges essayèrent de gagner la bienheureuse Lucrèce par toutes sortes de caresses et de promesses ; mais elle se maintint fermement dans la foi et fut décapitée quatre jours après le bienheureux Euloge. On jeta sa dépouille dans le fleuve, mais les eaux ne purent ni la submerger ni la dérober ; et, au grand étonnement de tout le monde, son corps suivit lentement le courant du fleuve. Les chrétiens purent ainsi l'attirer sur la rive et l'ensevelirent dans la basilique du martyr saint Genès, élevée au lieu dit Tercios.
lundi, 11 mars 2024 | Lien permanent | Commentaires (1)