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vendredi, 18 octobre 2024

18 octobre. Saint Luc d'Antioche, Evangéliste. Ier.

- Saint Luc d'Antioche, Evangéliste. Ier.

Pape : Saint Pierre. Empereur romain : Néron.

" Saint Luc a peint admirablement les images de Jésus et de Marie en deux tableaux, après les avoir parfaitement exprimées dans son Evangile et dans son coeur."
Le père Nouet. Méditations.

Saint Luc. Simone Martini. XIVe.

Luc veut dire s'élevant ou montant, ou bien il vient de Lux, lumière. En effet il s'éleva au-dessus de l’amour du monde, et il a monté jusqu'à l’amour de Dieu. II fut la lumière du monde qu'il éclaira tout entier : " Vous êtes la lumière du monde ", dit Notre Seigneur Jésus-Christ (Matth., V.), or, " la lumière du monde est le soleil lui-même. Cette lumière est située en haut " (Eccl., XXVI) : " Le soleil se lève sur le monde au haut du trône de Dieu " ; elle est agréable à voir (Eccl., XI) : " La lumière est douce, et l’oeil se plait à voir le soleil, elle est rapide dans sa course " (III, Esdras, c. IV, p. 34) : " La terre est grande, le ciel est élevé et la course du soleil est rapide ".
Elle est utile en ses effets , parce que, d'après le Philosophe, l’homme engendre l’homme, et le soleil en fait autant. De même saint Luc eut cette élévation par la contemplation des choses célestes ; par sa douceur dans sa manière de vivre, par sa rapidité dans sa fervente prédication et par l’utilité de la doctrine qu'il a écrite.

Plaque de reliquaire. XIe.

Luc, Syrien de nation, originaire d'Antioche, médecin de profession, fut, selon quelques auteurs, un des soixante-douze disciples du Seigneur. Puisque saint Jérôme dit, avec raison, qu'il fut disciple des apôtres et non du Seigneur, et comme la Glose remarque (sur l’Exode, XXV) qu'il ne s'attacha pas à suivre le Seigneur dans sa prédication, mais qu'il ne vint à la foi qu'après sa résurrection, il vaut mieux dire qu'il ne fut pas un des soixante-douze disciples, malgré l’opinion de certains auteurs.

 
Sa vie fut si parfaite qu'il remplit exactement ses devoirs envers Dieu, envers le prochain, envers soi-même, et conformément à son ministère. En raison de ces quatre qualités, il est peint sous quatre faces, celle de l’homme, du lion, du boeuf et de l’aigle. " Chacun des animaux, dit Ezéchiel, avait quatre faces et quatre ailes."

Et pour mieux comprendre cela, figurons-nous un animal quelconque ayant une tête carrée, comme un carré de bois sur chacun de ses côtés figurons-nous une face, sur le devant celle d'un homme, à droite celle d'un lion, à gauche celle d'un veau, et par derrière la face d'un aigle. Or, comme la face de l’aigle s'élevait au-dessus des autres en raison de la longueur de son cou, c'est pour cela qu'on dit que l’aigle était par dessus.

Chacun de ces animaux avait quatre ailes ; car comme nous nous figurons chaque animal comme un carré et que dans un carré il se trouve quatre angles, à chaque angle se trouvait une aile. Par ces quatre animaux, d'après quelques saints, on entend les quatre Évangélistes dont chacun eut quatre faces dans ses écrits, savoir : celles de l’humanité, de la passion, de la résurrection et de la divinité ; cependant on attribue plus spécialement à chacun d'eux la face d'un seul animal.

Plaque de reliquaire. XIe.

D'après saint Jérôme, saint Mathieu est représenté sous la figure d'un homme, parce qu'il s'appesantit principalement sur l’humanité du Sauveur ; saint Luc sous celle d'un veau, car il traite du sacerdoce du Christ ; saint Marc, sous celle d'un lion, évidemment parce qu'il a décrit la résurrection. Les lionceaux, dit-on, restent morts trois jours en venant au monde, mais ils sont tirés de cet engourdissement le troisième jour ; par les rugissements du lion.

En outre, saisit Marc commence son évangile par la prédication de saint Jean-Baptiste. Saint Jean est représenté sous la figure d'un aigle, parce qu'il s'élève plus haut que les autres, quand il traite de la divinité du Christ. Or, Notre Seigneur Jésus-Christ. dont les évangélistes ont écrit la vie eut aussi les propriétés de ces quatre animaux : il fut homme en tant que né d'une vierge, veau dans sa passion, lion dans sa résurrection, et aigle dans son ascension. Par ces quatre faces sous lesquelles est désigné saint Luc, aussi bien que chacun des évangélistes, on a voulu montrer les quatre qualités qui le distinguent.

En effet par la face d'homme, on montre quelles furent ses qualités envers le prochain qu'il a dû instruire par la raison, attirer par la douceur et encourager par la libéralité ; car l’homme est une créature raisonnable, douce et libérale. Par la face d'aigle on montré ses dispositions par rapport à Dieu ; parce qu'en lui, l'oeil de l’intelligence regarde Dieu par la contemplation, son affection s'aiguise par la méditation, comme le bec de l’aigle par l’usage qu'il en fait, et il se dépouille de sa vieillesse en prenant un nouvel état de vie.

 
L'aigle en effet a la vue perçante, en sorte qu'il regarde le soleil sans que la réverbération des rayons de cet astre lui fasse fermer les yeux ; et quand il est élevé au plus haut des airs, il voit : les petits poissons dans la mer. Son bec est très recourbé pour qu'il ne soit pas gêné pour saisir sa proie, qu'il écrase sur les pierres de manière qu'elle peut lui servir de nourriture. Brûlé ensuite par l’ardeur du soleil, il se précipité avec grande impétuosité dans une fontaine et se dépouille de sa vieillesse. La chaleur du soleil dissipe les ténèbres qui obscurcissent ses yeux et fait muer son plumage.

Par la face du lion, on voit qu'il fut parfait en soi, car il posséda la générosité dans sa conduite, la sagacité nécessaire pour échapper aux embûches des ennemis, et des habitudes de compassion envers les affligés. Le lion en effet est un animal généreux, puisqu'il est le roi des animaux : il a la sagacité, puisque dans sa fuite, il détruit avec sa queue les vestiges de ses pas afin que personne ne le trouve, il a l’habitude des souffrances, car il souffre de la fièvre quarte.


Saint Luc dessinant la Vierge Marie. Roger van der Weyden. XVIIe.

Par la face de veau ou de boeuf, on voit qu'il remplit avec exactitude les fonctions de son ministère, qui consista à écrire son évangile. Il procéda dans ce livre avec circonspection; en commençant par la naissance du Précurseur, celle du Christ et son enfance, et il décrit ainsi avec enchaînement toutes les actions du Sauveur jusqu'au dernier sacrifice. Son récit est fait avec discernement, parce qu'écrivant après deux évangélistes, il supplée ce qu'ils ont omis et il omet les faits sur lesquels ils ont donné des renseignements suffisants. Il s'appesantit sur ce qui regarde le temple et les sacrifices ; ce qui est évident dans toutes les parties qui composent son livre. Le boeuf est, en effet, un animal lent, aux pieds fendus, ce qui désigne le discernement dans les sacrificateurs.

Figure d'applique d'une reliure. XIIIe.

Au reste, il est aisé de s'assurer d'une manière plus exacte encore que saint Luc eut les quatre qualités dont il vient d'être question, pour peu qu'on examine soigneusement l’ensemble de sa vie. En effet, il eut les qualités qui lui étaient nécessaires par rapport à Dieu. Elles sont au nombre de trois, d'après saint Bernard : l’affection, la pensée et l’intention :

1. L'affection doit être sainte, les pensées pures, et l’intention droite. Or, dans saint Luc, l’affection fut sainte, puisqu'il fut rempli du Saint-Esprit. Saint, Jérôme, dans son prologue de l’évangile de saint Luc, dit de lui qu'il mourut en Béthanie, plein du Saint-Esprit.

2. Ses pensées furent pures ; car il fut vierge de corps et d'esprit, ce qui démontre évidemment la pureté de ses pensées.

3. Son intention fut droite, car, dans tous ses actes, il recherchait l’honneur qui est dû à Dieu. Ces deux dernières vertus font dire dans le prologue sur les Actes des Apôtres : " Il se préserva de toute souillure en restant vierge " ; voici pour la pureté de ses pensées ; " il aima mieux servir le Seigneur ", c'est-à-dire, pour l’honneur du Seigneur, ce qui a trait à la droiture de ses intentions. Venons à ses qualités par rapport au prochain : Nous remplissons nos devoirs à son égard quand nous accomplissons envers lui ce à quoi le devoir nous oblige.
Or, d'après Richard de Saint Victor, nous devons au prochain notre pouvoir, notre savoir et notre vouloir, qui engagent à un quatrième devoir, les bonnes oeuvres. Nous lui devons notre pouvoir en l’aidant, notre savoir en le conseillant, notre vouloir en concevant en sa faveur de bons désirs, et nos actions en lui rendant de bons offices. Or, saint Luc eut ces quatre qualités. Il donna au prochain ce qu'il put pour le soulager : ce qui est évident par sa conduite envers saint Paul auquel il resta constamment attaché dans toutes les tribulations du Docteur des Gentils, qu'il ne quitta jamais, mais auquel il vint en aide dans la prédication. " Luc est seul avec moi ", dit saint Paul à Timothée (I, IV).
Et quand il dit ces mots " avec moi " il veut dire que saint Luc l’aide, le défend, fournit à ses besoins.
Quand il dit : " Luc est seul ", saint Paul montre qu'il lui est constamment attaché. Saint Paul dit encore dans la IIe Ep. aux Corinthiens (VIII), en parlant de saint Luc : " Il a été choisi par les Églises pour nous accompagner dans nos voyages ".
Il donna au prochain son savoir, par les conseils, lorsqu'il écrivit, pour l’utilité du prochain, ce qu'il avait appris de la doctrine des apôtres et de l’Évangile. Il se rend à lui-même ce témoignage, dans son prologue, quand il dit :
" J'ai cru, très excellent Théophile, qu'après avoir été informé exactement de toutes ces choses depuis leur commencement, je devais aussi vous en représenter par écrit toute la suite, afin que vous reconnaissiez la vérité de ce qui vous a été annoncé."
Il servit le prochain de ses conseils, puisque saint Jérôme dit en son prologue, que ses paroles sont des remèdes pour les âmes languissantes. Il fut plein de bons désirs, puisqu'il souhaita aux fidèles le salut éternel (Coloss., IV) :
" Luc, médecin, vous salue."
Il vous salue, c'est-à-dire qu'il souhaite le salut éternel.

4. Ses actions étaient de bons services chose évidente par cela qu'il reçut chez lui Notre-Seigneur qu'il prenait pour un voyageur. Car il était le compagnon de Cléophas qui allait à Emmaüs, au dire de quelques-uns ; ainsi le rapporte saint Grégoire, dans ses Morales, bien que saint Ambroise dise que ce fut un autre, dont il cite même le nom, (Saint Ambroise, in Luc.).

Le boeuf ailé de saint Luc. Plaque de croix reliquaire. XIe.

Troisièmement il posséda les vertus requises pour sa propre sanctification. " Trois vertus disposent l’homme à la sainteté, dit saint Bernard : la sobriété dans la manière de vivre, la justice dans les actes, et la piété du coeur ; chacune de ces qualités se subdivise encore en trois, toujours d'après saint Bernard. C'est vivre sobrement que de vivre avec retenue, politesse et humilité : les actes seront dirigés par la justice s'il existe en eux droiture, discrétion et profit : droiture dans l’intention qui doit être bonne, discrétion s'il y a modération, et profit par l’édification : il y aura piété de coeur, si notre foi nous fait voir Dieu souverainement puissant, souverainement sage, et souverainement bon : en sorte que nous croyons notre faiblesse soutenue par sa puissance, notre ignorance rectifiée par sa sagesse, et, notre iniquité détruite par sa bonté."

Or, saint Luc posséda toutes ces qualités :

1. Il y eut sobriété dans sa manière de vivre, en trois choses :
a) en vivant dans la continence ; car saint Jérôme dit de lui en son prologue sur saint Luc, qu'il ne se maria point, et qu'il n'eut pas d'enfants ;
b) en vivant avec politesse, comme on l’a vu tout à l’heure en parlant de Cléophas, supposé qu'il eût été l’autre disciple : " Deux des disciples de Jésus allaient ce jour-là à Emmaüs ".
Il fut poli, ce qui est indiqué par le mot " deux " ; c'étaient des disciples, donc c'étaient des personnes bien disciplinées et de bonne conduite ;
c) en vivant avec humilité, vertu insinuée en cela qu'il cite Cléophas son compagnon, mais sans se nommer lui-même. D'après l’opinion de quelques auteurs, il ne se nomme pas par humilité.

2. Il y eut justice en ses actes et chacun d'eux procéda d'une intention droite ; vertu indiquée dans l’oraison de son office où il est dit que, " pour la gloire du nom du Seigneur, il a continuellement porté sur son corps la mortification de la Croix " : il y eut discernement dans sa conduite calme ; aussi est-il représenté sous la face du boeuf qui a la corne du pied fendue, c'est le signe de la vertu de discernement. Ses actes produisirent des fruits d'édification ; car il était grandement chéri de tous.
Ce qui le fait appeler très cher par saint Paul en son épître aux Colossiens (IV) : " Luc, notre très cher médecin, vous salue ".

3. Il eut des sentiments pieux, car il eut la foi ; et dans son évangile il proclama la souveraine puissance de Dieu, comme sa souveraine sagesse, et sa souveraine bonté. Les deux premiers attributs de Dieu sont énoncés clairement au chap. IV : " Le peuple était tout étonné de la doctrine de Notre Seigneur Jésus-Christ, parce qu'il parlait avec autorité ". Le troisième est énoncé dans le ch. XVIII : " Il n'y a que Dieu seul qui soit bon ".

Saint Luc et son Boeuf ailé. Fresque.
Basilique Saint-Pierre. Rome. XVIIe.

4. Enfin, il remplit exactement les fonctions de son ministère qui était d'écrire l’Évangile. Or, son évangile est appuyé sur la vérité, il est rempli de choses utiles, il est orné de beaux passages, et confirmé par de nombreuses autorités.

I. Il est appuyé sur la vérité. Il y en a de trois sortes : la vérité de la vie, de la justice et de la doctrine. La vérité de la vie est l’équation qui s'établit entre la main et la langue; la vérité de la justice est l’équation de la substance à la cause; la vérité de la doctrine est l’équation qui s'établit entre la chose perçue et l’intellect. Or, l’évangile de saint Luc est appuyé sur ces trois sortes de vérités qui y sont enseignées, car cet évangéliste montre que Notre Seigneur Jésus-Christ posséda ces trois sortes de vérités et les enseigna aux autres ; d'abord par le témoignage de ses adversaires : " Maître, est-il dit dans le chap. XX, nous savons que vous ne dites et n'enseignez rien que de juste " : voici la vérité de la doctrine , " et que vous n'avez point d'égard aux personnes " : voilà la vérité de la justice, " mais que vous enseignez la voie de Dieu dans la vérité " : voilà la vérité de la vie. La voie qui est bonne s'appelle la voie de Dieu. Saint Luc montre dans son évangile que Notre Seigneur Jésus-Christ a enseigné cette triple vérité :

1. la vérité de la vie qui consiste dans l’observation des commandements de Dieu. Au chapitre X il est écrit : " Vous aimerez le Seigneur votre Dieu, de tout votre coeur... Faites cela et vous vivrez ".
Au chapitre XXIII, " un homme de qualité demanda à Notre Seigneur Jésus-Christ : " Bon maître, que faire pour que j'obtienne " la vie éternelle ?" Il lui est répondu : " Vous savez les commandements : " Vous ne tuerez point, etc... "

2. La vérité de la doctrine. Le Sauveur dit en s'adressant à certaines personnes qui altéraient la vérité de la doctrine : " Malheur à vous, pharisiens, qui payez la dîme, c'est-à-dire qui enseignez qu'il faut payer la dîme de la menthe, de la rue, et de toutes sortes d'herbes, et qui négligez la justice et l’amour de Dieu "(XI).
Il dit encore au même endroit : " Malheur à vous, docteurs de la loi, qui vous êtes saisis de la clef de la science, et qui n'y étant point entrés vous-mêmes, l’avez encore fermée à ceux qui voulaient y entrer ".

3. La vérité de la justice est énoncée au chapitre XX : " Rendez donc à César ce qui appartient à César et à Dieu ce qui appartient à Dieu ". Au chapitre XIX : " Quant à mes ennemis, qui n'ont point voulu m’avoir pour roi, qu'on les amène ici, et qu'on les tue en ma présence ". Au chapitre XIII, où il est question du jugement, quand Notre Seigneur Jésus-Christ doit dire aux réprouvés : " Retirez-vous de moi, vous tous qui faites des oeuvres d'iniquité ".

II. Son évangile est d'une grande utilité. Aussi fut-il médecin pour nous montrer qu'il nous prépara une médecine très salutaire. Or, il y a trois sortes de médecine : la curative, la préservative et l’améliorative. Saint Luc montre dans son évangile que cette triple médecine nous a été préparée par le céleste médecin. La médecine curative guérit des maladies ; or, c'est la pénitence qui guérit toutes les maladies spirituelles. C'est cette médecine que saint Luc dit nous avoir été offerte par le céleste médecin, dans le chapitre IV : " J'ai été envoyé par l’Esprit du Seigneur pour guérir ceux qui ont le coeur brisé; pour annoncer aux captifs qu'ils vont être délivrés, etc. Je ne suis pas venu appeler tes justes, mais les pécheurs "(V).

La médecine qui améliore fortifie la santé, et c'est l’observance des conseils qui rend l’homme meilleur et plus parfait. C'est elle que le grand médecin nous a préparée, quand il dit (ch. XVIII) : " Tout ce que vous avez, vendez-le et le donnez aux pauvres ". " Si quelqu'un prend votre manteau, laissez-lui prendre aussi votre robe." (Ch. VI.)
La médecine préservative prévient la chute, et c'est la fuite des occasions du péché et des mauvaises compagnies qui nous est, enseignée au chapitre XII : " Gardez-vous du levain des pharisiens, qui est l’hypocrisie " ; par où il nous apprend à fuir la compagnie des méchants. On peut dire encore que l’Evangile de saint Luc est fort utile, en ce sens que tous les principes de la sagesse y sont renfermés. Voici comme en parle saint Ambroise : " Saint Luc embrasse toutes les parties de la sagesse, dans soli évangile. Il y enseigne ce qui a rapport à la nature, lorsqu'il attribue au Saint-Esprit l’Incarnation de Notre Seigneur Jésus-Christ ".

David avait aussi enseigné cette sagesse naturelle, quand il dit : " Envoyez votre Esprit et ils seront créés ". Ce que saint Luc fait encore, en parlant des ténèbres qui accompagnèrent la Passion de Notre Seigneur Jésus-Christ, des tremblements de terre et du soleil qui retira ses rayons. Il enseigna la morale, puisqu'il donna une règle de moeurs dans le récit des Béatitudes. Son enseignement est conforme à la raison, quand il dit : " Celui qui est fidèle dans les petites choses le sera dans les grandes ". Sans cette triple science, la naturelle, la morale et la rationnelle, point de foi, point de mystère de la Trinité possible. (Saint Ambroise.)

III. Son évangile est embelli par toutes sortes de grâces : son style, en effet, et son langage sont fleuris et fort clairs. Or, pour qu'un écrivain atteigne à cette grâce et à cet éclat, trois qualités sont nécessaires, d'après saint Augustin, plaire, éclairer et toucher. Pour plaire, il faut un style orné ; pour éclairer, il le faut clair ; pour toucher, il faut. parler avec feu.. Qualités que saint Luc posséda dans ses écrits et dans sa prédication.
Les deux premières, d'après ce témoignage de la IIe aux Corinthiens : " Nous avons envoyé avec lui un frère (La Glose entend par ce frère saint Barnabé ou saint Luc) qui est devenu célèbre dans toutes les églises par son évangile ".
Par ces mots " qui est devenu célèbre ", saint Paul fait entendre que son style est orné. Par ceux-ci " dans toutes les églises ", on voit qu'il a parlé avec clarté. Qu'il ait parlé avec feu, cela est évident, parce qu'il posséda un coeur ardent, selon qu'il le dit lui-même " Notre cour n'était-il pas embrasé en nous, lorsqu'il nous parlait dans le chemin et qu'il nous expliquait les Ecritures ?"

IV. Son évangile a été confirmé par de nombreuses autorités :

1. par celle du Père, qui dit dans Jérémie (XXXI) : " Le temps vient, dit le Seigneur,où je ferai une nouvelle alliance avec la maison d'Israël et la maison de Juda ; non selon l’alliance que je fis avec leurs pères, mais voici l’alliance que je ferai avec la maison d'Israël, après que ce temps-là sera venu, dit le Seigneur : j'imprimerai ma loi dans leurs entrailles et je l’écrirai dans leur coeur ".
A la lettre, il parle ici de la doctrine évangélique.

2. Il a été corroboré par l’autorité du Fils, qui dit an chapitre XXI : " Le ciel et la terre passeront, mais mes paroles ne passeront point ".

3. Son évangile fut inspiré par l’Esprit-Saint, d'après ces paroles de saint Jérémie dans son prologue sur saint Luc : " Par le mouvement du Saint-Esprit, il a écrit son évangile dans l’Achaïe ".

4. Il fut figuré d'avance par les anges ; c'est à ce sujet qu'il est dit dans l’Apocalypse (XIV) : " Je vis l’ange de Dieu qui volait par le milieu du ciel, portant l’Evangile éternel ".
Or, cet Evangile est appelé éternel, parce qu'il a nue origine éternelle, c'est-à-dire Notre Seigneur Jésus-Christ qui est éternel, dans sa nature, dans sa fin et dans sa durée.

Saint Luc. Maître de Madeleine. Florence. XIIIe.

V. Il a été annoncé par les prophètes. En effet, le prophète Ezéchiel a en vue l’évangile de saint Luc ; quand il dit qu'un des animaux avait une face de veau. Le même prophète veut en parler encore (II), quand il raconte avoir vu un livre écrit en dedans et en dehors, et dans lequel on avait écrit des plaintes lugubres, des cantiques et des malédictions. Ce qui a rapport à l’évangile de saint Luc, qui est écrit, en dedans par les mystères qu'il renferme, et en dehors, par le récit historique. On y trouve encore les plaintes de la Passion, le cantique de la Résurrection et les malédictions de la Damnation éternelle, dans le chapitre XI, où se rencontrent beaucoup d'imprécations.

VI. Il a été expliqué et manifesté par la Sainte Vierge, qui en conservait toutes les particularités dans son cour et les ruminait, est-il dit en saint Luc (II), afin de pouvoir les faire connaître dans la suite aux écrivains sacrés ; d'après ce que dit la Glose : " Tout ce qu'elle savait des actions et des paroles du Seigneur, elle le recueillit dans sa mémoire, afin qu'au moment de prêcher et d'écrire les circonstances de l’Incarnation, elle put expliquer, d'une manière satisfaisante, à qui le demanderait, tout ce qui s'était passé ". C'est ce qui fait que saint Bernard, expliquant pourquoi l’ange annonça à la Sainte Vierge la grossesse d'Elisabeth, dit :
" Si la conception d'Elisabeth est découverte à Marie, c'est afin que la venue du Sauveur et celle du Précurseur étant connues, elle pût, en conservant dans son esprit la suite et l’enchaînement des faits, en révéler, dans la suite la vérité aux écrivains et aux prédicateurs, puisque, dès le principe, elle fut pleinement instruite miraculeusement de tous ces mystères."

Aussi croit-on que les évangélistes lui demandaient bien des renseignements, sur lesquels elle les éclairait.
On a pensé de saint Luc en particulier qu'il eut recours à elle comme à l’arche du Testament, et qu'il en apprit avec certitude bien des faits, surtout ceux qui la concernaient personnellement, comme l’Annonciation de l’ange, la naissance de Notre Seigneur Jésus-Christ et autres semblables dont saint Luc est le seul qui fasse état.

VII. L'Evangile lui fut notifié par les apôtres. Puisque saint Luc ne fut pas témoin de toutes les actions et des miracles de Notre Seigneur Jésus-Christ if fut obligé d'écrire son évangile selon les données et le rapport des apôtres qui avaient été présents : il le donne à entendre dans son prologue quand il dit : " J'ai écrit sur le rapport que nous en ont fait ceux qui dès le commencement ont vu ces choses de leurs propres yeux et qui ont été les ministres de ta parole ".
Comme on a coutume de rendre témoignage soit de ce que l’on a vu, soit de ce que l’on a entendu, dit saint Augustin ; c'est pour cela que le Seigneur a voulu avoir deux témoins qui l’eussent vu, savoir saint Matthieu et saint Jean, et deux qui eussent entendu, savoir saint Marc et saint Luc. Mais parce que le témoignage de ce qu'on a vu est plus sûr et plus certain que celui de ce qu'on a entendu, c'est pour cette même raison, ajoute saint Augustin, que les deux évangélistes qui ont vu sont l’un au commencement et l’autre à la fin, et les deux qui ont entendu sont placés au milieu, afin que, tenant le milieu comme les plus faibles, ils soient protégés et défendus par ceux qui se trouvent au commencement et à la fin comme étant plus certains.

VIII. Il fut merveilleusement approuvé par saint Paul, qui, en preuve de ce qu'il disait, apportait le témoignage de l’évangile de saint Luc. Ce qui fait dire à saint Jérôme, dans son livre des Hommes illustres, que plusieurs estiment que si saint Paul parle ainsi dans ses épîtres : " Selon mon évangile ", il veut parler de l’ouvrage de saint Luc.
Saint Paul approuvait encore merveilleusement l’évangile de saint Lire quand il écrit aux Corinthiens (II, c. VIII) que " saint Luc est devenu célèbre dans toutes les églises par son évangile ".

On lit dans l’Histoire d'Antioche que les chrétiens qui habitaient cette ville s'étant livrés à d'affligeants et nombreux désordres, furent assiégés par les Turcs, et en proie à une grande misère et à la famine. Mais étant revenus tout à fait au Seigneur par la pénitence, il apparut à quelqu'un qui veillait dans l’église de Sainte-Marie de Tripoli un personnage éclatant de lumière et revêtu d'habits blancs ; et quand l’homme qui veillait eut demandé à celui-ci qui il était, il lui fut répondu, qu'il était saint Luc, venu d'Antioche, où le Seigneur avait convoqué la milice céleste, avec les apôtres et les martyrs, afin de combattre pour ses serviteurs. Alors les chrétiens, pleins d'ardeur, taillèrent en pièces l’armée entière des Turcs.

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jeudi, 17 octobre 2024

17 octobre. Sainte Marguerite-Marie Alacoque, vierge, religieuse de la Visitation. 1690.

- Sainte Marguerite-Marie Alacoque, vierge, religieuse de la Visitation. 1690.

Pape : Innocent XI. Roi de France : Louis XIV.

" Le Sacré Cœur de Jésus est un abîme d’amour où il faur abîmer tout l’amour-propre qui est en nous, et toutes ses mauvaises productions qui sont le respect humain et les désirs de nous satisfaire."
Sainte Marguerite-Marie.

Née dans le Charolais un 22 juillet, Marguerite-Marie était la cinquième des sept enfants de Claude Alacoque, un notaire royal d’une grande réputation de probité, et de Philiberte ; tous deux vrais Chrétiens et estimés comme tels. Son père mourut alors qu'elle n'avait que huit ans.

Prévenue par la grâce divine dès ses premières années, elle conçut de la laideur du péché une idée si vive, que la moindre faute lui était insupportable; pour l'arrêter dans les vivacités de son âge, il suffisait de lui dire : " Tu offenses Dieu !"

Elle fit le voeu de virginité à un âge où elle n'en comprenait pas encore la portée. Elle aimait, tout enfant, à réciter le Rosaire, en baisant la terre à chaque Ave Maria.

Paray-le-Monial.

Elle fut envoyée à l'école des clarisses de Charolles, où elle fit sa première communion. Mais, après deux ans d'école, elle fut obligée de partir en raison de sa mauvaise santé. Entre dix et quinze ans, elle fut clouée au lit par des rhumatismes articulaires. C'est durant ces années que sa dévotion au Saint Sacrement, sa nature contemplative et sa conception spirituelle de la souffrance se développèrent. Après sa Première Communion, elle se sentit complètement dégoûtée du monde ; Dieu, pour la purifier, l'affligea d'une maladie qui l'empêcha de marcher pendant quatre ans, et elle dut sa guérison à la Sainte Vierge, en échange du voeu qu'elle fit d'entrer dans un Ordre qui Lui fût consacré.

Revenue à la santé miraculeusement par l’intercession de Notre Dame, gaie d'humeur, expansive et aimante, elle se livra, certes pas au péché, mais à une dissipation exagérée avec ses compagnes.

Mais bientôt, de nouvelles épreuves vinrent la détacher des vanités mondaines ; les bonnes oeuvres, le soin des pauvres, la communion, faisaient sa consolation. Vers l'âge de vingt ans, elle commença à avoir des visions du Christ.

Marguerite rejeta très vite l'éventualité d'un mariage et entra en 1671 dans l'ordre de la Visitation à Paray-le-Monial. Elle fut pendant un an, avant de devenir religieuse, une novice maladroite mais sympathique. Durant les trois années qui suivirent, elle eut ses plus célèbres visions on raconte que le Christ lui ordonna de promouvoir la dévotion au Sacré Coeur, de consacrer un jour de fête en son honneur et d'instituer la pratique pieuse de " l'Heure Sainte ".

Mais les efforts de Marguerite se heurtèrent à l'incrédulité et au refus de sa supérieure, la mère de Saumaise. Même quand elle eut réussi à convaincre sa communauté, il resta une forte opposition des théologiens et de certaines de ses consoeurs.

Leur manque de compréhension n'était pas sans raisons beaucoup eurent du mal à accepter l'attitude de Marguerite qui les informa que le Christ lui avait demandé, par deux fois, d'être la victime expiatoire de leurs imperfections. Le confesseur jésuite du couvent, le Père Claude La Colombière (qui mourut d'ailleurs à Paray-le-Monial), fit largement connaître et accepter ses visions.

Elle ne bénéficia de l'appui total de la communauté qu'en 1653, quand la mère Melin, devenue supérieure, nomma Marguerite assistante puis, plus tard, maître des novices. En 1686, le couvent commença à célébrer la fête du Sacré Coeur et, deux ans plus tard, une chapelle fut construite en son honneur à Paray-le-Monial. Ce culte se répandit rapidement dans les autres maisons de l'ordre de la Visitation.

Image du Sacré Coeur de Jésus que sainte Marguerite-Marie
donnait à ses novices lorsqu'elle était maître de celles-ci.

Le divin Époux la forma à Son image dans le sacrifice, les rebuts, l'humiliation; Il la soutenait dans ses angoisses, Il lui faisait sentir qu'elle ne pouvait rien sans Lui, mais tout avec Lui.
" Vaincre ou mourir !" tel était le cri de guerre de cette grande âme.

Quand la victime fut complètement pure, Jésus lui apparut à plusieurs reprises, lui montra Son Coeur Sacré dans Sa poitrine ouverte :
" Voilà, lui dit-Il, ce Coeur qui a tant aimé les hommes et qui en est si peu aimé !"

On sait l'immense expansion de dévotion au Sacré Coeur qui est sortie de ces Révélations.

Châsse qui renferme les saintes reliques de
sainte Marguerite-Marie. Paray-le-Monial.

Marguerite mourut au couvent le 17 octobre 1690 et, en 1765, le pape Clément XIII approuva officiellement la dévotion au Sacré Coeur. Elle fut béatifiée en 1864 et canonisée par le pape Benoît XV en 1920.

Sacré Coeur de Jésus. Batini. XVIIIe.

Promesses faites par Notre Seigneur Jésus-Christ à sainte Marguerite-Marie en faveur des personnes qui pratiquent la dévotion à son Sacré-Cœur :
1. Je leur donnerai toutes les grâces nécessaires à leur état.
2. Je mettrai la paix dans leur famille.
3. Je les consolerai dans toutes leurs peines.
4. Je serai leur refuge assuré pendant la vie et surtout à la mort.
5. Je répandrai d'abondantes bénédictions sur toutes leurs entreprises.
6. Les pécheurs trouveront dans mon Cœur la source et l'océan infini de la miséricorde.
7. Les âmes tièdes deviendront ferventes.
8. Les âmes ferventes s'élèveront à une grande perfection.
9. Je bénirai moi-même les maisons où l'image de mon Sacré-Cœur sera exposée et honorée.
10. Je donnerai aux prêtres le talent de toucher les cœurs les plus endurcis.
11. Les personnes qui propageront cette dévotion auront leur nom écrit dans mon Cœur, où il ne sera jamais effacé.
12. Je te promets, dans l'excès de la miséricorde de mon Cœur, que son amour tout-puissant accordera à tous ceux qui communieront les premiers vendredis du mois, neuf fois de suite, la grâce de la pénitence finale, qu'ils ne mourront point dans ma disgrâce, ni sans recevoir leurs Sacrements, et que mon divin Cœur se rendra leur asile assuré à cette dernière heure.

Chapelle du Sacré Coeur de Jésus. Eglise du Gesu. Rome.

Les communions réparatrices des neuf premiers vendredis du mois :

En 1688, au cours d'une apparition à sainte  Marguerite-Marie, Notre-Seigneur Jésus-Christ daigna lui adresser ces paroles :
" Je te promets, dans l'excessive miséricorde de mon Cœur, que son amour tout-puissant accordera à tous ceux qui communieront les premiers vendredis du mois, neuf mois de suite, la grâce de la pénitence finale, qu'ils ne mourront point dans ma disgrâce ni sans recevoir leurs sacrements, et que mon divin Cœur se rendra leur asile assuré aux derniers moments."

La plus ancienne archiconfrérie
dévouée au Sacré Coeur de Jésus. Rome.

Par l'insertion intégrale de cette promesse dans la Bulle de canonisation de sainte Marguerite-Marie (Acta Apostolicæ Sedis 1920, p. 503), en date du 13 mai 1920, le Pape Benoît XV a encouragé la pratique des communions réparatrices des neuf premiers vendredis du mois, en l'honneur du Sacré-Cœur.

Rq : On lira avec fruit la vie de sainte Marguerite-Marie Alacoque d'après l'autobiographie qu'elle écrivit sur l'ordre de sa supérieure et de son confesseur : http://www.abbaye-saint-benoit.ch/saints/margueritemarie/...

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mercredi, 16 octobre 2024

16 octobre. Saint-Michel Au-Péril-de-la-Mer, apparition de saint Michel archange à saint Aubert. 720 - 725.

- Saint-Michel-au-Péril-de-la-Mer, anniversaire de l'apparition de saint Michel archange à saint Aubert, évêque d'Avranches. Cette apparition provoqua la construction de l'abbaye du Mont-Saint-Michel par saint Aubert. 720 - 725.

Papes : Saint Eugène Ier ; Saint Grégoire II. Rois des Francs : Childebert III ; Thierry IV.

Le Mont Saint-Michel. Les Très riches heures du duc de Berry. XIVe.

Aux diocèces de Coutances et Avranches, Rennes et Vannes, anniversaire de l'apparition de saint Michel archange à saint Aubert, évêque d'Avranches.

Saint Aubert et saint Michel. Legenda aurea. Bx J. de Voragine. XIVe.

Une vaste plaine couverte d'épaisses forêts,et que défendaient contre l'Océan les rochers de Sessiacum, s'étendait au quatrième siècle entre les territoires de Coutances et d'Avranches et ceux de Dol et d'Aleth. Lorsque la foi chrétienne eut brillé sur les côtes d'Armorique et de Neustrie, les solitudes les plus retirées de ce désert devinrent le séjour de pieux personnages qu'attirait la facilité de s'y donner entièrement au service de Dieu et à la contemplation des vérités surnaturelles ; plusieurs se trouvent au catalogue des Saints.

Le Mont Saint-Michel.

Mais cette terre qu'avaient sanctifiée leurs pas, devint plus illustre encore à la suite d'une apparition de l'Archange saint Michel. Ce fut sous le règne de Childebert III que, se manifestant à l'évêque d'Avranches Aubert pendant son sommeil, il lui notifia sa volonté qu'on bâtît une église sous son patronage au sommet du mont Tombe, ainsi appelé de son élévation en forme de tumulus. Il fallut trois intimations successives au prélat hésitant, pour qu'il se mît à l'oeuvre. La forme par lui donnée au sanctuaire nouveau fut celle d'une crypte arrondie rappelant la grotte sainte du mont Gargan ; des reliques apportées de cette dernière y furent déposées ; et l'on fit solennellement la dédicace au dix-sept des calendes de novembre, jour célébré depuis non seulement dans les églises de la seconde Lyonnaise et beaucoup d'autres de France, mais encore dans celles d'Angleterre. Ainsi fut consacré à Dieu sous le patronage de saint Michel ce mont, qu'on appelle aussi Au-péril-de-la-mer depuis que, l'océan ayant envahi les forêts dont nous avons parlé, le saint rocher se voit deux fois le jour entouré par les flots.

Saint Aubert y fonda une collégiale de douze clercs attachés au service perpétuel du bienheureux Archange. Toutefois par la suite Richard Ier, duc de Normandie, leur substitua des moines de saint Benoît. La fréquence des miracles accomplis en ce lieu y attirait de nombreux pèlerinages venant de presque toute l'Europe acquitter leurs vœux : on y vit beaucoup de rois ou de princes de France et d'Angleterre. Louis XI y institua l'Ordre des Chevaliers de saint Michel, qui gardèrent longtemps la coutume de tenir audit lieu leurs assemblées générales de chaque année. Ce fut au commencement du XIe siècle que l'on entreprit l'audacieux travail, longtemps poursuivi, de cette basilique grandiose établie sur la crête du mont comme auguste base, et dont les merveilles, en grande partie conservées, attirent encore à saint Michel la vénération de nos contemporains.

Louis XI entouré des premiers chevaliers
de l'Ordre de Saint-Michel. Manuscrit du XVe.

Notons de plus que l'église de Saint-Gervais d'Avranches conserve encore le crâne de saint Aubert. On voit encore sur le front l'empreinte du doigt que saint Michel laissa sur le front de saint Aubert qui refusait de bâtir le sanctuaire sur le très inhospitalier mont Tomba.

Croix de l'Ordre de Saint-Michel.

Nous devons un souvenir à cette fête si aimée de nos pères. Le VIIIe siècle inaugurait ses glorieuses annales.
" Dieu tout-puissant allait y faire de l'empire des Francs le glaive et le boulevard de son Eglise." (Prière des Francs).

C'était l'heure où, sa fougueuse adolescence domptée, le peuple premier-né faisait écho à tous les Saints et Saintes qui l'engendrèrent à Dieu, et s'écriait d'une seule voix (Ibid.) :
" Donnez aux fils des Francs la lumière, afin qu'ils voient ce qu'il faut faire pour établir votre règne en ce monde, afin que le voyant ils l'accomplissent dans la force et l'amour."
Au peuple donc qui se déclarait le chevalier de Dieu, Michel, prince des milices angéliques, offrait son alliance à cette heure même. Par saint Aubert, auquel se manifestait l'Archange, il prenait possession du roc fameux qui s'élève en plein océan, près du rivage de cette France dont l'épée s'apprêtait à poursuivre sur terre le grand combat commencé dans les hauteurs des cieux.

Eglise Saint-Gervais d'Avranches où est toujours
conservé le crâne de saint Aubert. Normandie.

PRIERE

" Notre nation sut honorer le céleste associé de ses luttes d'ici-bas ; elle transforma son pied-à-terre abrupt en un séjour qui put complaire au vainqueur de Satan : à la fois forteresse incomparable, et sanctuaire où sans fin les chants des moines s'unissaient aux harmonies des neuf chœurs ; vraiment digne de ce nom de Merveille qui lui fut donné ; rendez-vous commun du peuple et des rois venant présenter leur hommage d'action de grâces et de prière au protecteur de la nation.

Le saint crâne de saint Aubert. On distingue encore
la marque du doigt de saint Michel archange. Trésor
de l'église Saint-Gervais d'Avranches. Normandie.

Car lui aussi fut fidèle. Tant que dura la monarchie, l'Archange ne souffrit pas qu'aux plus mauvais jours d'invasion étrangère ou de rébellion hérétique, une autre bannière que celle du roi très chrétien flottât jamais près de la sienne sur ses remparts. Et quand l'Anglais, bientôt partout maître, s'épuisait en efforts impuissants contre le Mont Saint-Michel, qui donc venait dire à Jeanne la Pucelle la grande pitié qui était au royaume de France, et l'envoyait rendre au roi son royaume ? Le 8 mai, première fête de l'Archange, voyait la délivrance d'Orléans par celle en qui lui-même avait nourri, durant trois années d'angéliques entrevues, ce dévouement à la patrie et cet amour de Dieu qui s'unissent en toute âme bien née.

Aussi fût-ce œuvre digne et juste, au siècle du triomphe, que la création de cet Ordre de Saint-Michel établi par les rois :
" A la gloire et louange de Dieu notre Créateur tout-puissant et révérence de sa glorieuse Mère, et commémoration et honneur de Monsieur saint Michel Archange, premier Chevalier, qui pour la querelle de Dieu victorieusement batailla contre le dragon et le trébucha du ciel ; et qui son lieu et oratoire, appelé le Mont Saint-Michel, a toujours seurement gardé, préservé et défendu, sans être pris, subjugué ne mis es mains des ennemis du royaume." (Lettres royales du 1er août 1460, établissant l'Ordre nouveau, dont l'insigne était un collier d'or de coquilles lacées soutenant l'image de saint Michel avec la devise : IMMENSI TREMOR OCEANI).

Ce fut un grand jour que celui où la fille aînée de la sainte Eglise put s'appliquer la parole des saints Livres : " Voici que Michel vient à mon aide (Dan. X, 13.) !" Longtemps le monde bénéficia de cette alliance heureuse. Soyez béni pour l'honneur ainsi fait à nos pères, Ô Archange ! En souvenir du passé, malgré tant de pactes brisés, tant de gloires profanées, n'abandonnez pas leurs descendants trop indignes. N'y va-t-il pas du sort de l'Eglise elle-même, dont les malheurs apparaissent liés dans nos temps à ceux de notre infortunée patrie ? Le Vicaire de l'Epoux le comprenait sans doute ainsi, lorsque naguère (3 juillet 1877) il voulait qu'en son nom fût couronnée solennellement votre image, rétablie sur l'auguste mont d'où vous présidiez en des jours meilleurs à nos destinées.

Daignez répondre à sa confiance, à celle de ces vrais fils des Francs qui, nombreux déjà, ont su retrouver dévots et pénitents le chemin de votre sanctuaire. Entendez le cri du pays sous l'angoisse présente : Nemo adjutor meus nisi Michael ; Michel est mon seul soutien. (Dan. X, 21.)."

Le saint crâne de saint Aubert. On distingue encore
la marque du doigt de saint Michel archange. Trésor
de l'église Saint-Gervais d'Avranches. Normandie.

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16 octobre. Saint Gall, fondateur et Ier abbé du monastère de Saint-Gall en Suisse. 646.

- Saint Gall, fondateur et Ier abbé du monastère de Saint-Gall en Suisse. 646.

Pape : Théodore Ier. Roi de Neustrie et de Bourgogne : Clovis II. Roi d'Austrasie : Sigebert III. Empereur romain d'Orient : Constant II Héraclius.

" Quand vous recevez une humiliation, regardez cela comme un bon signe, comme une preuve certaine de la grâce qui approche."
Saint Bernard de Clairvaux.

Saint Gall. Peinture murale. Eglise Saint-Venant.
Horgenzell. Souabe. XVIIe.

Saint Gall naquit en Irlande de parents vertueux, qui l'offrirent à Dieu dès sa première jeunesse dans le monastère de Bangor (comté de Down), pour être élevé dans la piété et les lettres, sous la discipline de saint Colomban dont la vertu donnait alors beaucoup d'éclat à ce lieu. Il avait les inclinations si heureuses, qu'avec les grâces dont il plut à Dieu de le soutenir, il fit des progrès tout extraordinaires dans la vertu et les sciences, surtout dans l'intelligence de l'Ecriture sainte dont il expliquait admirablement les endroits les plus difficiles. Il y joignait l'agrément des belles-lettres, et particulièrement de la poésie dont il tâchait de sanctifier l'usage en la faisant servir à la piété. Quoiqu'il parût avoir été confié aux soins de Colomban, ce Saint n'avait sur lui d'autre supériorité que celle que lui donnait l'autorité particulière de ses exemples et de ses instructions.

Son abbé, saint Comgall, fondateur du monastère où il vivait, voulut le faire élever aux ordres sacrés, de l'avis de toute sa communauté mais s'il exécuta ce dessein, ce ne fut que pour lui conférer les ordres inférieurs. Car on est persuadé que saint Gall ne reçut la prêtrise qu'après qu'il fut passé en France avec saint Colomban, et par le commandement exprès de ce Saint, lorsqu'il fut devenu son abbé. Il n'y a que sa modestie qui lia pour lors les mains à l'abbé saint Comgall, et ce ne fut qu'après beaucoup de temps et d'efforts que saint Colomban put vaincre une répugnance qui n'était que l'effet de son humilité. Il fut du nombre des 12 moines de Bangor que ce Saint choisit, par la permission de saint Comgall, pour l'accompagner dans le dessein qu'il avait d'aller hors de son pays chercher à se perfectionner dans la vie pénitente. Ils passèrent de l'Irlande en Angleterre, et de là en " France ", du temps des rois Gontran et de ses neveux Clotaire II et Childebert II.

Ils s'arrêtèrent quelque temps dans les Etats du dernier qui régnait en Austrasie : puis, étant entrés dans les déserts des Vosges, ils y bâtirent le monastère d'Annegray, sur les confins des diocèses de Toul et de Besançon. Le pays y était stérile et dépourvu des commodités facilitant la vie. Cela ne pouvait être que favorable au dessein de Colomban et de ses disciples, qui y souffrirent beaucoup pendant près de 2 ans qu'ils y demeurèrent. Mais, ayant été conviés par des personnes de piété, entre autres par Agnoald, de passer sur les terres de Bourgondie qui obéissaient au roi Gontran, saint Colomban, à la faveur de ce prince, bâtit, de l'autre côté des montagnes des Vosges, un nouveau monastère sur les ruines d'une implantation païenne, appelée Luxeuil, au diocèse de Besançon. Saint Gall y embrassa des premiers la Règle que son maître y prescrivit à ses disciples, et y devint un modèle de régularité pour la communauté, qui se multiplia beaucoup, en peu de temps, par l'affluence de ceux qui venaient de France et de Bourgogne servir Dieu sous la conduite de saint Colomban.

Saint Gall et saint Colomban. Manuscrit du XVe.

Notre Saint, attaché à ses devoirs, passa plusieurs années dans le silence et la retraite de ce saint lieu, jusqu'à ce qu'il plut à Dieu de permettre d'autres épreuves à sa vertu dans les traverses et les persécutions qui furent suscitées à saint Colomban. Pendant que Thierry, impie roi de Bourgogne, fils de Childebert II, à l'instigation de sa grand'mère Brunehaut, exerçait la patience de saint Colomban par divers exils, saint Gall, accompagné de saint Eustase, autre religieux de Luxeuil, qui en fut depuis abbé, ne trouvant point de sûreté dans sa communauté contre les insultes de cette princesse, se réfugia auprès de Théodebert, roi d'Austrasie, frère de Thierry. Saint Colomban s'y rendit peu de temps après, au retour de la cour du roi Clotaire, où les vexations de Thierry et de Brunehaut l'avaient obligé de passer. Théodebert les reçut comme des Anges du Seigneur, témoignant être fort satisfait d'entendre leurs instructions et fort joyeux d'avoir auprès de lui de tels serviteurs de Dieu. Saint Colomban lui demanda ensuite permission d'aller en Italie trouver Agilulphe, roi des Lombards.

Mais Théodebert, ne pouvant souffrir qu'il sortît de ses Etats, le pria d'y choisir tel lieu qu'il jugerait à propos pour servir Dieu en paix et instruire les peuples sous sa direction. Le Saint accepta et remonta le long du Rhin avec saint Gall, saint Eustase et quelques autres de ses disciples qui étaient venus le joindre à Metz. Lorsqu'ils furent arrivés au lieu où le Rhin reçoit la rivière d'Aar, entre les diocèses de Bâle et de Constance, ils entrèrent en Suisse, s'avancèrent par la rivière du Limat jusqu'au bout du lac de Zurich, et passèrent au territoire de Zug, où ils croyaient avoir trouvé une solitude propre à leur établissement, lorsqu'ils s'en virent chassés par les habitants. Ces peuples étaient entièrement barbares et idolâtres : nos saints, touchés de compassion pour leur aveuglement et leurs désordres, s'employèrent à les instruire de la Foi chrétienne. Mais ils ne les trouvèrent pas disposés à les écouter.

Théodebert, qui avait donner refuge à saint Gall,
à la bataille de Quierzy contre son frère impie, Thierry.
Chroniques françaises. Guillaume Crétin. XVIe.

Saint Gall, ne pouvant retenir son zèle, mit le feu aux temples de leurs faux dieux et jeta dans le lac qui en était proche les oblations et les autres choses destinées aux sacrifices. Cette action irrita tellement ces barbares, que, pour s'en venger, ils résolurent de le tuer et de fouetter saint Colomban, puis de le chasser de leur pays avec tous les siens. Nos Saints ayant su cette résolution jugèrent à propos de se retirer. Ils s'arrêtèrent au bourg d'Arbon, sur le lac de Constance, où ils furent charitablement reçus par Willimar, qui était un prêtre de grande vertu.

Colomban ayant demandé à cet hôte s'il ne connaissait pas quelque lieu écarté qui pût lui servir de retraite et à sa compagnie, il lui apprit qu'à l'extrémité du lac, vers le levant, il y avait une solitude fort propre à son dessein, parce qu'il y trouverait de vieux bâtiments abandonnés où il pourrait se loger, et que la campagne y était assez abondante en fruits. Suivant cet avis, saint Colomban monta sur une barque avec saint Gall et un diacre et arriva au lieu qui lui avait été indiqué.

C'était un lieu près la ville de Brégentz assez désert, mais dans une solitude fort agréable. Ils y trouvèrent une chapelle dédiée à sainte Aurélie, mais on n'y disait plus la Messe et elle était profanée par un culte impie, idolâtre ; car il y avait 3 statues d'airain, attachées à la muraille, que les habitants adoraient comme les anciennes divinités du pays à qui ils se tenaient redevables de leur fortune et de leur conservation. Saint Colomban, ne pouvant souffrir cette abomination, ordonna à saint Gall de leur annoncer l'Evangile, parce qu'il savait assez bien parler leur langue. Le jour de la grande fête du lieu étant venu, il s'y rendit une multitude de monde de tout âge et de tout sexe, dont le concours fut encore augmenté par le désir de voir ces étrangers.

Saint Gall y signala son zèle : il prêcha fortement contre la superstition païenne, exhorta le peuple à reconnaître et à adorer le vrai Dieu. Puis joignant l'effet aux paroles, il brisa les statues et en jeta les morceaux dans le lac. Plusieurs profitèrent de ces instructions et se convertirent; les autres, demeurant dans leur aveuglement, en furent fort irrités, ce qui n'empêcha point saint Colomban de purifier la chapelle avec de l'eau bénite. Il la dédia pendant que saint GaIl et son autre compagnon chantaient des Psaumes, en reconsacra l'autel avec de l'huile sainte, y mit des reliques de sainte Aurélie, et l'on commença ensuite à y dire la Messe.

Les autres disciples de saint Colomban, qui étaient restés à Arbon, vinrent le rejoindre à Brégentz. Ils bâtirent des cellules autour de la chapelle ; et outre les exercices de piété, les uns s'occupèrent à cultiver un jardin et les autres à pêcher. L'exercice de saint Gall était de faire des filets pour les pêcheurs ou de pêcher souvent lui-même. Par ce moyen, il fournissait du poisson à ceux de sa communauté et aux hôtes qu'ils recevaient dans leur petit monastère.

Saint Gall prêchant aux Païens des bords
du lac de Constance. Gravure du XIXe.

Le diable était furieux de se voir arracher un domaine où il régnait depuis si longtemps. Une nuit, notre Saint entendit le démon de la montagne crier à celui du lac :
" Viens à mon secours, afin que nous chassions ces étrangers; car ils m'ont expulsé de mon temple, brisé mes statues et attiré après eux le peuple qui me suivait."
Le démon du lac de Constance répondit :
" Ce que vous annoncez de votre infortune, je le ressens par la mienne; car un de ces étrangers me presse dans les eaux et dévaste mon domaine ; je ne saurais ruiner ses filets ni le tromper lui-même, car l'invocation du Nom divin est toujours dans sa bouche, et, veillant continuellement sur lui-même, il se rit de nos piéges."
L'homme de Dieu, quand il eut entendu ces choses, se fortifia de toutes parts du Signe de la Croix et dit à ces démons :
" Au Nom de Notre-Seigneur Jésus-Christ, je vous adjure de quitter ce lieu et de n'y faire de mal à personne."
Ensuite il s'empressa de raconter à son abbé ce qu'il venait d'entendre. Aussitôt Colomban donna le signal de se réunir à l'église. Mais, avant qu'on eût commencé le chant des Psaumes, on entendit sur le sommet des montagnes les hurlements des démons et les gémissements de leur départ. Sur quoi les serviteurs de Dieu se prosternèrent en oraison et rendirent grâces au Seigneur, qui les avait délivrés de ces malins esprits.

Cependant les païens du pays, irrités que les serviteurs de Dieu eussent brisé leurs idoles, allèrent se plaindre au duc Gonzon, qui était ou seigneur ou gouverneur du lieu, que ces étrangers étaient venus troubler la liberté publique, et que l'on ne pouvait plus chasser aux environs de Brégentz à cause d'eux. D'autres enlevèrent quelques vaches du monastère et tuèrent même 2 des disciples de Colomban. Gonzon, qui n'était pas sans doute idolâtre, mais qui préférait la politique à la religion, lui ordonna de sortir du pays; et Colomban, au lieu de s'aller justifier comme il lui était aisé de le faire, aima mieux obéir, parce que d'ailleurs il s'attendait à voir reprendre en ce lieu la colère de Thierry, roi de Bourgogne, qui, par la défaite et la mort du roi Théodebert, son frère, était devenu roi d'Austrasie, d'où dépendait le lieu où il s'était établi. Il prit le parti de passer en Italie avec ses disciples ; mais saint Gall, se trouvant indisposé lorsqu'on était sur le point de partir, s'excusa de ne pouvoir le suivre. Le saint abbé crut que c'était moins l'infirmité que l'attachement que Gall avait pour ce pays qui lui faisait souhaiter de n'en pas sortir.

Il pensa peut-être que ce disciple, après avoir travaillé en ce lieu, avait envie d'y demeurer. Il lui permit de rester, mais, à titre de pénitence, il lui défendit de dire la Messe tant qu'il saurait qu'il serait en vie. Saint Gall obéit, et sa maladie, qui était réelle, ayant augmenté après le départ de saint Colomban, l'obligea de retourner à Arbon, chez le prêtre Willimar, qui le reçut avec beaucoup de charité. Il lui donna pour gardes et pour infirmiers 2 clercs de son église, Magnoald et Théodore, et prit un soin extrême de lui tout le temps de sa maladie, qui fut longue.

Baptême de Sigebert III.
Legenda aurea. Bx J. de Voragine. XIVe.

Après sa guérison, l'amour de la solitude le portant à chercher une autre retraite que celle de Brégentz, lui fit demander quelque lieu écarté à Hiltibod, diacre de Willimar, qui avait une connaissance très particulière de tout le pays.
Celui-ci lui répondit :
" Père, je connais une solitude telle que vous dites ; mais elle est habitée par des bêtes féroces, des ours, des sangliers et des loups sans nombre. Je crains donc de vous y conduire, de peur que vous ne soyez dévoré par ces animaux."
Gall répliqua :
" L'Apôtre a dit : Si Dieu est pour nous, qui sera contre nous ? Nous savons qu'à ceux qui aiment Dieu toutes choses tournent en bien. Celui qui a délivré Daniel de la fosse aux lions peut aussi m'arracher de la griffe des bêtes."
Ils convinrent tous 2 de partir le lendemain. Saint Gall jeûna tout le jour et passa toute la nuit en prières. Le lendemain ils marchèrent jusqu'à l'heure de None, où le diacre dit :
" C'est l'heure de la réfection, prenons un peu de pain et d'eau, afin de faire mieux le reste du chemin."
L'homme de Dieu répondit :
" Prenez ce qui est nécessaire à votre corps. Pour moi, je ne goûterai de rien que le Seigneur ne m'ait montré le lieu de la demeure que je désire."
Le diacre répliqua :
" Puisque nous devons partager la consolation, nous partagerons aussi la peine."
Et ils marchèrent tous 2 sans manger jusqu'au soir. Ils vinrent à une petite rivière appelée Stemaha, et la descendirent jusqu'à un rocher, d'où elle se précipitait dans un gouffre où ils aperçurent beaucoup de poissons. Ils y jetèrent leurs filets et les prirent. Le diacre ayant fait du feu, les fit rôtir et tira du pain de la panetière.

Le bienheureux Gall s'étant un peu écarté pour prier, s'embarrassa dans des ronces et tomba par terre. Le diacre accourut pour le relever ; mais l'homme de Dieu lui dit :
" Laissez-moi, c'est ici mon repos à jamais, c'est ici le lieu que j'habiterai, parce que je l'ai choisi."
Et, se levant après sa prière, il prit une tige de cornouiller, en fit une croix et la fixa en terre. Or, il avait appendu à son cou une boîte où étaient des reliques de la sainte vierge Marie (quelques fragments des vêtements de la sainte Vierge), ainsi que de saint Maurice et de saint Didier.
Il attacha le reliquaire à la croix, se prosterna devant elle avec le diacre et dit :
" Seigneur Jésus-Christ qui, pour le Salut du genre humain, a daigné naître de la Vierge et subir la mort, ne méprise pas mon désir à cause de mes péchés; mais, pour l'honneur de Ta sainte Mère ainsi que de Tes Martyrs et de Tes Confesseurs, prépare en ce lieu une habitation propre à Te servir."
La prière finie, les 2 pèlerins prirent leur nourriture avec actions de grâces, au soleil couchant, et puis ayant prié de nouveau, ils se couchèrent par terre pour reposer quelque peu. Quand le saint homme crut son compagnon endormi, il se prosterna en forme de croix devant le reliquaire et pria le Seigneur avec beaucoup de dévotion.

Cependant un ours, descendu de la montagne, ramassait avec soin les miettes échappées aux 2 convives. L'homme de Dieu, voyant ce que faisait la bête, lui dit :
" Je t'ordonne, au Nom du Seigneur, prends du bois et mets-le dans le feu."
A ce commandement, la bête alla prendre un morceau de bois très considérable et le jeta dans le feu. Sur quoi le saint homme tire de la panetière un pain tout entier, le donne au nouveau servant et lui dit :
" Au Nom de Notre-Seigneur Jésus-Christ, retire-toi de cette vallée et aie en commun les montagnes et les collines environnantes, sous la condition que tu ne feras de mal ici à aucun homme ni à aucune bête."
Cependant le diacre, qui ne faisait que somnoler, considérait avec étonnement ce qui se passait. Il se leva, vint se jeter aux pieds du saint homme et dit :
" Maintenant, je sais que le Seigneur est vraiment avec vous, puisque les bêtes de la solitude vous obéissent."
Le Saint lui répondit :
" Gardez-vous de dire ceci à personne, jusqu'à ce que vous voyiez la gloire de Dieu."

Saint Gall aidé par son ours. Saint Gall récompense son ours
avec un pain. Haut-relif. Abbaye Saint-Gall. Saint-Gall.
Suisse. IXe.

Au matin, le diacre s'en alla vers la fosse de la rivière pour y prendre du poisson et en faire cadeau au prêtre Willimar à son retour. Il était sur le point d'y jeter ses filets, lorsqu'il aperçut sur les bords 2 esprits immondes sous la forme de femmes, qui lui jetèrent des pierres et dirent :
" C'est toi qui as amené dans cette solitude cet homme méchant et plein d'envie, accoutumé à nous vaincre par ses maléfices."
Le diacre retourne aussitôt vers l'homme de Dieu et lui raconte ce qu'il vient de voir et d'entendre. Ils se mettent tous 2 en prière, puis se rendent à la fosse. A leur vue, les démons s'enfuient vers la montagne voisine, pendant que saint Gall leur dit :
" Fantômes impurs, je vous ordonne, par la puissance de l'éternelle Trinité, de quitter ce lieu, de vous en aller dans les montagnes désertes et de n'oser plus jamais revenir ici."
Ils jettent ensuite leurs filets dans la fosse et prennent des poissons tant qu'ils veulent. Mais ils entendent sur le sommet de la montagne la voix comme de 2 femmes en deuil se disant l'une à l'autre :
" Hélas ! que ferons-nous ? ou bien, où irons-nous ? Cet étranger ne nous laisse pas habiter parmi les hommes, il ne nons permet pas même de demeurer dans la solitude."
Ces voix, ces plaintes des démons contre saint Gall furent encore entendues d'autres fois.

Les 2 pèlerins, explorant alors la vallée, trouvèrent entre 2 ruisseaux ce qu'ils souhaitaient : une belle forêt, des montagnes à l'entour, une plaine au milieu ; ils jugèrent ce lieu excellent pour y bâtir des cellules. Gall, se rappelant l'échelle de Jacob et les Anges qui montaient et descendaient, dit comme lui :
" Le Seigneur est vraiment en ce lieu."
Jusqu'alors il y avait dans cette vallée une infinité de serpents. Dès ce jour ils disparurent tellement, qu'on n'y en voyait pas un seul au temps de Walafrid Strabon. Ce miracle s'accorde avec les premiers, dit cet auteur, car le démon étant chassé de là, il était digne que l'animal par lequel il avait trompé l'homme cédât la place à la sainteté.

Quelque éloigné qu'il fût du commerce des hommes, il ne put longtemps demeurer inconnu en ce lieu. Sa réputation lui attira des disciples et porta loin la bonne odeur de sa vertu. Le duc Gonzon en eut lui-même une si bonne opinion sur le récit qu'on lui en fit, qu'il changea entièrement de disposition à son égard. On dit même, qu'ayant une fille possédée d'un démon qui la tourmentait horriblement, il manda au prêtre Willimar de lui envoyer saint Gall pour la guérir. Deux évêques y avaient inutilement employé tous leurs exorcismes, et l'on rejetait la confusion qu'ils avaient eue de leur mauvais succès sur leur défaut de sainteté et sur quelques déréglements particuliers dont ils étaient soupçonnés. Willimar mena donc saint Gall au duc, dont la fille n'avait pris aucune nourriture depuis 3 jours. Elle était étendue sur les genoux de sa mère, les yeux fermés, les membres contournés et comme morte. Une odeur de soufre sortait de sa bouche.

Le Saint se mit en prière et dit avec larmes :
" Seigneur Jésus-Christ Qui, venant en ce monde, a daigné naître d'une Vierge, et Qui a commandé aux vents et à la mer et ordonné à Satan de retourner en arrière, Qui, enfin, a sauvé l'humanité pour la déifier, commande que cet esprit immonde sorte de cette fille."
Puis il prit la main de la malade, lui mit la sienne sur la tête et dit :
" Esprit immonde, je te commande, au Nom de Notre-Seigneur Jésus-Christ, de sortir et de t'éloigner de cette créature de Dieu."
A ces mots, elle ouvrit les yeux et le regarda, et l'esprit malin dit :
" Est-ce toi, Gall, qui m'as expulsé de mes premières habitations ? Quoi ! c'est pour te venger que je suis entré dans cette fille, parce que son père t'a chassé toi-même, et tu m'en expulses ! Si donc tu me chasses d'ici, où irai-je ?"
L'homme de Dieu répondit :
" Là où le Seigneur t'a précipité, dans l'abîme !"
Aussitôt, à la vue de tous les assistants, il sortit de la bouche de la frénétique sous la forme d'un oiseau noir et horrible à voir. La fille se leva guérie, et l'homme de Dieu la rendit à sa mère.
Le duc, au comble de la peur et de la joie, offrit au Saint tous les présents que le roi Sigebert avait envoyés à sa fille. En même temps, il le pria de vouloir bien accepter l'évêché de Constance. Le Saint lui répondit :
" Du vivant de mon maître Colomban, je ne célébrerai pas la Messe ; si donc vous voulez me faire endosser une telle charge, permettez que je lui écrive. S'il m'absout, j'accepterai."
Le duc y consentit. Après quoi le Saint distribua tous les présents aux pauvres d'Arbon et rentra dans sa chère solitude. Il y attira même le diacre Jean, et pendant 3 ans, l'instruisit à fond dans les lettres et dans la science des divines Ecritures.

Cependant le roi Sigebert, ayant appris la guérison de sa fiancée, pria son père de la lui envoyer pour en faire son épouse. Elle fut reçue à Metz avec les plus grands honneurs, raconta an roi comment saint Gall l'avait guérie et le pria de favoriser l'homme de Dieu et son nouvel établissement. Sigebert, ayant trouvé que le monastère de saint Gall était situé sur ses terres, lui accorda aussitôt une charte de donation et de protection royale.

Pendant ce temps, on préparait les noces du roi et de la reine. Un grand nombre d'évêques et de seigneurs y furent convoqués. Le roi étant allé inviter la princesse de venir résider au palais, elle se jeta à ses pieds et lui dit :
" Seigneur, j'ai été épuisée par une longue et cruelle maladie, accordez-moi encore 7 jours pour que je reprenne un peu de force et que je puisse vous être présentée convenablement."
Le roi accepta sa demande.

Baptême de Sigebert III.
Chroniques françaises. Guillaume Crétin. XVIe.

Le 7e jour, Frideburge, accompagnée de 2 hommes et de 2 filles, entra vers l'Office du matin dans la cathédrale Saint-Etienne, dépouilla derrière la porte ses vêtements de reine, prit un habit de moniale, saisit un coin du grand autel et fit cette prière :
" Saint Etienne, qui a répandu ton sang pour Jésus-Christ, intercéde aujourd'hui pour moi, indigne, afin que le coeur du roi se tourne à ma volonté et que ce voile ne soit point ôté de ma tête."
Le roi, informé de ce qui se passait, assembla les évêques et les princes pour savoir que faire. Un des évêques dit :
" Cette fille, lorsqu'elle a été délivrée du démon, parait s'être obligée par un voeu de garder la chasteté ; prenez donc garde de l'y faire manquer, de peur qu'il ne lui arrive pis qu'auparavant et que vous ne vous rendiez vous-même coupable d'un si grand crime."

Le roi, de l'avis des princes, acquiesça au conseil de l'évêque.
Il entra dans l'église, fit apporter les vêtements et la couronne de reine et dit à la princesse :
"Venez à moi."
Elle, croyant qu'on voulait la tirer hors de l'église, tenait plus étroitement embrassée le coin de l'autel. Le roi lui dit plus clairement :
" Ne craignez pas de venir à moi ; car tout se fera aujourd'hui suivant votre volonté."

Mais elle, plaçant sa tête sur l'autel, dit :
" Me voici la servante du Seigneur, qu'il me soit fait selon sa volonté à Lui."

Le roi Sigebert ordonna aux prêtres de l'amener, la fit revêtir des habits de reine avec le voile et la couronne, et la recommanda au Seigneur en ces termes :
" Avec les mêmes ornements que vous avez été préparée pour moi, je vous donne pour épouse à mon Seigneur Jésus-Christ."
En même temps il lui prit la main droite et la posa sur l'autel ; puis il sortit de l'église pour pleurer, car il aimait tendrement la princesse.

Plus tard, il lui donna le gouvernement d'une communauté de religieuses. Après cela, le duc Gonzon convoqua une assemblée d'évêques et de seigneurs à Constance, pour élire un pasteur à cette église. On y vit les évêques d'Augsbourg, de Verdun et de Spire, avec une foule d'ecclésiastiques et de fidèles.

Statue de saint Gall avec son ours.

Le concile dura 3 jours. Saint Gall s'y rendit en tant qu'abbé, accompagné des diacres Jean et Magnoald. Le duc, le voyant entrer, fit tout haut cette prière :
" Le Dieu tout-puissant, dont la providence augmente et régit tout le corps de l'Eglise, veuille, par l'intercession de la sainte Vierge en l'honneur de qui cette église est consacrée, répandre aujourd'hui l'Esprit-Saint sur nous, pour choisir un évêque capable de régir le peuple des fidèles et de gouverner l'Eglise de Dieu !"
Puis il exhorta les évêques et le clergé à choisir, suivant les Canons, celui qu'ils jugeraient à propos.
Après quelques moments de délibération, le clergé s'écria tout d'une voix, avec le peuple :
" Gall que voici est l'homme de Dieu, jouissant d'une bonne renommée dans tout le pays, instruit dans les Ecritures et plein de sagesse, chaste et juste, doux et humble, charitable et patient, père des orphelins et des veuves : c'est lui qui convient pour évêque !"
Le duc dit alors au Saint :
" Entendez-vous ce qu'ils disent ?"
L'homme de Dieu répondit :
" Ils parlent bien ; si seulement ce qu'ils disent était vrai ! Mais ils ne pensent pas que vos règles défendent d'ordonner évêque un étranger. Cependant il y a ici avec moi le diacre Jean, de votre nation, à qui, par la grâce de Jésus-Christ, conviennent toutes les louanges que vous m'avez données, et qui est capable de porter le fardeau du gouvernement."

Aussitôt le duc l'interrogea sur son nom, sa qualité, son origine, etc. Quant à sa vertu et à sa capacité, saint Gall demanda à répondre pour son disciple. Pendant qu'il parlait, Jean se déroba de l'assemblée et s'enfuit dans l'église de Saint-Etienne, hors de la ville. Mais le clergé et le peuple coururent après lui et le ramenèrent malgré ses pleurs, en s'écriant :
" C'est le Seigneur lui-même qui a élu Jean pour Son évêque !"

Jean fut donc consacré par les évêques, et officia pontificalement. Le peuple témoigna un grand désir d'entendre l'homme de Dieu. Saint Gall monta donc à l'ambon avec l'évêque qui lui servait d'interprète. Il prêcha sur l'ensemble de la Foi, depuis la Création du monde jusqu'au Jugement dernier. Le peuple fondait en larmes et se disait : " Le Saint-Esprit a vraiment parlé aujourd'hui par la bouche de cet homme !"

Denier du Canton de Saint-Gall. Suisse. XIe.

Après avoir demeuré quelques jours avec le nouvel évêque, pour l'assister de ses conseils et de ses prières, il retourna dans sa solitude, où il bâtit l'église dont il avait fait le projet, et l'environna de 12 cellules pour ses disciples. Ce fut là l'origine de la célèbre abbaye de Saint-Gall. Plusieurs siècles après, elle passera sous la Règle de Saint-Benoît. Notre Saint commença pour lors à établir une discipline réglée dans sa communauté, sans s'écarter de l'institut de saint Colomban, qu'il regardait toujours comme son maître et son abbé.

Un jour, que ses frères s'étaient remis sur leurs lits, après Matines, saint Gall appela son diacre Magnoald, et lui dit de préparer l'autel, parce qu'il voulait dire la Messe. Le diacre, étonné d'une résolution si subite, crut que le Saint ne songeait pas que cela lui était défendu, et que depuis plus de 2 ans il n'avait approché de l'autel. Saint Gall comprit sa pensée, et, pour le tirer de peine, il lui dit qu'il devait offrir le Sacrifice pour le repos de son Père Colomban, parce qu'il avait appris dans une vision de la nuit qu'il était passé des misères de cette vie à la félicité du Ciel. Après la Messe, il envoya Magnoald au monastère de Bobbio, pour vérifier sa vision. L'historien de sa vie assure qu'elle se trouva vraie, et ajoute que Magnoald rapporta au Saint des lettres des moines de Bobbio, avec la crosse ou le bâton de saint Colomban, qui avait ordonné qu'on le lui envoyât pour marque qu'il était absous de sa suspension, et qu'il avait levé la défense qu'il lui avait faite de dire la Messe. Dix ans après, les moines de Luxeuil ayant perdu leur abbé, saint Eustase, envoyèrent prier saint Gall de vouloir prendre sa place, et lui députèrent 6 de leurs confrères, tous Irlandais de naissance, croyant que ce choix de personnes, toutes de son pays, lui serait plus agréable.

Le Saint, qui avait refusé l'épiscopat, ne crut pas devoir se charger de l'abbaye de Luxeuil, qui était déjà devenue considérable. Les envoyés le pressant trop vivement de consentir à son élection, il leur déclara qu'il aimait mieux servir les autres que de leur commander, et il en appela à leur propre témoignage sur cela. Il les renvoya en paix, après les avoir retenus quelques jours pendant lesquels il les nourrit de sa pêche. Car il n'avait point fait difficulté d'en continuer le métier depuis l'établissement de sa communauté, non plus que les Apôtres après la résurrection du Sauveur : ce qui n'empêchait pas qu'on y vécût fort pauvrement en toute saison, et que la farine n'y manquât souvent autant que les autres provisions.

Il conserva toujours une liaison fort étroite avec le prêtre Willimar, curé d'Arbon, son ancien hôte. Etant l'un et l'autre fort avancés en âge, ils se voyaient plus rarement : Willimar s'en plaignit, et, se croyant proche de sa fin, il obligea saint Gall, par d'instantes prières, à venir encore une fois à Arbon, afin qu'il eût la consolation de l'embrasser avant de mourir. Il avait pris l'occasion de la fête de sa paroisse pour l'y convier. Le Saint y alla et prêcha même devant une multitude de peuple, qui était venue à la solennité.

Restes de l'ancienne abbaye de Saint-Gall aujourd'hui disparue.

Trois jours après il tomba malade chez Willimar, et mourut 4 jours après, le 16 octobre, entre les bras de cet hôte. L'année de cette mort est fort contestée, et l'on ne peut nier qu'il n'y ait de la confusion dans les calculs de ceux qui l'ont rapportée à l'an 625, et de ceux qui ont donné à saint Gall 95 ans de vie. Il suffit pour les ruiner de remarquer que notre Saint était plus jeune que saint Colomban, son maître, qui n'avait guère que 30 ans, lorsqu'il vint en France, vers l'an 590, et qu'il a survécu au roi Dagobert, qui ne mourut point avant l'année 638. C'est ce qui rend assez probable l'opinion de ceux qui mettent la mort de saint Gall vers l'an 646 ; et qui doit nous faire juger qu'il n'a vécu guère plus de 81 ans.

On le représente :
- 1. debout, tenant sa crosse et un livre ;
- 2. quelquefois ayant un ours près de lui à qui il commande d'apporter du bois pour alimenter son foyer ;
- 3. guérissant une possédée ;
- 4. quelquefois avec un bourdon de pèlerin, pour indiquer ses longs voyages depuis l'Irlande jusqu'en Suisse.

CULTE ET RELIQUES. ABBAYE DE SAINT-GALL

Jean, évêque de Constance, voulut prendre soin de ses funérailles, et transporta son corps, d'Arbon dans son ermitage, où Dieu rendit ténoiguage à la sainteté de Son serviteur par les miracles qui se firent à son tombeau. Il fut déposé devant l'autel de l'oratoire, puis inhumé entre le mur et l'autel. Plus tard, le pays fut ravagé par des troupes de mécontents, et un de leurs officiers, ayant pillé l'église de notre Saint, ouvrit et viola encore son sépulcre pour voir s'il n'y avait point d'argent caché. Mais, ayant été saisi d'une terreur subite, il voulut se retirer brusquement, et se blessa de telle sorte contre la porte, qu'après avoir eu beaucoup de peine à se guérir, il porta toute sa vie des marques de son sacrilège.

Plan de l'ancienne abbaye de Saint-Gall.

Boson, évêque de Constance, successeur de Jean, replaca les reliques du Saint dans un endroit plus convenable; mais il ne put rassembler dans son ermitage les moines que les gens de guerre avaient dispersés. Il y trouva seulement ses 2 plus anciens disciples, Magne ou Magnoald, et Théodore. Dans une disette générale de toutes choses, il les pourvut d'habits et de nourriture; mais, comme les soldats ne leur rendaient pas leur ancienne tranquillité, ils quittèrent aussi l'ermitage de Saint-Gall et en allèrent bâtir ailleurs, l'un à Kempten, l'autre à Fussen, tous 2 dans le diocèse d'Augsbourg, qui furent depuis augmentés et convertis en monastères de la Congrégation de Saint-Gall. Cependant Boson pourvut à la garde des reliques de notre Saint par le moyen de quelques ecclésiastiques, qui y attirèrent bientôt les peuples en pèlerinage par la réputation des miracles qu'ils en publiaient.

Du temps de Charles-Martel, Wultramne, riche seigneur du pays, ayant remarqué que l'on ne faisait pas bon usage des offrandes que l'on donnait en l'église de Saint-Gall, voulut y établir une communauté de moines réguliers pour remédier à ce désordre. Il y fit venir un saint prêtre, nommé Othmar, à qui il fournit toutes les choses nécessaires pour bâtir un monastère près du tombeau du Saint Othmar fut ainsi le restaurateur de l'abbaye de Saint-Gall. Cette célèbre abbaye ne subsiste plus aujourd'hui ; elle fut évacuée en 1805.

Les martyrologes du IXe siècle marquent différement la fête de ce Saint. Celui de Wandalbert, conformément à Walafrid, auteur de sa vie du même temps, la met au 16 octobre. Celui de Notker y est conforme, et même celui dUsuard, dans les imprimés ; mais dans celui d'Adon, comme dans celui d'Usuard qui n'est pas corrompu, elle se trouve marquée au 20 février. Il semble que ce soit celle de l'élévation ou rétablissemeut de ses reliques, fait par l'évêque Boson, ou celle de quelque translation plutôt que celle de sa mort, qu'on ne peut pas déplacer du 16 octobre sans une autorité plus forte que celle de Walafrid Strabon.

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mardi, 15 octobre 2024

15 octobre. Sainte Thérèse d'Avila, vierge, fondatrice des Carmes et des Carmélites déchaussés. 1582.

- Sainte Thérèse d'Avila, vierge, fondatrice des Carmes et des Carmélites déchaussés. 1582.

Pape : Grégoire XIII. Roi d'Espagne : Philippe II.

" Nous n'obtenons pas un pur et parfait amour de Dieu, parce que nous ne donnons pas tout à Dieu, mais seulement l'usufruit, et que nous nous réservons le fonds et l'héritage de nos affections."
Sainte Thérèse d'Avila.

Sainte Thérèse d'Avila. Anonyme. Savoie. XVIIe.

Thérèse de Cepeda y Ahumada naquit à Avila en Espagne, de parents illustres par leur piété comme par leur noblesse. Nourrie par eux du lait de la crainte du Seigneur, elle fournit dès le plus jeune âge un indice admirable de sa sainteté future.

Comme, en effet, elle lisait les actes des saints Martyrs, le feu du Saint-Esprit embrasa son âme au point que, s'étant échappée de la maison paternelle, elle voulait gagner l'Afrique afin d'y donner sa vie pour la gloire de Jésus-Christ et le salut des âmes. Ramenée par un de ses oncles, elle chercha dans l'exercice de l'aumône et autres œuvres pies une compensation à son désir ardent du martyre ; mais ses larmes ne cessaient plus, de s'être vu enlever la meilleure part.

Sainte Thérèse d'Avila. Pierre-Paul Rubens. XVIIIe.

A la mort de sa mère, la bienheureuse Vierge, suppliée par Thérèse de lui en tenir lieu, exauça le désir de son cœur ; toujours dès lors elle éprouva comme sa vraie fille la protection de la Mère de Dieu. Elle entra, dans sa vingtième année, chez les religieuses de Sainte-Marie du Mont Carmel ; dix-huit années durant, sous le faix de graves maladies et d'épreuves de toutes sortes, elle y soutint dans la foi les combats de la pénitence, sans ressentir le réconfort d'aucune de ces consolations du ciel dont l'abondance est, sur terre même, l'habituel partage de la sainteté.

Ses vertus étaient angéliques ; le zèle de sa charité la poussait, à travailler au salut, non d'elle seule, mais de tous. Ce fut ainsi que, sous l'inspiration de Dieu et avec l'approbation de Pie IV, elle entreprit de ramener la règle du Carmel à sa sévérité première, en s'adressant d abord aux femmes, aux hommes ensuite.

Extase de sainte Thérèse d'Avila. Jean-Baptiste Santerre. XVIIIe.

Entreprise sur laquelle resplendit la bénédiction toute-puissante du Dieu de bonté ; car, dans sa pauvreté, dénuée de tout secours humain, bien plus, presque toujours malgré l'hostilité des puissants , l'humble vierge put édifier jusqu'à trente-deux monastères. Ses larmes coulaient sans trêve à la pensée des ténèbres où infidèles et hérétiques étaient plongés ; et dans le but d'apaiser la divine colère qu'ils avaient encourue, elle offrait à Dieu pour leur salut les tortures qu'elle s'imposait dans sa chair.

Tel était l'incendie d'amour divin dont brûlait son cœur, qu'elle mérita de voir un Ange transpercer ce cœur en sa poitrine d'un dard enflammé, et qu'elle entendit le Christ, prenant sa main droite en la sienne, lui adresser ces mots :
" C'est à titre d'épouse que désormais tu prendras soin de mon honneur."

Par son conseil, elle émit le difficile vœu de faire toujours ce qui lui semblerait le plus parfait. Elle a laissé beaucoup d'ouvrages remplis d'une sagesse céleste ; en les lisant, l'âme fidèle se sent grandement excitée au désir de l'éternelle patrie.

Communion de sainte Thérèse d'Avila. Claudio Coelo. XVIIe.

Tandis qu'elle ne donnait que des exemples de vertus, telle était l'ardeur du désir qui la pressait de châtier son corps, qu'en dépit des maladies dont elle se voyait affligée, elle joignait à l'usage du cilice et des chaînes de fer celui de se flageller souvent avec des orties ou de dures disciplines, quelquefois de se rouler parmi les épines.

Sa parole habituelle était : " Seigneur, ou souffrir, ou mourir " ; car cette vie qui prolongeait son exil loin de la patrie éternelle et de la vie sans fin, lui paraissait la pire des morts.

Elle possédait le don de prophétie ; et si grande était la prodigalité du Seigneur à l'enrichir de ses dons gratuits, que souvent elle le suppliait à grands cris de modérer ses bienfaits, de ne point perdre de vue si promptement la mémoire de ses fautes. Aussi fût-ce moins de maladie que de l'irrésistible ardeur de son amour pour Dieu qu'elle mourut a Albe, au jour prédit par elle, munie des sacrements de l'Eglise, et après avoir exhorté ses disciples à la paix, à la charité, à l'observance régulière.

Extase de sainte Thérèse d'Avila. Le Bernin. XVIIe.

Ce fut sous la forme d'une colombe qu'elle rendit son âme très pure à Dieu, âgée de soixante-sept ans, l'an mil cinq cent quatre-vingt-deux , aux ides d'octobre selon le calendrier romain réformé (1). On vit Jésus-Christ assister, entouré des phalanges angéliques, à cette mort ; un arbre desséché, voisin de la cellule mortuaire, se couvrit de fleurs au moment même qu'elle arriva.

Le corps de Thérèse, demeuré jusqu'à ce jour sans corruption et imprégné d'une liqueur parfumée, est l'objet de la vénération des fidèles. Les miracles qu'elle opérait durant sa vie continuèrent après sa mort, et Grégoire XV la mit au nombre des Saints en 1622 en même temps que saint François-Xavier, saint Philippe de Néri, saint Ignace de Loyola et saint Isidore de Séville.

Sainte Thérèse d'Avila, saint François-Xavier, saint Philippe Néri,
saint Ignace de Loyola et saint Isidore de Séville aux pieds de
Notre Seigneur Jésus-Christ. Ces saints furent tous canonisés en
1622 par Grégoire XV. Guy François. Le Puy-en-Velay. XVIIe.

PRIERE

" Vous le trouviez déjà dans la souffrance de cette vie, ô Thérèse, le Bien-Aimé qui se révèle à vous dans la mort. " Si quelque chose pouvait vous ramener sur la terre, ce serait le désir d'y souffrir encore plus (Apparition au P. Gratien.)."

" Je ne m'étonne pas, dit en cette fête à votre honneur le prince des orateurs sacrés, je ne m'étonne pas que Jésus ait voulu mourir : il devait ce sacrifice à son Père. Mais qu'était-il nécessaire qu'il passât ses jours, et ensuite qu'il les finît parmi tant de maux ?
C'est pour la raison qu'étant l'homme de douleurs, comme l'appelait le Prophète
(Isai. LIII, 3.), il n'a voulu vivre que pour endurer ; ou, pour le dire plus fortement par un beau mot de Tertullien, il a voulu se rassasier, avant que de mourir, par la volupté de la patience : Saginari voluptate patientiae discessurus volebat (Tertull. De Patientia). Voilà une étrange façon de parler. Ne diriez-vous pas que, selon le sentiment de ce Père, toute la vie du Sauveur était un festin, dont tous les mets étaient des tourments ? Festin étrange, selon le siècle, mais que Jésus a jugé digne de son goût. Sa mort suffisait pour notre salut ; mais sa mort ne suffisait pas à ce merveilleux appétit qu'il avait de souffrir pour nous. Il a fallu y joindre les fouets, et cette sanglante couronne qui perce sa tête, et tout ce cruel appareil de supplices épouvantables; et cela pour quelle raison ? C'est que ne vivant que pour endurer, il voulait se rassasier, avant que de mourir, de la volupté de souffrir pour nous (Bossuet, Panegyr. de sainte Thérèse.)."

Jusque-là que, sur sa croix, " voyant dans les décrets éternels qu'il n'y a plus rien à souffrir pour lui : Ah ! dit-il, c'en est fait, tout est consommé (Johan. XIX, 3e.) : sortons, il n'y a plus rien à faire en ce monde ; et aussitôt il rendit son âme à son Père (Bossuet, Ibid.)."

Or, si tel est l'esprit du Sauveur Jésus, ne faut-il pas qu'il soit celui de Thérèse de Jésus, son épouse ? " Elle veut aussi souffrir ou mourir ; et son amour ne peut endurer qu'aucune cause retarde sa mort sinon celle qui a différé la mort du Sauveur (Ibid.)."

Sainte Thérèse d'Avila. Filippo della Valle.
Basilique Saint-Pierre, Rome. XVIIIe.

A nous d'échauffer nos cœurs par la vue de ce grand exemple.
" Si nous sommes de vrais chrétiens, nous devons désirer d'être toujours avec Jésus-Christ. Or, où le trouve-t-on, cet aimable Sauveur de nos âmes ? En quel lieu peut-on l'embrasser ? On ne le trouve qu'en ces deux lieux : dans sa gloire ou dans ses supplices, sur son trône ou bien sur sa croix. Nous devons donc, pour être avec lui, ou bien l'embrasser dans son trône, et c'est ce que nous donne la mort, ou bien nous unir à sa croix, et c'est ce que nous avons par les souffrances ; tellement qu'il faut souffrir .ou mourir, afin de ne quitter jamais le Sauveur. Souffrons donc, souffrons, chrétiens, ce qu'il plaît à Dieu de nous envoyer : les afflictions et les maladies, les misères et la pauvreté, les injures et les calomnies ; tâchons de porter d'un courage ferme telle partie de sa croix dont il lui plaira de nous honorer (Bossuet, Ibid.)."

" Vous que l'Eglise présente comme maîtresse et mère à ses fils dans les sentiers de la vie spirituelle, enseignez-nous ce fort et vrai christianisme. La perfection sans doute ne s'acquiert pas en un jour ; et, vous le disiez, " nous serions bien à plaindre, si nous ne pouvions chercher et trouver Dieu qu'après être morts au monde : Dieu nous délivre de ces gens si spirituels qui veulent, sans examen et sans choix, ramener tout à la contemplation parfaite (A l'évêque d'Avila, mars 1577, une des plus gracieuses lettres de la Sainte.) !"
Mais Dieu nous délivre aussi de ces dévotions mal entendues, puériles ou niaises, comme vous les appeliez, et qui répugnaient tant à la droiture, à la dignité de votre âme généreuse (Vie, XIII.) !

Vous ne désiriez d'autre oraison que celle qui vous ferait croître en vertus ; persuadez-nous, en effet, du grand principe en ces matières, à savoir que " l'oraison la mieux faite et la plus agréable à Dieu est celle qui laisse après elle de meilleurs effets s'annonçant par les œuvres, et non pas ces goûts qui n'aboutissent qu'à notre propre satisfaction (Au Père Gratien, 23 octobre 1377.)."
Celui-là seul sera sauvé qui aura observé les commandements, accompli la loi ; et le ciel, votre ciel, Ô Thérèse, est la récompense des vertus que vous avez pratiquées, non des révélations ni des extases qui vous furent accordées (Apparition à la Prieure de Véas.).

De ce séjour où votre amour s'alimente au bonheur infini comme il se rassasiait ici-bas de souffrances, faites que l'Espagne, où vous naquîtes, garde chèrement en nos temps amoindris son beau titre de catholique. N'oubliez point la si large part que la France, menacée dans sa foi, eut à votre détermination de rappeler le Carmel à son austérité primitive (Chemin de la perfect. I.). Puisse la bénédiction du nombre favoriser vos fils, non moins que celle du mérite et de la sainteté. Sous toutes les latitudes où l'Esprit a multiplié vos filles, puissent leurs asiles bénis rappeler toujours " ces premiers colombiers de la Vierge où l'Epoux se plaisait à faire éclater les miracles de sa grâce (Fondations, IV.)."

Carmel d'Avila où l'on vénère le corps de
sainte Thérèse d'Avila. Espagne.

Vous fîtes du triomphe de la foi, du soutien de ses défenseurs, le but de leurs oraisons et de leurs jeûnes (Chemin de la perfect. I, III.) : quel champ immense ouvert à leur zèle en nos tristes jours ! Avec elles, avec vous, nous demandons à Dieu " deux choses : la première, que parmi tant d'hommes et de religieux, il s'en rencontre qui aient les qualités nécessaires pour servir utilement la cause de l'Eglise, attendu qu'un seul homme parfait rendra plus de services qu'un grand nombre qui ne le seraient pas ; la seconde que dans la mêlée Notre-Seigneur les soutienne de sa main, pour qu'ils échappent aux périls et ferment l'oreille aux chants des sirènes... Ô Dieu ayez pitié de tant d'âmes qui se perdent, arrêtez le cours de tant de maux qui affligent la chrétienté et, sans plus tarder, faites briller votre lumière au milieu de ces ténèbres (Chemin de la perfection, I, III.)."

Rq : On trouvera la presque totalité des oeuvres de sainte Thérèse d'Avila sur la page de ce site :
http://www.jesusmarie.com/therese_d_avila.html

(1) Grégoire XIII avait arrêté que, pour opérer cette réforme, on supprimerait dix jours de l'année 1582, et que le lendemain du 4 octobre s'appellerait le 15 du même mois ; ce fut dans cette nuit historique du 4 au 15 que mourut sainte Thérèse.

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lundi, 14 octobre 2024

14 octobre. Saint Calixte Ier, pape et martyr. 222.

- Saint Calixte Ier, pape et martyr. 222.

Papes : Saint Zéphirin ; saint Urbain Ier. Empereur romain : Alexandre Sévère.

" Corona aurea super mitram ejus expressa signo sanctitatis."
" Vous verrez au-dessus de sa mitre une couronne d'or ; ce sera pour vous une preuve de sa sainteté."

Eccli., XXXIX, 14.

Saint Calixte. Missel Romain. Avignon. XIVe.

Celui-là fut un signe de contradiction dans Israël (Luc. II, 34.). Autour de lui ou contre lui se groupèrent de son temps les baptisés ; or, l'émoi qu'excitait son nom il y a seize cents ans n'apparut pas moindre, lorsqu'au milieu du siècle qui finit, la découverte d'un livre fameux offrit aux sectaires de nos jours l'occasion de se compter comme ceux d'autrefois contre Calixte et l'Eglise. Philosophumena ou réfutation des hérésies : c'était le titre du livre, qui remontait par sa date décomposition au troisième siècle de notre ère ; Calixte, dont on présentait le caractère et la vie sousles plus sombres couleurs, y était rangé parmi les pires corrupteurs de la doctrine.

Au IIIe siècle cependant, l'auteur des Philosophumena s'attaquant au Pontife qu'il eût voulu supplanter, dressant dans Rome, comme il l'avoue, chaire contre chaire, ne fit qu'afficher devant l'Eglise sa propre honte, en prenant place lui-même parmi les dissidents dont son ouvrage se donnait comme la réfutation et l'histoire. Le nom de ce premier des antipapes ne devait pas arriver jusqu'à nous ; mais, suprême châtiment ! dédaignée des contemporains, l'oeuvre de sa plume envieuse viendrait à l'heure voulue réveiller l'attention endormie de la lointaine postérité ; l'impartiale critique des derniers âges, écartant les insinuations, mais retenant les faits apportés par l'accusateur, les apprécierait à la lumière des multiples données de la science, et dégagerait de ses perfidies les éléments de la glorification la plus inattendue pour son rival détesté. Ainsi, une fois de plus, l'iniquité se serait menti à elle-même (Psalm. XXVI, 12.) ; ainsi se vérifierait la parole de l'Evangile du jour : Il n'y a rien de caché qui ne se découvre enfin, rien de secret qui ne doive être connu (Matth. X, 26.).

Saint Calixte. Gravure. Rome. XVIe.

Ecoutons le plus grand des archéologues chrétiens ; l'enthousiasme s'empare de son intelligence si sûre, si réservée, à tant de lumière jaillissant d'une telle source :

" Tout cela, s'écrie le Commandeur de Rossi dans l'étude de l'odieux document, tout cela me fait clairement voir pourquoi l'accusateur dit de Calixte avec ironie qu'il fut réputé le très admirable ; pourquoi, lorsque toute connaissance des actes de celui-ci était perdue, son nom pourtant est venu jusqu'à nous si grand et si vénéré ; pourquoi dans les siècles troisième et quatrième, où la mémoire de son gouvernement était fraîche encore, il fut plus honoré qu'aucun de ses prédécesseurs ou successeurs de l'âge des persécutions. Calixte régit l'Eglise quand elle était à l'apogée du premier stade de sa course divine, et s'acheminait à de nouveaux et plus grands triomphes. La foi chrétienne, embrassée d'abord par chaque croyant en son nom propre, était devenue la foi des familles, et les pères en faisaient profession pour eux et pour leurs enfants.

Ces familles formaient la presque majorité déjà dans chaque ville ; la religion du Christ était à la veille de devenir la religion publique du peuple et de l'empire. Que de problèmes nouveaux de droit social chrétien, de droit ecclésiastique, de discipline morale, ne surgissaient pas tous les jours dans le champ de l'Eglise, étant donnée sa grande situation de l'heure présente, étant donné l'avenir encore plus grand qui s'ouvrait devant elle !

Calixte résolut ces doutes ; il régla les jugements relatifs à la déposition des clercs, prit les mesures qui s'imposaient pour ne pas détourner les catéchumènes du baptême, les pécheurs de la pénitence ; il définit la notion de l'Eglise que le génie d'Augustin devait développer plus tard (Quo referendum aiebat Apostoli verbum : Tu quis es qui judices servum alienum ? Atque etiam lolii parabolam, Sinite zizania crescere cum tritico, id est, sinite peccatores in Ecclesia manere. Dicebat etiam Ecclesiae instar arcam Noe fuisse, qua canes, lupi, corvi, aliaque omnia pura et impura animantia comprehendebantur ; oportere autem item esse de Ecclesia. Philosophumena, Lib IX, de Callisto.). En face des lois civiles, il affirma le droit de la conscience chrétienne et celui de l'Eglise touchant le mariage de ses fidèles. Il ne connut esclaves ni libres, grands ou petits, nobles ou plébéiens dans la fraternité évangélique qui minait les bases de la société romaine et adoucissait l'inhumanité des mœurs. Et c'est pourquoi son nom est grand jusqu'à nos jours ; et c'est pourquoi la voix des jaloux ou de ceux qui mesuraient les temps à l'étroitesse de leur esprit superbe, fut étouffée sous le cri de l'admiration et méprisée." (De Rossi, Bullettino, 1866, N. 1, 2, 5, 6.).

Saint Calixte instituant les jeûnes.
Legenda aurea. Bx J. de Voragine. J. de Montbaston. XIVe.

L'espace nous manque pour faire suivre des développements qu'il comporterait cet exposé magistral. On sait comment, à l'heure où Cécile vierge et martyre céda aux Pontifes le lieu primitif de son repos dans la mort, Calixte, alors diacre de Zéphyrin, disposa l'hypogée des Cœcilii pour ses destinées nouvelles. Auguste crypte en laquelle, pour la  première fois, l'Etat reconnut à l'Eglise son droit de posséder sur terre ; sanctuaire autant que nécropole, où jusqu'au triomphe de la Croix Rome chrétienne accumula pour le lourde la résurrection ses  trésors. Jugé le plus digne de rappeler tant de gloires, le nom donné à ce Cimetière par excellence fut celui de notre grand Pontife martyr, bien que la Providence eût arrêté que lui-même n'y reposerait jamais. Sous le règne bienveillant d'Alexandre Sévère, il perdit la vie au quartier du Transtévère, dans une sédition des païens contre lui.

La cause en fut sans doute l'acquisition qu'il avait faite de la  fameuse Taberna meritoria du sol de laquelle, au temps d'Auguste, une fontaine d'huile avait jailli  et coulé tout un jour. Le Pontife érigea ce lieu en église, et le dédia à la Mère du Sauveur ; c'est la basilique de Sainte-Marie au delà du Tibre. La propriété en fut disputée à Calixte, et la cause déférée à l'empereur, qui décida pour les chrétiens (Lamprid. in Alex. Severo, C  XIX.), La mort violente de Calixte semble une vengeance des adversaires, et elle eut lieu tout près de l'édifice que sa fermeté avait conservé à l'Eglise. Les séditieux le précipitèrent dans un puits, que l'on  voit encore dans l'église de Saint-Calixte, à quelques pas seulement de la basilique Transtibérine. La sédition ne permit pas de transporter le corps du martyr sur la voie  Appienne; on le déposa dans un cimetière déjà ouvert  sur la voie Aurélia, où sa sépulture donna origine à un nouveau centre historique de Rome souterraine (Histoire de sainte Cécile, 1849, p. 5 ; Sainte Cécile et la société romaine aux deux premiers siècles, 1874, p. 424.).

Saint Calixte baptisant Palmatius et sa famille. Le consul Palmatius
sacrifiait aux idoles, il les brûla désormais. Speculum historiale.
V. de Beauvais. XVe.

Calixte, né à Rome, gouverna l'Eglise au temps de l'empereur Antonin Héliogabale. Il établit les Quatre-Temps, ordonnant que le jeûne dont la tradition venait des Apôtres y serait observé par tous. Il construisit la basilique de Sainte-Marie au delà du Tibre, et agrandit sur la voie Appienne un ancien cimetière où grand nombre de saints Pontifes et de Martyrs furent ensevelis ; on l'appela de lui le cimetière de Calliste.

De son temps, la partie la plus élevée de la ville de Rome fut détruite par un incendie, et la main gauche de la statue d'or de Jupiter fut fondue. Tous les prêtres vinrent alors demander à Alexandre qu'on apaisât la colère des dieux par des sacrifices. Or, pendant la cérémonie, tout à coup, par un ciel calme, le matin du jour de Jupiter (jeudi), quatre prêtres des idoles furent écrasés par la foudre, l’autel de Jupiter fut brûlé et le soleil s'obscurcit, au point que le peuple de Rome s'enfuit hors des murs de la ville.

Sous le prétexte de la purifier, le consul Palmatius, informé que Calixte avec ses clercs était caché au delà du Tibre, sollicita la destruction totale des chrétiens, auxquels on attribuait ces malheurs. Palmatius ayant pris le pouvoir s'y rendit en toute hâte, accompagné de soldats ; mais ceux-ci furent aussitôt frappés d'aveuglement ; alors, le consul effrayé eu apporta de suite la nouvelle à Alexandre.

L'empereur ordonna donc que le jour dédié à Mercure (mercredi), tout le peuple se rassemble pour sacrifier à ce dieu, afin d'obtenir de lui une réponse au sujet de ces accidents. Sur ces entrefaites, une vierge du temple, nommée Julienne, fut saisie par le démon, et s'écria :
" Le Dieu de Calixte est le Dieu vivant et véritable ; il est indigné de notre corruption."
Quand Palmatius eut entendu ces paroles, il alla, au delà du Tibre, trouver à Ravenne saint Calixte et se fit baptiser par lui, avec sa femme et sa famille.

Saint Calixte instituant les jeûnes. Vies de Saints. XIVe.

L'empereur, à cette nouvelle, manda le consul et l’adressa au sénateur Simplicius, afin qu'il le gagnât par des avis insinuants, car ce personnage était fort utile à l’Etat. Or, comme Palmatius persévérait dans les jeûnes et dans la prière, un soldat vint lui promettre que, s'il guérissait sa femme paralytique, il croirait aussitôt. Palmatius ayant prié, la femme fut guérie et accourut lui dire :
" Baptisez-moi an nom du Christ, qui m’a pris par la main et m’a fait lever."
Alors Calixte vint la baptiser avec son mari, Simplicius et beaucoup d'autres.
Quand l’empereur l’apprit, il ordonna de couper la tête de tous les baptisés. Privatus venait à peine d'embrasser la foi, qu'il mourait lui aussi pour elle sous les coups de fouets armés de plomb.

Pour Calixte, il le fit rester cinq jours sans manger ni boire. Mais lorsqu'il vit que le Saint était loin de perdre ses forces, il ordonna de le fouetter chaque jour ; ensuite, il le fit jeter du haut d'une fenêtre dans un puits, avec une pierre attachée au cou.

Le prêtre Astérius retira le corps du saint pape hors du puits, et l’ensevelit dans le cimetière de Calépodius, au troisième mille sur la voie Aurélia. C'était la veille des ides d'octobre. Son corps fut par la suite ramené dans la basilique de Sainte-Marie-Au-Delà-Du-Tibre, qu'il avait bâtie, et placé sous l'autel majeur où on l'entoure d'une grande vénération.
Quelques temps auparavant en effet, le corps du bienheureux Calépodius (ou Callopodius), prêtre et Martyr, ayant été jeté au Tibre, saint Calixte dans sa piété l'avait fait rechercher avec grand soin, et, l'ayant trouvé, ensevelit avec honneur.

Calliste avait siégé cinq ans, un mois et douze jours. Il avait notamment institué et fixé l'essentiel des jeûnes annuels. En cinq ordinations au mois de décembre, il avait créé seize prêtres, quatre diacres, huit évêques.

Abside de la basilique Sainte-Marie-Au-Delà-Tibre, construite par
saint Calixte ; on y vénère toujours ses saintes reliques. Rome IIIe-Ve.

PRIERE

" L'Esprit-Saint, qui garde l'Eglise, vous prépara comme un auxiliaire d'élite dans la souffrance et l'humiliation. Vous naquîtes esclave ; la fourberie judaïque sema de bonne heure les embûches sous vos pas ; jeune encore, les mines de Sardaigne comptaient en vous un forçat déplus, mais c'était pour le Seigneur. Serf de la peine, comme disait l'ancienne Rome, vous ne l'étiez plus de votre ancien maître ; et délivré des mines à l'heure marquée par Celui qui conduit les événements au gré de sa providence, le titre de Confesseur, en vous ennoblissant pour jamais, vous recommandait à l'attention maternelle de l'Eglise.

Tels apparurent dès lors votre mérite et vos vertus, qu'inaugurant le plus long pontificat de l'époque des martyrs, Zéphyrin vous choisit pour le conseiller, l'appui, le suppléant de sa vieillesse ; en attendant que l'Eglise, suffisamment instruite par l'expérience de ces dix-huit années, vous élût à son tour comme pasteur suprême.

Saint Calixte. Missel Romain. Berry. XIVe.

Combien grande vous la laissez aujourd'hui, cette noble Epouse du Fils de Dieu ! Toute la noblesse des anciens âges, toute la valeur morale, tout l'essor intellectuel de l'humanité apparaissent concentrés en elle à cette heure. Où sont les mépris de jadis, les calomnies d'antant ? Le monde n'ignore plus qu'il a devant lui la reine de l'avenir ; l'atrocité des persécutions que l'Etat païen lui réserve encore viendra de cette conviction qu'il s'agit pour lui de la lutte, et d'une lutte désespérée, pour la vie. Aussi hésite-t-il, et semble-t-il plutôt vouloir aujourd'hui transiger avec les chrétiens.

Vous fûtes l'initiateur des voies nouvelles, pleines de péril comme de grandeur, où entrait l'Eglise. De l'absolu et brutal Non licet esse vos (Il ne vous est pas permis d'être) des jurisconsultes bourreaux, vous sûtes le premier amener l'empire à reconnaître en quelque chose officiellement les droits de la communauté chrétienne : Cécile assurait par vous à celle-ci la propriété de la tombe, la faculté de se réunir, de se cotiser, pour honorer ses morts ; à Marie, Fons olei, et ce fut l'occasion de votre martyre, il vous était donné de consacrer le premier sanctuaire légalement acquis dans Rome aux chrétiens. Or, loin de céder, quoi que ce fût des droits de Dieu, en pactisant avec César, vous affirmiez dans le même temps à l'encontre de celui-ci, comme nul ne l'avait fait encore, l'indépendance absolue de l'Eglise concernant cette question du mariage soustraite de par le Christ-roi à la juridiction des pouvoirs civils. D'ores et déjà, " ne dirait-on pas une nation dans la nation ?" oui ; jusqu'à ce que la nation elle-même ait  passé tout entière  dans les rangs de ce peuple nouveau ". (Le Temps pascal, t. II ; Jeudi de la troisième semaine après Pâques).

Crypte des papes. Catacombes Saint-Calixte. IIIe.

Au sein de l'Eglise, autres soucis, l'ardeur des luttes doctrinales est à son comble et s'est portée sur le premier de nos mystères : Sabellius, condamné pour son audace à déclarer incompatible avec l'unité de Dieu la réelle distinction de la Trinité sainte, laisse le champ libre à l'école qui sépare les augustes personnes au risque de multiplier Dieu même. Puis c'est Montan, dont les disciples, ennemis des théories sabelliennes antérieurement à Sabellius même, escomptent la faveur du premier Siège pour leur système de fausse mystique et de réforme outrée. Mais comme le pilote expérimenté déjoue les écueils, entre les subtilités des dogmatisants, les prétentions des rigoristes, les utopies des politiques, vous dirigiez d'une main dont la sûreté était celle de l'Esprit-Saint lui-même la barque de Pierre à ses immortelles destinées. En la mesure où Satan vous déteste et vous poursuit jusqu'à nos jours, soyez glorifié à jamais ; bénissez en nous vos disciples et vos fils."

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dimanche, 13 octobre 2024

13 octobre. Saint Edouard III, le Confesseur, roi d’Angleterre. 1066.

- Saint Edouard le Confesseur, roi d’Angleterre. 1066.

Pape : Alexandre II. Roi de France : Philippe Ier.

" Dans la maison du juste qui vit de la foi, ceux qui commandent sont les serviteurs de ceux auxquels ils paraissent commander."
Saint Augustin.

Saint Edouard le Confesseur. Dyptique de Wilton (détail). XVe.

Dieu donne souvent les mauvais princes dans sa colère ; mais un bon roi est aussi le présent le plus précieux qu’Il puisse faire à une nation.
" Un roi sage est le soutien du peuple ", dit la Sagesse.
Et l’Ecclésiastique :
" Tel qu’est le juge du peuple, tels sont les ministres ; tel qu’est le prince de la ville, tels sont aussi les habitants. Le roi insensé perdra son peuple ; et les villes se peupleront par la sagesse de ceux qui les gouvernent."
La vérité de ces maximes est confirmée par le bonheur qui accompagna le règne d’Edouard le Confesseur.

Le roi Ethelred II eut d’Elvige, sa première femme, Edmond, surnommé Côte de fer, qui lui succéda. Il épousa depuis Emme, fille de Richard Ier, duc de Normandie ; il en eut deux fils, Alfred et Edouard.

Le règne d’Ethelred fut malheureux parce qu’il fut faible. Les Danois, qui depuis environ soixante ans n’avaient point inquiété la Grande-Bretagne, vinrent l’attaquer de toutes parts, et y commirent d’horribles ravages. Ethelred acheta d’eux une paix honteuse, et ne rougit pas de s’engager à leur payer tous les ans un tribut considérable, qui fut levé par une taxe à laquelle on donna le nom de Danegelt.

Swein, ou Suénon, roi des Danois, fit la conquête de toute l’Angleterre peu de temps après, en 1015. Ce prince mourut la même année, laissant un fils nommé Knut ou Canut (que l’on ne confondra pas avec saint Canut III d’Odensée, roi de Danemark et martyr, petit neveu de ce Canut, dont le père fut Suénon II, et que l’on fête au 19 janvier).

Saint Edouard accusant Godwin du meurtre de son frère Alfred.
Godwin jure qu'il n'y est pour rien. Saint Edouard le croit.
Cambridge. Manuscrit du XIIe.

Ethelred, qui s’était retiré en Normandie, revint en Angleterre, lorsqu’il eut été instruit de la mort de Suénon, et il remonta sur le trône ; mais il mourut l’année suivante, laissant encore la Mercie et quelques provinces de ses Etats entre les mains des Danois.

Edmond Côte de fer se présenta pour lui succéder. Malheureusement pour lui, il avait affaire à des ennemis puissants, et il lui fallut livrer plusieurs batailles. Enfin, les choses en vinrent au point que l’on proposa de part et d’autre un traité ; il fut conclu près de Gloucester et l’on arrêta que Canut aurait le royaume de Mercie, de Northumberland (ou Northumbrie) et d’Est-Anglie.

Peu de temps après, Edmond fut indignement assassiné par un Danois qu’il avait comblé de bienfaits. Le Danois Canut profita de cette occasion pour s’emparer de toute l’Angleterre.

Emme s’était retirée en Normandie avec ses deux fils Alfred et Edouard. Canut la demanda en mariage au duc Richard son frère, et elle lui fut accordée ; mais les deux jeunes princes restèrent en Normandie, à la cour de Richard II et de ses successeurs, Richard III, et Guillaume le Conquérant.

Canut régna dix-neuf ans en Angleterre. Il fut magnifique, libéral, brave et zélé pour la religion ; mais l’ambition ternit l’éclat de ses vertus. Il mourut en 1036, et ses Etats furent partagés entre ses enfants : Suénon eut la Norvège, Harold l’Angleterre, et Hardi-Cajut le Danemark.

Alfred et Edouard vinrent de Normandie à Winchester pour voir Emme leur mère. Godwin, qui commandait dans le West-Sex et qui avait contribué principalement à établir l’autorité d’Harold dans cette partie de l’Angleterre, convint avec le roi d’attirer les deux princes à la cour, dans le dessein de les faire périr secrètement. Emme, se défiant de ce qui se tramait, craignit pour ses enfants ; elle se contenta d’envoyer Alfred et garda Edouard près d’elle.

Godwin alla au devant d’Alfred et se saisit de sa personne : il le fit d’abord enfermé au château de Guilford d’où il fut conduit ensuite Ely. On lui creva les yeux, et on le mit dans un monastère où il mourut peu de jours après. Edouard retourna promptement en Normandie et Emme se retira chez le comte de Flandres.

Saint Edouard le Confesseur.

Après la mort d’Harold, qui arriva en 1039, Hardi-Canut vint en Angleterre avec quarante vaisseaux et s’y fit reconnaître roi. Le prince Edouard y vint aussi de Normandie, et il fut reçu par le nouveau roi avec les égards qui lui étaient dus.

Il demanda vengeance de la mort de son frère ; mais Godwin l’évita, en faisant serment qu’il n’avait point eu part dans la triste fin d’Alfred. Hardi-Canut, prince vicieux, mourut subitement en 1041. Suénon, autre fils de Canut, existait encore et régnait en Norvège ; mais les Anglais, las de vivre sous la domination de rois étrangers et qui les traitaient avec indignité, résolurent de rétablir sur le trône leurs princes légitimes. C’était l’unique moyen qu’ils eussent de s’affranchir d’un joug pesant qu’ils portaient avec impatience depuis plus de quarante ans. D’un autre côté, les vertus d’Edouard avaient gagné les ennemis de sa famille, et tout le monde s’accordait à vouloir lui rendre la couronne de ses pères. Léofrick, comte de Mercie, Siward, comte de Northumberland, et Godwin, comte de Kent – qui était en même temps gouverneur du royaume de West-Sex, les trois hommes les plus puissants de la nation, furent les principaux auteurs de la révolution qui fit rentrer l’Angleterre sous la domination de ses véritables maîtres.

Edouard avait été formé à l’école de la vertu, et il en avait fait un bon usage. Il savait apprécier à leur juste valeur les biens de ce monde visible. Jamais il n’avait cherhcé de consolation ailleurs que dans la vertu et la religion. Elevé dans le palais du duc de Normandie, il avait su se préserver de la corruption des vices qui régnaient à la cour de ce prince ; il s’appliqua même à acquérir les vertus contraires dès son enfance ; il était fidèle aux pratiques que prescrit le christianisme, et il aimait à converser avec les personnes de piété. Toutes ses actions étaient extérieures portaient l’empreinte de la modestie. Il parlait peu, mais ce n’était ni par ignorance, ni par défaut de talent ; tous les historiens s’accordent en effet à dire qu’il était d’une gravité et d’une sagesse au-dessus de son âge. Son amour pour le silence venait donc d’un fond d’humilité et de la crainte de perdre le recueillement ou de tomber dans les fautes qu’entraîne ordinairement la démangeaison de parler. Son caractère était composé de l’heureux assemblage de toutes les vertus chrétiennes et morales. On distinguait cependant en lui une douceur admirable, qui avait sa source dans une humilité profonde et dans une tendre charité qui embrassait tous les hommes. Il était aisé de s’apercevoir qu’il était entièrement port à lui-même : de là cette horreur pour l’ambition et pour tout ce qui pouvait flatter les autres passions.

Couronnement de saint Edouard le Confesseur.
Cambridge. Manusrit du XIVe.

S’il monta sur le trône de ses ancêtres, c’est qu’il y fut appelé par la volonté de Dieu ; aussi ne se proposa-t-il d’autre but que de faire aimer la religion et de venir au secours d’un peuple malheureux. Il était si éloigné de tout sentiment d’ambition, qu’il déclara refuser la plus puissante monarchie, si, pour l’obtenir, il fallait faire couler le sang d’un seul homme. Les ennemis mêmes de la famille royale se réjouirent de le voir sur le trône. Tous se félicitaient d’avoir un saint pour roi, surtout après tant de malheurs sous le poids desquels la nation avait gémi ; ils espéraient que les maux publics et particuliers allaient être réparés par sa piété, sa justice et sa bienfaisance. Edouard fut sacré le jour de Pâques de l’année 1042, à l’âge d’environ 40 ans.

Malgré les circonstances critiques dans lesquelles il monta sur le trône, son règne fut l’un des plus heureux qu’on eut jamais vus. Les Danois même établis en Angleterre le craignaient, l’aimaient et le respectaient. Quoiqu’ils se regardassent comme maîtres du pays en vertu d’un prétendu droit de conquête, qu’ils en eussent été maîtres pendant quarante ans, et qu’ils eussent rempli de leurs colonies les royaumes de Northumberland, de Mercie et d’Est-Anglie, on ne les vit cependant s’agiter nulle part, et depuis le temps dont nous parlons, il ne fut plus question d’eux en Angleterre.

Pontan, un de leurs historiens, calomnie les Anglais, lorsqu’il les accuse d’avoir massacré tous les étrangers sous le règne d’Edouard. Une pareille entreprise aurait été aussi dangereuse qu’injuste et barbare ; son exécution aurait sans doute fait plus d’éclat qu’un massacre arrivé sous Ethelred II, dans un temps où les Danois étaient moins puissants et moins nombreux.

Si l’on demande ce que devinrent ceux dont il s’agit, nous répondrons que s’étant mêlés avec les Anglais, ils ne firent plus bientôt qu’un même corps de peuple avec eux, à l’exception de quelques uns d’entre eux qui retournaient de temps en temps dans leur patrie.

Suénon, fils de Canut, qui régnait en Norvège, équipa une flotte pour venir attaquer l’Angleterre. Edouard mit son royaume en état de défense, et envoya en Danemark Gulinde, nièce de Canut, de peur que si elle restait en Angleterre elle ne favorisât secrètement l’invasion projetée.

Sur ces entrefaites, le roi de Danemark, appelé aussi Suénon, fit une irruption dans la Norvège et fit ainsi échouer l’expédition contre les Anglais. Peu de temps après, Suénon fut détrôné par Magnus, fils d’Olaüs le Martyr, que Canut le Grand avait dépouillé de la Norvège.

En 1046, des pirates danois se présentèrent à Sandwich, puis sur les côtes d’Essex ; mais la vigilance des principaux officiers d’Edouard les força de se retirer avant qu’ils eussent pu ravager le pays, et ils n’osèrent plus reparaître par la suite.

Denier d'argent de saint Edouard le Confesseur. XIe.

Edouard n’entreprit qu’une seule guerre, qui eut pour objet de rétablir Malcolm, roi d’Ecosse, et qui se termina par une victoire glorieuse. Il y eut quelques mouvements à l’intérieur du royaume, mais ils furent apaisés avec autant de promptitude que de facilité. On vit alors ce que peut un roi qui est véritablement le père de ses sujets. Tous ceux qui approchaient de sa personne essayaient de régler leur conduite sur ses exemples. On ne connaissait à sa cour i l’ambition, ni l’amour des richesses, ni aucune de ces passions qui, malheureusement, sotn si communes parmi les courtisans et qui préparent peu à peu la ruine des Etats. Edouard paraissait uniquement occupé du soin de rendre ses peuples heureux et d’établir une société qui favorisât le salut du plus grand nombre de ses sujets.

Il diminua les impôts et chercha tous les moyens de ne laisser personne en souffrance. Comme il n’avait point de passion à satisfaire, tous ses revenus étaient employés à récompenser ceux qui le servaient fidèlement, à soulager les pauvres, à doter les églises et les monastères. Il fit un grand nombre de fondations dont le but était de faire chanter à perpétuité les louages de Notre Seigneur Jésus-Christ ; les divers établissements qu’il fit ne furent jamais à la charge du peuple. Les revenus de son domaine lui suffisaient pour toutes les bonnes œuvres qu’il entreprenait. On ne connaissait point encore les taxes, ou l’on y avait recours qu’en temps de guerre ou de nécessités pressantes. Le saint roi abolit le Danegelt.

Denier d'argent de saint Edouard le Confesseur (avers). XIe.

Les grands du royaume, s’imaginant que le saint roi avait épuisé ses finances par ses aumônes, levèrent une somme considérable sur leurs vassaux sans l’en prévenir, et la lui apportèrent comme un don que lui faisaient ses peuples pour l’entretien de ses troupes, et pour les autres frais occasionnés par les dépenses publiques.

Saint Edouard, ayant appris ce qui s’était passé, remercia ses sujets de leur bonne volonté et voulut que l’on rendît l’argent à tous ceux qui avaient contribué à former la somme. Toute sa conduite annonçait qu’il était parfaitement maître de lui-même ; il avait une égalité d’âme qui ne se démentait dans aucune circonstance, sa conversation était agréable mais toujours accompagnée d’une majesté qui inspirait le respect. Il aimait, il est vrai, surtout parler à Dieu et des choses spirituelles.

Edouard avait toujours fait une estime particulière de la pureté, et il conserva cette vertu sur le trône par l’amour de la prière, par la fuite des occasions, par la pratique de l’humilité et de la mortification. Il veillait avec soin sur tous ses sens et prenait les précautions les plus sages pour se garantir de la moindre souillure. Cependant on désirait le voir marié, et il ne put résister aux instances que la noblesse et le peuple lui faisaient à cet égard.

Statue d'Edouard le Confesseur. Abbaye de Westminster. Londres.

Godwin mit tout en œuvre pour que le choix du prince se fixât sur Edithe, sa fille, qui joignait une vertu éminente à toutes les qualités du corps, de du cœur et de l’esprit. Une chose arrêtait le roi : c’est qu’il avait fait vœu de garder une chasteté perpétuelle. Il se recommanda à Dieu, puis il découvrit à celle qu’on lui proposait pour épouse l’engagement qu’il avait contracté. Edithe entra dans ses vues, et ils convinrent l’un et l’autre qu’ils vivraient dans l’état du mariage comme frère et sœur.

C’est par un effet de la calomnie que quelques écrivains ont attribué la résolution de saint Edouard à la haine qu’il aurait portée à Godwin. De tels sentiments sont incompatibles avec la haute vertu dont il faisait profession ; il était d’ailleurs incapable de traiter, avec l’injustice qu’on lui suppose, un princesse accomplie, à laquelle il s’était uni par les liens les plus sacrés.

Godwin était le sujet le plus riche et le plus puissant du royaume. Canut l’avait fait général de son armée, l’avait créé comte de Kent et lui avait fait épouser sa belle-sœur. Il fut ensuite grand trésorier de duc de West-Sex, c’est-à-dire général de toutes les armées au midi de la Mercie. Dévoré par l’ambition, il viola souvent les lois divines et humaines. Swein, le plus jeunes de ses fils, marcha sur ses traces et porta même le libertinage jusqu’aux excès les plus coupables. Edouard le punit par l’exil, mais il lui pardonna dans la suite. Godwin lui-même, s’étant rendu coupables de plusieurs crimes, fut menacé de proscription s’il ne paraissait pas devant le roi alors qu’il était à Gloucester. Il refusa d’abord et prit la fuite ; mais il revint bientôt avec une armée pour attaquer le roi. Quelques uns de ses amis demandèrent sa grâce, et, quoique Edouard fut vainqueur, il lui pardonna et le rétablit dans son premier état.

Pendant la rébellion de Godwin, on crut nécessaire de renfermer Edithe dans un monastère de peur qu’on ne ses servit de sa dignité pour exciter les vassaux et les amis de son père. Malgré cette précaution, saint Edouard n’en était pas moins attaché à la reine, qui de son côté l’aimait tendrement, et ils vécurent toujours l’un de l’autre dans l’union la plus intime et la plus parfaite.

La reine Edithe, épouse de saint Edouard le Confesseur.
Manuscrit du XIIIe.

En 1053, le comte Godwin fut emporté par une mort subite. Harold, son fils, lui succéda dans toutes ses dignités. Il vainquit le roi des Gallois méridionaux, qui faisaient des incursions dans les Etats de saint Edouard. Quelques années après, ce prince fut fait prisonnier et mis à mort par le roi des Gallois septentrionaux. Celui-ci envoya la tête de son ennemi à Harold, afin qu’il la présenta à Edouard. Le saint roi, naturellement généreux, laissa ces provinces conquises par ses troupes, dans le Pays de Galles, aux deux frères du prince qui venait de périr.

En 1058, saint Edouard perdit le pieux et brave Siward. C’était lui qui, l’année précédente, avait rétabli Malcolm III sur le trône d’Ecosse, dont l’usurpateur Macbeth l’avait dépouillé. Dans cette guerre, Siward donna la plus haute idée de son courage. Quelqu’un lui ayant appris que son fils avait été tué sur le champ de bataille, il demanda s’il était blessé par devant ou par derrière ; et comme on lui assura qu’il était tombé les armes à la main et qu’il était blessé par devant, il se consola en disant qu’il avait toujours souhaiter ce genre de mort pour lui et pour son fils. Sa vertu était d’autant plus solide qu’il était d’un caractère bouillonnant et impétueux. Il fut enterré dans l’église Sainte-Marie de York.

Quelques temps après, Léofrick mourut aussi ? C’était un homme d’une piété éminente et d’une prudence consommée. Les abondantes aumônes qu’il distribua aux pauvres, les églises qu’il bâtit ou répara, le célèbre monastère qu’il fonda à Coventry, furent les monuments publics de son zèle et de sa charité ; mais il joignit encore à ses vertus une humilité profonde. Les privilèges qu’il accorda à la ville de Coventry ont rendu son nom immortel dans le pays. Saint Edouard trouvait autant de secours que de consolation dans les pieux et sages conseils de ce grand homme. Algard, fils de Léofrick, fut fait duc de Mercie ; mais il ne se montra pas digne de son père.

Saint Edouard le Confesseur s’est surtout rendu célèbre par ses lois ? Il adopta ce qu’il y avait d’utile dans celles que l’on suivait alors et fit les changements et les additions qu’il crut nécessaires. Depuis, son code devint commun à toute l’Angleterre sous le nom de Lois d’Edouard le Confesseur, titre par lequel elles sont distinguées de celles que donnèrent les rois normands. Elles font partie du droit britannique, excepté en quelques points qui depuis ont subi des changements. Les peines infligées aux coupables par ces lois ne sont point sévères, elles reconnaissent peu de crimes punissables de mort ; les amendes y sont déterminées d’une manière fixe et ne dépendent point de la volonté des juges. Elles pourvoient à la sûreté publique et assurent à chaque particulier la propriété de ce qu’il possède. On était rarement dans le cas de sévir, parce qu’on veillait à l’observation des lois et que la justice était bien administrée.

L’écrivain Gurdon de commenter :
" La sage administration du pieux roi avait autant et même plus de pouvoir sur le peuple que le texte des lois."
" Edouard le Confesseur, ce grand et sage législateur, régnait dans le cœur de ses sujets. L’amour, l’harmonie, l’intelligence qu’il y avait entre lui et l’assemblée générale de la nation, produisirent un bonheur qui devint la mesure de celui que le peuple désirait les siècles suivants. Les barons anglais et normands en appelaient à la loi et au gouvernement d’Edouard."

Guillaume le Conquérant. Il succédera en 1066 à saint Edouard
le Confesseur après le règne de quelques mois de Harold.

On a vu peu de princes qui se soient montrés aussi zélés qu’Edouard pour le bonheur de leurs peuples. Il prenait spécialement les malheureux sous sa protection, faisait observer les lois, et voulait que la justice fut rendue avec autant de d’intégrité que de promptitude. Guillaume le Bâtard, duc de Normandie, fut lui-même le témoin des vertus et de la sagesse de son parent, lorsqu’en 1052 il vint le voir en Angleterre.

Saint Edouard, pendant son exil en Normandie, avait fait vœu d’aller visiter le tombeau de saint Pierre à Rome, si Dieu mettait fin aux malheurs de sa famille. Lorsqu’il se fut solidement établi sur le trône, il prépara de riches offrandes pour l’autel du Prince des Apôtres, et disposa tout pour se mettre en état de passer en Italie. Ayant convoqué ensuite l’assemblée générale de la nation, il y déclara l’engagement qu’il avait contracté, et fit sentir l’obligation où il était de témoigner à Dieu sa reconnaissance. Il proposa ensuite les moyens qui lui paraissaient les plus propres à faire fleurir le commerce et à maintenir la paix ; il finit par mettre ses sujets sous la protection du Ciel. Les principaux de l’assemblée alléguèrent les raisons les plus fortes pour le dissuader de l’exécution de son dessein. Après avoir loué sa piété, ils lui représentèrent avec larmes les dangers auxquels l’Etat serait exposé ; qu’on aurait à craindre tout à la fois les ennemis du dedans et du dehors ; qu’ils s’imaginaient déjà voir toutes les calamités tomber sur le royaume.

Edouard fut si touché de leurs raisons et de leurs prières, qu’il promit, avant de rien entreprendre, de consulter Léon IX, qui occupait alors la chaire de Pierre. Il envoya à Rome, pour ce sujet, Aëlred, archevêque d’York, Herman, évêque de Winchester, et deux abbés. Le Pape, persuadé que le roi ne pouvait quitter ses Etats sans exposer son peuple à de grands dangers, le dispensa de l’accomplissement de son vœu ; mais ce fut à condition qu’il distribuerait aux pauvres l’argent qu’il aurait dépensé en venant à Rome, et qu’il bâtirait ou doterait un monastère en l’honneur de saint Pierre.

Sébert, roi des Est-Angles, avait fondé la cathédrale de Saint-Paul de Londres. Quelques auteurs lui ont aussi attribué la fondation d’un monastère en l’honneur de saint Pierre, qui était hors les murs et au couchant de la ville. On dit que ce monastère occupait l’emplacement d’un ancien temple d’Apollon, qu’un tremblement de terre avait renversé : mais le silence de saint Bède le Vénérable fait croire qu’il fut bâti quelques années plus tard par quelque particulier et qu’il était peu de chose dans son origine. On l’appelait Torney. Des Danois l’ayant détruit, le roi Edgard le fit reconstruire. Saint Edouard, après l’avoir réparé, y fit des donations considérables ; il voulut encore qu’il fut honoré d’exemptions et de privilèges ; ce qu’il obtint du pape Nicolas II en 1059. On lui donna le nom de Westminster, à cause de sa situation. Il est devenu fort célèbre depuis par le sacre des rois et par la sépulture des grands hommes du royaume. C’était l’abbaye la plus riche de toute l’Angleterre lorsqu’on y détruisit tous les monastères.

Saint Edouard faisait sa résidence à Winchester, à Windsor et à Londres, mais plus communément à Islip, dans la province d’Oxford, où il était né. Anciennement les seigneurs du royaume demeuraient à la campagne et vivaient parmi leurs vassaux ; ils n’allaient à la cour qu’aux grandes fêtes et dans quelques occasions extraordinaires. La fête de Noël était une des principales où la noblesse se rendait auprès du roi. Saint Edouard la choisit pour la dédicace de la nouvelle église de Westminster, afin que la cérémonie s’en fît avec plus de solennité. Les personnes les plus qualifiées du royaume y assistèrent. Le roi signa l’acte de fondation, et y fit insérer à la fin de terribles imprécations contre ceux qui oseraient violer les privilèges de son monastère.

Plusieurs historiens rapportent divers miracles opérés par saint Edouard. Un lépreux le pria instamment de le porter sur son dos royal dans l’église de Saint-Pierre, disant que ce saint avait promis qu’il guérirait par ce moyen. Ce bon prince se prêta à cette cérémonie rebutante et obtint ainsi la guérison du malade. Par le signe de la croix, il guérit une femme d’une tumeur chancreuse reconnue incurable. Trois aveugles ont recouvré la vue en s’appliquant l’eau dont le prince s’était servi pour se laver les mains. Saint Edouard mérita un jour de voir Notre Seigneur Jésus-Christ pendant le saint sacrifice de la messe et de recevoir visiblement sa bénédiction.

Mort de saint Edouard le Confesseur. Déjà, les humbles se
pressent au pied de son tombeau afin de présenter au saint
leurs prières. Manuscrit du XIVe.

Après le Prince des Apôtres, celui des saints auquel saint Edouard avait le plus de dévotion était saint Jean l’Evangéliste, ce parfait modèle de la pureté et de la charité. Voici à ce sujet une histoire charmante.

Saint Edouard ne refusait jamais l’aumône qu’on lui demandait au nom de saint Jean l’Evangéliste. Un jour, n’ayant rien autre chose, il donne son anneau à un étranger qui le priait au nom de saint Jean. Quelque temps après, deux Anglais qui allaient à Jérusalem visiter le Saint Sépulcre, s’égarèrent un soir et se trouvèrent surpris par la nuit. Comme ils ne savaient plus que devenir, un vénérable vieillard les remit dans leur chemin, les conduisit à la ville, et leur dit qu’il était le disciple bien-aimé de Notre Seigneur Jésus-Christ ; qu’il chérissait singulièrement leur prince, Edouard, à cause de sa chasteté, et qu’il les assisterait aussi dans tout leur voyage à sa considération. Ensuite il leur remit entre les mains la bague que ce prince avait donnée au pauvre pèlerin pour l’amour de lui, les assurant que c’était lui-même déguisé en pauvre qui l’avait reçue. Il les chargea de la lui rapporter à leur retour en Angleterre et de dire au saint roi qu’il viendrait le chercher au bout de six mois pour le mener avec lui à l’Agneau sans tâche.

Le roi reçut de ces deux pèlerins sa bague et les promesses de saint Jean en fondant en larmes et en louant Dieu pour une faveur si insigne.

Mort de saint Edouard le Confesseur. Tapisserie de Bayeux. XIIe.

S’étant trouvé mal à la cérémonie de dédicace de l’église de Westminster dont nous avons parlé plus haut, il n’y assista pas moins jusqu’à la fin ; mais fut obligé de se mettre au lit à l’issue de la cérémonie. Il ne pensa plus dès lors qu’à se préparer à la mort par des actes fervents de piété et par la réception des sacrements ? Tous les seigneurs de sa cour témoignaient la douleur la plus vive. Voyant la reine fondre en larmes, saint Edouard lui dit :
" Ne pleurez plus ; je ne mourrai point, mais je vivrai ; j’espère en quittant cette terre de mort entrer dans la terre des vivants pour y jouir du bonheur des saints."
Il la recommanda ensuite à Harold et à d’autres seigneurs, et il leur déclara qu’elle était resté e vierge. Il expira tranquillement le 5 janvier 1066, dans la 64e année de son âge et après un règne de 23 ans.

Saint Edouard le Confesseur est ordinairement représenté, tantôt donnant l’aumône à un pauvre, tantôt portant un malade sur ses épaules.

CULTE ET RELIQUES

Ancienne abbaye de Westminster. Fondée par saint Edouard
le Confesseur, elle est aujourd'hui et depuis le XVIe
siècle occupée par la secte anglicane.

Après sa mort, les miracles qui se firent sur son tombeau contribuèrent beaucoup à l’établissement de son culte. Des aveugles recouvrèrent la vue, des paralytiques guérirent, etc.

Guillaume le Conquérant, qui monta sur le trône en 1066, fit renfermer le corps de saint Edouard dans un cercueil magnifique qui fut à son tour placé dans une châsse d’or et d’argent. 36 ans après, en 1102, le corps de notre saint fut levé de terre par l’évêque de Rochester, qui le trouva entier, flexible et sans corruption, avec ses habits qui paraissaient encore tout neuf.

Châsse renfermant les reliques de saint Edouard le Confesseur.
Ancienne abbaye de Westminster, fondée par saint Edouard et
aujourd'hui occupée par une secte des plus perfides.

Le bienheureux Edouard fut canonisé en 1161 par Alexandre III et sa fête fut marquée au 5 janvier. Deux ans plus tard, saint Thomas, archevêque de Cantorbéry, en fit une translation plus solennelle, à laquelle le roi Henri II assista accompagné de 14 évêques, de 5 abbés et de toute sa noblesse. Ce prince porta ce saint dépôt sur ses propres épaules dans tout le cloître de l’abbaye de Westminster. Cette translation se fit le 13 octobre, jour auquel on a depuis célébré sa principale fête. Le concile national d’Oxford, tenu en 1222, ordonna qu’elle serait d’obligation en Angleterre.

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