mardi, 11 juin 2024
11 juin. Saint Barnabé, Apôtre. Ier siècle.
Saint Jean Chrysostome. Hom. XXXV, sup Matth.
Bréviaire romain. XVe.
Barnabé veut dire fils de celui qui vient, ou bien fils de consolation, ou fils de prophète, ou fils qui enserre. Quatre fois il a le titre de fils pour quatre sortes de filiation. L'écriture donne ce nom de fils, en raison de la génération, de l’instruction, de l’imitation, et de l’adoption. Or, il fut régénéré par Notre Seigneur Jésus-Christ dans le baptême, il fut instruit dans l’évangile, il imita le Seigneur par son martyre, et il en fut adopté par la récompense céleste. Voilà pour ce qui le regarde lui-même. Voici maintenant ce qui le concerne quant aux autres : il fut arrivant, consolant, prophétisant et enserrant. Il fut arrivant, parce qu'il alla prêcher partout : ceci est clair, puisqu'il fut le compagnon de saint Paul. II consola les pauvres et les affligés, les premiers en leur portant des aumônes, les seconds en leur adressant des lettres de la part des apôtres : Il prophétisa puisqu'il fut illustre en annonçant les choses à venir; il fut enserrant, c'est-à-dire qu'il réunit et rassembla dans la foi une multitude de personnes ; la preuve en est dans sa mission à Antioche. Ces quatre qualités sont indiquées dans le livre des Actes (XI.). C'était un homme, mais un homme de courage, ce qui a trait à la première qualité, bon, c'est pour la seconde, plein du Saint-Esprit, voilà pour la troisième, et fidèle ou plein de foi, ceci regarde la quatrième qualité. Jean le même due Marc son cousin compila son martyre. Il en est question principalement à partir de la vision de ce Jean, jusque vers la fin. On pense que Bède le traduisit du grec en latin.
Bréviaire franciscain. XVe.
La promulgation de l'alliance nouvelle est venue convier tous les peuples à prendre place au banquet du royaume de Dieu ; depuis lors, nous l'avons remarqué, l'Esprit sanctificateur produit les Saints, dans le cours des siècles, à des heures qui correspondent souvent aux desseins les plus profonds de l'éternelle Sagesse sur l'histoire des nations. Nous ne devons pas nous en étonner : les nations chrétiennes ayant comme nations leur rôle assigné dans l'avancement du règne de l'Homme-Dieu, cette vocation leur confère des devoirs et des droits supérieurs à la loi de nature ; l'ordre surnaturel les investit de toutes ses grandeurs, et l'Esprit-Saint préside par ses élus à leur développement comme à leur naissance. C'est à bon droit que nous admirons dans l'histoire cette providence merveilleuse agissant, à leur insu quelquefois, parmi les peuples, dominant par l'influence cachée de la sainteté des petits et des humbles l'action des puissants qui semblent conduire toutes choses au gré de leur seule volonté. Mais, entre les Saints qui nous apparaissent comme le canal des grâces destinées aux nations, il en est que la reconnaissance universelle doit oublier moins que tous les autres : ce sont les Apôtres, placés comme fondement à la base de l'édifice social chrétien (Eph. 11, 20.) dont l'Evangile est la force et la loi première. L'Eglise veille soigneusement à écarter de ses fils le danger d'un oubli si funeste ; aucune saison liturgique n'est privée du souvenir de ces glorieux témoins du Christ.
Guérison de l'infirme de Lystra par saint Barnabé.
Mais depuis la consommation des mystères du salut, qui livra le monde aux conquêtes de leur zèle, leurs noms se pressent davantage encore sur les fastes sacrés ; chaque mois du Cycle emprunte son éclat, pour une part principale, au triomphe de quelqu'un d'entre eux. Le mois de juin, tout embrasé des feux récents de la Pentecôte, vit l'Esprit-Saint poser les premières assises de l'Eglise sur ses fondements prédestinés ; il méritait l'honneur d'être choisi pour rappeler au monde les grands noms de Pierre et de Paul, qui résument les services et la gloire du collège entier des Apôtres. Pierre proclama l'admission des gentils à la grâce de l'Evangile ; Paul fut déclaré leur Apôtre; mais, avant même d'avoir comme il convient rendu gloire à la puissante principauté de ces deux guides du peuple chrétien, l'hommage des nations s'adresse à bon droit en ce jour au guide de Paul lui-même dans les débuts de son apostolat, au fils de consolation (Act. IV, 36.) qui présenta le converti de Damas à l'Eglise éprouvée parles violences de Saul le persécuteur. Le 29 juin tirera sa splendeur de la confession simultanée des deux princes des Apôtres, unis à la mort comme dans leur vie (Ant. Oct. Ap. ad Bened.). Honneur donc tout d'abord à celui qui noua dans l'origine cette union féconde, en conduisant au chef de l'Eglise naissante le futur docteur de la gentilité (Act. IX, 27.) ! Barnabé se présente à nous comme avant-coureur ; la fête que lui consacre l'Eglise, est le prélude des joies qui nous attendent à la fin de ce mois si riche en lumière et en fruits de sainteté.
Saint Barnabé prêchant. Martyre de saint Barnabé.
Il partit de là pour Tarse afin d'y chercher Paul, et vint avec lui à Antioche. Ils passèrent un an avec les fidèles qui composaient l'Eglise de cette ville, s'appliquant à leur inculquer les préceptes de la foi et de la vie chrétienne. Ce fut dans cette même ville que l'on commença à donner le nom de Chrétiens aux adorateurs de Jésus-Christ. Les disciples de Paul et de Barnabé secouraient de leurs aumônes les chrétiens de Judée et faisaient passer leurs largesses par les deux Apôtres. Ayant accompli cet office de charité, Paul et Barnabé revinrent à Antioche avec Jean surnommé Marc, qu'ils s'étaient adjoint.
Martyre de saint Barnabé.
Pendant que Paul et Barnabé servaient le Seigneur dans l'Eglise d'Antioche, jeûnant et priant avec les autres prophètes et docteurs, le Saint-Esprit dit : " Séparez-moi Paul et Barnabé pour l'œuvre à laquelle je les ai destinés ". Alors, avec des jeûnes et des prières, on leur imposa les mains et on les laissa partir. Ils allèrent à Séleucie, et de là en Chypre ; ils parcoururent en outre beaucoup de villes et de pays, prêchant l'Evangile avec un grand fruit pour ceux qui les écoutaient. Barnabé se sépara ensuite de Paul avec Jean surnommé Marc, et il revint en Chypre. Ce fut là que, vers la septième année de Néron, le trois des ides de juin, il unit la couronne du martyre à l'honneur de l'apostolat. Son corps fut retrouvé dans l'ile de Chypre sous l'empire de Zenon ; sur sa poitrine était une copie de l'évangile de saint Matthieu écrite de la main de Barnabé lui-même.
Devenu près de l'Eglise garant du Docteur des nations, il vous appartenait de le conduire en ses premiers travaux. Quelle gloire à vous d'avoir eu Paul pour compagnon ! S'il vous manqua d'avoir été mis au nombre des douze, votre autorité fut bien celle qui se rapprocha le plus de la leur. Délégué par eux à Antioche après le baptême de Cornélius, pour prendre en mains la conduite de l'évangélisation des gentils, vous vous adjoignîtes le nouvel ouvrier ; c'est alors que la parole du salut, passant par vos lèvres, produisit des conversions si nombreuses, qu'on donna pour la première fois aux fidèles le nom de chrétiens, qui les distinguait à la fois des païens et des Juifs. L'émancipation des nations était accomplie ; et Paul, aux yeux de tous et d'après le langage de l'Esprit-Saint lui-même, n'était encore que votre disciple et votre protégé (Act. XI, 30 ; XII, 25 ; XIII, 1.), Aussi l'Esprit voulut-il que l'ordination solennelle qui le constituait Apôtre des gentils, vous fût commune avec lui. Vos voies, inséparables jusque-là et quelque temps encore, n'allaient pas tarder à se diviser pour le bien d'un plus grand nombre d'âmes. L'île de Chypre, fatalement abusée par le démon de la volupté durant les siècles de l'idolâtrie, reçut plus spécialement vos soins apostoliques ; elle vous avait donné le jour : vous lui rendîtes en échange votre sang et vos sueurs, portant partout sur son territoire la sainte et purifiante lumière du Fils de Dieu.
Missel à l'usage de Saint-Didier d'Avignon. XVe.
Mais le feu de la Pentecôte qui brûlait en vous, sollicitait votre âme à des missions plus lointaines. C'est de vous-même qu'il était écrit, en même temps que de Paul :
" Je t'ai établi pour être la lumière des nations et leur salut jusqu'aux extrémités de la terre." (Act. XIII, 47.).
L'Italie entendit votre douce parole qui répandait la joie sainte et la consolation du Paraclet ; elle vit ce noble visage, dont la sereine majesté faisait croire aux pauvres païens qu'ils recevaient en votre personne le prince de leurs dieux, caché sous des traits humains (Ibid. XIV, 11.). Bergame, Brescia, d'autres villes encore, Milan surtout, vous honorent comme leur père. Du haut de votre trône d'Apôtre, Ô Barnabé, gardez en elles toujours la foi que vous y avez déposée ; plus heureuses que les cités de l'île de Chypre, elles sont jusqu'ici restées fidèles. Protégez l'Ordre utile à l'Eglise, qui se réclame de votre puissant patronage; que son apostolat continue le vôtre, et mérite jusqu'au dernier jour à ses membres l'estime dont les entourait saint Charles Borromée, votre glorieux successeur sur le siège de Milan. Enfin, Ô père des nations, étendez votre sollicitude à la gentilité entière qui vous fut confiée par l'Esprit-Saint sans distinction de races ou de pays : qu'elle entre toute dans la voie de lumière si bien décrite par la Lettre précieuse qui porte votre nom béni (Ep. cathol. S. Barnab. ap. XIX.) ; qu'elle soit pour Dieu le vrai temple dont celui de Moriah n'était que la figure (Ibid. XVI.)."
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mercredi, 05 juin 2024
5 juin. Saint Boniface, archevêque de Mayence, Apôtre de l'Allemagne et Martyr. 754.
- Saint Boniface, archevêque de Mayence, Apôtre de l'Allemagne et Martyr. 754.
Papes : Saint Agathon ; Etienne II. Rois de France : Thierry III ; Pépin le Bref.
" Vae mihi si non evangelisavero."
" Malheur à moi si je ne prêche pas l'évangile !"
I Cor. IV, 17.
Saint Boniface, appelé d'abord Winfrid, naquit à Kirton, dans le Devonshire, de parents considérables, et qui eurent un grand soin de son éducation. Dès l'age de 5 ans, ayant vu dans la maison paternelle quelques moines qui faisaient des missions dans le pays, il demanda à les suivre dans leur monastère ; toutefois, son père, prenant ses souhaits pour des fantaisies d'enfant, lui refusa absolument ce qu'il demandait.
Mais il eut beau faire, l'aspiration à la vie monastique croissait dans le coeur de son fils, et, comme il s'y opposait, il tomba dangereusement malade ; il y vit un signe de la volonté de Dieu, et permit à Winfrid de suivre sa vocation.
Notre Saint passa 13 ans dans le monastère d'Adesean-Castre, aujourd'hui Exeter, qui était sous la conduite d'un saint abbé nommé Wolphard. Il passa ensuite dans l'abbaye de Nutcell, dont le vénérable Winbert était abbé ; il n'y fit pas un moindre progrès dans les lettres humaines que dans la vertu. Après avoir été écolier, il devint maître, et enseigna aux autres ce qu'il avait appris avec tant de soin. Beaucoup d'élèves, de couvents éloignés, accouraient à ses leçons. A l'age de 30 ans, il fut ordonné prêtre. Peu de temps après, le roi Ina et le clergé, réunis dans un synode, le chargèrent d'une ambassade auprès de Britkwald, archevêque de Cantorbéry, qui devait approuver les décisions de ce synode ; il s'acquitta de cette négociation avec tant d'habilité et de prudence, qu'il jouit dès lors de la plus grande considération ; on l'invitait à presque tous les synodes.
Mais Winfrid était destiné par la Providence à une plus grande mission. La Grande-Bretagne travailla pendant un siècle à christianiser la Germanie : notre Saint devait achever cette sainte entreprise et organiser définitivement l'Eglise chez les peuples germaniques. Il vint d'abord dans la Frise, et s'avança jusqu'à Utrecht, la capitale de ce pays ; mais le roi Radbod, qui persécutait le Christianisme, rendit inutiles tous les efforts de l'Apôtre. Il fut obligé de revenir en Angleterre, où on le nomma abbé de son monastère.
Après un séjour de 2 ans (718), il résolut de recommencer son apostolat. Muni de lettres de recommandation de son évêque, le sage Daniel, de Winchester, il partit pour Rome, afin de recevoir l'appui du pape. Grégoire II, après avoir éprouvé sa foi, sa vertu et la pureté de ses intentions, l'encouragea par de sages conseils et confirma sa mission, le 15 mai 719. Il lui donna aussi des saintes reliques et des lettres de recommandation pour les souverains christianisés qui se trouveraient sur sa route.
Comblé de faveurs et muni d'utiles recommendations, le Saint partit de Rome ; et, après avoir visité en passant Luitprand, roi des Lombards, qui lui fit très-bon accueil, il entra en Germanie, et alla jusqu'en Thuringe, où il séjourna quelque temps, exhortant les princes et les notables de la province à embrasser la Foi de Jésus-Christ. Il y réforma aussi quelques prêtres qui s'étaient abandonnés à plusieurs déréglements. Mais ayant entendu dire que Radbod, roi des Frisons et ennemi juré de la Foi chrétienne, était mort, il monta sur un bateau pour passer en Frise ; et, y étant arrivé, il travailla glorieusement à la conversion des infidèles.
Il obéissait, en tous ses travaux, à saint Willibrod, archevêque d'Utrecht. Celui-ci voulait l'avoir pour coadjuteur et comme successeur mais le Saint refusa cette dignité, disant qu'il devait évangéliser les idolâtres de toute la Germanie. Après être resté 3 ans dans la Frise, il parcourut de nouveau la Thuringe et la Hesse, que les armes de Charles-Martel lui avaient ouvertes, en délivrant les 2 pays des Saxons. Il fonda le couvent de Hamelbourg, sur la Saale.
Ensuite, il envoya au pape Grégoire un de ses disciples et de ses associés, pour lui annoncer les progrès de l'Evangile, et pour lui demander conseil sur quelques difficultés touchant la discipline ecclésiastique, et sur la manière dont il se devait comporter avec les nouveaux convertis. Le Pape de Rome lui répondit article par article ; mais voulant être plus amplement informé du succès de cette grande mission, il lui manda de le venir trouver à Rome. Winfrid s'y rendit aussitôt, et lui fit connaître de vive voix ce qu'il lui avait mandé dans ses lettres. Il lui donna aussi, par écrit, sa profession de Foi ; après quoi Winfrid y fut consacré évêque régionnaire, le 30 novembre 723.
De plus, il lui changea le nom de Winfrid, qu'il avait porté jusqu'alors, en celui de Boniface, et lui fit présent d'un livre contenant les règles et les institutions canoniques et des ordonnances, tirées des saints Conciles. Il lui mit encore entre les mains des lettres, non-seulement pour Charles-Martel, qui gouvernait alors le royaume des Francs, mais aussi pour les ecclésiastiques et les princes de Germanie ; il exhortait les uns à le favoriser et à le secourir dans ses besoins, et les autres à la persévérance dans la Foi Chrétienne. Il y en avait aussi pour le peuple de Thuringe, où il l'instruisait de quelques points de la foi et lui recommandait de rendre toute sorte d'obéissance à Bouiface, son père évêque, et de le recevoir comme celui qui lui était envoyé, non pas pour profiter de ses biens temporels, mais pour gagner les âmes à Jésus-Christ. Il n'y eut pas même jusqu'aux Saxons nouvellement convertis que ce vigilant Pape n'honorât d'une lettre, pour les exhorter à demeurer constants dans la Foi qu'ils venaient d'embrasser.
Boniface étant muni de ces lettres et recommandations, s'en vint en Austrasie pour présenter les lettres du Pape à Charles-Martel, qui lui en donna en même temps d'autres de faveur et de protection pour les souverains de Germanie. Cependant, avec toutes ces puissantes recommandations, il ne manqua pas de difficultés dans l'exécution de ses desseins, particulièrement lorsqu'il prêcha aux Hessois et aux Goths qui étaient extrêmement attachés aux superstitions du paganisme : il osa entreprendre d'abattre le principal sanctuaire païen de la contrée : c'était le chêne de Thor ou du Tonnerre, arbre gigantesque, près du village de Geismar. Les idolâtres menaçaient Boniface de le massacrer ; mais le chêne s'étant fendu en 4, et étant tombé au premier coup de cognée qu'il lui donna, ils en furent si épouvantés, que, plusieurs ouvrant les yeux à la lumière de l'Evangile, se convertirent à la Foi. A la suite de ce miracle, il fit bâtir, dans le même endroit, du bois même de cet arbre, une petite chapelle qu'il consacra en l'honneur du prince des Apôtres, et ce fut la première église de ces pays.
On vit sortir aussi des couvents de la Grande-Bretagne un essaim de veuves et de vierges, mères, soeurs, parentes des missionnaires, jalouses de partager leurs vertus et leurs périls. Chunihild et Berathgit, sa fille, s'arrêtèrent en Thuringe. Chunidrat fut envoyée en Bavière ; Thecla demeura à Kitzingen, sur le Mein. Lioba, " belle comme les Anges, ravissante dans ses discours, savante dans les Ecritures et les saints Canons ", gouverna l'abbaye de Bischofsheim. Les farouches Germains, qui autrefois aimaient le sang et se mêlaient aux batailles, venaient maintenant s'agenouiller au pied de ces douces maîtresses. Le silence et l'humilité ont caché leurs travaux aux regards du monde ; mais l'histoire marque leur place aux origines de la civilisation germanique : la providence a mis des femmes auprès de tous ces berceaux.
Au bout de quelques années, l'Apôtre comptait 100.000 convertis.
Tandis que saint Boniface était occupé en Germanie, non-seulement à prêcher aux infidèles, mais aussi à corriger les moeurs déréglées des néo-Chrétiens de Thuringe, qui, par la négligence des pasteurs, commençaient à chanceler en la Foi, Grégoire II passa de cette vie à une meilleure, et Grégoire III fut élu en sa place pour remplir le Siège de Rome. Notre Saint envoya à Rome des délégués pour rendre ses respects au nouveau Patriarche d'Occident ; et il le consulta, par le même moyen, sur quelques doutes qui concernaient sa mission. Le Pontife romain lui fit une réponse très-favorable, et lui accorda même le Pallium pour marque de sa dignité archiépiscopale, et lui permettant ainsi de créer de nouveaux évêques, selon qu'il le jugerait plus nécessaire pour le progrès de la diffusion de la Foi.
L'an 738, il vint effectuer un 3e pèlerinage aux tombeaux des saints Apôtres Pierre et Paul. Il en profita pour s'entretenir avec l'évêque de Rome sur plusieurs articles importants pour le Salut des âmes. Il reçut un très bon accueil, et pareil à celui que ses prédécesseurs avaient fait autrefois à saint Athanase, à saint Epiphane et à d'autres grands personnages qui avaient bien servi l'Eglise. A son départ, il lui donna plusieurs reliques qu'il lui avait demandées ; il lui donna aussi Wilibaud, religieux Anglais du Mont-Cassin, pour l'aider dans ses fonctions apostoliques. Boniface se dirigea vers la ville de Pavie, tant pour visiter Luitprand, roi des Lombards, que pour y vénérer les saintes reliques de saint Augustin d'Hippone, apportées depuis quelques années de l'lle de Sardaigne, par les soins de ce prince.
Il passa ensuite en Bavière ; après avoir délivré la province de plusieurs faux ministres, qui usurpaient l'office des prêtres, et de quelques autres qui se disaient évêques, il érigea 3 évêchés : celui de Salzbourg, celui de Freisingen et celui de Ratisbonne, ou aussi celui de Passau qui était déjà établi. Il en avertit le pontife Romain, qui approuva, avec ce bel éloge : qu'après Dieu, la conversion de 100.000 païens lui était due, à lui et à Charles-Martel, prince des Francs, qui l'avait beaucoup assisté dans cette entreprise.
Pépin le Bref. Amiel, XIXe siècle.
L'an 742, il assembla, à la demande de Grégoire III, le Concile de Germanie, dans lequel il fit faire plusieurs saints décrets pour l'heureux établissement de ces nouvelles églises. Il présida, en 744, le concile de Soissons, où l'on rétablit l'autorité des métropolitains, ébranlée en quelques endroits. Il présida encore d'autres conciles. Il était puissamment soutenu par Carloman et Pépin, qui avaient succédé à Charles-Martel leur père, en 741. Dans l'année 744, il posa les bases du couvent de Fulda, ce grand monastère qui fut pour la Germanie centrale ce que furent le Mont-Cassin pour l'Italie, Saint-Gall pour la Germanie méridionale, la nouvelle Corbie pour la Saxe et le nord de la Germanie.
Gewilied, évêque de Mayence, ayant été déposé, le pape de Rome Zacharie fit nommer Boniface archevêque de Mayence. Il devenait ainsi le métropolite, primat de toute la Germanie (747), et des certains diocèses se trouvant actuellement en France et Belgique. En cette qualité il sacra, à Soissons, en 752, roi des Francs, Pépin le Bref, tige de nos rois appelés Carlovingiens, à cause de Charlemagne, fils aîné de ce prince, comme la première s'appelait des Mérovingiens, à cause de Mérovée, fils de Pharamond.
Il est important de noter que par la suite, en 754, le pape Etienne II octroya, par un second sacre, à la royauté de Pépin le caractère religieux indispensable.
Enfin, Dieu voulant récompenser les illustres travaux de Son serviteur par la couronne du martyre, lui donna l'inspiration de retourner en Frise, où le peuple, qu'il avait converti plusieurs années auparavant, s'était replongé dans l'idolâtrie. Il demanda conseil au pape de Rome, qui l'autorisa à quitter sa métropole pour reprendre la mission en Frise. Ensuite il écrivit à Fulrade, abbé de Saint-Denis, premier aumônier du roi, afin qu'il suppliât Pépin de l'assister de son autorité dans cette entreprise, et de secourir aussi ses disciples qui étaient dans la dernière indigence. Enfin, ayant ordonné en sa place un saint prêtre appelé Lulle, selon son pouvoir de métropolite, et l'ayant prié d'avoir soin, quand il aurait reçu les nouvelles de sa mort, de retirer son corps pour le faire inhumer, il partit de Mayence et s'embarqua sur le Rhin, avec Eoban, évêque, 3 diacres et 4 moines. Ils arrivèrent tous heureusement en Frise où ils baptisèrent en peu de jours plusieurs milliers de personnes.
Un jour, le 5 juin, le pavillon de l'archevêque avait été dressé près de Dockum, au bord de la Burda, qui sépare les Frisons orientaux et les occidentaux. L'autel était prêt et les vases sacrés disposés pour le saint Sacrifice, car une grande multitude était convoquée pour recevoir l'imposition des mains.
Après le lever du soleil, une nuée de barbares, armés de lances et de boucliers, parut dans la plaine et vint fondre sur le camp. Les serviteurs coururent aux armes et se préparèrent à défendre militairement leurs maîtres. Mais l'homme de Dieu, au premier tumulte de l'attaque, sortit de sa tente entouré de ses clercs et portant les saintes reliques, qui ne le quittaient point :
" Cessez ce combat, mes enfants ! s'écria-t-il ; souvenez-vous que l'Ecriture nous apprend à rendre le bien pour le mal. Car ce jour est celui que j'ai désiré longtemps, et l'heure de notre délivrance est venue. Soyez forts dans le Seigneur, espérez en lui, et il sauvera vos âmes."
Puis, se retournant vers les prêtres, les diacres et les autres clercs, il leur dit ces paroles :
" Frères, soyez fermes, et ne craignez point ceux qui ne peuvent rien sur l'âme ; mais réjouissez-vous en Dieu, qui vous prépare une demeure dans la cité des Anges. Ne regrettez pas les vaines joies du monde, mais traversez courageusement ce court passage de la mort, qui sous mène à un royaume éternel."
Aussitôt une bande furieuse de barbares les enveloppa, égorgea les serviteurs de Dieu, et se précipita dans les tentes, où, au lieu d'or et d'argent, ils ne trouvèrent que des reliques, des livres, et le vin réservé pour le saint Sacrifice. Irrités de la stérilité du pillage, ils s'enivrèrent, ils se querellèrent et se tuèrent entre eux. Les Chrétiens, se levant en armes de toutes parts, exterminèrent ce qui était resté de ces misérables. Saint Boniface tenait en mourant le livre des Evangiles entre les mains : ces infidèles le percèrent d'un coup d'épée ; mais ils n'en coupèrent pas une seule lettre : ce qui ne se put faire sans miracle.
Martyre de saint Boniface. Sacramentaire de Fulda. XIe.
Son corps fut d'abord porté à Maastricht, ensuite à Mayence, et, de là, il fut solennellement transféré au monastère de Fulda, comme il l'avait ordonné. Il a fait, depuis, beaucoup de miracles, que l'on peut voir dans ses actes. (l'église collégiale de Saint-Quentin, dans l'Aisne, possède une partie du crâne de saint Boniface. Nous avons fait des recherches pour savoir comment cette relique insigne était arrivée en la possession de cette église sans avoir pu y parvenir).
Nous ne voulons pas omettre ici un très-bel apophthegme qui est attribué à ce saint Apôtre et Martyr, au concile de Tivoli. Faisant allusion à la mauvaise vie de quelques prêtres de son temps, il disait que :
" Autrefois les prêtres étaient d'or, et se servaient de calices de bois ; mais qu'alors ils étaient de bois, et se servaient de calices d'or."
On peint saint Boniface tenant un livre qui est traversé par une épée. Comme cette épée n'endommagea pas le texte sacré, les tailleurs qui ont besoin d'avoir le coup de ciseaux sûr et adroit, ont choisi saint Boniface pour leur patron.
Cathédrale Saint-Martin de Mayence.
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lundi, 27 mai 2024
27 mai. Saint Bède le Vénérable, Père de l'Eglise, confesseur. 735.
Prière par laquelle Bède termina l'énumération de ses travaux littéraires.
Saint Bède écrivant. Bible franque du XIIIe. Reims.
La bénédiction que le Seigneur donnait à la terre en s'élevant au ciel atteint les plus lointaines frontières de la gentilité. Trois jours de suite, le Cycle nous montre les grâces qu'elle annonçait concentrant sur l'extrême Occident leurs énergies: c'est le fleuve de Dieu (Psalm. XLV, 5.), dont les eaux débordées se font plus impétueuses à la limite qu'elles ne dépasseront pas.
Demain, dans la terre des Bretons devenue celle des Angles, nous fêterons le chef du second apostolat, Augustin, l'envoyé de Grégoire le Grand. Aujourd'hui, impatiente de justifier ces célestes prodigalités, Albion produit devant les hommes son illustre fils, Bède le Vénérable, l'humble et doux moine dont la vie se passe à louer Dieu, à le chercher dans la nature et dans l'histoire, mais plus encore dans l'Ecriture étudiée avec amour, approfondie à la lumière des plus sûres traditions. Lui qui toujours écouta les anciens prend place aujourd’hui parmi ses maîtres, devenu lui-même Père et Docteur de l'Eglise de Dieu.
Dom Mabillon parle de saint Bède comme un parfait modèle de savoir dans l'état monastique :
" Qui s'est plus appliqué que lui à toutes sortes d'études et même à enseigner les autres ? Qui fut cependant plus attaché aux exercices de piété et de religion ? A le voir prier, il semblait qu'il n'étudiait pas ; à voir le nombre de ses ouvrages, il semblait qu'il ne fît autre chose que d'écrire."
Saint Bède naquit à Yarrow, aux confins de la Grande-Bretagne et de l'Ecosse ; Agé de sept ans, son éducation fut confiée à saint Benoît Biscop, Abbé de Wearmouth. Devenu moine, il ordonna de telle sorte sa vie, que se livrant tout entier à l'étude des arts et des sciences, il n'omit jamais rien toutefois des observances de la discipline régulière. Excellemment versé en tous les genres de connaissances,la méditation des divines Ecritures fixa néanmoins ses préférences ; et pour les mieux comprendre, il se rendit maître de la langue grecque et de l'hébraïque. Ordonné prêtre en sa trentième année par l'ordre de son Abbé, ce fut à la sollicitation d'Acca, évêque d'Hexham, qu'il entreprit alors d'expliquer les saints Livres ; il ne le fit qu'en suivant d'aussi près que possible la doctrine des saints Pères, n'avançant rien qu'ils n'eussent eux-mêmes enseigné, et pour ainsi dire reproduisant leur langage.
Ennemi constant de l'oisiveté, il ne quittait l'étude que pour la prière, et revenait pareillement de la prière à l'étude ; son cœur s'y embrasait au point que souvent, enseignant ou liant, il fondait en larmes. Ne voulant point être distrait par le souci des choses qui passent, il refusa constamment la charge d'Abbé.
Bientôt une telle réputation de piété et de science s'attachait à son nom, que le Pape saint Sergius eut la pensée de l'appeler à Rome pour y travailler à la solution d'épineuses difficultés qui s'étaient élevées dans l'Eglise. Il écrivit beaucoup d'ouvrages pour réformer les mœurs des fidèles, pour soutenir et défendre la foi. Grande fut l'estime universelle qu'il s'acquit ainsi : saint Boniface, évêque et martyr, le proclamait la lumière de l'Eglise ; Lanfranc lui donnait le titre de docteur des Anglais, le Concile d'Aix-la-Chapelle celui de docteur admirable.
Il arriva que, de son vivant même, on lut publiquement ses écrits dans les Eglises, et comme alors on ne pouvait lui attribuer le titre de saint, on lui donnait celui de vénérable qui lui resta toujours depuis. Son enseignement était d'autant plus efficace, qu'il était soutenu de la sainteté de la vie et des vertus religieuses. Aussi ses disciples, qui furent nombreux et remarquables, devinrent-ils, grâce à son zèle et à son exemple, non moins éminents dans la sainteté que dans les lettres et les sciences.
Saint Jean inspirant saint Bède. Manuscrit autrichien du XIIe.
Entendons notre Saint, dans ses dernières années, résumer sa vie :
" Prêtre du monastère des bienheureux Pierre et Paul, Apôtres, je naquis sur leur territoire, et je n'ai point cessé, depuis ma septième année, d'habiter leur maison, observant la règle, chantant chaque jour en leur église, faisant mes délices d'apprendre, d'enseigner ou d'écrire. Depuis que j'eus reçu la prêtrise, j'annotai pour mes frères et pour moi la sainte Ecriture en quelques ouvrages, m'aidant des expressions dont se servirent nos Pères vénérés, ou m'attachant à leur manière d'interprétation. Et maintenant, bon Jésus, je vous le demande : vous qui m'avez miséricordieusement donné de m'abreuver à la douceur de votre parole, donnez-moi bénignement d'arriver à la source, Ô fontaine de sagesse, et de vous voir toujours." (Bed. Hist. eccl. Cap. ultimum.).
Brisé enfin par l'âge et le labeur, il fut atteint d'une maladie grave. Il la supporta cinquante jours et plus sans interrompre ni ses habitudes de prière, ni son travail d'interprétation des Ecritures ; car ce fut en ce temps qu'il traduisit en anglais pour ses compatriotes l'Evangile de saint Jean.
La touchante mort du serviteur de Dieu ne devait pas être la moins précieuse des leçons qu'il laisserait aux siens. Les cinquante jours de la maladie qui l'enleva de ce monde s'étaient passés comme toute sa vie à chanter des psaumes ou à enseigner. La veille de l'Ascension, sentant que la mort approchait, il voulut être muni des derniers sacrements, embrassa ses frères et se fit étendre à terre sur un cilice. Comme, donc, on approchait de l'Ascension du Seigneur, il redisait avec des larmes de joie l'Antienne de la fête :
" Ô Roi de gloire qui êtes monté triomphant par delà tous les cieux, ne nous laissez pas orphelins, mais envoyez-nous l'Esprit de vérité selon la promesse du Père."
A ses élèves en pleurs il disait, reprenant la parole de saint Ambroise :
" Je n'ai pas vécu de telle sorte que j'eusse à rougir de vivre avec vous ; mais je ne crains pas non plus de mourir, car nous avons un bon Maître."
" Je ne veux pas que mes disciples après ma mort s'attardent à des faussetés et que leurs études soient sans fruit."
Saint Bède enseignant. Livre de prières. Avignon. XIVe.
Le mardi avant l'Ascension, l'oppression du malade augmentait les symptômes d'un dénouement prochain se montrèrent. Plein d'allégresse, il dicta durant toute cette journée, et passa la nuit en actions de grâces. L'aube du mercredi le retrouvait pressant le travail de ses disciples. A l'heure de Tierce, ils le quittèrent pour se rendre à la procession qu'on avait dès lors coutume de faire en ce jour avec les reliques des Saints. Resté près de lui, l'un d'eux lui dit :
" Bien-aimé Maître, il n'y a plus à dicter qu'un chapitre ; en aurez-vous la force ?
- C'est facile : prends ta plume, taille-la, et puis écris ; mais hâte-toi."
A l'heure de None, il manda les prêtres du monastère, et leur rit de petits présents, implorant leur souvenir à l'autel du Seigneur. Tous pleuraient. Lui, plein de joie, disait :
" Il est temps, s'il plaît à mon Créateur, que je retourne à Celui qui m'a fait de rien quand je n'étais pas ; mon doux Juge a bien ordonné ma vie ; et voici qu'approche maintenant pour moi la dissolution ; je la désire pour être avec le Christ : oui, mon âme désire voir mon Roi, le Christ, en sa beauté."
Ce ne furent de sa part jusqu'au soir qu'effusions semblables ; jusqu'à ce dialogue plus touchant que tout le reste avec Wibert, l'enfant mentionné plus haut :
" Maître chéri, il reste encore une phrase.
- Ecris-la vite."
Et après un moment :
" C’est fini, dit l'enfant.
- Tu dis vrai, répartit le bienheureux : c'est fini ; prends ma tête dans tes mains et soutiens-la du côté de l'oratoire, parce que ce m'est une grande joie de me voir en face du lieu saint où j'ai tant prié."
Et du pavé de sa cellule où on l'avait déposé, il entonna :
" Gloire au Père, et au Fils, et au Saint-Esprit."
Quand il eut nommé l'Esprit-Saint, il rendit l'âme (Epist. Cuthberti.).
Il s'endormit dans le Seigneur. Son corps exhalant, dit-on, une odeur très suave, fut enseveli dans le monastère de Yarrow, et par la suite transporté à Durham avec les reliques de saint Cuthbert Les Bénédictins, d'autres familles religieuses, des diocèses l'honoraient par avance comme docteur, quand, sur l'avis de la Congrégation des Rites sacrés, Léon XIII, Souverain Pontife, le déclara docteur de l'Eglise universelle, décrétant que Messe et Office des Docteurs seraient désormais récités par tous au jour de sa fête.
Mort de saint Bède. William Bell Scott. XIXe.
Gloire à la toute-puissante et miséricordieuse Trinité ! N'est-ce pas aussi le dernier mot du Cycle entier des mystères qui s'achèvent présentement dans la glorification du Père souverain par le triomphe du Fils rédempteur, et l'épanouissement du règne de l'Esprit sanctificateur en tous lieux ? Qu'il était beau dans l'Ile des Saints le règne de l'Esprit, le triomphe du Fils à la gloire du Père, quand Albion, deux fois donnée par Rome au Christ, brillait aux extrémités de l'univers comme un joyau sans prix de la parure de l'Epouse ! Docteur des Angles au temps de leur fidélité, répondez à l'espoir du Pontife suprême étendant votre culte à toute l'Eglise en nos jours, et réveillez dans l'âme de vos concitoyens leurs sentiments d'autrefois pour la Mère commune."
Gravure de J. W. Cook. XVIIIe.
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lundi, 20 mai 2024
20 mai. Saint Bernardin de Sienne, Franciscain. 1444.
- Saint Bernardin de Sienne, Franciscain. 1444.
Pape : Clément VII ; Eugène IV. Empereurs d'Allemagne : Wenceslas ; Frédéric III.
" On pressait un jour Jean d'Avila, l'apôtre de l'andalousie, de donner des règles pour enseigner l'art de prêcher :
" Je ne connais d'autre art que l'amour de Dieu et le zèle pour Sa gloire."
Il avait coutume de dire aux jeunes ecllésiastiques qu'un mot prononcé par un homme de prière toucherait plus que des discours éloquents."
Saint Bernardin de Sienne. Antonio Vivarini. XVe.
Bernardin Albizesca, issu d'une noble famille de Sienne, donna dès son enfance des marques éclatantes de sainteté. Elevé dans des habitudes honnêtes par ses parents qui étaient vertueux, il négligea les jeux de l'enfance, et dès ses premières études sur la grammaire on le vit se livrer aux Oeuvres de la piété, au jeune, à l'oraison, et particulièrement au culte de la très sainte Vierge. La charité envers les pauvres éclatait en lui.
Après quelques années, dans le but de mieux pratiquer encore toutes ces vertus, il voulut être du nombre des confrères qui servent Dieu à Sienne dans l'hôpital de Notre-Dame de la Scala, d'où sont sortis plusieurs personnages célèbres par leur sainteté. Il s'y exerça avec une ferveur et une charité incroyables à la mortification de son corps et au soin des malades, durant une peste qui sévissait cruellement sur la ville, si bien qu’on lui confia la direction de l'établissement.
Bartolomeo della Gatta. XVe.
Entre autres vertus, il garda inviolablement la chasteté, malgré les dangers que pouvait lui susciter la rare beauté de ses traits ; et tel fut le respect qu'il inspira, que les plus licencieux n'auraient osé prononcer un mot déshonnête en sa présence.
Après une grave maladie qu'il avait endurée avec la plus héroïque patience pendant quatre mois, il conçut le dessein d'embrasser la vie religieuse. Afin de s'y disposer, il loua une petite maison à l'extrémité de la ville, où il vécut inconnu, menant la vie la plus austère, et priant Dieu continuellement de lui faire connaître le parti qu'il devait prendre.
Dario di Giovanni. XVe.
En 1402, il entra chez les Franciscains de l’Étroite-Observance ; y fit profession le 8 septembre 1403 et fut ordonné prêtre le 8 septembre 1404. Il excella en humilité, en patience et en toutes les autres vertus religieuses. Le gardien du couvent ayant remarqué cette haute vertu, et connaissant d'ailleurs la science à laquelle ce religieux était arrivé dans les saintes lettres, lui imposa le devoir de la prédication. Le saint accepta humblement cet emploi, bien qu'il s'y reconnût peu propre, à cause de la faiblesse et de l'enrouement de sa voix. Mais ayant imploré le secours de Dieu, il se trouva délivré miraculeusement de cet obstacle.
Il se consacra donc à la prédication, surtout dans l’Italie du Nord. A cette époque, un débordement de crimes était répandu en Italie, et de sanglantes factions y foulaient aux pieds toutes les lois divines et humaines. Bernardin parcourut les villes et les villages au nom de Jésus qu'il avait toujours à la bouche et dans le coeur, et vint à bout par ses discours et ses exemples de rétablir presque partout la piété et les bonnes mœurs qui avaient disparu. Plusieurs villes considérables le demandèrent au pape pour leur évêque ; mais Bernardin refusa constamment cette dignité par une humilité invincible.
Aux pieds de saint Bernardin, les évêchés qu'il refusa.
Il résidait, de préférence, dans les ermitages. À partir de 1417, ayant prêché à Milan, sa renommée de prédicateur devint manifeste et on l’appelait donc de toutes les villes de l’Italie, pour des auditoires de plusieurs milliers de personnes. Il était contraint de prêcher sur les places publiques, car aucune église ne pouvait contenir ces foules.
Il prêchait essentiellement la pénitence, l’invitation à la conversion des moeurs et s’adressait aussi bien au peuple qu’aux responsables des cités, provoquant parfois des réformes des législations locales, notamment en ce qui concerne les pratiques usuraires qui pesaient lourdement sur le pauvre peuple.
Le saint Nom de Jésus
Il invitait les édiles à inscrire le nom de Jésus sur les murs des édifices, au moins les 3 lettres IHS (Iesus humani salvator, Jésus sauveur des hommes). Il prêchait en montrant aux foules un panneau portant le monogramme du Christ IHS peint en lettres d'or dans un soleil symbolique. En effet sa prédication était centrée sur le nom de Jésus dont il recommandait la dévotion. Quelques religieux, jaloux de ses succès, le dénoncèrent à Rome, l’accusant de déviation doctrinale. Saint Jean de Capistran prit sa défense auprès du pape Martin V. Celui-ci approuva la dévotion au Nom de Jésus et voulut faire de Bernardin l’évêque de Sienne. Mais Bernardin refusa, préférant continuer ses prédications en Italie. Le 7 janvier 1432, malgré de nouvelles attaques contre Bernardin, le pape Eugène IV imposa le silence à ses détracteurs. En 1530, la fête du Saint Nom de Jésus fut accordée aux Frères mineurs, et étendue à l’Église universelle en 1722.
Statue votive. Bois polychrome. Lorenzo di Pietro. XVe.
Le réformateur
En 1438, Bernardin devint vicaire général de l’Ordre franciscain, et y développa la réforme dont il devint l’ardent promoteur, y gagnant de nombreux couvents et ermitages d’Italie. Il envoya des missionnaires en Orient, dans l’espoir de permettre un rapprochement avec les chrétiens séparés, ce qui devint la visée du Concile de Florence où il eut l’occasion de s’adresser lui-même aux pères Grecs (1439). Le pape Eugène IV, en 1443, le désigna comme prédicateur d’une croisade contre les Turcs, mais il ne semble pas avoir eu l’occasion de s’acquitter de cette charge.
Ayant résigné sa charge de Vicaire de l’Ordre, il reprit ses tournées de prédication vers le Royaume de Naples, mais il était très fatigué et usé. Il attrapa une fièvre maligne, à Aquila où il mourut, le 20 mai 1444, dans le couvent de cette ville, tandis que les frères chantaient l’antienne :
" Père, j’ai fait connaître votre nom aux hommes que vous m'avez donnés ; maintenant je prie pour eux et non pour le monde, parce que je viens à vous."
Saint Bernardin de Sienne et saint Louis de Toulouse.
Il fut inhumé dans l’église du couvent. De nombreux miracles lui furent attribués, si bien que le pape Nicolas V le canonisa le 24 mai 1450. Notons que jeune, saint Bernardin avait assisté à un sermon de saint Vincent Ferrier à Alexandrie en Lombardie et que ce dernier avait prédit sa sainteté sans le connaître puisqu'il avait dit :
" Il y a un personnage en cet auditoire qui sera la lumière de l'Ordre de Saint-François, de toute l'Italie et de l'Eglise, et qui sera déclaré Saint."
Son saint corps est conservé dans une double-châsse au couvent des Franciscain d'Aquila.
L’Italie le considère comme son plus grand prédicateur. Dès sa canonisation, les peintres et les sculpteurs les plus illustres le représentèrent très fréquemment.
Bernardin prêchait habituellement en langue vulgaire, dans un style populaire et plein d’images et d’interpellations des auditeurs. Mais les sermons écrits en latin que nous possédons sont certainement des recompositions, un peu savantes, qui laissent mal transparaître la verve de l’orateur. Ils furent publiés à partir de 1501, à Lyon, puis à Paris en 1536, enfin à Venise en 1745. Les éditions franciscaines de Quaracchi en ont fait une édition critique entre 1950 et 1965.
Lorenzo d'Alessandro. XVe.
PRIERE
" Qu'ils sont beaux, Ô Bernardin, les rayons qui forment le nom de Jésus ! Que leur lumière est douce, au moment où le Fils de Dieu reçoit ce nom sauveur, le huitième jour après sa naissance! Mais quel oeil mortel pourrait supporter leur éclat, lorsque Jésus opère notre salut, non plus dans l'humilité et la souffrance, mais par le triomphe de sa résurrection ? C'est au milieu des splendeurs pascales du nom de Jésus que vous nous apparaissez, Ô Bernardin ! Ce nom que vous avez aimé et glorifié vous associe désormais à son immortelle victoire. Maintenant donc répandez sur nous, plus abondamment encore que vous ne le faisiez sur la terre, les trésors d'amour, d'admiration et d'espérance dont ce divin nom est la source, et purifiez les yeux de notre âme, afin que nous puissions un jour contempler avec vous ses magnificences.
Apôtre de la paix, l'Italie, dont vous avez si souvent apaisé les factions, a droit de vous compter au rang de ses protecteurs. Voyez-la en ces jours livrée en proie aux ennemis du Sauveur des hommes, rebelle à la voix de la sainte Eglise, et tristement abandonnée à son sort. Ne vous souviendrez-vous pas que c'est dans son sein que vous avez pris naissance, qu'elle fut docile à votre voix, et que longtemps votre mémoire lui fut chère? Intervenez en sa faveur ; arrachez-la à ceux qui l'oppriment, et montrez qu'au défaut des armées de la terre, les milices célestes peuvent toujours sauver les villes et les provinces.
Illustre fils du grand patriarche d'Assise, l'Ordre séraphique vous vénère comme l'une de ses principales colonnes. Vous avez ravivé dans son sein l'observance primitive ; continuez du haut du ciel à protéger l'œuvre commencée par vous ici-bas. La famille de saint François est l'un des plus fermes appuis de la sainte Eglise ; faites-la fleurir toujours, soutenez-la dans les tempêtes, multipliez-la en proportion des besoins du peuple fidèle ; car vous êtes le second père de cette famille sacrée, et vos prières sont puissantes auprès du Rédempteur dont vous avez confessé le nom glorieux sur la terre."
Saint Bernardin de Sienne. El Greco. XVIIe.
SERMON SUR LE NOM GLORIEUX DE JESUS
" Le nom de Jésus est la gloire des prédicateurs, parce qu’il fait annoncer et entendre sa parole dans une gloire lumineuse. Comment crois-tu que se soit répandue dans le monde entier une clarté de foi si grande, si rapide et si fervente, sinon parce qu’on a prêché Jésus ? N‘est-ce pas par la clarté et la saveur de ce nom que Dieu nous a appelés à son admirable lumière ? A ceux qui ont été illuminés et qui voient la lumière dans cette lumière, l’Apôtre peut bien dire : Autrefois, vous n’étiez que ténèbres ; maintenant, dans le Seigneur, vous êtes devenus lumière ; vivez comme des fils de la lumière.
Par conséquent, il faut faire connaitre ce nom pour qu’il brille, et ne pas le passer sous silence. Cependant, il ne doit pas être proclamé dans la prédication par un cœur impur ou une bouche souillée, mais il doit être conservé puis proclamé par un vase choisi. C’est pourquoi le Seigneur dit au sujet de saint Paul : " Cet homme est le vase que j’ai choisi afin qu’il porte mon Nom auprès des nations paiennes, auprès des rois, et des fils d’lsraël. Le vase que j’ai choisi, dit-il, est celui où se montre un liquide très doux et de grand prix, pour qu’on ait envie de le boire parce qu’il brille et resplendit dans des vases de choix : afin qu’il porte mon nom, dit le Seigneur ".
Lorsqu’on allume un feu pour nettoyer les champs, les buissons et les épines, sèches et stériles, se mettent à brûler ; lorsque les ténèbres sont chassées par les rayons du soleil levant, les voleurs, les vagabonds nocturnes, les cambrioleurs vont se cacher. C’est ainsi que la prédication de saint Paul, comme un fracas de tonnerre, comme un incendie violent, comme le soleil à son aurore, faisait disparaître l’incroyanee, dissipait l’erreur, mettait en lumière la vérité, à la manière dont la cire se liquéfie sous un feu intense.
En effet, il mettait partout le nom de Jésus : dans ses paroles, ses lettres, ses miracles et ses exemples. Il louait le nom de Jésus continuellement, il le chantait dans son action de grace.
De plus, l’Apôtre portait ce nom auprès des rois, des nations païennes et des fils d’Israël, comme une lumière dont il illuminait les nations du monde, et partout il s’écriait : La nuit est bientôt finie, le jour est tout proche. Rejetons les activités des ténèbres, revêtons-nous pour le ombat de la lumière. Conduisons-nous honnêtement, comme on fait en plein jour. Il montrait à tous la lampe ardente, posée sur le lampadaire, annonçant en tout lieu Jésus, le crucifié.
Aussi l’Église, épouse du Christ, toujours appuyée sur son témoignage, exulte-t-elle en disant avec le Prophète : Mon Dieu, tu m’as instruit dès ma jeunesse et je redirai tes merveilles jusqu’à présent, c’est-à-dire toujours. Le prophète y exhorte aussi en disant : Chantez le Seigneur en bénissant son nom, de jour en jour proclamez son salut, c’est-à-dire Jésus le Sauveur."
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jeudi, 16 mai 2024
16 mai. Saint Brendan, abbé en Irlande. 578 environ.
- Saint Brendan l'Ancien, abbé en Irlande. 578 environ.
Pape : Benoît Ier. Roi d'Irlande* : Ailill Molt Mac Dathi.
" Par les prières de saint Brendan et de tous les Saints d'Irlande, Christ notre Dieu, aie pitié de nous et sauve-nous !"
" La Divine Ressemblance a été parfaite en toi, Ô saint père Brendan, car en prennant la Croix tu as suivis le Christ,
Et par tes actions tu nous a enseignés à ne pas nous soucier de la chair car elle passe,
Mais de cultiver notre âme puisqu'elle est immortelle :
C'est pourquoi, Ô saint père, ton esprit se réjouit avec les Anges."
Saint Brendan en mer avec ses compagnons.
Saint Brendan d'Ardfert et Clonfert, connu aussi comme Brendan le Navigateur, naquit à Ciarraighe Luachra, près de l'actuelle ville de Tralee, Comté du Kerry, Irlande, en 484 ; il mourut à Enachduin, à présent Annaghdown, en 577. L'évêque lui donna le saint Baptême à Tubrid, près d'Ardfert.
Comme les voyages d'Ulysses, l'histoire de voyage de saint Brendan sur les flots périlleux fut très populaire au Moyen-Age. Nous ne la voyons que comme l'ombre de l'ancien monde Celtique, et ce que lui fut ou d'où il provint est incertain, bien qu'on le présume fils de Findlugh près de Tralee sur la péninsule Fenit dans le Kerry, Irlande, d'une lignée noble et ancienne.
On rapporte qu'enfant, il fut confié aux bons soins de sainte Ita, la " Brigitte du Munster " (15 Janvier) à Killeedy durant 5 ans, qui l'introduisit à la théologie. Elle lui apprit qu'il y avait 3 choses que Dieu aimait vraiment :
" La pure Foi d'un coeur pur ; et la générosité inspirée par la charité Chrétienne."
Elle rajouta les 3 choses que Dieu détestait, à savoir :
" Un visage maussade ; s'obstiner dans le mal-faire ; et trop de confiance dans l'argent."
A l'âge de 6 ans, il fut envoyé à l'école monastique de saint Jarlath (6 juin) pour son éducation. Il fut aussi sous la tutelle de l'évêque saint Erc de Slane (31 octobre), qui le baptisa, et, en 512, l'ordonna à la prêtrise. Brendan fut un contemporain et un disciple de saint Finian (12 décembre), et plus tard de saint Gildas (29 janvier) à Llancarfan dans le Pays de Galles, et plus tard, il ira fonder un monastère à Saint-Malo.
Vie de saints. Le Maître de Fauvel. XIVe.
A l'instar de son maître Saint Jarlath, on le connaît comme fondateur d'églises en Bretagne et au Pays de Galles, tout autant que d'écoles et de monastères en Irlande. Après avoir établi nombre de fondations dans le Kerry, il navigua sur le Shannon pour aller fonder le célèbre monastère de Clonfert. Montague nous rappelle que même si Brendan n'avait jamais quitté les îles, il aurait néanmoins mérité la reconnaissance comme un des plus grands saints d'Irlande.
La chronologie précise de sa vie est difficile à établir ; cependant, il semble que peu après son ordination, Brendan devint moine et rassembla une communauté de disciples autour de lui. Entre les années 512 et 530, saint Brendan construisit des cellules monastiques à Ardfert, et à Shanakeel ou Baalynevinoorach, au pied de la montagne Brandon Hill. La relation entre la fondation de Clonfert en 559 et Brendan est assurée. Ses biographes disent qu'il gouvernait une communauté de 3.000 moines, avec une Règle que lui avait dictée un Ange. Cette fondation deviendra la source principale des activités missionaires des siècles durant. Saint Senan (8 mars) se trouvait sur son promontoire sur l'île Scattery, et en une journée, il compta 7 navires transportant des étudiants d'outre-mer à travers le Shannon vers Clonfert. Il semble que Brendan ait laissé ses frères en arrière pour entamer ses voyages (ou fonda-t-il le monastère après ?).
Monastère d'Ardfert. Son père abbé, notre saint Brendan,
en fut aussi le fondateur. Irlande.
Sur la côte du Kerry, avec 14 moines choisis, il bâtit un coracle (le " coracle " ou " curragh " est une petite embarcation typiquement irlandaise) avec des claies, le recouvrit de peau tannées avec des écorces de chêne et amolies avec du beurre, gréa un mat et une voile, et après une prière sur la rive, il embarqua au Nom de la Trinité pour étendre le Royaume de Dieu sur la terre. Avec 60 compagnons, il embarqua, emportant un mois de provisions, pour chercher l'Ile du Bénit - ancienne croyance de l'antique folklore Celtique. A bord du navire, toutes les Règles de la vie monastique furent strictement d'application. Après un étrange épisode, au cours duquel il aurait célébré la Divine Offrande sur le dos d'une baleine, il retourna en Irlande pour fonder Clonfert.
Les anciens calendriers irlandais assignaient une fête spéciale à l'" Egressio familiae S. Brendani ", les 22 Mars ; et Saint Aengus de Culdee, dans sa litanie, à l'aube du VIIIe siècle, évoque les " 60 qui accompagnèrent saint Brendan dans sa quête de la Terre de la Promesse ". Naturellement, l'histoire des 7 années se répandit, et, très vite, des foules de pélerins et d'étudiants affluèrent vers Ardfert. Ainsi, en quelques années, nombre de maisons religieuses se formèrent à Gallerus, Kilmalchedor, Brandon Hill, et sur les îles Blasquet, afin de répondre aux souhaits et besoins de ceux qui venaient pour la guidance spirituelle de Saint Brendan.
Après avoir établit le Siège d'Ardfert, saint Brendan partit pour Thomond, et fonda un monastère à Inis-da-druim (qui s'appelle de nos jours l'île Island, Comté de Clare), dans l'actuelle paroisse de Killadysert, vers l'année 550. Ensuite il voyagea dans le Pays de Galles, puis à Iona, et il laissa des traces de son zèle apostolique à Kilbrandon (près d'Oban) et Kilbrennan Sound. Après une mission de 3 ans en Bretagne, il retourna en Irlande, et accomplit nombre de grandes oeuvres dans différentes parties du Leinster, particulièrement à Dysart (Co. Kilkenny), Killiney (Tubberboe), et Brandon Hill. Il fonda le Siège d'Ardfert, et d'Annaghdown, et établit des églises à Inchiquin, Comté de Galway, et à Inishglora, Comté de Mayo. Sa plus célèbre fondation sera Clonfert, en 557, pour laquelle il nommera Saint Moinenn comme Prieur et Maître principal.
Voyage de saint Brendan. XVe.
On rapporte que Christophe Colomb, qui était familier de l'histoire de Brendan, aurait été inspiré par la saga épique du saint, " Navigatio Sancti Brendani Abbatis " qui avait été traduite dans les principales langues d'Europe et incorporée dans le cursus universtaire.
Des historiens, comme G. A. Little, rapportent que Colomb aurait même visité Clonfert avant d'entamer son voyage vers les Indes et que son équipage comportait nombre d'Irlandais. Longtemps avant Colomb, les moines Irlandais étaient réputés comme voyageurs et explorateurs. La tradition rapporte qu'ils atteignirent l'Islande et explorèrent encore plus loin dans l'Atlantique - probablement aussi loin que l'Amérique.
Bien que la plus ancienne version existante de la " Navigatio " ait été écrite au Xe siècle, les érudits admettent qu'il s'agit d'une composition irlandaise du IXe siècle. Sous les atours d'un récit d'aventure, un auteur anonyme peint une image détaillée de la vie monastique idéale. L'histoire fut si bien acceptée que les cartographes, particulièrement ceux de la péninsule Ibérique, continuèrent à inclure l'île de Brendan en différents endroits à l'ouest de l'Irlande. On n'abandona la croyance en l'existence de l'île qu'au XVIIIe siècle.
Les érudits ont longtemps douté que le voyage vers la Terre Promise décrit par Brendan ait pu être l'Amérique du Nord, mais certains savants modernes sont à présent persuadé qu'il en fut bien ainsi.
Voyage de saint Brendan. Manuscrit irlandais du XIIe.
En 1976-1977, Tim Sevein, un expert en exploration, suivit les instructions de la " Navigatio ", construisit un " curragh " couvert de peaux et navigua d'Irlande vers le Newfounland, via l'Islande et le Groenland, démontrant l'exactitude des caps et descriptions des lieux que Brendan mentionna dans son récit.
William Verity, de Fort Lauderdale, Floride, effectua une navigation aller-retour entre la Floride et l'Irlande en 1969 " afin de rendre réelle la légende de Brendan ".
De nos jours encore, on étudie encore les écrits " ogham " en Gaélique Irlandais trouvés dans le Newfoundland et dans le nord-est des Etats-Unis, parce qu'on assure qu'ils confirmeraient le voyage de Saint Brendan.
Voyage de saint Brendan. Cartographie du XVIe.
Brendan lui-même se tint en ces périodes obscures comme le capitaine d'un équipage Chrétien. Comme les Grecs et les Vikings, il avait cet appel de la mer en lui, mais il construisit son navire et le mis à l'eau au Nom du Seigneur, et navigua sous l'enseigne de la Croix. C'est une saga palpitante, avec toutes ses étrangetés, et elle lança nombre de marins ultérieurement, mais en vain, à la recherche de l'île de Saint Brendan ; nul ne la trouva jamais, bien qu'on la dit parfois visible, comme une Ile du Paradis, surgisseant à la surface de la mer.
Brendan mourut probablement en visitant sa soeur Briga, abbesse d'un couvent à Enach Duin (Annaghdown). Son histoire, telle qu'elle nous est parvenue, inclut sa conversation avec sa soeur, alors qu'il était mourant. Quand il lui demandit de l'assister dans sa mort par ses prières, elle lui demanda pourquoi il était effrayé de mourrir. Il répondit :
" Je crains d'avoir à voyager seul, que le chemin sera sombre ; je crains cette terre inconnue, la présence de mon Roi et la sentence de mon Juge."
Saint Brendan abordant l'île des diables.
Vies de saints. R. de Montbaston. XIVe.
Prévoyant qu'il pourrait y avoir des rivalités au sujet de son corps, Brendan demanda qu'on garde sa mort secrète pendant que ses reliques retourneraient à Clonfert, camouflées dans un bagage envoyé en avant pour son propre retour.
Dans l'art, Saint Brendan est représenté célébrant la Messe sur un navire avec les poissons se groupant autour de lui pour l'écouter. Il peut aussi être représenté tenant un cierge. Brendan est le patron des marins et des voyageurs, et il est vénéré en Irlande.
De nos jours, la grande montagne qui s'élance sur l'Atlantique, dans le Comté de Kerry, est appelée Mount Brandon, parce qu'elle avait une petite chapelle à son sommet, et la baie aux pieds de la montagne s'appelle Brandon Bay. Chaque année, son " jour patronal " (29 juin) est célébré par les Irlandais, qui viennent honorer sa mémoire par un pélerinage en ces lieux. Des prières sont dites tout au long des montées de calcaire formant l'ancienne route. Au sommet, les foules entendent la Messe, célébrée dans les ruines de l'oratoire primitif, où l'on rapporte que Brendan planifiait ses voyages (Coulson). En plus du Mount Brandon dans le Kerry, il y a au moins 3 sources saintes (2 dans le Mayo, 1 dans le Kerry) portant son nom. Une crique des Iles Féroés s'appelle " Brandarsvik " (Crique de Brendan).
Statue de saint Brendan. Oratoire Saint-Brendan.
Mont Brandon. Kerry, Irlande.
Saint Brendan appartient à cette glorieuse période de l'histoire d'Irlande quand l'île, dans les premièrs feux de sa conversion au Christianisme, envoya ses plus anciens messagers de la Foi vers le Continent et les régions maritimes.Il est dès lors possible que la légende, connue au IXe et mise par écrit au XIe siècle, avait pour fondement un véritable voyage par mer, dont on ne sait cependant pas déterminer la destination. Ces aventures furent appelées les " Navigatio Brendani ", le Voyage ou la Ballade de Saint Brendan, mais il n'y a pas de preuve historique de ce voyage. Brendan est dit avoir navigué à la voile vers un Paradis de fable en compagnie de moines, dont le nombre varie entre 18 et 150. Après un long voyage de 7 ans il auraient atteint la " Terra Repromissionis ", ou Paradis, un magnifique pays avec une végétation luxuriante. La narration offre une large gamme d'interprétations de la position géographique de ce pays et avec lui de la scène de la légende de saint Brendan. Sur une carte de 1375 venant de Catalogne, il est placé pas loin de l'extrème ouest du sud de l'Irlande. Sur d'autres cartes, cependant, on l'identifie avec les " îles Fortunate " des anciens et on la place plus vers le sud. Donc près des Iles Canaries sur la " carte du monde " d'Herford (début du XIVe siècle); elle est substituée à l'île de Madère sur la carte des Pizzigani (1367), sur la carte Weimar (1424) et sur la carte de Beccario (1435).
LA NAVIGATION DE SAINT BRENDAN
Au fur et à mesure de l'amélioration de la connaissance de cette région, cette localisation étant donc erronée, elle fut repoussée plus loin dans l'océan. On la retrouve à 60 degrés à l'ouest du premier méridien et très près de l'équateur sur le globe de Martin Behaim. Les habitants des Féroés, de Gomera, de Madère et des Açores affirmèrent tous à Colomb qu'ils avaient souvent vu l'île et continuèrent à l'affirmer longtemps après. A la fin du XVIe siècle, l'échec dans la découverte de l'île mena les cartographes Apianus et Ortelius à la placer à nouveau dans l'océan à l'ouest de l'Irlande ; pour finir, au début du XIXe siècle, on cessa de croire en son existence.
Mais rapidement, une nouvelle théorie apparu, maintenue par nombre d'érudits affirmant que la découverte de l'Amérique était une gloire Irlandaise : MacCarthy, Rafn, Beamish, O'Hanlon, Beauvois, Gafarel, etc. Leur affirmation repose sur les récits des Hommes Nordiques qui auraient découvert la région sud du Vinland et la baie Chesapeake appelée " Hvitramamaland " (Pays des Hommes Blancs) ou " Irland ed mikla " (Grande Irlande), et sur la tradition des Indiens Shawano (Shawnee) rapportant qu'auparavant, la Floride fut habitée par une tribu blanche qui avait des implantations de ferronerie. Quand on prend Brendan lui-même, le fait est que qu'il n'aurait pu acquérir la connaissance d'animaux et plantes étrangères, comme ceux décrits dans la légende, sans avoir atteint le " Nouveau monde ". D'un autre côté, des doutes ont vite surgit sur la valeur de la narration de l'histoire de la découverte. Honorius d'Augsburg déclara que l'île avait disparu ; Vincent de Beauvais dénia l'authenticité du pélerinage dans son entièreté, et les Bollandistes ne le reconnaissent pas. Parmi les géographes, Alexander von Humboldt, Peschel, Ruge, et Kretschmer, placent l'histoire parmi les légendes géographiques, qui ont un certain intérêt pour l'histoire d'une civilisation, mais qui d'un point de vue géographique ne peuvent prétendre être pris en considération. Le plus ancien documents de la légende est en latin, " Navigatio Sancti Brendani ", et il appartient au Xe ou XIe siècle ; la première traduction en Français date de 1125 ; depuis le XIIIe siècle, la légende est apparue dans les littératures des Pays-Bas, d'Allemagne et d'Angleterre.
Ce livre remarquablement composé eut un succès considérable dans toute l'Europe et fut au premier plan des récits d'aventures maritimes si chers aux Irlandais.
On consultera une version du Voyage de saint Brendan en ligne sur le
magnifique site : http://mypage.bluewin.ch/brandan/
Il s'agit d'une édition bilingue.
Rq : On signalera, comme une caricature de pâture d'Onagre, le travail prétentieux et socio-psycho-chose sur une autre édition bilingue Latin - Français, un manuscrit conservé à Alençon, d'un universitaire qui-sait-tout et qui commence (!?) son travail ainsi :
" Ce moine irlandais du VIe siècle dont l'existence est possible..."
La traduction de ce codex : http://web.archive.org/web/20041013145243/http://www.utqu...
HYMNE À SAINT BRENDAN
Par Guido d'Ivrea (Bobbio, XIe siècle). Texte latin dans Analecta Hymnica.
Guido est associé aux fondateurs Irlandais de monastères dans le nord de l'Italie, et écrivit des cantiques sur Patrick, Brigitte et d'autres saints Celtes.
Statue de saint Brendan. Eglise Saint-Broladre de Saint-Broladre
(Brolabre ou encore Brendan. Saint-Broladre est une commune non loin du Mont-Saint-Michel). Bretagne.
" Que les frères et les soeurs chantent à présent
La sainte vie de Brendan ;
D'une antique mélodie,
Qu'on la conserve en cantique.
Aimant le joyau de la chasteté,
Il fut le père des moines.
Il s'enfuit du choeur du monde ;
Et à présent il chante parmi les Anges.
Prions-le afin de pouvoir être sauvés
Nous qui naviguons sur cette mer.
Qu'il aide prestement celui qui a chuté,
Oppressé par le pesant péché.
Dieu le Père, Roi des rois,
Nourrit au sein d'une Vierge mère ;
Saint Esprit : quand Ils le voudrons,
qu'Ils nous nourrissent du divin miel."
* En langue gaëlique, le roi d'Irlande se dit " Ard rí Érenn ". Il s'agit du souverain qui règne sur la totalité de l’île. et qui est reconnu comme le roi au-dessus des autres rois. " Ard rí " peu se traduire par " roi suprême " ou " haut roi ". " Érenn " provient de la déesse Ériu, véritable personnification du pays, que l'on retrouve dans les deux synonimes de l'Irlande " Eire " ou " Eirin ".
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mardi, 14 mai 2024
14 mai. Saint Boniface de Tarse, martyr à Rome. IVe siècle.
Ecoutez l'humble et forte réponse d'un pécheur. Par faiblesse, transgressant la loi de Dieu, dans ses oeuvres, il ne voulait pas du moins l'abjurer. On lui disait :
" Vous, et la plupart des vôtres, vous êtes vaincus. Cette loi austère du Christ, elle est trop dure aussi pour vous, et vous ne l'observez pas.
- Oui, dit-il, mais nous en gémissons, et nous nous condamnons et nous obtiendrons de Dieu cette grâce de ne point nous laisser ignorer que nous avons besoin du martyre."
Mgr Jean-Joseph Gaume. Parfums de Rome, T. II, p. 271, éd. de 1867.
L’ Apôtre des Gentils, expliquant le mystère de la Pâque, nous apprend que le baptême est le tombeau de nos péchés, d'où nos âmes s'élancent, glorieuses et rayonnantes de vie, à la suite du Rédempteur. La foi catholique nous enseigne que celui qui donne sa vie pour Jésus-Christ ou pour son Eglise, lave dans son propre sang toutes les taches de son âme, et ressuscite à la vie éternelle : obtenant ainsi une seconde fois le privilège du baptisé, bien qu'il ait déjà été marqué du sceau unique et ineffaçable de la régénération. Or voici qu'aujourd'hui un pécheur purifié par le martyre, baptisé de nouveau dans son sang, est admis à partager la gloire des compagnons de Jésus ressuscité.
Boniface a scandalisé Rome par une vie coupable ; tout à coup il a entendu l'appel de la grâce divine, et sans regarder derrière lui, il est allé se placer au premier rang des athlètes du Christ, n'aspirant qu'à effacer sous l'effort des tourments les souillures que les voluptés de la chair lui avaient fait contracter. Transformé par la souffrance, il brille en ce jour, aux yeux de la chrétienté, d'un éclat non pareil, et vient ajouter au diadème de notre divin triomphateur une pierre précieuse d'un reflet tout nouveau.
Saint Boniface souffrit le martyre, sous Dioclétien et Maximien, dans la ville de Tarse ; mais il fut enseveli à Rome sur la voie latine. C'était l’intendant d'une noble matrone appelée Aglaë. Ils vivaient criminellement ensemble ; mais touchés l’un et l’autre par la grâce de Dieu, ils décidèrent que Boniface irait chercher des reliques des martyrs dans l’espoir de mériter, au moyen de leur intercession, le bonheur du salut, par les hommages et l’honneur qu'ils rendraient à ces saints corps.
Après quelques jours de marche, Boniface arriva dans la ville de Tarse et s'adressant à ceux qui l’accompagnaient :
" Allez, leur dit-il, chercher où nous loger : pendant ce temps j'irai voir les martyrs au combat ; c'est ce que je désire faire tout d'abord."
Il alla en toute hâte au lieu des exécutions : et il vit les bienheureux martyrs, l’un suspendu par les pieds sur un foyer ardent, un autre étendu sur quatre pièces de bois et soumis à un supplice lent, un troisième labouré avec des ongles de fer, un quatrième auquel on avait coupé les mains, et le dernier élevé en l’air et étranglé par des bûches attachées à son cou.
En considérant ces différents supplices dont se rendait l’exécuteur un bourreau sans pitié, Boniface sentit grandir son courage, et son amour pour Jésus-Christ et s'écria :
" Qu'il est grand le Dieu des saints martyrs !"
Puis il courut se jeter à leurs pieds et embrasser leurs chaînes :
" Courage martyrs de Notre Seigneur Jésus-Christ ; terrassez le démon, un peu de persévérance ! Le labeur est court, mais le repos sera long ensuite, viendra le temps où vous serez rassasiés d'un bonheur ineffable. Ces tourments que vous endurez pour l’amour de Dieu n'ont qu'un temps ; ils vont cesser et tout à l’heure, vous passerez à la joie d'une félicité qui n'aura point. de fin ; la vue de votre roi fera votre bonheur ; vous unirez vos voix au concert des chœurs angéliques, et revêtus de la robe brillante de l’immortalité vous verrez du haut du ciel vos bourreaux impies tourmentés tout vivants dans l’abîme d'une éternelle misère."
Le juge Simplicien, qui aperçut Boniface, le fit approcher de son tribunal et lui demanda :
" Qui es-tu ?
- Je suis chrétien, répondit-il, et Boniface est mon nom."
Alors le juge en colère le fit suspendre et ordonna de lui écorcher le corps avec des ongles de fer, jusqu'à ce qu'on vit ses os à nu ensuite il fit enfoncer des roseaux aiguisés sous les ongles de ses mains. Le saint martyr ; les yeux levés au ciel, supportait ses douleurs avec joie. A cette vue, le juge farouche ordonna de lui verser du plomb fondu dans la bouche. Mais le saint martyr disait :
" Grâces vous soient rendues, Seigneur Jésus-Christ, Fils du Dieu vivant."
Après quoi, Simplicien fit apporter une chaudière qu'on emplit de poix. On la fit bouillir et Boniface y fut jeté la tête la première. Le saint ne souffrit rien ; alors le juge commanda de lui trancher la tête. Aussitôt un affreux tremblement de terre se fit ressentir et beaucoup d'infidèles, qui avaient pu apprécier le courage de cet athlète, se convertirent.
Cependant les compagnons de Boniface le cherchant partout et ne l’ayant point trouvé, se disaient entre eux :
" Il est quelque part dans un lieu de débauche, ou occupé à faire bonne chère dans une taverne."
Or, pendant qu'ils devisaient ainsi, ils rencontrèrent un des geôliers :
" N'as-tu pas vu, lui demandent-ils, un étranger, un Romain ?
- Hier, leur répondit-il, un étranger a été décapité dans le cirque.
- Comment était-il ?
- C'était, ajoutèrent-ils, un homme carré de taille, épais, à la chevelure abondante, et revêtu d'un manteau écarlate.
- Eh bien ! répondit le geôlier, celui que vous cherchez a terminé hier sa vie par le martyre.
- Mais, reprirent-ils, l’homme que nous cherchons est un débauché, un ivrogne.
- Venez le voir, dit le geôlier. Quand il leur eut montré le tronc du bienheureux martyr et sa tête précieuse, ils s'écrièrent :
- C'est bien celui que nous cherchons veuillez nous le donner.
- Je ne puis pas vous délivrer son corps gratuitement répondit le geôlier."
Ils donnèrent alors cinq cents pièces d'or, et reçurent le corps du saint martyr qu'ils embaumèrent et renfermèrent dans des linges de prix ; puis l’ayant mis dans une litière, ils revinrent pleins de joie et rendant gloire à Dieu.
Or, un ange du Seigneur apparut à Aglaé et lui révéla ce qui était arrivé à Boniface. A l’instant elle alla au-devant du saint corps et fit construire, en son honneur, un tombeau digne de lui, à une distance de Rome de cinq stades. Boniface fut donc martyrisé, le 14 mai, à Tharse, métropole de la Cilicie, et enseveli à Rome le 9 juillet.
Quant à Aglaë, elle renonça au monde et à ses pompes : après avoir distribué tous ses biens aux pauvres et aux monastères, elle affranchit ses esclaves, et passa le reste de sa vie dans le jeûne et la prière. Elle vécut encore douze ans sous l’habit de religieuse, dans la pratique continuelle des bonnes oeuvres et fut enterrée auprès de saint Boniface.
L'un et l'autre vous attestez la puissance des miséricordes de notre divin Ressuscité, qui vous a rappelés delà mort de l'âme à la vie de la grâce. Saint martyr, prenez pitié des pécheurs que la Pâque n'a pas ramenés aux pieds du Rédempteur. L’Alleluia a retenti, et leur sommeil de péché n'en a pas été troublé. Priez, Ô saint martyr, priez pour leur réveil. Les heures sont comptées ; et qui sait s'il sera donné à ces morts volontaires de voir se lever une autre Pâque ? Nous espérons cependant encore en la miséricorde divine, qui a donné sa mesure en faisant de vous et d'Aglaé deux vases d'élection. Nous prions donc avec vous, Ô Boniface, pour la résurrection de nos frères; nous nous faisons de l'espérance une armure, dans cette lutte pacifique contre la divine justice qui aime souvent à être vaincue par la prière. Aidez nos vœux de votre suffrage, et plusieurs de ceux qui sont morts revivront, et ils réjouiront comme vous les saints Anges par leur retour."
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jeudi, 21 mars 2024
21 mars. Saint Benoît, premier abbé du Mont-Cassin, patriarche des moines d'Occident. 543.
- Saint Benoît, premier abbé du Mont-Cassin, patriarche des moines d'Occident. 543.
Papes : Saint Simplice, Vigile. Empereurs : Zénon, Justinien.
" Les montagnes... Là-haut Dieu a pris sa demeure ; des églises se sont élevées. La foi s'emparant des montagnes en a fait des ostensoirs d'où rayonne le Saint-Sacrement. Si cela tombe, d'autres choses tomberont."
Parf. de Rome, chap. XXIII.
Saint Berthaire (que l'on fête au 23 octobre), très saint abbé du Mont-Cassin, et illustre martyr de Notre Seigneur Jésus-Christ, considérant le temps auquel saint Benoît vint au monde, fait remarquer que ce grand Saint y parut comme une lumière au milieu des ténèbres, ou comme un médecin envoyé de Dieu pour guérir les plaies de l'humanité à cette époque ; car alors il n'y avait point de roi ni de prince souverain sur la terre, qui ne fût athée, idolâtre, ou hérétique, tant le siècle était corrompu.
Il naquit vers l'an 480, an pays des Sablas, que l'on appelle aujourd'hui l'Ombrie ou le duché de Spolète, et dans la ville de Norcia ; quelques-uns unt écrit qu'il était, par son père Eutrope, de l'ancienne famille des Anicius, qui a donné à Rome un grand nombre de consuls et d'empereurs, et par sa mère Abondance, le dernier rejeton des seigneurs de Norcia. Saint Grégoire le Grand, pape de Rome, qui est le premier auteur de sa vie, assure que le nom de Benoît lui fut imposé pour marquer mystérieusement les bénédictions célestes dont il devait être comblé.
Saint Benoît. Eglise de Saint-Thurial. Diocèse de Rennes. Bretagne.
Il fit paraître dès son enfance de fortes inclinations pour la vertu ; et, dans un âge qui semble avoir la légèreté pour partage, il témoignait déjà une grande maturité dans ses actions, méprisant toutes les choses de la terre et ne respirant que celles du ciel. On l'envoya à 7 ans étudier à Rome, et il y fit en 7 autres années qu'il y demeura, un progrès notable : il donnait sujet d'espérer, s'il continuait ses études, qu'il deviendrait un des plus habiles hommes de son temps ; mais, craignant que le mauvais exemple d'une jeunesse débauchée dont cette ville était remplie, ne fît quelque impression sur son coeur, il résolut, à 14 ans, de s'en retirer secrètement : il aimait mieux demeurer moins savant et devenir plus vertueux, que de se rendre parfait dans les sciences humaines et devenir vicieux.
A la suite de cette résolution, il abandonna Rome et tout ce qu'il avait de parents et d'amis, et, par une sage folie et une savante ignorance, selon les termes de saint Grégoire, il alla chercher dans les déserts, et hors du commerce du monde, un genre de vie en laquelle il pût servir Dieu avec plus de ferveur et moins de péril. Sa nourrice, qui se nommait Cyrille, et qui l'aimait tendrement, le suivit : et ce fut à son occasion, qu'étant arrivé à un village appelé Afide, il fit le premier de ses miracles, dont la connaissance soit venue jusqu'à nous ; cette femme ayant cassé par hasard un vase de terre qu'elle avait emprunté à quelques pauvres gens de l'endroit, le Saint en rejoignit les morceaux, et le rétablit par sa prière au même état qu'il était auparavant ; en mémoire de ce miracle, les habitants l'attachèrent à la porte de leur église, où il est demeuré jusqu'à l'irruption des Lombards. On regarda bientôt Benoît comme un Saint dans tout le voisinage : ce lui fut un motif extrêmement puissant pour s'en retirer.
Saint Benoît réparant miraculeusement le vase de terre.
Il se déroba donc secrètement à ceux qui avaient été témoins du prodige, et à sa nourrice même, et s'en alla en un lieu distant de Rome de 40 milles, appelé Subiac, où il y avait des moines qui vivaient dans une très-sainte austérité.
Sainte Hildegarde assure, dans ses révélations, qu'il y fut conduit par deux anges, qui l'avaient aussi tiré de Rome.
Comme il gravissait une montagne pour trouver le lieu qu'il souhaitait, Dieu permit qu'il fût aperçu par un de ces solitaires, nommé Romain ; celui-ci admirant sa ferveur, offrit de l'assister et de coopérer à son pieux dessein en tout ce qui lui serait possible. Benoît ayant accepté cette offre, Romain lui donna premièrement un habit religieux, puis il le conduisit dans une caverne extrêmement secrète et presque inaccessible, que la nature avait taillée dans l'enfoncement d'un rocher, et que l'on appelle maintenant la Sainte Grotte. C'était en l'an 404.
Ce fut là que ce grand Saint, séparé de tous les hommes, commença cette terrible pénitence, dont la pensée est capable d'étonner les plus hardis. Romain l'y nourrit pendant 3 ans, lui descendant de temps en temps, dans une corbeille, un morceau de pain, qui faisait toute sa subsistance. Il ne rompait pas pour cela son silence, mais il l'appelait avec une sonnette attachée à la corde de la corbeille. L'ennemi commun des hommes, ne pouvant supporter ni l'austérité de l'un ni la charité de l'autre, cassa un jour cette sonnette. Mais sa malice ne les empêcha pas de continuer toujours leur saint commerce, jusqu'à ce nu'il plut à Dieu de découvrir au monde la sainteté de son serviteur, et de l'y faire paraitre pour le salut d'une infinité de personnes. Voici comment la chose arriva.
Un saint prêtre, curé, si l'on en croit la tradition, d'un bourg appelé Mente-Preclaro, distant de quatre milles de cette grotte, s'était fait apprêter à dîner pour le jour de Pâques ; Notre-Seigneur lui apparut en songe, et lui dit :
" Mon serviteur meurt de faim dans une caverne, et tu te prépares des mets délicieux."
A cette voix, il se lève, et prenant ce que l'on avait disposé pour sa table, il se met en chemin pour chercher le saint inconnu.
Il marcha longtemps entre les montagnes et les rochers sans savoir où il allait ni où il devait aller ; mais la main de Dieu le conduisant, il arriva enlin dans la grotte de Benoît. Il y trouva le Saint, se mit en prières avec lui, et, après l'oraison, il l'invita à prendre la nourriture que Notre-Seigneur lui envoyait, parce que c'était ce jour-là la fête de sa Résurrection, en laquelle l'Eglise a coutume de rompre le jeûne. Saint Benoît connaissant que Dieu l'avait envoyé, hésita, puis vu l'insistance, acquiesça à sa prière : ils mangèrent ensemble de ce qu'il avait apporté, et après un entretien plein de lumière et d'onction, sur les moyens de plaire à Dieu et d'arriver à la perfection, ils se séparèrent, le prêtre retournant à son église et le Saint demeurant dans sa grotte, plein de reconnaissance envers son divin bienfaiteur.
Le repas de saint Benoît et du curé de Monte. Anonyme flamand. XVIe.
De si heureux commencements ayant jeté la terreur dans l'esprit de Satan, il résolut d'étouffer dans son berceau cette sainteté naissante. Pour en venir à bout, il prit la figure d'un merle, et, sous cette figure, il vint voltiger autour de lui, et il en approcha même de si près, que le saint jeune homme l'eût aisément pris de la main ; mais comme ce brave soldat de Jésus-Christ était déjà bien expérimenté dans la milice spirituelle, se doutant de ce que c'était, il forma sur lui le Signe de la Croix ce qui fit aussitôt évanouir ce prestige.
Cependant il sentit au même instant une si furieuse tentation de la chair, qu'il était sur le point d'y succomber, et que, dans le trouble où il était, il commençait presque à délibérer s'il ne laisserait point sa solitude.
Mais il lutta contre cette tentation, et se dépouilla et se jeta nu dans un champ d'épines et de ronces, au milieu desquelles il se roula si longtemps, que, par une infinité d'écorchures et de plaies, il fit sertir le sang de tous les endroits de son corps ; ainsi, par la douleur sensible et par ces ruisseaux de sang, il éteignit l'ardeur que la concupiscence avait allumée dans ses membres.
La victoire de notre Saint fut si parfaite, qu'il fut doué, à partir de ce joûr, d'une pureté angélique, et que le démon n'eut plus le pouvoir de le tenter sur cette matière.
Après ce triomphe, Il devint de soldat capitaine, et de novice grand maître en l'école de la vertu. En effet, il commença dès lors à en faire leçon, suit de vive voix, soit par ses exemples, à plusieurs qui se vinrent ranger sous sa discipline. L'abbé d'un monastère voisin étant décédé, les religieux jetèrent aussitôt les yeux sur lui et l'élurent en sa place ; mais comme ils étaient tombés dans un grand relâchement et qu'ils ne pouvaient supporter la force de ses remontrances, ils se repentirent bientôt de leur choix, et allèrent jusqu'à cet excès de fureur de conspirer ensemble sa mort et de mettre du poison dans un verre qu'ils lui présentèrent. Ils ne purent néanmoins lui nuire, parce que Dieu, qui révèle quand il lui plait les pensées les plus secrètes des hommes, fit connaître à son serviteur le péril où il était, domme si une pierre fût tombée dedans. La conspiration étant ainsi découverte, le Saint leur dit sans se troubler :
" Que Dieu vous pardonne, mes frères ! Ne vous avais-je pas bien dit que vos moeurs ne s'accordaient nullement avec les miennes ? Cherchez un autre abbé qui vous gouverne à votre guise ; pour moi, je ne demeurerai pas davantage avec vous."
Saint Benoît laissa donc ce lieu où il ne produisait aucun fruit, et se retira dans sa première solitude ; n'ayant plus que le corps sur la terre, il menait une vie plus angélique qu'humaine, s'absorbant dans la contemplation des perfections divines, et s'étudiant à en former dans lui-même une image et une vive ressemblance.
Mais la charité qui consumait son coeur ne pouvant cacher ses flammes, plusieurs personnes, désireuses de l'imiter, vinrent en ce désert ; bientôt, au lieu d'un monastère qu'il avait laissé, il en fonda 12 ; dans chacun il mit d'abord 12 religieux avec un supérieur pour les conduire. Et, pour lui, comme le surintendant de tous, il veillait sur eux et allait de l'un à l'autre pour les assister dans leurs besoins. Ces monastères étaient dans la province de Valeria, peu éloignés les uns des autres. Celui de Sainte Scolastique, où le Saint faisait sa résidence, et celui de la Sainte-Grotte sont les seuls qui subsistent aujourd'hui ; il n'y a plus à la place des autres que des ruines et quelques cellules.
Il ne fut pas seulement recherché de ceux qui voulaient quitter le monde et s'enrôler sous la bannière de la croix, il le fut aussi de plusieurs seigneurs, qui, par une estime singulière pour sa personne, lui amenèrent leurs enfants, afin qu'il les format de sa main à la pratique de la vertu, et qu'ils apprissent les sciences humaines sous les maîtres qu'il leur donnerait : Equice lui amena son fils Maur, âgé de 12 ans, et Tertulle, Patrice, lui amena son fils Placide, âgé seulement de 7 ans. Saint Grégoire a déjà parlé, dans la vie de saint Maur, du miracle insigne que le saint Abbé lui fit faire, pour retirer le petit Placide d'un lac où il allait se noyer ; saint Maur marcha sur les eaux à pied sec et comme sur la terre ferme. Saint Grégoire en marque encore d'autres qui ont précédé sa sortie de la solitude de Subiac.
Dans l'un de ses monastères, il y avait un religieux qui ne pouvait demeurer à l'oraison ; mais aussitôt que les frères se prosternaient pour la faire, il sortait de l'oratoire pour donner une entière liberté à ses pensées. Le supérieur lui en fit souvent la correction ; mais comme c'était sans succès, il le mena à saint Benoît, afin que l'autorité d'un si grand homme gagnât sur lui ce que ses remontrances ne pouvaient obtenir. Ce pauvre Frère promit bien d'être plus fervent à l'avenir ; mais sa résolution ne dura que 2 jours, de sorte que le supérieur fut obligé de donner avis au Saint que le scandale continuait.
Il vint lui-même y apporter remède et amena saint Maur en sa compagnie ; s'étant mis en oraison avec les frères, il vit un enfant noir qui tirait le religieux par la robe :
" Apercevez-vous, dit-il au supérieur et à saint Maur, celui qui débauche ce Frère ?"
Ils répondirent que non.
" Prions donc Notre-Seigneur, ajouta-t-il, qu'il vous découvre ce secret."
Au bout de deux jours, saint Maur le vit, et saint Benoît ayant suivi ce vagabond, qui était sorti, selon sa coutume, il prit une baguette et en frappa le coupable ; ce qui le délivra entièrement de cette tentation du démon.
Entre les 12 maisons qu'il avait fait bâtir, il y en avait 3 sur les rochers qui n'avaient point d'eau. Les religieux, qui avaient une peine extrême pour en venir chercher en bas dans le lac, parce que la descente était difficile et dangereuse, le prièrent d'y pourvoir ou de changer leur demeure ; il leur promit de les contenter, et, ayant fait une prière fervente, il fit sourdre du roc une fontaine dont les eaux coulent encore, abondamment jusque dans la plaine.
Un de ses novices, Goth de nation, travaillant auprès du lac, pour en défricher les bords, donna un si grand coup dans le bois, que le fer de son instrument, se détachant du manche, sauta dans l'eau sans qu'il y eût moyen de l'en retirer. Le Saint y vint, prit le manche de la main de son novice, le mit dans le lac, et aussitôt le fer remonta de lui-même, et, nageant sur l'eau, vint se remettre dans son manche, Le Saint rendit l'instrument au novice, et l'ayant consolé, lui commanda de continuer son travail.
Ces prodiges et une infinité d'autres faisaient voler de tous côtés la réputation de ce nouvel Elisée ; mais le démon, qu'un si heureux progrès mettait dans une rage extrême, entreprit de troubler son repos par le moyen d'un envieux. C'était un ecclésiastique, nommé Florent, qui demeurait auprès du principal des 12 monastères : de celui où saint Benoît faisait ordinairement sa résidence. Cet homme, véritablement indigne de son Ordre et de son caractère, attaqua premièrement le Saint par des médisances secrètes :
" Il n'était pas si saint qu'il se faisait ; ce n'était en réalité qu'un hypocrite et un fourbe, qui, sous de belles apparences de vertu, machinait quelque mauvais dessein."
Voyant qu'il n'avançait en rien contre sa réputation par tous ses mauvais discours, il tâcha de lui enlever la vie par un pain empoisonné, qu'il lui envoya comme une marque d'amitié et de bienveillance, de même que l'on envoyait encore, au siècle dernier, du pain bénit, comme encore de nos jours chez les schismatiques " orthodoxes ".
Le Saint l'en remercia fort civilement, quoiqu'il n'ignorât pas la qualité de ce pain. Mais un corbeau, qu'il nourrissait de sa main, ayant volé vers lui, le Saint lui ordonna de prendre le pain et de le porter en un lieu écarté de la vue des hommes ; l'animal ne l'osait faire par la crainte du poison, jusqu'à ce que le saint Abbé l'eût assuré qu'il n'en recevrait nul dommage, parce qu'il ne lui commandait pas de le manger, mais seulement de le porter en un lieu inconnu, où il ne pût nuire à personne.
Ce n'est pas tout ; ce malheureux homme s'avisa d'une autre malice encore plus noire que les précédentes ; il gagea sept filles de mauvaise vie et les fit entrer secrètement dans le jardin du monastère, pour y danser sans pudeur et y faire mille insolences à la vue des cellules des religieux. N'ayant pu nuire au saint Abbé, ni eu sa réputation par la médisance, ni en sa vie par le poison, il voulait du moins l'affliger dans ses enfants par le scandale qu'il leur donnerait ; c'était le toucher à la prunelle de ses yeux. Aussi le saint Père, qui ne s'était point ému ni pour les calomnies de son persécuteur, ni pour l'attentat qu'il avait commis coutre sa personne, en le voulant faire mourir, quitta à ce coup la partie, et, cédant à l'orage, il se retira de ce monastère avec quelques-uns de ses disciples.
Mais que peut la malice de l'homme contre la sagesse de Dieu ? Les calomnies s'étaient dissipées, et l'attentat, ayant été découvert, n'avait point eu d'effet ; de même, la victoire que Florent prétendait avoir remportée par la fuite du Saint, ne fut pas de longue durée ; comme il se divertissait sur une galerie de son logis, elle s'écroula sous ses pieds et l'écrasa dans sa chute, le reste de la maison subsistant en son entier, tel qu'il était auparavant.
A ce propos, nous ne voulons pas omettre un acte de la parfaite charité de saint Benoît : voyant que son disciple Maur paraissait joyeux en lui apprenant la mort de Florent, et en lui mandant qu'il pouvait bien revenir en assurance, puisque son ennemi n'était plus au monde, il l'en reprit aigrement et lui imposa une sévère pénitence. A cette occasion, Pierre Diacre, d'après saint Grégoire, s'écrie que ce grand homme a été rempli de l'esprit de tous les Saints, puisqu'il fait voir l'esprit de Moïse, en tirant de l'eau d'un rocher ; l'esprit d'Elie, en se faisant obéir par un corbeau ; l'esprit d'Elisée, en faisant nager le fer sur les eaux ; l'esprit de saint Pierre, en donnant à Maur, son disciple, le pouvoir de marcher sur un grand lac comme sur la terre ferme, et l'esprit de David, en pardonnant si généreusement à celui qui cherchait à le perdre et en pleurant amèrement sa mort.
Ce ne fut pas là le seul bien que Dieu tira de la malice du prêtre Florent : car saint Benoît s'étant absenté, comme nous avons dit, avec quelques-uns de ses enfants, Dieu lui fit connaître qu'il voulait se servir de lui pour la conversion de plusieurs âmes, qu'il le favoriserait en tout ce qu'il entreprendrait, et rendrait son nom et sa congrégation célèbres par tout le monde. Le Saint bénit Dieu d'une disposition si favorable et quitta avec joie les rochers de Subiac, sanctifiés par ses pénitences et par tant d'oeuvres miraculeuses qu'il y avait opérées, pour se rendre où le Ciel l'appelait. C'était au Mont-Cassin, situé dans le royaume de Naples, à 18 lieues de Rome.
Deux anges, en forme de jeunes hommes, l'y conduisirent et le mirent en possession du lieu qui, d'évêché qu'il était, fut changé en une célèbre abbaye, chef d'une infinité de monastères de l'Ordre fondé par ce glorieux Patriarche. Il y avait encore, sur cette montagne et aux environs, comme en plusieurs autres provinces d'Italie, quelques restes du paganisme, entre autres un temple d'Apollon, où cette idole était honorée comme un Dieu par les paysans de la contrée.
Episode de la construction de l'abbaye du Mont-Cassin.
La première chose que fit saint Benoît, après une retraite et un jeûne de 40 jours pour se disposer aux fonctions de l'apostolat, fut de renverser l'autel, et de mettre l'idole en pièces, et de brûler le bocage voisin, qui servait aux superstitions du paganisme ; ayant ainsi purgé le temple, il le changea en un oratoire auquel il donna le nom de Saint-Martin, et en bâtit un autre à l'honneur de saint Jean-Baptiste, au même endroit où l'idole d'Apollon était auparavant. Il travailla ensuite, par des prédications ferventes, à la conversion du peuple d'alentour, et non content de le faire par lui-même, il dressa ses religieux à un si saint ministère ; et ainsi, tant par leur moyen que par ses grands miracles et sa vie toute céleste, qui soutenait admirablement sa parole, il fit partout un changement considérable; en fort peu de temps, le pays fut débarrassé des superstitions et des vices que Satan y avait semés, et que les prélats y avaient laissé croître par leur négligence. Telle fut l'origine du célèbre monastère du Mont-Cassin, dont le grand saint Benoît jeta les premiers fondements en l'année 529, à la 48e année de son âge, la 3e de Justinien, Félix IV étant évêque de Rome, Athalaric étant roi des Goths en Italie.
Le démon, épouvanté de tant de glorieuses victoires, renouvela ses premières persécutions contre le Saint. Ce n'était pas de nuit ni en songe qu'il lui apparaissait ; il l'obsédait continuellement sous des figures horribles, jetant le feu par les yeux, par la bouche et par les narines, et lui disant en fureur : " Benoît ! Benoît !" et comme le Saint ne faisait pas semblant de le voir ni de l'entendre, afin de lui témoigner plus de mépris, l'ennemi ajoutait :
" Maudit sois-tu, et non béni ! Qu'es-tu venu faire en ces quartiers ? Qu'as-tu à démêler avec moi ? Pourquoi prends-tu plaisir à me persécuter ?"
Tous ces efforts étant inutiles, il entreprit de traverser la construction du nouveau monastère que le Saint commençait à bâtir. Un jour, que les frères voulaient lever une pierre pour la mettre en oeuvre, il se mit dessus et la rendit si pesante qu'il était tout à fait impossible de la remuer. On en avertit le Saint : il vint sur le lieu, fit le Signe de la Croix sur la pierre, et la bénédiction eut tant de force, que cette pierre passa tout d'un coup de cette pesanteur extrême à une légèreté extraordinaire, qui lit qu'on la leva sans nulle difficulté. On la garde encore à présent au Mont-Cassin, en mémoire du miracle.
Aussitôt après, on creusa, par l'ordre du Saint, au même endroit d'où on l'avait tirée, et l'on y trouva une petite idole de cuivre. Les religieux la portèrent dans la cuisine sans nul dessein ; mais il y parut aussitôt un si grand feu, qu'il semblait vouloir consumer tous les offices ; chacun se mit en devoir de l'éteindre en y jetant de l'eau, mais le Saint, étant descendu au bruit qu'il entendit, leur fit voir que la flamme n'était qu'imaginaire, et que ce n'était qu'un prestige qui avait trompé leur vue.
Saint Benoît. Eglise de Bédée. Diocèse de Rennes.
Une autre fois, que les religieux travaillaient par obéissance à élever une muraille, le démon vint dans sa cellule, et lui dit effrontément qu'il allait visiter ses travailleurs. Le bon Père conçut bien ce qu'il voulait dire, et envoya sur-le-champ vers les frères pour les avertir d'être sur leurs gardes. A peine eurent-ils reçu cet avis, qu'un pan de la muraille tomba et écrasa sous ses ruines un petit novice, enfant de race patricienne. Cet accident affligea infiniment ses confrères ; ils allèrent trouver lour saint Abbé, et lui exposèrent avec des soupirs le malheur de ce jeune homme. Il commanda qu'on lui apportàt le corps du défunt, mais il était si brisé qu'il fallut le porter dans un sac. Il lit une oraison pour lui avec une ferveur extraordinaire, et, à peine l'eût-il achevée, que le mort ressuscita et revint au même état dans lequel il était avant son accident.
Le Saint, pour triompher plus parfaitement de l'ennemi, lui ordonna de retourner au travail et de rétablir, avec les autres, la muraille sous laquelle il avait été écrasé.
Ainsi, tous les artifices du démon ne purent l'empêcher de bâtir cette maison, qui devait être la demeure de tant de Saints, et le chef de cet Ordre qui allait bientôt se propager dans tout le monde.
Cet esprit prophétique parut avec bien plus d'éclat dans la rencontre qu'il eut avec Totila, roi des Goths. Ce prince, qui ravageait toute l'Italie, ayant entendu dire que Benoît était un grand Prophète, à qui rien ne pouvait être caché, voulut s'en assurer par sa propre expérience ; il s'avança vers son monastère, et lui manda de venir en personne au-devant de lui. Avant d'en approcher, pour mieux éprouver le Saint, il fit vêtir un de ses écuyers comme un roi, le fit accompagner de ses gardes et des premiers officiers de sa cour, et lui commanda de marcher devant lui en cet équipage, afin de voir si Benoît s'y laisserait tromper. L'écuyer obéit, alla jusque dans l'enceinte du monastère et jusqu'au lieu où était le Saint ; mais ce grand homme ne s'émut point pour tout le tumulte de ces barbares, et, dès qu'il crut que l'écuyer le pouvait entendre, il s'écria :
" Quittez mon fils, quittez ces ornements royaux, ils ne vous appartiennent pas."
A ces paroles, cet écuyer, qui faisait auparavant le fier, et tous ceux de sa suite, se prosternèrent contre terre, et, n'osant approcher du Saint, ni lui parler, ils s'en retournèrent dire à Totila ce qu'ils avaient vu et entendu. Totila vint lui-même, et, ayant aperçu saint Benoît qui était assis sur une escabelle, il se jeta aussi par terre sans oser avancer plus près. Le Saint lui cria deux ou trois fois de se lever ; mais il fallut qu'il le vint relever lui-même. Ensuite, il lui parla avec plus de force et de liberté que jamais le prophète Nathan n'avait parlé à David, puisque, sans user de paraboles ni craindre de choquer un roi qui faisait trembler toute l'ltalie, il le reprit de ses méfaits, et lui prédit les dernières aventures de sa vie :
" Vous faites beaucoup de mal, vous en avez beaucoup fait ; il est temps que vous mettiez fin à vos iniquités ; vous entrerez dans Rome, vous passerez la mer, vous régnerez neuf ans, et au dixième vous mourrez."
A cet oracle, Totila fut frappé d'une nouvelle crainte : il se recommanda instamment aux pnières du Saint et se retira. Depuis ce temps-là, il ne fut pas si cruel qu'il l'avait été auparavant. Il prit Rome, passa en Sicile, et, au bout de 10 ans, par un juste jugement de Dieu, il perdit le royaume et la vie.
Saint Benoît recevant Totila roi des Goths et lui dévoilant son avenir.
Saint Grégoire rapporte encore plusieurs autres prophéties faites par Benoît. Saint Sabin, évêque de Canossa, qui le visitait tous les an, lui disant que Rome périrait par la cruauté de Totila, il l'assura que non mais qu'elle périrait par des foudres, des tempêtes, des débordements d'eau et des tremblements de terre ; ce que l'événement a justifié.
Théoprobe, un des religieux de Benoît, personnage de grand mérite, entra un jour dans sa cellule, et le trouva pleurant amèrement. Il attendit longtemps sans voir la fin de ses larmes ; enfin il lui demanda quel sujet il avait de tant pleurer :
" Je pleure parce que Dieu vient de me faire connaître que ce monastère et toutes ses dépendances seront ruinés et détruits par les barbares, et à peine ai-je pu obtenir que les âmes fussent sauvées."
C'est ce que l'on a vu, depuis, dans l'irruption des Lombards : car l'abbaye du Mont-Cassin fut ruinée, mais personne ne tomba entre les mains de ces infidèles.
Un personnage de haute condition ayant envoyé au Saint, par son valet, deux flacons de vin, ce valet en cacha un en chemin, et se contenta de présenter l'autre. Le Saint le reçut fort humainement et avec action de grâces ; mais, comme le valet prenait congé, il l'avertit de ne pas boire du flacon qu'il avait caché, sans voir auparavant ce qu'il y avait dedans. Ce pauvre garçon fut fort étonné ; mais il le fut bien davantage, lorsque regardant son flacon dérobé, il en vit sortir un serpent. Ce miracle fit tant d'impression sur son esprit, qu'il demanda à devenir moine. Saint Grégoire l'appelle Exhilaratus noster, notre frère Exhilaratus.
Si le Saint voyait si clairement les choses futures et les choses éloignées, il lisait aussi très-distinctement ce qui était caché dans le secret du coeur. Témoin ce jeune religieux, fils d'un homme de condition, à qui saint Grégoire donne la qualité de défenseur : comme il tenait un soir le chandelier pendant que le Saint prenait sa réfection, il fut attaqué d'une pensée d'orgueil, et se dit en lui-même :
" Suis-je de naissance à servir cet homme, à lui tenir la chandelle et à demeurer debout comme un valet pendant qu'il est à table et qu'il mange ?"
Mais le Saint, pénétrant par l'esprit de Dieu ce qu'il roulait dans son imagination, lui dit :
" A quoi pensez-vous, mon frère ? Faites le signe de la croix sur votre coeur ; ne voyez-vous pas que c'est le prince des orgueilleux qui vous suggère ces belles idées de grandeur et qui vous tente ?"
Ses menaces n'étaient pas moins terribles que sa parole était efficace. Dans un couvent de filles de sa dépendance, il y avait deux religieuses d'origine riche, qui maltraitaient souvent de paroles le religieux qu'il leur avait destiné pour avoir soin de leur temporel. Comme il en fut averti, il leur manda de corriger leur langue, ou qu'autrement il les excommunierait ; ce qu'il dit néanmoins, non pas en fulminant effectivement l'anathème contre elles, mais seulement en les menaçant. Cependant elles ne se corrigèrent pas, et Dieu, voulant les punir de leur insolence, elles moururent toutes deux peu de jours après.
On les enterra dans l'église, et on fit, selon la coutume, des prières pour elles, sans avoir égard à cette excommunication, qui ne passa que pour comminatoire. Mais chose étrange, chaque fois que le diacre disait à l'ordinaire : " Que ceux qui sont excommuniés sortent d'ici ", leur nourrice, qui apportait souvent des oblations pour leur soulagement, les voyait se lever de leur tombeau et sortir de l'église. Ceci étant-arrivé plusieurs fois, elle se souvint de l'excommunication dont le saint Abbé les avait menacées, et lui donna avis de ce qui se passait. Alors il prit une offrande, la bénit, et ordonna de la présenter à Dieu pour elles ; et, depuis cette action, elles demeurèrent en repos dans leur sépulcre.
Une chose presque semblable arriva à un novice qui aimait extrêmement ses parents étant sorti pour leur rendre visite, sans avoir pris la bénédiction du saint Abbé, il mourut le jour même où il arriva chez eux. On l'enterra ; mais comme si la terre eût eu quelque horreur de le contenir, elle le rejeta jusqu'à 3 fois. Ses parents, extrêmement confus et troublés, eurent recours au bienheureux Patriarche, le suppliant, avec larmes, de donner sa bénédiction au défunt. Il en eut pitié, et leur donna, de sa propre main, une " hostie consacrée " (c'est ainsi que le rapporte saint Grégoire), avec ordre de la mettre sur l'estomac du mort. Ce remède fut tout-puissant, et la terre le reçut depuis en paix.
Cette pratique d'enfermer le corps de Notre-Seigneur avec les morts a, depuis, été abolie au troisième Concile de Carthage, et en celui de Toul.
Nous ne voulons pas oublier ce que saint Grégoire assure avoir appris de quelques anciens, qui avaient été disciples de ce grand serviteur de Dieu : un pauvre malheureux, mais homme de bien, le vint trouver et lui exposa qu'il était dans une grande peine, parce qu'il devait une somme considérable, et qu'il n'avait pas de quoi la payer. Le Saint lui dit qu'il n'avait pas alors cette somme, mais qu'il revînt 2 jours après, et que Dieu pourvoirait à son besoin.
Il revint, et le Saint, ayant fait sa prière, trouva sur le coffre du monastère l'argent qu'il lui fallait, et quelque chose de plus, sans que personne l'y eût mis ; il ne s'en réserva rien, mais fit donner le tout à ce pauvre, tant pour payer sa dette que pour aider ensuite à sa subsistance.
Sa charité ne parut pas moins en une autre occasion : c'était un temps de famine et de cherté extrême ; un sous-diacre, nommé Agapet, vint au monastère et demanda instamment de l'huile : il n'y en avait plus que fort peu dans le fond d'une bouteille de verre. Le Saint dit au cellérier de la lui donner, étant bien persuadé que ce qu'on donnait sur la terre, on se le réservait dans le Ciel. Mais le cellérier, craignant que la communauté n'en souffrît, négligea son commandement, et ne voulut pas même en faire partage avec celui qui en demandait. Cette désobéissance ayant été rapportée au serviteur de Dieu, il entra dans une sainte colère ; et afin qu'il n'y eût rien dans son couvent contre l'obéissance, il fit jeter la bouteille par la fenêtre. Il y avait au bas un précipice et des rochers ; néanmoins, l'huile ne se répandit point, et la bouteille n'en reçut aucun dommage. Le Saint l'envoya retirer, et la donna saine et entière au sous-diacre. Ce miracle fut suivi d'un second : après qu'il eut fait une sévère réprimande en plein chapitre à cet officier superbe et désobéissant, un muid qui était vide parut aussitôt plein d'une huile excellente, ce qui remplit toute la communauté d'admiration, et fit bien voir que " celui qui fait l'aumône prête à usure à Dieu tout puissant ".
Le serviteur de Dieu ne fit pas un moindre miracle en faveur d'un autre paysan : cet homme ayant perdu son fils, apporte le corps du défunt au Mont-Cassin, afin de lui en demander le résurrection. Ce n'était pas la première qu'il eût obtenue de Dieu ; néanmoins, touché d'un sentiment profond d'humilité, il dit, les larmes aux yeux, aux religieux avec lesquels il venait de travailler aux champs :
" Retirons-nous, je vous prie, mes frères, retirons-nous ; ces actions que l'on nous demande appartiennent aux Apôtres, et non pas à de faibles créatures comme nous."
Mais le paysan, sans avoir égard à ses excuses, ni à la tristesse qu'il témoignait de ce qu'on lui demandait un prodige de cette importance, le presse vivement, et jure, avec fermeté, qu'il ne le quittera point qu'il n'ait ressuscité son fils ; Benoît est enfin contraint de se rendre. Il se couche donc premièrement sur le mort ; puis, s'étant retiré, il lève les mains au ciel, et dit :
" Seigneur, n'ayez point égard à mes péchés, mais regardez la foi de cet homme, qui demande que vous ressuscitiez son fils, et rendez à ce corps l'âme et la vie que vous lui avez ôtés."
Ces paroles furent suivies du miracle : le mort commence à remuer, et le Saint, l'ayant pris par la main, le rend sain et sauf à son père.
A ce propos, saint Grégoire remarque que quelquefois il faisait ces merveilles par autorité, comme dans la délivrance du paysan, et d'autres fois par prières et par larmes, comme dans la guérison que nous venons de rapporter.
Nous ne pouvons point reprendre ici ce qui se passa dans son dernier entretien avec sa chère soeur sainte Scholastique, ni comment il vit son âme s'envoler au Ciel en forme de colombe, puisque nous en avons suffisamment parlé dans la vie de cette Sainte.
Mais nous ne pouvons nous dispenser d'écrire ce qui lui arriva le jour du décès de saint Germain, évêque de Capone. Ce jour-là, un saint diacre, nommé Servant, abbé d'un ancien monastère d'Italie, l'était venu voir, pour s'entretenir avec lui, selon sa coutume, des affaires de l'éternité. La nuit ayant interrompu leur entretien, Servant se retira dans une chambre au-dessous de celle du Saint, qui était au haut d'une tour, et les disciples de l'un et de l'autre logèrent à côté. Benoît veillait en oraison, se tenant debout à sa fenêtre pour mieux contempler les merveilles du ciel.
Au milieu de sa prière, il vit tout à coup une lumière admirable, qui chassa toutes les ténèbres de la nuit, et qui fit un jour incomparablement plus beau que ne sont ceux que fait le soleil en plein été dans un temps parfaitement serein ; et, au même instant, tout le monde lui fut représenté comme reccueilli dans un seul rayon de soleil.
Cette merveille remplissait déjà tout son esprit, il en survint une autre qui augmenta son admiration ; il vit l'âme de ce saint évêque de Capone, que des anges élevaient au ciel dans un globe ou une sphère de feu. Il voulut faire part à l'abbé Servant d'une vision si oharmante, et qui ne devait pas peu contribuer à l'honneur du saint défunt. Pour cela, il l'appela trois fois par son nom ; mais lorsqu'il monta, la lumière commençait à se dissiper : il n'en put voir que les restes. Il en marqua, néanmoins, le jour et l'heure, et on sut bientôt, par un messager envoyé exprès, que c'était justement le moment où saint Germain était décédé.
Les réflexions admirables que fait saint Grégoire sur cette vision, et les termes dans lesquels il l'explique, ont fait croire à quelques auteurs, que selon ce grand docteur, et selon la vérité, saint Benoît, en cet instant, vit clairement l'essence divine, et en elle, toutes les créatures ; de même que plusieurs théologiens, après saint Thomas, croient que Moïse l'a vue sur la montagne du Sinaï, et saint Paul dans son ravissement. C'est véritablement un privilége incomparable, et qui n'a point son pareil entre tous les privilèges d'ici-bas. Cependant, nous ne voulons pas plus l'assurer que le disputer à cet homme céleste, qui était destiné pour être le grand Patriarche d'un peuple parfaitement fidèle : nous voulons dire des religieux d'Occident.
Le temps auquel il composa sa Règle (que l'on trouvera très complète ici : http://www.abbaye-saint-benoit.ch/benoit/page3.html) n'est pas entièrement certain. Quoiqu'il en soit, on ne peut rien ajouter aux éloges que les Pères et les auteurs, qui ont vécu depuis, lui ont donnés. Saint Grégoire le Grand dit que la vie de saint Benoit étant toute sainte, il ne se peut faire que sa Règle n'ait aussi été toute sainte, parce que ce grand homme n'a point prescrit d'autres lois que celles qu'il donnait déjà par ses exemples ; il ajoute que cette Règle doit être mise au rang de ses miracles, et qu'elle est surtout admirable par la sagesse et la discrétion qu'elle garde en toutes ses ordonnances. Divers conciles, tenus en France et en Allemagne, en ont aussi parlé avec beaucoup d'honneur ; et, pour tout dire, on l'appelait par excellence la Sainte Règle. Un autre saint Benoît, fondateur de l'abbaye d'Aniane, et depuis abbé d'Inden, près d'Aix-la-Chapelle, fit voir, par un excellent livre appelé la Concorde des Règles, qu'elle était entièrement conforme à celle des saints Pères qui avaient précédé notre Saint ; et, depuis cette concorde, elle fut imposée progressivement comme Règle de tout l'Ordre monastique en Europe, les monastères qui étaient plus anciens que saint Benoît y étant soumis. L'imposition ne sera pas toujours pacifique. Nous ajoutons seulement que cette Règle s'étendit beaucoup dès le vivant du saint Patriarche ; car on pense qu'il la porta lui-même à Rome, et qu'elle y trouva un grand nombre de disciples : il est constant qu'il l'envoya en Sicile par saint Placide, en France par saint Maur, et en Sardaigne par saint Raynère.
Il est temps d'en venir à son bienheureux décès. Dieu lui eu avait révélé le temps plusieurs mois auparavant, et il l'avait déclaré à sert disciple, saint Maur, avant de le faire partir pour la France. Six jours avant ce terme, ayant fait ouvrir le sépulcre où dormait sa soeur, sainte Scholastique, il fut saisi d'une fièvre qui le tourmenta extrêmement ; elle ne l'empêcha pas, néanmoins, de se préparer à ce dernier passage avec toute l'ardeur et la piété que l'on peut imaginer dans un homme qui ne respirait plus que pour le ciel.
Au sixième jour, quelque faible qu'il fût, il se fit porter à l'oratoire consacré à saint Jean-Baptiste : là, soutenu sur les bras de ses disciples, il reçut le corps et le sang de son Sauveur ; puis, se plaçant au bord de la fosse, mais au pied de l'autel, et les bras étendus vers le ciel, il mourut debout on prononçant une dernière prière. Ce fut le samedi saint, 21 mars, l'an de Notre-Seigneur 543 : il était âgé de 62 ou 63 ans.
Mort de saint Benoît. Verrière de l'église Saint-Benoît de
Au moment où le saint Patriarche décéda, un religieux, qui était dans le même monaslère, et saint Maur, qui était à Font-Ronge, près d'Auxerre, en France, virent comme une grande rue, couverte de tapis précieux et bordée d'une infinité de flambeaux, qui s'étendait jusque dans le ciel, et un homme vénérable et tout éclatant qui leur dit :
" C'est ici la voie par laquelle Benoît, le bien-aimé de Dieu, eut monté dans le ciel."
Ainsi accomplit-il la promesse qu'il avait faite, de faire savoir à ses disciples absents le bienheureux moment où il irait jouir de la gloire.
Benoît était d'une taille élevée et bien proportionnée, et dans son extérieur il avait une gravité mêlée de tant de douceur, qu'il obligeait tous ceux qui le regardaient à l'aimer et à le respecter. Son abstinence fut prodigieuse ; les Carêmes, il ne mangeait que deux fois la semaine et se contentait alors de pain et d'eau. Il aimait extrêmement la solitude, et quoique son Ordre s'étendît de tous côtés, à peine trouve-t-on qu'il soit sorti deux fois du Mont-Cassin. C'est qu'il trouvait ses délices à faire oraison et à s'entretenir seul à seul avec son Dieu.
Son corps fut inhumé dans la chapelle Saint-Jean-Baptiste, que lui-même avait fait bâtir et qu'il s'était destinée pour sépulture ; Notre Seigneur ne l'y a pas moins honoré après sa mort par des miracles qu'il l'avait fait pendant sa vie.
Mise au tombeau de saint Benoît.
De toutes les vertus, il n'y en avait point dont saint Benoît inculquât plus fortement la pratique que l'humilité ; il en a marqué douze degré dans sa règle :
1. s"exciter à une vive componction de coeur, craindre Dieu et ses jugements, marcher sans cesse humilié dans la divine présence ;
2. renoncer entièrement à sa volonté propre ;
3. obéir promptement et sans réserve ;
4. supporter patiemment les souffrances et les injures ;
5. découvrir humblement ses plus secrètes pensées à son supérieur ou à son directeur ;
6. être content et se réjouir dans les humiliations ; se plaire à exercer les plus bas ministères, à porter des habits pauvres, etc. ; à aimer la simplicité et la pauvreté : se regarder comme un mauvais serviteur dans tout ce qui est ordonné ;
7. s'estimer le plus misérable, le dernier des hommes, le plus grand de tous les pêcheurs ;
8. éviter la singularité dans les paroles et dans les actions ;
9. aimer et observer le silence ;
10. se garder d'une vaine joie et d'un rire immodéré ;
11. ne point parler d'une voix haute, et observer les règles de la modestie dans toutes ses paroles ;
12. être humble dans toutes les actions extérieures.
Saint Benoît est le patron du Mont-Cassin et de l'abbaye bénédictine de Seligenstadt en Hesse-Darmstadt.
On invoque saint Benoît contre les maléfices, les inflammations, les érésipèles, le poison et la gravelle.
L'efficacité de la dévotion à saint Benoît, relativement à la maladie de la pierre, est fondée sur le guérison de saint Henri II, empereur d'Allemagne, qui était atteint de cette redoutable maladie.
RELIQUES
Voir surtout Les reliques de saint Benoît par dom François Chamard, qui établi définitivement, après des siècles de disputes, l'authenticité des reliques " françaises " : http://www.abbaye-saint-benoit.ch/benoit/reliques/relique...
Translation des reliques de saint Benoît.
Le monastère du Mont-Cassin ayant été ruiné par les Lombards en 583, les reliques de saint Benoît, enseveleis sous les décombres, y demeurèrent longtemps inconnues. Saint Aigulphe, religieux de l'abbaye de Fleury, appelée depuis Saint Benoît-sur-Loire, ayant été envoyé au Mont-Cassin vers l'an 660 par son abbé, saint Mommole, eut le bonheur de les trouver dans les ruines et de les apporter en France dans son monastère. Cette translation eut lieu un 11 juillet, on en célébra la mémoire dans tout les monastère de France.
De plus, le 4 décembre, avait lieu une autre solennité, appelée de l'Illation, en mémoire d'une seconde translation que l'on fit des mêmes reliques, lorsqu'ayant été transférées à Orléans par crainte des attaques des Normands, elles furent rapportées enfin à l'abbaye de Fleury.
L'abbaye de Saint-Pierre de Solesmes reçut un fragment du crâne de notre Saint à l'époque de son édification par dom Prosper Guéranger.
LA CROIX ET LA MEDAILLE DE SAINT BENOÎT
La Croix de saint Benoît.
La face et l'avers de la médaile de saint Benoît.
De la croix de saint Benoît est tirée la médaille de saint Benoît, originaire d'Allemagne, semble-t-il. Les bénédictins reçurent l'approbation de ce sacramental par un bref du pape Benoît XIV, le 12 mars 1742. La médaille fut pourvue de bénédictions et d'indulgences. A travers les siècles, on atteste que l'utilisation de la croix de saint Benoît, avec un grand esprit de piété est particulièrement efficace.
Saint Benoît est représenté habituellement la croix brandie comme une arme de défense sur une des faces de la médaille dans une main et dans l'autre un livre, la sainte Règle.
Sur l'autre face figurent en abrégé les inscriptions suivantes :
- C S P B : Crux Sancti Patris Benedicti : Croix du saint Père Benoît.
Sur l'arbre de la croix, on lit de gauche à droite :
- N D S M D : Non Draco Sit Mihi Dux : Le dragon ne doit pas être mon guide.
De haut en bas :
- C S S M L : Crux Sacra Sit Mihi Lux : La croix doit être ma lumière.
Une inscription plus longue entoure la croix. Elle commençait autrefois par le nom de Jésus IHS.
Elle a été remplacée par le mot PAX.
L'inscription se poursuit vers la droite par les lettres :
- V R S N S M V : Vade Retro Satana, Numquam Suade mihi Vana : Arrière Satan, ne me tente jamais par la vanité.
- S M Q L I V B : Sunt Mala Quae Libas, Ipse Venenum Bibas : Ce que tu offres, ce n'est que du mal, ravale ton poison.
On lira l'essai de dom Prosper Guéranger sur la médaille de Saint-Benoît.
On se passera de l'avertissement relativiste, pour ne pas dire simplement idiot, du " copiste " du site si riche pourtant de l'abbaye Saint-Benoît de Port-Valais sur lequel il se trouve heureusement reproduit et disponible, et où nous puisons bien des éléments et renseignements.
Le " copiste " écrit en effet :
" Cette savoureuse édition de Dom Guéranger est naturellement à relire dans notre contexte du XXIe siècle. Pour ce faire, on peut conseiller, le petit livre de l’abbé Philippe Beitia, La médaille de saint Benoît [...] Ce dernier auteur cite d’ailleurs abondamment Dom Guéranger."
Passons sur le qualificatif " savoureuse ", qui évoque une distance quasi-amusée du " copiste " pour l'essai de dom Prosper Guéranger, pour insister sur le fait que s'il faut tenir compte de " notre contexte du XXIe siècle ", c'est pour prendre à la lettre et avec une fermeté plus puissante encore qu'au XIXe ce qu'écrit dom Guéranger dans cet essai, compte tenu de l'état des sociétés aujourd'hui.
Le prince de ce monde régnant aujourd'hui presque partout sur la surface de la terre, il convient donc de s'en prémunir plus que jamais. On s'y aidera en portant la médaille de saint Benoît, bénie par un vrai prêtre, et l'on observera rigoureusement ce que dom Guéranger rappelle et expose dans son essai.
Outre le fait qu'il soit une insulte grossière à saint Benoît et à dom Guéranger, on se passera bien évidement du " petit livre de l’abbé Philippe Beitia " conseillé par le " copiste " ; résumé incomplet, édulcoré, moderne, libéral et bien peu catholique de l'essai du restaurateur de l'Ordre en France.
Enfin, nous recommandons à Notre Dame, la communauté de cette abbaye, ainsi que celle de Saint-Pierre de Solesmes (héritière directe du grand commentateur de la liturgie catholique que fut son fondateur, et, hélas, prévaricatrice en n'ayant pas hésité à adopter le saccage liturgique, avec les sacrements invalides et donc inopérant des fantaisie monstrueuses et hérétiques de Montini...), afin que, par la toute puissance de Notre Père des cieux, chacun de ses membres s'ouvre à la vraie foi pleine et entière, dans la fidélité au magistère de la sainte Eglise catholique, dans la fidélité à saint Benoît et à dom Prosper Guéranger.
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