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jeudi, 20 juillet 2023

20 juillet. Saint Jérôme Emilien, confesseur, fondateur des Clercs réguliers Somasques. 1537.

- Saint Jérôme Emilien, confesseur, fondateur des Clercs réguliers Somasques. 1537.
 
Pape : Paul III. Roi de France : François Ier. Empereur d'Allemagne, roi d'Espagne : Charles Quint (Charles Ier pour le royaume d'Espagne).
 
" La charité est véritable non quand elle se traduit par des paroles et des politesses, mais quand elle se manifeste par des oeuvres et des bienfaits."
Saint Jean Chrysostome.
 

Issu de cette puissante aristocratie qui valut à la reine de l'Adriatique douze siècles de splendeurs, Jérôme vint au monde à l'époque où Venise atteignait l'apogée de sa gloire. A quinze ans soldat, il fut un des héros de la lutte formidable où sa patrie soutint l'effort de l'Europe presque entière coalisée contre elle dans la ligue de Cambrai. La cité d'or, écrasée un instant et rétablie bientôt dans son ancienne fortune, offrait ses honneurs au défenseur de Castelnovo, tombé vaillamment et relevé comme elle. Mais Notre-Dame de Trévise, en délivrant le prisonnier des chaînes allemandes, l'avait fait son captif ; elle le rendait à saint Marc pour une mission plus haute que celles que la fière république aurait pu lui donner. Le descendant des Aemiliani, conquis par l'éternelle beauté comme un siècle plus tôt Laurent Justinien, n'allait plus vivre que pour l'humilité qui conduit au ciel et les hauts faits de la charité. Somasque, obscur village devenu le camp retranché d'une milice nouvelle recrutée par ses soins, éclipsera pour lui tous les titres de la terre ; et ses victoires seront maintenant d'amener à Dieu les petits enfants. Les patriciens, dont naguère il marchait l'égal, ne le verront plus dans leurs palais ; car sa noblesse est plus élevée : ils servent le monde, et lui les cieux ; les Anges sont les émules de sa gloire leur ambition (Hilar. in Matth. XVIII.), comme la sienne, est de garder au Père l'hommage immaculé de ces âmes innocentes dont le plus grand au royaume des cieux doit porter la ressemblance (Matth. XVIII, 4.).

" En effet, nous dit aujourd'hui l'Eglise par la bouche si pleine de charmes de saint Jean Chrysostome, l'âme de l'enfant est pure de toutes passions. Il ne garde point rancune à ceux qui l'offensent, mais, comme si de rien n'eût été, les revient trouver en amis. Si souvent que sa mère le frappe, il la cherche toujours et la préfère à tout. Montrez-lui une reine avec sa couronne : il ne la met point au-dessus de sa mère en haillons, et il aime mieux la vue de celle-ci dans sa pauvreté que le spectacle de la reine en sa magnificence. Car il juge de ce qui l'intéresse ou ne le touche point, non sur la richesse ou la pénurie, mais sur l'amour. Le nécessaire et rien plus est tout son désir ; gorgé du lait qu'il aime, il laisse en repos le sein où il puise. L'enfant n'a pas nos chagrins : ni perte de biens, ni rien de pareil ne saurait le troubler ; il ne goûte pas nos plaisirs : ni la beauté des corps, ni tout ce périssable qui nous séduit, ne peut l'émouvoir. C'est pourquoi le Seigneur disait : Le royaume des cieux est pour qui leur ressemble (Ibid. XIX, 14.), nous exhortant à pratiquer par choix ce que les enfants font par nature." (Chrys. in Matth. Hom. LXII, al. LXIII.).

Leurs célestes gardiens plongeant la vue dans ces êtres si purs, c'est encore la parole du Seigneur, ne sont point distraits delà contemplation du Père qui est au ciel (Matth. XVIII, 10.) ; car il réside en eux comme sur les ailes des Chérubins, depuis le baptême qui en a fait ses fils. Heureux notre Saint d'avoir été choisi par Dieu pour partager les soucis des Anges ici-bas, en attendant d'être associé à leur félicité dans les cieux !


Mattia Traverso. XIXe.

Jérôme (Girolamo) naquit à Venise de la famille patricienne des Miani de Emiliani (ou Aemiliani ou Miani) par son père et des Morocini par sa mère. Soldat dès sa première adolescence, il fut, en des temps difficiles pour la République, préposé à la défense de Castelnovo sur le territoire de Quero dans les monts de Trévise.

La forteresse ayant, été prise, il fut lui-même jeté, pieds et poings liés, dans une affreuse prison. Dénué de tout secours humain, il tourne vers la bienheureuse Vierge ses prières ; elle, clémente, vient à lui, délie ses chaînes, et, par le milieu des ennemis qui occupaient toutes les routes, le conduit sain et sauf en vue de Trévise. Entré dans la ville, en témoignage du bienfait reçu, il suspend à l'autel de la Mère de Dieu devenue sa Dame les menottes, les entraves et les chaînes qu'il avait apportées avec lui. De retour à Venise, on le vit s'adonner avec ferveur aux inspirations de la piété et d'une admirable charité pour les pauvres ; mais sa miséricorde se porta surtout sur les enfants qui, privés de parents, erraient par la ville misérables et sordides : il les recueillit dans des maisons louées à ses frais, pour les nourrir et les former aux mœurs chrétiennes.

En ces jours abordaient à Venise le bienheureux Gaétan et Pierre Caraffa qui fut plus tard Paul IV. Ils approuvèrent l'esprit de Jérôme et sa nouvelle entreprise de recueillir les orphelins ; en même temps ils l'introduisirent à l'hôpital des incurables, où sa charité devait trouver à s'exercer également et simultanément à l'éducation des enfants abandonnés et au soin des malades. Bientôt, sur leurs conseils encore, gagnant le continent, il éleva des orphelinats à Brescia d'abord, puis à Bergame et à Côme ; Bergame surtout bénéficia de son zèle: car, outre deux établissements dont l'un pour les garçons et l'autre pour les filles, il y ouvrit, nouveauté inconnue dans ces régions, un asile pour les femmes perdues converties à pénitence.


S'arrêtant enfin à Somasque, humble village du territoire de Bergame aux confins des possessions Vénitiennes, il y fixa le siège de la Congrégation qu'il établit alors et qui reçut à cause de cela le nom de Somasque. Elle s'accrut et se propagea par la suite ; au gouvernement des orphelins, au soin des édifices sacrés, elle joignit, pour la plus grande utilité de la république chrétienne, l'éducation des jeunes gens dans les lettres et les bonnes mœurs, fondant pour cette fin des collèges, académies et séminaires. Saint Pie V l'admit parmi les Ordres religieux, et les autres Souverains Pontifes l'honorèrent par des privilèges.

Tout entier à la pensée des orphelins, Jérôme partit pour Milan et Pavie, et, avec l'aide de nobles personnages, il pourvut de demeure, de nourriture, de vêtement, de maîtres, les troupes d'enfants qu'il rassembla dans les deux villes.
Rentré à Somasque, tout à tous, il ne répugnait à rien de ce qu'il prévoyait devoir tourner au bien du prochain. Il se mêlait dans les champs aux villageois faisant la récolte, et, tout en les aidant dans leurs travaux, leur expliquait les mystères de la foi ; on le voyait prendre soin des enfants avec une patience qui allait jusqu'à nettoyer leurs têtes teigneuses et repoussantes, et tel était le succès avec lequel il s'employait au pansement des plaies putrides des paysans, qu'on le regardait comme doué de la grâce des guérisons.

Avant trouvé sur la montagne qui domine Somasque une grotte écartée, il s'y cachait et là, se flagellant, passant à jeun des jours entiers, en prière la plus grande partie des nuits et ne prenant que sur le roc nu un court sommeil, il expiait ses fautes et celles d'autrui. Dans l'intérieur de cette grotte coule goutte à goutte de la pierre aride une eau obtenue, d'après une constante tradition, par les prières du serviteur de Dieu ; jamais tarie jusqu'à nos jours, et portée en divers pays, elle obtient souvent la santé aux malades.


Saint Jérôme Emilien pendant une extase. Antonio Magatti. XVIIe.

Enfin, dans une contagion qui ravageait toute la vallée, et où il se dépensa, servant les malades et portant les morts sur ses propres épaules à la sépulture, le mal l'atteignit lui-même. Il avait cinquante-six ans.

Sa précieuse mort, que peu auparavant il avait prédite, arriva le 8 février 1537 sur le territoire de Bergame, au service des pestiférés, laissant donc la Congrégation des Clercs Réguliers Somasques pour continuer son oeuvre.

Illustré par de nombreux miracles durant sa vie et après sa mort, Benoît XIV et Clément XIII l'inscrivirent solennellement, le premier au nombre des Bienheureux, le second dans les fastes des Saints.

 
Saint Jérôme Emilien enseignant d'humbles petits enfants.
Imagerie populaire. XIXe.

PRIERE

" Avec Vincent de Paul et Camille de Lellis, Ô Jérôme Emilien, vous constituez sur le Cycle en ces jours le triumvirat de la charité. Ainsi l'Esprit divin, dont le règne se poursuit, trouve-t-il ses complaisances à marquer l'empreinte de la Trinité sur les temps ; ainsi veut-il manifester que l'amour du Seigneur Dieu, qu'il apporte au monde, ne va point sans celui des frères. Dans le temps même où il fournissait par vous cette démonstration à la terre, l'esprit du mal faisait de son côté la preuve que l'amour vrai de nos semblables disparaît d'où s'en va celui du Seigneur, lequel lui-même s'éteint là où la foi n'est plus : entre les ruines de la prétendue réforme et la fécondité toujours nouvelle de l'Esprit de sainteté, l'humanité put choisir. Son choix, hélas, fut loin d'être partout conforme à ses intérêts du temps et de l'éternité. Combien plus que vous n'aurions-nous pas raison de répéter la prière que vous enseigniez aux petits orphelins :
" Notre doux-Père, Seigneur Jésus-Christ, nous vous en supplions par votre bonté infinie, relevez la chrétienté, ramenez-la toute à cette droiture de la sainteté qui fleurit au temps de vos Apôtres."


Apothéose de saint Jérôme Emilien. XVIIIe.

Vous avez travaillé largement pour votre part à cette œuvre immense de restauration. La Mère de la divine grâce, en brisant vos chaînes dans la prison, rendait à votre âme plus cruellement captive l'essor du baptême et de vos premiers ans ; votre jeunesse, comme celle de l'aigle, était renouvelée (Psalm. CII, 5.) ; décuplée au service du prince très puissant chanté dans le Psaume (Psalm. XLIV, 4.), la valeur qui vous avait illustré dans les armées d'ici-bas, multiplia vos conquêtes sur la mort et l'enfer. Qui jamais, dans cette arène nouvelle, pourrait nombrer vos prises ? Jésus, le Roi de la guerre du salut, vous communiqua ses prédilections pour les petits enfants : qui comptera ceux que vous sûtes garder à ses caresses divines en leur innocence, ceux qui déjà périssaient et vous devront leur couronne au ciel ! Du trône où vous entourent déjà leurs gracieuses phalanges, multipliez vos fils, soutenez tous ceux qui continuent votre œuvre sur la terre ; que votre esprit se répande toujours plus dans un temps où l'odieuse jalousie de Satan dispute plus que jamais le jeune âge au Seigneur. Heureux, à l'heure dernière, ceux qui auront accompli l'œuvre de miséricorde par excellence en nos jours : sauvé la foi des enfants, préservé leur baptême ! Eussent-ils comme vous autrefois mérité la colère, ils pourront redire avec confiance ces mots que vous affectionniez :
" Ô très doux Jésus, soyez-moi sauveur et non juge !"

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20 juillet. Saint Wulmer (ou saint Wilmer ou encore saint Wilmar), fondateur de l'abbaye de Samer au diocèse d'Arras. 689.

- Saint Wulmer (ou saint Wilmer ou encore saint Wilmar), fondateur de l'abbaye de Samer au diocèse d'Arras. 689.
 
Pape : Saint Serge Ier. Roi des Francs : Thierry III.
 
" C'est ravir une belle proie au monde que de travailler à s'arracher de lui."
S. Eus. Emiss., serm. de Castigat.
 

Eglise Saint-Omer. Wierre-au-Bois. Boulonnais. XVIIe.

Au commencement du VIIe siècle de l'ère Chrétienne, sur le territoire du Boulonnais, et dans un lieu nommé " Sylviacum ", aujourd'hui " Samer " (Pas-de-Calais), naquit de parents Chrétiens et nobles un homme que ses vertus éclatantes et sa sainteté admirable devaient placer au rang des Saints. Walhert et Dude, ses parents, avaient encore un autre fils, auquel ils avaient donné le nom de Wamer.
 
La jeunesse du Saint se passa dans la résidence féodale de ses pères, au milieu des occupations toutes barbares encore des anciens Francs. Mais Dieu, dont les secrets sont impénétrables, se sert de toutes sortes de moyens pour parvenir à ses fins : comme il avait dessein de couronner un jour Wilmar d'une gloire immortelle, il l'humilia d'abord pour l'élever ensuite à ce haut degré d'honneur.

Le jeune franc rechercha en mariage une noble fille nommée Osterhilda, ignorant qu'elle avait été promise à Wilmer, un de ses compatriotes. Il était au moment de voir ses voeux accomplis, quand, en vertu du droit des fiançailles, son rival recourut au roi des Francs.
 
Celui-ci le soutint dans ses prétentions, et, sur son ordre, Wilmar dut renoncer à celle que son coeur avait choisi. Froissé dans ses plus tendres affections, le jeune homme prit en dégoût le monde, qui s'ouvrait à lui avec de telles déceptions; et, brisant tout ce qui pouvait encore l'attacher à la vie du siècle, il résolut de se consacrer à Dieu dans la nuit et l'obscurité du cloître.

Ainsi donc, la Providence l'humilia aux yeux du monde, pour l'exalter à la vue des Anges, s'emparer entièrement de son coeur et l'attirer plus fortement au service de Jésus-Christ.

Wilmar partit sur-le-champ et se rendit en Hainaut, vers le monastère de Hautmont, où l'abbé le reçut avec la plus grande bienveillance (642). A peine fut-il revêtu des livrées du Seigneur, que l'on put remarquer en lui un changement extraordinaire.

Ce n'était plus ce barbare au regard fier et audacieux, ce courtisan assidu de son prince ; cet homme qui avait de vaines complaisances pour le siècle. Prosterné aux pieds des autels du Christ, son véritable roi et son maître, il apprenait à mourir aux choses de la terre. C'était alors qu'il pouvait dire, avec le grand Apôtre :
" Le monde est crucifié au fond de mon coeur, et je le suis au monde."
 

Eglise Saint-Martin de Samer. Une partie des reliques
de saint Wulmer y sont vénérées. Boulonnais.

Voilà quels durent être les sentiments de Wilmar nouvellement converti ; mais ce n'était que le commencement d'un changement si heureux. Pour éprouver le jeune novice, et voir si sa vocation venait d'en haut, l'abbé s'appliqua d'abord à lui faire pratiquer les vertus les plus difficiles : l'humilité de Jésus-Christ, le mépris de soi-même, et le renoncement à sa propre volonté.

Il avait bien compris qu'à l'ombre du cloître il n'était plus question de rang ou de condition, que là il n'y avait plus de pauvre ni de riche, de serf ni de suzerain ; parce qu'entre l'âme de l'esclave et celle de l'homme libre, il n'y a point de différence devant Dieu. Aussi, soumis et obéissant à ceux qui devaient le guider dans la voie du salut, pratiquait-il avec bonheur les conseils les plus sublimes de la perfection évangélique.

Son supérieur lui donna la conduite des boeufs et lui confia le soin d'aller chercher tout le bois nécessaire pour les besoins du monastère. Wilmar s'acquitta de ces pénibles fonctions avec tant de joie et de ferveur, que toute la communauté en fut extrêmement édifiée.

Son zèle alla plus loin encore ; car, se levant la nuit et entrant doucement dans la grande chambre du dortoir, il enlevait les chaussures des frères, pour les nettoyer. L'abbé, à qui ceux-ci donnèrent connaissance du fait, fut fort édifié de tant de simplicité de coeur et de charité. Voulant en connaître l'auteur, il veilla lui-même secrètement, et parvint à le découvrir. Wilmar, en effet, s'étant approché de la cellule de son supérieur, pour lui rendre furtivement le même service, fut aussitôt saisi par la main, et reçut l'ordre de déclarer à l'instant qui il était. Interdit et confus à celte demande, mais pressé par l'obéissance qu'il devait à son supérieur, le serviteur de Dieu répondit à regret qu'il était ce jeune homme venu des bords de la mer, et à qui il avait donné depuis quelque temps le saint habit de la religion.

L'abbé, heureux de voir tant de modestie dans un si jeune religieux, lui dit :
" Allez, mon fils, faites ce que vous souhaitez."
C'était l'autoriser à continuer son humble et pieux exercice. Toutefois, pour ne pas offenser sa modestie, il ne révéla cette action qu'après le départ de Wilmar.

Telles étaient donc chaque jour les occupations par lesquelles l'athlète du Christ s'exerçait à la pratique des vertus chrétiennes, dans l'abbaye de Hautmont. Mais le Ciel, qui avait sur lui des vues plus grandes, et qui voulait le réserver pour la conduite des âmes et la fondation d'un nouveau monastère, ne permit pas qu'il restât plus longtemps chargé de ces humbles fonctions. L'Esprit-Saint, qui s'était fait de cet homme un temple choisi, lui inspira la pensée de se livrer à l'étude des lettres, afin de le mettre à même de rendre de plus grands services à l'Eglise de Dieu. Wulmer, docile à l'inspiration de la grâce, se fit initier par les frères à cette étude, dont il ignorait même les premiers principes. Sans se relâcher en rien de son exactitude à accomplir les autres travaux qui lui étaient imposés, il donnait à ce nouveau genre d'occupation tout le soin dont il était capable.


Eglise Saint-Martin. Condette. Boulonnais. XVIe.

Un jour cependant, selon son habitude, conduisant son chariot dans la forêt voisine, il marchait devant ses boeufs, tenant en main ses tablettes et étudiant avec ardeur. La méditation profonde dans laquelle il était plongé l'absorbait tellement, que son chariot s'arrêta sans qu'il s'en aperçût. Après avoir ainsi cheminé seul quelque temps, il tourna instinctivement la tête, et vit ce qui lui était arrrivé. Alors, comprenant l'avertissement qui lui venait d'en haut, il retourne sur ses pas, ramène son attelage, et s'occupe uniquement du labeur qui lui était confié. L'abbé, ayant appris le fait, et reconnaissant l'impossibilité d'allier ensemble le travail des mains et celui de l'esprit, donna à un autre le soin d'aller chercher le bois, et ordonna à Wilmar de s'appliquer exclusivement à l'étude des lettres. Les progrès rapides qu'il fit en peu de temps, ainsi que les bons exemples qu'il donnait à la communauté, par son humilité et sa douceur, engagèrent l'abbé à l'élever à la dignité sacerdotale.

Quand, prosterné sur les dalles du sanctuaire, le front incliné sous la main du pontife consécrateur, Wilmar se releva prêtre, il sentit tout le poids du fardeau que cette dignité faisait peser sur lui. Le grand honneur et le profond respect que sa sainteté lui attirait de la part des frères, effrayait son humilité.

Dès ce moment, une résolution sublime fut prise par Wilmar. Le silence du cloître, l'abnégation de la vie cénobitique, ne suffisaient plus à son âme. Consacré désormais au service de Jésus crucifié, il sentait le besoin de se retremper dans une vie plus dure et plus solitaire. C'est pourquoi il pria fortement son abbé de lui permettre de se retirer dans quelque affreuse solitude, pour ne penser qu'à Dieu seul et y vivre inconnu de tous. Sa vertu et son mérite lui firent obtenir facilement ce qu'il souhaitait avec tant d'ardeur. Aussi, après s'être prosterné aux pieds de son supérieur pour recevoir sa bénédiction, il partit emportant les regrets de tous les religieux.

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mercredi, 19 juillet 2023

18 juillet. Saint Arnoult, évêque de Metz. 640.

- Saint Arnoult, évêque de Metz. 640.

Pape : Séverin * (640 +) ; Jean IV **. Roi des Francs, roi de Neustrie et de Bourgogne : Clovis II. Roi des Francs, roi d'Austrasie : Sigebert III.

" Heureuse vie que celle qui consiste à quitter les hommes pour chercher la société des anges, à fuir le séjour des villes pour goûter la présence de Dieu dans la solitude."
Saint Jean Chrysostome. Hom. I sup Marc.


Saint Arnoult.

Arnoult, en latin " Arnulphus ", naquit vers 582 à Lay-Saint-Christophe, près de Nancy ; son père s'appelait Arnoald ou Buotgise, et sa mère, Oda, était fille du duc de Souabe ; si l'on veut croire certains documents, sa grand'mère paternelle, Blithilde, était fille de Clotaire Ier.

Jeune encore Arnoult devint familier de Gondulf, conseiller de Childebert II, puis entra au service de Théodebert dont il gagna la confiance ; il fut alors chargé d'administrer les domaines royaux dans 6 comtés.

En 614, l'évêque Pappolus étant mort, Arnoul, bien que laïc, fut choisi pour le remplacer sur le siège de Metz. Sa femme, Doda, fille du comte de Boulogne, entra dans un monastère de Trèves : de leurs deux fils, Anségise ou Anchise et Clodulphe, le premier épousa une fille de Pépin de Landen, ancêtre de Charlemagne ; quant au second, connu également sous le nom de saint Cloud et honoré le 8 juin, il monta sur le trône épiscopal de Metz quelques années après son père.

Devenu évêque, Arnoul n'en garda pas moins une grande influence politique ; Clotaire 2 ayant rétabli pour Dagobert un petit royaume d'Austrasie, Arnoult fut chargé de former le jeune prince et de gouverner son État ; il réussit, en 626, à réconcilier le père et le fils qui avait réclamé un agrandissement de territoire. Vers la même époque, il assistait au concile de Clichy, puis à celui de Reims qui eut pour but de promulguer en Austrasie les canons du concile tenu à Paris en 615 et confirmé par édit de Clotaire.

Alliant la plus humble vertu aux honneurs les plus éclatants, Arnoult aspirait à une vie plus simple, vivant de préférence dans les villas du roi et songeant même à se retirer complètement du monde. Un de ses amis, saint Romaric (8 décembre), avait quitté depuis longtemps la cour et s'était fait ermite dans les Vosges, en un lieu qui prit plus tard son nom, Remiremont.

Arnoult aurait voulu le rejoindre ; Clotaire II empêcha son départ ; dans la suite, Dagobert fut plus violent, menaça de disgracier les fils d'Arnoult, mit même la main à son épée, puis, calmé, demanda pardon et accorda toute liberté à notre saint en 629. La charge épiscopale fut remise à Goéric, et Dagobert prit désormais conseil de saint Cunibert (fête le 12 novembre), évêque de Cologne.


Saint Arnoult et Dagobert Ier. Grandes chroniques de France. XIVe.

Saint Arnoult installa son ermitage sur une colline voisine du mont Habend où vivait Romaric, et un pont fut jeté sur la profonde vallée qui les séparait ; ils passèrent ainsi une dizaine d'années, recevant des lépreux et les soignant, jusqu'au jour, 16 août, où Arnoul fut prêt à retourner dans la maison du Père ; il avait prévu ce moment, demandant les prières de son compagnon :
" Je n'ai rien fait de bon dans ma vie, disait-il, et je suis chargé de fautes pour lesquelles je te prie d'implorer la clémence divine."

Il s'était pourtant fait remarquer dans toutes ses charges par son esprit de justice, sa piété, sa charité et avait reçu, raconte-t-on, l'assurance de son salut ; un jour, traversant la Moselle, il avait jeté son anneau dans le fleuve, demandant à Dieu que cet anneau lui fût rendu si ses péchés lui étaient pardonnés ; l'anneau fut en effet retrouvé de nombreuses années plus tard dans les entrailles d'un poisson.


Saint Arnoult et le miracle de l'anneau retrouvé.
Legenda aurea. J. de Voragine. XIVe.

CULTE

Le corps de saint Arnoul fut transporté à Metz l'année qui suivit sa mort, le 18 juillet, et déposé dans la basilique des Saints-Apôtres qui reçut ensuite le nom de Saint-Arnoul ; cette église fut concédée trois siècles plus tard à des moines bénédictins et détruite avec l'abbaye en 1552 ; à ce moment, les restes de saint Arnoul furent mis dans une châsse d'argent et transportés à l'intérieur de la ville dans l'église des Frères Prêcheurs qui prit à son tour le nom du saint.

L'anneau, objet du miracle, est conservé à la cathédrale de Metz ; pendant de longues années, il servit, le 16 août pendant la messe, à imprimer sur de la cire bénite des cachets qui étaient distribués ensuite aux assistants. Dès le IXe siècle, le culte de saint Arnoul était universellement répandu ; la fête est indiquée au martyrologe romain à la date du 18 juillet ; on la trouve aussi dans d'autres calendriers au 16 et au 18 août.


Cathédrale Saint-Etienne de Metz. Lorraine.
 
* Dans son court pontificat de trois mois, le pape Séverin condamna l’Ecthèse, décret en faveur des monothélistes promulgué par Héraclius Ier, empereur romain d'Orient.
 
** Relevons que le pape Jean IV adressa au fils d'Héraclius, l'empereur btzantin Constantin III, une défense du Pape Honorius Ier, dans laquelle il condamnait la tentative de lier le nom d'Honorius avec le monothélisme. " Honorius, déclarait-il, en parlant d'une seule volonté en Jésus, avait comme seule intention d'affirmer qu'il n'y avait pas en lui deux volontés contraires."

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19 juillet. Saint Vincent de Paul, confesseur, fondateur des Lazaristes et des Filles de la Charité, dites aussi Soeurs de Saint-Vincent-de-Paul. 1660.

- Saint Vincent de Paul, confesseur, fondateur des Lazaristes et des Filles de la Charité, dites aussi Soeurs de Saint-Vincent-de-Paul. 1660.
 
Pape : Alexandre VII. Roi de France : Louis XIV.
 
" L'oraison est l'âme de la dévotion : vous vous plaignez d'être aride, aimez et vous serez bientôt fervent ; l'oraison est la plus excellente occupation de l'âme ; quand on y cherche Dieu, on ne se rassasie point de le faire."
Esprit de saint Vincent de Paul.
 

Ce Saint, dont le nom est devenu synonyme de charité, est l'une des plus pures gloires de la France et de l'humanité tout entière. Il naquit à Pouy (aujourd'hui Saint-Vincent-de-Paul), près de Dax, le 24 août 1576. Ses parents faisaient valoir une petite ferme et vivaient du travail de leurs mains. Les premières années de Vincent se passèrent à la garde des troupeaux. Un jour qu'il avait ramassé jusqu'à trente sous, somme considérable pour lui, il la donna au malheureux qui lui parut le plus délaissé. Quand ses parents l'envoyaient au moulin, s'il rencontrait des pauvres sur sa route, il ouvrait le sac de farine et leur en donnait à discrétion.


Son père, témoin de sa charité et devinant sa rare intelligence, résolut de s'imposer les plus durs sacrifices pour le faire étudier et le pousser au sacerdoce : " Il sera bon prêtre, disait-il, car il a le coeur tendre." A vingt ans, il étudie la théologie à Toulouse et reçoit bientôt le grade de docteur.

Un an après son ordination au sacerdoce, il se rend à Marseille pour recueillir un legs que lui a laissé un de ses amis. Au retour, voyageant par mer pour se rendre à Narbonne, il est pris par des pirates et emmené captif en Afrique. Sa captivité, d'abord très dure et accompagnée de fortes épreuves pour sa foi, se termina par la conversion de son maître, qui lui rendit la liberté. C'est alors que Vincent va se trouver dans sa voie.


Les circonstances le font nommer aumônier général des galères, et il se dévoue au salut de ces malheureux criminels avec une charité couronnée des plus grands succès. La Providence semble le conduire partout où il y a des plaies de l'humanité à guérir.


Saint Vincent de Paul présente les Filles de la Charité
à la reine, Anne d'Autriche.

A une époque où la famine et les misères de toutes sortes exercent les plus affreux ravages, il fait des prodiges de dévouement ; des sommes incalculables passent par ses mains dans le sein des pauvres, il sauve à lui seul des villes et des provinces entières. Ne pouvant se multiplier, il fonde, et divers lieux, des Confréries de Dames de la Charité, qui se transforment bientôt dans cette institution immortelle et incomparable des Filles de la Charité, plus connues sous le nom des Soeurs de Saint-Vincent-de-Paul. Nulle misère ne le laisse insensible ; il trouve le moyen de ramasser lui-même et de protéger partout des multitudes d'enfants, fruits du libertinage, exposés à l'abandon et à la mort, et mérite le nom de Père des enfants trouvés.

On se souvient de la réponse cinglante de saint Vincent de Paul au cardinal Mazarin qui se moquait de son saint dévouement aux pauvres :
" Les pauvres sont notre plus grand trésor ! Les pauvres sont nos maîtres !"

Le roi Louis XIII, à l'agonie, expira dans les bras de notre saint.

Il a formé des légions d'anges de charité ; mais il lui faut des légions d'apôtres, et il fonde les Prêtres de la Mission, destinés à évangéliser la France et même les peuples infidèles.

Son corps intact est conservé dans la chapelle des Lazaristes, au 95 de la rue de Sèvres à Paris.
 

Verrière représentant saint Vincent de Paul
au chevet de Louis XIII pendant son agonie.
Eglise Saint-Séverin. Paris.
 
Le corps de saint Vincent de Paul est revêtu des habits sacerdotaux. La croix placée entre les mains est peut être celle avec laquelle saint Vincent assistera le roi Louis XIII mourant.

Après la Révolution française, les prêtres de la Mission se verront attribuer le 95 de la rue de Sèvres, en remplacement du prieuré Saint Lazare situé du côté des actuelles Gares du Nord et de l'Est. Le peuple de Paris, très attaché à saint Vincent de Paul, se cotisera pour payer la châsse, que l'archevêque de l'époque fera réaliser par l'orfèvre Odiot. Elle sera placée dans la chapelle le 25 avril 1830. La châsse mesure 2,25 m de long et 65 cm de large ; sa hauteur est de 1,05 m au centre. Le groupe sculpté qui la surmonte représente saint Vincent montant au Ciel, accompagné de quatre anges portant les emblèmes de la Foi, l'Espérance et la Charité.

La chapelle garde le souvenir de trois autres prêtres de la Mission : saint Jean Gabriel Perboyre (mort en 1840) et le Bienheureux François Régis Clet (mort en 1820), tous deux martyrisés en Chine. Leurs tombeaux se trouvent dans les bas côtés. La pierre tombale du père Etienne, ancien supérieur général, est située dans l'allée principale. Deux médaillons placés au centre de chaque vitrail, probablement de 1864, évoquent la vie et les oeuvres de saint Vincent. Cavaillé Coll achevera la construction de l'orgue la même année. Dans les tribunes, une série de tableaux exécutés par le Frère François (Frère de la Mission), élève du peintre Ingres, retracent des scènes de la vie de Jésus et de celle de la Vierge Marie. La chapelle de la sainte Vierge, au bas côté gauche, est dédiée à la conservation du Saint Sacrement. La chapelle du bas côté droit est dédiée à saint Joseph.
 

Corps de saint Vincent de Paul. Chapelle des Lazaristes. Paris.
 
PRIERE

" Quelle gerbe, Ô Vincent, vous emportez au ciel (Psalm. CXXV, 6.) ! Quelles bénédictions vous accompagnent, montant de cette terre à la vraie patrie (Prov. XXII, 9 ; Eccli. XXXI, 28.) ! Ô le plus simple des hommes qui furent en un siècle tant célébré pour ses grandeurs, vous dépassez maintenant les renommées dont l'éclat bruyant fascinait vos contemporains. La vraie gloire de ce siècle, la seule qui restera de lui quand le temps ne sera plus (Apoc. X, 6.), est d'avoir eu dans sa première partie des saints d'une pareille puissance de loi et d'amour, arrêtant les triomphes de Satan, rendant au sol de France stérilisé par l'hérésie la fécondité des beaux jours. Et voici que deux siècles et plus après vos travaux, la moisson qui n'a point cessé continue par les soins de vos fils et de vos filles, aidés d'auxiliaires nouveaux qui vous reconnaissent eux aussi pour leur inspirateur et leur père. Dans ce royaume du ciel qui ne connaît plus la souffrance et les larmes (Ibid. XXI, 4.), chaque jour pourtant comme autrefois voit monter vers vous l'action de grâces de ceux qui souffrent et qui pleurent.

Reconnaissez par des bienfaits nouveaux la confiance de la terre. Il n'est point de nom qui impose autant que le vôtre le respect de l'Eglise, en nos temps de blasphème. Et pourtant déjà les négateurs du Christ en viennent, par haine de sa divine domination (Jud. 4.), à vouloir étouffer le témoignage que le pauvre à cause de vous lui rendait toujours. Contre ces hommes en qui s'est incarné l'enfer, usez du glaive à deux tranchants remis aux saints pour venger Dieu au milieu des nations (Psal. CXLIX, 6-9.) : comme jadis les hérétiques en votre présence, qu'ils méritent le pardon ou connaissent la colère ; qu'ils changent, ou soient réduits d'en haut à l'impuissance de nuire. Gardez surtout les malheureux que leur rage satanique s'applaudit de priver du secours suprême au moment du trépas ; eussent-ils un pied déjà dans les flammes, ces infortunés, vous pouvez les sauver encore (Jud. 23.). Elevez vos filles à la hauteur des circonstances douloureuses où l'on voudrait que leur dévouement reniât son origine céleste ou dissimulât sa divine livrée ; si la force brutale des ennemis du pauvre arrache de son chevet le signe du salut, il n'est règlements ni lois, puissance de ce monde ou de l'autre, qui puissent expulser Jésus de l'âme d'une Fille de chanté, ou l'empêcher de passer de son cœur à ses lèvres : ni la mort, ni l'enfer, ni le feu, ni le débordement des grandes eaux, dit le Cantique, ne sauraient l'arrêter (Cant. VIII, 6-7.).

Vos fils aussi poursuivent votre œuvre d'évangélisation ; jusqu'en nos temps leur apostolat se voit couronné du diadème de la sainteté et du martyre. Maintenez leur zèle ; développez en eux votre esprit d'inaltérable dévouement à l'Eglise et de soumission au Pasteur suprême. Assistez toutes ces œuvres nouvelles de charité qui sont nées de vous dans nos jours, et dont, pour cette cause, Rome vous défère le patronage et l'honneur ; qu'elles s'alimentent toujours à l'authentique foyer que vous avez ravivé sur la terre (Luc. XII, 40.) ; qu'elles cherchent avant tout le royaume de Dieu et sa justice (Matth. VI, 33.), ne se départant jamais, pour le choix des moyens, du principe que vous leur donnez de " juger, parler et opérer, comme la Sagesse éternelle de Dieu, revêtue de notre faible chair, a jugé, parlé et opéré "."

Rq :

- Notons que notre triste époque, qui est le reflet de l'inversion morale la plus cynique, nous a donnés en 2005 de constater que rien, ou si peu, n'échappe aux horreurs du prince de ce monde. L'on a " découvert ", le jour de la saint Louis 2005, à l'hôpital Saint-Vincent-de-Paul, fondé par lui pour le secours et l'accueil des enfants trouvés, 450 foetus (!!!) dans la chambre mortuaire de l'hôpital.
Ils avaient manifestement été l'objet d'expériences épouvantables. Le parquet avait ouvert une enquête administrative.

En octobre 2005, un rapport de l'Igas (inspection générale des affaires sociales) décrivait « 353 corps entiers et 87 corps partiels (dont 20 têtes) » et ajoutait que « la plupart des corps étaient éviscérés. Sur certains le cerveau avait été retiré, sur d'autres on avait enlevé la colonne vertébrale. » Le rapport pointait « des dérives réelles et préoccupantes. »
Le mercredi 18 juillet 2007, veille donc de la fête de notre saint, l'affaire a été classée sans suite... " Cette enquête préliminaire n'a pas révélé d'infraction pénale ", selon le procureur de la République Jean-Claude Marin.


- Oeuvres complètes et vie de saint Vincent de Paul (on privilégiera la vie de saint Vincent par Abelly) :
http://www.jesusmarie.com/vincent_de_paul.html

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mardi, 18 juillet 2023

18 juillet. Saint Camille de Lellis, confesseur, fondateur de l'ordre des clercs réguliers pour le service des malades. 1614.

- Saint Camille de Lellis, confesseur, fondateur de l'ordre des clercs réguliers pour le service des malades. 1614.

Pape : Paul V. Roi des Deux Siciles : Philippe II de Sicile et Naples (Philippe III d'Espagne).

" La main du pauvre est la caisse des trésors du Christ ; tout ce qu'elle reçoit elle le dépose dans le ciel de peur de le perdre ici-bas."
Saint Césaire d'Arles.

" Mes Pères et mes Frères, il ne faut jamais douter de la Providence, il ne se passera pas un mois qu'elle ne vienne à notre secours et et ne paie toutes nos dettes. Rappelez-vous ce que disait ce bénin Sauveur à la vierge sainte Catherine de Sienne : Catherine, pense à moi et je penserai à toi. Ainsi, pensons à Lui et à nos pauvres, pour qu'Il pense à nous. Lui est-il si difficile de nous donner un peu de ces biens temporels, dont il a comblé les Juifs et les Turcs qui sont les ennemis de notre foi ?"
Saint Camille de Lellis.


Saint Camille de Lellis. Imagerie populaire.

Saint Camille de Lellis, Napolitain, fut privé de sa mère dès le berceau. Malgré les heureux présages donnés par un songe qu'avait eu sa mère avant sa naissance, il eut une enfance peu vertueuse ; sa jeunesse fut même débauchée. Jusque vers l'âge de vingt-cinq ans, on le voit mener une vie d'aventures ; il se livre au jeu avec frénésie, et un jour en particulier il joue tout, jusqu'à ses vêtements. Sa misère le fait entrer dans un couvent de Capucins, où il sert de commissionnaire.

Un jour, en revenant d'une course faite à cheval, pour le service du monastère, il est pénétré d'un vif rayon de la lumière divine et se jette à terre, saisi d'un profond repentir, en versant un torrent de larmes :
" Ah ! Malheureux que je suis, pourquoi ai-je connu si tard mon Dieu ? Comment suis-je resté sourd à tant d'appels ? Pardon, Seigneur, pardon pour ce misérable pécheur ! Je renonce pour jamais au monde !"

Saint Camille de Lellis à l'autel.

Transformé par la pénitence, Camille fut admis au nombre des novices et mérita, par l'édification qu'il donna, le nom de frère Humble. Dieu permit que le frottement de la robe de bure rouvrît une ancienne plaie qu'il avait eue à la jambe, ce qui l'obligea de quitter le couvent des Capucins. Lorsque guéri de son mal, il voulut revenir chez ces religieux, saint Philippe de Néri, consulté par lui, lui dit :
" Adieu, Camille, tu retournes chez les Capucins, mais ce ne sera pas pour longtemps."

En effet, peu après, la plaie se rouvrit, et Camille, obligé de renoncer à la vie monastique, s'occupa de soigner et d'édifier les malades dans les hôpitaux.

C'est en voyant la négligence des employés salariés de ces établissements que sa vocation définitive de fondateur d'un Ordre d'infirmiers se révéla en lui :
" Nous porterons, se dit-il, la Croix sur la poitrine; sa vue nous soutiendra et nous récompensera."

Les commencements de cet Institut nouveau furent faibles et biens éprouvés ; mais bientôt le nombre des religieux s'étendit au-delà de toute espérance.

Camille, après des études opiniâtres, s'était fait ordonner prêtre, et il était en mesure de soutenir sa tâche. Pendant une peste affreuse, le Saint fit des prodiges de charité ; il allait partout à la recherche de la misère, se dépouillait lui-même et donnait jusqu'aux dernières ressources de son monastère. Dieu bénissait le désintéressement de Son serviteur, car des mains généreuses arrivaient toujours à temps pour renouveler les provisions épuisées.

Saint Camille de Lellis secourant des pestiférés.
P. Subleyras. Palais Braschi. Rome.

Plein de vertus, épuisé de travaux, saint Camille mourut à Rome le 14 juillet 1614.
Au seuil de la mort, il vit son Dieu dans sa chambre et dit :
" Je reconnais Seigneur que je suis le plus grand des pécheurs et que je ne mérite pas de recevoir la faveur que vous daignez me faire ; mais sauvez-moi par Votre infinie miséricorde. Je mets toute ma confiance dans les mérites de Votre précieux Sang."

Les bras en croix, il prononça les saints noms de Jésus et de Marie, appela à son aide saint Michel Archange et expira avec cette prière sur les lèvres : " Que le visage du Seigneur Jésus me soit doux et joyeux."

Il fut enterré auprès du grand autel de l'église Sainte-Marie-Madeleine. Plusieur s miracles s'étant opéré à son tombeau, on leva son corps de terre pour le mettre sous l'autel même. On l'a depuis renfermé dans une châsse. Benoît XIV le béatifia en 1742, et le canonisa en 1746.

Apothéose de saint Camille de Lellis.
Dessin de Pierre Subleyras. XVIIIe.

On le représente souvent avec des anges tant ils l'aidèrent tout au long de sa vie. Saint Philippe Néri vit d'ailleurs un jour dans une extase des anges secourir les disciples de saint Camille et les aider à préparer des malades à la mort.

PRIERE

" Ange de la charité, quelles voies ont été les vôtres sous la conduite du divin Esprit ! Il fallut un long temps avant que la vision de votre pieuse mère, quand elle vous portait, se réalisât : avant de paraître orné du signe de la Croix et d'enrôler des compagnons sous cette marque sacrée, vous connûtes la tyrannie du maître odieux qui ne veut que des esclaves sous son étendard, et la passion du jeu faillit vous perdre. Ô Camille, à la pensée du péril encouru alors, ayez pitié des malheureux que domine l'impérieuse passion, arrachez-les à la fureur funeste qui jette en  proie  au  hasard capricieux leurs biens, leur honneur, leur repos de ce monde et de l'autre. Votre histoire montre qu'il n'est point de liens que la grâce ne brise, point d'habitude invétérée qu'elle ne transforme : puissent-ils comme vous retourner vers Dieu leurs penchants, et oublier pour les hasards de la sainte charité ceux qui plaisent à l'enfer ! Car, elle aussi, la charité a ses risques, périls glorieux qui vont jusqu'à exposer sa vie comme le Seigneur a donné pour nous la sienne : jeu sublime, dans lequel vous fûtes maître, et auquel plus d'une fois applaudirent les Anges. Mais qu'est-ce donc que l'enjeu de cette vie terrestre, auprès du prix réservé au vainqueur ?

Selon la recommandation de l'Evangile que l'Eglise nous fait lire aujourd'hui en votre honneur, puissions-nous tous à votre exemple aimer nos frères comme le Christ nous a aimés (Johan XV, 12.) ! Bien peu, dit saint Augustin (Homilia diei Aug. In Joh. tract. LXXXIII.), ont aujourd'hui cet amour qui accomplit toute la loi ; car bien peu s'aiment pour que Dieu soit tout en tous (I Cor. XV, 28.). Vous l'avez eu cet amour, Ô Camille ; et de préférence vous l'avez exercé à l'égard des membres souffrants du corps mystique de l'Homme-Dieu, en qui le Seigneur se révélait plus à vous, en qui son règne aussi approchait davantage. A cause de cela, l'Eglise reconnaissante vous a choisi pour veiller, de concert avec Jean de Dieu, sur ces asiles de la souffrance qu'elle a fondés avec les soins que seule une mère sait déployer pour ses fils malades. Faites honneur à la confiance de la Mère commune. Protégez les Hôtels-Dieu contre l'entreprise d'une laïcisation inepte et odieuse qui sacrifie jusqu'au bien-être des corps à la rage de perdre les âmes des malheureux livrés aux soins d'une philanthropie de l'enfer. Pour satisfaire à nos misères croissantes, multipliez vos fils ; qu'ils soient toujours dignes d'être assistés des Anges. Qu'en quelque lieu de cette vallée d'exil vienne à sonner pour nous l'heure du dernier combat, vous usiez de la précieuse prérogative qu'exalte aujourd'hui la Liturgie sacrée, nous aidant par l'esprit de la sainte dilection à vaincre l'ennemi et à saisir la couronne céleste (Collecta diei.)."

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lundi, 17 juillet 2023

17 juillet. Saint Alexis de Rome, confesseur et mendiant. 404.

- Saint Alexis de Rome, confesseur et mendiant. 404.

Pape : Saint Innocent Ier. Empereur romain d'Occident : Flavius Honorius. Empereur romain d'Orient : Flavius Arcadius.

" La croix sur laquelle le monde est crucifié, c'est la pauvreté d'esprit, elle a quatre bras, savoir : le mépris de la gloire, des richesses, de la patrie et de la famille."
Saint Bonaventure.

Saint Alexis de Rome.

Saint Alexis fut un rare modèle de mépris du monde. Fils unique d'un des plus illustres sénateurs de Rome nommé Euphémien, il reçut une éducation brillante et soignée.

L'exemple de ses parents apprit au jeune Alexis que le meilleur usage des richesses consistait à les partager avec les pauvres. Cédant aux désirs de sa famille, le jeune Alexis dut choisir une épouse. Mais le jour même de ses noces, se sentant pénétré du désir d'être uniquement à Dieu et de L'aimer sans partage, il résolut de s'enfuir secrètement, s'embarqua sur un vaisseau qui se dirigeait vers Laodicée, et gagna la ville d'Edesse.

Saint Alexis sous son escalier. Legenda aurea.
J. de Voragine. R. de Monbaston. XIVe.

Là, distribuant aux indigents tout ce qui lui restait d'argent, il se mit à mendier son pain. Il passait la plus grande partie de son temps à prier sous le portail du sanctuaire de Notre-Dame d'Edesse, devant une image de la Vierge. Après dix-sept années passées dans l'abjection et l'oubli le plus total, il plut à Marie de glorifier son serviteur par un éclatant miracle. Un jour, comme le trésorier de l'église passait sous le porche, l'image de Notre-Dame s'illumina d'une clarté soudaine. Frappé de ce merveilleux spectacle, le trésorier se prosterna devant la Madone. La Très Sainte Vierge lui montra Alexis et lui dit :
" Allez préparer à ce pauvre un logement convenable. Je ne puis souffrir qu'un de mes serviteurs aussi dévoué soit délaissé de la sorte."

La nouvelle de cette révélation se répandit aussitôt dans la ville. L'humilité du Saint s'alarma devant les témoignages de vénération dont il était devenu subitement l'objet. Il quitta donc la ville d'Edesse pour se rendre à Tarse, mais une tempête poussa l'embarquation sur les rivages d'Italie. L'Esprit-Saint lui inspira l'idée de retourner à Rome, sa ville natale, et de mendier une petite place dans la maison paternelle. A la requête de l'humble pèlerin, le sénateur Euphémien consentit à le laisser habiter sous l'escalier d'entrée de son palais, lui demandant, en reconnaissance de ce bienfait, de prier pour le retour de son fils disparu.

Saint Alexis vécut inconnu, pauvre et méprisé, à l'endroit même où il avait été entouré de tant d'estime et d'honneurs. Tous les jours, il voyait couler les larmes du vieux patricien, il entendait les soupirs d'une mère inconsolable et entrevoyait cette noble fiancée dont la beauté s'était empreinte d'une indicible tristesse. Malgré ce déchirant spectacle, saint Alexis eut le courage surhumain de garder son secret et de renouveler perpétuellement son sacrifice à Dieu.

Ce Saint, plus qu'admirable, demeura dix-sept nouvelles années dans le plus complet oubli, vivant caché sous les marches de cet escalier que tous gravissaient pour entrer dans une maison qui était la sienne, en sorte qu'il semblait foulé aux pieds de tous. Avec une humilité consommée, il subit sans jamais se plaindre, les odieux procédés et les persécutions des valets qui l'avaient servi autrefois avec tant de respect et d'égards. Saint Alexis passa donc trente-quatre ans dans une âpre et héroïque lutte contre lui-même. Ce temps écoulé, Dieu ordonna à Son serviteur d'écrire son nom et de rédiger l'histoire de sa vie. Alexis comprit qu'il allait mourir bientôt, et obéit promptement.


Saint Alexis mort chez ses parents.
Vie de saints. Maître de Fauvel. XIVe.

Le dimanche suivant, au moment où le pape Innocent Ier célébrait la messe dans la basilique St-Pierre de Rome, en présence de l'empereur Honorius, tout le peuple entendit une voix mystérieuse qui partait du sanctuaire :
" Cherchez l'homme de Dieu, dit la voix, il priera pour Rome, et le Seigneur lui sera propice. Du reste, il doit mourir vendredi prochain."

Durant cinq jours, tous les habitants de la ville s'épuisèrent en vaines recherches. Le vendredi suivant, dans la même basilique, la même voix se fit entendre de nouveau au peuple assemblé :
" Le Saint est dans la maison du sénateur Euphémien."
On y courut, et on trouva le pauvre pèlerin, qui venait de mourir. Quand le Pape eu fait donner lecture du parchemin que le mort tenait en sa main, ce ne fut de toutes parts, dans Rome, qu'un cri d'admiration. Innocent Ier ordonna d'exposer le corps de saint Alexis à la basilique St-Pierre, pendant sept jours. Ses funérailles eurent lieu au milieu d'un immense concours de peuple.


Funérailles de st Alexis. Vie de saints.
V. de Beauvais. J. de Vignay. XVe.

Son corps repose toujours dans l'église Saint-Boniface à Rome. La maison du sénateur Euphémien son père, sur le mont Aventin, fut transformée en église dédiée à saint Alexis. On y montre encore quelques degrés de l'escalier sous lequel notre saint passa les dernières années de sa vie.

PRIERE
 
" Homme de Dieu, c'est le nom que vous donna le ciel, Ô Alexis, celui sous lequel l'Orient vous distingue, et que Rome même a consacré par le choix de l'Epître accompagnant aujourd'hui  l'oblation du grand  Sacrifice (I Tim, VI, 11.) ; nous y voyons en effet l'Apôtre appliquer ce beau titre à son disciple Timothée, en lui recommandant les vertus que vous avez si éminemment pratiquées. Titre sublime, qui nous montre la noblesse des cieux à la portée des habitants de la terre ! Vous l'avez préféré aux plus beaux que le monde puisse offrir. Il vous les présentait avec le cortège de tous les bonheurs permis par Dieu à ceux qui se contentent de ne pas  l'offenser. Mais votre âme, plus grande que le  monde, dédaigna ses présents d'un jour. Au milieu de l'éclat des fêtes nuptiales, vous entendîtes ces harmonies qui dégoûtent de la terre, que, deux siècles plus tôt, la noble Cécile écoutait elle aussi dans un autre palais de la cité reine. Celui qui voilant sa divinité quitta les joies de la céleste Jérusalem et n'eut pas même où reposer sa tête (Matth. VIII, 20.) se révélait à votre cœur si pur (Ibid. V, 8.) ; et, en même temps que son amour, entraient en vous les sentiments qu'avait Jésus-Christ (Philip. II, 5.). Usant de la liberté qui vous restait encore d'opter entre la vie, parfaite et la consommation d'une union de ce monde, vous résolûtes de n'être plus qu'étranger et pèlerin sur la terre (Heb. XI, 13.), pour mériter de posséder dans la patrie l'éternelle Sagesse (Prov. IV, 7.).

Ô voies admirables ! Ô mystérieuse direction de cette Sagesse du Père pour tous ceux qu'a conquis son amour (Rom. XI, 33.) ! On vit la Reine des Anges applaudir à ce spectacle digne d'eux (I Cor. IV, 9.), et révéler aux hommes sous le ciel d'Orient le nom illustre que leur cachaient en vous les livrées de la sainte pauvreté. Ramené par une fuite nouvelle après dix-sept ans dans la patrie de votre naissance, vous sûtes y demeurer par la vaillance de votre foi comme dans une terre étrangère (Heb. XI. 9.). Sous cet escalier de la maison paternelle aujourd'hui l'objet d'une vénération attendrie, en butte aux avanies de vos propres esclaves, mendiant inconnu pour le père, la mère, l'épouse qui vous pleuraient toujours, vous attendîtes dix-sept autres années, sans vous trahir jamais, votre passage à la céleste et seule vraie patrie (Ibid. 16.). Aussi Dieu s'honora-t-il lui-même d'être appelé votre Dieu (Ibid.), lorsque, au moment de votre mort précieuse, une voix puissante retentit dans Rome, ordonnant à tous de chercher l'Homme de Dieu.
 

Escalier de saint Alexis. Eglise Saint-Alexis. Rome.
 
Souvenez-vous, Alexis, que la voix ajouta au sujet de cet Homme de Dieu qui était vous-même :
" Il priera pour Rome, et sera exaucé."
Priez donc pour l'illustre cité qui vous donna le jour, qui vous dut son salut sous le choc des barbares, et vous entoure maintenant de plus d'honneurs a coup sûr qu'elle n'eût fait, si vous vous étiez borné à continuer dans ses murs les traditions de vos nobles aïeux ; l'enfer se vante de l'avoir arrachée pour jamais à la puissance des successeurs de Pierre et d'Innocent : priez, et que le ciel vous exauce à nouveau contre les modernes successeurs d'Alaric. Puisse le peuple chrétien, à la lumière de vos actes sublimes, s'élever toujours plus au-dessus de la terre ; conduisez-nous sûrement par l'étroit sentier (Matth. VII, 14.) à la maison du Père qui est aux cieux."

Rq : Publiée en 1889 par Arthur Amiot, universitaire à l'Ecole pratique des hautes études, on peut consulter sur le lien suivant la légende syriaque de saint Alexis, l'homme de Dieu. Le manuscrit date du début du VIe siècle et est conservé à Londres et à Paris :
http://www.moinillon.net/public/PDF/Alexis-ss_syriaque.pdf

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samedi, 15 juillet 2023

15 juillet. Saint Henri, roi de Germanie, empereur des Romains, confesseur. 1024.

- Saint Henri II, du Saint-Empire, roi de Germanie, empereur des Romains, confesseur. 1024.
 
Papes : Benoît VIII (1024 +) ; Jean XIX. Roi de France : Robert II, le Pieux.
 
" La perfection souveraine des rois, c'est de pratiquer la justice, de faire respecter les droits de chacun, et, au lieu d'autoriser les sujets à abuser de la force, de les astreindre à observer les lois de l'équité."
Saint Grégoire le Grand. Lib. VII in Reg.
 

Sacramentaire d'Henri II. Manuscrit allemand du XIIIe.

Henri de Germanie, deuxième du nom quant à la royauté, premier quant à l'empire, fut le dernier représentant couronné de cette maison de Saxe issue d'Henri l'Oiseleur, à laquelle Dieu, au dixième siècle, confia la mission de relever l'œuvre de Charlemagne et de saint Léon III. Noble tige, où l'éclat des fleurs de sainteté qui brillent en ses rameaux l'emporte encore sur la puissance dont elle parut douée, quand elle implanta dans le sol allemand les racines des fortes institutions qui lui donnèrent consistance pour de longs siècles.

L'Esprit-Saint, qui divise comme il veut ses dons (I Cor. XII, 11.), appelait alors aux plus hautes destinées la terre où, plus que nulle part, s'était montrée l'énergie de son action divine dans la transformation des peuples. Acquise au Christ par saint Boniface et les continuateurs de son œuvre, la vaste contrée qui s'étend au delà du Rhin et du Danube était devenue le boulevard de l'Occident, sur lequel durant tant d'années elle avait versé la dévastation et la ruine. Loin de songer à soumettre à ses lois les redoutables tribus qui l'habitaient, Rome païenne, au plus haut point de sa puissance, avait eu pour suprême ambition la pensée d'élever entre elles et l'Empire un mur de séparation éternelle ; Rome chrétienne, plus véritablement souveraine du monde, plaçait dans ces régions le siège même du Saint-Empire Romain reconstitué par ses Pontifes. Au nouvel Empire de défendre les droits de la Mère commune, de protéger la chrétienté contre les barbares nouveaux, de conquérir à l'Evangile ou de briser les hordes hongroises et slaves, mongoles, tartares et ottomanes qui successivement viendront heurter ses frontières. Heureuse l'Allemagne, si toujours elle avait su comprendre sa vraie gloire, si surtout la fidélité de ses princes au vicaire de l'Homme-Dieu était restée à la hauteur de la foi de leurs peuples !

Dieu, en ce qui était de lui, avait soutenu magnifiquement les avances qu'il faisait à la Germanie. La fête présente marque le couronnement de la période d'élaboration féconde où l'Esprit-Saint, l'ayant créée comme à nouveau dans les eaux de la fontaine sacrée, voulut la conduire au plein développement de l'âge parfait qui convient aux nations. C'est dans cette période de formation véritablement créatrice que l'historien doit s'attacher principalement à étudier les peuples, s'il veut savoir ce qu'attend d'eux la Providence. Quand Dieu crée en effet, dans l'ordre de la vocation surnaturelle des hommes ou des sociétés coin nie dans celui de la nature elle-même, il dépose dès l'abord en son œuvre le principe de la vie plus ou moins supérieure qui doit être la sienne : germe précieux dont le développement, s'il n'est contrarié, doit lui faire atteindre sa fin ; dont par suite aussi la connaissance, pour qui sait l'observer avant toute déviation, manifeste clairement à l'endroit de l'œuvre en question la pensée divine.


Saint Henri II et son épouse Cunégonde de Luxembourg.
Hartmann Schedel. Chroniques de Nuremberg. XVe.

Or, maintes fois déjà nous l'avons constaté depuis l'avènement de l'Esprit sanctificateur, le principe de vie des nations chrétiennes est la sainteté de leurs origines : sainteté multiple, aussi variée que la multiforme Sagesse de Dieu dont elles doivent être l'instrument (Eph. III, 10 ; I Petr. IV, 10.), aussi distincte pour chacune d'elles que le seront leurs destinées ; sainteté le plus souvent descendant du trône, et douée par là du caractère social que trop de fois plus tard revêtiront aussi les crimes des princes, en raison même de ce titre de princes qui les fait devant Dieu représentants de leurs peuples. Déjà aussi nous l'avons vu (Le Temps après la Pentecôte, T. III, Sainte Clotilde.) : au nom de Marie, devenue dans sa divine maternité le canal de toute vie pour le monde, c'est à la femme qu'est dévolue la mission d'enfanter devant Dieu les familles des nations (Psalm. XXI, 28.) qui seront l'objet de ses prédilections les plus chères ; tandis que les princes, fondateurs apparents des empires, occupent par leurs hauts faits l'avant-scène de l'histoire, c'est elle qui, dans le douloureux secret de ses larmes et de ses prières, féconde leurs œuvres, élève leurs desseins au-dessus de la terre et leur obtient la durée.

L'Esprit ne craint point de se répéter dans cette glorification de la divine Mère; aux Clotilde, Radegonde et Bathilde, qui pour elle donnèrent en des temps laborieux les Francs à l'Eglise, répondent sous des cieux différents, et toujours à l'honneur de la bienheureuse Trinité, Mathilde, Adélaïde et Chunégonde, joignant sur leurs fronts la couronne des saints au diadème de la Germanie. Sur le chaos du dixième siècle, d'où l'Allemagne devait sortir, plane sans interruption leur douce figure, plus forte contre l'anarchie que le glaive des Othon, rassérénant dans la nuit de ces temps l'Eglise et le monde. Au commencement enfin de ce siècle onzième qui devait si longtemps encore attendre son Hildebrand, lorsque les anges du sanctuaire pleuraient partout sur des autels souillés, quel spectacle que celui de l'union virginale dans laquelle s'épanouit cette glorieuse succession qui, comme lasse de donner seulement des héros à la terre, ne veut plus fructifier qu'au ciel ! Pour la patrie allemande, un tel dénouement n'était pas abandon, mais prudence suprême ; car il engageait Dieu miséricordieusement au pays qui, du sein de l'universelle corruption, faisait monter vers lui ce parfum d'holocauste : ainsi, à l'encontre des revendications futures de sa justice, étaient par avance comme neutralisées les iniquités des maisons de Franconie el de Souabe, qui succédèrent à la maison de Saxe et n'imitèrent pas ses vertus.

Que la terre donc s'unisse au ciel pour célébrer aujourd'hui l'homme qui donna leur consécration dernière aux desseins de l'éternelle Sagesse à cette heure de l'histoire ; il résume en lui l'héroïsme et la sainteté de la race illustre dont la principale gloire est de l'avoir, tout un siècle, préparé dignement pour les hommes et pour Dieu. Il fut grand pour les hommes, qui, durant un long règne, ne surent qu'admirer le plus de la bravoure ou de l'active énergie grâce auxquelles, présent à la fois sur tous les points de son vaste empire, toujours heureux, il sut comprimer les révoltes du dedans, dompter les Slaves à sa frontière du Nord, châtier l'insolence grecque au midi de la péninsule italique ; pendant que, politique profond, il aidait la Hongrie à sortir par le christianisme de la barbarie, et tendait au delà de la Meuse à notre Robert le Pieux une main amie qui eût voulu sceller, pour le bonheur des siècles à venir, une alliance éternelle entre l'Empire et la fille aînée de la sainte Eglise.


Saint Henri II. Eglise Saint-Germain.
Saint-Germain-de-Beaupré. Limousin.

Epoux vierge de la vierge Cunégonde, Henri fut grand aussi pour Dieu qui n'eut jamais de plus fidèle lieutenant sur la terre. Dieu dans son Christ était à ses yeux l'unique Roi, l'intérêt du Christ et de l'Eglise la seule inspiration de son gouvernement, le service de l'Homme-Dieu dans ce qu'il a de plus parfait sa suprême ambition. Il comprenait que la vraie noblesse, aussi bien que le salut du monde, se cachait dans ces cloîtres où les âmes d'élite accouraient pour éviter l'universelle ignominie et conjurer tant de ruines. C'était la pensée qui, au lendemain de son couronnement impérial, l'amenait à Cluny, et lui faisait remettre à la garde de l'insigne abbaye le globe d'or, image du monde dont la défense venait de lui être confiée comme soldat du vicaire de Dieu ; c'était l'ambition qui le jetait aux genoux de l'Abbé de Saint-Vannes de Verdun, implorant la grâce d'être admis au nombre de ses moines, et faisait qu'il ne revenait qu'en gémissant et contraint par l'obéissance au fardeau de l'Empire.
 
PRIERE
 
" Par moi régnent les rois, par moi les princes exercent l’empire." (Prov. VIII, 15-16.). Cette parole descendue des cieux, vous l'avez comprise, Ô Henri ! En des temps pleins de crimes, vous avez su où étaient pour vous le conseil et la force (Ibid. 14.) .Comme Salomon vous ne vouliez que la Sagesse, et comme lui vous avez expérimenté qu'avec elle se trouvaient aussi les richesses et la gloire et la magnificence (Ibid. 18.) ; mais plus heureux que le fils de David, vous ne vous êtes point laissé détourner de la Sagesse vivante par ces dons inférieurs qui, dans sa divine pensée, étaient plus l'épreuve de votre amour que le témoignage de celui qu'elle-même vous portait. L'épreuve, Ô Henri, a été convaincante : c'est jusqu'au bout que vous avez marché dans les voies bonnes, n'excluant dans votre âme loyale aucune des conséquences de l'enseignement divin ; peu content de choisir comme tant d'autres des meilleurs les pentes plus adoucies du chemin qui mène au ciel, c'est par le milieu des sentiers de la justice (Ibid. 20.) que, suivant de plus près l'adorable Sagesse, vous avez fourni la carrière en compagnie des parfaits.

Qui donc pourrait trouver mauvais ce qu'approuve Dieu, ce que conseille le Christ, ce que l'Eglise a canonisé en vous et dans votre noble épouse ? La condition des royautés de la terre n'est pas lamentable à ce point que l'appel de l'Homme-Dieu ne puisse parvenir à leurs trônes ; l'égalité chrétienne veut que les princes ne soient pas moins libres que leurs sujets de porter leur ambition au delà de ce monde. Une fois de plus, au reste, les faits ont montré dans votre personne, que pour le monde même la science des saints est la vraie prudence (Prov. IX, 10.). En revendiquant votre droit d'aspirer aux premières places dans la maison du Père qui est aux cieux, droit fondé pour tous les enfants de ce Père souverain sur la commune noblesse qui leur vient du baptême, vous avez brillé comme un phare éclatant sous le ciel le plus sombre qui eût encore pesé sur l'Eglise, vous avez relevé les âmes que le sel de la terre, affadi, foulé aux pieds, ne préservait plus de la corruption (Matth. V, 13-16.). Ce n'était pas à vous sans doute qu'il appartenait de réformer directement le sanctuaire ; mais, premier serviteur de la Mère commune, vous saviez faire respecter intrépidement ses anciennes lois, ses décrets nouveaux toujours dignes de l'Epoux, toujours saints comme l'Esprit qui les dicte à tous les âges : en attendant la lutte formidable que l'Epouse allait engager bientôt, votre règne interrompit la prescription odieuse que déjà Satan invoquait contre elle.
 

Saint Henri II. Jean-Auguste Ingres. XIXe.

En cherchant premièrement pour vous le royaume de Dieu et sa justice (Ibid. VI, 33.), vous étiez loin également de frustrer votre patrie d'origine et le pays qui vous avait appelé à sa tête. C'est bien à vous entre tous que l'Allemagne doit l'affermissement chez elle de cet Empire qui fut sa gloire parmi les peuples, jusqu'à ce qu'il tombât dans nos temps pour ne plus se relever nulle part. Vos œuvres saintes eurent assez de poids dans la balance des divines justices pour l'emporter, lorsque depuis longtemps déjà vous aviez quitté la terre, sur les crimes d'un Henri IV et d'un Frédéric II, bien faits pour compromettre à tout jamais l'avenir de la Germanie.

Du trône que vous occupez dans les cieux, jetez un regard de commisération sur ce vaste domaine du Saint-Empire, qui vous dut de si beaux accroissements, et que l'hérésie a désagrégé pour toujours ; confondez les constructeurs nouveaux venus d'au delà de l'Oder, que l'Allemagne des beaux temps ne connut pas, et qui voudraient sans le ciment de l'antique foi relever à leur profit les grandeurs du passé ; préservez d'un affaissement plus douloureux encore que celui dont nous sommes les témoins attristés, les nobles parties de l'ancien édifice restées à grand'peine debout parmi les ruines. Revenez, Ô empereur des grands âges, combattre pour l'Eglise ; ralliez les débris de la chrétienté sur le terrain traditionnel des intérêts communs à toute nation catholique : et cette alliance, que votre haute politique avait autrefois conclue, rendra au monde la sécurité, la paix, la prospérité que ne lui donnera point l'instable équilibre avec lequel il reste à la merci de tous les coups de la force."

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