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vendredi, 09 août 2024

9 août. Saint Jean-Marie-Baptiste Vianney, curé d'Ars, au diocèse de Belley. 1859.

- Saint Jean-Marie-Baptiste Vianney, curé d'Ars, au diocèse de Belley. 1859.

Pape : Pie IX. " Empereur des Français " : Napoléon III.

" Tout ce que le Fils demande au Père lui est accordé. Tout ce que la Mère demande au Fils lui est pareillement accordé."
" Laissez une paroisse vingt ans sans prêtre : on y adorera les bêtes."
" Ce n'est pas le pécheur qui revient à Dieu pour lui demander pardon, mais c'est Dieu qui court après le pécheur et qui le fait revenir à lui."
Saint Jean-Marie Vianney.

Né le 8 mai 1786 à Dardilly, près de Lyon, dans une famille de cultivateurs, Jean-Marie Vianney connaît une enfance marquée par la ferveur et l'amour de ses parents. Le contexte de la Révolution française va cependant fortement influencer sa jeunesse : il fera sa première confession au pied de la grande horloge, dans la salle commune de la maison natale, et non pas dans l'église du village, et il recevra l'absolution d'un prêtre clandestin.

Deux ans plus tard, il fait sa première communion dans une grange, lors d'une messe clandestine, célébrée par un prêtre réfractaire. A 17 ans, il choisit de répondre à l'appel de Dieu : " Je voudrais gagner des âmes au Bon Dieu ", dira-t-il à sa mère, Marie Béluze. Mais son père s'oppose pendant deux ans à ce projet, car les bras manquent à la maison paternelle.

Il commence à 20 ans à se préparer au sacerdoce auprès de l'abbé Balley, Curé d'Écully. Les difficultés vont le grandir : il navigue de découragement en espérance, va en pèlerinage à la Louvesc, au tombeau de saint François Régis. Il est obligé de devenir déserteur lorsqu'il est appelé à entrer dans l'armée pour aller combattre pendant la guerre en Espagne. Mais l'Abbé Balley saura l'aider pendant ces années d'épreuves. Ordonné prêtre en 1815, il est d'abord vicaire à Écully.

En 1818, il est envoyé à Ars. Là, il réveille la foi de ses paroissiens par ses prédications mais surtout par sa prière et sa manière de vivre. Il se sent pauvre devant la mission à accomplir, mais il se laisse saisir par la miséricorde de Dieu. Il restaure et embellit son église, fonde un orphelinat, La Providence, et prend soin des plus pauvres.

Très rapidement, sa réputation de confesseur lui attire de nombreux pèlerins venant chercher auprès de lui le pardon de Dieu et la paix du cœur. Assailli par bien des épreuves et des combats, il garde son cœur enraciné dans l'amour de Dieu et de ses frères ; son unique souci est le salut des âmes. Ses catéchismes et ses homélies parlent surtout de la bonté et de la miséricorde de Dieu.


Saint Jean-Marie Vianney recevant saint Pierre-Julien Eymard.

Il y aurait bien des choses à dire sur la vie et la sainte dévotion de notre magnifique saint. Il fut un coeur consumé d'amour pour le coeur de Jésus et pour celui de Notre Dame et eut toute sa vie une dévotion particulièrement fervente pour sa " chère petite sainte, sainte Philomène ".

Prêtre consumé d'amour devant le Saint-Sacrement, tout donné à Dieu, à ses paroissiens et aux pèlerins, il meurt le 4 août 1859, après s'être livré jusqu'au bout de l'Amour. Sa pauvreté n'était pas feinte. Il savait qu'il mourrait un jour comme " prisonnier du confessionnal ". Il avait par trois fois tenté de s'enfuir de sa paroisse, se croyant indigne de la mission de Curé, et pensant qu'il était plus un écran à la bonté de Dieu qu'un vecteur de cet Amour. La dernière fois, ce fut moins de six ans avant sa mort. Il fut rattrapé au milieu de la nuit par ses paroissiens qui avaient fait sonner le tocsin. Il regagna alors son église et se mit à confesser, dès une heure du matin. Il dira le lendemain : " j'ai fait l'enfant ". Lors de ses obsèques, la foule comptait plus de mille personnes, dont l'évêque et tous les prêtres du diocèse, venu entourer celui qui était déjà leur modèle.

Corps incorrompu de saint Jean-Marie Vianney
dans la basilique d'Ars. Diocèse de Belley.

Béatifié le 8 janvier 1905, il est déclaré la même année, “ patron des prêtres de France ”. Canonisé en 1925 par Pie XI (comme sainte Thérèse de l'Enfant-Jésus), il sera proclamé en 1929 “ patron de tous les Curés de l'univers ”.

Rq : Biographie recommandée : " Le Curé d'Ars ". Mgr Francis Trochu, 1925. Cependant, celle que lui a consécrée Alphonse Germain peut être une bonne introduction, " Le bienheureux Jean-Marie-Baptiste Vianney : le curé d'Ars ". Elle est disponible sur le site de la Bibliothèque nationale de France : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k66529r

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jeudi, 08 août 2024

8 août. Saint Cyriaque, diacre, et ses compagnons, martyrs. 303.

- Saint Cyriaque, diacre, et ses compagnons, martyrs. 303.
 
Pape : Saint Marcelin. Empereur romain d'Occident : Maximilien Hercule. Empereur romain d'Orient : Dioclétien.
 
" Confitebor tibi, Domine Deux meus, in toto corde meo, et glorificabo nomen tuum in aeternum."
" Seigneur mon Dieu, je Vous louerai de tout mon coeur, je glorifierai Votre nom à jamais."
Psalm. LXXXV, 11.
 

Saint Cyriaque délivrant Artémie. Matthias Grünewald.
Autel de Heller, Francfort. XVIe.

Lorsque Dioclétien eut associé Maximien Hercule à l'empire, ce dernier, pour plaire à son bienfaiteur, entreprit de lui bâtir un beau palais avec des bains magnifiques. Il résolu de faire travailler à cette construction tous les Chrétiens. L'on vit donc bientôt travailler comme esclaves des hommes du plus haut rang, des personnes faibles et délicates, des vieillards consumés d'années, des ecclésiastiques et des prêtres ; de même qu'au temps de Pharaon, les enfants d'Israël étaient contraints de travailler aux ouvrages publics d'Egypte.

Les uns creusaient des fondations, d'autres portaient du sable et des pierres, ceux-ci faisaient du mortier et ceux-là servaient de manoeuvres aux maçons, sans que, malgré l'ardeur du soleil, la faiblesse de leur âge ou de leur complexion, on leur donnât aucun soulagement. On voyait bien à la manière dont leur persécuteurs les nourissaient, que leur dessein était de s'en défaire. Ce palais, appelé les Thermes, fruit des sueurs de ces glorieux confesseurs, a depuis été changé sous le nom de Notre Dame des Anges.

Cependant Thrason, seigneur romain, à qui Dieu avait donné de grands biens, apprenant les cruautés qu'on exercait contre les saints et la disette de toutes choses où ils étaient, leur envoyait de temps en temps de quoi se soulager dans leur misère ; il se servait pour cela de saint Sisinie, de saint Cyriaque, de saint Large et de saint Smaragde, qui leur portaient de saumones au risque de la vie, et se servaient aussi de cette occasion pour les animer à la persévérance et les fortifier contre les découragements de la nature et les tentations du démon.

Le Pape qui, selon Baronius, était saint Marcellin, bien que les Actes disent saint Marcel, étant informé de ce qui se passait, reconnut le mérite des deux premiers en les élevant à l'ordre de diacre.


Saint Cyriaque délivrant Jobie, la fille du roi de Perse. Martyre de
saint Cyriaque. Speculum historiale. V. de Beauvais. XIVe.

Peu de temps après, ils furent tous quatre surpris comme ils portaient sur leurs épaules des vivres aux bienheureux confesseurs, et on les condamna eux-mêmes à travailler aux Thermes avec ceux qu'ils avaient prétendu soulager.

Ces excellents Chrétiens n'en eurent aucune douleur ; ils prirent volontiers la hotte pour porter du sable, ils traînèrent avec joie le chariot pour charrier les pierres, et leur zèle étaient si grand, que, ne se contentant pas de leur tâche, s'ils voyaient un Chrétien accablé sous la pesanteur de son fardeau, ils couraient pour l'aider et faisaient une partie de son ouvrage.

C'est ce qu'ils firent à l'égard d'un vieillard nommé Saturnin, qui succombait sous le faix des travaux qu'on lui ordonnait. Les officiers qui présidaient à la construction, admirant cette action et voyant que ces saints dans leurs plus grands accablements ne laissaient pas de chanter avec allégresse des cantiques et des hymnes en l'honneur de Dieu, en donnèrent avis à Maximien Hercule. Mais ce prince barbare, bien loin d'être touché de quelque compassion pour eux, commanda qu'on les mît dans un cachot, et qu'on fît au plus tôt leur procès. Ce n'est pas ici le lieu de parler de saint Sisinie, qui fut bientôt après décapité avec le vieillard Saturnin, qu'il avait soulagé dans la rigueur du travail de ce superbe édifice.

Pour saint Cyriaque, il demeura plus longtemps en prison : il y guérit des aveugles et plusieurs autres malades qui eurent recours à lui pour obtenir la santé par ses prières. Cependant Dieu, voulant le glorifier sur la terre avant de le consacrer par le glaive du martyre, permit qu'Artémie, fille de l'empereur Dioclétien, fût saisie par un démon furieux qui la tourmentait très cruellement. Jetant de grands cris, elle dit qu'elle ne pouvait être délibrée que par le moyen de Cyriaque, diacre de l'Eglise de Notre Seigneur Jésus-Christ.

Dioclétien qui l'aimait tendrement, oublia alors sa férocité et naturelle et sa rage contre les Chrétiens, et envoya tirer saint Cyriaque de sa prison, avec saint Large et saint Smaragde, ses compagnons, qui étaient enfermés avec lui. Etant venu vers la princesse, notre saint commanda au démon de sortir de son corps. Il en sortit immédiatement et Artémie crut en la Très Sainte Trinité, suivant les pieuses exhortations de sainte Sérène, sa mère, qui était une fidèle disciple de Jésus-Christ. Dioclétien, pour témoigner sa reconnaissanceà saint Cyriaque, lui donna une maison dans Rome, où il lui premit de demeurer en toute sûreté.

Quelques temps après, la fille du roi de Perse, nommée Jobie, étant aussi possédée par un démon, s'acria comme Artémie qu'elle ne pouvait être délivrée par d'autre que par le diacre Cyriaque qui était à Rome. Ce roi envoya un ambassadeur à Rome au même Dioclétien, pour le prier de lui envoyer Cyriaque. Dioclétien pria alors son épouse Sérène de persuader au diacre de faire ce voyage. Notre saint l'netreprit joyeusement avec saint Large et saint Smaragde, ses bienheureux compagnons. Il fit une partie du chemin par mer et le reste à pied et le bâton à la main, chantant continuellement les louanges de Dieu et implorant Son secours et Sa béndiction.

Lorqu'il fut arrivé, le roi se jeta à ses pieds et le supplia d'avoir pitié de sa fille. Cyriaque lui promit de la délivrer ; et, en effet, ayant conjurer le démon par le nom redoutable de Jésus-Christ, il le força de sortir de son corps et de la laisser en liberté ; ce qui fut cause de sa conversion, de celle du roi son père, et de quatre cents infidèles, qui recurent le baptême des mains du bienheureux diacre. Ce prince voulut reconnaître un s grand bienfait par de riches présents ; mais nul de ces trois saints ne voulut rien accepter, et ils lui dirnt que c'était une maxime des Chrétiens de donner gratuitement ce qu'ils avaient reçus gratuitement, et de ne point vendre les dons de Dieu. Leur dépense était aussi très minimes, puisqu'ils ne mangeaient que du pain et ne buvaient qu'un peu d'eau.

Quarante-cinq jours après, ils se rembarquèrent et revinrent à Rome, avec des lettres de remerciement que le Persan écrivait à l'empereur. L'empereur les laissa encore vivre en paix. Mais lorqu'il fut sorti de Rome pour visiter les provinces de son empire, Maximien, n'oubliant point qu'ils avaient secouru les Chrétiens lors de la construction des Thermes, les fit de nouveau arrêter prisonniers. Carpase, vicaire de Rome, fut chargé de les examiner, de les porter à l'adoration des faux dieux, et, en cas de refus, de terminer leur procès et de les faire mourir.

Jamais refus ne fut plus constant et plus généreux. Ils protestèrent tous trois qu'ils ne connaissaient point d'autre divinité que celle de Jésus-Christ, et qu'il mourraient pour une confession si sainte et si glorieuse :
" Nous ne connaissons, dit Cyriaque, que Jésus-Christ, Maître du Ciel et de la terre, mort sur la Croix pour notre salut !"

Carpase commanda aux bourreaux de jeter de la poix fondue et bouillante sur la tête de saint Cyriaque. Le saint souffrit ce tourment avec une patience héroïque : il fut aussi étendu sur le chevalet et rompu à coups de bâton ; au milieu des supplices, il disait :
" Gloire à Vous, Jésus, mon Souverain Seigneur ; ayez pitié de moi, qui ne suis qu'un pêcheur très indigne."
Et encore :
" Gloire à Vous, Seigneur, qui me jugez digne de souffrir pour Votre nom !"
Enfin, par ordre de Maximien, il fut décapité avec ses compagnons saint Large et saint Smaragde, et vingt autres confesseurs qui devinrent par ce supplice de très illustres martyrs.
Saint Cyriaque dit encore juste avant l'exécution de la sentence :
" Seigneur Jésus, gloire à Vous ! Ayez pitié de moi, Votre indigne serviteur ; je Vous rends grâces, mon Dieu, qui me permettez de souffrir pour Votre saint nom !"
Cette exécution fut faite hors des murs de la ville, sur la voie Salaria, en un lieu nommé les Thermes de Salluste. Les saints corps furent transférés par le pape saint Marcellin dans le champs de Lucine sue la voie d'Ostie : ce qui arriva le 8 août.

Le martyrologe romain en fait une très honorable mémoire, et remarque que leurs corps ont été depuis transféré dans la ville et déposés avec honneur dans la diaconnie de la bienheureuse Vierge Marie, in via Lata.

En 1049, le pape Léon IX accorda le bras de saint Cyriaque à l'abbaye d'Altorf en Alsace. C'est de là que cette ancienne abbaye porte dans ses titres celui de Saint-Cyriaque.

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mercredi, 07 août 2024

7 août. Saint Gaëtan de Thiène, fondateurs des Clercs réguliers dits Théatins. 1547.

- Saint Gaëtan de Thiène (Thiènne ou Thienne), fondateur des Clercs réguliers dits Théatins. 1547.
 
Pape : Paul III. Roi de Naples : Charles Quint (Charles IV de Naples).
 
" Je ne cesserai de donner aux malheureux qu'au moment où je me verrai si dénué de biens qu'il me faille inhumer par charité."
Saint Gaëtan de Thiène.
 

Saint Gaëtan de Thiène d'après un portrait exécuté de son vivant.

Ce saint mérite que l'on relève particulièrement l'importance de sa vie et de ses oeuvres. En effet, il fait partie de ces grands personnages qui fondèrent un corps de clercs combattants pour défaire les hérétiques du XVIe siècle et pour réformer les mœurs dépravées des catholiques de leur temps.

Notre saint naquit à Vicenze, ville de la république de Venise, en 1480. Fruit de l'illustre famille des Thiène, très célèbre par d'excellents personnages qui en étaient sortis et que l'on avait vus se distinguer dans les dignités de l’Église et dans la profession des armes, il fut consacré à Marie dès le sein de sa mère, puis ensuite à sa naissance. On lui donna le nom de Gaétan, pour conserver un célèbre nom familial ; mais on y ajouta le nom de Marie, pour marquer sa consécration à la Reine du Ciel.

En effet, outre le fameux Gaëtan de Thiène, chanoine de Padoue, qui a laissé des Commentaires sur la philosophie naturelle d'Aristote et qui passait pour le prince des théologiens de son siècle (XIVe), il y eu plusieurs prélats, vice-légats et cardinaux de cette maison, des gouverneurs de Milan et des vice-rois de Naples. La France a connu en particulier le seigneur Nicolas de Thiène, page de François Ier, qui fut un fameux capitaine d'ordonnance sous Henri II puis un Ligueur habile, et qui en épousant Jeanne de Villars, fille du marquis de Villars, Grand amiral de France, forma la souche de la branche tourangelle des Thiène.

Gaétan de Sainte-Marie montra de bonne heure un grand amour pour les pauvres ; ce fut là, du reste, un des beaux caractères de toute sa vie. Son coeur d'enfant, tendre et délicat, le faisait pleurer souvent à la vue des misères qui s'offraient à lui ; les pauvres, qui le connaissaient tous, l'appelait leur petit ami, en attendant qu'il fût leur père. L'enfant leur rendait mille petits services, et lorsqu'il recevait quelque argent de ses parents à titre de récompense, il n'avait rien de plus pressé que de le distribuer à ses chers mendiants. La petite somme était toujours vite épuisée ; alors Gaétan mettait en mouvement tous les ressorts de sa jeune politique, et il finissait toujours par reconstituer son petit trésor. À bout d'expédients, il demandait l'aumône à ses parents pour l'amour de Dieu.


Saint Gaëtan de Thiène à l'autel. Jacopo Palma le Jeune. XVIe.

Après avoir fait de brillantes études - il devint un excellent orateur, un philosophe de tout premier ordre et un jurisconsulte très doué : il obtint le grade de docteur en droit canon et en droit civil -, il bâtit une église sous l'invocation de sainte Marie-Madeleine dans ses domaines à Rampazzo, avec l'aide de son frère aîné Jean-Baptiste, pour y exercer le saint ministère et permettre aux villageois trop éloignés de l'église paroissiale d'assister plus commodément à la sainte messe.

Comme il était très simple et même négligé dans ses vêtements, son père se fâchait souvent et l'accusait de déshonorer son nom en se mêlant aux mendiants. Le plus souvent Gaétan répondait à ce reproche par son silence. Il s'occupa avec zèle des ouvriers, ce qui lui attira la persécution de ses proches, puis l'admiration de tous, quand on vit son ministère opérer de grands fruits de sanctification. Partout où il allait, sa première visite était pour les pauvres et les malades.

A Rome, à l'invitation du pape Jules II qui le pria de demeurer à sa cour, Gaétan, plein du désir de donner au clergé des modèles à imiter quoique peu enclin à vivre ainsi dans la proximité du gouvernement de l'Eglise (il fut néanmoins protonotaire), contribua à la réformation des moeurs douteuses qui régnaient alors dans la ville sainte et en particulier hélas dans certaines branches de la curie.

Par un bref d'extra tempora (lequel permet de surseoir au cursus traditionnel de formation du prêtre) et une dispense des interstices (qui permet d'éviter le temps traditionnel entre chaque réception des degrés de l'ordre), le pape lui permit de recevoir la prêtrise en trois fêtes proches les unes des autres.
 
Un jour de Noël, Notre-Seigneur lui apparut sous la forme d'un petit enfant ; il Le prit dans ses bras et Le caressa longtemps, pendant que son cœur se fondait d'amour.

Il se mit dès lors sous la conduite spirituelle du Révérend Père Jean-Baptiste de Crema, dominicain, et sa vertu d'obéissance s'y exerça avec une très sainte ponctualité, faisant l'admiration même de son directeur.

Bientôt, il fonda, de concert avec quelques saints prêtres, la congrégation des Théatins. Le premier des compagnons de saint Gaëtan fut Gian-Pietro (Jean-Pierre) Caraffa della Stadera, alors évêque de Théate (ou Chieti) dans le royaume de Naples, et archevêque de Brindes puis cardinal et pape sous le nom de Paul IV, un des grands pape de la lutte contre l'hérésie et auteur de la fameuse bulle Cum ex apostolatus. Le deuxième fut Paul Consiglieri, de la famille des Ghisleri, qui joignit toute sa vie une éminente sainteté à une sagesse et une prudence consommées. Le troisième fut Boniface de Colle, d'une ancienne maison de la ville d'Alexandrie dans le Milanais.

La confiance absolue en Dieu valait plus pour lui que tous les conseils de la prudence humaine, et nulle part la Providence ne le laissa manquer du nécessaire. Il convient de noter que jamais, et ce fut la volonté de notre saint, le service des pauvres et des malades ne fut séparés du combat contre l'hérésie ; l'un étant la source de charité de l'autre.

Voici les principales fins de ce saint institut :
1. donner un modèle aux clercs, qui vivaient à cette époque dans de graves désordres et avaient grand besoin de réforme ;
2. donner l'exemple d'une parfaite pauvreté ;
3. rétablir la propreté des églises et des autels et la majesté des saintes cérémonies, qui se faisaient alors sans révérences et donnaient lieu aux hérétiques de les décrier et de les faire passer pour des superstitions ;
4. animer les fidèles à la fréquentation des Sacrements qui étaient alors si peu en usage qu'un nombre scandaleux de Chrétiens ne se confessait et ne communiait qu'une fois l'an sans grand dessein d'un amendement sincère, et avec une nonchalance qui faisait gémir le peu de gens de bien qu'il restait ;
5. d'annoncer d'une manière savante et pieuse la parole de Dieu, que les prédicateurs d'alors mêlaient souvent à un langage profane et ridicule ;
6. de visiter les malades pour les disposer à recevoir les Sacrements et surtout fortifier les agonisants contre les tentations du démon et les assauts de la mort ;
7. accompagner les malfaiteurs au supplice, afin de leur faire éviter la rigueur des châtiments éternels ;
8. poursuivre partout les hérésies qui s'étaient renouvelées depuis quelques années par l'impiété de Luther et de quelques autres apostats d'Allemagne et d'ailleurs.

Le Saint était déjà âgé quand il tomba malade, à Naples ; il refusa un matelas et voulut mourir sur la cendre et le cilice ; il refusa aussi un médecin extraordinaire, disant :
" Je suis un pauvre religieux, qui ne vaut pas la peine d'être assisté."
 
Il répétait à tous moment les paroles de Daniel : " Placare, Domine, attende et fac " (" Seigneur, pardonnez ; Seigneur, soyez attentif et agissez ").
 
Marie vint Elle-même chercher son âme. Il laissa la réputation d'un séraphin à l'autel et d'un apôtre en chaire.

Urbain VIII béatifia saint Gaëtan en 1629 et Clément X le canonisa en 1669.

Les Théatins reçurent de grands privilèges de la part de l'un de leur fondateur, le pape Paul IV. Ils donnèrent à l’Église un nombre conséquent de prélats aussi saints que savants, dont le fameux TRP Ventura de Raulica au XIXe siècle auteur entre autres de ce mot fameux ; " la plus grande ruse du diable est de faire croire qu'il n'existe pas ".

CULTE ET RELIQUES

Saint Gaëtan fut enterré au cimetière Saint-Paul à Naples. Il est devenu l'un des principaux patrons de cette ville où il est en grande dévotion. Sa statue est au côté de celle de saint Janvier sur toutes les portes de cette ville.

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mardi, 06 août 2024

6 août. La Transfiguration de Notre Seigneur Jésus-Christ. 32.

- La Transfiguration de Notre Seigneur Jésus-Christ. 32.
 
" Que puis-je voir dans la Transfiguration, sinon un symbole de la gloire de la résurrection future ?"
Saint Grégoire le Grand.
 

La Transfiguration. Fra Angelico. Florence. XVe.

Le mont Thabor, où s'accomplit la Transfiguration du Sauveur, est la plus haute montagne de la Galilée ; on y jouit d'un magnifique panorama sur toute cette partie de la Terre Sainte. C'est là que Jésus manifesta Sa gloire aux trois disciples qui devaient être témoins de Sa douloureuse agonie au jardin des Oliviers, Pierre, Jacques et Jean. Son visage devint éclatant comme le soleil, Ses habits blancs comme la neige : la gloire de Sa divinité rejaillit sur tout Son corps. Moïse et Élie parurent à Ses côtés et s'entretenaient avec Lui de la mort qu'Il devait souffrir à Jérusalem.


La Transfiguration. David Gérard. XVIe.

Les Apôtres furent ravis d'un si merveilleux spectacle, et Pierre s'écria :
" Seigneur, nous sommes bien ici ; faisons-y trois tentes, une pour Vous, une pour Moïse et une pour Élie."
Il parlait encore, quand une nuée lumineuse les couvrir, et une voix se fit entendre :
" Celui-ci est Mon Fils bien-aimé, en qui J'ai mis toutes Mes complaisances ; écoutez-Le."
Les trois Apôtres furent saisis de frayeur et tombèrent par terre ; mais Jésus, S'approchant d'eux, les toucha et leur dit de se lever ; ils le firent et n'aperçurent plus que le Sauveur dans Son état ordinaire. Comme ils descendaient de la montagne, Jésus leur recommanda de ne pas divulguer ce qu'il avaient vu, jusqu'à ce qu'Il fût ressuscité.


La Transfiguration. Pietro Perugini. XVe.

Les trois témoins gardèrent le secret, mais plus tard ce fait extraordinaire servit admirablement à tous les Apôtres pour prouver la divinité du Sauveur ; il leur servit aussi pour supporter avec courage les épreuves de leur apostolat.


Basilique de la Transfiguration. Mont Thabor. Terre Sainte.

Ce mystère confirme plusieurs articles de notre foi. La Trinité nous apparaît dans les trois personnes divines qui interviennent : le Père, qui rend témoignage à Son Fils ; le Fils, qui montre Sa gloire ; le Saint-Esprit, qui couvre tout ce tableau sous la forme d'une nuée resplendissante. L'Incarnation brille avec éclat dans la Transfiguration, puisque Jésus nous apparaît en même temps comme Homme et comme Dieu, vrai Fils de Dieu : " Celui-ci est Mon Fils bien-aimé ".


Nef et choeur de la basilique de la Transfiguration.
Mont Thabor. Terre Sainte.

Enfin nous y voyons une image de la résurrection du Sauveur et de la résurrection de tous les justes à la vie glorieuse ; et c'est ce qui fait dire à l'Église cette belle prière :
" Ô Dieu, qui, dans la glorieuse Transfiguration de Jésus Votre Fils unique, avez confirmé les mystères de notre foi et avez marqué l'adoption parfaite de Vos enfants par la voix céleste qui est partie de la nue, rendez-nous cohéritiers de ce Roi de gloire, et donnez-nous part aux splendeurs de Son règne."


Fresque de la Transfiguration. Basilique de la Transfiguration.
Mont Thabor. Terre Sainte.

Le mont Thabor a toujours été en vénération dans l'Église ; les pèlerins de Terre Sainte ne manquent jamais de le visiter. Une nouvelle basilique y a été construite au début du siècle dernier.


Vue de la vallée depuis le Mont Thabor. Terre Sainte.

lundi, 05 août 2024

5 août. Notre-Dame des Neiges, dédicace de la basilique Sainte-Marie-Majeure. 366.

- Notre-Dame des Neiges, dédicace de la basilique Sainte-Marie-Majeure. 366.

" La neige la plus pure n'est qu'un emblème imparfait de la pureté virginale de la très-sainte Virge Marie."
Sophrom. epise., de Assumpt. B. M. V.


Fresque du couronnement de la très-sainte Vierge Marie. Détail.
Basilique Sainte-Marie-Majeure. Rome.

Rome, que Pierre, au premier de ce mois, a délivrée de la servitude, offre un spectacle admirable au monde. Sagesse, qui depuis la glorieuse Pentecôte avez parcouru la terre, en quel lieu fut-il vrai à ce point de chanter que vous avez foulé de vos pieds victorieux les hauteurs superbes (Eccli. XXIV, 8-11.) ? Rome idolâtre avait sur sept collines étalé son faste et bâti les temples de ses faux dieux ; sept églises apparaissent comme les points culminants sur lesquels Rome purifiée appuie sa base désormais véritablement éternelle.

Or cependant, par leur site même, les basiliques de Pierre et de Paul, celles de Laurent et de Sébastien, placées aux quatre angles extérieurs de la cité des Césars, rappellent le long siège poursuivi trois siècles autour de l'ancienne Rome et durant lequel la nouvelle fut fondée. Hélène et son fils Constantin, reprenant le travail des fondations de la Ville sainte, en ont conduit plus avant les tranchées ; toutefois l'église de Sainte-Croix-en-Jérusalem, celle du Sauveur au Latran, qui furent leur œuvre plus spéciale, n'en restent pas moins encore au seuil de la ville forte du paganisme, près de ses portes et s'appuyant aux remparts : tel le soldat qui, prenant pied dans une forteresse redoutable, investie longtemps, n'avance qu'à pas comptés , surveillant et la brèche qui vient de lui donner passage, et le dédale des voies inconnues qui s'ouvrent devant lui.


Façade de la basilique Sainte-Marie-Majeure. Rome.

Qui plantera le drapeau de Sion au centre de Babylone ? Qui forcera l'ennemi dans ses dernières retraites, et chassant les idoles vaincues, fera son palais de leurs temples ? Ô vous à qui fut dite la parole du Très-Haut : Vous êtes mon Fils, je vous donnerai les nations en héritage (Psalm. II.) ; Ô très puissant, aux flèches aiguës renversant les phalanges (Psalm. XLIV.), écoutez l'appel que tous les échos de la terre rachetée vous renvoient eux-mêmes : Dans votre beauté, marchez au triomphe, et régnez (Ibid.) Mais le Fils du Très-Haut a aussi une mère ici-bas ; le chant du Psalmiste, en l'appelant au triomphe, exalte aussi la reine qui se tient à sa droite en son vêtement d'or (Ibid.) : si de son Père il tient toute puissance (Matth. XXVIII, 18.), de son unique mère il entend recevoir sa couronne (Cant. III, 11.), et lui laisse en retour les dépouilles des forts (Psalm. LXVII, 13 ; Isai. LIII, 12.). Filles de la nouvelle Sion, sortez donc, et voyez le roi Salomon sous le diadème dont l'a couronné sa mère au jour joyeux où, prenant par elle possession de la capitale du monde, il épousa la gentilité (Cant. III, 11.).

Jour, en effet, plein d'allégresse que celui où Marie pour Jésus revendiqua son droit de souveraine et d'héritière du sol romain ! A l'orient, au plus haut sommet de la Ville éternelle, elle apparut littéralement en ce matin béni comme l'aurore qui se lève, belle comme la lune illuminant les nuits, plus puissante que le soleil d'août surpris de la voir à la fois tempérer ses ardeurs et doubler l'éclat de ses feux par son manteau de neige, terrible aussi plus qu'une armée (Cant. VI, 9.) ; car, à dater de ce jour, osant ce que n'avaient tenté apôtres ni martyrs, ce dont Jésus même n'avait point voulu sans elle prendre pour lui l'honneur, elle dépossède de leurs trônes usurpés les divinités de l'Olympe. Comme il convenait, l'altière Junon, dont l’autel déshonorait l'Esquilin, la fausse reine de ces dieux du mensonge fuit la première à l'aspect de Marie, cédant les splendides colonnes de son sanctuaire souillé à la seule vraie impératrice de la terre et des deux.


Arrière de la basilique Sainte-Marie-Majeure. Rome.

Quarante années avaient passé depuis ces temps de Silvestre où " l'image du Sauveur, tracée sur les murs du Latran, apparut pour la première fois, dit l'Eglise, au peuple romain " (Lectiones IIi Noct. in Dedic. basilicae Salvatoris.). Rome, encore à demi païenne, voit aujourd'hui se manifester la Mère du Sauveur; sous la vertu du très pur symbole qui frappe au dehors ses yeux surpris, elle sent s'apaiser les ardeurs funestes qui firent d'elle le fléau des nations dont maintenant elle aussi doit être la mère, et c'est dans l'émotion d'une jeunesse renouvelée qu'elle voit les souillures d'autrefois céder la place sur ses collines au blanc vêtement qui révèle l'Epouse (Apoc. XIX, 7-8.).

Déjà, et dès les temps de la prédication apostolique, les élus que le Seigneur, malgré sa résistance homicide, recueillait nombreux dans son sein, connaissaient Marie, et lui rendaient à cet âge du martyre des hommages qu'aucune autre créature ne reçut jamais: témoin, aux catacombes, ces fresques primitives où Notre-Dame, soit seule, soit portant l'Enfant-Dieu, toujours assise, reçoit de son siège d'honneur, la louange, les messages, la prière ou lès dons des prophètes, des archanges et des rois (Cimetières de Priscille, de Néréc et Achillée, etc.). Déjà dans la région transtibérine, au lieu où sous Auguste avait jailli l'huile mystérieuse annonçant la venue de l'oint du Seigneur, Calliste élevait vers l'an 222 une église à celle qui demeure à jamais le véritable fons olei, la source d'où sort le Christ et s'écoule avec lui toute onction et toute grâce. La basilique que Libère, aimé de Notre-Dame, eut la gloire d'élever sur l'Esquilin, ne fut donc pas le plus ancien monument dédié par les chrétiens de Rome à la Mère de Dieu ; la primauté qu'elle prit dès l'abord, et conserva entre les églises de la Ville et du monde consacrées à Marie, lui fut acquise par les circonstances aussi solennelles que prodigieuses de ses origines.
 
PRIERE
 
" Es-tu entré dans les trésors de la neige, dans mes réserves contre l'ennemi pour le jour du combat ? Disait à Job le Seigneur (Job. XXXVIII, 22-23.). Au cinq août donc, pour continuer d'emprunter leur langage aux Ecritures (Eccli. XLIII, 14-15,19-20.), à l’ordre d'en haut, les trésors s'ouvrirent, et la neige s envolant comme l'oiseau précipita son arrivée, et sa venue fut le signal soudain des jugements du ciel contre les dieux des nations. La tour de David (Cant. IV, 4.) domine maintenant les tours de la cité terrestre ; inexpugnable en la position qu'elle a conquise, elle n'arrêtera qu'avec la prise du dernier fort ennemi ses sorties victorieuses. Qu'ils seront beaux vos pas dans ces expéditions guerrières, Ô fille du prince (Cant. VII, 1.), Ô reine dont l'étendard, par la volonté de votre Fils adoré, doit flotter sur toute terre enlevée à la puissance du serpent maudit ! L'ignominieuse déesse qu'un seul de vos regards a renversée de son piédestal impur, laisse Rome encore déshonorée par la présence de trop de vains simulacres.
 
 
Ô notre blanche triomphatrice, aux acclamations des nations délivrées, prenez la voie fameuse qu'ont suivie tant de triomphateurs aux mains rougies du sang des peuples ; traînant à votre char les démons démasqués enfin, montez à la citadelle du polythéisme, et que la douce église de Sainte-Marie in Ara cœli remplace au Capitole le temple odieux de Jupiter. Vesta, Minerve, Cérès, Proserpine, voient leurs sanctuaires et leurs bois sacrés prendre à l'envi le titre et les livrées de la libératrice dont leur fabuleuse histoire offrit au monde d'informes traits, mêlés à trop de souillures. Le Panthéon, devenu désert, aspire au jour où toute noblesse et toute magnificence seront pour lui dépassées par le nom nouveau qui lui sera donné de Sainte-Marie-des-Martyrs. Au triomphe de votre Assomption dans les cieux, quel préambule, Ô notre souveraine, que ce triomphe sur terre dont le présent jour ouvre pour vous la marche glorieuse !"

La basilique de Sainte-Marie-des-Neiges, appelée aussi de Libère son fondateur, ou de Sixte troisième du nom qui la restaura, dut à ce dernier de devenir le monument de la divine maternité proclamée à Ephèse ; le nom de Sainte-Marie-Mère, qu'elle reçut à cette occasion, fut complété sous Théodore Ier (642-649), qui l'enrichit de sa relique la plus insigne, par celui de Sainte-Marie de la Crèche : nobles appellations que résume toutes celle de Sainte-Marie Majeure, amplement justifiée par les faits que nous avons rapportés, la dévotion universelle, et la prééminence effective que lui maintinrent toujours les Pontifes romains.


Fresque du couronnement de la très-sainte Vierge Marie.
Dôme de la basilique Sainte-Marie-Majeure. Rome.

La dernière dans l'ordre du temps parmi les sept églises sur lesquelles Rome chrétienne est fondée, elle ne cédait le pas au moyen âge qu'à celle du Sauveur ; dans la procession de la grande Litanie au 25 avril, les anciens Ordres romains assignent à la Croix de Sainte-Marie sa place entre la Croix de Saint-Pierre au-dessous d'elle et celle de Latran qui la suit (Museum italicum : Joann. Diac. Lib. de Eccl. Lateran. XVI, de episcopis et cardinal, per patriarchatus dispositis ; romani Ordin. XI, XII.). Les importantes et nombreuses Stations liturgiques indiquées à la basilique de l'Esquilin, témoignent assez de la piété romaine et catholique à son endroit. Elle eut l'honneur de voir célébrer des conciles en ses murs et élire les vicaires de Jésus-Christ ; durant un temps ceux-ci l'habitèrent, et c'était la coutume qu'aux mercredis des Quatre-Temps, où la Station reste toujours fixée dans son enceinte, ils y publiassent les noms des Cardinaux Diacres ou Prêtres qu'ils avaient résolu de créer (Paulus de Angelis, Basilicae S. Mariœ Maj. descriptio, VI, v.).

Quant à la solennité anniversaire de sa Dédicace, objet de la fête présente, on ne peut douter qu'elle n'ait été célébrée de bonne heure sur l'Esquilin. Elle n'était pas encore universelle en l'Eglise, au XIIIe siècle ; Grégoire IX en effet, dans la bulle de canonisation de saint Dominique qui était passé le six août de la terre au ciel, anticipe sa fête au cinq de ce mois comme étant libre encore, à la différence du six occupé déjà, comme nous le verrons demain, par un autre objet. Ce fut seulement Paul IV qui, en 1558, fixa définitivement au quatre août la fête du fondateur des Frères Prêcheurs ; or la raison qu'il en donne est que la fête de Sainte-Marie-des-Neiges, s'étant depuis généralisée et prenant le pas sur la première, aurait pu nuire dans la religion des fidèles à l'honneur dû au saint patriarche, si la fête de celui-ci continuait d'être assignée au même jour (Pauli IV Const. Gloriosus in Sanctis suis.). Le bréviaire de saint Pie V promulguait peu après pour le monde entier l'Office dont voici la Légende.

Sous le pontificat du Pape Libère, Ie patrice romain Jean et son épouse d'égale noblesse, n'ayant point eu d'enfants auxquels ils pussent laisser leurs biens après eux, vouèrent leur héritage à la très sainte Vierge Mère de Dieu, la suppliant par de ferventes et assidues prières de signifier en quelque manière l'œuvre pie à laquelle elle préférait qu'on employât cet argent. La bienheureuse Vierge Marie, écoutant avec bonté ces prières et ces vœux partis du cœur, y répondit par un miracle.


Fresque de l'Epiphanie. Basilique Sainte-Marie-Majeure. Rome.

Aux nones d'août, époque habituelle pour Rome des plus grandes chaleurs, la neige couvrit de nuit une partie de la colline Esquiline. Cette même nuit, la Mère de Dieu donnait en songe avis à Jean et à son épouse, séparément, qu'ils eussent à construire au lieu qu'ils verraient couvert de neige une église qui serait consacrée sous le nom de la Vierge Marie : ainsi voulait-elle être instituée leur héritière. Jean l'ayant fait savoir au Pape Libère, celui-ci déclara avoir eu la même vision.

Solennellement accompagné des prêtres et du peuple, il vint donc à la colline couverte de neige, et y détermina l'emplacement de l'église qui fut élevée aux frais de Jean et de son épouse. Sixte III la restaura plus tard. On l'appela d'abord de divers noms, basilique de Libère, Sainte-Marie de la Crèche. Mais de nombreuses églises ayant été bâties dans la Ville sous le nom de la sainte Vierge Marie, pour que la basilique qui l'emportait sur les autres de même nom en dignité et par l'éclat de sa miraculeuse origine, fût aussi distinguée par l'excellence de son titre, on la désigna sous celui d'église de Sainte-Marie- Majeure. On célèbre la solennité anniversaire de sa dédicace en souvenir du miracle de la neige tombée en ce jour.


Monument du Pape Paul V. Chapelle Borghese.
Basilique Sainte-Marie-Majeure. Rome.
 
PRIERE

" Quels souvenirs, Ô Marie, ravive en nous cette fête de votre basilique Majeure ! Et quelle plus digne louange, quelle meilleure prière pourrions-nous vous offrir aujourd'hui que de rappeler, en vous suppliant de les renouveler et de les confirmer à jamais, les grâces reçues par nous dans son enceinte bénie ? N'est-ce pas à son ombre, qu'unis à notre mère l'Eglise en dépit des distances, nous avons goûté les plus douces et les plus triomphantes émotions du Cycle inclinant maintenant vers son terme ?

C'est là qu'au premier dimanche de l'Avent a commencé l'année, comme dans " le lieu le plus convenable pour saluer l'approche du divin Enfantement qui devait réjouir le ciel et la terre, et montrer le sublime prodige de la fécondité d'une Vierge " (Temps de l'Avent). Débordantes de désir étaient nos âmes en la Vigile sainte qui, dès le matin, nous conviait dans la radieuse basilique " où la Rose mystique allait s'épanouir enfin et répandre son divin parfum. Reine de toutes les nombreuses églises que la dévotion romaine a dédiées à la Mère de Dieu, elle s'élevait devant nous resplendissante de marbre et d'or, mais surtout heureuse de posséder en son sein, avec le portrait de la Vierge Mère peint par saint Luc, l'humble et glorieuse Crèche que les impénétrables décrets du Seigneur ont enlevée à Bethléhem pour la confier à sa garde. Durant la nuit fortunée, un peuple immense se pressait dans ses murs, attendant l'heureux instant où ce touchant monument de l'amour et des abaissements d'un Dieu apparaîtrait porté sur les épaules des ministres sacrés, comme une arche de nouvelle alliance, dont la vue rassure le pécheur et fait palpiter le cœur du juste " (Le Temps de Noël).
 

Tombeau de saint Pie V. Détail. Chapelle Sixtine.
Basilique Sainte-Marie-Majeure. Rome.

Hélas ! Quelques mois écoulés à peine nous retrouvaient dans le noble sanctuaire, " compatissant cette fois aux douleurs de notre Mère dans l'attente du sacrifice qui se préparait " (La Passion ; Station du Mercredi saint). Mais bientôt, quelles allégresses nouvelles dans l'auguste basilique !
" Rome faisait hommage delà solennité pascale à celle qui, plus que toute créature, eut droit d'en ressentir les joies, et pour les angoisses que son cœur maternel avait endurées, et pour sa fidélité à conserver la foi de la résurrection durant les cruelles heures que son divin Fils dut passer dans l'humiliation du tombeau." ( Le Temps Pascal, t. I,p. 185.).

Eclatant comme la neige qui vint du ciel marquer le lieu de votre prédilection sur terre, Ô Marie, un blanc troupeau de nouveau-nés sortis des eaux formait votre cour gracieuse et rehaussait le triomphe de ce grand jour. Faites qu'en eux comme en nous tous, ô Mère, les affections soient toujours pures comme le marbre blanc des colonnes de votre église aimée, la charité resplendissante comme l’or qui brille à ses lambris, les œuvres lumineuses comme le cierge de la Pâque, symbole du Christ vainqueur de la mort et vous faisant hommage de ses premiers feux.
"

dimanche, 04 août 2024

4 août. Saint Dominique de Guzman, confesseur, fondateur de l'Ordre des frères prêcheurs. 1221.

- Saint Dominique de Guzman, confesseur, fondateur de l'Ordre des frères prêcheurs. 1221.

Pape : Honorius III. Roi de Castille et de Tolède : Saint Ferdinand III. Roi de Léon et de Galice : Alphonse IX. Roi de France : Philippe II Auguste.

" Dominique et François d'Assise : voilà les deux astres les plus brillants de l'Eglise. Les lèvres si pures de saint Dominique ont distillé pour elle un miel précieux."
Lobbetius. De San Domenico.

Apparition de saint Pierre à saint Dominique. F. de Zurbaran. XVIIe.

À l'origine des Frères Prêcheurs, il y a Dominique de Guzman, l'homme évangélique, ainsi que le qualifie Jourdain de Saxe dans son Petit livre sur les origines de l'Ordre. Qui était-il? Pourquoi a-t-il fondé cette communauté à laquelle il a lui-même donné le nom de Frères Prêcheurs et qui, par la suite, sera désignée couramment à partir de son nom: les Dominicains ?

Saint Dominique ne nous a laissé aucun écrit où nous pourrions trouver une réponse à ces questions. Il nous faut donc questionner les chroniques qui nous parlent de lui et ce que l'histoire nous dit de son époque, le Moyen Âge. Alors se dessinent sous nos yeux les traits d'un homme qui n'aspire qu'à une seule chose: imiter Jésus Christ. Un homme, nous disent les témoins, qui ne parlait qu'avec Dieu ou de Dieu. En même temps, Dominique se révèle comme un homme solidaire d'un monde en plein bouleversement; un monde qu'il aime et veut embraser du feu de l'Évangile qui le consume lui-même. C'est au terme d'une longue recherche du dessein de Dieu, tel qu'il l'a lu dans les événements qui ont jalonné sa vie, que Dominique fonde l'Ordre des Prêcheurs.

Un monde bouleversé

Saint Dominique naît vers 1170 dans le bourg de Caleruega, en Espagne. La société médiévale dans laquelle il va vivre et oeuvrer pour l'Évangile est alors en pleine transition. Celle-ci est d'abord causée par l'une des plus importantes explosions démographiques de l'histoire, accompagnée d'un vaste mouvement d'urbanisation. Dans le système féodal les activités telles le commerce et la politique se déroulaient autour des châteaux des seigneurs ou des abbayes. Maintenant, tout cela se déplace vers les villes qui deviennent les pôles de l'activité politique et économique, alors qu'auparavant elles n'étaient que des lieux de peuplement.

Cette urbanisation fait naître, à côté de la noblesse et des clercs, une nouvelle classe sociale: la bourgeoisie. Importante par l'argent qu'elle acquiert du commerce, cette bourgeoisie marchande dirige la ville. Seigneurs locaux, souverains et gens d'Église doivent maintenant compter avec elle, parce que c'est elle qui peut fournir l'argent nécessaire au maintien des armées ou au financement des constructions.

Mais cet accroissement de la population et cette urbanisation n'apportent pas la prospérité à tous ; la pauvreté est le lot commun. La majorité des gens ne dispose que du minimum pour vivre, leur situation contrastant scandaleusement avec celle de la noblesse féodale et de la bourgeoise. De plus, les épidémies et surtout les famines frappent durement les populations; des hommes libres redeviennent des serfs pour assurer leur subsistance.

En même temps, on assiste à l'émergence d'une conscience nationale chez les Anglais, les Français, les Espagnols et les Allemands. Leurs souverains respectifs sont en train de constituer leur royaume sur cette base nationaliste.

L'Église n'échappe pas à ce mouvement de transformation. Jusque là, sa vie gravitait autour des abbayes. C'étaient presque les seuls lieux où l'on pouvait recevoir une formation intellectuelle poussée, et où l'on pouvait recruter des clercs assez instruits pour en faire des évêques.

Résurrection de Napoleone Orsini par l'intercession de
saint Dominique. Anonyme. XVIIe.

Désormais, les écoles passent des abbayes aux cathédrales, donc au centre des villes. Au début, les écoles cathédrales ne dispensent qu'un enseignement théologique pour les clercs des diocèses. Mais rapidement, elles prennent de l'expansion et s'ouvrent à un plus grand nombre pour offrir un enseignement couvrant toutes les sciences de l'époque (grammaire, rhétorique, mathématiques, philosophie) et donner naissance aux universités.

Au temps de saint Dominique, les plus célèbres sont celles de Bologne et Paris. À l'image des commerçants bourgeois qui s'organisent en corporations, relevant de l'autorité royale, les universités s'organisent en corporation relevant de l'autorité du pape.

Malgré cela, le bas clergé, curés de paroisses et chapelains, reste majoritairement sous-instruit. Généralement, ces prêtres ne savent ni lire, ni écrire car, issus de milieux pauvres, ils n'ont pu étudier. Ayant appris par coeur les textes d'une messe et l'évangile correspondant, ils les répètent inlassablement Quand ils prêchent, ce n'est pas sur l'Évangile, mais sur un sujet de morale. Paradoxalement, I'Europe est chrétienne, mais non évangélisée.

Ceux qui peuvent corriger cette situation, ce sont les évêques. Mais ils sont le plus souvent accaparés par l'administration des fiefs qui leur sont confiés par les rois. À l'origine, ces domaines leur avaient été donnés pour assurer des revenus aux diocèses. Avec le temps, ces domaines devenant parfois très importants, les évêques se voient considérés par les souverains comme des seigneurs, au même titre qu'un comte ou un baron, et ils se mettent à agir comme tels. L'Église, en fait la papauté, appuyée par quelques évêques et parfois quelques souverains, tente de corriger cette situation.

Son arme principale est la constitution de chapitres de chanoines dans les cathédrales. II s'agit de prêtres vivant en communauté autour de l'évêque dans la pauvreté. On donne à ces chapitres la Règle de saint Augustin, qui insiste beaucoup sur la vie communautaire et la pauvreté en proposant l'exemple de la vie de l'Église primitive, telle que décrite dans les Actes des Apôtres. A long terme, on espère que ces chapitres deviendront des pépinières d'évêques qui se conduiront davantage selon l'idéal évangélique que selon celui de la noblesse féodale.

Mais ce travail de correction est lent et de plus en plus de voix s'élèvent pour réclamer de l'Église qu'elle abandonne ses richesses et retourne à la pauvreté évangélique. Ces prédicateurs vont trouver une oreille sympathique au sein d'une population pauvre, à laquelle se joint le bas-clergé. De là vont naître les grands mouvements de retour à l'Évangile, dont le mot d'ordre est : « suivre nu le Christ nu », qui vont animer tout le XIIIe siècle. Des milliers de personnes s'attacheront à ces prédicateurs et les suivront dans leurs déplacements. Dans ces mouvements, l'orthodoxie se mêle à l'hérésie. Celle-ci n'est souvent qu'une réaction excessive devant une situation perçue comme une trahison de l'Évangile. Le plus souvent, les prédicateurs sont des laïcs ayant reçu un enseignement rudimentaire de l'Évangile. De ces mouvements de pauvreté naîtront les Ordres mendiants, tels que les Prémontrés, les Franciscains et les Dominicains.

Des écoles de Palencia au Chapitre d'Osma

C'est à cette époque de bouleversements et de renouveau qu'a vécu Dominique. Après avoir reçu un début d'instruction de l'un de ses oncles archiprêtre, il est envoyé à l'université de Palencia, la première d'Espagne, pour apprendre les arts libéraux. Mais rapidement, Dominique opte pour l'étude de la théologie. Pendant ses études, il se fait remarquer par son application, passant des nuits entières à approfondir sa connaissance de la Bible. Mais ce zèle à scruter la Parole de Dieu ne le coupe pas du monde dans lequel il vit.

Au cours d'une famine qui frappe toute l'Espagne, Dominique décide de vendre ses manuscrits et tout ce qu'il a afin de venir en aide aux pauvres. Il disait : " Je ne veux pas étudier sur des peaux mortes lorsque des hommes meurent de faim !" Son geste pousse de nombreux maîtres de théologie à l'imiter. La réputation de Dominique parvient bientôt à son évêque, Diègue d'Osma. Le chapitre des chanoines de sa cathédrale vient tout juste d'être réformé selon la Règle de saint Augustin. Voyant l'avantage de s'associer un tel homme pour consolider la réforme entreprise, il demande à Dominique de se faire chanoine. Celui-ci accepte, attiré par la vie de pauvreté et de prière.

Les chanoines se rendent vite compte de la valeur du nouveau venu et le choisissent comme sous-prieur, ce qui en fait le bras droit de l'évêque. On remarque son humilité, sa douceur, son attention aux autres. Il ne quitte presque jamais le cloître afin de mieux s'adonner à la prière, à la méditation de l'écriture ou de textes des Pères de l'Église. Mais, alors qu'on pourrait croire que Dominique s'est coupé des femmes et des hommes de son temps, il les porte toujours dans son coeur. Il n'a plus rien à vendre pour secourir les malheureux, mais c'est à eux qu'il pense durant les nuits où une prière intense a remplacé l'étude. Durant cette prière, il ne cesse alors de demander à Dieu une charité efficace pour travailler au salut du monde. Très souvent, ces prières s'accompagnent de larmes et de gémissements : " Seigneur, ayez pitié de votre peuple ! Que vont devenir les pécheurs ?"

La mission au Danemark

Cette sollicitude pour le salut du monde trouve bientôt à s'exercer dans des circonstances fortuites. Diègue d'Osma est chargé par le roi de Castille d'aller négocier le mariage de son fils avec une princesse du Danemark. L'évêque se met donc en route avec sa suite, dont fait partie Dominique. lls traversent le Sud de la France où sévit l'hérésie cathare. Celle-ci, profitant des mouvements de pauvreté et de retour à l'Évangile, véhicule sous un extérieur chrétien, une doctrine dualiste opposant un Dieu bon, créateur des réalités spirituelles, et un Dieu mauvais, créateur du monde matériel. Dans ce contexte, le détachement des biens de ce monde camoufle un mépris pour tout ce qui est matériel.

Passant la nuit dans une auberge, Dominique apprend que son propriétaire est un cathare. Il discute alors avec lui une partie de la nuit, si bien que l'homme se convertit. L'évêque et son sous-prieur poursuivent leur route et arrivent au Danemark. Les négociations ayant favorablement abouties, ils reviennent en Espagne en faire rapport au roi qui les renvoie chercher la fiancée. Celle-ci étant morte entre temps, Diègue fait parvenir la nouvelle au roi et va à Rome avec Dominique pour rencontrer le pape.

La prédication en Languedoc

Au Danemark, l'évêque a entendu parler des Cumans, peuple païen aux moeurs barbares. Aussi, demande-t-il au pape de le relever de la charge de son diocèse afin de pouvoir aller les évangéliser avec son sous-prieur. Le pape refuse et les renvoie chez eux.

Saint Dominique prêchant pendant la croisade
contre les Albigeois. Anonyme. XVIIe.

Sur le chemin du retour, dans le Midi de la France, Diègue et Dominique rencontrent les légats du pape chargés de prêcher l'Évangile et la foi contre les erreurs cathares. Les légats se plaignent à Diègue du peu de succès de leur mission. Celui-ci comprend vite que le succès des cathares leur vient de la rigueur et la pauvreté de la vie de leurs prédicateurs.

Aussi, il conseille aux légats de se défaire de leurs escortes et de leurs chevaux et d'aller prêcher l'Évangile à pied, n'emportant que les livres nécessaires. Diègue joint aussitôt le geste à la parole, et part prêcher avec Dominique, accompagné par les légats. Nous sommes alors en 1206. Pendant deux ans, ils vont prêcher ainsi : à pied et sans escorte, à travers tout le Languedoc. Leur prédication connaît alors un certain succès. Un groupe de femmes cathares converties, se trouvant de ce fait sans aucun moyen de subsistance, sera rassemblé par Dominique et son évêque pour former un monastère à Prouille. Ce monastère, embryon de ce qui deviendra l'Ordre des Moniales dominicaines, sert à Dominique de quartier général après la mort de Diègue. Celui-ci disparu, les légats missionnaires se dispersent.

Le début de l'Ordre des Prêcheurs

De 1208 à 1213, Dominique poursuit donc seul l'oeuvre de prédication, tout en continuant de prendre soin du monastère de Prouille. Il gagne le respect des cathares par la rigueur de sa vie, sa bonne humeur, sa pauvreté, son zèle. Sur la route, entre les villages, il marche pieds nus. Il mendie son pain et, quand on lui offre le gîte, il couche sur le sol. Lorsqu'il ne prêche pas ou n'est pas en train d'exhorter quelqu'un à la conversion, il prie et, dès qu'il est près d'une chapelle ou d'une église, il s'y rend pour célébrer l'Eucharistie ou participer à la prière liturgique.

Avec le temps, quelques hommes se joignent à lui pour travailler à l'évangélisation. La petite communauté s'installe d'abord dans une église de Fanjeaux. Puis, comme deux hommes de Toulouse se donnent à lui avec leurs biens, elle se déplace à Toulouse. Foulques, évêque de la ville, reconnaît officiellement la communauté avec son projet de prédication en 1215, et lui concède comme revenu une partie de la dîme des pauvres. Dans le même temps, Dominique confie les six frères qui vivent avec lui à un maître en théologie pour qu'il les instruise.

Foulques de Toulouse se rend à Rome pour participer au IVe Concile de Latran et Dominique l'accompagne, voulant obtenir l'approbation du pape pour un ordre qui s'appellera l'Ordre des Prêcheurs. Le pape promet l'acceptation, à la condition que Dominique et ses frères se choisissent une règle déjà existante. Revenu auprès d'eux, ils adoptent à l'unanimité la Règle de saint Augustin. Dominique repart pour Rome chercher l'approbation qui lui est alors accordée.

En 1217, Dominique disperse sa petite communauté. Il envoie fonder à Paris et à Bologne, les centres universitaires du temps, de même qu'en Espagne et à Rome. À partir de ce moment, les choses se précipitent. Au début, les frères de Dominique suscitent le scepticisme. Mais assez rapidement, leur pauvreté, leur attachement à la prière, leur prédication et leur vie évangélique, leur valent un accueil enthousiaste partout où ils sont. Par exemple, le couvent de Paris, fondé par deux ou trois frères, en compte près de cinquante à la mort de Dominique, quatre ans plus tard, sans compter ceux qui ont quitté Paris pour fonder ailleurs.

Le premier Chapitre de l'Ordre

Quant à Dominique, il va de couvent en couvent pour exhorter les frères à tenir bon. Toujours il va à pied et quête son pain. Dans les couvents il n'a ni cellule ni lit et, malgré les fatigues du voyage, il passe toujours ses nuits en prière dans l'église. En 1220, il convoque le premier chapitre général de l'Ordre à Bologne en Italie, chaque couvent devant y envoyer un certain nombre de frères. Une fois qu'ils sont réunis, Dominique leur demande de se choisir un autre supérieur, lui-même s'estimant indigne de cette charge.

Les frères refusent. Puis, ils adoptent les premières Constitutions de l'Ordre, qui règlent la vie des frères en incarnant dans des dispositions concrètes la Règle de saint Augustin. lls prennent à ce moment des décisions importantes : l'Ordre doit abandonner ses revenus et chaque couvent doit quêter sa subsistance au jour le jour. Enfin, pour mieux répondre aux besoins de l'évangélisation, l'Ordre est divisé en provinces.

La Très sainte Vierge Marie et son Divin Fils avec à ses pieds
saint François d'Assise et saint Dominique. Cimabue. XIIIe.

La mort de saint Dominique

Le chapitre terminé, Dominique reprend sa tournée des divers couvents. Il est aussi chargé par le pape d'une mission d'évangélisation dans le Nord de l'ltalie. Puis, à l'été 1221, usé par ses marches interminables et par ses veilles incessantes, il tombe malade à Bologne. Constatant la gravité de son état, il demande à se confesser et à recevoir la communion. Il se recommande ensuite aux frères présents, et leur affirme qu'il leur sera plus utile au ciel que sur terre. Puis il s'éteint pendant que les frères recommandent son âme à Dieu. Mort dans la cellule d'un autre, puisqu'il n'en avait dans aucun couvent, on l'enterre dans l'église, au pied de l'autel, revêtu de la tunique d'un autre. La sienne, estiment les frères, est en trop mauvais état: usée, épuisée... comme le pauvre qu'elle habillait.

Rq : On peut consulter le Libellus, c'est-à-dire la vie de saint Dominique racontée par son premier successeur, le bienheureux Jourdain de Saxe :
http://www.tradere.org/spiritualite/dominic/libellus/inde...

 

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samedi, 03 août 2024

3 août. Invention de saint Étienne, premier martyr. 415.

- Invention de saint Étienne, premier martyr, et des saints Nicomède, Gamaliel, et Abibas (ou Abibon). 415.
 
Pape : Saint Innocent Ier. Empereur romain d'Orient : Flavius Honorius.
 
" La manière dont le Seigneur a glorifié le corps de son martyr, nous rappelle le respect que nous devons à notre corps."
L'abbé C. Martin. Panégyr.
 

Saint Étienne. Giotto di Bondone. XIVe.

Sollicité par l'approche du triomphe de Laurent, Etienne se lève pour assister à ses combats ; rencontre toute de grâce et de force, où l'éternelle Sagesse se révèle dans la disposition du Cycle sacré (Sap. VIII, 1.). Mais la fête présente nous réserve aussi d'autres enseignements.


Saint Étienne prêchant puis devant le Grand Prêtre.
Mariotto di Nardo. XVe.

La première résurrection (Apoc. XX.) se poursuit pour les Saints. A la suite de Nazaire et de Celse, après tous les Martyrs que la victoire du Christ a montrés selon la divine promesse participants de sa gloire (Johan. XVII, 22, 24.), le porte-enseigne de la blanche armée sort lui-même glorieux du tombeau pour la conduire à de nouveaux triomphes. Les farouches auxiliaires de la colère du Tout-Puissant contre Rome idolâtre, après avoir réduit en poudre les faux dieux, doivent être domptés à leur tour ; et cette seconde victoire sera l'œuvre des Martyrs assistant l'Eglise de leurs miracles, comme la première fut celle de leur foi méprisant la mort et les tourments (I Johan. V, 4.). La manière reçue en nos jours d'écrire l'histoire ignore cet ordre de considérations ; ce ne peut être une raison pour nous de sacrifier à l'idole : l'exactitude dont se targue en ses données la science de ce siècle, n'est qu'une preuve de plus que le faux s'alimente d'omissions souvent mieux que d'affirmations directement contraires au vrai.


Invention de saint Étienne.
De cluniacensis coenobio. Cluny. Bourgogne. XIIIe.

Or, autant le silence est profond aujourd'hui sur ce point, autant pourtant il est assuré que les années qui virent les Barbares s'implanter dans l'empire, et bientôt le renverser, furent signalées par une effusion delà vertu d'en haut comparable de plus d'un côté à celle qui avait marqué le temps de la prédication des Apôtres. Il ne fallait rien moins, d'une part pour rassurer les croyants, de l'autre pour imposer le respect de l’Église à la brutalité de ces envahisseurs qui ne connaissaient que le droit de la force, et n'éprouvaient que mépris pour la race qu'ils avaient vaincue.


Lapidation puis funérailles de saint Étienne. Mariotto di Nardo. XVe.

L'intention providentielle qui multiplia autour du grand fait de la chute de Rome, en 410, les découvertes des corps saints, se manifeste pleinement dans la plus importante, objet de la fête de ce jour. L'année 415 avait sonné déjà. L'Italie, les Gaules, l'Espagne, dont l'Afrique allait bientôt partager le désastre, étaient en pleine invasion. Dans l'universelle ruine, les chrétiens, qui seuls gardaient avec eux l'espérance du monde, s'adressaient à tous les sanctuaires pour obtenir qu'au moins, selon l'expression du prêtre espagnol Avitus, " le Seigneur donnât mansuétude à ceux qu'il laissait prévaloir " (Aviti Epist. ad Palchon., De reliquiis S. Stephani.).


Le corps de saint Étienne gardé par des animaux Fleur des histoires.
Jean Mansel. XVe.

C'est alors qu'eut lieu la révélation merveilleuse où la sévère critique de Tillemont, convaincue par le témoignage de toutes les chroniques et histoires, lettres et discours du temps (Idath, Marcellini, Sozomenis, Augustini, etc.), reconnaît " l'un des plus célèbres événements du Ve siècle " (Mem. eccl. II, p. 12.). L'évêque Jean de Jérusalem recevait, par l'intermédiaire du prêtre Lucien, un message d'Etienne premier martyr et de ses compagnons de sépulture, ainsi conçu :
" Ouvre en hâte notre tombe, pour que par nous Dieu ouvre au monde la porte de sa clémence, et qu'il prenne son peuple en pitié dans la tribulation qui est partout."

 
Les anges apaisant l'océan alors que sainte Julie transporte le corps
de saint Étienne de Jérusalem à Contantinople après son invention.
Inhumation de saint Étienne à coté de saint Laurent à Rome.
Mariotto di Nardo. XVe.

Et la découverte, accomplie au milieu de prodiges, était notifiée au monde entier comme le signe de salut (Luciani Epist. ad omnem Ecclesiam,De revelatione S. Stephani.) ; et la poussière du corps d'Etienne, répandue en tous lieux comme un gage de sécurité et de paix (Aviti Epist.), produisait d'étonnantes conversions (Severi Epist. ad omnem Eccl., Devirtutibus S. Steph.), d'innombrables miracles en tout semblables " à ceux des temps anciens " (Aug. De civit. Dei, XXII, 8.), rendant témoignage à cette même foi du Christ que le protomartyr avait quatre siècles plus tôt confessée dans la mort (Ibid. 8, 9.).


Saint Étienne disputant avec les Juifs. Lapidation de saint Etienne.
Bréviaire de Martin d'Aragon. XIVe.

Tel était le caractère de cette manifestation extraordinaire, où les résurrections elles-mêmes se produisaient en nombre stupéfiant, que saint Augustin, parlant à son peuple, estimait prudent d'élever sa pensée d’Étienne simple serviteur au Christ seul Maître (Sermo 319, al. De diversis 51.).
" Mort, il rend les morts vivants, disait-il, parce qu'en effet il n'est pas vraiment mort (Ibid.). Mais, comme autrefois durant sa vie mortelle, c'est uniquement par le nom du Christ qu'il agit maintenant : tout ce que vous voyez se faire ainsi par la mémoire d’Étienne se fait en ce seul nom, pour que le Christ soit exalté, pour que le Christ soit adoré, pour que le Christ soit attendu comme juge des vivants et des morts." (Sermo 316, al. de diversis 94.).


Invention de saint Etienne. Legenda aurea.
Bx J. de Voragine. J. de Besançon. XVe.

Terminons par cette louange qu'adressait, quelques années plus tard, à Etienne Basile de Séleucie, et qui résume si bien la raison de la fête :
" Il n'est pas de lieu, de territoire, de nation, de lointaine frontière, qui n'ait obtenu le secours de vos bienfaits. Il n'est personne, étranger, citoyen, Barbare ou Scythe, qui n'éprouve par votre intercession le sentiment des réalités supérieures." (Basil. Selbuc. Oratio 41, de S. Stephano.).


Martyre de saint Etienne. Sacramentaire de Drogon. France. IXe.

Voici la Légende, qui abrège et complète le récit du prêtre Lucien.

Au temps de l'empereur Honorius , on trouva près de Jérusalem les corps des saints Étienne premier martyr, Gamaliel, Nicodème et Abibas. Longtemps oubliés dans un lieu obscur et négligé, ils furent révélés divinement au prêtre Lucien. Gamaliel lui apparut pendant qu'il dormait, en la forme d'un vieillard vénérable et majestueux, lui montra le lieu où gisaient les corps, et lui ordonna d'aller trouver Jean, évêque de Jérusalem, pour obtenir qu'on leur donnât une sépulture plus convenable.

L'évêque de Jérusalem convoque à cette nouvelle les évêques et les prêtres des villes voisines, et se rend au lieu désigné. On creuse ; on découvre les tombeaux, d'où s'exhale une très suave odeur. Au bruit de l'événement une grande foule s'était rassemblée, parmi laquelle beaucoup d'infirmes et de malades en diverses manières furent guéris et retournèrent chez eux bien portants. On transporta en grande pompe le très saint corps d’Étienne dans la sainte église de Sion, puis sous Théodose le Jeune à Constantinople, enfin, sous le Souverain Pontife Pelage Ier, à Rome, à l’Agro Verano, où il fut placé dans le tombeau de saint Laurent Martyr.


Invention du corps de saint Étienne et de saint Gamaliel.
Speculum historiale. V. de Beauvais. François. XVe.

PRIERE

" Quel complément précieux du récit des saints Livres nous fournit cette histoire de votre Invention, Ô Protomartyr ! Nous savons maintenant quels étaient " ces hommes craignant Dieu qui ensevelirent Etienne, et firent ses funérailles avec un grand deuil " (Act. VIII, 2.). Gamaliel, le maître du Docteur des nations, avait été, comme son disciple et avant lui, la conquête du Seigneur; inspiré par Jésus à qui en mourant vous remettiez votre âme (Ibid. VII, 58.), il honora dans le trépas l'humble athlète du Christ des mêmes soins que Joseph d'Arimathie, le noble décurion, avait prodigués à l'Homme-Dieu, et fit placer votre corps dans le tombeau neuf qu'il s'était aussi préparé pour lui-même. Bientôt le compagnon du pieux labeur de Joseph au grand Vendredi, Nicodème, poursuivi par les Juifs dans cette persécution où vous parcourûtes le premier l'arène, trouvait asile près de vos restes vénérés, en attendant d'y goûter le repos de la mort des saints. Le grand nom de Gamaliel en imposait aux fureurs de la synagogue (Act. V, 34-39.) ; tandis qu'Anne et Caïphe maintenaient par la faveur précaire de Rome le pouvoir sacerdotal aux mains de leurs proches, le petit-fils d'Hillel gardait pour les siens la primauté de la science et voyait sa descendance aînée rester, quatre siècles durant, dépositaire de la seule autorité morale qu'Israël dispersé reconnût encore.


Martyre de saint Étienne. Livre d'images de Madame Marie.
Hainaut. XIIIe.

Mais pourtant plus heureux fut-il d'avoir, en écoutant les Apôtres et vous-même, Ô Étienne, passé de la science des ombres à la lumière des réalités, de la Loi à l’Évangile, de Moïse à celui que Moïse annonçait (Ibid. VII, 37.) ; plus heureux que son aîné fut le fils de sa tendresse, Abibas, baptisé avec lui dans sa vingtième année, et qui, passant à Dieu, remplit la tombe qui le reçut près de la vôtre de la très suave odeur d'une pureté digne des cieux : combien touchante n'apparut pas la dernière volonté de l'illustre père, lorsque, son heure venue, il donna ordre qu'on rouvrît pour lui le tombeau d'Abibas et qu'on ne vît plus dans le père et l'enfant que deux frères jumeaux engendrés ensemble à la seule vraie lumière (Luciani Epist.) !

La munificence du Seigneur Christ vous avait dignement, Ô Étienne, entouré dans la mort. Nous rendons grâces au noble personnage qui vous donna l'hospitalité du dernier repos ; nous le remercions d'avoir lui-même, au temps voulu, rompu le silence gardé alors à son sujet par la délicate réserve des Écritures. C'est bien littéralement qu'ici encore nous constatons l'efficacité de la volonté par laquelle l'Homme-Dieu entend partager avec les siens tout honneur (Johan. XVII, 24.). Votre sépulcre lui aussi fut glorieux (Isai. XI, 10.) ; et quand il s'ouvrit, comme pour celui du Fils de l'homme, la terre aussi trembla, les assistants crurent que le ciel était descendu, le monde délivré d'une sécheresse désolante et de mille maux se reprit à espérer parmi les ruines. Aujourd'hui que notre Occident vous possède, que Gamaliel cède à Laurent ses droits d'hospitalité, levez-vous encore, Ô Étienne ; et, de concert avec le grand diacre romain, délivrez-nous des Barbares nouveaux, en faisant qu'ils se convertissent ou disparaissent de la terre donnée par Dieu à son Christ (Psalm. Il, 8.)."