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lundi, 10 juillet 2023

10 juillet. Sainte Félicité et ses sept fils, martyrs à Rome. 150.

- Sainte Félicité et ses sept fils, martyrs à Rome. 150.

Pape : Saint Pïe Ier. Empereur romain : Antonin le Pieux.

" Admirez la bienheureuse Félicité dont nous célébrons aujourd'hui la naissance au ciel ; servante du Christ par sa foi, elle devient sa mère par sa prédication auprès de ses fils : elle ne les perd pas, mais ne fait que les envoyer avant elle au paradis."
Saint Grégoire le Grand, hom. III ; saint Augustin, serm. CX.


Vitrail de sainte Félicité et ses sept fils.
Cathédrale Saint-Samson. Dol-de-Bretagne.

Trois fois en quelques jours, à la gloire de la Trinité, le septénaire va marquer dans la sainte Liturgie le règne de l'Esprit aux sept dons. Félicité, Symphorose, la Mère des Machabées, échelonnent sur la route qui conduit au mois de l'éternelle Sagesse le triple bataillon des sept fils que leur donna le ciel. L'Eglise, que Pierre et Paul viennent de quitter par la mort, poursuit sans crainte ses destinées ; car les martyrs font de leur corps un rempart au dépôt sacré du témoignage apostolique. Vivants, ils sont la force de l'Epouse ; leur trépas ne saurait l'appauvrir : semence de chrétiens (Tertull. Apolog. 50.), leur sang versé dans les tourments multiplie l'immense famille des fils de Dieu. Mystère sublime du monde des âmes ; c'est donc au temps où la terre pleure l'extinction de ses races les plus généreuses, qu'elles font souche dans les cieux pour les siècles sans fin. Ainsi en sera-t-il toujours ; devenue plus rare avec la suite des âges, la consécration du martyre laissera en ce point sa vertu à l'holocauste de la virginité dans la voie des conseils.

La foi d’Abraham fut grande d'avoir espéré, contre toute espérance, qu'il serait le père des nations en cet Isaac qu'il reçut l'ordre un jour d'immoler au Seigneur ; la foi de Félicité aujourd'hui est-elle moindre, lorsqu'à l'immolation sept fois renouvelée des fruits de son sein, elle reconnaît le triomphe de la vie et la bénédiction suprême donnée à sa maternité ? Honneur à elle, comme à ses devancières, comme aux émules que suscitera son exemple ! Nobles sources, épanchant l'abondance de leurs eaux sur le sable aride du désert, elles recueillent le dédain des sages de ce siècle ; mais c'est par elles que la stérile gentilité se transforme à cette heure en un paradis du Seigneur, par elles encore qu'après le défrichement du premier âge le monde verra sa fertilité maintenue.

Marc Aurèle venait de monter sur le trône impérial, où dix-neuf ans de règne n'allaient montrer en lui que le médiocre écolier des rhéteurs sectaires du second siècle. En politique comme en philosophie, le trop docile élève ne sut qu'épouser les étroites et haineuses idées de ces hommes pour qui la lumineuse simplicité du christianisme était l'ennemie. Devenus par lui préfets et proconsuls, ils firent de ce règne si vanté le plus froidement persécuteur que l'Eglise ait connu. Le scepticisme du césar philosophe ne l'exemptait pas au reste de la loi qui, chez tant d'esprits forts, ne dépossède le dogme que pour mettre en sa place la superstition. Par ce côté la foule, tenue à l'écart des élucubrations de l'auteur des Pensées, retrouvait son empereur ; césar et peuple s'entendaient pour ne demander de salut, dans les malheurs publics, qu'aux rites nouveaux venus d'Orient et à l'extermination des chrétiens. L'allégation que les massacres d'alors se seraient perpétrés en dehors du prince, outre qu'elle ne l'excuserait pas, ne saurait se soutenir ; c'est un fait aujourd'hui démontré : parmi les bourreaux de tout ce que l'humanité eut jamais de plus pur, avant Domitien, avant Néron lui-même, stigmatisé plus qu'eux de la tache du sang des martyrs, doit prendre place Marc Aurèle Antonin.


Sainte Félicité et ses fils devant leur juge. Bernardino Pocetti. XVIe.

La condamnation des sept fils de sainte Félicité fut la première satisfaction donnée par le prince à la philosophie de son entourage, à la superstition populaire, et, pourquoi donc hésiter à le dire si l'on ne veut en plus faire de lui le plus lâche des hommes, à ses propres sentiments. Ce fut lui qui, personnellement, donna l'ordre au préfet Publius d'amener à l'apostasie cette noble famille dont la piété irritait les dieux ; ce fut lui encore qui, sur le compte rendu de la comparution, prononça la sentence et arrêta qu'elle serait exécutée par divers juges en divers lieux, pour notifier solennellement les intentions du nouveau règne. L'arène, en effet, s'ouvrait à la fois sur tous les points, non de Rome seule, mais de l'empire ; l'intervention directe du souverain signifiait aux magistrats hésitants la ligne de conduite qui ferait d'eux les bienvenus du pouvoir. Bientôt Félicité suivait ses fils ; saint Justin le Philosophe expérimentait la sincérité de l'amour apporté par César à la recherche de la vérité ; toutes les classes fournissaient leur appoint aux supplices que le salut de l'empire réclamait de la haute sagesse du maître du monde : jusqu'à ce que sur la fin de ce règne qui devait se clore, comme il avait commencé, comme il s'était poursuivi, dans le sang, un dernier rescrit du doux empereur amenât les hécatombes où Blandine l'esclave et Cécile la patricienne réhabilitaient par leur courage l'humanité, trop justement humiliée des flatteries données jusqu'à nos temps à ce triste prince.

Jamais encore le vent du midi n'avait à ce point fait de toutes parts couler la myrrhe et les parfums dans le jardin de l'Epoux (Cant. IV, 16 ; V, 1.) ; jamais contre un effort aussi prolongé de tousses ennemis, sous l'assaut combiné du césarisme et de la fausse science donnant la main aux hérésies du dedans, jamais pareillement l'Eglise ne s'était montrée invincible dans sa faiblesse comme une armée rangée en bataille (Ibid. VI, 3.). L'espace nous manque pour exposer une situation qui commence à être mieux étudiée de nos jours, mais reste loin d'être pleinement comprise encore. Sous le couvert de la prétendue modération antonine, la campagne de l'enfer contre le christianisme atteint son point culminant d'habileté à l'époque même qui s'ouvre par le martyre des sept Frères honorés aujourd'hui. Les attaques furibondes des césars du troisième siècle, se jetant sur l'Eglise avec un luxe d'atrocités que Marc Aurèle ne connut pas, ne seront plus qu'un retour de bête fauve qui sent lui échapper sa proie.


Sainte Félicité et ses fils devant leur juge.
Vie de saints. R. de Montbaston.

Les choses étant telles, on ne s'étonnera pas que l'Eglise ait dès l'origine honoré d'un culte spécial le septénaire de héros qui ouvrit la lutte décisive dont le résultat fut la preuve qu'elle était bien désormais invincible à tout l'enfer. Et certes, le spectacle que les saints de la terre ont pour mission de donner au monde (I Cor. IV, 9.) eut-il jamais scène plus sublime ? S'il fut combat auquel purent applaudir de concert et les anges et les hommes, n'est-ce pas celui du 10 juillet 162, où, sur quatre points à la fois des abords de la Ville éternelle, conduits par leur héroïque mère, ces sept fils de l'antique patriciat engagèrent l'assaut qui devait, dans leur sang, arracher Rome aux parvenus du césarisme et la rendre à ses immortelles destinées ?

Quatre cimetières, après le triomphe, obtinrent l'honneur d'accueillir dans leurs cryptes sacrées les dépouilles des martyrs ; tombes illustres, qui devaient en nos temps fournir à l'archéologie chrétienne l'occasion des plus belles découvertes et l'objet des plus doctes travaux. Aussi loin qu'il est possible de remonter à la lumière des plus authentiques monuments, le VI des ides de juillet apparaît, dans les fastes de l'Eglise Romaine, comme un jour célèbre entre tous, en raison de la quadruple station conviant les fidèles aux tombeaux de ceux que par excellence on nommait les Martyrs. L'âge de la paix maintint aux sept Frères une dénomination d'autant plus glorieuse, au sortir de la mer de sang où sous Dioclétien l'Eglise s'était vue plongée; des inscriptions relevées dans les cimetières mêmes qui n'avaient pas eu la faveur de garder leurs restes, désignent encore au IVe siècle le 11 juillet sous l'appellation de lendemain du jour des Martyrs.


Gravure du XVIIIe.

En cette fête de la vraie fraternité qu'exalte l'Eglise (Resp. VIII ad Matut., et Versus alleluia.), deux sœurs vaillantes partagent l'honneur rendu aux sept Frères. Un siècle avait passé sur l'empire. Les Antonins n'étaient plus. Valé-rien, qui d'abord sembla vouloir comme eux mériter pour sa modération les éloges de la postérité, venait de glisser sur la pente sanglante à son tour : frappant à la tête, il décrétait du même coup l'extermination sans jugement des chefs de l'Eglise, et l'abjuration sous les peines les plus graves de tout chrétien d'une illustre origine.

Rufine et Seconde durent aux édits nouveaux de croiser leurs palmes avec celles de Sixte et de Laurent, de Cyprien et d'Hippolyte. Elles étaient de la noble famille des Turcii Asterii que de modernes découvertes ont également remis en lumière. En s'en tenant aux prescriptions de Va-lérien, qui n'ordonnait contre les femmes chrétiennes que la confiscation et l'exil, elles eussent paru devoir échapper à la mort ; mais leur crime de fidélité au Seigneur était aggravé par le vœu de la sainte virginité qu'elles avaient embrassée : leur sang mêla sa pourpre à la blancheur du lis qui avait leur amour. La Basilique Mère et Maîtresse garde, près du baptistère de Constantin, les reliques des deux sœurs ; le second siège cardinalice des princes de la sainte Eglise est placé sous leur protection puissante, et joint à son titre de Porto celui de Santa-Rufina.


Sainte Félicité encourage ses saints fils.
Dessin. Ecole florentine du XVIe.

Sainte Félicité était une dame romaine distinguée par sa vertu et par sa naissance. Mère de sept enfants, elle les éleva dans la crainte du Seigneur. Après la mort de son mari, elle servit Dieu dans la continence et ne s'occupa plus que de bonnes oeuvres. Ses exemples, ainsi que ceux de sa famille, arrachèrent plusieurs païens à leurs superstitions, en même temps qu'ils encourageaient les chrétiens à se montrer dignes de leur vocation. Les prêtres païens, furieux de l'abandon de leurs dieux, la dénoncèrent.

Elle comparut, avec ses pieux enfants, devant le juge, qui l'exhorta à sacrifier aux idoles, mais reçut en réponse une généreuse confession de foi :
" Malheureuse femme, lui dit-il alors, comment avez-vous la barbarie d'exposer vos enfants aux tourments et à la mort ? Ayez pitié de ces tendres créatures, qui sont à la fleur de l'âge et qui peuvent aspirer aux premières charges de l'État.
– Mes enfants, reprit Félicité, vivront éternellement avec Jésus-Christ, s'ils sont fidèles ; ils doivent s'attendre à d'éternels supplices, s'ils sacrifient aux idoles. Votre pitié apparente n'est donc qu'une cruelle impiété."

Se tournant ensuite vers ses enfants :
" Regardez, leur dit-elle, regardez le Ciel, où Jésus-Christ vous attend avec Ses Saints."
Le juge, prenant les enfants séparément, essaya d'ébranler leur constance. Il commença par Janvier; mais il en reçut cette réponse :
" Ce que vous me conseillez de faire est contraire à la raison ; le Sauveur Jésus, je l'espère, me préservera d'une telle impiété."
Félix, le second, fut ensuite amené. Comme on le pressait de sacrifier, il répondit :
" Il n'y a qu'un seul Dieu, et c'est à Lui que nous devons offrir le sacrifice de nos coeurs ; employez tous les artifices, tous les raffinements de la cruauté, vous ne nous ferez pas trahir notre foi !"
Les autres frères, interrogés, répondirent avec la même fermeté. Martial, qui parla le dernier, dit :
" Tous ceux qui ne confessent pas que Jésus-Christ est le vrai Dieu seront jetés dans un feu qui ne s'éteindra jamais."

L'interrogatoire fini, les Saints souffrirent la peine du fouet et furent ramenés en prison; bientôt ils achevèrent leur sacrifice de différentes manières. Janvier fut frappé jusqu'à la mort avec des fouets garnis de plomb ; Félix et Philippe furent tués à coups de massue ; Sylvain fut jeté, la tête en bas, dans un précipice ; Alexandre, Vital et Martial eurent la tête tranchée. Félicité, mère de ces nouveaux Macchabées, subit le martyre la dernière.


Martyre de sainte Félicité et de ses saints fils.
Speculum historiale. V. de Beauvais. François. XVe.

Il y avait sur la voie Salarienne une église bâtie en l'honneur et sur la tombe de sainte Félicité. C'est dans cette église que saint Grégoire le Grand prêcha sa troisième homélie sur les évangiles le jour de la fête de la sainte martyre.

Comme sainte Félicité n'eut que des garçons, on l'invoque pour en obtenir. Rappelons que selon une antique tradition, constatée dans les faits à de multiples reprises, le septième garçon d'une fratrie chrétienne possède des dons de thaumaturge.

PRIERE

" Enfants, louez le Seigneur ; chantez celui qui, dans sa maison, donne à la stérile une couronne de fils." ( Introit. diei.).
Ainsi l'Eglise ouvre aujourd'hui ses chants. Etait-elle donc stérile, Ô Martyrs, la mère glorieuse qui vous avait donnés tous les sept à la terre ? Mais la fécondité qui s'arrête à ce monde ne compte pas devant Dieu ; ce n'est point elle qui répond à la bénédiction tombée des lèvres du Seigneur, au commencement, sur l'homme fait par lui son semblable (Gen. I, 26-28.). Saint et fils de Dieu, c'était une lignée sainte, une race divine (Act. XVII, 29.), qu'il recevait mission de propager par le Croissez et multipliez du premier jour. Ce que fut la première création, toute naissance devait l'être : l'homme était réservé à ce degré d'honneur de ne communiquer sa propre existence à d'autres hommes ses semblables, qu'en leur donnant avec elle la vie du Père qui est aux cieux ; celle-ci devait être aussi inséparable de la vie naturelle qu'un édifice l'est du fondement qui le porte, et, dans l'intention de Dieu, la nature appelait la grâce non moins que le cadre appelle l'œuvre d'art pour laquelle il est fait.

Trop tôt le péché brisa l'harmonie des lignes du plan divin ; la nature fut violemment séparée de la grâce, et ne produisit plus que des fils de colère (Eph. II, 3.). Le Dieu riche en miséricorde (Ibid. 4.) n'abandonnait point cependant les projets de son amour immense ; lui qui dès la première création nous eût voulus pour fils, nous créait comme tels à nouveau dans son Verbe fait chair (Ibid. 10.). Ombre d'elle-même, ne donnant plus directement naissance aux fils de Dieu, l'union d'Adam et d'Eve était découronnée de cette gloire près de laquelle eussent pâli les sublimes prérogatives des esprits angéliques ; mais elle restait la figure du grand mystère du Christ et de l'Eglise (Ibid. V. 32.).

La maternité s'était dédoublée. Stérile pour Dieu, confinée dans la mort qu'elle avait attirée sur sa race, l'ancienne Eve ne pouvait plus qu'en participation de la nouvelle mériter son titre de mère des vivants (Gen. III, 20.). A cette condition toutefois de s'incliner devant les droits de celle que l'Adam nouveau a choisie comme Epouse, l'honneur demeurait grand pour elle, et il lui était loisible de réparer en partie sa déchéance. Mieux que la fille de Pharaon sauvant Moïse et le confiant à Jochabed, l'Eglise allait dire à toute mère au sortir des eaux :
" Recevez cet enfant, et me le nourrissez." ( Ex. II, 9.).
Et humblement soucieuse de répondre à la confiance de l'Eglise, saintement fière de revenir aux intentions premières de Dieu pour elle-même, toute mère chrétienne allait faire sienne, en son labeur redevenu plus qu'humain, cette parole d'un amour dépassant la nature :
" Mes petits enfants, que j'enfante de nouveau, " jusqu'à ce que le Christ soit formé en vous !" ( Gal. IV, 19.).


Martyre de sainte Félicité et de ses fils. Ecole française du XVIIe.

Honte à celle qui mettrait en oubli la destinée supérieure appelant le fruit de son sein aux honneurs de la filiation divine ! Le crime serait pire que d'étouffer en lui par négligence ou calcul, dans une éducation exclusivement préoccupée des sens, l'intelligence qui distingue l'homme des animaux soumis à son empire. La vie divine n'est pas moins nécessaire à l'homme, en effet, pour atteindre sa fin, que la vie raisonnable ; n'en point tenir compte, laisser dépérir le germe divin déposé dans l'âme d'un enfant à sa nouvelle naissance au bord de la fontaine sacrée, serait pour une mère replonger dans la mort l'être fragile qui lui devait l'existence.

Elle avait autrement compris sa mission votre illustre mère, Ô Martyrs ! Et c'est pourquoi l'Eglise, qui se réserve de nous rappeler sa mémoire sainte au jour où, quatre mois après vous, elle quitta notre terre, fait néanmoins de la fête présente le principal monument de sa gloire. C'est elle que célèbrent surtout et les lectures et les chants du Sacrifice (Introit., Epist., Evang., Commun.), et les instructions de l'Office de la nuit (Lect. VI, et Homil. diei.). C'est qu'en effet servante du Christ par la foi, proclame saint Grégoire, elle est aujourd'hui devenue sa mère, selon la parole du Seigneur même, en l'engendrant sept fois dans les fils que lui avait donnés la nature. Après vous avoir rendus si pleinement tous les sept à votre Père du ciel, que sera son propre martyre, sinon la fin trop longtemps retardée du veuvage, l'heure toute de joie (Prov. XXXI, 25.) qui la réunira dans la gloire à ceux qui sont devenus doublement ses fils ?

Dès ce jour donc qui fut pour elle la journée du labeur sans être encore celle de la récompense, à cette date où la mère passa sept fois par les tortures et la mort et dut accepter par surcroît la continuation de l'exil, il convenait qu'on vît se lever les fils (Ibid. 28.) et renvoyer à qui de droit l'honneur du triomphe. Car dès maintenant, tout exilée qu'elle reste encore, la pourpre, teinte non pas deux (Ex. XXV, 4, etc.) mais sept fois, est son vêtement (Prov. XXXI, 22.) ; les plus riches des filles d'Eve (Ibid. 29.) s'avouent dépassées par cette débordante fécondité du martyre ; ce sont ses œuvres mêmes qui la louent aujourd'hui dans l'assemblée des Saints (Ibid. 31.). Puissent donc en ce jour et les fils et la mère, puissent les deux nobles sœurs associées à leur triomphe, écouter nos vœux, protéger l'Eglise, rappeler le monde aux enseignements contenus dans les exemples de leur vie !"

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10 juillet. Saint Pasquier, ou saint Pasquaire ou encore saint Pascharius, évêque de Nantes, confesseur. VIIe.

- Saint Pasquier, ou saint Pasquaire ou encore saint Pascharius, évêque de Nantes, confesseur. VIIe.
 
Pape : Saint Agathon. Roi de Francs : Dagobert II ; Clovis IV.
 
" Un Chrétien qui possède le véritable zèle ne prend pas ombrage des succès des autres : il est loin de les voir d'un oeil de jalousie, parce qu'il sait que la charité le rend participant des succès qu'ils obtiennent."
Dom Lobineau. Eloge de saint Pasquaire.
 

Statue de saint Pasquier. Eglise Saint-Pasquier de Nantes. Bretagne.

Pasquier naquit à Nantes. Ayant reçu une bonne éducation et s'étant pénétré de l'importance du Salut, il renonça au monde, qui lui offrait cependant des avantages temporels, mais au milieu duquel il est si aisé de se perdre, et se consacra au Seigneur, en embrassant l'état ecclésiastique.

Sa vertu le fit choisir pour remplir le siège de Nantes, après la mort de l'évêque Harco, qui l'occupait et qui n'est connu que de nom. Les Saints, pénétrés des maximes de l'Evangile dont l'humilité est une des principales, ont toujours fui l'élévation et les honneurs ; aussi Pasquaire réclama-t-il fortement contre son élection, et ne se soumit-il à recevoir la consécration épiscopale que lorsqu'il vit clairement que telle était la volonté de Dieu.

Connaissant toute l'importance de la charge pastorale et l'étendue des devoirs qu'elle impose, il s'acquitta de ses obligations avec l'exactitude et le zèle d'un homme animé de l'Esprit de Dieu. Il s'appliqua surtout à bien régler son clergé, à instruire son peuple et à soulager les pauvres, auxquels il distribua tout son patrimoine, qui était considérable.

Quoiqu'il s'adonnât tout entier au service du prochain et qu'il n'épargnât rien pour éclairer et amener au Salut les âmes confiées à ses soins, il sentait néanmoins qu'il n'opérait pas tout le bien qu'il aurait voulu faire.


Eglise Saint-Pasquier de Nantes. Bretagne.

Son désir était d'avoir de pieux coopérateurs qui eussent prêché autant par leurs exemples que par leurs discours, et dont la vie régulière et pénitente pût servir à tous de modèle. Parlant un jour à son troupeau de la vie monastique, son discours toucha tellement ses auditeurs qu'ils montrèrent le plus grand empressement à obtenir de ces hommes de Dieu, qui devaient les éclairer par leurs paroles et les édifier par leur sainte vie.

Voyant son peuple dans des dispositions si bienveillantes, Pasquier envoya au monastère de Fontenelle, auprès de saint Lambert qui en était abbé, des personnes de confiance pour lui demander quelques-uns de ses moines, afin de les établir dans le diocèse de Nantes. Répondant aux voeux du saint évêque, le vénérable abbé lui envoya 12 de ses frères, à la tête desquels se trouvait le célèbre saint Hermeland. Ils arrivèrent bientôt à Nantes, et leur premier soin fut d'aller dans l'église de Saint-Pierre implorer le secours du Ciel et en attirer les bénédictions sur leur entreprise.

Informé de leur présence dans le lieu saint, Pasquier, plein de joie, va les trouver, les reçoit comme des anges, et bénit Dieu de ce que, remplissant son désir le plus ardent, Il donnait à son diocèse des hommes qui loueraient sans cesse la sainte Trinité et l'aideraient à mener les âmes au Salut.

Après avoir passé quelque temps avec eux dans des entretiens de piété, il les conduisit dans l'île d'Aindre (ou Indre), placée au milieu de la Loire et distante de Nantes de deux lieues. Il les y établit.

Les autres actions du saint pasteur ne nous sont pas connues ; mais son zèle pour la sanctification de son troupeau, et sa charité envers saint Hermeland et ses compagnons, sont autant de titres qui prouvent combien est fondé le culte que lui rend depuis longtemps son Eglise. Il mourut vers le commencement du VIIIe siècle, le 10 juillet, jour auquel il est honoré dans le diocèse de Nantes. Sa fête y était célébrée autrefois du rite double. On ne voit pas que son corps ait été jamais levé de terre, et l'on ignore où se trouve son tombeau.

Rq : On lira la notice que consacre dom Lobineau à saint Pasquier. Très courte, elle précède la notice de saint Hermeland (fêté au 25 novembre), qui succéda à saint Pasquier, et sur lequel nous avons d'amples renseignements :
http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k114592x.pagination

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dimanche, 09 juillet 2023

9 juillet. Les 19 martyrs de Gorkum, à La Brille en Hollande. 1572.

- Les 19 martyrs de Gorkum, à La Brille en Hollande. 1572.

Pape : Saint Pie V ; Grégoire XIII. Roi d'Espagne : Philippe II. Chef des révolutionnaires calvinistes : Guillaume d'Orange-Nassau.

" C'est une grande vertu que celle qui, assaillie et presque écrasée par l'effort des persécuteurs, n'a pas cédé le terrain ni faillie à la loi de Dieu."
Saint Ambroise. Sub psalm. CXVIII.

Les dix-neuf martyrs de Gorkum, canonisés le 29 juin 1867 par Pie IX, appartiennent au martyrologe des Pays-Bas pendant les guerres de religion. Le récit de leur martyre a été écrit par un théologien de grand mérite, Guillaume Estius, dont l'ouvrage demeure la principale et à peu près l'unique source historique des événements qui s'accomplirent à Gorcum et à Brielle en 1572, " et cette source, écrit Mgr le Recteur de l'Université de Louvain, présente des garanties exceptionnelles d'authenticité ". Il suffit, pour s'en convaincre, de connaître le caractère de l'auteur et les conditions dans lesquelles il composa son oeuvre.

Guillaume Estius naquit à Gorcum en 1541, d'une ancienne et noble famille qui se distinguait par son attachement à la foi catholique. Il fit ses humanités au collège de Saint-Jérôme, à Utrecht, où enseignait avec éclat le célèbre Georges Macropedius. Il vint à Louvain en 1557 pour y suivre les cours de la Faculté des Arts ; il entra à la pédagogie du Faucon. En 1561, il obtint le grade de maître ès arts. Il fut plus tard chargé de l'enseignement de la philosophie dans cette même pédagogie dont il avait été l'un des plus brillants élèves. Il y remplit pendant dix ans les fonctions de professeur de philosophie.

Mais les sciences théologiques avaient particulièrement fixé l'attention d'Estius ; il avait pris les grades du baccalauréat et de la licence en théologie, et, tout en enseignant la philosophie, il se préparait lentement à tenter la difficile épreuve du doctorat. La pro-motion solennelle au grade de docteur en théologie eut lieu le 22 novembre 1580. Peu de temps après il fut appelé à l'Université de Douai, qui, récemment fondée, se glorifiait d'être la fille de l'Université de Louvain ; il y professa l'Écriture sainte et la théologie ascétique pendant un grand nombre d'années. Il mourut à Douai, en odeur de sainteté, le 20 septembre 1613. Ses admirables travaux sur les saintes Ecritures, ainsi que sur les quatre livres des Sentences de Pierre Lombard et sur la Somme théologique de saint Thomas d'Aquin, placent Estius au premier rang des maîtres de la science.

Tel est l'auteur de l'Histoire des martyrs de Gorkum, un savant de premier ordre et un saint. Disons maintenant dans quelles conditions il a composé cette histoire.

Rappelons que Guillaume Estius était le neveu de l'un des principaux [martyrs], le bienheureux Nicolas Pic, gardien du couvent de Gorcum ; la mère de notre historien était la propre soeur du martyr. Estius était lié d'amitié, non seulement avec son oncle Nicolas Pic, mais encore avec le Père Jérôme et les deux curés de Gorcum, Léonard Véchel et Nicolas Poppel ; il connaissait personnellement Godefroid Dunée, prêtre séculier de Gorkum, et plusieurs autres martyrs.


Gravure du XVIe siècle.

L'année même du martyre, en 1572, Estius rédigea une courte relation de l'événement. Mais ce travail n'était pas destiné au public. Voici comment en parle l'auteur :
" L'année même de la mort des martyrs, j'envoyai à un ami qui habitait Cologne un rapide et très court récit de leurs glorieux combats et de leurs souffrances ; il trouva bon de publier, à mon insu, cet écrit indigeste et improvisé."
Estius ajoute que cette relation n'est pas rigoureusement exacte en tout, parce qu'il n'avait pas encore pu réunir et contrôler tous les renseignements nécessaires. Nous ne voyons aucune divergence grave entre ce premier récit et le grand ouvrage publié trente ans plus tard par le savant écrivain ; les quelques inexactitudes que se reproche la conscience sévère de l'auteur ne portent que sur des points tout à fait secondaires.

Dès ce moment, Guillaume Estius songeait vraisemblablement à écrire une histoire sérieuse et complète de ces graves événements. Son frère, Rutger Estius, qui lui-même avait été associé pendant quelque temps aux martyrs dans la citadelle de Gorkum, s'était chargé de recueillir tous les documents propres à éclairer tout ce qui les concernait, et il le fit avec une sollicitude digne de la cause qu'il avait à coeur de servir.


Martyre de deux des dix-neuf saints martyrs de Gorkum.
Gravure du XVIe.

Durant les deux années qui suivirent la mort des confesseurs de la foi, il consacra presque tout son temps à fixer par écrit ses souvenirs personnels et à s'enquérir des faits auprès des témoins oculaires, alors encore fort nombreux, ou de personnes à qui ceux-ci les avaient racontés ; il annotait sur-le-champ ce qui lui était communiqué par des gens graves, contrôlant ensuite avec soin les divers témoignages, rejetant ce qui lui paraissait douteux ou le notant comme incertain. Il fit ce travail avec la conscience délicate d'un rapporteur d'une cause capitale qui redoute jusqu'à l'ombre d'une légère exactitude. Toutes ces notes furent remises à Guillaume Estius. Celui-ci nous apprend que, malgré la confiance que lui inspiraient les renseignements fournis par son frère, il crut devoir les sou-mettre à un nouvel et sévère examen ; il connaissait , lui-même beaucoup de faits par des témoins dignes de foi. L'auteur ne publia son oeuvre qu'en 1603.
L'an 1572, pendant le règne du défunt roi d'Espagne, Philippe second, et au nom de Sa Majesté le feu duc d'Albe était gouverneur ès Pays-Bas. Par toute la Hollande et Zélande, la faction des séditieux et ennemis de Dieu et du roi (qui communément étaient appelés Gueux après les premiers troubles de l'an 1566), par la grâce de Dieu, et par le ministère de la duchesse de Parme (gouvernante pour lors en ces pays pour le roi catholique) et par la prudence d'autres princes et seigneurs avait été heureusement éteinte et assoupie.

Derechef, à l'occasion de quelque tribut (dont le prétexte couvrait leur méchanceté) croissaient les Gueux peu à peu en nombre et en force, et même ils avaient déjà réduit sous leur puissance la Brile, Flessingue et l'Ecluse, villes maritimes, très commodes et propres à leurs desseins. Ils ont aussi peu de temps après, par une émotion populaire, occupé une des principales villes de Hollande, appelée Dordrecht, distante de six heures de chemin la ville de Gorkum, appelée anciennement Gorincheim, ville capitale du territoire et ressort d'Arckel, ou Herculen, qui n'est pas grande de circuit, mais peuplée, et bien assise pour le trafic, à savoir sur le bord de la Meuse, et en lieu commode pour la navigation.


La citadelle de Gorkum où nos saints Martyrs
se réfugièrent puis furent capturés.

Quand on y vint rapporter que Dordrecht était prise par les Gueux, cette nouvelle inquiéta les affectionnés catholiques, et principalement ceux qui étaient les plus engagés au ministère de l'Église, car ils n'ignoraient pas quel était l'ennemi, dont ils avaient déjà expérimenté la cruauté par plusieurs effets remarquables récemment survenus. Les Gueux, par une astucieuse et cauteleuse iniquité, mêlaient la cause de la religion avec l'intérêt d'État, arguant du poids des charges et impôts dont il prétendaient que les Espagnols les accablassent.

Il advint ainsi que la haine injustement conçue contre l'Espagnol s'est généralement tournée contre toute sorte de catholiques, et principalement contre les ecclésiastiques, les religieux et tous autres de l'état sacerdotal, comme étant principaux et les plus signalés de l'Église catholique. De là est arrivé pour la prospérité des succès des Gueux et hérétiques, que les catholiques ont été, non sans cause, extrêmement épouvantés, et en très grande crainte et perplexité, principalement ès lieux proches de ceux qui avaient été récemment ruinés. Tel était l'état des affaires au territoire de Gorcom après les tumultes et révoltes de Dordrecht.

Il y avait dans la cité de Gorkum un monastère de religieux de la règle de Saint-François militant sous l'enseigne de Jésus-Christ, qui était fort recommandable, non tant pour la splendeur du lieu et de la structure des bâtiments, ou du nombre des religieux, que pour la sincère observance de la bonne discipline maintenue et exercée entre eux. Ils n'étaient pas sans grande crainte, ayant l'ennemi si proche, car ils étaient bien avertis et informés de la cruauté et haine irréconciliable des Gueux à l'encontre de ceux de leur profession.

Deux des martyrs de Gorkum.

En ce même temps il y avait en ce monastère un gardien de sainte et innocente vie, appelé Nicolas Pic, natif de la même ville, dont la vertu et premièrement le zèle et l'ardente affection à l'accroissement de la religion, a produit et rendu plusieurs notables et singuliers effetst. Or dès le commencement des troubles, il était souvent visité par un sien neveu, fils de sa soeur, nommé Roger Estius, très dévot jeune homme et affectionné catholique. Il racontait à son oncle tous les bruits qui couraient partout des actes indignes et cruels que les Gueux nouvellement avaient perpétrés contre les catholiques ; les uns tourmentés d'horrible cruautés, d'autres chassés honteusement, même ils avaient violé les vierges consacrées à Dieu pour assouvir leur turpitude et sacrilège cupidité. Entre autres,il lui parlait d'un de Gorkum qui pour avoir commis le crime de lèse-majesté divine et humaine, était contraint de s'absenter, et vivant en pirate sur la mer, pillait et volait les catholiques. A l'aide de ses complices il avait indignement assailli son concitoyen, voisin et compagnon d'étude, nommé Cnobbaut, catholique, et pour cette cause particulièrement haï, au pays de Waterland, où il avait une ferme et métairie, et y demeurait alors. Après s'être emparé de sa maison et l'avoir entièrement pillée, il l'avait emmené sur son navire, où l'ayant cruellement battu et outragé, lui avait coupé le nez et les oreilles, et enfin l'avait fait pendre au mât. Comme il était ainsi pendu, ce pirate et ses compagnons ne cessèrent de le tirer de lard brûlant qu'ils avaient mis par petits morceaux en leurs escopettes, jusqu'à ce qu'il eût rendu la vie. S'ils font tels actes aux séculiers, disait ce jeune homme, que feront-ils aux ecclésiastiques ?

Il y avait en cette ville de Gorkum deux curés, Léonard Vechel et Nicolas Poppel, tous deux hommes excellents et doctes, d'une grande intégrité de vie, et qui, paissant salutairement leur troupeau, veillaient sur lui avec une grande diligence. Mais principalement Léonard. Car outre qu'il était plus âgé, et plus célèbre par la doctrine et l'éloquence, il avait acquis sur le peuple plus de créance et d'autorité. Ces bons curés, pendant qu'il y eut apparence de conserver la ville contre les ennemis, n'omettaient rien de ce qu'ils jugeaient leur devoir, afin d'exciter et confirmer les volonté et courage des citoyens pour la défense et conservation d'icelle. Premièrement, ils s'emploient à garder les murailles, ils exhortent et encouragent tous, grands et petits, qui avaient charge de garder et défendre les portes et remparts, et les induisent, tant qu'ils peuvent, à persévérer en une confiance virile.


Procession annuelle à Gorkum. Hollande.

De là ils vont en la place publique de la ville, où les arquebusiers citoyens jurés étaient assemblés, et par une grave, sérieuse et solide remontrance, les admonestent, exhortent, et prient très instamment, qu'en ce grand danger ils se montrent et soient affectionnés et vertueux ; qu'ils combattent vaillamment pour la garde et défense de la sainte religion ; qu'ils conservent et entretiennent le serment et la foi qu'ils ont solennellement donnés au roi et à la ville. Bien qu'il y en eût assez sur l'esprit desquels cette exhortation avait force et efficace, plusieurs néanmoins mus et empêtrés de différentes passions, ont semblé ne prêter les oreilles ni incliner leurs volontés à ce qui leur était dit; même certains recevaient ces enseignements et exhortations salutaires avec risée. Après donc que les pasteurs eurent tenté tous les moyens, et qu'ils virent la multitude disposée à recevoir en la cité les ennemis, qui promettaient toute prospérité et libre exercice de la religion, ils retournent, et se retirent en la citadelle, où déjà ils s'étaient retirés et avaient pendant quelques nuits précédentes fait leur demeure pour la sûreté de leurs personnes.

Après s'être réfugiés dans la citadelle de Gorkum, celle-ci, par traitrise, tomba entre les mains des Gueux et les ecclésiastique furent emprisonnés et pressés de toutes manières.

Or est-il qu'aucuns citoyens ennemis de l'Église avaient par faux rapports fait entendre que les catholiques avaient transporté en la citadelle grande quantité d'argent. Les Gueux, abreuvés de cette opinion, font tout ce qu'ils peuvent afin d'extorquer des prisonniers et découvrir par force où était la cachette des trésors qui avaient été serrés. Ils commencent donc par Nicolas Poppel, le plus jeune curé de la ville, contre lequel ils étaient plus irrités, parce qu'en ses prédications il avait accoutumé de crier plus âprement que les autres contre les hérétiques.


Premièrement ils demandent que l'on leur montre les trésors de l'Eglise. Mais comme la constance du personnage ne s'émeut par menace, ils se préparent à user de force. Ils le mettent devant eux et le tiennent de telle façon en arrêt, qu'il ne se peut mouvoir, ni tourner d'un côté ni d'autre. Ils lui présentent devant la bouche une escopette, chargée d'une balle et poudre à canon, bandée et amorcée de ce qu'il lui faut, comme s'ils voulaient promptement tirer contre lui. Lors donc avec un âpre et cruel reproche, ils lui commandent de dire, s'il ose, ce que plusieurs fois il avait prêché en ses sermons, l'injuriant de ces mots :
" Vois-tu là, prêtre, où est maintenant ta bouche et ta victoire, toi qui tempêtant en la chaire, as tant de fois babillé et crié que tu mourrais volontiers pour ta foi ? Or sus donc, parle clairement, et réponds si tu es prêt à faire preuve maintenant de tes héroïques paroles, et sceller ta doctrine par la mort."
A cela le saint personnage répondit librement :
" Je souffrirai volontiers la mort pour la foi catholique et la créance au corps et sang de Notre-Seigneur Jésus-Christ être vraiment contenus au Saint-Sacrement, sous les espèces de pain et de vin."
Après cette confession, n'attendant plus que de mourir incontinent, il s'écria à haute voix, de telle sorte qu'il était entendu par presque toute la citadelle, disant :
" Mon Dieu, mon Seigneur et Maître, je recommande mon esprit en vos mains."

Cependant le soldat n'osa pas lâcher l'escopette qu'il tenait contre la bouche du curé, Dieu retenant la main de ce barbare, afin de réserver iceluy pour témoin de sa vérité à un plus grand sujet de patience et à une plus grande gloire. Mais ces soldats, irrités par cette vertu et ne désespérant pas encore de découvrir les trésors de l'Eglise, essaient de trouver une autre voie pour extorquer une confession de ce qu'ils prétendaient savoir. Après avoir ôté la ceinture de corde à l'un des frères mineurs, ils enserrent avec elle le col au curé Poppel et attachent l'autre partie à la porte de la prison, alors le tirant en haut d'une grande forge et violence, et derechef le laissant abaisser, comme ils recommençaient souvent, peu s'en fallait que lui serrant trop fort la corde, ils ne lui étouffassent le passage de la vie. Ils le pressent alors instamment de déclarer où sont les trésors. Mais le voyant persévérer en sa première déclaration, et enfin qu'après beaucoup de tourments il était défailli et dénué de ses forces naturelles, et presque sans âme, ils le délient, et le poussent arrière d'eux. Il revient peu à peu à soi et reprend son esprit. Mais toutefois le noble confesseur de Jésus-Christ a toujours gardé la marque de la corde autour du col ; on la vit continuellement jusqu'à sa mort.

Par la suite, les écclésiastiques furent emmenés à La Brille où le comte de Lumey ordonna leur pendaison après des traitements immondes que l'on lira dans les deux relations indiquées en remarques ci-dessous.


Le comte de Lumey, chef calviniste rapace et
d'une cruauté renommée.
Il ordonna la pendaison des derniers martyrs de Gorkum.

CATALOGUE DES DIX-NEUF MARTYRS OCCIS TOUS ENSEMBLE A LA BRILLE

Les onzes frères Mineurs du monastère de Gorkum :

Saint Nicolas Pic, natif de Gorcom, gardien.
Saint Jérôme de Werde, vicaire.
Saint Théodore de Emden, natif d'Amorsfort.
Saint Nicaise, fils de Jean, natif de Heze.
Saint Wilhade de Dannemark.
Saint Godefroy de Meruel, sacristain.
Saint Antoine de Werde.
Saint Antoine de Hornare.
Saint François de Roy, natif de Bruxelles.
Saint Pierre d'Asque, frère lai.
Saint Cornille de Wyck, frère lai.

Les noms des huit autres qui ont été mis â mort avec les susdits :

Saint Léonard Vechel, natif de Boisleduc, pasteur de Gorcom.
Saint Nicolas Poppel, natif de Welde, l'autre pasteur de Gorcom.
Saint Godefroy Duneus, natif de Gorcom.
Saint Jean Oosterwyck, chanoine régulier de Saint-Augustin.
Saint Jean, de l'ordre des Frères prêcheurs.
Saint Adrien de Beke, de l'ordre de Prémontrés.
Saint Jacques Lacop, natif d'Audenarde, du même ordre.
Saint André Walteri, pasteur de Heinorte.

A ceux-ci est ajouté pour le vingtième, saint Guillaume de Gaude, frère mineur, martyrisé à Gertruyberghe.

Les noms d'aucuns autres desquels par occasion nous avons dit les martyres :

Saint Théodore de Gaude, chanoine régulier de l'ordre de Saint-Augustin.
Saint Jacques de Gaude, religieux du même ordre.
Saint Cornille de Sconhoue, du même ordre.
Saint Gaspard, aussi du même ordre.
Saint Jean Rixtel, de l'ordre de Saint-Jérôme.
Saint Adrien le Tisseran, natif de Gaude, pareillement de l'ordre de Saint-Jérôme.
Saint Cornille Musius, natif de Delft, théologien et poète.


Saint Cornille Musius. Eminent théologien, poête, compositeur.
Il fut horriblement massacré par les bêtes féroces calvinistes.

Rq :
- On lira très avantageusement avec piété et émotion la relation que donne Guillaume Estius des terribles épreuves que souffrirent pour la plus grande gloire de Notre Seigneur ces très grands Martyrs. Les bêtes féroces calvinistes se surpassèrent en cruauté et en bestialité : http://www.abbaye-saint-benoit.ch/martyrs/martyrs0007.htm...
- On lira la relation qu'en donnent les Petits Bollandistes (T. VIII, pp. 196 et suiv.) qui apporte de précieuses indications quant au culte et aux reliques de nos saints martyrs : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k307386
- On lira enfin le livre remarquable de monsieur l'abbé Patrick Chauvière mis en ligne par les très heureux soins de la bibliothèque Saint-Libère : http://www.liberius.net/livres/000000550.pdf

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samedi, 08 juillet 2023

8 juillet. Saint Thibaud de Marly, abbé des Vaux-de-Cernay. 1247

- Saint Thibaud de Marly, abbé des Vaux-de-Cernay (1) au diocèse de Versailles. 1247.

Pape : Innocent IV. Roi de France : Saint Louis (Louis IX).

" Jamais Saint, après saint Bernard, n'a plus aimé la sainte Vierge, et s'il est vrai que celui qui invoque Marie est assuré de son salut, ii ne faut point douter que saint Thibaud ne soit admis dans les tabernacles éternels."
Anonyme : Eloge de saint Thibaud.

Saint Thibaud de Marly recoit saint Louis et Marguerite de Provence.
Vitrail offert par la comtesse Potocka.
Eglise Saint-Eloi. Le Perray-en-Yvelines. XIX.
 

Saint Thibaud (ou Thibauld, Thibaut, Thibault ou encore Théobald)  était fils de Bouchard, seigneur de Marly, de l'ancienne maison de Montmorency, et de Mathilde ou Mahaud de Châteaufort, personnes également nobles et vertueuses. Marly fut le lieu de sa naissance et de son éducation. Il fut l'aîné de trois garçons et d'une fille, arrière-petit-fils de Mathieu, premier du nom, connétable de France sous Louis le Jeune. On lui fit apprendre très-peu les belles-lettres, mais tous les exercices propres à la noblesse de cette époque il y devint fort habile il n'y en avait point qui sût mieux monter à cheval et faire des armes, ni qui se distinguât davantage dans les jeux publics, les courses de la bague et les tournois.

Cependant il ne négligeait pas la piété, et surtout il avait une singulière dévotion envers la sainte Vierge, qu'il honorait comme sa bonne Mère et sa chère Maîtresse ce fut aussi cette dévotion qui donna lieu à son entière conversion. Car, allant un jour à un célèbre tournoi, où plusieurs seigneurs devaient lutter contre lui, comme il passait devant une église, il entendit sonner une messe il descendit de cheval, entra dans l'église et entendit la messe tout entière avec d'autant plus de dévotion, qu'on la célébrait en l'honneur de la sainte Vierge; après la messe, il piqua vers ses compagnons ; mais il fut bien surpris de les voir venir au-devant de lui, pour le complimenter de la victoire qu'il avait remportée dans les jeux. Il en témoigna d'abord quelque étonnement; mais reconnaissant aussitôt, à ce qu'ils disaient, que son bon ange avait pris sa figure et qu'il avait jouté en sa place, il ne s'en expliqua pas davantage. Se retirant alors dans l'église d'où il venait, après avoir rendu grâces à la Mère de Dieu d'une si insigne faveur, il fit vœu de quitter le monde et de renoncer à toutes les grandeurs et aux satisfactions que le siècle lui promettait.

Saint Thibaud de Marly. Image pieuse. XIX-XXe.

L'abbaye des Vaux-de-Cernay était alors très-florissante. Notre Saint s'y retira à peine eut-il pris l'habit, qu'on vit briller en lui toutes les vertus religieuses. Ses compagnons, qui ne pouvaient le suivre, admiraient sa modestie, son silence, son humilité, sa ferveur, son assiduité à l'oraison, et surtout son esprit doux et maniable, qui était comme une cire molle entre les mains de ses supérieurs. Les plus anciens bénissaient Dieu de leur avoir envoyé un jeune homme qui joignait à la noblesse de son sang et aux perfections de son corps, une âme si bien née et tant de rares qualités spirituelles. Comme il n'avait presque point étudié, on lui donna un maître, qui lui apprit, en peu de temps, ce que l'on apprend dans les écoles publiques. Sa vertu croissant toujours avec l'âge, on l'élut prieur du monastère, et, quelque temps après, l'abbé Richard, sous lequel il avait exercé cette charge avec une prudence singulière, étant décédé, il fut mis en sa place. Il résista quelque temps à cette inclination de ses confrères ; mais, ne pouvant leur faire changer de résolution, il fut obligé de se rendre à leurs instantes prières. Comme ils ne l'avaient élu qu'après une longue épreuve de sa justice et de sa charité, ils n'eurent pas sujet de se repentir de leur choix. Ils eurent en lui un supérieur sage, vigilant, miséricordieux, rempli de compassion pour les besoins de ses frères et toujours prêt à les secourir.

Saint Thibaud ne crut pas que l'abbé dût avoir d'autres droits et priviléges que d'être l'exemple de sa maison, et de surpasser autant les autres religieux dans toutes les vertus monastiques qu'il les surpassait en dignité. Son humilité était si prodigieuse, qu'il n'y avait point d'emploi dans le monastère, quelque vil qu'il fût, auquel il ne s'abaissât avec joie. Il se chargeait souvent d'allumer les lampes de l'église, du dortoir et de l'infirmerie ; il nettoyait les souliers et les habits de ses frères ; il chantait au chœur, à son tour, les répons qu'on fait ordinairement chanter aux plus jeunes clercs. Il ne faisait point de difficulté de servir d'aide aux maçons, et de porter des pierres et du mortier sur ses épaules pour avancer les bâtiments de son couvent. Enfin, il était si pauvrement vêtu, qu'il l'emportait en cela sur le dernier des frères convers. Ces pratiques d'humilité étant sues dans l'Ordre de Cîteaux, les abbés lui en firent un reproche au Chapitre général, où sa qualité l'obligea de se trouver ; mais il leur ferma aussitôt la bouche en leur disant qu'ils ne le reprendaient pas et ne trouveraient pas à redire à sa conduite, s'il était venu bien monté et qu'ils lui vissent un habit précieux et éclatant.

Abbaye des Vaux-de-Cernay (1). Cernay. Île-de-France. France.

Ce qui le rendait surtout admirable, c'était sa dévotion et sa tendresse pour la très Sainte Vierge Marie ; il pensait continuellement à elle et il avait l'adresse de rapporter à sa gloire tout ce qu'il disait et tout ce qu'il faisait. Lorsqu'on écrivait des livres pour le chœur, il voulait qu'on formât toujours son nom en lettres rouges quand il l'entendait prononcer, son amour lui faisait dire ces belles paroles : " Nom suave de la bienheureuse Vierge, Nom vénérable, Nom béni, Nom ineffable, Nom aimable dans toute l'éternité ".

S'il passait devant le grand autel, où était le Saint-Sacrement, il disait d'un cœur plein de joie « Béni soit Jésus-Christ, fils de Dieu, qui, par sa naissance temporelle, a rempli d'une gloire indicible Notre-Dame, sa très-digne et très-glorieuse Mère H. On lui dit un jour qu'il pouvait y avoir de l'excès dans cette affection pour la Vierge Marie, parce qu'il semblait qu'il partageât son cœur entre Dieu et elle, et que Jésus-Christ n'en eût pas l'entière possession. Mais il satisfit à cette plainte par une réponse aussi chrétienne que modeste :
" Sachez que je n'aime la Sainte Vierge autant que je fais, que parce qu'elle est la Mère de mon Seigneur Jésus-Christ ; que si elle ne l'était point, je ne l'aimerais pas plus que les autres saintes vierges. Ainsi, c'est Jésus-Christ même que j'aime, que j'honore et que je révère en elle."

Il ajoutait qu'il ne doutait nullement qu'elle ne fût élevée au-dessus de tous les anges et de tous les élus, et qu'elle ne méritât, par conséquent, d'être aimée par-dessus toutes choses après Dieu.

Croix de l'autel de l'abbatiale des Vaux de Cernay.

Ce grand amour lui méritait souvent la vue, l'entretien et les saintes caresses de cette auguste Reine. Il fut aussi un jour consolé par une vision de la très-adorable Trinité, et il apprit, en cette occasion, que Dieu prenait un singulier plaisir lorsqu'on chantait avec ferveur le cantique des trois enfants de la fournaise de Babylone. L'abbé de Clairvaux rendit témoignage de ce fait après la mort de Thibaud, à la cérémonie de l'élévation de son corps. Ses prières étaient si efficaces, qu'elles obtenaient de Dieu tout ce qu'il lui demandait.

Nous en avons deux exemples mémorables :

1. Un jour, un novice de son monastère, violemment tenté, voulait renoncer à la vie religieuse le maître des novices n'oublia rien pour lui faire connaître que c'était un artifice du démon mais ce fut inutilement. Le saint abbé l'alla trouver lui-même, et, dans la ferveur de son zèle, lui dit tout ce qu'un père plein de charité peut dire à son enfant pour l'empêcher de se perdre mais il ne gagna rien. Enfin, il le pria d'attendre au moins jusqu'au lendemain, pour exécuter une si funeste résolution ce qu'il n'obtint qu'avec peine. Après Complies, il se mit en oraison pour lui, et la continua durant toute la nuit, mais avec tant de succès, que le lendemain on trouva le novice si changé, si confus de sa légèreté, si résolu de persévérer dans sa vocation, qu'il protesta qu'il ne sortirait pas pour tous les trésors du monde.

2. La reine Marguerite, femme de saint Louis, n'ayant point d'enfant, en était toute désolée, et la France entière avec elle. On faisait partout des prières pour elle. Saint Thibaud, animé de l'esprit de Dieu, dit qu'on ne devait point désespérer si vite, et que Dieu prié avec persévérance viendrait au secours du royaume de France. En effet, les prières du Saint furent d'une telle efficacité que la reine eut plusieurs enfants. Cette princesse en fut si reconnaissante envers saint Thibaud, qu'après sa mort elle vint à son sépulcre, et, s'étant prosternée le visage contre terre, elle lui rendit ses devoirs comme à son singulier bienfaiteur.

Saint Louis et Marguerite de Provence visitant saint Thibaud.
Sans enfants, les époux royaux allèrent visiter notre Saint
et lui offrirent une corbeille de fleurs. Saint Thibaut la bénit
et onze lys s'épanouirent soudain, figurant les onze enfants
qu'allaient avoir le roi et la reine.
Joseph Marie Vien. Chapelle du Petit-Trianon. Versailles. XVIIIe.

Ce grand homme ne sortait qu'à regret de son abbaye, et, lorsqu'il était dehors, il était comme un poisson hors de l'eau :
" Ô mon âme, ton Bien-Aimé, celui que tu cherches et que tu désires n'est pas ici ; retournons, je te prie, à Vaux-de-Cernay, c'est là que tu le trouveras, que tu converseras avec lui et que tu auras le bonheur de le voir par la foi dans l'oraison, en attendant que tu le voies face à face et tel qu'il est en lui-même."
Il ajoutait encore, dans la crainte de se trop dissiper :
" Retourne, Sunamite (2), à ton monastère, retournes-y promptement, et là tu adoreras ton Dieu avec plus de dévotion et de sûreté."

" Plût à Dieu, dit à ce sujet un savant auteur de l'Ordre de Saint-Benoît, que ces religieux éventés, qui ne se plaisent que hors de leur cloître, fissent réflexion sur ces paroles ; ils aimeraient la solitude plus qu'ils ne font, et ne mettraient pas toute leur affection à faire des voyages inutiles et à converser avec des séculiers !"

Notre Saint ne pouvait trouver d'autre consolation que celle qui lui venait de Dieu ; il était la plupart du temps retiré dans sa cellule où, pour tout mets, on lui apportait du pain bis et de l'eau. Si, pendant ce temps-là, il lui venait des lettres du dehors, même de la part des prélats et des grands seigneurs, on les mettait sur la petite fenêtre de son oratoire, pour en avoir réponse, sans pour cela l'interrompre ni lui parler.

Saint Louis et Marguerite de Provence visitant saint Thibaud.
Joseph Marie Vien. Dessin préparatoire.
Chapelle du Petit Trianon. Versailles. XVIIIe.

Il avait un soin particulier de rapporter à Dieu tout ce qu'il voyait ou entendait. Etant à la cour de saint Louis, où un musicien récréait la compagnie, il fut élevé à une haute contemplation de la sainteté divine et des joies du paradis, de sorte que les larmes lui en coulèrent des yeux avec abondance ce qui fit dire à ce saint roi que Thibaud avait trouvé le secret de convertir la joie temporelle en une joie spirituelle, et de tirer profit des pertes d'autrui.

Enfin, la vie et la conversation de ce saint Abbé étaient si édifiantes, que son monastère, bien loin de relâcher de la rigueur de l'observance sous son gouvernement, devint un monastère encore plus régulier et plus austère qu'il n'était auparavant de sorte qu'on l'appelait communément la jon'soH de l'Ordre, et qu'il n'y avait que les plus fervents religieux qui souhaitassent d'y demeurer. Guillaume de Paris chargea aussi Thibaud du gouvernement des religieuses de Port-Royal, à deux lieues et demie de Vaux-de-Cernay. Ce ne fut pas l'unique monastère de religieuses que notre Saint fut obligé de prendre sous sa direction on lui confia celui du Trésor, dans le Yexin, entre Gisors et Mante. Il gouverna de plus une abbaye d'hommes, appelée Breuil-Benoît, fille de celle de Vaux-de-Cernay et mère de celle de la Trappe, au diocèse de Séez.

Il vécut ainsi jusqu'à l'année 1247. Dieu, pour récompenser ses travaux et couronner ses mérites, lui envoya une maladie qui fut l'instrument de sa délivrance et le chemin par lequel il arriva à une mort bienheureuse. Son corps fut d'abord enterré dans la chapelle, où la reine Marguerite, et, depuis, Philippe le Hardi, son fils, le visitèrent.

Pierre tombale de Saint Thibault de Marly :
" Hic jacet Theobaldus abbas " (Ci-gît Thibauld, abbé).
Abbatiale ruinée de l'abbaye des Vaux de Cernay. Aujourd'hui.

Quatorze ans après, il fut levé de terre et transféré dans une chapelle, où on l'a toujours honoré depuis. On trouva sa cuculle entière et si bien conservée, que l'abbé Geoffroy, un de ses successeurs, s'en servit le reste de sa vie en certains jours de cérémonie. Les miracles qui se sont faits et qui se font continuellement à son tombeau sont sans nombre.

Nous avons tiré ce récit du martyrologe monastique, commenté par Hugues Menard, et du ménologe de Citeaux, commenté par Henriquez. MM. de Sainte-Marthe, auteurs consciencieux, en parlent aussi dans le rang des abbés des Vaux-de-Cernay.

Reliques de saint Thibault de Marly. Eglise Saint-Brice.
Cernay la Ville. Île-de-France. France.

Rq : Certaines illustrations, dont la photographie inédite des saintes reliques de saint Thibaud, ornent et réhaussent cette notice. Que leur auteur,  pieux dévot de saint Thibaud, épous et père d'une grande famille, soit ici remercié et chaleureusement porté avec tous les siens dans les prières du lecteur.

1. Valles Cernaii ou Sarnaii, abbaye de l'Ordre de Cîteaux, fondée l'an 1128 par Simon, seigneur de Neaufle-le-Château (ou Neaufle-le-Chatelet), connétable du roi, et par son épouse Eva, qui y furent tous deux inhumés. Elle était située à l'extrémité du diocèse de Paris : on dit même qu'une partie de ses domaines et les bâtiments appartenaient au diocèse de Chartres. L'église était sous l'invocation de la sainte Vierge et de saint Jean-Baptiste. Vaux-de-Cernay est aujourd'hui au diocèse de Versailles.

Cette abbaye déclina à la fin du XIVe siècle. Relevée au XVIIe et XVIIIe, mise sous le régime épouvantable de la commende, elle était en décadence au moment de la révolution. " Vendue " comme " Bien national " (c'est-à-dire volée à l'Eglise et aux Catholiques, et bradée à quelque bourgeois sans scrupule), elle tomba dans les griffes Rothschild en 1873 qui en firent une résidence de plaisance (!?). En 1946, l'avionneur Félix Amiot la racheta au rejeton qui l'avait héritée et y installa ses ateliers d'ingénierie. Vendue à nouveau dans les années 80, elle abrite aujourd'hui un hôtel...

2. La Sulamite (ou Sunamite) est un personnage du Cantique des cantiques. Le premier verset du Chapitre 7 du Cantique des cantiques commence ainsi : " Reviens, reviens, la Sulamite, reviens, reviens !"
L'étymologie du nom " Shulammite " est généralement rapportée à la Shunammite du roi David. Celle-ci, prénommée Abishag, apparaît en I Rs I, 2-4. Les Shunammites sont originaires de la ville de Shunem ou Sunam (II Rs, IV, 8-37 ; Jos XIX, 18 ; I Sm, XXVIII, 4), qui se trouve aujourd'hui dans Sôlem.

8 juillet. Sainte Elizabeth, reine de Portugal, veuve. 1336.

- Sainte Elizabeth, reine de Portugal, veuve. 1336.

Pape : Benoît XII. Roi de Portugal : Alphonse IV, le Brave. Roi de France : Philippe VI.

" Sainte Elizabeth a été un ange de piété, un ange de charité, un ange de douceur ; jamais moine n'a plus constamment prié que cette sainte, jamais pénitent ne s'est plus mortifié, jamais dévot n'a entrepris de plus grandes choses pour la gloire de Dieu et le bien du prochain."
Père Ceriziers. Eloge de sainte Elizabeth de Portugal.


Sainte Elizabeth distribuant des aumônes aux pauvres.
Daniel Gran. XVIIIe.

Née en 1271, probablement à Saragosse, Isabelle (ou Elisabeth) est la dernière des six enfants de Pierre III d'Aragon (1) et de Constance, petite-fille de Frédéric II. L’enfant reçoit au baptême le nom de sa grand-tante, sainte Elisabeth de Thuringe (ou sainte Elizabeth de Hongrie), que le pape Grégoire IX avait canonisé en 1235. Lors de sa naissance, son père n'est encore qu'infant d'Espagne, constamment opposé à son père, Jacques Ier (2). La naissance d'Isabelle permet la réconciliation familiale. En effet, Pierre confie l’enfant à Jacques Ier qui, pendant cinq ans (1271-1276), veille tendrement sur sa petite-fille. Devenu cistercien, l'aïeul qui n'est nullement gâteux mais lucide, surnomme sa chère Isabelle par une appellation prémonitoire :
" Mon bel ange de la paix."
L'existence entière de l'enfant confirmera ce diagnostic.

En 1283, l'adolescente est demandée en mariage par les princes héritiers d'Angleterre et de Naples, et aussi par le roi Denis de Portugal (3) pour qui opte la chancellerie espagnole. Après avoir magnifiquement accueilli sa jeune fiancée à Bragance, résidence de la cour, le prince paraît d'abord filer le parfait amour, d’autant plus qu’Elisabeth lui donne deux enfants : Constance, le 3 janvier 1290, et Alphonse, le 8 févier 1291, prince-hériter du royaume.

Premier des rois-organisateurs, Denis promeut une parfaite mise en valeur de ses états : plantation de pins pour construire une flotte puissante, développement rationnel du commerce et de l'industrie. Prenant ses distances envers la Castille, il crée à Lisbonne, l'Estudo geral, embryon de l'université future. Sa nationalisation des ordres militaires de Calatrava et de Santiago conforte l'unité de son royaume. En 1312, il transforme et rénove les Templiers en Ordre du Christ.


Le roi Denis (Dinis) de Portugal.

Cependant, un surnom infâmant lui est attribué : Denis, le faiseur de bâtards ; juste reproche. De fait, souverain intelligent et éclairé, bon administrateur autant que brave soldat, bon, pondéré et juste, le roi Denis laisse échapper ses sens dans une sensualité débridée. Et pourtant, il chérit son épouse qu’il trompe régulièrement :
" C'est plus fort que moi, avoue-t-il à Elisabeth, pourtant, je vous aime."
La noble offensée lui rétorque :
" Certes, vous m'offensez et j'en pleure. Pourtant, c'est le divin amour que vous bafouez. Devant lui, nous sommes unis à jamais."

Autant pour se faire pardonner que par bonté, le roi Denis permet que sa femme distribue d'opulentes aumônes que les courtisans reprochent à leur reine :
" Vous en faites trop, Majesté, certains vous comparent à une bonne poire que l'on savoure à volonté."
Elle répond :
" Ami, je ne puis entendre les gémissements de tant de pauvres mères et la voix des petits-enfants. Je ne puis voir les larmes des vieillards et les misères de tant de pauvres gens sans m'employer à soulager les malheurs du pays. Les biens que Dieu m'a confiés, je n'en suis que l'intendante, pour secourir toutes détresses."
Plus encore, la reine prend soin des enfants illégitimes de son époux. On s'exclame autour d'elle :
" N'est-ce pas un comble ?"
L'interpellée fournit ses motivation, couronnées d'excuses sublimes :
" Ces bâtards du roi sont des petits innocents. Je leur procure donc bonnes nourrices et chrétienne éducation. Sans doute ai-je mal su retenir mon mari qui est pourtant si bon !"

Atteint de jalousie morbide, le Roi est irritable, furieux à l'excès par crises subites. Fâché contre lui-même, le malheureux croit devoir séquestrer la Reine au château d'Alemquer.
" Vous êtes plus mère qu'amante en me préférant votre fils."
Alors que les courtisans plaignent l'exilée, elle leur répond :
" La divine providence veillera parfaitement sur mes intérêts. Je les lui abandonne. Finalement, Dieu saura faire éclater mon innocence et enlever de l'esprit du roi, mon seigneur, les mauvaises impressions que j'ai pu lui causer."
De fait, le colérique pour cause d'incontinence, s'excuse bientôt à genoux et la comble de cadeaux :
" La ville de Torres-Vedras en Estrémadure, sur le fleuve côtier Sizandro, sera votre propriété. Que ce don témoigne de ma repentance pour les peines dont je vous ai abreuvée."

Un jour d’hiver le roi Denis en colère, avise son épouse dont il croit le tablier rempli de pièces d'argent destinées aux pauvres. Il l’arrête brusquement lui ordonne :
" Ouvrez votre tablier, Madame, et découvrez votre fardeau."
Au lieu de l'argent qu'il escomptait récupérer, le roi découvre des fleurs magnifiques, spécialement des roses épanouies, totalement hors-saison. Honteux et confus, il s'excuse mais demeure songeur :
" Je croyais bien trouver de l'argent destiné aux gueux. J'ai trouvé une brassée de belles fleurs, largement épanouies en plein hiver. Mon épouse serait-elle une sainte ?"
A cause de ce miracle des fleurs, elle sera représentée : tablier ouvert sur une jonchée de roses.

En 1315, un page, gracieux et vertueux, admire respectueusement la reine dont il est le secrétaire. Un autre page, envieux, dit au souverain :
" Majesté, ne seriez-vous pas enclin à croire que ce jeune et dévoué serviteur de votre gracieuse épouse, suscite en elle plus d'attention affectueuse que ne le permet la loi divine ?"
Le roi Denis qui s'estime trompeur trompé, en éprouve un si vif dépit qu’il projette de faire mourir son rival. Lors d'une promenade à cheval, le roi Denis qui passe près d'un four à chaux, dit au chef du chantier :
" Attention mon ami ; affaire d'état ! Demain matin, se présentera devant vous l'un des mes pages. De ma part, il vous posera la question : Avez-vous exécuté l'ordre du roi Denis ? Assurez-vous de sa personne et jetez-le dans votre four."
Le lendemain, le roi Denis avise le page dévoué à la reine :
" Tu sais où se trouve le four à chaux proche du palais. Vas-y et, sur place, interroge les responsables : " Avez-vous exécuté les ordres du roi Denis ?" Ensuite, reviens vite m'apporter leur réponse."
Le page se met en route sur le champ, mais passant devant une église où la cloche, annonce l'élévation, il entre et s'attarde dans le sanctuaire. Au palais, le souverain s'impatiente ; une voix intérieure insinue :
" Tes ordres ont-il été exécutés ? Il faudrait t'en assurer !"
Le roi appelle un serviteur qui est justement le calomniateur et lui ordonne :
" Prends un bon cheval dans nos écuries et galope jusqu'au four à chaux qui jouxte nos domaines. Là, tu interrogeras les ouvriers par le simple mot-de-passe : Avez-vous exécuté les ordres du roi Denis ?"
Dès son arrivée sur le chantier, il demande :
" Avez-vous exécuté les ordres du roi Denis ?"
Il est saisi et jeté au feu sans autre forme de procès.

Quand survient le pieux page, réconforté par sa longue halte priante, on lui répond :
" Travail accompli. Sa majesté sera satisfaite."
Le vertueux page rentre au palais. Sidéré, le roi Denis lui dit :
" Tu en as mis du temps pour exécuter cette mission de confiance. Qu'est-il arrivé ?"
Le page répond :
" Sire, veuillez me pardonner."
Le Roi ordonne :
" Mais encore : explique-toi franchement."
Et le page de répondre :
" Voilà mon excuse, Sire, veuillez l'accepter."
Le roi insiste :
" Je te somme de me dire la vérité, rien que la vérité, toute la vérité."
Le page répond :
" Mieux vaut tout vous avouer, voici l'affaire. A vos ordres, je faisais diligence lorsque, passant près d'une église où l'on célébrait la messe, j'entendis la clochette de l'élévation. J'entre et attends la fin. Ensuite, j'assiste une seconde, puis à une troisième messe. En effet, mon père mourant me fis jurer sur son lit de mort : " Beau fils, sois fidèle à la tradition des trois messes à la suite. Dieu te protègera !"
Enfin, le roi demande :
" Ensuite, bien sûr, tu es allé au four à chaux."
Et le page répond :
" Certes et rapidement. Là les ouvriers me confièrent le message qui vous rassurera : Travail accompli. Sa majesté sera satisfaite."

Honteux d'avoir pu causer la mort d'un homme par jalousie, le roi Denis s'exclame :
" Le doigt de Dieu est là."
Converti, il s'applique à réparer ses erreurs passées. Quant au page, il comprend parfaitement qu'un autre est mort à sa place, à cause de son providentiel retard. Les courtisans disent au Roi :
" Après tout, le calomniateur est puni. La divine justice y a pourvu."

En 1317, le prince-héritier Alphonse, marié à l'Infante de Castille, craignant d'être supplanté par les bâtards de son père, fomente une conspiration contre Denis et s'avance avec une armée. Elisabeth s'interpose :
" Fils bien-aimé, renoncez à cet affrontement. Je ferai tout pour préserver vos droits. De plus, quant au fond, votre père n'est-il pas juste et bon ?"
Bientôt, la réconciliation est accomplie, et Jean XXII félicite la souveraine :
" Vous êtes admirable d'avoir pu réconcilier votre époux et votre fils, tellement montés l'un contre l'autre !"

Bientôt, elle obtiendra la réconciliation de Ferdinand IV, roi de Castille avec Alphonse de Cerda, son cousin germain, qui se disputent la couronne. Elle réconciliera aussi Jacques II, roi d'Aragon, son propre frère, avec le roi de Castille, son gendre. Toujours apaisante et tutélaire, la reine de Portugal arrange les affaires et réconcilie les antagonistes. Son talent de pacificatrice est tellement connu et reconnu que le bon peuple s'y repose :
" Tant que vivra Dame Elisabeth, nous vivrons en paix."
De fait, ce charisme d'apaiseuse s'exerce jusqu'au seuil de l'éternité.

En 1324, le roi Denis tombe gravement malade et son épouse s'applique à bien le préparer à la mort :
" Somme toute, Majesté, les rois ne sont que les bergers de leur peuple. Ensemble, détestons nos péchés. Ils nous seront remis par la divine Bonté qui nous ouvrira les portes du ciel."
L'année suivante, à Santarem, sur la rive droite du Tage, meurt saintement le roi Denis.

La reine Elisabeth qui rappelle souvent le conseil de saint Paul, " que tout se fasse avec bienséance et dans l'ordre " (I, Corinth., XIV, 10.), assiste aux funérailles solennelles de son époux et accompagne le corps jusqu'au monastère cistercien d'Odiversa, sépulture royale. Pour le salut de son mari, elle fait un pèlerinage à Saint-Jacques de Compostelle où elle offre au sanctuaire la couronne d'or qu'elle avait portée le jour de son mariage. Ensuite, elle voudrait se retirer du monde au couvent de Coïmbre, dont elle était la seconde fondatrice pour finir sa vie, mais elle recule par charité réaliste et, sans trêve ni relâche, secourt les pauvres et travaille à établir ou rétablir la paix. Elisabeth prend toutefois l'habit du tiers-ordre de Saint-François, et se contente d'habiter une maison proche du monastère, vivant elle-même selon la règle du tiers-ordre. Ayant obtenu du Saint-Siège le privilège d'entrer dans le cloître, elle va souvent chez les moniales pour s'entretenir avec elles. Dans sa maison il y a toujours cinq religieuses du monastère avec lesquelles elle prie, récite l'office et vit en communauté. Elle le fait à pied, déjà âgée de soixante-quatre ans, un deuxième pèlerinage à Saint-Jacques de Compostelle, demandant l'aumône en route.

Alors qu’elle vient de fonder à Lisbonne le couvent de la Trinité, le premier sanctuaire où l'on vénère l'Immaculée Conception, et qu'elle y fait ses dévotions, on lui annonce subitement :
" Noble dame, nouveau malheur ! La guerre paraît imminente entre Alphonse IV, roi du Portugal, votre fils et Alphonse XI, souverain de Castille, votre neveu."
A cette nouvelle, la sexagénaire décide :
" Partons immédiatement pour Extremoz : il faut rétablir la concorde."
Ce qui fut dit, fut fait. Une fois encore, succès de la fine diplomate. Cette bien-avisée meurt irradiée de joie d'avoir pu éviter le conflit. Elle résume sa dernière démarche par une exclamation qui constitue son mot-de-passe pour l'éternité :
" Procedamus in pace ", " avançons en paix ".

Apprenant peu après que son fils Alphonse et son petit-fils, le roi de Castille, entraient en guerre, elle se rendit à Estremoz chez son fils. A peine arrivée, elle tomba malade. Béatrice tient affectueusement la main de sa belle-mère, lorsqu'elle sent une légère pression et entend un appel :
" Approchez donc un siège, mamie."
La princesse répond :
" Mais il n'y a personne pour l'occuper."
La Reine réplique :
" Sûrement que si, en effet, j'aperçois une belle dame radieuse, vêtue d'une robe éclatante de blancheur. Elle vient me chercher. Je la reconnais : c'est Marie, mère de tout grâce."
Ce furent ces dernières paroles, le 4 juillet 1336.


Manuel Ier de Portugal.

Le corps de la reine Elisabeth, transféré d'Estremoz à Coïmbre, est déposé au monastère des Clarisses où le peuple pieux, en foule, le vénère. En 1520, à la demande du roi Manuel Ier de Portugal (4), le pape Léon X autorise le culte, dans le diocèse de Coïmbre ; trente ans après, Paul IV l’étend à tout le royaume. En 1612 on retire du tombeau de marbre le corps entier d'Elisabeth, enseveli dans un drap de soie et placé dans un coffret de bois précieux recouvert de cuir : le visage de la sainte reine est encore régulier et souriant. Alphonse, évêque de Coïmbre, édifie une splendide chapelle. On y dépose les restes de la souveraine, dans une magnifique châsse d'argent massif. Canonisée par Urbain VIII le 25 mai 1625, Elisabeth suscite grande dévotion et se trouve exaltée par de nombreux panégyristes. La fête qui avait été transférée du 4 juillet au 8 juillet, par Innocent XII (1695) fut de nouveau fixée au 4 juillet par Paul VI.

NOTES

1. Pierre III, le Grand (né en 1239), fut roi d'Aragon (1276-1285) et roi de Sicile (1282-1285). Fils de Jacques I° d’Aragon, il acquit des droits sur les anciennes possessions des Hohenstaufen en Italie par son mariage avec Constance, fille de Manfred, roi de Sicile, et héritière des Hohenstaufen (1262). Il accueillit à la cour d'Aragon les chefs siciliens dressés contre la tyrannie angevine, tels Roger de Lauria et Jean de Procida, et fut l'instigateur des Vêpres siciliennes (30 mars 1282) qui renversèrent la domination française. Dès le 4 septembre 1282, il s'emparait du pouvoir à Palerme et prit en Sicile le nom de Pierre I°. Charles d'Anjou obtint du pape Martin IV l'excommunication de Pierre III, et organisa une croisade d'Aragon (1284-1285) qui, menée par Philippe III le Hardi, roi de France, se termina par la victoire de l'Aragonais. Pierre lII avait fait de l'Aragon la pre­miè­re puissance de la Méditerranée occidentale, et c'est avec lui que commença l'intrusion de l'Espagne dans les affaires ita­lien­nes. En Aragon, il se trouva aux prises avec l'opposition de la no­blesse et des villes, qui obtinrent de lui le Grand Privilège (1283). Il mourut à Villafranca del Panadès (Catalogne) le 10 novembre 1285.

2. Jacques Ier le Conquérant (né à Montpellier, en 1208), fils et suc­cesseur de Pierre II, fut roi d'Aragon de 1213 à 1276. Il conquit sur les Maures les royaumes de Valence (1238) et de Murcie (1266) ; il conquit et annexa les îles Baléares (1229-1335). Au trai­té de Corbeil (1258), saint Louis renonça aux comtés de Bar­ce­lone et de Roussillon, tandis que Jacques I° re­nonçait à toute prétention au-delà des Pyrénées, excepté Montpellier. Un de ses fils, Pierre III, régna sur l'Aragon, un autre Jacques I°, régna sur Majorque. Jacques I° qui écrit la chronique de son règne, mourut à Valence le 27 juillet 1276.

3. Denis Ier est le fils et le successeur du roi Alphonse III de Portugal qui mourut à Libonne le 16 novembre 1279.

4. Manuel Ier le Grand ou le Fortuné, né en 1469, était le fils du duc Ferdinand de Viseu qui appartenait à une branche cadette de la maison de Portugal. En 1495, le roi Jean II étant mort sans enfant légitime, Manuel lui succéda sur le trône du Portugal. Il soutint activement les grandes explorations maritimes : sous son règne que Vasco de Gama doubla le cap de Bonne-Espérance et que Cabral aborda au Brésil (1500). Il fit de sa cour un grand centre d'activité littéraire et scientifique réforma les lois, bannit les Juifs et les Maures qui s'étaient réfugiés au Portugal après la prise de Grenade. On appela " manuélin " le style qui in­troduisit de la Renais­sance dans l'architecture portugaise (château de Cintra, église du Christ à Setubal, cloître de Belem). Par sa politique de mariages Manuel espérait assurer à ses héritiers la couronne d’Espagne. Il mourut à Lisbonne le 13 décembre 1521.

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vendredi, 07 juillet 2023

7 juillet. Saint Cyrille et saint Méthode, frères, évêques et confesseurs, apôtres des Slaves. IXe siècle.

- Saint Cyrille et saint Méthode, frères, évêques et confesseurs, apôtres des Slaves. IXe siècle.

Pape : Jean VIII. Empereur byzantin : Basile Ier, le Macédonien. Rois des Francs : Louis III ; Carloman II.

" Pour enseigner les autres et les sanctifier, il faut être patient."
Saint Grégoire.


Saint Cyrille et saint Méthode et l'alphabet slave.

Il convenait que l'Octave des Princes des Apôtres ne s'éloignât point, sans qu'apparussent au Cycle sacré quelques-uns des satellites glorieux qui empruntent d'eux leur lumière à travers les siècles. Deux astres jumeaux se lèvent au ciel de la sainte Eglise, illuminant des feux de leur apostolat d'immenses contrées. Partis de Byzance, on croirait tout d'abord que leur évolution va s'accomplir indépendante des lois que l'ancienne Rome a puissance de dicter aux mouvements des cieux, dont il est dit qu'ils racontent la gloire de Dieu et les œuvres de ses mains (Psalm. XVIII, 2.). Mais saint Clément Ier, dont les reliques sont tirées par eux d'une obscurité de huit siècles, incline leur marche vers la cité maîtresse ; et bientôt on les voit graviter avec un éclat incomparable dans l'orbite de Pierre, manifestant une fois de plus au monde que toute vraie lumière, dans l'ordre du salut, rayonne uniquement du Vicaire de l'Homme-Dieu. Alors aussi, une fois de plus, se réalise magnifiquement la parole du Psaume, que tout idiome et toute langue entendra la voix des messagers de la lumière (Ibid. 4.).

Au subit et splendide épanouissement de la Bonne Nouvelle qui marqua le premier siècle de notre ère, avait succédé le labeur du second apostolat, chargé par l'Esprit-Saint d'amener au Fils de Dieu les races nouvelles appelées par la divine Sagesse à remplacer l'ancien monde. Déjà, sous l'influence mystérieuse de la Ville éternelle s'assimilant par un triomphe nouveau ceux qui l'avaient vaincue, une autre race latine s'était formée des barbares mêmes dont l'invasion, comme un déluge, semblait avoir pour jamais submergé l'Empire. L'accession des Francs au baptême, la conversion des Goths ariens et de leurs nombreux frères d'armes achevaient à peine cette transformation merveilleuse, que les Anglo-Saxons, puis les Germains, suivis bientôt des Scandinaves, venaient, sous la conduite des moines Augustin, Boniface et Anschaire, frapper eux-mêmes aux portes de l'Eglise. A la voix créatrice des apôtres nouveaux, l'Europe apparaissait, sortant des eaux de la fontaine sacrée.

Cependant, le mouvement continu de la grande émigration des peuples avait amené sur les rives du Danube une famille dont le nom commençait, au IXe siècle, à fixer l'attention du monde. Entre l'Orient et l'Occident, les Slaves, mettant à profit la faiblesse des descendants de Charlemagne et les révolutions de la cour de Byzance, tendaient à ériger leurs tribus en principautés indépendantes de l'un et l'autre empire. C'était l'heure que la Providence avait choisie, pour conquérir au christianisme et à la civilisation une race jusque-là sans histoire. L'Esprit de la Pentecôte se reposait sur les deux saints frères que nous fêtons en ce jour. Préparés par la vie monastique à tous les dévouements, à toutes les souffrances, ils apportaient à ces peuples qui cherchaient à sortir de leur obscurité passée, les premiers éléments des lettres et la connaissance des nobles destinées auxquelles le Dieu Sauveur conviait les hommes et les nations. Ainsi la race Slave devenait digne de compléter la grande famille européenne, et Dieu, dans cette Europe objet des éternelles prédilections, lui concédait l'espace plus largement qu'il ne l'avait fait pour ses devancières.

Heureuse, si toujours elle s'était tenue attachée à cette Rome qui, dans les rivalités dont ses origines eurent à subir l'assaut, l'avait si grandement aidée ! Rien, en effet, ne seconda plusses aspirations à l'indépendance que la faveur d'une langue spéciale dans les rites sacrés, obtenue pour elle du Siège de Pierre par ses deux apôtres. Les réclamations de ceux qui prétendaient la garder sous leurs lois montrèrent assez, dès lors, la portée politique d'une concession aussi insolite qu'elle était décisive pour consacrer dans ces régions l'existence d'un peuple nouveau, distinct à la fois des Germains et des Grecs. L'avenir le devait mieux prouver encore. Si aujourd'hui, des Balkans à Toural, des rivages grecs aux bords glacés de l'Océan du Nord, la race Slave s'étend, toujours forte, irréductible aux invasions, maintenant, au sein des empires qui ont pu la terrasser un jour, ce dualisme que le peuple vainqueur doit se résigner à porter en ses flancs comme une menace toujours vivante à travers les siècles : un tel phénomène, qui ne se retrouve point ailleurs en pareille mesure, est le produit de la démarcation puissante opérée il y a mille ans, entre cette race et le reste du monde, par l'introduction dans la Liturgie de sa langue nationale.

Saint Cyrille. Eglise Saint-Cyrille. Kiev. Ukraine. XIXe.

Devenu sacré par cet usage, le Slavon primitif ne connut point les variations inhérentes aux idiomes des autres nations ; tout en donnant naissance aux dialectes variés de divers peuples issus de la souche commune, il resta le même, suivant les moindres tribus slaves dans les péripéties de leur histoire et continuant, pour le plus grand nombre, de les grouper à part de toutes autres au pied des autels. Belle unité, gloire de l'Eglise, si le désir, si l'espérance des deux Saints qui l'avaient établie sur le roc immuable, avaient pu l'y maintenir! Arme terrible au service de la tyrannie, si jamais Satan la faisait tomber parle schisme entre les mains de quelqu'un des suppôts de l'enfer.

Cyrille et Méthode étaient frères germains ; ils naquirent à Thessalonique de très nobles parents. De bonne heure ils se rendirent à Constantinoplc, pour se former aux arts libéraux dans cette capitale de l'Orient. Leurs progrès furent en peu de temps considérables.
Cyrille surtout acquit une telle réputation de science, que pour le distinguer par honneur on l'appelait le philosophe. Méthodius avait embrassé la vie monastique. Pour Cyrille, à l'inspiration du Patriarche Ignace, il fut jugé digne par l'impératrice Théodora d'aller instruire dans la foi chrétienne les Khazares habitant au delà de la Chersonèse ; ses enseignements les amenèrent par l'aide de Dieu à Jésus-Christ et mirent fin à leurs nombreuses superstitions.

Ayant organisé au mieux la nouvelle communauté chrétienne, il revint plein de joie à Constantinople, et rejoignit lui-même Methode au monastère de Polychrone. Cependant la renommée des succès obtenus au delà de la Chersonèse étant parvenue à Ratislas prince de Moravie, porta ce dernier à revenir jusqu'à trois fois à la charge près de l'empereur Michel pour obtenir de Constantinople quelques ouvriers évangéliques. Cyrille et Methode étant donc désignés pour cette expédition, furent reçus en Moravie avec grande allégresse ; ils mirent tant de force, tant de soins et d'habileté à infuser dans les esprits la doctrine chrétienne, qu'il ne fallut pas longtemps pour que cette nation donnât de grand cœur son nom à Jésus-Christ.

Ce dénouement ne fut pas peu favorisé par la connaissance de la langue slavonne que Cyrille avait acquise auparavant ; ne fut point non plus de peu de poids la traduction qu'il fit, dans l'idiome propre à ces peuples, de l'Ecriture sainte des deux Testaments. Cyrille et Methode, en effet, furent les premiers à donner l'alphabet dont se servent les Slaves, et pour cette cause, non sans raison, ils sont regardés comme les pères de cette langue.

Le bruit public porta jusqu'à Rome la gloire de si grandes actions, et le Pape saint Nicolas Ier envoya l'ordre de s'y rendre aux illustres frères. Ils se mettent en route, apportant avec eux les reliques du Pape saint Clément Ier, que Cyrille avait découvertes à Cherson. A cette nouvelle, Adrien II, qui avait succédé à Nicolas, se porte en grand honneur à leur rencontre, accompagné des clercs et du peuple. Cyrille et Methodius rendent ensuite compte au Souverain Pontife entouré du clergé romain, des saints labeurs de leur charge apostolique.

L'alphabet slave de saints Cyrille et Méthode. Original, Bulgarie.

Comme des envieux basaient contre eux une accusation, sur ce fait qu'ils s'étaient permis d'user de la langue slavonne dans l'accomplissement des rites sacrés, ils appuyèrent leur cause de raisons si claires et si sûres, qu'ils reçurent du Pontife et de l'assistance approbation et louange. Tous deux s'étant alors engagés sous serment à persévérer dans la foi du bienheureux Pierre et des Pontifes Romains, furent consacrés évêques par Adrien.

Mais il était arrêté dans les décrets divins que Cyrille, plus mûr par la vertu que par l'âge, terminerait à Rome le cours de sa vie. Le corps du défunt fut l'objet de solennelles funérailles, et placé dans le tombeau même qu'Adrien s'était fait préparer ; on le conduisit ensuite à l'église de saint Clément, pour y reposer près des cendres du saint Pape.

Ces marches par la Ville au milieu du chant festif des psaumes, cette pompe moins funèbre que triomphale, sembla de la part du peuple romain comme l'inauguration des honneurs célestes pour un si saint personnage. Methode retourna en Moravie ; il mit toute son âme à s'y montrer le modèle du troupeau, se dépensant toujours plus ardemment au service des intérêts catholiques. On le vit même, indépendamment des Moraves, confirmer dans la foi du nom chrétien Pannoniens, Bulgares, Dalmates, et s'employer grandement à amener les Carinthiens au culte du seul Dieu véritable.

Cependant Jean VIII avait succédé à Adrien. L'apôtre, accusé de nouveau comme suspect dans la foi et violateur des règles des anciens, fut mandé à Rome. En présence de Jean, de plusieurs évêques et du clergé de la Ville, il vengea sans peine la pureté de la croyance qu'il avait gardée pour lui fidèlement et enseignée aux autres avec zèle ; pour l'usage du Slavon dans la sainte Liturgie, il montra qu'il avait agi légitimement, avec la permission du Pape Adrien et pour de bons motifs qui n'allaient point contre les saintes Lettres.
C'est pourquoi, quant au présent, le Pontife, embrassant la cause de Methode, donna ordre qu'on reconnût son pouvoir archiépiscopal et la légitimité de son expédition chez les Slaves, publiant même des lettres à cet effet.

De retour donc en Moravie, Methode continua de remplir avec un soin toujours plus vigilant la charge qui lui était assignée, et souffrit même pour elle l'exil de bon cœur. Il amena à la foi le prince des Bohémiens et son épouse, et répandit au loin dans cette nation le nom chrétien. Il porta la lumière de l'Evangile en Pologne, et, au rapport de quelques historiens, avant établi à Léopol un siège épiscopal, il pénétra dans la Moscovie proprement dite où il fonda le trône pontifical de Kiew.

Enfin, revenu en Moravie chez les siens, et sentant que le terme de ses pérégrinations ici-bas était proche, il se désigna lui-même un successeur, encouragea par de suprêmes recommandations le clergé et le peuple à la vertu, et termina en grande paix cette vie qui avait été pour lui le chemin du ciel. Ainsi que Rome avait fait pour Cyrille, la Moravie entoura Méthode mourant des plus grands honneurs. Leur fête était solennisée depuis longtemps déjà chez les peuples Slaves, lorsque le Souverain Pontife Léon XIII ordonna qu'elle fût célébrée tous les ans dans l'Eglise universelle, avec un Office et une Messe propres.


Géographie des langues Slaves.

HYMNES

En inscrivant la solennité des saints Cyrille et Méthodius au calendrier universel, le Souverain Pontife Léon XIII a voulu donner lui-même leur expression aux hommages et prières de l'Eglise, dans les deux Hymnes de la fête :

" Chantez, fidèles, les deux athlètes reçus dans les brillantes demeures des cieux ; chantez du peuple Slave la double force et la gloire.

Un même amour a réuni ces frères, une même piété les arrache au désert : ils brûlent de porter à plusieurs les gages de la vie bienheureuse.

Par eux la lumière qui brille dans les temples d'en haut, remplit Bulgares, Moraves et Bohémiens, farouches multitudes, que bientôt ils amènent à Pierre en bataillons pressés.

Ceignant la couronne méritée, oh ! continuez pourtant d'être propices aux prières et aux larmes : il est besoin que vous gardiez aux Slaves vos présents d'autrefois.

Que la généreuse terre qui crie vers vous, conserve la pureté de la foi éternelle ; comme elle fit au commencement, Rome elle-même toujours lui donnera le salut.

Auteur de la race humaine et son Rédempteur, dont la bonté nous vaut tous les biens, à vous action de grâces, à vous soit gloire dans tous les siècles.

Amen."

" Belle lumière de la patrie, lumière aimée des peuples Slaves, Ô frères, à vous nos vœux, à vous chaque année nos cantiques.

Rome applaudit à votre venue ; mère, elle embrasse ses fils ; elle les décore du diadème des Pontifes, les revêt d'une force nouvelle.

Jusqu'au plus loin des terres barbares vous allez porter Jésus-Christ ; vous nourrissez de sa lumière bienfaisante ceux dont se jouait une vaine erreur.

Les cœurs sont délivrés des vices, une ardeur d'en haut s'en empare ; l'horreur des ronces fait place aux fleurs de la sainteté.

Et maintenant membres de l'heureuse cour des habitants des deux, écoutez nos vœux suppliants : sauvez pour Dieu les peuples Slaves.

Que l'unique bercail du Christ rassemble ceux qu'entraînait l'erreur ; qu'émule des gestes des aïeux, leur foi reverdisse plus belle.

Trinité bienheureuse, faites sentir à nos âmes l'aiguillon du céleste amour ; qu'on voie les fils suivre les traces illustres de leurs pères.

Amen."


Saint Cyrille. Fresque. Berenda. Bulgarie. XIIIe.

PRIERE

" A cet auguste hommage nous joignons nos vœux, Ô saints frères. Avec le Pontife suprême, nous osons chanter vos louanges, et vous recommander l'immense portion de l'héritage du Christ où vos sueurs firent germer, à la place des ronces, les fleurs de la sainteté. Préparés dans la solitude à toute œuvre bonne et utile au Seigneur (II Tim. II, 21.), vous ne craignîtes point d'aborder les premiers ces régions inconnues, l'effroi du vieux monde, ces terres de l'aquilon où les Prophètes avaient signalé le trône de Satan (Isai. XIV, 13.), la source intarissable des maux ravageant l'univers (Jerem. I, 14; XLVII, 2 ; etc.). L'appel de l'Esprit-Saint vous faisait apôtres, et les Apôtres ayant reçu ordre d'enseigner toutes les nations (Matth. XXVIII, 19.) vous alliez, dans la simplicité de votre obéissance, à celles qui n'étaient pas encore évangélisées. Cette obéissance, Rome, c'était son devoir, voulut l'éprouver, et reconnut qu'elle était sans alliage. Satan aussi le reconnut, à sa défaite ; car l'Ecriture avait dit :
" L'homme obéissant racontera ses victoires." (Prov. XXI, 28.).

Autre puissance qui fut la vôtre, et que nous révèle encore l'Ecriture, disant :
" Le frère aidé par le frère est comme une ville forte, et leurs conseils sont comme les barres des portes des villes." (Ibid. XVIII, 19.).
Chassé par plus fort que lui, le fort armé vit donc avec rage passer au Christ le domaine qu'il croyait posséder la paix (Luc. XI, 21-22.), et ses dernières dépouilles, les peuples de l'aquilon, devenir comme ceux du midi l'ornement de l'Epouse (Isai. XLIX, 12, 18.). Louez le Seigneur, toutes les nations ; louez-le, tous les peuples (Psalm. CXVI, 1.) : toute langue confesse le Seigneur Jésus-Christ (Philipp. II, 11.) ! Comme monument de la victoire, le septénaire des langues sacrées se complète en ce jour (Latine, Grecque, Syriaque, Copte, Ethiopienne, Arménienne et Slavonne.). Mais, Ô Méthode, Ô Cyrille, au milieu même des Hymnes saintes que vous dédiait le Pontife souverain, un cri d'alarme a retenti :
" Gardez à Dieu les peuples Slaves ! Il est urgent à vous de protéger vos dons."

Levez vos yeux, pourrions-nous en effet dire avec le prophète ; considérez, vous qui venez de l'aquilon : où est le troupeau qui vous fut donné, ce troupeau magnifique ? Quoi donc ! est-ce contre vous que vous l'avez instruit ? L'avez-vous armé pour votre perte (Jerem. XIII, 20-21.) ? Profondeurs de Satan (Apoc. II, 24.) ! Le prince de l'aquilon a trop su réparer sa défaite ; et vos bienfaits, et la condescendance de Pierre, sont devenus par ses soins une arme de mort pour ces peuples auxquels vous aviez donné la vie. Détournée de sa voie, l'unité sainte que vous aviez fondée s'est traduite de nos jours, en caractères de sang, dans la formule d'un hideux panslavisme. Entre Byzance déjà de vos temps travaillée par le schisme, et l'Occident latin que l'hérésie devait lui-même plus tard affaiblir et démembrer, elle pouvait être, à son heure, un appui pour l'Eglise, un espoir de salut pour le monde. Perspectives séduisantes, que votre cœur sans doute avait rêvées, et qui, hélas ! Ont abouti à ces atroces persécutions, scandale de nos temps, opprobre de la terre.

Réconfortez les exilés, soutenez les martyrs, gardez les restes d'un peuple de héros ; écartez de quelques autres la fatale illusion qui les solliciterait à courir d'eux-mêmes au-devant de la tyrannie ; pour tous que luise enfin le jour des justices du Seigneur, mais bien plutôt s'il se peut, tout est possible à Dieu, celui de sa miséricorde, assez puissante pour changer les bourreaux sans frustrer leurs victimes. Serait-il donc arrêté que le poids des crimes d'un grand empire a trop fait pencher la balance du côté de la condamnation, pour que ses chefs ouvrent maintenant les yeux, et comprennent quel rôle pourrait être le leur en l'état présent du monde, si Pierre, qui leur tend les bras, voyait revenir à lui l'immense troupeau que paralyse le schisme ? Apôtres des Slaves, et en même temps citoyens de cette Rome où reposent près de celles de Clément vos reliques saintes, aidez les efforts du Pontife suprême cherchant à replacer sur la base où vous l'aviez établi l'édifice qui fut votre gloire."

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jeudi, 06 juillet 2023

6 juillet. Saint Goar, prêtre et ermite au diocèse de Trèves. 575.

- Saint Goar, prêtre et ermite au diocèse de Trèves. 575.
 
Pape : Benoît Ier. Rois d'Austrasie : Sigebert Ier ; Childebert II.
 
" Saint Goar enfant nous prêche l'innocence et la fuite du monde ; Goar calomnié nous est un beau modèle de résignation et de générosité envers les ennemis ; Goar refusant l'évêché de Trèves fait pour notre instruction le panégyrique de l'humilité et du détachement des grandeurs terrestres."
M. l'abbé Martin. Serm. sur saint Goar.
 
Verrières de l'église Saint-Goar. Saint Goar.
Diocèse de Trèves. XVIIe.
 
Goar naquit peu après la mort du roi Clovis. Ses parents, Georges et Valérie, étaient de nobles seigneurs de l'Aquitaine, au foyer desquels il puisa, pendant ses premières années, l'amour de la vertu. Tout petit encore, il avait une charité extraordinaire pour les pauvres ; son zèle pour la gloire de Dieu lui faisait prêcher déjà la pénitence aux pécheurs et la sainteté aux justes, et la parole de cet enfant, jointe à ses actions merveilleuses, produisait de grands fruits autour de lui.
 
Village de Saint-Goar sur les bords du Rhin.
Saint Goar y établit son hermitage. Rhénanie-Palatinat.
 
Le sacerdoce, quand il eut l'âge de le recevoir, fut un nouvel aiguillon à son ardeur apostolique. Avec l'autorité que lui donnait sa haute vertu, il combattit, dans ses prédications, tous les vices, le luxe, la discorde, la vengeance, l'homicide et les diverses passions grossières d'une époque encore barbare. Cependant l'apôtre avait, avant tout, des goûts de moine ; aussi quitta-t-il bientôt ses parents et sa patrie pour chercher Dieu dans la solitude. Mais Dieu, qui ne voulait pas que tant de vertus demeurassent stériles, souffla au coeur du solitaire un nouveau feu de zèle, et Goar, riche de ses progrès nouveaux et des lumières surnaturelles qu'il avait recueillies dans sa retraite, parcourut toutes les campagnes voisines, encore païennes, y prêcha l'Évangile et vit avec joie de nombreux convertis recevoir le baptême.
 
Miniature d'un manuscrit allemand du XIe.
 
Peu de Saints furent plus hospitaliers que lui, et c'est par ses bons procédés, ses aumônes, ses réceptions cordiales et généreuses, qu'il sut rendre populaire la doctrine qu'il pratiquait si bien. Accusé devant son évêque de divers crimes imaginaires inventés par le démon de la jalousie, il parut humblement au palais épiscopal et déposa son manteau, par respect, en présence du prélat ; mais, en croyant le suspendre à une tige de métal, il le suspendit à un rayon de soleil. L'évêque ne fut point touché de ce prodige; cependant il dut bientôt reconnaître l'innocence du Saint, manifestée, à sa confusion, par un nouveau miracle.

Le roi Sigebert voulut bientôt le faire évêque ; mais Goar obtint un délai de vingt jours, pendant lequel il pria Dieu avec tant de larmes, qu'il obtint une grave maladie qui se prolongea pendant sept ans et mit le roi dans l'impossibilité de réaliser ses desseins. Goar offrit à Dieu ses longues et horribles souffrances pour l'extension et le triomphe de l'Église.
 
L'église Saint-Castor, à Coblence, possède encore
quelques reliques de ce grand saint.

RELIQUES

Le corps de saint Goar fyt enterré dans la petite église que notre saint avait bâtie dans son ermitage. Pépin le Bref, père de saint Charlemagne agrandit avec faste cette église afin d'honorer notre saint confesseur. Le même Pépin, fondateur de l'abbaye de Pruym, établit que l'abbé de ce monastère serait le supérieur perpétuel de Saint-Goar.

La collégiale et la ville de Saint-Goar s'éleva depuis l'endroit ou se trouvait la cellule de notre saint. Malheureusement, au temps de la prétendue réforme, lorsque le pays tomba aux mains du landgrave de Hesse, elle fut en partie ruinée par les bêtes féroces protestantes qui, de plus, dispersèrent les reliques de saint Goar.
 
 
Rq : On lira avec fruit la notice que consacrent les Petits bollandistes à saint Goar, ce grand saint injustement méconnu : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k307386

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