jeudi, 21 mars 2024
21 mars. Saint Benoît, premier abbé du Mont-Cassin, patriarche des moines d'Occident. 543.
- Saint Benoît, premier abbé du Mont-Cassin, patriarche des moines d'Occident. 543.
Papes : Saint Simplice, Vigile. Empereurs : Zénon, Justinien.
" Les montagnes... Là-haut Dieu a pris sa demeure ; des églises se sont élevées. La foi s'emparant des montagnes en a fait des ostensoirs d'où rayonne le Saint-Sacrement. Si cela tombe, d'autres choses tomberont."
Parf. de Rome, chap. XXIII.
Saint Berthaire (que l'on fête au 23 octobre), très saint abbé du Mont-Cassin, et illustre martyr de Notre Seigneur Jésus-Christ, considérant le temps auquel saint Benoît vint au monde, fait remarquer que ce grand Saint y parut comme une lumière au milieu des ténèbres, ou comme un médecin envoyé de Dieu pour guérir les plaies de l'humanité à cette époque ; car alors il n'y avait point de roi ni de prince souverain sur la terre, qui ne fût athée, idolâtre, ou hérétique, tant le siècle était corrompu.
Il naquit vers l'an 480, an pays des Sablas, que l'on appelle aujourd'hui l'Ombrie ou le duché de Spolète, et dans la ville de Norcia ; quelques-uns unt écrit qu'il était, par son père Eutrope, de l'ancienne famille des Anicius, qui a donné à Rome un grand nombre de consuls et d'empereurs, et par sa mère Abondance, le dernier rejeton des seigneurs de Norcia. Saint Grégoire le Grand, pape de Rome, qui est le premier auteur de sa vie, assure que le nom de Benoît lui fut imposé pour marquer mystérieusement les bénédictions célestes dont il devait être comblé.
Saint Benoît. Eglise de Saint-Thurial. Diocèse de Rennes. Bretagne.
Il fit paraître dès son enfance de fortes inclinations pour la vertu ; et, dans un âge qui semble avoir la légèreté pour partage, il témoignait déjà une grande maturité dans ses actions, méprisant toutes les choses de la terre et ne respirant que celles du ciel. On l'envoya à 7 ans étudier à Rome, et il y fit en 7 autres années qu'il y demeura, un progrès notable : il donnait sujet d'espérer, s'il continuait ses études, qu'il deviendrait un des plus habiles hommes de son temps ; mais, craignant que le mauvais exemple d'une jeunesse débauchée dont cette ville était remplie, ne fît quelque impression sur son coeur, il résolut, à 14 ans, de s'en retirer secrètement : il aimait mieux demeurer moins savant et devenir plus vertueux, que de se rendre parfait dans les sciences humaines et devenir vicieux.
A la suite de cette résolution, il abandonna Rome et tout ce qu'il avait de parents et d'amis, et, par une sage folie et une savante ignorance, selon les termes de saint Grégoire, il alla chercher dans les déserts, et hors du commerce du monde, un genre de vie en laquelle il pût servir Dieu avec plus de ferveur et moins de péril. Sa nourrice, qui se nommait Cyrille, et qui l'aimait tendrement, le suivit : et ce fut à son occasion, qu'étant arrivé à un village appelé Afide, il fit le premier de ses miracles, dont la connaissance soit venue jusqu'à nous ; cette femme ayant cassé par hasard un vase de terre qu'elle avait emprunté à quelques pauvres gens de l'endroit, le Saint en rejoignit les morceaux, et le rétablit par sa prière au même état qu'il était auparavant ; en mémoire de ce miracle, les habitants l'attachèrent à la porte de leur église, où il est demeuré jusqu'à l'irruption des Lombards. On regarda bientôt Benoît comme un Saint dans tout le voisinage : ce lui fut un motif extrêmement puissant pour s'en retirer.
Saint Benoît réparant miraculeusement le vase de terre.
Il se déroba donc secrètement à ceux qui avaient été témoins du prodige, et à sa nourrice même, et s'en alla en un lieu distant de Rome de 40 milles, appelé Subiac, où il y avait des moines qui vivaient dans une très-sainte austérité.
Sainte Hildegarde assure, dans ses révélations, qu'il y fut conduit par deux anges, qui l'avaient aussi tiré de Rome.
Comme il gravissait une montagne pour trouver le lieu qu'il souhaitait, Dieu permit qu'il fût aperçu par un de ces solitaires, nommé Romain ; celui-ci admirant sa ferveur, offrit de l'assister et de coopérer à son pieux dessein en tout ce qui lui serait possible. Benoît ayant accepté cette offre, Romain lui donna premièrement un habit religieux, puis il le conduisit dans une caverne extrêmement secrète et presque inaccessible, que la nature avait taillée dans l'enfoncement d'un rocher, et que l'on appelle maintenant la Sainte Grotte. C'était en l'an 404.
Ce fut là que ce grand Saint, séparé de tous les hommes, commença cette terrible pénitence, dont la pensée est capable d'étonner les plus hardis. Romain l'y nourrit pendant 3 ans, lui descendant de temps en temps, dans une corbeille, un morceau de pain, qui faisait toute sa subsistance. Il ne rompait pas pour cela son silence, mais il l'appelait avec une sonnette attachée à la corde de la corbeille. L'ennemi commun des hommes, ne pouvant supporter ni l'austérité de l'un ni la charité de l'autre, cassa un jour cette sonnette. Mais sa malice ne les empêcha pas de continuer toujours leur saint commerce, jusqu'à ce nu'il plut à Dieu de découvrir au monde la sainteté de son serviteur, et de l'y faire paraitre pour le salut d'une infinité de personnes. Voici comment la chose arriva.
Un saint prêtre, curé, si l'on en croit la tradition, d'un bourg appelé Mente-Preclaro, distant de quatre milles de cette grotte, s'était fait apprêter à dîner pour le jour de Pâques ; Notre-Seigneur lui apparut en songe, et lui dit :
" Mon serviteur meurt de faim dans une caverne, et tu te prépares des mets délicieux."
A cette voix, il se lève, et prenant ce que l'on avait disposé pour sa table, il se met en chemin pour chercher le saint inconnu.
Il marcha longtemps entre les montagnes et les rochers sans savoir où il allait ni où il devait aller ; mais la main de Dieu le conduisant, il arriva enlin dans la grotte de Benoît. Il y trouva le Saint, se mit en prières avec lui, et, après l'oraison, il l'invita à prendre la nourriture que Notre-Seigneur lui envoyait, parce que c'était ce jour-là la fête de sa Résurrection, en laquelle l'Eglise a coutume de rompre le jeûne. Saint Benoît connaissant que Dieu l'avait envoyé, hésita, puis vu l'insistance, acquiesça à sa prière : ils mangèrent ensemble de ce qu'il avait apporté, et après un entretien plein de lumière et d'onction, sur les moyens de plaire à Dieu et d'arriver à la perfection, ils se séparèrent, le prêtre retournant à son église et le Saint demeurant dans sa grotte, plein de reconnaissance envers son divin bienfaiteur.
Le repas de saint Benoît et du curé de Monte. Anonyme flamand. XVIe.
De si heureux commencements ayant jeté la terreur dans l'esprit de Satan, il résolut d'étouffer dans son berceau cette sainteté naissante. Pour en venir à bout, il prit la figure d'un merle, et, sous cette figure, il vint voltiger autour de lui, et il en approcha même de si près, que le saint jeune homme l'eût aisément pris de la main ; mais comme ce brave soldat de Jésus-Christ était déjà bien expérimenté dans la milice spirituelle, se doutant de ce que c'était, il forma sur lui le Signe de la Croix ce qui fit aussitôt évanouir ce prestige.
Cependant il sentit au même instant une si furieuse tentation de la chair, qu'il était sur le point d'y succomber, et que, dans le trouble où il était, il commençait presque à délibérer s'il ne laisserait point sa solitude.
Mais il lutta contre cette tentation, et se dépouilla et se jeta nu dans un champ d'épines et de ronces, au milieu desquelles il se roula si longtemps, que, par une infinité d'écorchures et de plaies, il fit sertir le sang de tous les endroits de son corps ; ainsi, par la douleur sensible et par ces ruisseaux de sang, il éteignit l'ardeur que la concupiscence avait allumée dans ses membres.
La victoire de notre Saint fut si parfaite, qu'il fut doué, à partir de ce joûr, d'une pureté angélique, et que le démon n'eut plus le pouvoir de le tenter sur cette matière.
Après ce triomphe, Il devint de soldat capitaine, et de novice grand maître en l'école de la vertu. En effet, il commença dès lors à en faire leçon, suit de vive voix, soit par ses exemples, à plusieurs qui se vinrent ranger sous sa discipline. L'abbé d'un monastère voisin étant décédé, les religieux jetèrent aussitôt les yeux sur lui et l'élurent en sa place ; mais comme ils étaient tombés dans un grand relâchement et qu'ils ne pouvaient supporter la force de ses remontrances, ils se repentirent bientôt de leur choix, et allèrent jusqu'à cet excès de fureur de conspirer ensemble sa mort et de mettre du poison dans un verre qu'ils lui présentèrent. Ils ne purent néanmoins lui nuire, parce que Dieu, qui révèle quand il lui plait les pensées les plus secrètes des hommes, fit connaître à son serviteur le péril où il était, domme si une pierre fût tombée dedans. La conspiration étant ainsi découverte, le Saint leur dit sans se troubler :
" Que Dieu vous pardonne, mes frères ! Ne vous avais-je pas bien dit que vos moeurs ne s'accordaient nullement avec les miennes ? Cherchez un autre abbé qui vous gouverne à votre guise ; pour moi, je ne demeurerai pas davantage avec vous."
Saint Benoît laissa donc ce lieu où il ne produisait aucun fruit, et se retira dans sa première solitude ; n'ayant plus que le corps sur la terre, il menait une vie plus angélique qu'humaine, s'absorbant dans la contemplation des perfections divines, et s'étudiant à en former dans lui-même une image et une vive ressemblance.
Mais la charité qui consumait son coeur ne pouvant cacher ses flammes, plusieurs personnes, désireuses de l'imiter, vinrent en ce désert ; bientôt, au lieu d'un monastère qu'il avait laissé, il en fonda 12 ; dans chacun il mit d'abord 12 religieux avec un supérieur pour les conduire. Et, pour lui, comme le surintendant de tous, il veillait sur eux et allait de l'un à l'autre pour les assister dans leurs besoins. Ces monastères étaient dans la province de Valeria, peu éloignés les uns des autres. Celui de Sainte Scolastique, où le Saint faisait sa résidence, et celui de la Sainte-Grotte sont les seuls qui subsistent aujourd'hui ; il n'y a plus à la place des autres que des ruines et quelques cellules.
Il ne fut pas seulement recherché de ceux qui voulaient quitter le monde et s'enrôler sous la bannière de la croix, il le fut aussi de plusieurs seigneurs, qui, par une estime singulière pour sa personne, lui amenèrent leurs enfants, afin qu'il les format de sa main à la pratique de la vertu, et qu'ils apprissent les sciences humaines sous les maîtres qu'il leur donnerait : Equice lui amena son fils Maur, âgé de 12 ans, et Tertulle, Patrice, lui amena son fils Placide, âgé seulement de 7 ans. Saint Grégoire a déjà parlé, dans la vie de saint Maur, du miracle insigne que le saint Abbé lui fit faire, pour retirer le petit Placide d'un lac où il allait se noyer ; saint Maur marcha sur les eaux à pied sec et comme sur la terre ferme. Saint Grégoire en marque encore d'autres qui ont précédé sa sortie de la solitude de Subiac.
Dans l'un de ses monastères, il y avait un religieux qui ne pouvait demeurer à l'oraison ; mais aussitôt que les frères se prosternaient pour la faire, il sortait de l'oratoire pour donner une entière liberté à ses pensées. Le supérieur lui en fit souvent la correction ; mais comme c'était sans succès, il le mena à saint Benoît, afin que l'autorité d'un si grand homme gagnât sur lui ce que ses remontrances ne pouvaient obtenir. Ce pauvre Frère promit bien d'être plus fervent à l'avenir ; mais sa résolution ne dura que 2 jours, de sorte que le supérieur fut obligé de donner avis au Saint que le scandale continuait.
Il vint lui-même y apporter remède et amena saint Maur en sa compagnie ; s'étant mis en oraison avec les frères, il vit un enfant noir qui tirait le religieux par la robe :
" Apercevez-vous, dit-il au supérieur et à saint Maur, celui qui débauche ce Frère ?"
Ils répondirent que non.
" Prions donc Notre-Seigneur, ajouta-t-il, qu'il vous découvre ce secret."
Au bout de deux jours, saint Maur le vit, et saint Benoît ayant suivi ce vagabond, qui était sorti, selon sa coutume, il prit une baguette et en frappa le coupable ; ce qui le délivra entièrement de cette tentation du démon.
Entre les 12 maisons qu'il avait fait bâtir, il y en avait 3 sur les rochers qui n'avaient point d'eau. Les religieux, qui avaient une peine extrême pour en venir chercher en bas dans le lac, parce que la descente était difficile et dangereuse, le prièrent d'y pourvoir ou de changer leur demeure ; il leur promit de les contenter, et, ayant fait une prière fervente, il fit sourdre du roc une fontaine dont les eaux coulent encore, abondamment jusque dans la plaine.
Un de ses novices, Goth de nation, travaillant auprès du lac, pour en défricher les bords, donna un si grand coup dans le bois, que le fer de son instrument, se détachant du manche, sauta dans l'eau sans qu'il y eût moyen de l'en retirer. Le Saint y vint, prit le manche de la main de son novice, le mit dans le lac, et aussitôt le fer remonta de lui-même, et, nageant sur l'eau, vint se remettre dans son manche, Le Saint rendit l'instrument au novice, et l'ayant consolé, lui commanda de continuer son travail.
Ces prodiges et une infinité d'autres faisaient voler de tous côtés la réputation de ce nouvel Elisée ; mais le démon, qu'un si heureux progrès mettait dans une rage extrême, entreprit de troubler son repos par le moyen d'un envieux. C'était un ecclésiastique, nommé Florent, qui demeurait auprès du principal des 12 monastères : de celui où saint Benoît faisait ordinairement sa résidence. Cet homme, véritablement indigne de son Ordre et de son caractère, attaqua premièrement le Saint par des médisances secrètes :
" Il n'était pas si saint qu'il se faisait ; ce n'était en réalité qu'un hypocrite et un fourbe, qui, sous de belles apparences de vertu, machinait quelque mauvais dessein."
Voyant qu'il n'avançait en rien contre sa réputation par tous ses mauvais discours, il tâcha de lui enlever la vie par un pain empoisonné, qu'il lui envoya comme une marque d'amitié et de bienveillance, de même que l'on envoyait encore, au siècle dernier, du pain bénit, comme encore de nos jours chez les schismatiques " orthodoxes ".
Le Saint l'en remercia fort civilement, quoiqu'il n'ignorât pas la qualité de ce pain. Mais un corbeau, qu'il nourrissait de sa main, ayant volé vers lui, le Saint lui ordonna de prendre le pain et de le porter en un lieu écarté de la vue des hommes ; l'animal ne l'osait faire par la crainte du poison, jusqu'à ce que le saint Abbé l'eût assuré qu'il n'en recevrait nul dommage, parce qu'il ne lui commandait pas de le manger, mais seulement de le porter en un lieu inconnu, où il ne pût nuire à personne.
Ce n'est pas tout ; ce malheureux homme s'avisa d'une autre malice encore plus noire que les précédentes ; il gagea sept filles de mauvaise vie et les fit entrer secrètement dans le jardin du monastère, pour y danser sans pudeur et y faire mille insolences à la vue des cellules des religieux. N'ayant pu nuire au saint Abbé, ni eu sa réputation par la médisance, ni en sa vie par le poison, il voulait du moins l'affliger dans ses enfants par le scandale qu'il leur donnerait ; c'était le toucher à la prunelle de ses yeux. Aussi le saint Père, qui ne s'était point ému ni pour les calomnies de son persécuteur, ni pour l'attentat qu'il avait commis coutre sa personne, en le voulant faire mourir, quitta à ce coup la partie, et, cédant à l'orage, il se retira de ce monastère avec quelques-uns de ses disciples.
Mais que peut la malice de l'homme contre la sagesse de Dieu ? Les calomnies s'étaient dissipées, et l'attentat, ayant été découvert, n'avait point eu d'effet ; de même, la victoire que Florent prétendait avoir remportée par la fuite du Saint, ne fut pas de longue durée ; comme il se divertissait sur une galerie de son logis, elle s'écroula sous ses pieds et l'écrasa dans sa chute, le reste de la maison subsistant en son entier, tel qu'il était auparavant.
A ce propos, nous ne voulons pas omettre un acte de la parfaite charité de saint Benoît : voyant que son disciple Maur paraissait joyeux en lui apprenant la mort de Florent, et en lui mandant qu'il pouvait bien revenir en assurance, puisque son ennemi n'était plus au monde, il l'en reprit aigrement et lui imposa une sévère pénitence. A cette occasion, Pierre Diacre, d'après saint Grégoire, s'écrie que ce grand homme a été rempli de l'esprit de tous les Saints, puisqu'il fait voir l'esprit de Moïse, en tirant de l'eau d'un rocher ; l'esprit d'Elie, en se faisant obéir par un corbeau ; l'esprit d'Elisée, en faisant nager le fer sur les eaux ; l'esprit de saint Pierre, en donnant à Maur, son disciple, le pouvoir de marcher sur un grand lac comme sur la terre ferme, et l'esprit de David, en pardonnant si généreusement à celui qui cherchait à le perdre et en pleurant amèrement sa mort.
Ce ne fut pas là le seul bien que Dieu tira de la malice du prêtre Florent : car saint Benoît s'étant absenté, comme nous avons dit, avec quelques-uns de ses enfants, Dieu lui fit connaître qu'il voulait se servir de lui pour la conversion de plusieurs âmes, qu'il le favoriserait en tout ce qu'il entreprendrait, et rendrait son nom et sa congrégation célèbres par tout le monde. Le Saint bénit Dieu d'une disposition si favorable et quitta avec joie les rochers de Subiac, sanctifiés par ses pénitences et par tant d'oeuvres miraculeuses qu'il y avait opérées, pour se rendre où le Ciel l'appelait. C'était au Mont-Cassin, situé dans le royaume de Naples, à 18 lieues de Rome.
Deux anges, en forme de jeunes hommes, l'y conduisirent et le mirent en possession du lieu qui, d'évêché qu'il était, fut changé en une célèbre abbaye, chef d'une infinité de monastères de l'Ordre fondé par ce glorieux Patriarche. Il y avait encore, sur cette montagne et aux environs, comme en plusieurs autres provinces d'Italie, quelques restes du paganisme, entre autres un temple d'Apollon, où cette idole était honorée comme un Dieu par les paysans de la contrée.
Episode de la construction de l'abbaye du Mont-Cassin.
La première chose que fit saint Benoît, après une retraite et un jeûne de 40 jours pour se disposer aux fonctions de l'apostolat, fut de renverser l'autel, et de mettre l'idole en pièces, et de brûler le bocage voisin, qui servait aux superstitions du paganisme ; ayant ainsi purgé le temple, il le changea en un oratoire auquel il donna le nom de Saint-Martin, et en bâtit un autre à l'honneur de saint Jean-Baptiste, au même endroit où l'idole d'Apollon était auparavant. Il travailla ensuite, par des prédications ferventes, à la conversion du peuple d'alentour, et non content de le faire par lui-même, il dressa ses religieux à un si saint ministère ; et ainsi, tant par leur moyen que par ses grands miracles et sa vie toute céleste, qui soutenait admirablement sa parole, il fit partout un changement considérable; en fort peu de temps, le pays fut débarrassé des superstitions et des vices que Satan y avait semés, et que les prélats y avaient laissé croître par leur négligence. Telle fut l'origine du célèbre monastère du Mont-Cassin, dont le grand saint Benoît jeta les premiers fondements en l'année 529, à la 48e année de son âge, la 3e de Justinien, Félix IV étant évêque de Rome, Athalaric étant roi des Goths en Italie.
Le démon, épouvanté de tant de glorieuses victoires, renouvela ses premières persécutions contre le Saint. Ce n'était pas de nuit ni en songe qu'il lui apparaissait ; il l'obsédait continuellement sous des figures horribles, jetant le feu par les yeux, par la bouche et par les narines, et lui disant en fureur : " Benoît ! Benoît !" et comme le Saint ne faisait pas semblant de le voir ni de l'entendre, afin de lui témoigner plus de mépris, l'ennemi ajoutait :
" Maudit sois-tu, et non béni ! Qu'es-tu venu faire en ces quartiers ? Qu'as-tu à démêler avec moi ? Pourquoi prends-tu plaisir à me persécuter ?"
Tous ces efforts étant inutiles, il entreprit de traverser la construction du nouveau monastère que le Saint commençait à bâtir. Un jour, que les frères voulaient lever une pierre pour la mettre en oeuvre, il se mit dessus et la rendit si pesante qu'il était tout à fait impossible de la remuer. On en avertit le Saint : il vint sur le lieu, fit le Signe de la Croix sur la pierre, et la bénédiction eut tant de force, que cette pierre passa tout d'un coup de cette pesanteur extrême à une légèreté extraordinaire, qui lit qu'on la leva sans nulle difficulté. On la garde encore à présent au Mont-Cassin, en mémoire du miracle.
Aussitôt après, on creusa, par l'ordre du Saint, au même endroit d'où on l'avait tirée, et l'on y trouva une petite idole de cuivre. Les religieux la portèrent dans la cuisine sans nul dessein ; mais il y parut aussitôt un si grand feu, qu'il semblait vouloir consumer tous les offices ; chacun se mit en devoir de l'éteindre en y jetant de l'eau, mais le Saint, étant descendu au bruit qu'il entendit, leur fit voir que la flamme n'était qu'imaginaire, et que ce n'était qu'un prestige qui avait trompé leur vue.
Saint Benoît. Eglise de Bédée. Diocèse de Rennes.
Une autre fois, que les religieux travaillaient par obéissance à élever une muraille, le démon vint dans sa cellule, et lui dit effrontément qu'il allait visiter ses travailleurs. Le bon Père conçut bien ce qu'il voulait dire, et envoya sur-le-champ vers les frères pour les avertir d'être sur leurs gardes. A peine eurent-ils reçu cet avis, qu'un pan de la muraille tomba et écrasa sous ses ruines un petit novice, enfant de race patricienne. Cet accident affligea infiniment ses confrères ; ils allèrent trouver lour saint Abbé, et lui exposèrent avec des soupirs le malheur de ce jeune homme. Il commanda qu'on lui apportàt le corps du défunt, mais il était si brisé qu'il fallut le porter dans un sac. Il lit une oraison pour lui avec une ferveur extraordinaire, et, à peine l'eût-il achevée, que le mort ressuscita et revint au même état dans lequel il était avant son accident.
Le Saint, pour triompher plus parfaitement de l'ennemi, lui ordonna de retourner au travail et de rétablir, avec les autres, la muraille sous laquelle il avait été écrasé.
Ainsi, tous les artifices du démon ne purent l'empêcher de bâtir cette maison, qui devait être la demeure de tant de Saints, et le chef de cet Ordre qui allait bientôt se propager dans tout le monde.
Cet esprit prophétique parut avec bien plus d'éclat dans la rencontre qu'il eut avec Totila, roi des Goths. Ce prince, qui ravageait toute l'Italie, ayant entendu dire que Benoît était un grand Prophète, à qui rien ne pouvait être caché, voulut s'en assurer par sa propre expérience ; il s'avança vers son monastère, et lui manda de venir en personne au-devant de lui. Avant d'en approcher, pour mieux éprouver le Saint, il fit vêtir un de ses écuyers comme un roi, le fit accompagner de ses gardes et des premiers officiers de sa cour, et lui commanda de marcher devant lui en cet équipage, afin de voir si Benoît s'y laisserait tromper. L'écuyer obéit, alla jusque dans l'enceinte du monastère et jusqu'au lieu où était le Saint ; mais ce grand homme ne s'émut point pour tout le tumulte de ces barbares, et, dès qu'il crut que l'écuyer le pouvait entendre, il s'écria :
" Quittez mon fils, quittez ces ornements royaux, ils ne vous appartiennent pas."
A ces paroles, cet écuyer, qui faisait auparavant le fier, et tous ceux de sa suite, se prosternèrent contre terre, et, n'osant approcher du Saint, ni lui parler, ils s'en retournèrent dire à Totila ce qu'ils avaient vu et entendu. Totila vint lui-même, et, ayant aperçu saint Benoît qui était assis sur une escabelle, il se jeta aussi par terre sans oser avancer plus près. Le Saint lui cria deux ou trois fois de se lever ; mais il fallut qu'il le vint relever lui-même. Ensuite, il lui parla avec plus de force et de liberté que jamais le prophète Nathan n'avait parlé à David, puisque, sans user de paraboles ni craindre de choquer un roi qui faisait trembler toute l'ltalie, il le reprit de ses méfaits, et lui prédit les dernières aventures de sa vie :
" Vous faites beaucoup de mal, vous en avez beaucoup fait ; il est temps que vous mettiez fin à vos iniquités ; vous entrerez dans Rome, vous passerez la mer, vous régnerez neuf ans, et au dixième vous mourrez."
A cet oracle, Totila fut frappé d'une nouvelle crainte : il se recommanda instamment aux pnières du Saint et se retira. Depuis ce temps-là, il ne fut pas si cruel qu'il l'avait été auparavant. Il prit Rome, passa en Sicile, et, au bout de 10 ans, par un juste jugement de Dieu, il perdit le royaume et la vie.
Saint Benoît recevant Totila roi des Goths et lui dévoilant son avenir.
Saint Grégoire rapporte encore plusieurs autres prophéties faites par Benoît. Saint Sabin, évêque de Canossa, qui le visitait tous les an, lui disant que Rome périrait par la cruauté de Totila, il l'assura que non mais qu'elle périrait par des foudres, des tempêtes, des débordements d'eau et des tremblements de terre ; ce que l'événement a justifié.
Théoprobe, un des religieux de Benoît, personnage de grand mérite, entra un jour dans sa cellule, et le trouva pleurant amèrement. Il attendit longtemps sans voir la fin de ses larmes ; enfin il lui demanda quel sujet il avait de tant pleurer :
" Je pleure parce que Dieu vient de me faire connaître que ce monastère et toutes ses dépendances seront ruinés et détruits par les barbares, et à peine ai-je pu obtenir que les âmes fussent sauvées."
C'est ce que l'on a vu, depuis, dans l'irruption des Lombards : car l'abbaye du Mont-Cassin fut ruinée, mais personne ne tomba entre les mains de ces infidèles.
Un personnage de haute condition ayant envoyé au Saint, par son valet, deux flacons de vin, ce valet en cacha un en chemin, et se contenta de présenter l'autre. Le Saint le reçut fort humainement et avec action de grâces ; mais, comme le valet prenait congé, il l'avertit de ne pas boire du flacon qu'il avait caché, sans voir auparavant ce qu'il y avait dedans. Ce pauvre garçon fut fort étonné ; mais il le fut bien davantage, lorsque regardant son flacon dérobé, il en vit sortir un serpent. Ce miracle fit tant d'impression sur son esprit, qu'il demanda à devenir moine. Saint Grégoire l'appelle Exhilaratus noster, notre frère Exhilaratus.
Si le Saint voyait si clairement les choses futures et les choses éloignées, il lisait aussi très-distinctement ce qui était caché dans le secret du coeur. Témoin ce jeune religieux, fils d'un homme de condition, à qui saint Grégoire donne la qualité de défenseur : comme il tenait un soir le chandelier pendant que le Saint prenait sa réfection, il fut attaqué d'une pensée d'orgueil, et se dit en lui-même :
" Suis-je de naissance à servir cet homme, à lui tenir la chandelle et à demeurer debout comme un valet pendant qu'il est à table et qu'il mange ?"
Mais le Saint, pénétrant par l'esprit de Dieu ce qu'il roulait dans son imagination, lui dit :
" A quoi pensez-vous, mon frère ? Faites le signe de la croix sur votre coeur ; ne voyez-vous pas que c'est le prince des orgueilleux qui vous suggère ces belles idées de grandeur et qui vous tente ?"
Ses menaces n'étaient pas moins terribles que sa parole était efficace. Dans un couvent de filles de sa dépendance, il y avait deux religieuses d'origine riche, qui maltraitaient souvent de paroles le religieux qu'il leur avait destiné pour avoir soin de leur temporel. Comme il en fut averti, il leur manda de corriger leur langue, ou qu'autrement il les excommunierait ; ce qu'il dit néanmoins, non pas en fulminant effectivement l'anathème contre elles, mais seulement en les menaçant. Cependant elles ne se corrigèrent pas, et Dieu, voulant les punir de leur insolence, elles moururent toutes deux peu de jours après.
On les enterra dans l'église, et on fit, selon la coutume, des prières pour elles, sans avoir égard à cette excommunication, qui ne passa que pour comminatoire. Mais chose étrange, chaque fois que le diacre disait à l'ordinaire : " Que ceux qui sont excommuniés sortent d'ici ", leur nourrice, qui apportait souvent des oblations pour leur soulagement, les voyait se lever de leur tombeau et sortir de l'église. Ceci étant-arrivé plusieurs fois, elle se souvint de l'excommunication dont le saint Abbé les avait menacées, et lui donna avis de ce qui se passait. Alors il prit une offrande, la bénit, et ordonna de la présenter à Dieu pour elles ; et, depuis cette action, elles demeurèrent en repos dans leur sépulcre.
Une chose presque semblable arriva à un novice qui aimait extrêmement ses parents étant sorti pour leur rendre visite, sans avoir pris la bénédiction du saint Abbé, il mourut le jour même où il arriva chez eux. On l'enterra ; mais comme si la terre eût eu quelque horreur de le contenir, elle le rejeta jusqu'à 3 fois. Ses parents, extrêmement confus et troublés, eurent recours au bienheureux Patriarche, le suppliant, avec larmes, de donner sa bénédiction au défunt. Il en eut pitié, et leur donna, de sa propre main, une " hostie consacrée " (c'est ainsi que le rapporte saint Grégoire), avec ordre de la mettre sur l'estomac du mort. Ce remède fut tout-puissant, et la terre le reçut depuis en paix.
Cette pratique d'enfermer le corps de Notre-Seigneur avec les morts a, depuis, été abolie au troisième Concile de Carthage, et en celui de Toul.
Nous ne voulons pas oublier ce que saint Grégoire assure avoir appris de quelques anciens, qui avaient été disciples de ce grand serviteur de Dieu : un pauvre malheureux, mais homme de bien, le vint trouver et lui exposa qu'il était dans une grande peine, parce qu'il devait une somme considérable, et qu'il n'avait pas de quoi la payer. Le Saint lui dit qu'il n'avait pas alors cette somme, mais qu'il revînt 2 jours après, et que Dieu pourvoirait à son besoin.
Il revint, et le Saint, ayant fait sa prière, trouva sur le coffre du monastère l'argent qu'il lui fallait, et quelque chose de plus, sans que personne l'y eût mis ; il ne s'en réserva rien, mais fit donner le tout à ce pauvre, tant pour payer sa dette que pour aider ensuite à sa subsistance.
Sa charité ne parut pas moins en une autre occasion : c'était un temps de famine et de cherté extrême ; un sous-diacre, nommé Agapet, vint au monastère et demanda instamment de l'huile : il n'y en avait plus que fort peu dans le fond d'une bouteille de verre. Le Saint dit au cellérier de la lui donner, étant bien persuadé que ce qu'on donnait sur la terre, on se le réservait dans le Ciel. Mais le cellérier, craignant que la communauté n'en souffrît, négligea son commandement, et ne voulut pas même en faire partage avec celui qui en demandait. Cette désobéissance ayant été rapportée au serviteur de Dieu, il entra dans une sainte colère ; et afin qu'il n'y eût rien dans son couvent contre l'obéissance, il fit jeter la bouteille par la fenêtre. Il y avait au bas un précipice et des rochers ; néanmoins, l'huile ne se répandit point, et la bouteille n'en reçut aucun dommage. Le Saint l'envoya retirer, et la donna saine et entière au sous-diacre. Ce miracle fut suivi d'un second : après qu'il eut fait une sévère réprimande en plein chapitre à cet officier superbe et désobéissant, un muid qui était vide parut aussitôt plein d'une huile excellente, ce qui remplit toute la communauté d'admiration, et fit bien voir que " celui qui fait l'aumône prête à usure à Dieu tout puissant ".
Le serviteur de Dieu ne fit pas un moindre miracle en faveur d'un autre paysan : cet homme ayant perdu son fils, apporte le corps du défunt au Mont-Cassin, afin de lui en demander le résurrection. Ce n'était pas la première qu'il eût obtenue de Dieu ; néanmoins, touché d'un sentiment profond d'humilité, il dit, les larmes aux yeux, aux religieux avec lesquels il venait de travailler aux champs :
" Retirons-nous, je vous prie, mes frères, retirons-nous ; ces actions que l'on nous demande appartiennent aux Apôtres, et non pas à de faibles créatures comme nous."
Mais le paysan, sans avoir égard à ses excuses, ni à la tristesse qu'il témoignait de ce qu'on lui demandait un prodige de cette importance, le presse vivement, et jure, avec fermeté, qu'il ne le quittera point qu'il n'ait ressuscité son fils ; Benoît est enfin contraint de se rendre. Il se couche donc premièrement sur le mort ; puis, s'étant retiré, il lève les mains au ciel, et dit :
" Seigneur, n'ayez point égard à mes péchés, mais regardez la foi de cet homme, qui demande que vous ressuscitiez son fils, et rendez à ce corps l'âme et la vie que vous lui avez ôtés."
Ces paroles furent suivies du miracle : le mort commence à remuer, et le Saint, l'ayant pris par la main, le rend sain et sauf à son père.
A ce propos, saint Grégoire remarque que quelquefois il faisait ces merveilles par autorité, comme dans la délivrance du paysan, et d'autres fois par prières et par larmes, comme dans la guérison que nous venons de rapporter.
Nous ne pouvons point reprendre ici ce qui se passa dans son dernier entretien avec sa chère soeur sainte Scholastique, ni comment il vit son âme s'envoler au Ciel en forme de colombe, puisque nous en avons suffisamment parlé dans la vie de cette Sainte.
Mais nous ne pouvons nous dispenser d'écrire ce qui lui arriva le jour du décès de saint Germain, évêque de Capone. Ce jour-là, un saint diacre, nommé Servant, abbé d'un ancien monastère d'Italie, l'était venu voir, pour s'entretenir avec lui, selon sa coutume, des affaires de l'éternité. La nuit ayant interrompu leur entretien, Servant se retira dans une chambre au-dessous de celle du Saint, qui était au haut d'une tour, et les disciples de l'un et de l'autre logèrent à côté. Benoît veillait en oraison, se tenant debout à sa fenêtre pour mieux contempler les merveilles du ciel.
Au milieu de sa prière, il vit tout à coup une lumière admirable, qui chassa toutes les ténèbres de la nuit, et qui fit un jour incomparablement plus beau que ne sont ceux que fait le soleil en plein été dans un temps parfaitement serein ; et, au même instant, tout le monde lui fut représenté comme reccueilli dans un seul rayon de soleil.
Cette merveille remplissait déjà tout son esprit, il en survint une autre qui augmenta son admiration ; il vit l'âme de ce saint évêque de Capone, que des anges élevaient au ciel dans un globe ou une sphère de feu. Il voulut faire part à l'abbé Servant d'une vision si oharmante, et qui ne devait pas peu contribuer à l'honneur du saint défunt. Pour cela, il l'appela trois fois par son nom ; mais lorsqu'il monta, la lumière commençait à se dissiper : il n'en put voir que les restes. Il en marqua, néanmoins, le jour et l'heure, et on sut bientôt, par un messager envoyé exprès, que c'était justement le moment où saint Germain était décédé.
Les réflexions admirables que fait saint Grégoire sur cette vision, et les termes dans lesquels il l'explique, ont fait croire à quelques auteurs, que selon ce grand docteur, et selon la vérité, saint Benoît, en cet instant, vit clairement l'essence divine, et en elle, toutes les créatures ; de même que plusieurs théologiens, après saint Thomas, croient que Moïse l'a vue sur la montagne du Sinaï, et saint Paul dans son ravissement. C'est véritablement un privilége incomparable, et qui n'a point son pareil entre tous les privilèges d'ici-bas. Cependant, nous ne voulons pas plus l'assurer que le disputer à cet homme céleste, qui était destiné pour être le grand Patriarche d'un peuple parfaitement fidèle : nous voulons dire des religieux d'Occident.
Le temps auquel il composa sa Règle (que l'on trouvera très complète ici : http://www.abbaye-saint-benoit.ch/benoit/page3.html) n'est pas entièrement certain. Quoiqu'il en soit, on ne peut rien ajouter aux éloges que les Pères et les auteurs, qui ont vécu depuis, lui ont donnés. Saint Grégoire le Grand dit que la vie de saint Benoit étant toute sainte, il ne se peut faire que sa Règle n'ait aussi été toute sainte, parce que ce grand homme n'a point prescrit d'autres lois que celles qu'il donnait déjà par ses exemples ; il ajoute que cette Règle doit être mise au rang de ses miracles, et qu'elle est surtout admirable par la sagesse et la discrétion qu'elle garde en toutes ses ordonnances. Divers conciles, tenus en France et en Allemagne, en ont aussi parlé avec beaucoup d'honneur ; et, pour tout dire, on l'appelait par excellence la Sainte Règle. Un autre saint Benoît, fondateur de l'abbaye d'Aniane, et depuis abbé d'Inden, près d'Aix-la-Chapelle, fit voir, par un excellent livre appelé la Concorde des Règles, qu'elle était entièrement conforme à celle des saints Pères qui avaient précédé notre Saint ; et, depuis cette concorde, elle fut imposée progressivement comme Règle de tout l'Ordre monastique en Europe, les monastères qui étaient plus anciens que saint Benoît y étant soumis. L'imposition ne sera pas toujours pacifique. Nous ajoutons seulement que cette Règle s'étendit beaucoup dès le vivant du saint Patriarche ; car on pense qu'il la porta lui-même à Rome, et qu'elle y trouva un grand nombre de disciples : il est constant qu'il l'envoya en Sicile par saint Placide, en France par saint Maur, et en Sardaigne par saint Raynère.
Il est temps d'en venir à son bienheureux décès. Dieu lui eu avait révélé le temps plusieurs mois auparavant, et il l'avait déclaré à sert disciple, saint Maur, avant de le faire partir pour la France. Six jours avant ce terme, ayant fait ouvrir le sépulcre où dormait sa soeur, sainte Scholastique, il fut saisi d'une fièvre qui le tourmenta extrêmement ; elle ne l'empêcha pas, néanmoins, de se préparer à ce dernier passage avec toute l'ardeur et la piété que l'on peut imaginer dans un homme qui ne respirait plus que pour le ciel.
Au sixième jour, quelque faible qu'il fût, il se fit porter à l'oratoire consacré à saint Jean-Baptiste : là, soutenu sur les bras de ses disciples, il reçut le corps et le sang de son Sauveur ; puis, se plaçant au bord de la fosse, mais au pied de l'autel, et les bras étendus vers le ciel, il mourut debout on prononçant une dernière prière. Ce fut le samedi saint, 21 mars, l'an de Notre-Seigneur 543 : il était âgé de 62 ou 63 ans.
Mort de saint Benoît. Verrière de l'église Saint-Benoît de
Au moment où le saint Patriarche décéda, un religieux, qui était dans le même monaslère, et saint Maur, qui était à Font-Ronge, près d'Auxerre, en France, virent comme une grande rue, couverte de tapis précieux et bordée d'une infinité de flambeaux, qui s'étendait jusque dans le ciel, et un homme vénérable et tout éclatant qui leur dit :
" C'est ici la voie par laquelle Benoît, le bien-aimé de Dieu, eut monté dans le ciel."
Ainsi accomplit-il la promesse qu'il avait faite, de faire savoir à ses disciples absents le bienheureux moment où il irait jouir de la gloire.
Benoît était d'une taille élevée et bien proportionnée, et dans son extérieur il avait une gravité mêlée de tant de douceur, qu'il obligeait tous ceux qui le regardaient à l'aimer et à le respecter. Son abstinence fut prodigieuse ; les Carêmes, il ne mangeait que deux fois la semaine et se contentait alors de pain et d'eau. Il aimait extrêmement la solitude, et quoique son Ordre s'étendît de tous côtés, à peine trouve-t-on qu'il soit sorti deux fois du Mont-Cassin. C'est qu'il trouvait ses délices à faire oraison et à s'entretenir seul à seul avec son Dieu.
Son corps fut inhumé dans la chapelle Saint-Jean-Baptiste, que lui-même avait fait bâtir et qu'il s'était destinée pour sépulture ; Notre Seigneur ne l'y a pas moins honoré après sa mort par des miracles qu'il l'avait fait pendant sa vie.
Mise au tombeau de saint Benoît.
De toutes les vertus, il n'y en avait point dont saint Benoît inculquât plus fortement la pratique que l'humilité ; il en a marqué douze degré dans sa règle :
1. s"exciter à une vive componction de coeur, craindre Dieu et ses jugements, marcher sans cesse humilié dans la divine présence ;
2. renoncer entièrement à sa volonté propre ;
3. obéir promptement et sans réserve ;
4. supporter patiemment les souffrances et les injures ;
5. découvrir humblement ses plus secrètes pensées à son supérieur ou à son directeur ;
6. être content et se réjouir dans les humiliations ; se plaire à exercer les plus bas ministères, à porter des habits pauvres, etc. ; à aimer la simplicité et la pauvreté : se regarder comme un mauvais serviteur dans tout ce qui est ordonné ;
7. s'estimer le plus misérable, le dernier des hommes, le plus grand de tous les pêcheurs ;
8. éviter la singularité dans les paroles et dans les actions ;
9. aimer et observer le silence ;
10. se garder d'une vaine joie et d'un rire immodéré ;
11. ne point parler d'une voix haute, et observer les règles de la modestie dans toutes ses paroles ;
12. être humble dans toutes les actions extérieures.
Saint Benoît est le patron du Mont-Cassin et de l'abbaye bénédictine de Seligenstadt en Hesse-Darmstadt.
On invoque saint Benoît contre les maléfices, les inflammations, les érésipèles, le poison et la gravelle.
L'efficacité de la dévotion à saint Benoît, relativement à la maladie de la pierre, est fondée sur le guérison de saint Henri II, empereur d'Allemagne, qui était atteint de cette redoutable maladie.
RELIQUES
Voir surtout Les reliques de saint Benoît par dom François Chamard, qui établi définitivement, après des siècles de disputes, l'authenticité des reliques " françaises " : http://www.abbaye-saint-benoit.ch/benoit/reliques/relique...
Translation des reliques de saint Benoît.
Le monastère du Mont-Cassin ayant été ruiné par les Lombards en 583, les reliques de saint Benoît, enseveleis sous les décombres, y demeurèrent longtemps inconnues. Saint Aigulphe, religieux de l'abbaye de Fleury, appelée depuis Saint Benoît-sur-Loire, ayant été envoyé au Mont-Cassin vers l'an 660 par son abbé, saint Mommole, eut le bonheur de les trouver dans les ruines et de les apporter en France dans son monastère. Cette translation eut lieu un 11 juillet, on en célébra la mémoire dans tout les monastère de France.
De plus, le 4 décembre, avait lieu une autre solennité, appelée de l'Illation, en mémoire d'une seconde translation que l'on fit des mêmes reliques, lorsqu'ayant été transférées à Orléans par crainte des attaques des Normands, elles furent rapportées enfin à l'abbaye de Fleury.
L'abbaye de Saint-Pierre de Solesmes reçut un fragment du crâne de notre Saint à l'époque de son édification par dom Prosper Guéranger.
LA CROIX ET LA MEDAILLE DE SAINT BENOÎT
La Croix de saint Benoît.
La face et l'avers de la médaile de saint Benoît.
De la croix de saint Benoît est tirée la médaille de saint Benoît, originaire d'Allemagne, semble-t-il. Les bénédictins reçurent l'approbation de ce sacramental par un bref du pape Benoît XIV, le 12 mars 1742. La médaille fut pourvue de bénédictions et d'indulgences. A travers les siècles, on atteste que l'utilisation de la croix de saint Benoît, avec un grand esprit de piété est particulièrement efficace.
Saint Benoît est représenté habituellement la croix brandie comme une arme de défense sur une des faces de la médaille dans une main et dans l'autre un livre, la sainte Règle.
Sur l'autre face figurent en abrégé les inscriptions suivantes :
- C S P B : Crux Sancti Patris Benedicti : Croix du saint Père Benoît.
Sur l'arbre de la croix, on lit de gauche à droite :
- N D S M D : Non Draco Sit Mihi Dux : Le dragon ne doit pas être mon guide.
De haut en bas :
- C S S M L : Crux Sacra Sit Mihi Lux : La croix doit être ma lumière.
Une inscription plus longue entoure la croix. Elle commençait autrefois par le nom de Jésus IHS.
Elle a été remplacée par le mot PAX.
L'inscription se poursuit vers la droite par les lettres :
- V R S N S M V : Vade Retro Satana, Numquam Suade mihi Vana : Arrière Satan, ne me tente jamais par la vanité.
- S M Q L I V B : Sunt Mala Quae Libas, Ipse Venenum Bibas : Ce que tu offres, ce n'est que du mal, ravale ton poison.
On lira l'essai de dom Prosper Guéranger sur la médaille de Saint-Benoît.
On se passera de l'avertissement relativiste, pour ne pas dire simplement idiot, du " copiste " du site si riche pourtant de l'abbaye Saint-Benoît de Port-Valais sur lequel il se trouve heureusement reproduit et disponible, et où nous puisons bien des éléments et renseignements.
Le " copiste " écrit en effet :
" Cette savoureuse édition de Dom Guéranger est naturellement à relire dans notre contexte du XXIe siècle. Pour ce faire, on peut conseiller, le petit livre de l’abbé Philippe Beitia, La médaille de saint Benoît [...] Ce dernier auteur cite d’ailleurs abondamment Dom Guéranger."
Passons sur le qualificatif " savoureuse ", qui évoque une distance quasi-amusée du " copiste " pour l'essai de dom Prosper Guéranger, pour insister sur le fait que s'il faut tenir compte de " notre contexte du XXIe siècle ", c'est pour prendre à la lettre et avec une fermeté plus puissante encore qu'au XIXe ce qu'écrit dom Guéranger dans cet essai, compte tenu de l'état des sociétés aujourd'hui.
Le prince de ce monde régnant aujourd'hui presque partout sur la surface de la terre, il convient donc de s'en prémunir plus que jamais. On s'y aidera en portant la médaille de saint Benoît, bénie par un vrai prêtre, et l'on observera rigoureusement ce que dom Guéranger rappelle et expose dans son essai.
Outre le fait qu'il soit une insulte grossière à saint Benoît et à dom Guéranger, on se passera bien évidement du " petit livre de l’abbé Philippe Beitia " conseillé par le " copiste " ; résumé incomplet, édulcoré, moderne, libéral et bien peu catholique de l'essai du restaurateur de l'Ordre en France.
Enfin, nous recommandons à Notre Dame, la communauté de cette abbaye, ainsi que celle de Saint-Pierre de Solesmes (héritière directe du grand commentateur de la liturgie catholique que fut son fondateur, et, hélas, prévaricatrice en n'ayant pas hésité à adopter le saccage liturgique, avec les sacrements invalides et donc inopérant des fantaisie monstrueuses et hérétiques de Montini...), afin que, par la toute puissance de Notre Père des cieux, chacun de ses membres s'ouvre à la vraie foi pleine et entière, dans la fidélité au magistère de la sainte Eglise catholique, dans la fidélité à saint Benoît et à dom Prosper Guéranger.
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mercredi, 20 mars 2024
20 mars. Saint Wulfran (ou Vulfran), archevêque de Sens, apôtre des Frisons, patron d'Abbeville. 720.
" Heureux celui qui a été trouvé sans tâche et qui n'a point courru après l'or."
Eccl. XXXI.
Saint Wulfran. Majus Chronicon Fontanellense. XIe.
Saint Wulfran était fils d'un officier du roi Dagobert ; il passa quelques années à la cour, mais il n'échoua point contre les écueils où la vertu des grands fait si souvent naufrage, et sut allier toujours les devoirs de son état avec la pratique des maximes de l'Évangile.
Élevé sur le siège archiépiscopal de Sens, il se livra tout entier aux oeuvres de son saint ministère. Après avoir gouverné son diocèse pendant deux ans et demi à peine, il se sentit intérieurement sollicité d'aller prêcher l'Évangile aux Frisons. Il s'embarqua avec plusieurs religieux décidés à courir tous les dangers de son apostolat. Les Frisons se livraient à des pratiques horribles et en particulier faisaient de cruels et monstrueux sacrifices humains.
Collégiale Saint-Vulfran à Abbeville. XVe, XVIIe.
Huchiers picards furent longtemps réputés pour la maîtrise de leur art.
Pendant la traversée, un fait miraculeux fit connaître le mérite de l'évêque missionnaire. Comme il disait la Messe sur le navire, celui qui faisait l'office de diacre laissa tomber la patène à la mer ; Wulfran lui commanda de mettre la main à l'endroit où la patène était tombée, et aussitôt elle remonta du fond des eaux jusque dans sa main, à l'admiration de tous.
Détail de la collégiale Saint-Vulfran à Abbeville.
A force de miracles, le courageux apôtre opéra chez les sauvages Frisons de nombreuses conversions. Wulfran, son oeuvre à peu près terminée, alla passer le reste de ses jours dans un monastère ; sa sainte mort arriva vers l'an 720. Saint Wulfran a toujours été très honoré en Picardie, et de nombreuses faveurs ont été obtenues de Dieu par son intercession.
RELIQUES
Ses reliques, après avoir été longtemps en Frise, furent transportées en 1058 dans l'église Notre-Dame d'Abbeville. A la demande de Louis XIII, on détacha deux ossement afin que la ville de Sens pût avoir une relique de son saint évêque.
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mardi, 19 mars 2024
19 mars. Saint Joseph, époux de la très sainte Vierge Marie, mère de Notre Seigneur Jésus-Christ. Ier siècle.
- Saint Joseph, époux de la très sainte Vierge Marie, mère de Notre Seigneur Jésus-Christ. Ier siècle.
Empereur romain : Tibère.
" Si vous cherchez Joseph, vous l'y trouverez avec Jésus et Marie."
Origène. Homil. XVIII in Luc.
" Le juste fleurira comme le lis ; sa fleur conservera son éclat et son parfum éternellement devant le Seigneur."
Brév. rom., 19 mars, office de saint Joseph.
" Vous pouvez conjecturer quel personnage fut saint Joseph d'après la seule interprétation de son nom, qui veut dire augmentation."
Saint Jean Chrysostome.
Saint Joseph descendait de la race royale de David. On croit généralement qu'en vue de la mission sublime que le Ciel lui destinait, il fut sanctifié avant sa naissance. Nul ne peut douter que Joseph ne fût préparé à son sublime ministère, quand la Providence, qui dirige tous les événements, unit son sort à celui de Marie.
L'Évangile est sobre de détails sur saint Joseph, et on y voit tout résumé en ces mots (Matth. I, 19.) : " Il était juste ".
En quoi consiste cette vertu de justice ? Donnons deux saints docteurs afin d'en appréhender l'essentiel :
" La justice n'est pas seulement cette vertu spéciale attribuant à chacun ce qui lui appartient, c'est encore cette rectitude générale de l'âme consistant dans la réunion de toutes les vertus."
Saint Thomas d'Aquin.
" Le nom de juste que l'Esprit-Saint accorde à saint Joseph, signifie accompli dans toutes les vertus."
Saint Jean Chrysostome.
Mais que ces mots couvrent de merveilles, puisque les docteurs s'accordent à dire que saint Joseph tient le premier rang après Marie parmi tous les Saints !
Ainsi Suarez n'hésite-t-il pas à écrire (De Incarnat., part. III, quaest. 29, disp. 8, sect. 2.) :
" Il n'est pas téméraire, c'est même une opinion vraisemblable, et inspirée par la piété, que saint Joseph, entre tous les saints, a tenu le premier rang dans l'état de la grâce."
Et d'ailleurs dans la prière à saint Joseph - qui est aussi le patron des causes difficiles - ne récite-t-on pas :
" Ô Vous qui êtes si puissant auprès de Dieu qu'on a pu dire : " Au ciel, Joseph commande plutôt qu'il ne supplie ", etc. " ?
Son père l'éleva, d'après la tradition, dans l'état modeste de charpentier ; il pouvait avoir, selon de sérieux auteurs, une cinquantaine d'années, et il avait gardé une chasteté parfaite, lorsque la Volonté de Dieu lui confia la Très Sainte Vierge. Cette union, belle devant les anges, dit saint Jérôme, devait sauvegarder l'honneur de Marie devant les hommes.
Dieu voulut que le mystère de l'Annonciation demeurât quelques temps caché à saint Joseph, afin de nous donner, dans le trouble qui plus tard s'empara de lui, lorsqu'il s'aperçut de la grossesse de Marie, une preuve de la virginité de la Mère et de la conception miraculeuse du Fils. L'avertissement d'un ange dissipa toutes ses craintes.
Sur la virginité de saint Joseph, nous nous contenterons de citer l'un des ses plus dévots serviteurs, Isidore de Lille (Summa de beato Josepho, part. IV, chap. 1.) :
" Les Docteurs catholiques n'hésitent plus aujourd'hui à décerner à saint Joseph l'auréole de la virginité : d'abord, parce qu'ils regardent comme vérité démontrée que ce grand saint fut vierge d'esprit et de corps, par voeu et par état ; ensuite, parce qu'il fut le premier à suivre et à imiter le Reine des vierges ; enfin, parce que l'époux et l'épouse doivent être parés des mêmes ornements."
Qui dira ce que Joseph, depuis lors, montra de respect, de vénération, de tendresse pour Celle qui bientôt allait donner au monde le Sauveur ? Combien Joseph fut utile à Marie dans le voyage de Bethléem ! Combien plus encore il lui fut utile dans la fuite en Égypte ! Saint Joseph se montra pour la Mère de Dieu l'ami fidèle, le gardien vigilant, le protecteur dévoué.
Imaginons-nous les progrès en vertu que dut faire saint Joseph, vivant dans la compagnie de Jésus et de Marie. Quel délicieux intérieur ! Quelle sainte maison que cette modeste demeure ! Que de mystères dans cette vie cachée où un Dieu travaille sous la direction d'un homme, où un homme se sanctifie sous l'influence d'un Dieu visible à ses yeux et devenu son Fils adoptif ! Après la plus heureuse des vies, Joseph eut la plus heureuse des morts, car il rendit son dernier soupir entre les bras de Jésus et de Marie.
Il est permis de croire, après saint François de Sales qui l'affirme, que saint Joseph est dès maintenant au Ciel en corps et en âme, avec Jésus et Marie. C'est à bon droit que saint Joseph porte le titre glorieux de Patron de l'Église universelle, et que son nom, dans la dévotion chrétienne, est devenu inséparable des noms de Jésus et de Marie.
On l'invoque aussi comme Patron de la bonne mort, parce que, disent les hymnes en son honneur :
" Il s'endormit d'un doux sommeil, en présence de Jésus et de Marie."
(Hymne Quicumque).
Psautier cistercien. XIIIe.
C'est une pieuse croyance, adoptée par de pieux évrivains et souvent reproduite dans les ouvrages les plus savants (voir par ex. Suarez, t. XIX), que saint Joseph ressuscita et apparut à Jérusalem en même temps que Jésus-Christ sortit victorieux du tombeau, et qu'il fut du nombre de ceux que l'Evangile dit avoir été rappelés à la vie. Le saint Patriarche, sorti miraculeusement du tombeau, se serait montré plusieurs fois à Marie. Quarante jours après il aurait pris son essor vers les cieux, le jour de l'Ascension triomphante du Sauveur, et l'aurait accompagné lorsqu'Il alla prendre possession de son trône, à la droite du Père céleste.
Cependant, cette pieuse et consolante croyance n'est pas consignée dans la liturgie.
RELIQUES
Aucune église ne se glorifie de posséder les reliques proprement dites de saint Joseph.
- A Florence, les religieux du monastère des Anges conservent son bâton parmi les objets les plus précieux de leur trésor.
- A Rome, dans l'église de Sainte-Anastasie, on voit un de ses bâtons et son manteau.
- A Joinville-sur-Marne, dans le diocèse de Langres, on montre, avec un juste orgueil, " la vraye et véritable ceinture de saint Joseph, conservée chèrement dans l'église Notre-Dame ".
Cette ceinture consiste en un tissu plat, de fil ou d'écorce assez gros et de couleur grisâtre ; elle est longue d'un mètre et porte en largeur de 30 à 45 centimètres ; aux extrémités est attaché un fermoir en ivoire, jauni par le temps ; une boutonnièrese trouve aussi à l'un des bouts ? Confectionnée, suivant la tradition, par par les mains de la Sainte Vierge, on peut croire qu'elle lui resta, comme un souvenir bien cher, à la mort de son chaste époux, et que plus tardelle fut remise à saint Jean ou à quelque autre apôtre.
Au XIIIe siècle, elle fut rapportée de Palestine par l'historien de saint Louis, et placée dans son château de Joinville où elle resta jusqu'à la révolution : à cette époque néfaste, des mains pieuses la reccueillirent avec tous ses authentiques.
On voit toujours aujourd'hui cette noble et très-sainte ceinture dans un reliquaire dans l'église Notre-Dame de Joinville. Cette ceinture est dans un état de conservation remarquable.
Saint Joseph est l'un des patrons de la Belgique, de l'Espagne, de Naples, de la Westphalie et de la ville de Verdun.
Les missions de Chine sont confiées à sa puissante tutèle.
Rappelons enfin que les corps des charpentiers, des menuisiers et des ébénistes sont placés sous son haut patronage.
PRIERE
" Nous vous louons, nous vous glorifions, heureux Joseph. Nous saluons en vous l'Epoux de la Reine du ciel, le Père nourricier de notre Rédempteur. Quel mortel obtint jamais de pareils titres ? et cependant ces titres sont les vôtres, et ils ne sont que la simple expression des grandeurs qu'il a plu à Dieu de vous conférer. L'Eglise du ciel admire en vous le dépositaire des plus sublimes faveurs ; l'Eglise de la terre se réjouit de vos honneurs, et vous bénit pour les bienfaits que vous ne cessez de répandre sur elle.
Royal fils de David, et en môme temps le plus humble des hommes, votre vie semblait devoir s'écouler dans cette obscurité qui faisait vos délices ; mais le Seigneur voulut vous associer au plus sublime de ses actes. Une noble Vierge, de même sang que vous, fait l'admiration du ciel, et deviendra la gloire et l'espérance de la terre ; cette Vierge vous est destinée pour épouse. L'Esprit-Saint doit se reposer en elle comme dans son tabernacle le plus pur ; c'est à vous, homme chaste et juste, qu'il a résolu de la confier comme un inestimable dépôt.Devenez donc l'Epoux de celle " dont le Seigneur lui-même a convoité la beauté " (Psalm. XLIV, 12.).
La mort de saint Joseph. Dessin. Jean André. XVIIe.
Le Fils de Dieu vient commencer ici-bas une vie d'homme ; il vient sanctifier la famille, ses liens et ses affections. Votre oreille mortelle l'entendra vous nommer son Père ; vos yeux le verront obéir à vos commandements. Quelles furent, Ô Joseph, les émotions de votre cœur, lorsque, pleinement instruit des grandeurs de votre Epouse et de la divinité de votre Fils adoptif, il vous fallut remplir le rôle de chef, dans cette famille au sein de laquelle le ciel et la terre se réunissaient ! Quel souverain et tendre respect pour Marie, votre Epouse ! Quelle reconnaissance et quelles adorations pour Jésus, votre enfant soumis ! Ô mystère de Nazareth ! Un Dieu habite parmi les hommes, et il souffre d'être appelé le Fils de Joseph !
Daignez, Ô sublime ministre du plus grand de tous les bienfaits, intercéder en notre laveur auprès du Dieu fait homme. Demandez-lui pour nous l'humilité qui vous a fait parvenir à tant de grandeur, et qui sera en nous la base d'une conversion sincère. C'est par l'orgueil que nous avons péché, que nous nous sommes préférés à Dieu ; il nous pardonnera cependant, si nous lui offrons " le sacrifice d'un cœur contrit et humilié " (Psalm. L, 19.). Obtenez-nous cette vertu, sans laquelle il n'est pas de véritable pénitence. Priez aussi, ô Joseph, afin que nous soyons chastes. Sans la pureté du cœur et des sens, nous ne pouvons approcher du Dieu de toute sainteté, qui ne souffre près de lui rien d'impur ni de souillé. Par sa grâce, il veut taire de nos corps des temples de son Saint-Esprit : aidez-nous à nous maintenir à cette élévation, à la rétablir en nous, si nous l'avions perdue.
Saint Joseph. Jean-Baptiste Bérangier. Chambéry. Savoie. XVIIIe.
Enfin, Ô fidèle Epoux de Marie, recommandez-nous à notre Mère. Si elle daigne seulement jeter un regard sur nous en ces jours de réconciliation, nous sommes sauvés : car elle est la Reine de la miséricorde, et Jésus son fils, Jésus qui vous appela son Père, n'attend, pour nous pardonner, pour convertir notre cœur, que le suffrage de sa Mère. Obtenez-le pour nous, Ô Joseph ! Rappelez à Marie Bethléhem, l'Egypte, Nazareth, où son courage s'appuya sur votre dévouement; dites-lui que nous vous aimons, que nous vous honorons aussi : et Marie daignera reconnaître par de nouvelles bontés envers nous les hommages que nous rendons à celui qui lui fut donné par le ciel pour être son protecteur et son appui."
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lundi, 18 mars 2024
18 mars. Saint Cyrille de Jérusalem, évêque de Jérusalem, Docteur de l'Eglise. 386.
Papes : Saint Sylvestre Ier, saint Sirice. Empereurs : Constantin, Licinius, Valentinien II.
Saint Jérôme apparaissant à saint Cyrille de Jérusalem.
Longtemps cependant, la chrétienté latine borna ses hommages envers un si grand Docteur à la mention faite de lui, chaque année, en son martyrologe. Mais voici qu'à l'antique expression de sa reconnaissance pour des services rendus en des temps éloignés déjà de quinze siècles, se joint chez elle aujourd'hui, vis-à-vis de Cyrille, la demande d'une assistance rendue maintenant non moins nécessaire qu'aux premiers âges du christianisme Le baptême, il est vrai, se confère aujourd'hui dès l'enfance ; il met l'homme, par la foi infuse, en possession de la pleine vérité avant que son intelligence ait pu rencontrer le mensonge. Mais trop souvent, de nos jours, l'enfant ne trouve plus près de lui la défense dont ne peut se passer sa faiblesse ; la société moderne a renié Jésus-Christ, et son apostasie la pousse à étouffer, sous l'hypocrite neutralité de prétendues lois, le germe divin dans toute âme baptisée, avant qu'il ait pu fructifier et grandir.
En face de la société comme dans l'individu, le baptême a ses droits cependant ; et nous ne pouvons honorer mieux saint Cyrille, qu'en nous rappelant, au jour de sa fête, ces droits du premier Sacrement au point de vue de l'éducation qu'il réclame pour les baptisés. Durant quinze siècles les nations d'Occident, dont l'édifice social reposait sur la fermeté de la foi romaine, ont maintenu leurs membres dans l'heureuse ignorance de la difficulté qu'éprouve une âme pour s'élever des régions de l'erreur à la pure lumière. Baptisés comme nous à leur entrée dans la vie, et dès lors établis dans le vrai, nos pères avaient sur nous l'avantage de voir la puissance civile défendre en eux, d'accord avec l'Eglise, cette plénitude de la vérité qui formait leur plus grand trésor, en même temps qu'elle était la sauvegarde du monde.
La protection des particuliers est en effet le devoir du prince ou de quiconque, à n'importe quel titre, gouverne les hommes, et la gravité de ce devoir est en raison de l'importance des intérêts à garantir ; mais cette protection n'est-elle pas aussi d'autant plus glorieuse pour le pouvoir, qu'elle s'adresse aux faibles, aux petits de ce monde ? Jamais la majesté de la loi humaine n'apparut mieux que sur les berceaux, où elle garde à l'enfant né d'hier, à l'orphelin sans défense, sa vie, son nom, son patrimoine. Or, l'enfant sorti de la fontaine sacrée possède des avantages qui dépassent tout ce que la noblesse et la fortune des ancêtres, unies à la plus riche nature, auraient pu lui donner. La vie divine réside en lui ; son nom de chrétien le fait l'égal des anges ; son patrimoine est cette plénitude de la vérité dont nous parlions tout à l'heure, c'est-à-dire Dieu même, possédé par la foi ici-bas, en attendant qu'il se découvre à son amour dans le bonheur de l'éternelle vision.
Saint Cyrille de Jérusalem. Francesco Bartolozzi. XVIIIe.
Mais sous l'empire de Valens, il dut de nouveau prendre la route de l'exil, jusqu'à ce que Théodose le Grand eût rendu la paix à l'Eglise et réprimé la cruauté et l'audace des Ariens. Cet empereur reçut Cyrille avec de grands honneurs, comme le très courageux athlète du Christ, et le rendit à son siège. Avec quelle force et quelle sainteté il accomplit les devoirs de son sublime office, c'est ce qui ressort nettement de l'état prospère alors de l'Eglise de Jérusalem, tel que le décrit saint Basile qui, étant venu vénérer les saints lieux, y demeura quelque temps.
Non moins digne d'admiration est ce qui arriva aux Juifs, lorsque, par l'ordre impie de l'empereur Julien, ils voulurent relever le temple que Titus avait renversé. Car il se fit sentir un violent tremblement de terre, et, d'immenses tourbillons de flammes sortant de terre, le feu dévora tous les travaux, de telle sorte que les Juifs et Julien épouvantés durent renoncer à l'entreprise, selon que Cyrille l'avait prédit comme devant arriver infailliblement.
Saint Athanase et saint Cyrille de Jérusalem.
" Ne rougissez pas, disait-il, de la Croix de Jésus-Christ ; imprimez-la sur votre front, afin que les démons, apercevant l'étendard du Roi, s'enfuient en tremblant. Faites ce signe, et quand vous mangez, et quand vous buvez, et quand vous êtes debout ou assis, quand vous vous couchez, quand vous vous levez et quand vous marchez ; en un mot, faites-le dans toutes vos actions."
La gloire de saint Cyrille est d'avoir été l'ami et le défenseur de saint Athanase et du dogme chrétien contre les hérétiques. Trois fois exilé de Jérusalem, dont il était devenu évêque, trois fois rétabli sur son siège, il restera comme l'un des beaux modèles de la fermeté pastorale.
Le Souverain Pontife Léon XIII a ordonné qu'on en célébrât l'Office et la Messe dans l'Eglise universelle.
Saint Augustin et saint Cyrille de Jérusalem.
PRIERE
" Vous avez été, Ô Cyrille, un vrai fils de la lumière (Eph. V, 8.). La Sagesse de Dieu avait dès l'enfance conquis votre amour ; elle vous établit comme le phare éclatant qui brille près du port, et sauve, en l'attirant au rivage, le malheureux ballotté dans la nuit de l'erreur. Au lieu même où s'étaient accomplis les mystères de la rédemption du monde, et dans ce IVe siècle si fécond en docteurs, l'Eglise vous confia la mission de préparer au baptême les heureux transfuges que la victoire récente du christianisme amenait à elle de tous les rangs de la société. Nourri ainsi que vous l'étiez des Ecritures et des enseignements de la Mère commune, la parole s'échappait de vos lèvres, abondante et pure, comme de sa source ; l'histoire nous apprend qu'empêché par les autres charges du saint ministère de consacrer vos soins exclusivement aux catéchumènes, vous dûtes improviser ces vingt-trois admirables discours, vos Catéchèses, où la science du salut se déroule avec une sûreté, une clarté, un ensemble inconnus jusque-là et, depuis lors, jamais surpassés. La science du salut, c'était pour vous, saint Pontife, la connaissance de Dieu et de son Fils Jésus-Christ, contenue dans le symbole de la sainte Eglise ; la préparation au baptême, à la vie, à l'amour, c'était pour vous l'acquisition de cette science unique, seule nécessaire, profonde d'autant plus et gouvernant tout l'homme, non par l'impression d'une vaine sentimentalité, mais sous l'empire de la parole de Dieu reçue comme elle a droit de l'être, méditée jour et nuit, pénétrant assez l'âme pour l'établir à elle seule dans la plénitude de la vérité, la rectitude morale et la haine de l'erreur.
Sûr ainsi de vos auditeurs, vous ne craigniez point de leur dévoiler les arguments et les abominations des sectes ennemies. Il est des temps, des circonstances dont l'appréciation reste aux chefs du troupeau, et où ils doivent passer par-dessus le dégoût qu'inspirent de telles expositions, pour dénoncer le danger et tenir leurs brebis en garde contre les scandales de l'esprit ou des mœurs. C'est pour cela, Ô Cyrille, que vos invectives indignées poursuivaient le manichéisme au fond même de ses antres impurs ; vous pressentiez en lui l'agent principal de ce mystère d'iniquité (II Thess. II, 7.) qui poursuit sa marche ténébreuse et dissolvante à travers les siècles, jusqu'à ce qu'enfin le monde succombe par lui de pourriture et d'orgueil. Manès en nos temps règne au grand jour ; les sociétés occultes qu'il a fondées sont devenues maîtresses. L'ombre des loges continue, il est vrai, de cacher aux profanes son symbolisme sacrilège et les dogmes qu'il apporta de Perse jadis ; mais l'habileté du prince du monde achève de concentrer dans les mains de ce fidèle allié toutes les forces sociales. Dès maintenant, le pouvoir est à lui ; et le premier, l'unique usage qu'il en fasse, est de poursuivre l'Eglise en haine du Christ. Voici qu'à cette heure il s'attaque à la fécondité de l'Epouse du Fils de Dieu, en lui déniant le droit d'enseigner qu'elle a reçu de son divin Chef ; les enfants mêmes qu'elle a engendrés, qui déjà sont à elle par le droit du baptême, on prétend les lui arracher de vive force et l'empêcher de présider à leur éducation.
Ô saint Cyrille, vous qu'elle appelle à son secours en ces temps malheureux, ne faites pas défaut à sa confiance. Vous compreniez si pleinement les exigences du sacrement qui fait les chrétiens ! Protégez le saint baptême en tant d'âmes innocentes où l'on veut l'étouffer. Soutenez, réveillez au besoin, la foi des parents chrétiens ; qu'ils comprennent que si leur devoir est de couvrir leurs enfants de leur propre corps plutôt que de les laisser livrer aux bêtes, l'âme de ces chers enfants est plus précieuse encore. Déjà plusieurs, et c'est la grande consolation de l'Eglise en même temps que l'espoir de la société battue en brèche de toutes parts, plusieurs ont compris la conduite qui s'imposait a mute âme généreuse en de telles circonstances : s'inspirant de leur seule conscience, et forts de leur droit de pères de famille, ils subiront la violence de nos gouvernements de force brutale, plutôt que de céder d'un pas aux caprices d'une réglementation d'Etat païen aussi absurde qu'odieuse. Bénissez-les, Ô Cyrille ; augmentez leur nombre. Bénissez également, multipliez, soutenez, éclairez les fidèles qui se dévouent à la tâche d'instruire et de sauver les pauvres enfants que trahit le pouvoir ; est-il une mission plus urgente que celle des catéchistes, en nos jours ? En est-il qui puisse vous aller plus au cœur ?
La sainte Eglise nous rappelait, tout à l'heure, l'apparition de la Croix qui vînt marquer les débuts de votre épiscopat glorieux. Notre siècle incrédule a été, lui aussi, favorisé d'un prodige semblable, lorsque, à Migné, au diocèse d'Hilaire, votre contemporain et votre émule dans la lutte pour le Fils de Dieu, le signe du salut parut au ciel, resplendissant de lumière, à la vue de milliers de personnes. Mais l'apparition du 7 mai 351 annonçait le triomphe : ce triomphe que vous aviez prévu sans nul doute pour la sainte Croix, lorsque sous vos yeux, quelques années plus tôt, Hélène retrouvait le bois rédempteur; ce triomphe qu'en mourant vous laissiez affermi par le dernier accomplissement des prophéties sur le temple juif. L'apparition du 17 décembre 1826 n'aurait-elle, hélas ! Annonce que défaites et ruines ? Confiants dans votre secours si opportun, nous voulons espérer mieux, saint Pontife ; nous nous souvenons que ce triomphe de la Croix dont vous fûtes le témoin heureux, a été le fruit des souffrances de l'Eglise, et que vous dûtes l'acheter pour votre part au prix de trois dépositions de votre siège et de vingt ans d'exil. La Croix, dont le Cycle sacré nous ramène les grands anniversaires, la Croix n'est point vaincue, mais grandement triomphante au contraire, dans le martyre de ses fidèles et leurs épreuves patiemment supportées ; c'est victorieuse à jamais qu'elle apparaîtra sur les ruines du monde, au dernier jour."
- On trouvera une notice très complète sur notre Saint dans les Petits Bollandistes : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k30733g
- On trouvera les Catéchèses de saint Cyrille de Jérusalem ainsi que les cinq Mystagogiques et quelques autres monuments dans le tome I de la Patrologie de M. l'abbé Migne établie par M. l'abbé Sevestre (pp. 1183 à 1205) : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k209868f.pagination
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dimanche, 17 mars 2024
Le dimanche de la Passion.
- Le dimanche de la Passion.
Notre Seigneur Jésus-Christ s'adressant aux Juifs.
Graduel à l'usage de l'abbaye Notre-Dame de Fontevrault. XIIIe.
Durant les semaines qui ont précédé, nous avons vu monter chaque jour la malice des ennemis du Sauveur. Sa présence, sa vue même les irrite, et l'on sent que cette haine concentrée n'attend que le moment d'éclater. La bonté, la douceur de Jésus continuent d'attirer à lui les âmes simples et droites ; en même temps que l'humilité de sa vie et l'inflexible pureté de sa doctrine repoussent de plus en plus le Poldève superbe qui rêve un Messie conquérant, et le pharisien qui ne craint pas d'altérer la loi de Dieu, pour en faire l'instrument de ses passions.
Cependant Jésus continue le cours de ses miracles ; ses discours sont empreints d'une énergie nouvelle ; ses prophéties menacent la ville et ce temple fameux dont il ne doit pas rester pierre sur pierre. Les docteurs de la loi devraient du moins réfléchir, examiner ces œuvres merveilleuses qui rendent un si éclatant témoignage au fils de David, et relire tant d'oracles divins accomplis en lui jusqu'à cette heure avec la plus complète fidélité.
Hélas ! Ces prophétiques oracles, ils s'apprêtent à les accomplir eux-mêmes jusqu'au dernier iota. David et Isaïe n'ont pas prédit un trait des humiliations et des douleurs du Messie que ces hommes aveugles ne s'empresseront de réaliser.
En eux s'accomplit donc cette terrible parole : " Celui qui aura blasphémé contre le Saint-Esprit, il ne lui sera pardonné ni dans ce siècle, ni dans le siècle futur " (Matth. XII, 32.).
La synagogue court à la malédiction. Obstinée dans son erreur, elle ne veut rien écouter, rien voir ; elle a faussé à plaisir son jugement : elle a éteint en elle la lumière de l'Esprit-Saint ; et on la verra descendre tous les degrés de l'aberration jusqu'à l'abîme. Lamentable spectacle que l'on retrouve encore trop souvent de nos jours, chez ces pécheurs qui, à force de résister à la lumière de Dieu, finissent par trouver un affreux repos dans les ténèbres !
Et ne soyons pas étonnés de rencontrer en d'autres hommes les traits que nous observons dans les coupables auteurs de l'effroyable drame qui va s'accomplir à Jérusalem. L'histoire de la Passion du Fils de Dieu nous fournira plus d'une leçon sur les tristes secrets du cœur humain et de ses passions. Il n'en saurait être autrement : car ce qui se passe à Jérusalem se renouvelle dans le cœur de l'homme pécheur. Ce cœur est un Calvaire sur lequel, selon l'expression de l'Apôtre, Jésus-Christ est trop souvent crucifié. Même ingratitude, même aveuglement, même fureur ; avec cette différence que le pécheur, quand il est éclairé des lumières de la foi, connaît celui qu'il crucifie, tandis que les Juifs, comme le dit encore saint Paul, ne connaissaient pas comme nous ce Roi de gloire (I Cor II, 8.) que nous attachons à la croix. En suivant les récits évangéliques qui vont, jour par jour, être mis sous nos yeux, que notre indignation contre les Juifs se tourne donc aussi contre nous-mêmes et contre nos péchés. Pleurons sur les douleurs de notre victime, nous dent les fautes ont rendu nécessaire un tel sacrifice.
Notre Seigneur Jésus-Christ s'adressant aux Juifs.
Roman de Dieu et de sa Mère. Hermann de Valenciennes. XVe.
En ce moment, tout nous convie au deuil. Sur l'autel, la croix elle-même a disparu sous un voile sombre; les images des Saints sont couvertes de linceuls ; l'Eglise est dans l'attente du plus grand des malheurs. Ce n'est plus de la pénitence de l’Homme-Dieu qu'elle nous entretient ; elle tremble à la pensée des périls dont il est environné. Nous allons lire tout à l'heure dans l'Evangile que le Fils de Dieu a été sur le point d'être lapidé comme un blasphémateur ; mais son heure n'était pas venue encore. Il a dû fuir et se cacher. C'est pour exprimer à nos yeux cette humiliation inouïe du Fils de Dieu que l'Eglise a voilé la croix. Un Dieu qui se cache pour éviter la colère des hommes ! Quel affreux renversement ! Est-ce faiblesse, ou crainte de la mort ? La pensée en serait un blasphème ; bientôt nous le verrons aller au-devant de ses ennemis.
En ce moment, il se soustrait à la rage des Juifs, parce que tout ce qui a été prédit de lui ne s’est pas encore accompli. D'ailleurs ce n'est pas sous les coups de pierres qu'il doit expirer ; c'est sur l'arbre de malédiction, qui deviendra dès lors l'arbre de vie. Humilions-nous, en voyant le Créateur du ciel et de la terre réduit à se dérober aux regards des hommes, pour échapper à leur fureur. Pensons à cette lamentable journée du premier crime, où Adam et Eve, coupables, se cachaient aussi, parce qu'ils se sentaient nus. Jésus est venu pour leur rendre l'assurance par le pardon : et voici qu'il se cache lui-même ; non parce qu'il est nu, lui qui est pour ses saints le vêtement de sainteté et d'immortalité ; mais parce qu'il s'est rendu faible, afin de nous rendre notre force. Nos premiers parents cherchaient à se soustraire aux regards de Dieu ; Jésus se cache aux yeux des hommes ; mais il n'en sera pas toujours ainsi. Le jour viendra où les pécheurs, devant qui il semble fuir aujourd'hui, imploreront les rochers et les montagnes, les suppliant de tomber sur eux et de les dérober à sa vue ; mais leur vœu sera stérile, et " ils verront le Fils de l'homme assis sur les nuées du ciel, dans une puissante et souveraine majesté " (Matth. XXIV, 30.).
Ce dimanche est appelé Dimanche de la Passion, parce que l'Eglise commence aujourd'hui à s'occuper spécialement des souffrances du Rédempteur. On le nomme aussi Dimanche Judica, du premier mot de l'Introït de la messe ; enfin Dimanche de la Néoménie, c'est-à-dire de la nouvelle lune pascale, parce qu'il tombe toujours après la nouvelle lune qui sert à fixer la fête de Pâques.
Dans l'Eglise grecque, ce Dimanche n'a pas d'autre nom que celui de cinquième Dimanche des saints jeûnes.
A LA MESSE
A Rome, la Station est dans la Basilique de Saint-Pierre. L'importance de ce Dimanche, qui ne cède la place à aucune fête, quelque solennelle qu'elle soit, demandait que la réunion des fidèles eût lieu dans l'un des plus augustes sanctuaires de la ville sainte.
CONTRE LES PERSÉCUTEURS DE L'ÉGLISE
" Daignez, Seigneur, vous laisser fléchir par les prières de votre Eglise, afin que toutes les adversités et toutes les erreurs ayant disparu, elle puisse vous servir dans une paisible liberté."
OU POUR LE PAPE
Nous donnons ici cette prière (ainsi que les deux autres que l’Eglise dit à la messe de ce jour à l’Offertoire et après la communion) à titre documentaire. La vacance du siège de Pierre – Ô Seigneur ! Votre humble troupeau Vous supplie d’y remédier – ne permet guère d’autre prière que celle qui consiste à crier au ciel que Notre Père des Cieux, par Notre Dame, saint Michel Archange, les saints Apôtres Pierre et Paul et saint Jean-Baptiste, daigne rétablir pleinement son Eglise.
" Ô Dieu, qui êtes le Pasteur et le Conducteur de tous les fidèles, regardez d'un œil propice votre serviteur N., que vous avez mis à la tête de votre Eglise en qualité de Pasteur ; donnez-lui, nous vous en supplions, d'être utile par ses paroles et son exemple à ceux qui sont sous sa conduite, afin qu'il puisse parvenir à la vie éternelle avec le troupeau qui lui a été confie. Par Jésus-Christ notre Seigneur.
Amen."
Notre Seigneur Jésus-Christ s'adressant aux Juifs.
Summa aurea. Henricus de Segusia. XIVe.
EPÎTRE
Lecture de l'Epître de saint Paul, Apôtre, aux Hébreux. Chap. IX.
" Mes Frères, Jésus-Christ, le Pontife des biens futurs, étant venu à paraître, est entré une fois dans le sanctuaire par un tabernacle plus grand et plus parfait, qui n'a point été fait de main d'homme, c'est-à-dire qui n'a point été formé par la voie commune et ordinaire. Il est entré une fois dans le Saint des Saints, non avec le sang des boucs et des taureaux, mais avec son propre sang ; nous ayant acquis une rédemption éternelle ; car si le sang des boucs et des taureaux, et l'aspersion de l'eau mêlée avec la cendre d'une génisse, sanctifient ceux qui ont été souillés, et leur donnent une pureté extérieure et charnelle ; combien plus le sang du Christ qui par l'Esprit-Saint s'est offert lui-même à Dieu comme une victime sans tache, purifiera-t-il notre conscience de ses œuvres mortes, pour nous rendre capables de servir le Dieu vivant ? Et c'est pourquoi il est le médiateur du Testament nouveau, afin que, par la mort qu'il a subie pour racheter les prévarications commises sous le premier Testament, ceux qui y sont appelés reçoivent l'héritage éternel, en Jésus-Christ notre Seigneur."
C'est seulement par le sang que l'homme peut être racheté. La majesté divine offensée ne s'apaisera que par l'extermination de la créature rebelle qui, par son sang épanché à terre avec sa vie, rendra témoignage de son repentir et de son abaissement extrême devant celui contre lequel elle s'est révoltée. Autrement la justice de Dieu se compensera par le supplice éternel du pécheur. Tous les peuples l'ont compris, depuis le sang des agneaux d'Abel jusqu'à celui qui coulait à flots dans les hécatombes de la Grèce, et dans les innombrables immolations par lesquelles Salomon inaugura la dédicace de son temple.
Cependant Dieu dit :
" Ecoute, Israël, je suis ton Dieu. Je ne te ferai pas de reproches sur tes sacrifices : tes holocaustes s'accomplissent fidèlement devant moi ; mais je n'ai pas besoin de tes boucs ni de tes génisses. Toutes ces bêtes ne sont-elles pas à moi ? Si j'avais faim, je n'aurais pas besoin de te le dire : l'univers est à moi, et tout ce qu'il renferme. Est-ce que la chair des taureaux est ma nourriture ? Est-ce que le sang des boucs est un breuvage pour moi ?" (Psalm. XLIX.).
Ainsi Dieu commande les sacrifices sanglants, et il déclare qu'ils ne sont rien à ses yeux. Y a-t-il contradiction ? Non : Dieu veut à la fois que l'homme comprenne qu'il ne peut être racheté que par le sang, et que le sang des animaux est trop grossier pour opérer ce rachat. Sera-ce le sang de l'homme qui apaisera la divine justice ? Non encore : le sang de l'homme est impur et souillé ; d'ailleurs, fût-il pur, il est impuissant à compenser l'outrage fait à un Dieu. Il faut le sang d'un Dieu ; et Jésus s'apprête à répandre tout le sien.
En lui va s'accomplir la plus grande figure de l'ancienne loi. Une fois l'année, le grand-prêtre entrait dans le Saint des Saints, afin d'intercéder pour le peuple. Il pénétrait derrière le voile, en lace de l'Arche sainte ; mais cette redoutable faveur ne lui était accordée qu'à la condition qu'il n'entrerait dans cet asile sacré qu'en portant dans ses mains le sang de la victime qu'il venait d'immoler.
En ces jours, le Fils de Dieu, Grand-Prêtre par excellence, va faire son entrée dans le ciel, et nous y pénétrerons après lui ; mais il faut pour cela qu'il se présente avec du sang, et ce sang ne peut être autre que le sien. Nous allons le voir accomplir cette prescription divine. Ouvrons donc nos âmes, afin que ce sang " les purifie des œuvres mortes, comme vient de nous dire l'Apôtre, et que nous servions désormais le Dieu vivant ".
EVANGILE
La suite du saint Evangile selon saint Jean. Chap. VIII :
" En ce temps-là, Jésus disait à la foule des Juifs :
" Qui de vous me convaincra de péché ? Si je vous dis la vérité, pourquoi ne me croyez-vous pas ? Celui qui est de Dieu, écoute la parole de Dieu. Vous ne l'écoutez point, parce que vous n'êtes pas de Dieu."
Les Juifs lui dirent :
" N'avons-nous pas raison de dire que vous êtes un Samaritain, et que vous êtes possédé du démon ?"
Jésus répondit :
" Je ne suis point possédé du démon ; mais j'honore mon Père, et vous me déshonorez. Pour moi, je ne cherche pas ma gloire ; il est un autre qui la cherchera et qui jugera. En vérité, en vérité, je vous le dis : Si quelqu'un garde ma parole, il ne verra jamais la mort."
Les Juifs lui dirent donc :
" Maintenant nous voyons bien que le démon est en vous. Abraham est mort, et les Prophètes aussi ; et vous dites : " Si quelqu'un garde ma parole, il ne verra jamais la mort ". Etes-vous donc plus grand que notre père Abraham, qui est mort, et que les Prophètes qui aussi sont morts ? Que prétendez-vous être ?"
Jésus répondit :
" Si je me glorifie moi-même, ma gloire n'est rien ; c'est mon Père qui me glorifie. Vous dites qu'il est votre Dieu, et vous ne le connaissez pas ; mais moi je le connais. Et si je disais que je ne le connais pas, je serais comme vous un menteur. Mais je le connais et je garde sa parole. Abraham votre père a désiré ardemment de voir mon jour : il l'a vu, et il en a été comblé de joie."
Les Juifs lui dirent :
" Vous n'avez pas encore cinquante ans, et vous avez vu Abraham ?"
Jésus leur dit :
" En vérité, en vérité, je vous le dis : avant qu'Abraham fût créé, je suis."
Alors ils prirent des pierres pour les lui jeter ; mais Jésus se cacha, et sortit du temple."
On le voit, la fureur des Juifs est au comble, et Jésus est réduit à fuir devant eux. Bientôt ils le feront mourir ; mais que leur sort est différent du sien ! Par obéissance aux décrets de son Père céleste, par amour pour les hommes, il se livrera entre leurs mains, et ils le mettront à mort ; mais il sortira victorieux du tombeau, il montera aux cieux, et il ira s'asseoir à la droite de son Père.
Eux, au contraire, après avoir assouvi leur rage, ils s'endormiront sans remords jusqu'au terrible réveil qui leur est préparé. On sent que la réprobation de ces hommes est sans retour. Voyez avec quelle sévérité le Sauveur leur parle :
" Vous n'écoutez pas la parole de Dieu, parce que vous n'êtes pas de Dieu."
Cependant il fut un temps où ils étaient de Dieu : car le Seigneur donne sa grâce à tous ; mais ils ont rendu inutile cette grâce ; ils s'agitent dans les ténèbres, et ils ne verront plus la lumière qu'ils ont refusée.
" Vous dites que le Père est votre Dieu ; mais vous ne le connaissez même pas."
A force de méconnaître le Messie, la synagogue en est venue à ne plus connaître même le Dieu unique et souverain dont le culte la rend si chère ; en effet, si elle connaissait le Père, elle ne repousserait pas le Fils. Moïse, les Psaumes, les Prophètes sont pour elle lettre close, et ces livres divins vont bientôt passer entre les mains des gentils, qui sauront les lire et les comprendre.
" Si je disais que je ne connais pas le Père, je serais comme vous un menteur."
A la dureté du langage de Jésus, on sent déjà la colère du juge qui descendra au dernier jour pour briser contre terre la tête des pécheurs. Jérusalem n'a pas connu le temps de sa visite ; le Fils de Dieu est venu à elle, et elle ose dire qu'il est " possédé du démon ". Elle dit en face au Fils de Dieu, au Verbe éternel qui prouve sa divine origine par les plus éclatants prodiges, qu'Abraham et les Prophètes sont plus que lui. Etrange aveuglement qui procède de l'orgueil et de la dureté du coeur !
La Pâque est proche ; ces hommes mangeront religieusement l'agneau figuratif ; ils savent que cet agneau est un symbole qui doit se réaliser. L'Agneau véritable sera immolé par leurs mains sacrilèges, et ils ne le reconnaîtront pas. Son sang répandu pour eux ne les sauvera pas. Leur malheur nous fait penser à tant de pécheurs endurcis pour lesquels la Pâque de cette année sera aussi stérile de conversion que celle des années précédentes ; redoublons nos prières pour eux, et demandons que le sang divin qu'ils foulent aux pieds ne crie pas contre eux devant le trône du Père céleste.
CONTRE LES PERSÉCUTEURS DE L’ÉGLISE
" Protégez-nous, Seigneur, nous qui célébrons vos mystères, afin que, nous attachant aux choses divines, nous vous servions dans le corps et dans l'âme. Par Jésus-Christ notre Seigneur.
Amen."
OU POUR LE PAPE (voir suppra)
" Laissez-vous fléchir, Seigneur, par l'offrande de ces dons, et daignez gouverner par votre continuelle protection votre serviteur N., que vous avez voulu établir Pasteur de votre Eglise. Par Jésus-Christ notre Seigneur.
Amen."
CONTRE LES PERSÉCUTEURS DE L'ÉGLISE
" Nous vous supplions, Seigneur notre Dieu, de ne pas laisser exposés aux périls de la part des hommes, ceux à qui vous accordez de participer aux mystères divins."
OU POUR LE PAPE (voir suppra)
" Que la réception de ce divin Sacrement nous protège, Seigneur ; qu'elle sauve aussi et fortifie à jamais, avec le troupeau qui lui est confié, votre serviteur N., que vous avez établi Pasteur de votre Eglise. Par Jésus-Christ notre Seigneur."
HYMNE (aux Vêpres)
" Elle attire nos regards, la Croix bénie, sur laquelle le Sauveur fut suspendu par sa chair ; sur laquelle il lava nos blessures dans son sang.
C'est par elle que l'Agneau sacré, douce victime, dans son amour pour nous, a arraché les brebis de la gueule du loup.
C'est sur elle que, ayant les mains clouées, il a racheté le monde de sa perte, et, en mourant, fermé ses voies à la mort.
Sur elle fut traversée d'un clou sanglant cette main qui arracha Paul à ses crimes, et sauva Pierre du trépas.
Doux et noble bois, qu'elle est riche, ta fécondité, quand tu portes sur tes rameaux un fruit si nouveau !
A l'odeur merveilleuse que tu répands, les corps morts se lèvent de leurs tombeaux, et ceux qui ne voyaient plus la lumière reviennent a la vie.
Sous le feuillage de cet arbre, on ne sent plus les ardeurs dévorantes, ni la lune pendant la nuit, ni le soleil dans son midi brûlant.
Dans ton éclat tu t'élèves au bord des eaux ; c'est là que tu étales ta verdure embellie de fleurs nouvelles.
A tes branches est suspendue la vigne qui donne un vin si doux, dans le sang vermeil du Christ."
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17 mars. Saint Patrick, apôtre de l'Irlande. 464.
- Saint Patrick, apôtre de l'Irlande. 464.
Papes : Saint Damase, saint Célestin Ier, saint Léon le Grand, saint Hilaire. Rois d'Irlande : Lóegaire Mac Neill ; Oilioll Molt Mac Dathí.
" J'enverrai les héraut de ma parole en Grèce, en Italie et jusque dans les îles les plus reculées, vers ceux qui n'ont pas entendu parler de moi et n'ont pas vu ma gloire."
Isaïe. LXVI, 19.
" Je suis Patrick, pécheur, très peu instruit, le moindre de tous les fidèles et extrêmement méprisé par beaucoup."
" Et j'allais par la Force de Dieu qui dirigeait bien ma voie."
Confession de saint Patrick.
Saint Patrick devant le purgatoire.
Nous donnons ici des éléments sur saint Patrick paraphrasés de " l'Hymne de Saint Patrick " par saint Fiacc. Saint Fiacc, commémoré le 12 octobre, fut barde avant que saint Patrick ne le fît évêque.
Saint Patrick naquit à la fin du IVe siècle. Son père était Calpurnius, un Breton et un diacre ; sa mère, Concess, était Franque et de la proche parenté de saint Martin de Tours. A l'âge de 16 ans, Patrick et nombre d'autres furent enlevés dans la propriété familiale près de Bannavem Taburniae (certains disent que c'était dans l'ouest de la Grande-Bretagne, d'autres disent que c'était en Bretagne), par sept revanchards, des fils exilés d'un roi des Bretons. Ceci eut lieu après que Rome eut exigé que tous les soldats Britanniques sous l'autorité Romaine viennent à Rome pour défendre la ville contre les barbares, abandonnant la Grande-Bretagne sans armée ni police, comme le rapporte saint Bède. Nombre d'actes de violence et d'extorsions eurent lieu à cette époque, ce que saint Bède appelle une terrible honte pour la Grande-Bretagne, un pays qui avait été longtemps Chrétien.
Le père de Patrick fut tué ; sa soeur disparut. Patrick fut vendu comme esclave en Irlande. Sa vie se transforma de l'insouciance de la jeunesse en une leçon pour nous tous. Il fut un esclave, mais obéit à son maître. Il ne parlait pas avant qu'on ne le lui eût permis.
C'est par des miracles que s'accomplit l'évasion de saint Patrick hors de l'esclavage. Il fut visité en songe par un Ange de la forme d'un oiseau, Victor, le conquérant, qui lui arrangea une fuite miraculeuse. Patrick dit qu'il avait besoin de la permission de son maître pour rentrer chez lui, mais son maître exigea une rançon d'or aussi grosse que sa tête. L'Ange dit à Patrick de suivre un sanglier. En fouinant, le sanglier lui sortit l'or dont il avait besoin comme rançon. L'Ange l'emmena à la côte maritime à 60 miles de là en une seule journée, à la rencontre d'un navire, mais au lieu de cela, le seigneur du port vendit Patrick aux autres. Et là, le paiement de la trahison, une douzaine de chaudrons en cuivre, tourmenta le traître et sa famille. Pendant qu'ils admiraient les chaudrons, leurs mains s'attachèrent au métal. Le seigneur du port se repentit, et fut pardonné par Patrick. Il se convertit à la volonté de Dieu, racheta Patrick des esclavagistes, et renvoya Patrick à la maison. Plus tard, il fut baptisé par Patrick, après le retour du saint. Patrick avait été esclave 6 ans durant.
Saint Patrick avait fait un rêve lui disant qu'il devrait prêcher l'Evangile aux Irlandais, mais Victor lui dit de chercher à être éduqué d'abord. Il trouva sa formation auprès de saint Germain d'Auxerre, qui vivait dans la partie sud des Gaules qui était proche de la Mer Méditerranée.
La ville de Saint-Patrick près de Tours affirme qu'elle fut visitée par saint Patrick au milieu de l'hiver. Il était épuisé et frigorifié, et l'aubépinier couvert de givre sous lequel il dormait se mit à fleurir, se couvrant de douces et chaudes fleurs au dessus de lui. En décembre, chaque année, jusqu'à ce que l'arbre soit détruit, les " Fleurs de saint Patrick " y fleurissaient. Les archéologues Français et sociétés d'agriculture ont attesté la vérité de ce phénomène jusqu'à ce siècle.
Saint Germain emmena son élève vers la Grande-Bretagne pour sauver ce pays des erreurs du Pélagianisme. Rappelons que l'erreur du Pélagianisme est la croyance qu'on pourrait atteindre le Salut à travers nos propres efforts sans l'aide de Dieu, comme si l'image de Dieu en nous était complètement séparée de l'aide de l'Esprit Saint, la grâce du Dieu vivant. Cette hérésie se retrouve de nos jours en confondant l'Esprit Saint avec les caprices ou les émotions de la foule ; zeitgeist au lieu d'Esprit Saint.
Saint Fiacc note que Patrick travailla en Grande-Bretagne sous saint Germain afin de montrer l'avancement de sa capacité à diriger saintement, mais saint Patrick, dans sa Confession, ne le mentionne pas, peut-être parce que le centre d'intérêt de l'oeuvre de sa vie se trouvait en Irlande. Saint Germain, avec un groupe de prêtres dont Patrick, voyagea à travers la Grande-Bretagne pour convaincre les gens de se tourner vers Dieu, rejetant les faux prêtres Pélagiens en les reconnaissant comme des serpents. Saint Bède rapporte cela dans son Histoire Ecclésiastique du Peuple Anglais que cela fut réalisé en accomplissant de grands miracles de guérison. Saint Patrick suggéra de jeûner pour détourner une ville de son hérésie, mais elle ne s'en détourna pas, et durant les offices nocturnes de la 3e nuit, la terre avala la ville.
Plus tard, l'endroit où saint Germain et saint Patrick avaient jeûné avec leur groupe deviendra le lieu où les clercs viendront pour jeûner. Patrick, qui obéissait à la volonté de Dieu, défendit la révérence envers la grâce de Dieu qui est nécessaire pour le Salut.
Saint Patrick et le roi Laoghaire.
Saint Patrick expliqua à saint Germain qu'il avait souvent entendu la voix des enfants Irlandais l'appelant :
" Viens, saint Patrick et fais que nous soyons sauvés."
Saint Germain dit que Patrick aurait à aller à Rome auprès du pape Célestin (évêque de Rome de 422 à 432), pour être consacré, qu'il devait en être ainsi. Mais un autre avait été envoyé pour être évêque d'Irlande avant lui (l'évêque Pallade), et saint Patrick eut à attendre. L'évêque Pallade commença ses missions, mais il ne vécut pas longtemps.
Saint Patrick partit pour l'île d'Alanensis sur la mer Méditerranée, dans le district de Lérins, appelé Saint-Honorat, près de Cannes en France. Il y alla pour prier, et reçut le propre bâton de Jésus-CHrist sur le Mont Arnum pour le soutenir. Une pierre gravée sur le côté du monastère principal sur l'île rapporte que saint Patrick, Apôtre de l'Irlande, vint là au Ve siècle pour y étudier les sciences sacrées en préparation de sa mission en Irlande. Le bâton de Jésus-Christ fut brûlé publiquement à Dublin en 1548 durant le règne du roi Henri VIII d'Angleterre. En 432, saint Patrick revint auprès de saint Germain, lui rapportant sa vision et le bâton. Saint Patrick avait alors la soixantaine.
Il fut envoyé au pape Célestin, qui avait entendu dire que Pallade était mort. Le principal consécrateur de saint Patrick fut l'évêque Amateur d'Autissiodorens. Le pape Célestin ne vécut que 6 semaines après la consécration de Patrick, puis reçut Sixte III (432-440) comme successeur. Célestin donna à saint Patrick des reliques et nombre de livres.
En 432, Pâques coïncida avec la fête païenne des Druides. Il était interdit d'allumer un feu autre que l'illumination du nouveau feu païen. Mais saint Patrick alluma la flamme Pascale le premier. La tradition rapporte qu'on avertit le roi Laoghaire que si ce feu n'était pas éteint, jamais on n'arriverait à l'éteindre en Eirin.
Le roi invita l'évêque Patrick à Tara le lendemain. Patrick était occupé à réciter sa prière du Bouclier, " Le cri du daim ", pendant qu'il était en chemin de Slane à Tara le Dimanche Pascal. Le roi Laoghaire avait stationné des soldats au long du chemin, afin d'intercepter Patrick avant qu'il n'arrive à Tara. La Vie Tripartie dit :
" Saint Patrick partit avec huit jeunes clercs et saint Benen (9 novembre) comme accompagnateur aidant, et saint Patrick leur donna sa bénédiction avant le départ. Une profonde obscurité les enveloppa, de sorte qu'on ne put en voir aucun. Au même moment, l'ennemi qui les attendait en embuscade vit huit daims passer devant, suivis par un faon qui portait un colis sur son dos. C'était saint Patrick et ses huit compagnons, et saint Benen derrière avec ses tablettes sur son dos."
La Vie Tripartite est un livre du VIIIe siècle, en 3 parties, qui devait être lu durant les 3 jours de la célébration du Jour de Saint Patrick.
Statue de saint Patrick à Tara. Irlande.
Avant l'époque de saint Patrick, les devins (Druides) avaient prédit qu'une " tête d'hermine " viendrait sur la mer déchaînée (chevelure blanche), portant un manteau ouvert pour laisser passer la tête (et non pas comme les vêtements enveloppant les Druides), son bâton avec une tête recourbée (Le bâton pastoral des pasteurs de Jésus-Christ et non pas tout droit comme la canne des Druides), sa table dans la partie antérieur de sa maison (un autel), et toute sa maisonnée (l'Eglise) répondrait toujours " Amen, Amen !". Ils dirent au roi qu'ils ne lui cacheraient pas la vérité, que la postérité de cet homme demeurerait jusqu'au Jour du Jugement, parce qu'il est le héraut du Prince de la Paix.
Saint Patrick fut appelé par le Seigneur et partit pour l'Irlande. Il enseigna que la Trinité était toujours avec nous pour nous soutenir, même quand tout autour n'était que misère. Il savait tout à l'avance. Il enseigna que Dieu nous aime, malgré les déferlements de violence du monde.
Saint Patrick s'appliqua à la tâche jusqu'à sa mort. Il chassa l'iniquité. Il prêcha, il baptisa, il pria, il loua constamment Dieu avec les Psaumes, il chantait 100 Psaumes chaque nuit, il dormait sur une dalle de pierre nue avec une couverture humide sur lui, et son oreiller était une pierre. Il prêcha 30 ans durant, compte tenu des années avant sa consécration comme évêque, quand il était prêtre sous saint Germain. Saint Secundinus rapporte dans son Hymne que saint Patrick portait les stigmates du Christ dans sa chair de juste.
Saint Patrick devant le purgatoire.
Le peuple d'Irlande adorait les " si-de " (esprits). Ils ne croyaient pas dans la véritable Divinité de la vraie Trinité. Mais quand saint Patrick eut terminé, toute l'Irlande croyait dans la Sainte Trinité, croyait en Jésus-Christ, ne suivant plus les esprits de la nature, et la court de Tara fut remplacée par la court du Christ à Armagh. Dans sa Confession (voir la notice reproduisant ce testament que notre saint écrivit à la fin de sa vie), saint Patrick dit qu'il était le débiteur de Dieu pour la grande grâce d'avoir pu baptiser tant de milliers de gens, pour tous ces gens nés de nouveau en Dieu puis confirmés, et pour ces clercs ordonnés pour eux un peu partout. " Ne voulant pas ennuyer ses lecteurs ", saint Patrick ne donne que peu de détails sur les persécutions endurées, jusque dans les fers, les dangers dans sa vie, et nombre de complots contre lui. Par exemple, saint Odran (19 février), conducteur de chariot pour Patrick, fut avertit d'un danger imminent et prétendit se sentir mal, ce qui fit que Patrick prit les rennes du chariot, et Odran à la place d'honneur fut tué par la lance qui était destinée à Patrick.
Quand Saint Patrick tomba malade, il décida de partit pour Armagh. Il fut visité par un Ange, qui l'emmena voir Victor, et Victor, parlant de lui hors d'un buisson en feu, dit :
" Primauté pour Armagh ; au Christ rendre grâce. Bientôt au Ciel tu iras. Tes prières ont été exaucées : l'hymne que tu as choisie durant ta vie sera une cuirasse pour tous. Ceux d'Irlande qui sont avec toi, au jour du Jugement seront à tes côtés."
Concernant le clergé, saint Tassach (14 avril) demeura avec lui et lui donna la Communion. Saint Fiacc rappelle Joshua : si le soleil pouvait demeurer immobile dans le ciel pour la mort du maudit, à plus forte raison, pour la clarté, il sera approprié de briller à la mort des saints. Les clercs d'Irlande vinrent par toutes les routes pour veiller saint Patrick ; le son du chant (des Anges) les vit se prosterner. Ils dirent que l'endroit était envahit d'oiseaux chantants : comme Victor était apparu sous la forme d'un oiseau, ils pensèrent que les Anges ailés étaient des oiseaux. L'âme de saint Patrick s'était séparée de son corps après les souffrances. Les Anges de Dieu veillèrent dessus la première nuit, sans discontinuer.
Quand il partit, il alla vers l'autre saint Patrick (de Glastonbury, appelé Patrick l'Ancien, 24 août), parce que Patrick, fils de Calpurnius, avait promis à Patrick l'Ancien qu'il partiraient ensemble au Ciel. On dit que du 18 mars jusqu'au 23 août, jusqu'à la fin du premier mois d'automne, saint Patrick était avec les Anges à attendre le vieux Patrick, et ensemble ils s'élevèrent vers Jésus, le Fils de Marie.
Saint Fiacc a donné de notre saint ce bel hommage :
" Saint Patrick, sans faire preuve de vaine gloire, méditait bien et bon. Etre au service du Fils de Marie, telle était la pieuse circonstance pour laquelle il était né."
PRIERE
" Votre vie, Ô Patrice, s'est écoulée dans les pénibles travaux de l'Apostolat ; mais qu'elle a été belle, la moisson que vos mains ont semée, et qu'ont arrosée vos sueurs ! Aucune fatigue ne vous a coûté, parce qu'il s'agissait de procurer à des hommes le précieux don de la foi ; et le peuple à qui vous l'avez confié l'a gardé avec une fidélité qui fera à jamais votre gloire. Daignez prier pour nous, afin que cette foi, " sans laquelle l'homme ne peut plaire à Dieu " (Heb. XI, 6.), s'empare pour jamais de nos esprits et de nos cœurs. " C'est de la foi que le juste vit " (Habac. II, 4.), nous dit le Prophète ; et c'est elle qui, durant ces saints jours, nous révèle les justices du Seigneur et ses miséricordes, afin que nos cœurs se convertissent et offrent au Dieu de majesté l'hommage du repentir. C'est parce que notre foi était languissante, que notre faiblesse s'effrayait des devoirs que nous impose l'Eglise. Si la foi domine nos pensées, nous serons aisément pénitents. Votre vie si pure, si pleine de bonnes œuvres, fut cependant une vie mortifiée ; aidez-nous à suivre de loin vos traces.
Image commémorative des 1500 ans de la venue de saint Patrick en Irlande. 1932.
Priez, Ô Patrice, pour l'Ile sainte dont vous êtes le père et qui vous honore d'un culte si fervent. De nos jours, elle est menacée encore ; plusieurs de vos enfants sont devenus infidèles aux traditions de leur père. Un fléau plus dangereux que le glaive et la famine a décimé de nos jours votre troupeau ; Ô Père ! Protégez les enfants des martyrs, et défendez-les de la séduction. Que votre œil aussi suive jusque sur les terres étrangères ceux qui, lassés de souffrir, sont allés chercher une patrie moins impitoyable. Qu'ils y conservent le don de la foi, qu'ils y soient les témoins de la vérité, les dociles enfants de l'Eglise ; que leur présence et leur séjour servent à l'avancement du Royaume de Dieu. Saint Pontife, intercédez pour cette autre Ile qui fut votre berceau ; pardonnez-lui ses crimes envers vos enfants ; avancez par vos prières le jour où elle pourra rentrer dans la grande unité catholique. Enfin souvenez-vous de toutes les provinces de l'Eglise ; voire prière est celle d'un Apôtre ; elle trouvera accès auprès de celui qui vous a envoyé."
Rq : Nous engageons vivement le lecteur à lire la notice très complète et pleine de détails précieux dans les Petits Bollandistes : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k30733g
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samedi, 16 mars 2024
16 mars. Saint Julien de Lescar, premier évêque connu de Lescar ou Béarn. 400.
- Saint Julien de Lescar, premier évêque connu de Lescar ou Béarn. 400.
Pape : Saint Anastase. Empereur d'Occident : Honorius.
" Non destitit laborare ut denarium a Domino mereretur accipere."
" Il travaillait sans cesse pour mériter de recevoir des mains du Seigneur le denier de chaque jour."
Brév. de Lescar (1541), Légende de saint Léonce de Trèves.
Saint Julien guérissant un enfant. Missel. XVe.
Voici ce que rapporte une ancienne tradition, recueillie par le vieux Bréviaire de Lescar, imprimé en 1541 :
En la cité de Trèves, capitale de la Gaule Belgique, qui fut fondée par Trebeta, frère de Ninus, roi d'Assyrie - s'il faut en croire les vieilles histoires - et qui fut évangélisée par Valère, disciple du bienheureux Pierre, il y eut un évêque, du nom de Léonce, homme distingué par la noblesse de sa race et la gravité de ses moeurs, appliqué aux saintes oeuvres et désireux de cultiver la vigne du Seigneur, par l'extirpation de l'idolâtrie, jusque dans les contrées les plus lointaines. Il avait un disciple admirablement vertueux, Julein, très diligent imitateur d'un si bon Maître.
Or, saint Léonce, qui savait qu'une partie des Gaules était livrée au culte des démons et qui, dans sa grande douleur, trouvait injuste et indécent que le prince des ténèbres régnât sur les créatures de Dieu, apprit que le pays de Béarn (patria bearnica), loin d'avoir reçu l'Evangile du Christ " qu'on y avait semé de mille manières ", gémissait encore dans la fange des superstitions et de l'incrédulité. Un jour donc, que le bienheureux Julien était auprès de lui, il lui parla en ces termes :
" Bienheureux Frère, il nous faut observer les préceptes du Seigneur, et, pour l'éternelle récompense, travailler beaucoup dans la vigne du Christ. C'est pourquoi, Ô homme excellent et très miséricordieux, écoutez mes conseils et ceignez vos reins ; hâtez-vous et courez pour amener à la religion véritable ce peuple qui sert les démons."
Voyage de saint Julien de Trèves à Lescar. Vies de saints. XIIIe.
Le bienheureux Julien brûlait lui-même du désir d'arracher à la gueule du dragon les âmes que le Christ a rachetées de son sang. Docile aux avis de son maître, il prit avec lui deux prêtres, Austrilien et Alpinien, et se mit en route avec autant de joie que de promptitude.
Mais bientôt il advint que l'un de ses compagnons, Austrilien, passa de vie à trépas. Sur quoi, saint Julien, rebroussant chemin, courut en toute hâte raconter son malheur au serviteur de Dieu. Celui-ci lui dit :
" Repartez au plus tôt, et, prenant en main mon bâton, vous en toucherez le cadavre de votre frère défunt."
Saint Julien repartit, et, arrivé au lieu où le prêtre Austrilien avait été enseveli, il toucha du bâton, suivant la parole de l'homme de Dieu, le corps du défunt qui revont à la vie. Alors, redoublant d'ardeur, le bienheureux Julien continua sa route. Enfin, il arriva à Beneharnum ; il y confessa le nom de Notre Seigneur Jésus-Christ, y enseigna hautement la loi de Dieu, et, par sa douceur non moins que par ses miracles, il amena à la foi du Christ la nation béarnaise, si grandement aveugle jusque-là.
Les miracles en effet vinrent confirmer la prédication du bienheureux Julien. Il guérit un boiteux, du nom de Cisternanus, et ses deux fils ; il donna la vue à trois frères, aveugles de naissance, Amilien, Nicet et Ambroisien ; purifia deux lépreux, Valentin et Urbain ; rendit l'ouïe à quatre sourds et sauva sept hommes dont les eaux du Gave emportait la nacelle (Gave est le nom générique de tous les cours d'eau ou torrents dans les Pyrénées ; gave ou gaba signifie, en basque, sombre et profond. Ce mot a passé dans le langage populaire de certaines provinces, où l'on dit encore se gaver d'eau pour signifier se gorger).
Dieu voulut donner une vierge martyre à cette église naissante. Une noble fille, nommée Valérienne, avait été promise en mariage à un Gentil : mais comme celui-ci, résistant aux conseils de Julien, ne voulut pas abjurer ses faux dieux, Valérienne refusa de l'épouser ; ce que voyant, le jeune homme donna la mort à sa fiancée, qui ontint ainsi deux couronnes, l'une blanche pour sa virginité, l'autre de pourpre pour son martyre.
C'est de cette manière que le bienheureux Julien conduisit à la vérité le peuple du Béarn et qu'il fonda une nouvelle Eglise, dont le siège épiscopal fut fixé dans la ville qui porte aujourd'hui le nom de Lescar.
Notons au passage que Lescar a succédé à la ville de Beneharnum, qui a donné son nom à la province de Béarn. Cette province correspond aux arrondissements de Pau, d'Orthez et d'Oloron. La ville des Béarnais subsista jusque l'an 845, époque à laquelle les Normands la détruisirent. Les ducs de Gascogne la relevèrent de ses ruines vers l'an 1000, et ce n'est qu'à partir de cette époque qu'elle s'appela Lescar, c'est-à-dire entourée de ruisseaux. Son évêché, en dernier lieu, n'était composé que de quarante paroisses, tandis que celui d'Oloron en comptait deux cents et plus ; mais la circonscription spirituelle de Lescar était beaucoup plus étendue au temps de saint Julien et comprenait, comme nous l'avons vu, tout le Béarn. Oloron ne fut, plus tard, qu'un démembrement de ce diocèse primitif.
Cependant, le saint évêque de Trèves, Léonce, avait entrepris, malgré son extrême vieillesse, le pèlerinage de Saint-Jacques. Sur sa route se trouvait la cité de son disciple. Il s'y arrêta, et, quand il vit les triomphes remportés par Julien sur les ténèbres de l'erreur, il rendit à Dieu d'immenses actions de grâces, puis continua son pieux voyage, en traversant la cité d'Iluro et la vallée d'Aspe.
A son retour, saint Léonce repassa par Beneharnum, où il sentit s'affaiblir ses membres octogénaires. Bientôt l'agonie se déclara ; il reçut les sacrements du Seigneurs ; on vit une nuée blanche envelopper son lit, et il rendit son âme à Dieu en proférant de saintes paroles. Le bienheureux Julien lui fit de magnifiques funérailles, que Dieu illustra par des miracles, entre autres la résurrection de trois morts et la guérison de dix aveugles. Au moment où le clergé entonnait l'office des morts, une voix d'anges se fit entendre, disant avec transport : " Réjouissez-vous dans le Seigneur ", comme pour déclarer que le Saint évêque de Trèves était déjà au ciel.
A propos de l'état de l'Eglise de cette région, disons que lorsqu'en 406, c'est-à-dire six ans après que la sainte mort de saint Julien, sur laquelle nous n'avons pas de détail en dehors de sa date, Wallia, à la tête de ses Goths de l'Ouest ou Wisigoths, dépeupla tout ce qui appartient à l'Aquitaine et aux neuf peuples ; le pays où il campait était catholique.
Les neuf peuples en question, dans l'Aquitaine, étaient les Tarbelli (Dax et Bayonne), les Ausci (Auch et Armagnac), les Bigorrais, les Cocozates (Bazas), les Eluzates (Eauze), les Tarusates (Tartas et Chalosse), les Convenae (Comminges et Conserans), les Benharni (Lescar, Oloron, Aspe, Ossau, Barétous, Soule) et les Garites, dont le nom est rappelé par Garis, village de la Basse-Navarre.
Sidoine Apollinaire nous apprend que Bordeaux, Bazas, Comminges, Auch et beaucoup d'autres cités touchaient à leur ruine spiritelle par la mort de leurs pasteurs, moissonnés sans qu'on établît de nouveaux évêques... Dans les diocèse et dans les paroisses, tout était négligé. Sidoine Apollinaire, dans ce passage, distingue les paroisse rurales des paroisses urbaines. D'après saint Grégoire de Tours, ce furent surtout les villes des deux Aquitaines et de la Novempopulanie qui se firent dépeuplées par cette horrible tempête.
Ajoutons que, plus loin dans le temps, les actes du concile d'Agde, tenu en 506, et auquel la Novempopulanie fut représentée par onze évêques, dont celui de Lescar, saint Galactoire, et celui d'Oloron, saint Grat, nous apprennent que dès les premières années du VIe siècle, il y avait dans les contrées du midi des couvents d'hommes et de femmes, que le clergé possédait des propriétés, que les diocèses étaient divisés en paroisses.
On peut aisément conclure de tout cela qu'à l'arrivée des Wisigoths, au commencement du Ve siècle, l'Eglise était partout et hiérarchiquement constituée.
La ville de Lescar fête saint Julien à la fin août à l'occasion des fêtes patronales.
Saint Julien de Lescar est invoqué pour la guérison de plusieurs maladies et handicaps.
L'église Saint-Julien de Lescar à Lescar
L’Evêché de Lescar existait donc dès le Ve siècle avec une église cathédrale, Saint-Julien, dans la Basse-ville. Détruite par les Normands, rebâtie au XIIIe siècle, elle fut de nouveau détruite en 1569 par les bêtes féroces protestantes de Montgomery. Reconstruite une troisième et dernière fois au XVIIe siècle, seul le clocher pignon de l’église romane a survécu. Saint-Julien ne fut donc cathédrale que durant la deuxième moitié du premier millénaire.
Curiosité, la ville de Lescar fut baptisée au alentours du XIIIe siècle " ville septénaire ", car elle comportait 7 églises, 7 portes, 7 fontaines, 7 tours, 7 moulins, 7 vignes et 7 bois.
La cathédrale Notre Dame de l'Assomption de Lescar
Au Xe siècle, il subsistait dans la Haute-ville un baptistère dédié à Saint-Jean-Baptiste. Un soldat repenti, " Loup-Fort ", construisit à sa place une chapelle et un monastère sous le vocable de Sainte-Marie.
En 1062, cette chapelle fut consacrée cathédrale et Lescar devint Évêché. L'augmentation de l'édifice débuta en 1120 par le chœur à l'instigation de son évêque Guy de Lons. La cathédrale fut elle aussi saccagée par les bêtes féroces calvinistes de Montgomery sous le règne de Jeanne d'Albret.
D'importantes restaurations aux XVIIe et XVIIIe siècles sauvèrent le chœur de la ruine. Le chevet a conservé une architecture romane. La nef est voûtée en berceau plein cintre, les bas-côtés en berceaux transversaux. Sur les chapiteaux romans on peut reconnaitre des scènes du cycle de Daniel, de la naissance du Christ ou encore le sacrifice d'Abraham. Le sol du chœur est pavé d'une mosaïque du XIIe siècle représentant une scène de chasse.
Guy de Lons, l'évêque bâtisseur de la cathédrale, Henri II d'Albret, Catherine de Foix, Marguerite d'Angoulême, soeur de François Ier, François Phébus y sont notamment inhumés.
Sous la révolution, en 1791, l'évêché de Lescar fut supprimé et rattaché à celui de Bayonne, en même temps que celui d’Oloron Sainte-Marie.
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