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dimanche, 25 novembre 2007

25 novembre 2007. XXVIe et dernier dimanche après la Pentecôte.

- XXVIe et dernier dimanche après la Pentecôte.

Extraits de l'Année liturgique de dom Prosper Guéranger.


Résurrection de la fille de Jaïre. Véronèse. XVIIe.

A LA MESSE

L'Antiphonaire se termine aujourd'hui ; l'Introït, le Graduel, l'Offertoire et la Communion ci-après, devront être repris en chacun des Dimanches qui peuvent se succéder encore plus ou moins nombreux, suivant les années, jusqu'à l'Avent. On se rappelle qu'au temps de saint Grégoire, l'Avent étant plus long que de nos jours (Avent, Historique.), ses semaines avançaient dans la partie du Cycle occupée maintenant par les derniers Dimanches après la Pentecôte. C'est une des raisons qui expliquent la pénurie de composition des Messes dominicales après la vingt-troisième.

En celle-ci même autrefois, l'Eglise, sans perdre de vue le dénouement final de l'histoire du monde, tournait déjà sa pensée vers l'approche du temps consacré à préparer pour ses enfants la grande fête de Noël. On lisait pour Epître le passage suivant de Jérémie, qui servit plus tard, en divers lieux, à la Messe du premier Dimanche de l'Avent :
" Voici que le jour arrive, dit le Seigneur, et je susciterai à David une race juste. Un roi régnera, qui sera sage et qui accomplira la justice et le jugement sur la terre. En ces jours-là Juda sera sauvé, et Israël habitera dans la paix ; et voici le nom qu'ils donneront à ce roi : Le Seigneur notre juste ! C'est pourquoi le temps " vient, dit le Seigneur, où l'on ne dira plus :
" Vive le Seigneur qui a tiré les enfants d'Israël de la terre d'Egypte ! mais : Vive le Seigneur qui a tiré et ramené la postérité de la maison d'Israël de la terre d'aquilon et de tous les pays » dans lesquels je les avais dispersés et chassés ! Et ils habiteront dans leur terre
(Jerem. XXIII, 5-8.)."


Le saint prophète Jérémie (détail). Rembrandt. XVIIe.

Comme on le voit, ce passage s'applique également très bien à la conversion des Juifs et à la restauration d'Israël annoncée pour les derniers temps. C'est le point de vue auquel se sont placés les plus illustres liturgistes du moyen âge, pour expliquer toute la Messe du vingt-troisième Dimanche après la Pentecôte. Mais pour bien les comprendre, il faut observer aussi que, primitivement, l'Evangile du vingt-troisième Dimanche était l'Evangile de la multiplication des cinq pains. Cédons la parole au pieux et profond Abbé Rupert qui, mieux que personne, nous apprendra le mystère de ce jour où prennent fin les accents, si variés jusqu'ici, des mélodies grégoriennes.

" La sainte Eglise, dit-il, met tant de zèle à s'acquitter des supplications, des prières et des actions de grâces pour tous les hommes demandées par l'Apôtre (I Tim. II, 1.), qu'on la voit rendre grâces aussi pour le salut à venir des fils d'Israël, qu'elle sait devoir être un jour unis à son corps. Comme, en effet, à la fin du monde leurs restes seront sauvés (Rom. IX, 27.), dans ce dernier Office de l'année elle se félicite en eux comme en ses futurs membres.
Dans l'Introït, elle chante tous les ans, rappelant ainsi sans fin les prophéties qui les concernent : Le Seigneur dit : Mes pensées sont des pensées de paix et non d'affliction. Ses pensées sont toutes de paix en effet, puisqu'il promet d'admettre au banquet de sa grâce les Juifs ses frères selon la chair, réalisant ce qui avait été figuré dans l'histoire du patriarche Joseph. Les frères de ce dernier, qui l'avaient vendu, vinrent à lui poussés par la faim, lorsqu'il étendait sa domination sur toute la terre d'Egypte ; ils furent reconnus, reçus par lui, et lui-même fit avec eux un grand festin : ainsi notre Seigneur, régnant sur tout le monde et nourrissant abondamment du pain de vie les Egyptiens, c'est-à-dire les Gentils, verra revenir à lui les restes des fils d'Israël ; reçus en la grâce de celui qu'ils ont renié et mis à mort, il leur donnera place à sa table, et le vrai Joseph s'abreuvera délicieusement avec ses frères.


Le bienfait de cette table divine est signifié, dans l'Office du Dimanche, par l'Evangile, où l'on raconte du Seigneur qu'il nourrit avec cinq pains la multitude. Alors, en effet, Jésus ouvrira pour les Juifs les cinq livres de Moïse, portés maintenant comme des pains entiers et non rompus encore, par un enfant, à savoir ce même peuple resté jusqu'ici dans l'étroitesse d'esprit de l'enfance.

Alors sera accompli l'oracle de Jérémie, si bien placé avant cet Evangile; on ne dira plus : Vive le Seigneur qui a tiré les enfants d'Israël de la terre d'Egypte ! mais : Vive le Seigneur qui les a ramenés de la terre d'aquilon et de toutes celles où ils étaient dispersés !



Le saint prophète Jérémie. Plaque de reliquaire. XIIe.

Délivrés donc de la captivité spirituelle qui les retient maintenant, ils chanteront du fond de l'âme l'action de grâces indiquée au Graduel : Vous nous avez délivrés, Seigneur, de ceux qui nous persécutaient.

La supplication par laquelle nous disons, dans l'Offertoire : Du fond de l'abîmej'aicrié vers vous, Seigneur, répond manifestement, elle aussi, aux mêmes circonstances. Car en ce jour-là, ses frères diront au grand et véritable Joseph : " Nous vous conjurons d'oublier le crime de vos frères "
[/b] (Gen L, 17.).

La Communion : En vérité, je vous le dis, tout ce que vous demanderez dans vos prières, et le reste, est la réponse de ce même Joseph disant, comme autrefois le premier (Ibid. 19-21.) : " Ne craignez point. Vous aviez formé contre moi un dessein mauvais ; mais Dieu l'a fait tourner au bien, afin de m'élever comme vous voyez maintenant " et de sauver beaucoup de peuples. Ne craignez donc point : je vous nourrirai, vous et vos a enfants "." (Rup. De div. Off. XII, 23).

EPITRE


Saint Paul écrivant. Valentin de Bourgogne. XVIIe.

Lecture de l'Epître du bienheureux Paul, Apôtre, aux Philippiens. Chap. III.

" Mes Frères, soyez mes imitateurs, et observez ceux qui se conduisent suivant le modèle que vous avez en nous. Car il y en a plusieurs dont je vous ai parlé souvent, dont je vous parle encore avec larmes, qui sont les ennemis de la croix du Christ. Ils ont pour fin la mort, pour dieu leur ventre ; ils placent la gloire pour eux dans leur honte, n'ayant de goût que pour les choses de la terre. Mais pour nous, déjà nous vivons dans les cieux ; c'est de là aussi que nous attendons pour Sauveur notre Seigneur Jésus-Christ, qui reformera le corps de notre bassesse et le rendra conforme à son corps glorieux, par la puissance qui lui permet de s'assujettir aussi toutes choses. C'est pourquoi, mes frères très chers et très désirés, ma joie et ma couronne, demeurez ainsi fermes dans le Seigneur, Ô mes bien-aimés. Je prie Evodia et je conjure Syntychès de s'unir et d'avoir les mêmes sentiments dans le Seigneur.
Je vous prie aussi, vous mon fidèle compagnon, d'aider celles qui ont travaillé avec moi pour l'Evangile, ainsi que Clément et les autres qui ont été mes aides, dont les noms sont au livre de vie."


Le nom de Clément, qui vient d'être prononcé par l'Apôtre, est celui du second successeur de saint Pierre. Assez souvent, le vingt-troisième Dimanche après la Pentecôte ne précède que de fort peu la solennité de ce grand pontife et martyr du premier siècle. Disciple de Paul, attaché depuis à la personne de Pierre, et désigné par le vicaire de l'Homme-Dieu comme le plus digne de monter après lui sur la chaire apostolique, Clément, nous le verrons au 23 novembre, était l'un des saints de cette époque primitive les plus vénérés des fidèles. La mention faite de lui à l'Office du Temps, dans les jours qui précédaient son apparition directe au cycle de la sainte Eglise, excitait la joie du peuple chrétien et ranimait sa ferveur, à la pensée de l'approche d'un de ses plus illustres protecteurs et amis.

Au moment où saint Paul écrivait aux Philippiens, Clément, qui devait longtemps encore survivre aux Apôtres, était bien des hommes dont parle notre Epître, imitateurs de ces illustres modèles, appelés à perpétuer dans le troupeau confié à leurs soins (I Petr. V, 3.) la règle des mœurs, moins encore par la fidélité de l'enseignement que par la force de l'exemple. L'unique Epouse du Verbe divin se reconnaît à l'incommunicable privilège d'avoir en elle, par la sainteté, la vérité toujours vivante et non point seulement lettre morte. L'Esprit-Saint n'a point empoché les livres sacrés des Ecritures de passer aux mains des sectes séparées ; mais il a réservé à l'Eglise le trésor de la tradition qui seule transmet pleinement, d'une génération à l'autre, le Verbe lumière et vie (Johan. I, 4.), par la vérité et la sainteté de l'Homme-Dieu toujours présentes en ses membres, toujours tangibles et visibles en l'Eglise (I Johan. I, 1.).

La sainteté inhérente à l'Eglise est la tradition à sa plus haute expression, parce qu'elle est la vérité non seulement proférée, mais agissante (I Thess. II, 13.), comme elle l'était en Jésus-Christ, comme elle l'est en Dieu (Johan. V, 17.). C'est là le dépôt (I Tim. VI, 20.) que les disciples des Apôtres recevaient la mission de transmettre à leurs successeurs, comme les Apôtres eux-mêmes l'avaient reçu du Verbe descendu en terre.

Aussi saint Paul ne se bornait point à confier l'enseignement dogmatique à son disciple Timothée (II Tim. III, 2.) ; il lui disait : " Sois l'exemple des fidèles dans la parole et la conduite " (I Tim. IV, 12.). Il redisait à Tite : " Montre-toi un modèle, en fait de doctrine et d'intégrité de vie " (Tit. II, 7.). Il répétait à tous : " Soyez mes imitateurs, comme je le suis de Jésus-Christ " (I Cor. II, 16.).

Il envoyait aux Corinthiens Timothée, pour leur rappeler, pour leur apprendre au besoin, non les dogmes seulement de son Evangile, mais ses voies en Jésus-Christ, sa manière de vivre ; car cette manière de vivre de l'Apôtre était, pour une part, son enseignement même en toutes les Eglises (Ibid. 17.) ; et il louait les fidèles de Corinthe de ce qu'en effet ils se souvenaient de lui pour l'imiter en toutes choses, gardant ainsi la tradition de Jésus-Christ (I Cor. XI, 1-2.).

Les Thessaloniciens étaient si bien entrés dans cet enseignement tiré de la vie de leur Apôtre, que, devenus ses imitateurs, et par là même ceux de Jésus-Christ, ils étaient, dit saint Paul, la forme de tous les croyants ; cet enseignement muet de la révélation chrétienne, qu'ils donnaient en leurs mœurs, rendait comme inutile la parole même des messagers de l'Evangile (I Thess. I, 5-8.).

L'Eglise est un temple admirable qui s'élève à la gloire du Très-Haut par le concours des pierres vivantes appelées à entrer dans ses murs (Eph. II,20-22.). La construction de ces murailles sacrées sur le plan arrêté par l'Homme-Dieu est l'œuvre de tous. Ce que l'un fait par la parole (I Cor. XIV, 3.), l'autre le fait par l'exemple (Rom. XIV, 19.) ; mais tous deux construisent, tous deux édifient la cité sainte ; et, comme au temps des Apôtres, l'édification par l'exemple l'emporte sur l'autre en efficacité, quand la parole n'est pas soutenue de l'autorité d'une vie conforme à l'Evangile.

Mais de même que l'édification de ceux qui l'entourent est, pour le chrétien, une obligation fondée à la fois sur la charité envers le prochain et sur le zèle de la maison de Dieu, il doit, sous peine de présomption, chercher dans autrui cette même édification pour lui-même. La lecture des bons livres, l'étude de la vie des saints, l'observation, selon l'expression de notre Epître, l'observation respectueuse des bons chrétiens qui vivent à ses côtés, lui seront d'un immense secours pour l'œuvre de sa sanctification personnelle et l'accomplissement des vues de Dieu en lui.

Cette fréquentation de pensées avec les élus de la terre et du ciel nous éloignera des mauvais, qui repoussent la croix de Jésus-Christ et ne rêvent que les honteuses satisfactions des sens. Elle placera véritablement notre conversation dans les cieux. Attendant pour un jour qui n'est plus éloigné l'avènement du Seigneur, nous demeurerons fermes en lui, malgré la défection de tant de malheureux entraînés par le courant qui emporte le monde à sa perte.
L'angoisse et les souffrances des derniers temps ne feront qu'accroître en nous la sainte espérance ; car elles exciteront toujours plus notre désir du moment solennel où le Seigneur apparaîtra pour achever l'œuvre du salut des siens, en revêtant notre chair même de l'éclat de son divin corps. Soyons unis, comme le demande l'Apôtre, et, pour le reste : " Réjouissez-vous toujours dans le Seigneur ", écrit-il à ses chers Philippiens ; " je le dis de nouveau, réjouissez-vous : le Seigneur est proche " (Philip, IV, 4-5.).

ÉVANGILE


Résurrection de la fille de Jaïre. Gustave Doré. XIXe.

La suite du saint Evangile selon saint Matthieu. Chap. IX.

" En ce temps-là, comme Jésus parlait au peuple, voici qu'un prince de la synagogue s'approcha, et l'adorant, il lui disait :
" Seigneur, ma fille vient de mourir ; mais venez, imposez votre main sur elle, et elle vivra."
Et Jésus, se levant, le suivait avec ses disciples. Or voici qu'une femme qui souffrait d'un flux de sang depuis douze années s'approcha par derrière, et toucha la frange de son vêtement. Car elle disait en elle-même : " Si je touche seulement son vêtement, je serai sauvée ".
Jésus se retournant alors, et la voyant, lui dit :
" Aie confiance, ma fille ; ta foi t'a sauvée."
Et de cette heure même, la femme fut guérie. Jésus venant ensuite à la maison du prince, et voyant les joueurs de flûte et une foule qui faisait grand bruit, leur dit :
" Retirez-vous, car la jeune fille n'est pas morte, elle n'est qu'endormie."
Et ils se moquaient de lui. Mais lorsqu'on eut mis tout ce monde à la porte, il entra, prit la main de la jeune fille, et elle se leva. Et le bruit s'en répandit dans tout le pays."


Quoique le choix de cet Evangile pour aujourd'hui ne remonte pas partout à la plus haute antiquité, il entre bien dans l'économie générale de la sainte Liturgie, et confirme ce que nous avons dit du caractère de cette partie de l'année. Saint Jérôme nous apprend, dans l'Homélie du jour, que l'hémorroïsse guérie par le Sauveur figure la gentilité, tandis que la nation juive est représentée par la fille du prince de la synagogue (Matth. IX.). Celle-ci ne devait retrouver la vie qu'après le rétablissement de la première ; et tel est précisément le mystère que nous célébrons en ces jours, où, la plénitude des nations avant reconnu le médecin céleste, l'aveuglement dont Israël avait été frappé cesse enfin lui-même (Rom. XI, 25.).

De cette hauteur où nous sommes parvenus, de ce point où le monde, ayant achevé ses destinées, ne va sembler sombrer un instant que pour se dégager des impies et s'épanouir de nouveau, transformé dans la lumière et l'amour : combien mystérieuses et à la fois fortes et suaves nous apparaissent les voies de l'éternelle Sagesse (Sap. VIII, 1.) !

Le péché, dès le début, avait rompu l'harmonie du monde, en jetant l'homme hors de sa voie. Si, entre toutes, une famille avait attiré sur elle la miséricorde, la lumière, en se levant sur cette privilégiée, n'avait fait que manifester plus profonde la nuit où végétait le genre humain. Les nations, abandonnées à leur misère épuisante, voyaient les attentions divines aller à Israël, et l'oubli s'appesantir sur elles au contraire. Lors même que les temps où la faute première devait être réparée se trouvèrent accomplis, il sembla que la réprobation des gentils dût être consommée du même coup ; car on vit le salut, venu du ciel en la personne de l'Homme-Dieu, se diriger exclusivement vers les Juifs et les brebis perdues de la maison d'Israël (Matth. XV, 24.).


Résurrection de la fille de Jaïre. Gravure de Schnorr. XIXe.

Cependant la race gratuitement fortunée, dont les pères et les premiers princes avaient si ardemment sollicité l'arrivée du Messie, ne se trouvait plus à la hauteur où l'avaient placée les patriarches et les saints prophètes. Sa religion si belle, fondée sur le désir et l'espérance, n'était plus qu'une attente stérile qui la tenait dans l'impuissance de faire un pas au-devant du Sauveur ; sa loi incomprise , après l'avoir immobilisée , achevait de l'étouffer dans les liens d'un formalisme sectaire. Or, pendant qu'en dépit de ce coupable engourdissement, elle comptait, dans son orgueil jaloux, garder l'apanage exclusif des faveurs d'en haut, la gentilité que son mal, toujours grandissant lui aussi, portait au-devant d'un libérateur, la gentilité reconnaissait en Jésus le Sauveur du monde, et sa confiante initiative lui méritait d'être guérie la première. Le dédain apparent du Seigneur n'avait servi qu'à l'affermir dans l'humilité, dont la puissance pénètre les cieux (Eccli. XXXV, 21.).

Israël devait donc attendre à son tour. Selon qu'il le chantait dans le psaume, l'Ethiopie l’avait prévenu en tendant ses mains vers Dieu la première (Psalm. LXVII, 32.). Désormais ce fut à lui de retrouver, dans les souffrances d'un long abandon, l'humilité qui avait valu à ses pères les promesses divines et pouvait seule lui en mériter l'accomplissement. Mais aujourd'hui la parole de salut a retenti dans toutes les nations, sauvant tous ceux qui devaient l'être. Jésus, retardé sur sa route, arrive enfin à la maison vers laquelle se dirigeaient ses pas dès l'abord, à cette maison de Juda où dure toujours l'assoupissement de la fille de Sion.

Sa toute-puissance compatissante écarte de la pauvre abandonnée la foule confuse des faux docteurs, et ces prophètes de mensonge qui l'avaient endormie aux accents de leurs paroles vaines ; il chasse loin d'elle pour jamais ces insulteurs du Christ, qui prétendaient la garder dans la mort. Prenant la main de la malade, il la rend à la vie dans tout l'éclat de sa première jeunesse; prouvant bien que sa mort apparente n'était qu'un sommeil, et que l'accumulation des siècles ne pouvait prévaloir contre la parole donnée par Dieu à Abraham son serviteur (Luc. 1, 54-55.).

Au monde maintenant de se tenir prêt pour la transformation dernière. Car la nouvelle du rétablissement de la fille de Sion met le dernier sceau à l'accomplissement des prophéties. Il ne reste plus aux tombeaux qu'à rendre leurs morts (Dan. XII, 1-2.). La vallée de Josaphat se prépare pour le grand rassemblement des nations (Joël, III, 1.) ; le mont des Oliviers va de nouveau (Act. I, 11.) porter l'Homme-Dieu, mais cette fois comme Seigneur et comme juge (Zach. XIV, 4.).

dimanche, 18 novembre 2007

Dimanche 18 novembre 2007. XXVe dimanche ap. la Pentecôte.

- XXVe dimanche ap. la Pentecôte.
On prend aujourd'hui les pièces liturgiques du VIe dimanche après l'Epiphanie.

Extraits de L'année liturgique de dom Prosper Guéranger.


Retable de saint Barnabé - Sandro Botticelli - Alessandro di Mariano dei Filipepi. XVe.

EPÎTRE


Lecture de l'Epître du bienheureux Paul, Apôtre, aux Thessaloniciens. Chap. I.

" Mes Frères , nous rendons sans cesse grâces à Dieu pour vous tous, et nous faisons continuellement mémoire de vous dans nos prières. Nous nous souvenons devant notre Dieu et Père, des oeuvres de votre foi, de vos travaux, de votre charité , et de la fermeté d'espérance que vous avez en notre Seigneur Jésus-Christ. Nous savons, frères chéris de Dieu, quelle a été votre élection ; car notre Evangile au milieu de vous n'a pas été seulement en paroles, mais accompagné de prodiges, soutenu de l'Esprit-Saint, et favorisé d'une abondante plénitude. Vous savez aussi de quelle manière, étant parmi vous, nous avons été à votre égard. Et vous, vous êtes devenus nos imitateurs et ceux du Seigneur, ayant reçu la parole parmi de grandes tribulations , avec la joie de l'Esprit-Saint, en sorte que vous êtes devenus l'exemple de .tous ceux qui ont embrassé la foi dans la Macédoine et dans l'Achaïe. Et non seulement vous êtes cause que la parole du Seigneur s'est répandue avec éclat dans la Macédoine et dans l'Achaïe ; mais la foi que vous avez en Dieu est devenue si célèbre, qu'il n'est pas même nécessaiqe que nous en parlions. Eux-mêmes racontent, en parlant de nous, le succès de notre arrivée parmi vous, et comment, ayant quitté les idoles, vous vous êtes convertis à Dieu, pour servir ce Dieu vivant et véritable, et pour attendre du ciel son Fils, qu'il a ressuscité d'entre les morts, et qui nous a délivrés de la colère à venir."


Saint Paul. El Greco. XVIIe.

L'éloge que fait ici saint Paul de la fidélité des chrétiens de Thessalonique à la foi qu'ils avaient embrassée, éloge que l'Eglise nous remet aujourd'hui sous les yeux, semblerait plutôt un reproche pour les chrétiens de nos jours. Livrés encore la veille au culte des idoles, ces néophytes s'étaient élancés avec ardeur dans la carrière du christianisme, au point de mériter l'admiration de l'Apôtre.

De nombreuses générations chrétiennes nous ont précédés ; nous avons été régénérés dès notre entrée en cette vie ; nous avons sucé, pour ainsi dire, avec le lait, la doctrine de Jésus-Christ : et cependant notre foi est loin d'être aussi vive, nos mœurs aussi pures que l'étaient celles de ces premiers fidèles.

Toute leur occupation était de servir le Dieu vivant et véritable, et d'attendre l'avènement de Jésus-Christ ; notre espérance est la même que celle qui faisait battre leurs cœurs ; pourquoi n'imitons-nous pas la foi généreuse de nos ancêtres ? Le charme du présent nous séduit. L'incertitude de ce monde passager est-elle donc ignorée de nous, et ne craignons-nous pas de transmettre aux générations qui nous suivront un christianisme amoindri et stérile, tout différent de celui que Jésus-Christ a établi, que les Apôtres ont prêché, que les païens des premiers siècles embrassaient au prix de tous les sacrifices ?

ÉVANGILE


Notre Seigneur Jésus-Christ enseignant ses disciples. Bréviaire romain. Clermont-Ferrand. XVe.

La suite du saint Evangile selon saint Matthieu. Chap. XIII.

" En ce temps-là, Jésus dit à la foule cette parabole : Le royaume des cieux est semblable à un grain de sénevé qu'un homme prend et sème dans son champ : c'est la plus petite de toutes les graines ; mais, quand elle a poussé, c'est le plus grand de tous les légumes, et cette plante devient un arbre, en sorte que les oiseaux du ciel viennent se reposer sur ses rameaux.
Il leur dit encore cette autre parabole : Le royaume des cieux est semblable à un levain qu'une femme prend et qu'elle cache dans trois mesures de farine, jusqu'à ce que la pâte soit toute levée. Jésus dit toutes ces choses au peuple en paraboles, et il ne leur parlait point sans paraboles, afin que cette parole du Prophète fût accomplie : J'ouvrirai ma bouche pour dire des paraboles ; je publierai des choses qui ont été cachées depuis la création du monde."


Notre Seigneur nous donne ici deux symboles bien expressifs de son Eglise, qui est son Royaume, et qui commence sur la terre pour s'achever au ciel.
Quel est ce grain de sénevé, caché dans l'obscurité du sillon, inconnu à tous les regards, reparaissant ensuite comme un germe à peine perceptible, mais croissant toujours jusqu'à devenir un arbre : sinon cette Parole divine répandue obscurément dans la terre de Judée, étouffée un instant par la malice des hommes jusqu'à être ensevelie dans un sépulcre, puis s'échappant victorieuse et s'étendant bientôt sur le monde entier ?

Un siècle ne s'était pas écoulé depuis la mort du Sauveur, que déjà son Eglise comptait des membres fidèles, bien au delà des limites de l'Empire romain. Depuis lors, tous les genres d'efforts ont été tentés pour déraciner ce grand arbre : la violence, la politique, la fausse sagesse, y ont perdu leur temps. Tout ce qu'elles ont pu faire a été d'arracher quelques branches ; mais la sève vigoureuse de l'arbre les a aussitôt remplacées.
Les oiseaux du ciel qui viennent chercher asile et ombrage sous ses rameaux, sont, selon l'interprétation des Pères, les âmes qui, éprises des choses éternelles, aspirent vers un monde meilleur. Si nous sommes dignes du nom de chrétiens, nous aimerons cet arbre, et nous ne trouverons de repos et de sécurité que sous son ombre tutélaire.

La femme dont il est parlé dans la seconde parabole, est l'Eglise notre mère. C'est elle qui, au commencement du christianisme, a caché, comme un levain secret et salutaire, la divine doctrine dans la masse de l'humanité. Les trois mesures de farine qu'elle a fait lever pour en former un pain délectable sont les trois grandes familles de l'espèce. humaine, issues des trois enfants de Noé, et auxquelles remontent tous les hommes qui habitent la terre. Aimons cette mère, et bénissons ce levain céleste auquel nous devons d'être devenus enfants de Dieu, en devenant enfants de l'Eglise.

dimanche, 11 novembre 2007

11 novembre. XXIVe dimanche après la Pentecôte.

- XXIVe dimanche après la Pentecôte.


Notre Seigneur Jésus-Christ enseignant à ses disciples. Calendrier des bergers. Angers. XVe.

Extraits de L'année liturgique de dom Prosper Guéranger.

Le nombre des Dimanches après la Pentecôte peut dépasser vingt-quatre et s'élever jusqu'à vingt-huit, selon que la Pâque s'est rapprochée plus ou moins, dans les diverses années, de l'équinoxe du printemps. Mais la Messe qui suit est toujours réservée pour la dernière ; on remplit l'intervalle avec celles, plus ou moins nombreuses, des Dimanches après l'Epiphanie, qui, dans ce cas, n'ont point eu leur emploi au commencement de l'année.
On trouvera plus tard ces Dimanches, qui sont les IIIe, IVe, Ve et VIe après l'Epiphanie. Dans les années où l'on compte vingt-cinq Dimanches après la Pentecôte, c'est ce dernier qui prend place après le vingt-troisième ; si le nombre de ces Dimanches est de vingt-six, le cinquième après l’Epiphanie devient le vingt-quatrième après la Pentecôte, Si ce nombre atteint le chiffre de vingt-sept, on commence à suppléer par le quatrième après l'Epiphanie, s'il s'élève à vingt-huit, par le troisième.

Ceci toutefois doit s'entendre exclusivement des Oraisons, Epîtres et Evangiles ; car, ainsi que nous l'avons dit, les Introït, Graduel, Offertoire et Communion restent jusqu'à la fin les mêmes qu'au vingt-troisième Dimanche.
On a vu que cette Messe du vingt-troisième Dimanche était véritablement considérée par nos pères comme la dernière du Cycle. L'Abbé Rupert nous a révélé le sens profond de ses diverses parties. Selon la doctrine que nous avions eu l'occasion de méditer précédemment (XIIIe Dim ap la Pentec.), la réconciliation de Juda nous y est apparue comme le terme, dans le temps, des intentions divines ; les dernières notes de la sainte Liturgie sont venues s'y confondre avec le dernier mot pour Dieu de l'histoire du monde.

Le but cherché dans la création par l'éternelle Sagesse, et miséricordieusement poursuivi dans la rédemption après la chute, est en effet pleinement atteint désormais ; car ce but n'était autre que l'union divine avec l'humanité rassemblée dans l'unité d'un seul corps (Eph. II, 16.) Maintenant que les deux peuples ennemis, gentil et Poldève, sont réunis en un seul homme nouveau dans J ésus-Christ leur chef (Ibid. 15.), les deux Testaments, qui marquèrent si profondément au milieu des siècles la distinction des temps anciens et nouveaux, s'effacent d'eux-mêmes pour faire place aux splendeurs de l'alliance éternelle.

L'Eglise arrêtait donc ici, autrefois, la marche de sa Liturgie. Elle était satisfaite d'avoir amené ses fils, non seulement à pénétrer en cette manière le développement complet de la pensée divine, mais encore et surtout à s'unir ainsi d'une union véritable au Seigneur, par une communauté réelle de vues, d'intérêts et d'amour. Aussi ne revenait-elle même pas sur l'annonce du second avènement de l'Homme-Dieu et du jugement final, qui avait fait, au temps de l'Avent, l'objet de leurs méditations dans les débuts de la vie purgative.

C'est depuis quelques siècles seulement que, dans la pensée de donner au Cycle une conclusion plus précise et plus appréhensible aux chrétiens de nos jours, elle le termine par le récit prophétique de la redoutable arrivée du Seigneur, qui clôt les temps et inaugure l'éternité. Saint Luc se trouvant de temps immémorial chargé d'annoncer dans les jours de l'Avent cet avènement terrible (Ier Dimanche de l’Avent.), l'Evangile de saint Matthieu fut choisi pour le décrire de nouveau, et plus longuement, au dernier Dimanche après la Pentecôte.

A LA MESSE

L'exercice des bonnes oeuvres avec l'aide de la grâce nous fait obtenir une grâce plus grande. Demandons avec l'Eglise, dans la Collecte, une action efficace de ce moteur divin sur nos volontés.

ÉPÎTRE

Lecture de l'Epître du bienheureux Paul, Apôtre, aux Colossiens. Chap. I.


Saint Paul aux Colossiens. Joseph-Benoît Suvée. XVIIIe.

" Mes Frères, nous ne cessons point de prier pour vous et de demander que vous soyez remplis de la connaissance de la volonté de Dieu en toute sagesse et intelligence spirituelle, afin que vous marchiez d'une manière digne de Dieu, lui plaisant en toutes choses,portant des fruits en toute sorte de bonnes œuvres, et croissant dans la science de Dieu, remplis de force en tout par la puissance de sa gloire, patients en toutes rencontres et d'une longanimité accompagnée de joie, rendant grâces à Dieu le Père qui nous a rendus dignes d'avoir part à l'héritage des saints en nous éclairant de sa lumière, qui nous a arrachés à la puissance des ténèbres et transportés dans le royaume de son Fils bien-aimé par le sang duquel nous avons recula rédemption et la rémission des péchés."

Action de grâces et prière : c'est le résumé de notre Epître et la digne conclusion des instructions de l'Apôtre, comme du Cycle entier de la sainte Liturgie. Le Docteur des nations n'a point défailli dans la tâche que lui avait confiée la Mère commune ; il ne tient pas à lui que les âmes dont il avait pris la conduite au lendemain de la descente de l'Esprit d'amour, ne soient toutes parvenues aux sommets de perfection qu'il rêvait pour elles toutes. Et de fait, les chrétiens fidèles à marcher sans faiblir dans la voie ouverte, il y a un an, devant eux par la sainte Eglise, savent maintenant, pour en avoir acquis la bienheureuse expérience, que cette carrière de salut aboutissait sûrement à la vie d'union où règne en souveraine la divine charité !
En quel homme, du reste, pour peu que cet homme ait laissé prendre son intelligence et son cœur à l'intérêt que présente le développement des saisons liturgiques, en quel homme ne s'est pas développée du même coup la lumière ? Or la lumière est l'indispensable élément qui nous arrache à l’empire des ténèbres et nous transfère, par le secours du Dieu très-haut, dans le royaume de son Fils bien-aimé.

L'œuvre de la rédemption que ce Fils de son amour est venu accomplir ici-bas à sa gloire, n'a donc pu qu'avancer dans tous ceux qui se sont associés d'une façon quelconque aux pensées de l'Eglise, depuis les semaines de l'Avent jusqu'en ces derniers jours du Cycle. Tous dès lors, qui que nous soyons, nous devons rendre grâces à ce Père des lumières (Jac. i, 17.), qui nous a rendus dignes d'avoir une part, si minime soit-elle, à l'héritage des saints.

Mais tous aussi, quelle qu'en soit la mesure, nous avons à prier pour que le don excellent (Ibid.) déposé dans nos cœurs, se prête au développement que doit lui apporter le nouveau Cycle à la veille de s'ouvrir. Le juste ne peut rester stationnaire ici-bas : il faut qu'il descende ou qu'il monte ; et quelle que soit la hauteur où l'a déjà porté la grâce, il doit toujours, tant qu'il est en cette vie, monter davantage (Psalm. LXXXIII, 6.).

Les Colossiens, auxquels s'adressait l'Apôtre, avaient pleinement reçu l'Evangile ; la parole de vérité semée en eux y fructifiait merveilleusement dans la foi, l'espérance et l'amour (Col. 1, 4-6.) : or, loin d'en prendre occasion de relâcher sa sollicitude à leur égard, leurs progrès sont précisément la raison pour laquelle (Ibid 9.) saint Paul, qui priait déjà, ne cesse plus de le faire.

Prions donc nous aussi. Demandons à Dieu qu'il nous remplisse encore et toujours de sa divine Sagesse et de l'Esprit d'intelligence. Nous en avons besoin pour répondre à ses intentions miséricordieuses. L'année qui va commencer réserve à notre fidélité des ascensions nouvelles, laborieuses peut-être; mais elles seront récompensées par des aspects nouveaux dans les jardins de l'Epoux, et la production de fruits plus nombreux et plus suaves. Marchons donc d'une façon digne de Dieu, joyeux et forts sous le regard de son amour, dans la voie montante qui nous conduit au repos sans fin de la vision bienheureuse.

EVANGILE

La suite du saint Evangile selon saint Matthieu. Chap. XXIV.


Notre Seigneur Jésus-Christ enseignant ses disciples. Psautier. Avignon. XIVe.

" En ce temps-là, Jésus dit à ses disciples : Lorsque vous verrez l'abomination de la désolation prédite par le prophète Daniel établie dans le lieu saint (que celui qui lit comprenne) : alors que ceux qui sont dans la Judée fuient aux montagnes ; que celui qui sera sur le toit n'en descende point pour prendre quelque chose en sa maison ; que celui qui sera dans le champ ne retourne point prendre sa tunique. Mais malheur aux femmes qui seront enceintes ou allaiteront en ces jours-là !
Priez pour que votre fuite n'arrive point en hiver ou le jour du Sabbat. Car la tribulation d'alors sera si grande, qu'il n'y en a point eu de pareille depuis le commencement du monde, et qu'il n'y en aura point. Et si ces jours n'étaient pas abrégés, aucune chair ne serait sauvée ; mais ces jours seront abrégés à cause des élus. Si alors quelqu'un vous dit : Voici que le Christ est ici, ou il est là, ne le croyez point.
Car il s'élèvera beaucoup de faux christs et de faux prophètes, et ils feront des choses étonnantes et de grands prodiges, au point de tromper, s'il était possible, les élus eux-mêmes. Je vous en préviens. Si donc ils vous disent : Le voici dans le désert, ne sortez point; Le voici dans le lieu le plus retiré de la maison, ne le croyez point. Comme l'éclair en effet sort de l'Orient et parait jusqu'en Occident, ainsi sera l'avènement du Fils de l'homme.
Partout où sera le corps, les aigles s'y rassembleront. Mais aussitôt après ces jours de tribulation, le soleil s'obscurcira, la lune ne donnera plus sa lumière, les étoiles tomberont du ciel, les vertus des cieux seront ébranlées.
Et alors paraîtra dans le ciel le signe du Fils de l'homme, et alors se lamenteront toutes les tribus de la terre, et elles verront le Fils de l'homme venir sur les nuées du ciel avec une grande puissance et une grande majesté. Il enverra ses anges avec la trompette, et d'une voix éclatante ils rassembleront ses élus des quatre vents, d'une extrémité à l'autre du ciel.
Prenez une comparaison du figuier : quand ses branches sont déjà tendres et que ses feuilles poussent, vous savez que l'été est proche ; de même donc, quand vous verrez toutes ces choses, sachez que le Fils de l'homme est tout près et à la porte.
En vérité, je vous le dis, cette génération ne passera point que toutes ces choses ne s'accomplissent. Le ciel et la terre passeront, mais mes paroles ne passeront point."



Destruction de Jérusalem par Titus. Wilhelm von Kaulbach. XIXe.

Bien des fois, dans les semaines de l'Avent, les circonstances qui accompagneront le dernier avènement du Seigneur ont fait l'objet de nos méditations; sous peu de jours, les mêmes enseignements vont revenir pénétrer nos âmes d'une terreur salutaire. Qu'il nous soit permis aujourd'hui de nous retourner, dans le désir et la louange, vers le Chef adoré dont l'heure solennelle du jugement doit consommer l'œuvre et marquer le triomphe.

Ô Jésus, qui viendrez alors délivrer votre Eglise et venger Dieu d'insultes prolongées si longtemps, elle sera en effet terrible au pécheur cette heure de votre arrivée ! Il comprendra clairement alors que le Seigneur a tout fait pour lui-même, tout jusqu'à l'impie, réservé pour glorifier sa justice au jour mauvais (Prov. XVI, 4.). L'univers, conjuré pour la perte des méchants (Sap. V, 21.), se dédommagera enfin de la servitude de péché qui lui fut imposée (Rom. VIII, 21.). Vainement les insensés crieront aux montagnes de les écraser, afin d'échapper au regard de celui qui siégera sur le trône (Apoc. VI, 16.) : l'abîme refusera de les engloutir ; obéissant à celui qui tient les clefs de la mort et de l'enfer (Ibid. I, 18.), il vomira jusqu'au dernier ses tristes habitants au pied du redoutable tribunal.

Ô Jésus, Ô Fils de l'homme, combien grande apparaîtra votre puissance, entouré que vous serez d'autre part des célestes phalanges (Ibid. XIX, 14.) formant votre cour brillante, et rassemblant vos élus des quatre coins de l'univers ! Car nous aussi, nous vos rachetés, devenus vos membres en devenant ceux de votre Eglise bien-aimée, nous serons là en ce jour ; et notre place, ineffable mystère sera celle que l'Epoux réserve à l'Epouse : votre trône (Ibid. III, 21.), où, siégeant avec vous, nous jugerons les anges mêmes (I Cor. VI, 3.).

Dès maintenant tous les bénis du Père (Matth. XXV, 3.), ces élus dont la jeunesse s'est tant de fois renouvelée comme celle de l'aigle au contact de votre sang précieux (Ier Psalm. en, 5.), n'ont-ils pas leurs yeux préparés pour fixer sans faiblir, quand il se montrera au ciel, le Soleil de justice ? Dans leur faim accrue des lenteurs de l'exil, qui donc pourrait arrêter leur vol, quand paraîtra la proie sacrée de votre divin corps ? Quelle force romprait l'impétuosité de l'amour (Cant. VIII, 6.) qui les rassemblera au banquet de la Pâque éternelle ? Car c'est la vie et non la mort, la destruction de l'antique ennemie (I Cor. XV, 28.), la rédemption s'étendant jusqu'aux corps (Rom. VIII, 23.), le plein passage à la vraie terre promise, la Pâque en un mot, cette fois réelle pour tous et sans couchant, que proclamera la trompette de l'Ange sur les tombeaux des justes.

Quelle ne sera pas l'allégresse de ce vrai jour du Seigneur (Psalm. CXVII, 24.), pour tous ceux qui par la foi ont vécu du Christ, qui l'ont aimé sans le voir (I Petr. I, 8.) ! S'identifiant à Vous, Ô Jésus, malgré l'infirmité de leur chair fragile, ils ont continué ici-bas votre vie de souffrances et d'humiliations ; quel triomphe, quand, délivrés à jamais du péché, revêtus de leurs corps immortels, ils seront transportés au-devant de Vous pour être avec Vous toujours (I Thess IV, 6.) !

Mais leur joie immense sera surtout d'assister, en ce grand jour, à la glorification de leur Chef bien-aimépar la manifestation de la puissance qui lui fut donnée sur toute chair (Johan. XVII, 2.). C'est alors, ô notre Emmanuel, que, brisant la tête des rois et réduisant vos ennemis à vous servir de marchepied (Psalm. CIX.), vous apparaîtrez comme le seul prince des nations (Psalm. II.).

C'est alors que le ciel, la terre et l'enfer réunis, fléchiront les genoux (Philip. II, 10.) devant ce Fils de l'homme venu autrefois dans la forme d'esclave, jugé, condamné, mis à mort entre des scélérats ; alors vous jugerez, Ô Jésus, les juges iniques auxquels vous annonciez, du sein de vos humiliations, cette venue sur les nuées du ciel (Matth. XXVI, 64.). Et lorsque, la redoutable sentence une fois prononcée, les réprouvés iront au supplice éternel et les justes à la vie sans fin (Ibid. XXV, 46.), votre Apôtre nous apprend que, pleinement vainqueur de vos ennemis, roi sans conteste, vous remettrez au Père souverain ce royaume conquis sur la mort, comme l'hommage parfait du Chef et des membres (I Cor. XV, 24-28.).

Dieu sera tout en tous. Ce sera l'accomplissement de la prière sublime que vous apprîtes aux hommes (Matth. VI, 9.), et qui s'élève plus fervente chaque jour du cœur de vos fidèles, lorsque s'adressant à leur Père qui est aux cieux, ils lui demandent sans se lasser, au milieu de la défection générale, que son Nom soit sanctifié, que son règne arrive, que sa volonté soit faite sur la terre comme au ciel. Incomparable sérénité de ce jour où cessera le blasphème ; où, purifiée par le feu de la fange du péché, la terre sera un nouveau paradis !

Quel chrétien donc ne tressaillirait, dans l'attente de ce dernier des jours qui ouvrira l'éternité ? qui ne compterait pour bien peu les angoisses de la dernière heure, à la pensée que ces souffrances ne signifient rien autre chose sinon, comme le dit l'Evangile, que le Fils de l'homme est tout près et à la porte?

Ô Jésus, détachez-nous toujours plus de ce monde dont la figure passe (I Cor. VIII, 31.) avec ses vains travaux, ses gloires contrefaites et ses faux plaisirs. Ainsi que vous nous l'aviez annoncé, comme aux jours de Noé, comme à Sodome, les hommes continuent de manger et de boire, de s'absorber dans le trafic et la jouissance ; sans plus songer à la proximité de votre avènement que leurs devanciers ne se préoccupèrent du feu du. ciel et du déluge, jusqu'à l'instant qui les perdit tous (Luc. XVII, 16-30.).

Laissons-les se réjouir et s'envoyer des présents, comme le dit votre Apocalypse, à la pensée que c'en est fait du Christ et de son Eglise (Apoc. XI, 10.). Tandis qu'ils oppriment en mille manières votre cité sainte, et lui imposent des épreuves qu'elle n'avait point connues, ils ne se doutent pas que ce sont les noces de l'éternité qu'ils avancent; il ne manquait plus à l'Epouse que les joyaux de ces épreuves nouvelles, et la pourpre éclatante dont l'orneront ses derniers martyrs.

Pour nous, prêtant l'oreille aux échos de la patrie, nous entendons déjà sortir du trône la voix qui crie, au bruit des tonnerres qu'entendit le prophète de Pathmos :
" Louez notre Dieu, vous tous ses serviteurs, vous tous qui le craignez, petits et grands. Alléluia ! car Il règne Notre Seigneur tout-puissant. Réjouissons-nous et tressaillons, rendons-lui gloire ; car le temps des noces de l'Agneau est arrivé, et son Epouse s'est préparée (Ibid. XIX, 5-7.) !"
Encore un peu de temps, afin que se complète le nombre de nos frères (Ibid. VI, 11.) ; et, avec l'Esprit et l'Epouse, nous vous dirons dans l'ardeur de nos âmes trop longtemps altérées : " Venez, ô Jésus (Ibid, XXII, 17.) ! Venez nous consommer dans l'amour par l'union éternelle, à la gloire du Père, du Fils et du Saint-Esprit, dans les siècles sans fin !"

jeudi, 08 novembre 2007

L'Octave de la Toussaint.

- L'Octave de la Toussaint.


Le paradis céleste. Bas-relief. Andrea Briosco. XVIe.

Quelle conclusion donner aux enseignements de l'Octave qui va finir, sinon celle que formule elle-même aujourd'hui la Liturgie sainte ?
" Etrangers et pèlerins sur la terre, saluons du cœur et de la pensée le jour qui doit nous rendre à tous une demeure stable en nous ouvrant le paradis. Qui, loin de la patrie, ne hâterait le retour ? Qui, naviguant vers les siens, n'appellerait lèvent favorable et ne souhaiterait d'embrasser au plus tôt ses bien-aimés? Parents, frères, fils, amis nombreux, nous attendent et désirent en la patrie des cieux : foule fortunée, déjà sûre de l'immortalité bienheureuse, encore anxieuse à notre endroit. Quelle joie pour eux, quelle joie pour nous, quand nous pourrons les voir enfin, quand ils pourront nous serrer dans leurs bras ! Plus rien, dans ce royaume du ciel, que bonheur à goûter ensemble ; plus de crainte de mourir; plus rien que l'éternelle et souveraine félicité ! Que tous nos désirs tendent à cet unique but : rejoindre les saints, pour avec eux posséder le Christ (Lectiones IIi Noct. ex Cypriano, de Mortalitate, XXVI.)."

A ces effusions que l'Eglise emprunte au beau livre de saint Cyprien sur la Mortalité, font écho, dans l'Office de la nuit, les fortes paroles de saint Augustin rappelant, consolation sublime, au fidèle que l'exil menace de retenir encore, la vraie compensation, la grande béatitude de cette terre : la béatitude de ceux que le monde persécute et maudit. Souffrir pour le Christ avec joie, c'est la gloire du chrétien, l'invisible beauté qui vaut à son âme les divines complaisances et lui assure une grande récompense dans les cieux (Homilia IIIi Noct. ex Augustino, de Sermone Domini in monte, Apoc. XXII, 11-13.).

Que celui qui nuit nuise encore, dit le Seigneur, et que le souillé se souille encore ; et que le juste se justifie encore ; et que le saint se sanctifie encore. Voici que je viendrai bientôt, et ma récompense avec moi, pour rendre à chacun selon ses œuvres, moi l'Alpha et l’Oméga, le premier et le dernier, le commencement et la fin (I Cor. VII, 29-31.). Patience donc à nous chrétiens, patience aux méprisés de l'heure présente ! Le temps est court ; la figure de ce monde passe (4. II Thess. II, 8.). Voyons du haut de notre baptême les insensés qui se croient forts parce qu'ils ont à leur disposition la violence, qui se disent sages parce que le plaisir est leur unique loi. Quand d'un souffle de sa bouche l'Homme-Dieu fera justice de leur chef (4), leur part sera la sentence indignée qu'entendit le prophète de Pathmos : Arrière, chiens ! dehors les empoisonneurs et les menteurs (Apoc. XXII, 15.) !

Et ce pendant la création entière, la création dont ils avaient fait l'esclave gémissante de leur corruption (Rom. VIII, 20-22.), répondra par un chant de délivrance à leur chute honteuse. Elle-même, réhabilitée, se transformera en de nouveaux cieux, en une terre nouvelle (Apoc. XXI, 1.). Elle participera de la gloire des enfants de Dieu délivrés comme elle (Rom. ibid.) et portera dignement la nouvelle Jérusalem, la sainte cité où dans nos corps nous verrons Dieu (Job. XIX, 26.), où siégeant à la droite du Père dans le Christ Jésus (Eph. I, 20; II, 6.), l'humanité glorifiée jouira pour jamais des honneurs d'Epouse.

Entrons parla pensée dans Rome, et dirigeons nos pas vers l'antique église qui porte, au mont Cœlius,le nom des Quatre saints couronnés. Il est peu de Martyrs dont les Actes aient été plus que les leurs dédaignés " par une critique superficielle et ignorante de la science archéologique " (De Rossi, Bulletin, 1879, II édition française, pages 45-91.), comme le fut trop souvent celle des XVIe, XVIIe et XVIII° siècles. Mais" aujourd'hui, l'histoire et les traditions relatives à l'auguste monument du Cœlius ont été remises en honneur par des savants et des antiquaires que nul ne saurait taxer de superstition ou d'une aveugle crédulité pour les légendes du moyen âge (Ibid.)."


SEQUENCE



Le paradis céleste. Ivoire. Sous saint Charlemangne. IXe.

Prions toujours pour nos chers disparus. Les Missels de diverses Eglises nous fournissent à cette fin la pièce qui suit, aux accents d'une supplication si instante.

" Qu'a l’honneur du Sauveur chante cette assemblée ; qu'elle chante au dedans en son cœur, que sa voix retentisse au dehors ; douce sera la mélodie, pourvu que s'accordent ces trois : le cœur, la bouche et la conduite.

Admirable est Dieu dans ses saints. Si cependant pour finir il les comble de tant de biens, comment donc en cette vie les laisse-t-il respirer à peine sous l'épreuve et sous la douleur ?

Comment s'accorde, ô Christ,avec l'amour une haine qui vous fait juger bon de les accabler par tous les genres de souffrance, de les laisser broyer dans les tourments, de permettre qu'ils meurent de la plus cruelle mort ?

Mais non, ce n'est pas haine: il veut savoir de quel amour chacun à son service est animé ; lui les aime tous, et cependant éprouve dans la fatigue et le combat leur degré de fidélité.

Ils luttent donc contre le monde, contre l'ennemi réprouvé et immonde, contre les vices aussi de la chair : lutte virile où se forment à la vertu confesseurs et aussi martyrs.

Au martyr le combat spécial que lui vaut le dernier supplice; mais au confesseur parfois c'est le licteur qui se dérobe, pour le laisser aux prises avec les passions.

Combattent donc pour l'amour du Christ et ceux-ci, et ceux-là, quel que soit leur sexe : à qui peine plus en la lutte, revient pour son labeur plus belle couronne et meilleure récompense.

Tous ils sont les élus de Dieu ; qu'il daigne se laisser fléchir en considération de leurs mérites et prières, pour qu'au jour du terrible avènement, son courroux ne nous livre pas aux bourreaux d'enfer.

Mais que notre lyre soit admise à le louer dans la compagnie des habitants des cieux.

Amen."



HYMNE


Saint Pierre et Notre Seigneur Jésus-Christ. Giovanni Battista Pittoni. XVIe.

Séville nous donnera, pour honorer les Saints, la Séquence qu'elle chanta longtemps en ce jour de l'Octave.

" Du fond de l'abîme nous crions ; Christ, Entendez nos voix du haut des Cieux : pour tous les fidèles défunts la Mère Eglise Vous prie et supplie à cette heure.

Que Votre oreille soit donc attentive, et qu'Elle écoute cette voix suppliante : Ô Roi de gloire, cette voix Vous prie pour Vos fidèles et Vous demande d'alléger aujourd'hui leurs maux.

Bien que pécheurs, bien qu'indignes même de subsister, si Vous considérez nos vices : que produise cependant ses fruits de salut ; victime offerte par nous à cette heure pour les trépassés.

L'hostie offerte par Vous au Père, c'est elle que nous-mêmes aussi nous offrons : qu'elle leur soit secourable ; oui, Soyez-leur secourable, Ô Jésus, Déliez les liens de leurs péchés dans Votre puissance.

A cause de la loi que Vous avez donnée, ceux qui furent l'œuvre de Vos mains Vous attendent : Ecartez d'eux les supplices ; ils Vous attendent, Délivrez-les ; en Vous ils espèrent, Conduisez-les aux palais des Cieux.

En Vous ils espèrent, en Vous ils croient, vers Vous ils tendent et ils soupirent du fond de leur misère ; qu'en Vous le jour, qu'en Vous la nuit, qu'en Vous le matin et le soir ils se confient.

Nous Vous le demandons : qu'abonde en Vous la miséricorde implorée; Christ, cette assemblée vous supplie prosternée de les délivrer de tout mal.

Daigne vous prier la reine des reines, l'impératrice Votre mère ; que par Marie nous soient obtenues nos demandes. Bon Jésus, Roi de gloire, que tous les Saints, spécialement en ce jour, implorent de Vous pour eux la grâce désirée.

C'est par pitié pour les pécheurs que sur la croix Vous êtes monté : Ecoutez miséricordieusement les prières et les cris de notre dévote assemblée. Que par Vous soient brisées les chaînes, détruites les portes de la mort, confondus les démons : que par Vous les âmes entrent en possession des joies éternelles.

Amen."

mercredi, 07 novembre 2007

VIIe jour dans l'Octave de la Toussaint.

- VIIe jour dans l'Octave de la Toussaint.


Saint Pierre portant les clefs du paradis. Pierre Puget. XVIIe.

" Grand mystère que celui qui s'accomplit en nos morts !" s'écrie saint Jean Chrysostome. Mystère de louange et d'allégresse, lorsque mandée par le Roi des rois, " l'âme s'en va vers son Seigneur, accompagnée des Anges venus pour cela des cieux ! Et toi, tu te lamentes (Chrys. in Acta Ap. Homilia XXI, 3,4.) ?... "

" Pourtant, lorsque l'époux auquel tu l'as donnée emmène ta fille au loin, tu ne te plains pas s'il la rend heureuse ; bien que l'absence puisse te peser, la tristesse en est tempérée : sera-ce donc parce que ce n'est pas un homme, un esclave comme nous, qui s'attribue quelqu'un des tiens, mais le Seigneur lui-même, que ton chagrin doit passer toutes bornes ? Je ne te demande point de ne verser aucune larme : pleure, mais sans te désoler comme ceux qui n'ont point d'espérance (I Thess. IV, 12.) ; et sache n'en pas moins rendre grâces comme il est juste, honorant par là tes morts autant que glorifiant Dieu, leur faisant ainsi de splendides funérailles (Chrys. Homilia de Dormientibus, Va de Lazaro, 2.)."


Saint Michel partageant les âmes. Antonio Biagio. XVe.

Tel était le sentiment dont s'inspiraient nos pères, en ces adieux de la liturgie primitive qui contrastaient si grandement avec les pompes désolées des païens, et semblaient faire du cortège funèbre une conduite d'épousée.

Des mains pieuses lavaient d'abord respectueusement la dépouille mortelle sanctifiée par l'eau du baptême et l'huile sainte, si souvent honorée de la visite du Seigneur en son Sacrement. On la revêtait ensuite des vêtements d'honneur sous lesquels elle avait servi l'Epoux. Comme lui au tombeau, on l'entourait elle aussi de parfums. Souvent même, sur sa poitrine, à l'issue du Sacrifice d'action de grâces et de propitiation, on déposait l'Hostie sainte.

Et c'est ainsi que dans une admirable succession de prières et de chants de triomphe, parmi les nuages d'encens, à la lumière de torches nombreuses, elle était conduite au champ du repos où la sépulture chrétienne allait l'associer au dernier mystère de la vie mortelle du Sauveur. Comme au grand Samedi sur le jardin du Golgotha, la Croix nue, dépossédée de son divin fardeau, y planait sur les tombes où l'Homme-Dieu continuait d'attendre, en ses membres mystiques, l'heure assurée de la résurrection.

Au moyen âge, pendant le trajet vers la tombe et la sépulture, on chanta longtemps à Rome, aussi bien que dans le reste de la chrétienté latine, sept Antiennes célèbres, dont l’In paradisum et le Subvenite perpétuent d'ailleurs jusqu'à nous l'inspiration touchante, en pleine harmonie avec les considérations qui précèdent. La première, Aperite mihi portas justitiae, formait le refrain du Psaume CXVII, Confitemini Domino quoniam bonus, et relevait ses accents de victoire, auxquels l'Eglise emprunte le glorieux Verset qui revient sans fin sur ses lèvres en la Solennité des solennités : Haec dies quam fecit Dominus, exsultemus et laetemur in ea. " C'est le jour que le Seigneur a fait, tressaillons et réjouissons-nous (Psalm. CXVII, 24.)."

Mais le mieux est de donner la série entière des sept Antiennes, avec l'indication des Psaumes qu'elles accompagnaient. La dernière et le Cantique Benedictus sont encore en usage, ainsi que le Répons Subvenite et l'Antienne In paradisum, indiqués présentement au Rituel, le premier pour l'entrée à l'église, l'autre pour la sortie.

1. Ant. " Ouvrez-moi les portes de la justice ; c'est par elles que j'entrerai pour louer le Seigneur."

Psaume CXVII. Confitemini Domino quoniam bonus.

2. Ant. " J’entrerai dans le lieu du tabernacle admirable, jusqu'à la maison de Dieu."

Psaume XLI. Quemadmodum desiderat cervus.

3. Ant. " C’est ici le lieu de mon repos à jamais, le lieu que j'habiterai ; car je l'ai choisi."

Psaume CXXXI. Memento Domine David.

4. Ant. " Seigneur, vous m'avez formé du limon , vous m'avez revêtu de cette chair ; vous êtes mon Rédempteur : ressuscitez-moi au dernier jour."

Psaume CXXXVIII. Domine probasti me.

5. Ant. " Seigneur, n entrez pas en jugement avec votre serviteur, parce que nul homme vivant ne pourra être trouvé juste devant vous."

Psaume CXLII. Domine exaudi orationem meam.

6. Ant. " Soit loué, le Seigneur par tout ce qui respire !"

Psaume CXLVIII. Laudate Dominum de cœlis.

7. Ant. " Je suis la résurrection et la vie : celui qui croit en moi, quand bien même il serait mort, vivra ; et quiconque vit et croit en moi, ne mourra pas à jamais."

Cantique Benedictus Dominus Deus Israël.

On concluait en certains lieux par l'Antienne suivante :

" Je viens à Vous d'un cœur joyeux, Recevez-moi, Seigneur. Puisque Vous m'avez formé de la terre, en m'infusant du ciel un principe de vie : Venez, pour remettre à la terre mon corps ; et l'âme que Vous m'avez donnée, Recevez-la, mon Dieu."

ORAISON

" Dieu tout-puissant, Dieu très doux, qui à tous les petits enfants renés de la fontaine baptismale, quand ils quittent ce monde, donnez aussitôt la vie éternelle sans nul mérite de leur part ; nous vous en supplions, Seigneur : par l'intercession de la bienheureuse Marie toujours Vierge et de tous vos Saints, faites que nous vous servions ici-bas dans la pureté du cœur, afin qu'au paradis nous soyons admis pour toujours dans la société des bienheureux petits enfants. Par Jésus-Christ notre Seigneur.
Amen."

mardi, 06 novembre 2007

VIe jour dans l'Octave de la Toussaint.

- VIe jour dans l'Octave de la Toussaint.

" Vous êtes mon héritage, Seigneur, alleluia, dans la terre des vivants, alleluia, alleluia.
Tirez de cette prison mon âme ; elle louera votre nom dans la terre des vivants, alleluia, alleluia.
Gloire et honneur au Père, au Fils, au Saint-Esprit, dans les siècles des siècles, en la terre des vivants, alleluia, alleluia."



Paradis céleste. Legenda aurea. J. de Voragine. Anonyme. XVe.

Ainsi débutent les chants pour les morts au Missel mozarabe (In Missa defunctorum Officium (seu Introitus). Tu es portio mea, Domine, alleluia, in terra viventium, alleluia, alleluia.— V/. Educ de carcere animam meam ad comitendum nomini tuo : in terra viventium, alleluia, alleluia. — Gloria et honor Patri, et Filio, et Spiritui Sancto, in sa;cula saxulorum, amen : in terra viventium, alleluia, alleluia.). Les Grecs pareillement n'ont pas de mot qui revienne plus souvent que l'Alleluia dans l'Office des défunts (Goar, Nota 6a ad Officium Exsequiarum in Euchologio.). Or Grecs et Mozarabes ne font en cela qu'observer jusqu'à nos jours une coutume générale autrefois dans l'Eglise entière.

Saint Jérôme nous dit comment, à la mort de Fabiola, " tout le peuple romain rassemblé, les psaumes retentissaient éclatants, et le sublime Alléluia remplissant les temples ébranlait leurs toits d'or " (Hieron. ad Oceanum, de morte Fabiolae.).

Deux siècles plus tard, le récit des funérailles de sainte Radegonde par sa fille Baudonivie montre que, si des larmes soumises n'étaient pas interdites aux survivants et pouvaient parfois couler abondantes, l'usage des Gaules cependant ne différait pas en ce point de celui de Rome même (Baudonivia, Vita Radegundis, 28.).
C'est ce qu'atteste encore, pour les temps qui suivirent, le manuscrit de Reims cité par Dom Hugues Ménard en ses notes sur le Sacramentaire grégorien, et où l'on prescrit comme prélude aux prières de la sépulture le chant de l’In exitu Israël de Aegypto avec Alleluia pour Antienne.

Quand saint Antoine ensevelit au désert le corps de saint Paul ermite, le biographe de celui-ci nous raconte que, se conformant à la tradition chrétienne, Antoine chanta en la circonstance des hymnes aussi bien que des psaumes (Hieron. Vita S. Pauli primi eremitae, 16.). C'était bien la tradition chrétienne, en effet, universelle, identique sous tous les cieux.

Saint Jean Chrysostome constate lui aussi le fait, et il nous en donne l'explication :
" Dis moi ; ne sont-ce pas des vainqueurs que ces morts conduits par nous à la resplendissante lumière des flambeaux, au chant des hymnes ? Oui ; nous louons Dieu et lui rendons grâces : car, ce défunt, Il le couronne; Il a mis fin à son labeur ; Il le garde près de lui délivré de toute crainte. Ne cherche pas d'autre explication à ces hymnes, à ces psaumes : ils expriment la joie (Chrys. In epist. ad Hebr. Homil. IV.)."

Saint Denys ne parle pas autrement en son livre de la Hiérarchie ecclésiastique. Après avoir dit la joie du chrétien mourant qui voit approcher la fin de la lutte et l'éternelle sécurité (Dionys. De eccles. hierarch. Cap. VII, I, § 1, 2.) ; il ajoute :
" Les proches du défunt, ses proches en Dieu et dans la sainteté, le proclament bienheureux d'avoir vaincu enfin, et ils adressent des chants d'action de grâces au céleste auteur de la victoire. C'est en demandant pour eux-mêmes un sort semblable, qu'ils le conduisent à l'hiérarque, distributeur des saintes couronnes, auquel appartient d'accomplir les rites augustes ordonnés à l'égard de ceux qui se sont endormis dans le Seigneur (Ibid. § 3.)."

Suprêmes honneurs, autant que derniers devoirs rendus par l'Eglise à ses fils, et dont nous rappellerons demain quelques traits.


Paradis céleste. Bonaventura. Soliloquium de quattuor mentalibus exercitiis. XVe.

HYMNE

Nous emprunterons avec quelques Eglises les strophes suivantes au dixième Chant du Cathemerinon, qui déjà nous donnait hier l'Hymne mozarabe des morts.

" Cessez, lamentations ; mères, arrêtez vos larmes ; vous qui pleurez sur des enfants chéris, ne vous désolez pas : cette mort, c'est le renouvellement de la vie.

Que nous veulent dire ces marbres sculptés, ces splendides monuments, sinon que ce qu'ils gardent est, non pas mort, mais endormi ?

Ce corps que nous voyons gisant inanimé, encore un peu de temps, et il redeviendra le compagnon du principe spirituel qui est monté aux cieux.

Bientôt doit sonner l'heure où la vie, réchauffant ces ossements délaissés, les animant d'un sang fécond, y reprendra son premier séjour.

Inertes cadavres couchés dans la pourriture des tombeaux, voici qu'alertes comme l'oiseau ils s'élèveront dans les airs, associés aux mêmes âmes que jadis.

Ainsi reverdit la semence desséchée, morte elle aussi, ensevelie de même : elle sort de la glèbe où on l'avait enfouie, rappelant les épis d'autrefois.

Reçois maintenant, Ô terre, ce dépôt à ta garde laissé ; que ton sein lui soit doux : nous confions à tes profondeurs ces membres humains, noble dépouille, trésor sans prix.

Cette chair fut la demeure d'une âme créée par le souffle du Tout-Puissant ; le Christ fut son roi ; la Sagesse habita ces membres et leur communiqua sa divine chaleur.

Recouvre donc ce corps à toi confié : Il ne l'oubliera pas, Celui qui en fut l'auteur ; Il te le redemandera, ce trésor, avec les traits qu'Il y grava de Sa propre image.

Qu'ils viennent bientôt les temps promis où Dieu comblera toutes nos espérances ! Alors que s'ouvriront les tombes, il faudra que tu me rendes ce visage aimé qu'aujourd'hui je te livre.

Amen."


SÉQUENCE

Souvent assignée à d'autres fêtes, la Prose suivante, œuvre d'Adam de Saint-Victor, fut cependant elle aussi chantée en plusieurs lieux pour célébrer tous les Saints.

" Que l'Eglise d'ici-bas célèbre les joies de sa mère, l'Eglise des cieux ; que le retour des fêtes annuelles la porte à désirer les éternelles.

Que la mère prête secours à la fille en cette vallée de misère ; que les armées d'en haut nous aident à mener la bataille.

Le monde, la chair et les démons multiplient contre nous les combats ; quel assaut de spectres hideux ! La quiétude du cœur en est troublée.

Toute cette engeance a les jours de fête en horreur ; elle s'évertue d'un commun accord à faire disparaître la paix de la terre.

Ici tout est mélange confus d'espoir, de crainte, de tristesse et de joie : au ciel, à peine se fit, dit l'Apocalypse, une demi-heure de silence
(Apoc. VIII, 1.).

Que fortunée est cette cité où nulle fête ne prend fin ! Combien heureuse l'assemblée où tout souci est inconnu !

Là point de maladie, point de vieillesse ni de déclin ; point de tromperie, ni de crainte d'ennemis : mais concert unanime d'allégresse, unanime amour dans les cœurs.

Là sous leur triple hiérarchie, les Anges, habitants du ciel, se prosternent joyeux devant la trine et simple Unité qui gouverne le monde.

Ils admirent, sans se lasser , Dieu qu'ils contemplent ; ils jouissent de Lui, ne s'en rassasient pas, affamés qu'ils sont d'en jouir plus toujours.

Là sont nos pères, rangés dans l'ordre du mérite ; pour eux enfin toute ombre est tombée : dans la lumière ils voient la lumière
(Psalm. XXXV, 10.).

Ces saints dont la solennité se célèbre aujourd'hui, face à face maintenant, ils voient le Roi dans sa gloire.

Là resplendit la Reine des vierges, plus haut que tous les sommets : qu'elle daigne, auprès du Seigneur, excuser nos coupables chutes.

Par les suffrages des saints, que la grâce de Jésus-Christ nous conduise de la misère présente à leur état glorieux.

Amen."

lundi, 05 novembre 2007

Ve jour dans l'Octave de la Toussaint. Appelé aussi fête des Saintes reliques.

- Ve jour dans l'Octave de la Toussaint. Appelé aussi fête des Saintes reliques.


Âmes emmenées du purgatoire en paradis. Très riches heures du duc de Berry. XIVe.

On entend par Reliques des Saints tout ce qui reste d'eux après leur mort : leurs ossements, leurs cendres, leurs vêtements et autres objets à leur usage. Les protestants se sont avisés de condamner le culte des Reliques des Saints, comme emprunté aux coutumes païennes et n'ayant pas une origine apostolique. La décision du concile de Trente suffit pour montrer la fausseté et la perfidie de leurs raisons. Ce concile, en effet, a décrété contre eux que les corps des martyrs et autres Saints, qui ont été les membres vivants de Jésus-Christ et les temples du Saint-Esprit, doivent être honorés par les fidèles, et que, par eux, Dieu accorde un grand nombre de bienfaits aux hommes. Il fonde sa décision sur l'usage établi dès le Ier siècle et demeuré constant dans l'Église, ainsi que sur l'enseignement des Pères et des Conciles.

Le culte des saintes Reliques n'est donc pas seulement permis, mais ordonné ; il n'est pas seulement un droit, mais un devoir. Remarquons-le bien, le culte des reliques diffère des pratiques païennes parce qu'il est surnaturel ; nous n'honorons pas les restes des Saints pour des motifs puisés dans la nature ; mais pour des motifs puisés dans la foi. Qu'on honore la mémoire et les restes des grands hommes dignes de ce nom, c'est justice ; mais qu'on honore la mémoire et les restes des Saints c'est plus que justice, c'est oeuvre de religion, et l'objet final du culte des saintes Reliques, c'est Dieu sanctifiant les Saints, c'est Jésus-Christ, dont les saints sont les membres.

Ce culte est si légitime, que Dieu souvent ordinairement même, glorifie Lui-même les Reliques de Ses Saints par des parfums célestes, par d'autres merveilleux privilèges, par d'innombrables miracles. Ajoutons à cela que le culte des saintes Reliques a aussi son fondement dans la résurrection glorieuse qui attend les corps des Saints ; ces restes, Dieu les recueillera Lui-même à la fin du monde et leur donnera tout l'éclat et toute la beauté dont ils sont susceptibles.

Vénérons donc avec respect, dévotion, confiance, ces Reliques précieuses, qui furent autrefois animées par de grandes âmes, ont été les instruments de belles et saintes oeuvres, d'étonnantes vertus, et seront un jour honorées d'une brillante et immortelle gloire. Aimons les pèlerinages aux tombeaux des saints, célébrons religieusement la fête des saintes Reliques, qui suit avec tant d'à-propos la fête de la Toussaint, fête des saintes âmes qui sont au Ciel.

Extraits de l'Année litugique de dom Prosper Guéranger.



Sainte Couronne d'épine. Conservée au Trésor de Notre-Dame de Paris et anciennement à la Sainte Chapelle.

Et l’Esprit et l'Epouse disent : " Venez. Que celui qui écoute dise aussi : Venez " (Apoc. XXII, 17.)
" Oui ; je viendrai bientôt " (Ibid. 20.).
" Amen ! Venez Seigneur Jésus " (Ibid.).

Sans négliger de faire monter vers l'Eglise triomphante l'hommage de nos chants, sans cesser d'apporter nos suffrages à l'Eglise souffrante, n'omettons pas de considérer l'Eglise militante, en ces jours où l'évolution du Cycle sacré nous la montre à la veille d'achever son œuvre sur terre.

Modèle de ses fils, c'est surtout à l'heure où finira notre pèlerinage d'ici-bas qu'il convient que son attitude soit la nôtre. Or le dialogue précité, qui terminera l'histoire du monde, fait assez voir les sentiments auxquels dès maintenant l'Esprit la dispose en prévision du moment suprême.

Comme sont brisés dans l'homme, par la souffrance de ses derniers jours, les liens qui le retenaient à la vie des sens ; de même, si violemment qu'elle en doive être heurtée, les dernières convulsions sociales auront pour résultat de dégager l'Eglise des entraves d'un monde qu'elle devra renoncer à disputer davantage à la ruine.

Et c'est pourquoi rendue au libre essor, si l'on peut dire ainsi, de sa spontanéité native, elle se consumera de l'unique désir qu'avaient, semblait-il, comprimé les siècles, maintenu à l'arrière-plan tant de labeurs ; elle n'aura plus qu'un mot : " Venez !" Et dans le cataclysme où, le soleil obscurci, la lune refusant sa lumière, les vertus des cieux seront ébranlées (Matth. XXIV, 29.), elle tressaillira, n'ignorant point qu'au milieu de cette nuit-là même va retentir le cri : " Voici l'Epoux (Ibid. XXV, 6.) !"

Que celui donc qui écoute, que chacun de nous dise aussi : " Venez !" Si nous aimons le Seigneur, si l'on doit reconnaître en nous les membres de son Eglise bien-aimée, justifions ce beau titre, en ne voyant que par les yeux de l'Eglise, en n'appréciant que par son cœur toutes choses et, plus que tout, la mort : dans le suprême passage saluons, pour les nôtres et pour nous, l'entrée des noces éternelles. Nous le savons : à qui veut loyalement le Seigneur, le Seigneur ne saurait manquer ; fallût-il, par delà cette vie, solder à sa justice quelques dettes encore, rectifier l'un ou l'autre détail de parure avant de nous asseoir au banquet des cieux, le béni passage n'en donne pas moins sans nul retard et de plain-pied, pour tous les justes, accès dans l'impeccabilité, dans la sécurité de l'amour à jamais sauf.

Comme nous le verrons, c'est bien ainsi que l'entendaient nos pères.

SEQUENCE


Dessin d'un reliquaire destiné à recevoir la Sainte Couronne d'épines. Viollet-Le-Duc. XIXe.

Les Eglises de France, de Suisse, d'Angleterre avaient, en grand nombre, fait choix de cette Séquence pour chanter les Saints.

" Au Christ glorieux nos blanches phalanges adressent leurs chants dans cette fête auguste, célébrant tous les Saints.

Que notre voix nomme Marie la première : par elle la vie nous fut conquise. Mère et vierge, Ô notre Reine, délivrez-nous par votre Fils des liens de nos péchés.

Que tous les Anges et les Archanges, leurs glorieux princes, toutes fautes effacées, nous disposent à goûter les surhumaines délices des cieux.

Vous qui, héraut du Christ et son flambeau, fûtes prophète et plus que prophète, conduisez-nous dans le chemin de la lumière et purifiez-nous.

Prince des Apôtres, avec tout le collège sacré, affermissez pour toujours les cœurs du peuple chrétien dans la véritable doctrine.

Illustre Etienne à la couronne resplendissante, vaillante armée des saints Martyrs, donnez-nous l'intrépidité des cœurs et des corps pour abattre l'ennemi sous les traits de notre foi sainte.

Glorieux Martin, dans l'assemblée des saints Pontifes, en ce jour, à cette heure, agréez bénignement nos humbles prières.

Reine des Vierges, et incomparablement la plus grande, vous êtes mère et la souillure ne vous atteint pas, vous êtes vierge et portez votre fruit ; pour le Seigneur la pureté est sacrée : gardez purs nos âmes et nos corps.

Que les Moines parleurs pieux suffrages, que tous les ordres des Saints par leurs prières assidues, gouvernent nos temps ; qu'ils nous conduisent par delà ce monde aux joies non menteuses.

Amen !"


HYMNE


Fresque de la chapelle haute de la Sainte Chapelle. Paris.

Le dixième Chant du Cathemerinon de Prudence fournit l'Hymne qui suit à l'Office mozarabe des Vêpres des morts.

" Source embrasée des âmes, Ô Dieu, c'est dans l'union de deux principes, immortel et mortel, que Vous fîtes l'homme, en Vous nommant son Père.

Tous les deux sont à Vous, bien à Vous, Ô Seigneur suprême : comme par Vous leur union s'accomplit, c'est pour Vous qu'elle subsiste et qu'ils vivent, c'est Vous que servent ensemble l'esprit et la chair.

S'ils se séparent, l'homme se dissout et il meurt : le corps retourne au terrestre limon ; L'âme subtile est emportée vers les cieux.

C'est une nécessité que toute créature se débilite et qu'elle vieillisse enfin, que l’assemblage se disjoigne, que l'union d'éléments dissonants ne dure pas.

De là les soins si grands donnés aux tombeaux, et le suprême honneur rendu à ces membres inanimés qu'exalte la pompe des funérailles.

Ainsi veut que soit fait, en vue de l'avenir, la piété des disciples du Christ : elle croit que revivront soudain tous ces corps plongés maintenant dans le glacial sommeil.

Quiconque pieusement recouvre de terre ces dépouilles humaines que la mort disperse en tous lieux, celui-là fait oeuvre de miséricorde, œuvre que bénit comme faite à lui-même le Christ tout-puissant.

La commune loi nous avertit assez qu'un même douloureux sort étant ici celui de tous, la mort d'un étranger doit comme celle de nos proches attendrir nos coeurs.

Mais nous nous attachons à Vos paroles, Ô Rédempteur, quand, terrassant la sombre mort, Vous mander au compagnon de votre croix, au larron*, de Vous suivre.

Voici qu'enfin s'ouvre devant Vos fidèles la voie brillante qui mène au paradis sans bornes ; voici qu'à l'homme est rendu l'accès du jardin de délices dont le serpent l'avait fait exclure.

Ô Guide très bon, Recevez ma prière : cette âme Votre servante, ordonnez que, par Vous sanctifiée, elle rentre en ce séjour originel qu'elle avait quitté pour l'exil et ses égarements.

Et c'est pourquoi aussi, souvenez-Vous, ô Dieu, des âmes dont nous faisons mémoire à cette heure : Faites, nous Vous en supplions, que purifiées de leurs souillures, elles échappent aux brasiers d'enfer.

Honneur soit à Vous, source de miséricorde ! Louange, gloire, puissance souveraine au Père, au Fils, au Dominateur qui régit l'univers : un seul Dieu.

Amen."


*. " Hodie mecum eris in paradiso."