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mardi, 26 novembre 2024

26 novembre. Saint Pierre, patriarche d'Alexandrie, martyr. 310-311.

- Saint Pierre, patriarche d'Alexandrie, martyr. 310-311.

Pape : Saint Eusèbe. Empereur romain d'Orient : Galère. Empereur romain d'Occident : Licinius.

" Ce saint a combattu jusqu'à la mort pour la loi de son Dieu, et n'a point craint les menaces des impies ; car il était fondé sur la pierre ferme."
Antienne.
 

Maximin Daïa persécutant les Chrétiens.
Speculum historiale. V. de Beauvais. XVe.

Saint Pierre succéda à saint Théonas (23 août) vers l'été de l'an 300 comme évêque d'Alexandrie, et mourut martyr de la grande persécution, très probablement le 25 novembre 311. Il aurait versé son sang le dernier, et c'est pour cela qu'on l'appela en Orient le " sceau des martyrs ".

Eusèbe, dans son Histoire ecclésiastique, nous dit :
" Après Théonas qui avait servi 19 ans, Pierre reçoit la succession de l'épiscopat sur Alexandrie ; il se distingue lui aussi pendant 12 années entières. Avant la persécution, il dirigea cette Église pendant 3 ans ; le reste de sa vie, il le passe dans des exercices assez durs et pourvoit, sans se cacher, au bien général des Églises. C'est pourquoi, la IXe année de la persécution, il a la tête coupée et il est paré de la couronne du martyre... " (L. 7, c. 32, 31.).

" Parmi ceux qui moururent glorieusement à Alexandrie, dans toute l'Égypte et la Thébaïde, il faut citer en premier lieu Pierre, l'évêque de cette Alexandrie, l'un de ces docteurs divins de la piété Chrétienne..." (L. 8, c. 13, 7.).
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Vision de saint Pierre d'Alexandrie. VIIe.
Eglise Comblée d'Ivanovo. Bulgarie.

" Pierre présidait très brillamment aux Églises d'Alexandrie, l'un de ces évêques divins par sa vie vertueuse et ses exercices dans les paroles sacrées. Sans nul motif, il est appréhendé contre toute attente ; subitement, sans jugement, comme sur ordre de Maximin, il est décapité. Avec lui, plusieurs évêques d'Égypte subissent même traitement." (L. 9, c. 6, 2.).

Saint Jérôme, dans sa traduction de la Chronique d'Eusèbe, note qu'il aurait été le XVIe évêque d'Alexandrie. On trouve aussi des indications précieuses dans saint Athanase (Apol. c. Ar., § 59 ; Ep. ad episc., § 22.) et saint Épiphane (Adv. haer., 63.).

En dehors de ces textes trop brefs, la documentation est d'allure légendaire. Par exemple, vers la fin du Xe siècle, dans l'Histoire des patriarches d'Alexandrie, Sévère Ibn al Moqaffa, évêque d'El-Eschmounein (Haute-Égypte), nous conte que Pierre, après avoir banni Arius, fut emprisonné. Mais tous les fidèles d'Alexandrie voulaient mourir avant lui.

La femme d'un apostat nommé Socrate, qui vivait à Antioche, tenait absolument à se rendre à Alexandrie pour faire baptiser ses enfants. Socrate refusait. Elle s'embarqua malgré tout avec ses deux fils. Éclate une tempête. La vaillante Chrétienne se fait une incision au sein droit et avec 3 gouttes de son sang elle trace une croix sur le front et le coeur de ses petits, puis elle les baptise dans l'eau salée en prononçant les paroles sacramentelles, et les embrasse. On atteint enfin Alexandrie. Elle présente ses garçons au baptême. Mais l'eau du baptistère, pour eux, se congèle subitement. Pierre s'informe, et conclut que le Ciel a ratifié le baptême maternel.
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Saint Pierre d'Alexandrie en prison.
Martyre de saint Pierre d'Alexandrie.
Speculum historiale. V. de Beauvais. XVe.

Arius est de nouveau repoussé par Pierre, qui est décapité dans sa prison, à travers un trou dans le mur.

Un autre épisode (une vision) que l'on trouve d'abord dans la Passion grecque - du Ve siècle ? - éditée par Viteau, est intéressant parce qu'il a inspiré des artistes byzantins. Pierre est censé parler :
" Je vis un enfant entrer par la porte de cette cellule. Il avait environ 12 ans. Son visage brillait d'un tel éclat que toute la pièce en était éclairée. Il portait un colobium de lin, mais déchiré du cou jusqu'aux pieds ; des 2 mains il en serrait les morceaux sur la poitrine, et couvrait ainsi sa nudité. A cette vue, tout effrayé, je dis :
" Seigneur, qui t'a déchiré ta tunique ?"
Il répondit :
" Arius m'a tout déchiré. Attention ! ne l'admets pas à ta communion. On fera des démarches en sa faveur, ne te laisse pas influencer... Toi, tu es appelé au martyre."

Arius étant le grand hérésiarque du IVe siècle, la légende a fait de lui le grand adversaire de Pierre. Mais c'est Mélèce que Pierre combattit. Mélèce, évêque de Lycopolis, en Haute-Égypte, venait le premier après l'évêque d'Alexandrie. Dès 305 (?), il se permit d'intervenir en maître dans les territoires de quatre évêques emprisonnés et de Pierre, qui était très gêné par la persécution. Sans tenir compte d'une protestation collective des quatre prisonniers, Mélèce se rendit à Alexandrie et substitua ses créatures aux délégués de Pierre. Celui-ci défendit au peuple de communier avec Mélèce, et annonça un synode pour connaître de cette affaire. Mélèce s'installa dans le schisme.

En 306 (?), Pierre écrivit une circulaire pleine de charité concernant les Chrétiens qui avaient plus ou moins renié leur foi durant la persécution. Mélèce se posa en rigoriste. Et pourtant, au dire de saint Athanase, il avait faibli au début de la tourmente. Le conflit entre indulgence et rigueur sévissait jusqu'en prison, jusque dans les mines où les Chrétiens étaient mis aux travaux forcés. Mélèce, Pierre se retrouvaient, avec des clercs, sous les verrous.
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Cathédrale d'Alexandrie.

Saint Épiphane nous raconte que Pierre, au milieu de la prison, étendit par terre un manteau qui lui servait de couverture, et fit crier par un diacre :

" Ceux qui pensent comme moi, qu'ils passent de mon côté ! Ceux qui pensent comme Mélèce, qu'ils passent du côté de Mélèce !"

Le grand nombre fut pour Mélèce.

Au printemps de 311, un édit de Galère libéra les captifs, mais bientôt Maximin Daïa reprit la persécution. Le 25 novembre, Pierre fut décapité. Malheureusement, son oeuvre écrite a péri en très grande partie. Il fut l'adversaire des idées d'Origène, condamna la préexistence des âmes et l'interprétation allégorique de la Genèse. Il n'admettait pas le subordinatianisme.

Le corps de Pierre fut porté non à un tombeau isolé, mais dans un cimetière suburbain. Le bréviaire syriaque a placé la mention de Pierre au 24 novembre. Le martyrologe hiéronymien au 25. Le synaxaire copte au 25. Le martyrologe syriaque de Rabban Sliba (XIVe siècle) l'offre aux 28 octobre, 19 novembre, 20 décembre ; au 29 mai, il a le " couronnement de Pierre qui fut libéré à travers le mur défoncé ".
 
Un papyrus d'Oxyrhynque en Égypte pour l'an 535-536 l'indique au 28 décembre. Rufin (Hist. eccl. d'Eusèbe, 10, 15 = P. L., t. 21, col. 487 A.) note qu'on célébrait la fête de Pierre à Alexandrie sous l'évêque Alexandre (312-328), et Sozomène (Hist. eccl., 2, 17.) dit que le martyr avait en cette ville une panégyrie ou assemblée " officielle et très brillante ". A Antioche on chantait une hymne en son honneur. L'éloge élaboré par Bède d'après Rufin-Eusèbe, transmis par Usuard, a été déplacé dans le martyrologe romain du 25 au 26 à cause de sainte Catherine.

Dans l'iconographie, notre Pierre, avec sa barbe ronde, ressemble fort à son homonyme le grand apôtre. La vision de Jésus au vêtement déchiré a été peinte plus d'une fois. A Mistra (région du Taygète, dans le Péloponnèse), l'artiste a pris soin d'écrire auprès de Jésus les paroles que lui prête la légende " Arius m'a dépouillé ".

Ici, le Sauveur est un bel adolescent un peu grêle : sa posture rappelle l'Apollon de Cassel. En Serbie, c'est un tout petit enfant qui apparaît sur l'autel, un Ange en diacre lève sur lui le ripidion (un éventail au long manche) en usage avant et après l'épiclèse (cf. Fr.-J. Moreau, Liturgies euchar., 1924, p. 100, 144-145.).

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26 novembre. Saint Jean Berchmans, jésuite. 1621.

- Saint Jean Berchmans, jésuite. 1621.

Papes : Paul V (+1621) ; Grégoire XV. Roi de France : Louis XIII.

" Plutôt mourir que de transgresser la moindre règle."
Saint Jean Berchmans.


Saint Jean Berchmans. Imagerie populaire.

Ce jeune Saint, patron des novices, naquit à Diest le 13 mars 1599, dans le diocèse de Brabant, en Belgique. De condition modeste, les parents de saint Jean Berchmans étaient profondément chrétiens. Une atmosphère de piété, de foi et de pureté angélique régnait dans leur foyer. C'est au sanctuaire de Notre-Dame de Montaigu que le pieux enfant fit le voeu de chasteté perpétuelle.

A l'âge de seize ans, une charité anonyme lui permit d'entrer au collège des Jésuites de Malines. En lisant les écrits du bienheureux Pierre Canisius et la vie de saint Louis de Gonzague mort vingt-cinq ans auparavant, Jean Berchmans se sentit attiré vers la Compagnie de Jésus. Il obtint difficilement le consentement de son père qui fondait sur lui ses plus belles espérances.

Entré au noviciat de Malines, Jean s'y distingua par sa grande fidélité à observer la Règle et par une singulière amabilité de caractère. Dans le procès de sa canonisation, les témoins ont déclaré ne jamais l'avoir vu enfreindre une seule de ses Règles. Accomplir les actions communes d'une manière non commune, telle fut la ligne de conduite à laquelle le saint novice demeura toujours fidèle.

Son exercice le plus cher était de faire le catéchisme aux petits enfants pauvres. A son édifiante piété, il alliait une gaîté qui charmait tous ceux qui avaient quelques rapports avec lui. Sa charité prévenante, son caractère doux et enjoué, sa fidélité absolue à toutes les exigences de la Règle le firent surnommer par les novices l'Ange de la maison et le Saint joyeux. Celui qui avait écrit :
" Si je ne deviens pas un saint maintenant que je suis jeune, je ne le serai jamais ", poursuivit son idéal de sainteté en vivant chaque journée dans un total abandon à Dieu.


Autel de la Vierge de l'Annonciation et de Saint Jean Berchmans.
Filippo della Valle & Andrea Pozzo. Eglise du Gesu. Rome.

Sa confiance en Marie était sans limite. " Mon frère, confia-t-il un jour à un religieux, dès que j'ai songé à m'avancer dans la perfection, j'ai posé pour fondement de mon édifice, l'amour de la Reine du Ciel..."
Devenu veuf, son père entra dans les Ordres et fut ordonné prêtre; vers le même temps, saint Jean Berchmans prononça les voeux traditionnels d'obéissance, pauvreté et chasteté.

Ses supérieurs l'envoyèrent à Rome à pied, en compagnie d'un confrère, pour y compléter ses études. Arrivé au collège romain, le saint religieux occupa la chambre de saint Louis de Gonzague. Saint Jean Berchmans imita ses vertus tout en se montrant moins austère et plus gracieux. L'étude de la philosophie et des mathématiques à laquelle il s'appliqua ne diminua en rien sa ferveur angélique.

C'est à Rome que sonna son départ pour le ciel, à l'âge de vingt-deux ans et cinq mois.
" C'est une mort toute divine, mes remèdes n'y peuvent rien ", affirmait le médecin impuissant. Saint Jean Berchmans reçut les derniers sacrements avec une indescriptible ferveur. Avant de quitter la terre, le Saint eut à subir une dernière épreuve: le démon l'assaillit à deux reprises à l'article de la mort.


Saint Jean Berchmans. Imagerie populaire.

Le pieux moribond serra son crucifix dans ses mains défaillantes, son chapelet et son livre des Règles :
" Voici mes armes, dit-il, avec ces trois trésors, je me présenterai joyeusement devant Dieu."

Il renouvela ses voeux de religion et recouvra la paix. Prononçant les noms bénis de Jésus et de Marie, saint Jean Berchmans s'endormit paisiblement dans le Seigneur. Le vendredi 13 août 1621, la cloche du collège romain annonçait le départ de cet ange terrestre pour les demeures éternelles. Léon XIII l'a canonisé le 15 janvier 1888.

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lundi, 25 novembre 2024

25 novembre. Sainte Catherine d'Alexandrie, vierge et martyre. 311.

- Sainte Catherine d'Alexandrie, vierge et martyre, patronne des écoliers et des philosophes. 311.

Papes : Saint Eusèbe Ier (+310) ; saint Miltiade. Empereur romain : Maxence.

" Nous vous saluons, Ô Catherine, perle des vierges ; nous vous saluons, glorieuse épouse du Roi des rois. Nous vous saluons, hostie vivante du Christ ; ne refusez pas vos suffrages à ceux qui implore votre protection."
Antienne de la liturgie dominicaine.


Sainte Catherine d'Alexandrie. Carlo Crivelli. XIVe.

Catherine vient de catha, qui signifie universel, et de ruina, ruine, comme si on disait ruine universelle : en effet, dans elle, l’édifice du diable fut entièrement ruiné, savoir :
- l’orgueil, par l’humilité qu'elle posséda ;
- la concupiscence de la chair, par la virginité qu'elle conserva ;
- la cupidité mondaine ; par le mépris qu'elle eut pour toutes les vanités du monde.

Ou bien Catherine, vient de chaînette, catena : car par ses bonnes œuvres, elle se fit comme une chaîne au moyen de laquelle elle monta au ciel. Et cette chaîne ou échelle est formée de quatre degrés qui sont l’innocence d'action, la pureté du coeur, le mépris de la vanité, et le langage de la vérité, degrés que le prophète a disposés par ordre quand il dit :
" Qui est-ce qui montera sur la montagne du Seigneur ?... Ce sera, répond-il, celui dont les mains sont innocentes, et qui a le coeur pur, qui n'a point pris son âme en vain, et qui n'a pas fait de faux serments contre son prochain." (Ps. XXIII.).
Ces quatre degrés ont existé dans sainte Catherine, ainsi qu'on le voit dans sa légende.


Sainte Catherine d'Alexandrie. Lorenzo Lotto. XVe.

Gertrude la Grande avait eu dès l'enfance un attrait spécial pour la glorieuse vierge Catherine ; un jour qu'elle désirait connaître ses mérites, le Seigneur la lui montra sur un trône si haut et si magnifique, que, n'y eût-il pas eu de plus grande reine dans le ciel, la gloire de celle-ci aurait semblé suffire à le remplir ; de sa couronne rejaillissait sur ceux qui l'honoraient une merveilleuse splendeur (Legatus divinae pietatis, IV, LVII.). On sait comment la Pucelle d'Orléans, placée par saint Michel Archange sous la conduite des saintes Catherine et Marguerite, reçut d'elles conseil et assistance durant sept années ; comment Sainte-Catherine-de-Fierbois fournit l'épée de la libératrice de la France

Les croisés d'Occident avaient, dans les XIIe et XIIIe siècles, éprouvé l'aide puissante de la Martyre d'Alexandrie ; ils rapportèrent d'Orient son culte en nos contrées, où lui fut vite acquise une popularité sans pareille. Un Ordre de chevalerie était fondé pour protéger les pèlerins qui allaient vénérer son saint corps au Mont Sinaï. Sa fête, élevée à la dignité de la première classe, comportait l'abstention des œuvres serviles en beaucoup d'églises.

Sainte Catherine avec la palme du martyre, l'épée et la roue,
instruments de son supplice.
Grandes heures d'Anne de Bretagne. Jean Bourdichon. XVIe.

Les philosophes chrétiens, les écoliers, les orateurs et procureurs l'honoraient comme patronne. Le doyen des avocats fut appelé bâtonnier en raison du privilège qui lui appartenait de porter sa bannière. Les jeunes filles, organisées en confréries de Sainte-Catherine, estimaient à grand honneur le soin d'orner l'image de leur Sainte vénérée.

Comptée parmi les saints auxiliateurs à titre de sage conseillère, elle voyait beaucoup d'autres corporations se réclamer d'elle, sans autre motif plausible que l'expérience faite par tous de son crédit universel auprès du Seigneur. Ses fiançailles avec le divin Enfant, d'autres traits de sa Légende, fournirent à l'art chrétien d'admirables inspirations.

Cependant le sage et pieux Baronius regrettait déjà de son temps que, sur quelques points, les Actes de la grande Martyre d'Orient donnassent prise aux doutes dont devait s'emparer la critique outrée des siècles suivants pour amoindrir la con fiance des peuples (Baron. Annal, ad ann. 307.). Au grand honneur de la virginité chrétienne, il n'en reste pas moins qu'acclamée par élèves et maîtres en la personne de Catherine, elle présida dans la vénération et l'amour au développement de l'esprit humain et de la pensée, durant ces siècles où resplendirent comme des soleils les Albert le Grand, les Thomas d'Aquin, les Bonaventure :
" Heureux les purs de cœur ! Car ils verront Dieu." (Matth. V, 8.).
" Il faut, disait Méthodius, l'évêque martyr du IVe siècle, en son Banquet des vierges, il faut que la vierge aime d'amour les saines doctrines, et qu'elle tienne une place honorable parmi ceux que distingue leur sagesse." (Method. Conviv. Oratio I, 1.).


Sainte Catherine d'Alexandrie. Francesco di Cenni. Florence. XIVe.

Sainte Catherine, fille du roi Costus, fut instruite dans l’étude de tous les arts libéraux. L'empereur Maxence avait convoqué à Alexandrie les riches aussi bien que les pauvres, afin de les faire tous immoler aux idoles et pour punir les chrétiens qui ne le voudraient pas. Alors, Catherine, âgée de 18 ans, était restée seule dans un palais plein de richesses et d'esclaves ; elle entendit les mugissements des divers animaux et les accords des chanteurs ; elle envoya donc aussitôt un messager s'informer de ce qui se passait. Quand elle l’eut appris, elle s'adjoignit quelques personnes, et se munissant du signe de la croix, elle quitta le palais et s'approcha.

Alors elle vit beaucoup de chrétiens qui, poussés par la crainte, se laissaient entraîner à offrir des sacrifices. Blessée au coeur d'une profonde douleur, elle s'avança courageusement vers l’empereur, et lui parla ainsi :
" La dignité dont tu es revêtu, aussi bien que la raison exigeraient de moi de te faire la cour, si tu connaissais le créateur du ciel, et si tu renonçais au culte des dieux."
Alors debout devant la porte du temple, elle discuta avec l’empereur, à l’aide des conclusions syllogistiques, sur une infinité de sujets qu'elle considéra au point de vue allégorique, métaphorique, dialectique et mystique. Revenant ensuite à un langage ordinaire, elle ajouta :
" Je me suis attachée à t'exposer ces vérités comme à un savant : or, maintenant pour quel motif as-tu inutilement rassemblé cette multitude afin qu'elle adorât de vaines idoles ? Tu admires ce temple élevé par la main des ouvriers ; tu admires des ornements précieux que le vent envolera comme de la poussière. Admire plutôt le ciel et la terre, la mer et tout ce qu'ils renferment, admire les ornements du ciel, comme le soleil, la lune et les étoiles : admire leur obéissance, depuis le commencement du monde jusqu'à la fin des temps ; la nuit et le jour, ils courent à l’Occident pour revenir à l’Orient, sans se fatiguer jamais : puis quand tu auras remarqué ces merveilles, cherche et apprends quel est leur maître ; lorsque, par un don de sa grâce, tu l’auras compris et que tu n'auras trouvé personne semblable à lui, adore-le, glorifie-le : car il est le Dieu des dieux et le Seigneur des seigneurs."
Quand elle lui eut exposé avec sagesse beaucoup de considérations touchant l’incarnation du Fils, l’empereur stupéfait ne sut que lui répondre. Enfin revenu à lui :
" Laisse, Ô femme, dit-il, laisse-nous terminer le sacrifice, et ensuite nous te répondrons."


Sainte Catherine confondant l'empereur Maximin par sa science.
Heures à l'usage d'Autun. XVe.

Il commanda alors de la mener au palais et de la garder avec soin ; il était plein d'admiration pour sa sagesse et sa beauté. En effet elle était parfaitement bien faite, et son incroyable beauté la rendait aimable et agréable à tous ceux qui la voyaient. Le César vint au palais et dit à Catherine :
" Nous avons pu apprécier ton éloquence et admirer ta prudence, mais occupés à sacrifier aux dieux, nous n'avons pu comprendre exactement tout ce que tu as dit : or, avant de commencer, nous te demandons ton origine."
A cela Catherine répondit :
" Il est écrit : " Ne te loues pas ni ne te déprécies toi-même ", ce que font les sots que tourmente la vaine gloire. Cependant j'avoue mon origine, non par jactance, mais par amour pour l’humilité. Je suis Catherine, fille unique du roi Costus. Bien que née dans la pourpre et instruite assez à fond dans les arts libéraux, j'ai méprisé tout pour me réfugier auprès du Seigneur Jésus-Christ. Quant aux dieux que tu adores, ils ne peuvent être d'aucun secours ni à toi, ni à d'autres. Oh ! Qu'ils sont malheureux les adorateurs de pareilles idoles qui, au moment où on les invoque, n'assistent pas dans les nécessités, ne secourent pas dans la tribulation et ne défendent pas dans le péril !"
Le roi :
" S'il en est ainsi que tu le dis, tout le monde est dans l’erreur, et toi seule dis la vérité : cependant toute affirmation doit être confirmée par deux ou trois témoins. Quand tu serais un ange, quand tu serais une puissance céleste, personne ne devrait encore te croire ; combien moindre encore doit être la confiance en toi, car tu n'es qu'une femme fragile !"
Sainte Catherine :
" Je t'en conjure, César, ne te laisse pas dominer par ta fureur ; l’âme du sage ne doit pas être le jouet d'un funeste trouble, car le poète a dit : " Si l’esprit te gouverne, tu seras roi, si c'est le corps, tu seras esclave."
L'empereur :
" Je m’aperçois que tu te disposes à nous enlacer dans les filets d'une ruse empoisonnée, en appuyant tes paroles sur l’autorité des philosophes."

Alors l’empereur, voyant qu'il ne pouvait lutter contre la sagesse de Catherine, donna des ordres secrets pour adresser des lettres de convocation à tous les grammairiens et les rhéteurs afin qu'ils se rendissent de suite au prétoire d'Alexandrie, leur promettant d'immenses présents, s'ils réussissaient à l’emporter par leurs raisonnements sur cette vierge discoureuse.


Sainte Catherine et les philosophes. Vie de sainte Catherine. Pays-Bas. XVe.

On amena donc, de différentes provinces, cinquante orateurs qui surpassaient tous les mortels dans tous les genres de science mondaine. Ils demandèrent à l’empereur, pourquoi ils avaient été convoqués de si loin ; le césar leur répondit :
" Il v a parmi nous une jeune fille incomparable par son bon sens et sa prudence ; elle réfute tous les sages, et affirme que tous les dieux sont des démons. Si vous triomphez d'elle, vous retournerez chez vous comblés d'honneurs."
Alors l’un d'eux plein d'indignation répondit avec colère :
" Oh ! La grande détermination d'un empereur, qui, pour une discussion sans valeur avec une jeune fille, a convoqué les savants des pays les plus éloignés du monde, quand l’un de nos moindres écoliers pouvait la confondre de la façon la plus leste !"
L'empereur dit :
" Je pouvais la contraindre par la force à sacrifier, ou bien l’étouffer dans les supplices ; mais j'ai pensé qu'il valait mieux qu'elle restât tout à fait confondue par vos arguments."

Ils lui dirent alors :
" Qu'on amène devant nous la jeune fille et que, convaincue de sa témérité, elle avoue n'avoir jusqu'ici jamais vu des savants."

Mais la vierge ayant appris la lutte à laquelle elle était réservée, se recommanda toute à Dieu ; et voici qu'un ange du Seigneur se présenta devant elle et l’avertit de se tenir ferme, ajoutant que non seulement elle ne pourra être vaincue par ses adversaires, mais qu'elle les convertira et qu'elle leur frayera le chemin du martyre. Ayant donc été amenée devant les orateurs, elle dit à l’empereur :
" Est-il juste que tu opposes une jeune fille à cinquante orateurs auxquels tu promets des gratifications pour la victoire, tandis que tu me forces à combattre sans m’offrir l’espoir d'une récompense ? Cependant, pour moi, cette récompense sera Notre Seigneur Jésus-Christ : qui est l’espoir et la couronne de ceux qui combattent pour lui."


Sainte Catherine avec la palme du martyre, l'épée et la roue,
instruments de son supplice. Bréviaire à l'usage de Paris. XVe.

Alors les orateurs ayant avancé qu'il était impossible que Dieu se fît homme et souffrît, la vierge montra que cela avait été prédit même par les Gentils. Car Platon établit que Dieu est un cercle, mais qu'il est échancré. La sybille a dit aussi : " Bienheureux est ce Dieu qui est suspendu au haut du bois ".

Or, comme la vierge discutait avec la plus grande sagesse contre les orateurs qu'elle réfutait par des raisons évidentes, ceux-ci, stupéfaits, et ne sachant quoi répondre, furent réduits à un profond silence. Alors l’empereur, rempli contre eux d'une grande fureur, se mit à leur adresser des reproches de ce qu'ils s'étaient laissé vaincre si honteusement par une jeune fille.
L'un d'eux prit la parole et dit :
" Tu sauras, empereur, que jamais personne n'a pu lutter avec nous, sans qu'il n'eût été vaincu aussitôt : mais cette jeune fille, dans laquelle parle l’esprit de Dieu, a tellement excité notre admiration, que nous ne savons, ni n'osons absolument dire un mot contre le Christ. Alors, prince, nous avouons fermement que si tu n'apportes pas de meilleurs arguments en faveur des dieux que nous avons adorés jusqu'à présent, nous voici disposés à nous convertir tous à la foi chrétienne."

Le tyran, entendant cela, fut. outré de colère et ordonna de les faire brûler tous au milieu de la ville. Mais la vierge les fortifia, et leur inspira la constance du martyre ; puis elle les instruisit avec soin dans la foi. Et comme ils regrettaient de mourir sans le baptême, la vierge leur dit :
" Ne craignez rien, car l’effusion de votre sang vous tiendra lieu de baptême et de couronne."
Après qu'ils se furent munis du signe de la croix, on les jeta dans les flammes, et ils rendirent leur âme au Seigneur : ni leurs cheveux, ni leurs vêtements ne furent aucunement atteints par le feu. Quand ils eurent été ensevelis par les chrétiens, le tyran parla à la vierge en ces termes :
" Ô vierge généreuse, ménage ta jeunesse ; après la reine, tu tiendras le second rang dans mon palais ; ta statue sera élevée au milieu de la ville ; et tu seras adorée de tous comme une déesse."
La vierge lui répondit :
" Cesse de parler de choses qu'il est, criminel même de penser, je me suis livrée au Christ comme épouse : il est ma gloire, il est mon amour, il est ma douceur, et l’objet de ma tendresse ; ni les caresses, ni les tourments ne pourront me faire renoncer à son amour."


Sainte Catherine d'Alexandrie. Psautier cistercien. XIIIe.

Alors l’empereur furieux la fit dépouiller et fouetter avec des cordes garnies de fers tranchants (scorpions) ; puis quand elle eut été broyée, il ordonna de la traîner dans une prison obscure où elle devrait, pendant douze jours, souffrir le supplice de la faim.

Des affaires pressantes ayant appelé l’empereur hors du pays, l’impératrice, qui s'était éprise d'une vive affection pour Catherine, vint en toute hâte la trouver en son cachot, au milieu de la nuit, avec le général des armées, nommé Porphyre. A son entrée, l’impératrice vit la prison resplendissante d'une clarté ineffable, et des anges qui pansaient les plaies de la vierge. Alors Catherine commença à lui vanter les joies éternelles, et quand elle l’eut convertie à la foi, elle lui prédit qu'elle obtiendrait la couronne du martyre. Elles prolongèrent ainsi leur entretien jusqu'à une heure avancée de la nuit.
 
Porphyre, ayant entendu tout ce qu'elles avaient dit, se jeta aux pieds de la vierge et reçut la foi de Jésus-Christ avec deux cents soldats. Or, comme le tyran avait condamné Catherine à rester douze jours sans nourriture, Notre Seigneur Jésus-Christ, pendant ce laps de temps, envoya du ciel une colombe blanche qui la rassasiait d'un aliment céleste ; ensuite le Seigneur lui apparut accompagné d'une multitude d'anges et de vierges, et lui dit :
" Ma fille, reconnais ton créateur pour le nom duquel tu as subi une lutte laborieuse : sois constante, car je suis avec toi."
 

Sainte Catherine avec l'impératrice et Porphyre.
Vie de sainte Catherine. Pays-Bas. XVe.

A son retour, l’empereur se la fit amener ; mais la voyant brillante de santé, alors qu'il la pensait abattue par un si long jeûne, il crut que quelqu'un lui avait apporté des aliments dans le cachot ; plein de fureur, il commanda qu'on mît les gardiens à la torture. Mais Catherine dit :

" Je n'ai pas reçu de nourriture de main d'homme, c'est Notre Seigneur Jésus-Christ qui m’a nourrie par le ministère d'un ange."
L'empereur lui répondit :
" Recueille dans ton coeur, je t'en prie, les conseils que je t'adresse ; et ne me réponds plus d'une manière ambiguë : Nous ne désirons pas te traiter en esclave, mais en reine puissante et belle, qui triomphera dans mon empire."
La vierge dit à son tour :
" Fais attention, toi-même, je t'en conjure, et décide, après un mûr et sage examen, quel est celui que je dois choisir de préférence, ou bien de quelqu'un puissant, éternel, glorieux, et beau, ou d'un autre infirme, mortel, ignoble et laid."
Alors l’empereur indigné dit :
" Choisis de deux choses l’une, ou de sacrifier et de vivre, ou bien de subir les tourments les plus cruels, et de périr.
- Quels que soient les tourments que tu puisses imaginer, hâte-toi, car je désire offrir ma chair et mon sang au Christ, comme il s'est offert lui-même pour moi. Lui, c'est mon Dieu, mon amant, mon pasteur et mon unique époux."

Alors un officier conseilla à l’empereur furieux de faire préparer, dans le courant de trois jours ; quatre roues garnies de scies de fer et de clous très aigus, afin que cette machine la broyât par morceaux, et que l’exemple d'une mort si cruelle effrayât le reste des chrétiens. On disposa deux roues qui devaient tourner dans un sens, en même temps que deux autres roues seraient mises en mouvement dans un sens contraire, de manière que celles de dessous devaient déchirer les chairs que les roues de dessus en venant se placer contré les premières, auraient rejetées contre celles-ci. Mais la bienheureuse vierge pria le Seigneur de briser cette machine pour la gloire de son nom et pour la conversion du peuple qui se trouvait là. Aussitôt un ange du Seigneur broya cette meule et en dispersa les morceaux avec tant de force que quatre mille Gentils en furent tués.
 

Martyre de sainte Catherine. Legenda aurea. Bx J. de Voragine.
Jacques de Besançon. XVe.

Or, la reine, qui regardait d'un lieu élevé et qui jusque-là s'était cachée, descendit aussitôt et adressa de durs reproches à l’empereur pour cette étrange cruauté. Mais l’empereur, plein de fureur, sur le refus de l’impératrice de sacrifier, la condamna à avoir les seins arrachés, puis à être décapitée. Comme on la menait au martyre, elle demanda à Catherine de prier pour elle le Seigneur. Catherine répondit : " Ne crains rien, Ô reine chérie de Dieu, car aujourd'hui à la place d'un royaume qui passe, tu en recevras un autre qui sera éternel, et à la place d'un époux mortel, tu en auras un immortel."

Alors l’impératrice affermie exhorta les bourreaux à ne point différer de faire ce qui leur avait été commandé. Ils la conduisirent hors de la ville et après lui avoir arraché les mamelles avec des fers de lance, ils lui coupèrent ensuite la tête. Porphyre put soustraire son corps et l’ensevelir.

Le lendemain, comme on cherchait le corps de l’impératrice, et, qu'à ce sujet, le tyran donnait l’ordre de traîner au supplice beaucoup de personnes, Porphyre se présenta tout à coup sur la place en s'écriant :
" C'est moi qui ai enseveli la servante du Christ dont j'ai embrassé la foi."
Alors Maxence égaré s'écria en poussant un rugissement terrible :
" Oh ! Je suis le malheureux le plus à plaindre ! Voici qu'on a séduit Porphyre, l’unique appui de mon âme et ma consolation. dans mes peines !"
Et comme il faisait part de cela à ses soldats, ils lui répondirent aussitôt :
" Et nous aussi, nous sommes chrétiens et prêts à mourir."
Alors le César, enivré de fureur, commanda qu'on leur coupât la tête en même temps qu'à Porphyre et qu'on jetât leurs corps aux chiens.
 

Martyre de sainte Catherine. Legenda aurea. Bx J. de Voragine. XVe.

Ensuite, il fit comparaître Catherine et lui dit :
" Bien que tu aies fait mourir l’impératrice par art magique, cependant si tu viens à récipiscence, impératrice tu seras, la première dans mon palais : aujourd'hui donc, ou tu offriras des sacrifices aux dieux, ou tu auras la tête coupée."
Catherine lui répondit :
" Fais tout ce que tu as résolu : tu me verras prête à tout souffrir."
Alors Maxime prononça son arrêt et la condamna à être décapitée. Quand elle eut été amenée au lieu du supplice, elle leva les yeux au ciel et fit cette prière :
" Ô Vous qui êtes l’espérance et le salut des croyants ! L’honneur et la gloire des vierges : Ô Jésus, Ô bon roi, je vous en conjure, que quiconque eu mémoire de mon martyre, m’invoquera à son heure dernière, ou bien en toute autre nécessité, vous trouve propice et obtienne ce qu'il demande !"
Cette voix s'adressa alors à elle :
" Viens, ma bien-aimée, mon épouse ; voici la porte du ciel qui t'est ouverte. Tous ceux qui célébreront la mémoire de ton martyre avec dévotion, je leur promets du ciel les secours qu'ils réclameront."

Quand elle fut décapitée, il coula de son corps du lait au lieu de sang. Alors les anges prirent son corps et le portèrent, de cet endroit, jusqu'au mont, Sinaï, éloigné de plus de vingt jours de marche, et l’y ensevelirent avec honneur. (La légende et l’oraison du Bréviaire romain consacrent le fait du transport du corps de la sainte par les anges au mont Sinaï.).

De ses ossements découle sans cesse une huile qui a la vertu de guérir les membres de ceux qui sont débiles. Elle souffrit sous le tyran Maxence ou Maximin qui commença à régner vers l’an du Seigneur 310. On peut voir dans l’Histoire de l’Invention de la sainte Croix, comment ce tyran fut puni pour ce crime et pour d'autres encore qu'il commit.

On dit qu'un moine de Rouen alla au mont Sinaï où il resta pendant sept ans au service de sainte Catherine. Comme il la suppliait avec grande instance de lui donner quelque parcelle de son corps, tout à coup un de ses doigts se détacha. Le moine reçut avec joie ce don de Dieu et l’apporta en son monastère (des reliques de sainte Catherine furent en effet apportées à Rome en 1027. Cf. Hugues de Flavigny, en sa Chronique).

On rapporte encore qu'un homme fort dévot à sainte Catherine qu'il invoquait fréquemment à son aide, se relâcha par la suite et perdit toute dévotion du coeur, en sorte qu'il cessa d'invoquer la martyre. Un jour qu'il était en prières, il vit passer devant lui une multitude de vierges dont l’une paraissait plus resplendissante que les autres. Quand elle approcha de lui, elle se couvrit le visage et passa ainsi. Or, comme il admirait extrêmement son éclat et demandait qui elle était, l’une d'elles lui répondit :
" C'est Catherine que tu aimais à connaître autrefois ; aujourd'hui que tu parais ne plus t'en souvenir, elle a passé devant toi, la figure voilée, comme si elle était pour toi une inconnue."


Sainte Catherine avec l'épée et la roue, instruments de son supplice.
Bréviaire à l'usage de Besançon. XVe.

SEQUENCE

" Que notre chœur harmonieusement chante le Créateur, par qui toutes choses sont disposées : par lui combat celui qui ignorait la guerre, par lui sur l'homme à des jeunes filles la victoire est donnée.

Par lui les habitants d'Alexandrie sont stupéfaits de voir en une femme des qualités qui semblaient n'être pas de la femme, lorsque Catherine la bienheureuse triomphe des docteurs par sa science, du fer par son courage à souffrir.

A la gloire de sa race sa vertu sans pareille ajoute un éclat nouveau ; illustre par ceux qui la mirent au monde, illustre elle est plus encore par les mœurs saintes dont la grâce l'a favorisée.

Tendre est la fleur de sa beauté ; point cependant elle ne lui épargne étude et labeur : de toutes sciences, qu'elles aient le monde ou Dieu pour objet, sa jeunesse s'est rendue maîtresse.

Vase de choix, vase des vertus, les biens qui passent ne sont pour elle que de la boue ; elle méprise la fortune de son père et les grands patrimoines que lui vaut sa naissance.

Vierge prudente et sage, elle se fait sa réserve d'huile pour aller au-devant de l'Epoux : elle veut, toute prête à l'heure qu'il arrivera, entrer sans retard au festin.

Pour le Christ elle désire mourir ; devant l'empereur à qui elle est présentée, l'éloquence de la vierge réduit cinquante philosophes au silence.

L'horreur de la prison où on l'enferme, et l'épreuve des roues menaçantes, la faim, les privations, tout ce qu'elle doit subir, elle le supporte pour l'amour de Dieu, toujours la même en toute rencontre.

Torturée, elle triomphe du bourreau ; la constance d'une femme a triomphé d'un empereur : c'est lui qui est dans les tourments, parce que le bourreau s'avoue vaincu avec ses supplices impuissants.

Elle est enfin décapitée ; la mort pour elle au trépas a pris fin ; elle fait joyeuse son entrée dans la vie : ce pendant que les Anges prennent soin d'ensevelir son corps en une terre lointaine.

Une huile en découle qui, par une grâce évidente, guérit beaucoup de malades ; bonne pour nous sera l'essence, si son intervention guérit nos vices.

Présente à nous, qu'elle se réjouisse en voyant les joies qu'elle nous cause ; que nous donnant les présentes joies, elle nous procure aussi les futures ; qu'elle se réjouisse avec nous ici-bas, et nous avec elle dans la gloire.

Amen."
 

Sainte Catherine d'Alexandrie. Panneau gauche d'un tryptique de
l'Assomption de la Vierge Marie. Gérard David. Flandres. XVIe. XVIe.

PRIERE

Bienheureuse Catherine, recevez-nous à votre école. Par vous la philosophie, justifiant son beau nom, conduit à la Sagesse éternelle, le vrai au bien, toute science au Christ, qui est " la voie, la vérité, la vie " (Johan. XIV, 6.).

" Curieux qui vous repaissez d'une spéculation stérile et oisive, s'écrie le plus éloquent de vos panégyristes, sachez que cette vive lumière qui vous charme dans la science, ne lui est pas donnée seulement pour réjouir votre vue, mais pour conduire vos pas et régler vos volontés. Esprits vains, qui faites trophée de votre doctrine avec tant de pompe, pour attirer des louanges, sachez que ce talent glorieux ne vous a pas été confié pour vous faire valoir vous-mêmes, mais pour faire triompher la vérité. Ames lâches et intéressées, qui n'employez la science que pour gagner les biens de la terre, méditez sérieusement qu'un trésor si divin n'est pas fait pour cet indigne trafic; et que s'il entre dans le commerce, c'est d'une manière plus haute, et pour une fin plus sublime, c'est-à-dire, pour négocier le salut des âmes." (Bossuet, Panégyrique de sainte Catherine.).

Ainsi, Ô Catherine, n'employez-vous votre science que pour la vérité. Vous faites " paraître Jésus-Christ avec tant d'éclat que les erreurs que soutenait la philosophie sont dissipées par sa présence ; et les vérités qu'elle avait enlevées viennent se rendre à lui comme à leur maître, ou plutôt se réunir en lui comme en leur centre. Apprenons d'un si saint exemple à rendre témoignage à la vérité, à la faire triompher du monde, à faire servir toutes nos lumières à un si juste devoir, qu'elle nous impose. Ô sainte vérité ! Je vous dois le témoignage de ma parole ; je vous dois le témoignage de ma vie ; je vous dois le témoignage de mon sang : car la vérité, c'est Dieu même " (Ibid.).

L'Eglise, Ô vierge magnanime, n'a pas d'autre pensée quand aujourd'hui elle formule ainsi pour nous sa prière : " Ô Dieu qui donnâtes la loi à Moïse sur le sommet du Mont Sinaï, et au même lieu par les saints Anges avez miraculeusement placé le corps de votre bienheureuse Vierge et Martyre Catherine ; exaucez nos supplications : faites que par ses mérites et son intercession nous parvenions à la montagne qui est le Christ, vivant et régnant avec vous dans les siècles des siècles " (Collecte du jour).
 

Pélerins venant prier sainte Cathrine au Mont Sinaï.
Livre des Merveilles. Jean Mandeville. XIVe.

Il est bon de remarquer que sainte Catherine est admirable :

I. Dans sa sagesse :
Elle parait admirable dans la science. Car en elle se trouva réunie toute la philosophie. La philosophie ou la science se divise en théorique, en pratique et en logique. D'après quelques auteurs, la science théorique se divise en trois parties : l’intellectuelle, la naturelle et la mathématique. Or, sainte Catherine posséda :
- la science intellectuelle dans la connaissance des choses divines, et s'en servit avec avantage dans sa dispute avec les rhéteurs, auxquels elle prouva qu'il n'y a qu'un seul Dieu et que les autres sont tous de faux dieux ;
- la science naturelle dans la connaissance de tous les êtres inférieurs ; elle en usa à l’égard de l’empereur, ainsi qu'on l’a vu plus haut ;
- la science mathématique, par le mépris qu'elle fit des choses de la terre. Cette science, d'après Boëce, traite abstractivement des formes dégagées de la matière. Sainte Catherine la posséda, quand elle dépouilla son coeur de tout amour matériel ; et elle prouva qu'elle l’avait en répondant ainsi aux interrogations de l’empereur :
" Je suis Catherine, fille du roi Costus, bien que je sois née dans la pourpre..., etc."
Elle en fit principalement usage quand elle excita l’impératrice à se mépriser ainsi que le monde pour désirer le roi éternel ;
- la science pratique se divise en trois parties, qui sont : l’éthique, l’économique et la publique ou politique. La première enseigne à former les moeurs, à s'orner des vertus et convient à tous. La seconde apprend à bien gouverner sa famille, elle est du ressort des pères de famille. La troisième enseigne à bien régir les villes, les peuples et la république.
C'est la partie des gouverneurs des villes.
 
Sainte Catherine posséda encore cette triple science : la première en composant ses moeurs en toute honnêteté ; la seconde en gouvernant avec mérite sa famille qui était nombreuse ; la troisième en donnant de sages avis à l’empereur ;
- la logique se divise en trois parties : la démonstrative, la probative et la sophistique. La première appartient aux philosophes, la seconde aux rhéteurs et aux dialecticiens, la troisième aux sophistes. On voit que sainte Catherine posséda aussi cette triple science, puisqu'on dit d'elle :
" Elle discuta avec l’empereur, à l’aide de conclusions syllogistiques, une infinité de sujets qu'elle considéra au point de vue allégorique, métaphorique, dialectique et mystique."


Sainte Catherine d'Alexandrie. Roger van der Weyden. XVe.

II. Dans son éloquence :
Elle fut admirable d'éloquence ; car elle eut de belles paroles dans ses prédications, comme on l’a vu ; elle s'exprima avec une grande clarté dans ses raisonnements, alors qu'elle disait à l’empereur :
" Tu admires ce temple fabriqué par la main des ouvriers."
Elle fut très habile à gagner ceux auxquels elle s'adressait, témoins Porphyre et l’impératrice qu'elle attira à la foi par la suavité de son élocution. Elle fut très puissante pour convaincre, par exemple, les rhéteurs qu'elle força à croire.

III. Dans sa constance :
Elle fut admirable de constance d'abord, malgré les menaces qu'on lui fit et qu'elle méprisa, puisqu'elle répondit à l’empereur :
" Quels que soient les tourments que tu puisses t'imaginer, hâte-toi, car je désire offrir au Christ et' ma chair et mon sang."
Et plus loin encore :
" Fais tout ce que tu peux concevoir en ton esprit, tu me verras disposée à tout supporter."
Ensuite elle repoussa les biens qu'on lui offrit. C'est pour cela que l’empereur lui promettant le second rang dans le palais, elle répondit :
" Cesse de dire de pareilles choses ; c'est un crime même de les penser, etc..."
En troisième lieu, elle surmonta les tourments qu'on lui infligea, cela est évident, parce qu'elle fut mise en prison et sur la roue.


Sainte Catherine d'Alexandrie. Conrad Witz. XVe.

IV. Dans l’excellence de sa chasteté :
Elle fut très constante dans la conservation de sa chasteté quoiqu'elle eût été exposée à des épreuves où la chasteté succombe d'ordinaire.
Ces épreuves sont au nombre de cinq :
- l’abondance qui amollit,
- l’occasion qui entraîne,
- la jeunesse qui aime à folâtrer,
- la liberté qui n'a pas de frein,
- la beauté qui provoque.
Malgré tout cela la bienheureuse Catherine conserva la chasteté. Car elle eut des richesses en abondance, puisqu'elle succéda à de très riches parents. Elle avait des occasions puisque, maîtresse : d'elle-même, elle passait tous ses instants au milieu de ses serviteurs. Elle était jeune, elle jouissait de sa liberté puisqu'elle restait seule et libre dans un palais. C'est pour cela qu'il est dit d'elle ci-dessus :
" Catherine, à l’âge de 18 ans, resta seule dans un palais rempli d'esclaves et de richesses."
Elle était belle puisqu'on dit :
" Elle était parfaitement bien faite, et son incroyable beauté la rendait aimable et agréable à tous ceux qui la voyaient."


Sainte Catherine et saint Michel. Vie de sainte Catherine. Pays-Bas. XVe.

V. dans le privilège de sa dignité :
Elle fut admirable dans le privilège de sa dignité. Quelques saints ont été honorés de privilèges particuliers au moment de leur trépas, comme la visite de Notre Seigneur Jésus-Christ dans saint Jean l’évangéliste ; l’huile qui émane de leurs ossements dans saint Nicolas ; le lait qui coule de leurs plaies dans saint Paul ; le tombeau disposé dans saint Clément ; les demandes exaucées dans sainte Marguerite, quand elle pria en faveur de ceux qui feraient mémoire d'elle.
 
Or, tous ces privilèges se trouvent réunis dans sainte Catherine, tels qu'on a pu le voir dans sa légende. Un doute s'est fait jour chez quelques écrivains, celui de savoir si elle a été martyrisée par Maxence ou par Maximin. A cette époque, trois gouvernaient l’empire, savoir. Constantin qui succéda à son père, Maxence, fils de Maximien, nommé Auguste par les soldats prétoriens de Rome et Maximin qui fut créé césar en Orient. D'après les chroniques, Maxence exerçait sa tyrannie contre les chrétiens à Rome et Maximin en Orient. D'autres auteurs pensent que c'est une faute de copiste, si on a mis Maxence au lieu de Maximin.


Sainte Catherine d'Alexandrie. Le Caravage. XVIe.

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jeudi, 29 février 2024

29 février. Saint Dosithée de Gaza, solitaire. VIe.

- Saint Dosithée de Gaza, solitaire. VIe.

" Obéissez à vos chefs et soyez-leur soumis ; car ils veillent, sachant bien qu'il doivent rendre compte de vos âmes."
Saint Paul, Heb., XIII.


Saint Dosithée de Gaza. D'après une ancienne icône byzantine.

Dosithée vient de Dosis, Don, et de Théos, Dieu, c'est-à-dire le don de Dieu, donc l'équivalent grec du latin Dieudonné.

On ne connaît rien du lieu ni du temps où il vécut. Il fut élevé par un des principaux officiers de l’armée de l’empereur d’Orient. Dosithée reçut de son officier une éducation mondaine un peu molle et relâchée. Il était sensible et ne manquait pas de générosité. Cependant, l’officier ne l’informa jamais de la vie des Chrétiens.

Dosithée eut un jour l’occasion d’aller à Jérusalem et il profita de ce séjour pour visiter Gethsémani. Là, Dosithée se trouva tout à coup devant un tableau qui représentait les supplices des damnés. Une dame qui était là lui expliqua ce que signifiait tout ce qui était représenté sur le tableau. Dosithée lui exprima sa crainte de subir tous ces supplices. Alors la dame lui dit que pour éviter cela, il devait jeûner et prier.

Il fut si troublé par cette rencontre qu’il changea subitement de régime alimentaire et passa le plus clair de son temps à genoux en prière et son aspiration à mener une vie sainte le conduisit bientôt jusqu’à celui de Gaza en Palestine, chez l’abbé Séride (Séridos), qui gouvernait un monastère de plusieurs dizaine de Cénobites et qui faisait aussi office d'hôpital.

L’abbé, voyant un jeune homme si “ bien fait, délicat, vêtu en habit de cour ” craignait que ce ne fût une passade, une velléité de nanti. Il fit donc examiner Dosithée par saint Dorothée, un des moines-infirmiers.

A toutes les questions que posait Dorothée, Dosithée répondait invariablement “ je veux me sauver ”. Un peu décontenancé, Dorothée passa rapporta à Séride que Dosithée était indemne de tout vice, mais qu’il faudrait le ménager.


Cénobites orientaux. Manuscrit byzantin du Xe.

Dorothée conseilla alors à Dosithée de manger ce qu’il voulait et autant qu’il voulait. Celui-ci lui répondit qu’il avait mangé un pain de cinq livres, soit deux kilos et demi. Dorothée.
 
Mais deux jours après, il lui conseilla d’en retrancher une partie et lui demanda ensuite s’il avait assez mangé. Dosithée répondit qu’il n’avait pas tout mangé mais qu’il s’en trouvait bien quand même. Tous les jours, il lui demandait de retrancher une partie du pain et finit par lui conseiller de ne manger que trois onces par jour ainsi que quelques petits restes de poisson ou d’autres mets qu’on servait aux malades.

Comme Dorothée était infirmier-chef, il prit Dosithée à son service, le sachant doux, propre, soigneux et serviable.

Seulement, Dosithée, quand il n’obtenait pas le résultat voulu, se fâchait et certains mots un peu rudes lui échappaient. Chaque fois que cela lui arrivait, il allait dans sa cellule et fondait en larmes, prosterné contre terre, regrettant ses emportements.

Dorothée venait alors le trouver pour le calmer et l’encourager à persévérer puis lui rappeler qu’il n’avait pas à crier contre les malades car c’étaient des représentants de Notre Seigneur Jésus-Christ. Après bien des soupirs, Dosithée repartait travailler car il avait une confiance absolue en son maître.

Une fois où Dosithée s’était encore laissé emporter brusquement à la suite d’une bêtise qu’il avait faite, Dorothée lança :
“ Ici, il ne manque plus qu’une bouteille de vin, ça irait bien avec l’ambiance !”
Dosithée obéit à la lettre et courut chercher une bouteille de vin pour l’apporter à Dorothée.
“ Oh insensé, dit Dorothée, j’ai dit cela parce que vous parlez comme un Goth qui crie toujours pour rien, comme s’il était ivre !”
Dosithée rapporta la bouteille dans la cave.

Dorothée s’occupa alors à l’endurcir un peu. Malgré les précautions qu’il prenait, Dosithée subissait difficilement ces épreuves qui devaient servir à renforcer son humilité. Un jour il cracha du sang, atteint par la maladie.
 
Il déclina très vite malgré sa jeunesse. Sa seule impatience allait vers le jour de sa mort, jour où il pourrait “ sortir de son exil ”.

A la dernière extrémité, il demanda à Dorothée :
“ Père permettez-moi de sortir de mon exil.”
Dorothée, lui dit en pleurant :
“ Allez en paix mon fils.”
Et Dosithée expira en toute obéissance.

Un peu plus tard, Dosithée apparut à Dorothée. Il était au milieu d’une troupe de saints et resplendissait de lumière et de gloire.

Certains auteurs anciens attribuent à saint Dosithée la fameuse oraison :
" Seigneur Jésus-Christ, Fils du Dieu vivant, Ayez pitié de moi, pauvre pécheur."

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dimanche, 04 février 2024

Dimanche de la Sexagésime.

- Dimanche de la Sexagésime.



Noé. Lorenzo Monaco. XVe.

Dans le cours de la semaine qui commence aujourd'hui, la sainte Eglise présente à notre attention l'histoire de Noé et du déluge universel. Malgré la sévérité de ses avertissements, Dieu n'a pu obtenir la fidélité et la soumission de la race humaine. Il est contraint d'employer un châtiment terrible contre ce nouvel ennemi. Toutefois, il a trouvé un homme juste, et, dans sa personne, il fera encore alliance avec nous. Mais auparavant il veut faire sentir qu'il est le souverain Maître, et que tout aussitôt qu'il lui plaira, l'homme si fier d'un être emprunté s'abîmera sous les ruines de sa demeure terrestre.

Nous placerons d'abord ici, comme base des enseignements de cette semaine, quelques lignes du Livre de la Genèse empruntées à l'Office des Matines de ce jour :

Lecture du Livre de la Genèse. Chap. VI.



Noé trouve grâce aux yeux de Dieu.
Bible historiale. Guiard des Moulins. XVe.

" Dieu voyant que la malice des Hommes était extrême sur la terre, et que toutes les pensées de leur coeur se tournaient continuellement vers le mal, il se repentit d'avoir fait l'homme sur la terre. Et, étant touché de douleur jusqu'au fond du cœur, Il dit :
" J'exterminerai de dessus la terre l'homme que j'ai créé ; je les détruirai tous, depuis l'homme jusqu'aux animaux, depuis ceux qui rampent sur la terre jusqu'aux oiseaux du ciel ; car je me repens de les avoir faits."
Mais Noé trouva grâce devant le Seigneur.

Voici les enfants qu'engendra Noé : Noé, homme juste et parfait dans toute la conduite de sa vie, marcha avec Dieu, et engendra trois fils, Sem, Cham et Japheth. Or la terre était corrompue devant Dieu, et remplie d'iniquité. Dieu, voyant donc cette corruption de la terre (car toute chair avait corrompu sa voie sur la terre), dit à Noé :
" J'ai résolu de faire périr tous les hommes ; ils ont rempli la terre d'iniquité ; je les exterminerai avec la terre."


La catastrophe qui fondit alors sur l'espèce humaine fut encore le fruit du péché ; mais du moins un homme juste s'était rencontré,et le monde fut sauvé d'une ruine totale par lui et par sa famille. Après avoir daigné renouveler son alliance, Dieu permit que la terre se repeuplât, et que les trois enfants de Noé devinssent les pères des trois grandes races qui l'habitent.



Noé trouve grâce aux yeux de Dieu.
Heures à l'usage de Rome. XVe.

Tel est le mystère de l'Office durant cette semaine. Celui de la Messe, qui est figuré par le précédent, est plus important encore. Dans le sens moral, la terre n'est- elle pas submergée sous un déluge de vices et d'erreurs ? Il faut qu'elle se peuple d'hommes craignant Dieu, comme Noé. Cette génération nouvelle, c'est la Parole de Dieu, semence de vie, qui la suscite. C'est elle qui produit ces heureux enfants dont parle le Disciple bien-aimé, " qui ne sont point nés du sang, ni de la volonté de la chair, ni de la volonté de l'homme, mais de Dieu même " (Johan. I, 13.).

Efforçons-nous d'entrer dans cette famille, et, si nous en sommes déjà membres, gardons chèrement notre bonheur. Il s'agit, dans ces jours, d'échapper aux flots du déluge, de chercher un abri dans l'arche du salut ; il s'agit de devenir cette bonne terre dans laquelle la semence fructifie au centuple. Songeons à fuir la colère à venir, pour ne pas périr avec les pécheurs, et montrons-nous avides de la Parole de Dieu qui éclaire et convertit les âmes (Psalm. XVIII.).

Chez les Grecs, ce Dimanche est le septième jour de la semaine qu'ils appellent Apocreos, laquelle commence dès le lundi qui suit notre Dimanche de la Septuagésime. Cette semaine est ainsi nommée dans l’Église grecque, parce qu'elle annonce et précède immédiatement celle où l'on suspend déjà l'usage de la viande, jusqu'à la fête de Pâques.

A LA MESSE

A Rome, la Station est dans la Basilique de Saint-Paul-hors-les-Murs. C'est autour du tombeau du Docteur des nations, du propagateur de la divine semence, du père de tant de peuples par sa prédication, que l'Eglise Romaine réunit les fidèles en ce jour où elle veut leur rappeler que le Seigneur a épargné la terre, à la condition qu'elle se peuplera de vrais croyants et d'adorateurs de son Nom.

EPITRE

Lecture de l'Epître du bienheureux Paul, Apôtre, aux Corinthiens. II, Chap. XI.



Saint Paul. Filippo di Memmo. XIVe.

" Mes Frères, étant sages comme vous êtes, vous supportez sans peine les imprudents, puisque vous souffrez même qu'on vous réduise en servitude, qu'on vous dévore, qu'on vous pille, qu'on s'élève contre vous, qu'on vous frappe au visage. C'est à ma confusion que je rappelle cela : puisque nous passons pour avoir été trop faibles dans des épreuves semblables. Cependant aucun d'eux - excusez mon imprudence - ne saurait se glorifier de rien que je ne le puisse aussi moi-même.

Sont-ils Hébreux ? Je le suis aussi. Sont-ils enfants d'Israël ? Je le suis aussi. Sont-ils de la race d'Abraham ? J'en suis aussi. Sont-ils ministres du Christ ? Au risque de passer encore comme imprudent, j'ose dire que je le suis plus qu'eux : j'ai plus souffert de travaux, plus enduré de prisons, plus reçu de coups. Souvent je me suis vu près de la mort.

J'ai reçu des Juifs, à cinq différentes fois, trente-neuf coups de fouet ; j'ai été battu de verges trois fois ; j'ai été lapidé une fois ; j'ai fait naufrage trois fois ; j'ai passé un jour et une nuit au fond de la mer. Fréquemment j'ai été en péril dans les voyages ; en péril sur les fleuves ; en péril du côté des voleurs ; en péril de la part de ceux de ma nation ; en péril de la part des gentils ; en péril dans les villes ; en péril dans les solitudes ; en péril sur la mer ; en péril au milieu des faux frères.

J'ai souffert toutes sortes de travaux et de fatigues, des veilles fréquentes, fa faim, la soif, des jeûnes réitérés, le froid et la nudité. A ces maux extérieurs ajoutez mes préoccupations quotidiennes, la sollicitude de toutes les Eglises. Qui est faible, sans que je me fasse faible avec lui ? Qui est scandalisé, sans que j'en sois brûlé ? Que s'il est permis de se glorifier, je me glorifierai de mes souffrances.



La flagellation de saint Paul et de saint Silas.
Louis Testelin. Cathédrale Notre Dame. Paris. XVIIe.

Dieu, le Père de notre Seigneur Jésus-Christ qui est béni dans tous les siècles, sait que je ne mens pas. A Damas, le gouverneur de la province pour le roi Arétas faisait faire la garde dans la ville pour m'arrêter prisonnier : on me descendit par une fenêtre, le long de la muraille, dans une corbeille ; et je m'échappai ainsi de ses mains. S'il faut se glorifier, quoique cela ne convienne pas, je viendrai maintenant aux visions et aux révélations du Seigneur. Je connais en Jésus-Christ un homme qui fut ravi, il y a quatorze ans ; si ce fut en son corps, ou hors de son corps, je n'en sais rien, Dieu le sait ; qui fut ravi, dis-je, jusqu'au troisième ciel. Et je sais que cet homme, si ce fut en son corps, ou hors de son corps, je ne sais, Dieu le sait ; que cet homme, dis-je, fut ravi dans le Paradis, et qu'il entendit des paroles mystérieuses qu'il n'est pas permis à un homme de rapporter. Je pourrais me glorifier en parlant d'un tel homme ; mais, pour moi, je ne veux me glorifier que dans mes infirmités.

Ce ne serait cependant pas imprudence à moi, si je voulais me glorifier, car je dirais la vérité ; mais je me retiens, de peur que quelqu'un ne m'estime au-dessus de ce qu'il voit en moi, ou de ce qu'il entend de moi. Aussi, de peur que la grandeur des révélations ne me causât de l'orgueil, il m'a été donné un aiguillon dans ma chair, un ange de Satan, qui me donne des soufflets. C'est pourquoi j'ai prié trois fois le Seigneur de l'éloigner de moi, et il m'a répondu : " Ma grâce te suffit " ; car la force se perfectionne dans l'infirmité. Je prendrai donc plaisir à me glorifier dans mes infirmités, afin que la force du Christ habite en moi."


EVANGILE

La suite du saint Evangile selon saint Luc. Chap. VIII.



Parabole du semeur. Pieter Brueghel l'Ancien. XVIe.

" En ce temps-là, le peuple s'assemblant en foule et se pressant de sortir des villes pour venir au-devant de Jésus, il leur dit en parabole :
" Celui qui sème s'en alla pour semer son grain ; et comme il semait, une partie de la semence tomba le long du chemin, où elle fut foulée aux pieds, et les oiseaux du ciel la mangèrent. Et une autre partie tomba sur la pierre, et, après avoir levé, elle sécha, parce qu'elle n'avait point d'humidité. Et une autre tomba au milieu des épines, et les épines croissant avec la semence l'étouffèrent. Et une autre partie tomba sur de la bonne terre, et ayant levé, elle porta du fruit, cent pour un."
En disant cela, il criait :
" Que celui-là entende qui a des oreilles pour entendre."

Ses disciples l'interrogèrent sur le sens de cette parabole, et il leur dit :
" Pour vous, il vous a été donné de connaître le mystère du royaume de Dieu ; mais pour les autres, il ne leur est proposé qu'en paraboles, de sorte que voyant ils ne voient point, et qu'entendant ils ne comprennent point.
Voici donc le sens de cette parabole : La semence est la Parole de Dieu. Ceux qui sont marqués par ce qui tombe le long du chemin, sont ceux qui écoutent ; mais le diable vient, et enlève de leurs cœurs la parole, de peur que croyant, ils ne soient sauvés.
Ceux qui sont marqués par ce qui tombe sur la pierre, sont ceux qui, ayant écouté la parole, la reçoivent avec joie ; mais ils n'ont point de racines ; ils croient pour un temps, et ils se retirent à l'heure de la tentation.
Cequi tombe dans les épines, ce sont ceux qui écoutent la parole, mais en qui elle est étouffée par les inquiétudes, par les richesses et parles plaisirs de cette vie, et ils ne portent point de fruit.
Enfin, ce qui tombe dans la bonne terre, ce sont ceux qui, ayant écouté la parole, la conservent dans un cœur bon et excellent, et portent du fruit par la patience."



Parabole du semeur. Heures à l'usage de Rouen. XVe.

Saint Grégoire le Grand observe avec raison que la parabole qui vient d'être lue n'a pas besoin d'explication, la Sagesse éternelle s'étant chargée elle-même de nous en donner la clef. Il ne nous reste donc plus qu'à profiter d'un si précieux enseignement, et qu'à recevoir en bonne terre la semence céleste qui tombe sur nous. Combien de fois jusqu'ici ne l'avons-nous pas laissée fouler aux passants, ou enlever par les oiseaux du ciel ? Combien de fois ne s'est-elle pas desséchée sur le rocher de notre cœur, ou n'a-t-elle pas été étouffée par de funestes épines ? Nous écoutions la Parole ; elle avait pour nous un certain charme qui nous rassurait. Souvent même nous la reçûmes avec joie et empressement ; mais, si quelquefois elle germait en nous, sa croissance était bientôt arrêtée.

Désormais, il nous faut produire et fructifier ; et telle est la vigueur de la semence qui nous est confiée, que le divin Semeur en attend cent pour un. Si la terre de notre cœur est bonne, si nous avons soin de la préparer en mettant à profit les secours que nous offre la sainte Eglise, la moisson sera abondante au jour où le Seigneur, s'échappant vainqueur de son sépulcre, viendra associer ses fidèles croyants aux splendeurs de sa Résurrection.

HYMNE A VÊPRES

Nous terminerons cette journée par une Hymne que nous empruntons aux anciens Bréviaires des Eglises de France, et qui exprime les sentiments dont les fidèles doivent être animés au temps de la Septuagésime :



Parabole du semeur. Missel à l'usage de Saint-Didier d'Avignon. XIVe.

" Les jours de liberté s'écoulent ; ceux des saintes observances arrivent : le temps de la sobriété est proche ; d'un cœur pur cherchons le Seigneur.

Nos cantiques et nos louanges apaiseront celui qui est notre juge et Seigneur : il ne refuse pas le pardon, lui qui veut que l'homme implore de lui sa grâce.

Après avoir subi le joug de Pharaon, après avoir porté les chaînes de la cruelle Babylone, que l'homme affranchi cherche la céleste Jérusalem, sa patrie.

Fuyons de cet exil ; cherchons demeure auprès du Fils de Dieu : la plus grande gloire pour le serviteur, c'est de devenir le cohéritier de son maître.

Ô Christ ! Soyez notre guide dans cette nouvelle souvenez-vous que nous sommes vos brebis pour lesquelles, ô pasteur, vous avez donné votre vie et subi la mort.

Au Père, au Fils, soit la gloire ; honneur pareil au saint Paraclet ; comme il était au commencement, et maintenant et toujours.

Amen."

dimanche, 28 janvier 2024

Dimanche de la Septuagésime.

- Dimanche de la Septuagésime.



La Cité de Dieu. Bourgogne. XVe.

La sainte Eglise nous rassemble aujourd'hui pour repasser avec nous le lamentable récit de la chute de notre premier père. Un si affreux désastre nous fait déjà pressentir le dénouement de la vie mortelle du Fils de Dieu fait homme, qui a daigné prendre sur lui la charge d'expier la prévarication du commencement et toutes celles qui l'ont suivie. Pour être en mesure d'apprécier le remède, il nous faut sonder la plaie. Cette semaine sera donc employée à méditer la gravité du premier péché, et toute la suite des malheurs qu'il a entraînés sur l'espèce humaine.

Autrefois l'Eglise lisait en ce jour, à l'Office de Matines, la narration simple et sublime par laquelle Moïse a initié toutes les générations à ce triste événement. La disposition actuelle de la Liturgie n'amène pas cette lecture avant le Mercredi de cette semaine, les jours qui précèdent étant employés à lire le récit des six jours de la création. Nous placerons néanmoins dès aujourd'hui cette importante lecture, comme le fondement des enseignements de la semaine.

Lecture du Livre de la Genèse. Chap. III. :



Eve écoute le serpent. Ars moriendi. XVe.

" Or, le serpent était le plus rusé de tous les animaux que le Seigneur Dieu avait formés sur la terre. Il dit à la femme :
" Pourquoi Dieu vous a-t-il commandé de ne pas manger du fruit de tous les arbres du jardin ?"
La femme lui répondit :
" Nous mangeons du fruit des arbres qui sont dans le jardin ; mais, pour ce qui est du fruit de l'arbre qui est au milieu du jardin, Dieu nous a commandé de n'en point manger, et de n'y point toucher, de peur que nous ne mourrions."
Le serpent dit à la femme :
" Assurément, vous ne mourrez point ; mais Dieu sait que le jour où vous en aurez mangé, vos yeux seront ouverts, et vous serez comme des dieux, connaissant le bien et le mal."
La femme donc considéra que le fruit de cet arbre était bon à manger, qu'il était beau et agréable à la vue, et, en ayant pris, elle en mangea, et en donna à son mari qui en mangea aussi. Et en même temps, leurs yeux furent ouverts à tous deux.



Adam et Eve mange du fruit de l'Arbre.
Heures à l'usage de Rouen. XVIe.

Ayant reconnu leur nudité, ils entrelacèrent des feuilles de figuier, et s'en firent des ceintures. Et ayant entendu la voix du Seigneur Dieu qui se promenait dans le jardin après midi, à l'heure où il s'élève un vent doux, Adam et son épouse se cachèrent sous l'ombrage des arbres du jardin, pour fuir la face du Seigneur Dieu.
Et le Seigneur Dieu appela Adam, et lui dit :
" Où es tu ?"
Il répondit :
" J'ai entendu votre voix dans le jardin, et j'ai eu peur, parce que j'étais nu ; c'est pourquoi je me suis caché."
Le Seigneur reprit :
" Qui t'a appris que tu étais nu, si ce n'est que tu as mangé du fruit de l'arbre dont je t'avais commandé de ne pas manger ?"
Et Adam répondit :
" La femme que vous m'avez donnée pour compagne m'a présenté du fruit de l'arbre, et j'en ai mangé."
Et le Seigneur Dieu dit à la femme :
" Pourquoi as-tu fait cela ?"
Elle répondit :
" Le serpent m'a trompée , et j'en ai mangé."



Dieu surprend Adam et Eve. Ars moriendi. XVe.

Et le Seigneur Dieu dit au serpent :
" Parce que tu as fait cela, tu es maudit entre tous les animaux et les bêtes de la terre. Tu ramperas sur ton ventre, et tu mangeras la terre tous les jours de ta vie. Je mettrai une inimitié entre toi et la femme, entre ta postérité et la sienne : elle t'écrasera la tête, et tu tâcheras de la mordre au talon."
Il dit aussi à la femme :
" Je multiplierai tes angoisses après que tu auras conçu ; tu enfanteras tes fils dans la douleur ; tu seras sous la puissance de l'homme, et il te dominera."
Il dit ensuite à Adam :
" Parce que tu as écouté la voix de ta femme, et que tu as mangé du fruit de l'arbre dont je t'avais commandé de ne pas manger, la terre sera maudite à cause de ce que tu as fait : tu tireras d'elle ta nourriture à force de travail, tous les jours de ta vie. Elle te produira des épines et des ronces, et tu te nourriras de l'herbe de la terre. Tu mangeras ton pain à la sueur de ton visage, jusqu'à ce que tu retournes en la terre dont tu as été tiré : car tu es poussière, et tu rentreras dans la poussière."



Adam et Eve sont chassés du Paradis.
La Cité de Dieu. Bourgogne. XVe.

La voilà cette page terrible des annales humaines. Elle seule nous explique la situation présente de l'homme sur la terre. Par elle aussi, nous apprenons l'attitude qui nous convient à l'égard de Dieu. Nous reviendrons sur ce lugubre récit dans les jours qui vont suivre ; dès à présent, il doit faire le principal objet de nos réflexions. Reprenons maintenant l'explication de la Liturgie d'aujourd'hui.

Dans l'Eglise grecque, le dimanche que nous appelons de la Septuagésime est désigné sous le nom de Prosphonésime, c'est-à-dire Proclamation, parce qu'il annonce au peuple le jeûne du Carême qui doit bientôt commencer. Il est aussi appelé le dimanche de l'Enfant prodigue, parce qu'on y lit cette parabole, comme une invitation aux pécheurs de recourir à la miséricorde de Dieu. Il faut observer néanmoins que ce Dimanche est le dernier jour de la semaine appelée Prosphonésime, laquelle commence dès le lundi précédent, selon la manière de compter des Grecs.

A LA MESSE

La Station, à Rome, est dans l'Eglise de Saint-Laurent-hors-les-Murs. Les anciens liturgistes font remarquer la relation qui existe entre le juste Abel, dont le sang répandu par son frère fait l'objet d'un des Répons des Matines d'aujourd'hui, et le courageux martyr sur le tombeau duquel l'Eglise Romaine vient ouvrir la Septuagésime.

ÉPÎTRE

Lecture de l'Epître du bienheureux Paul, Apôtre, aux Corinthiens. Chap. IX.



La Cité de Dieu. Bourgogne. XVe.

" Mes Frères, ne savez-vous pas que, quand on court dans la lice, tous courent, mais qu'un seul remporte le prix ? Courez donc de telle sorte que vous le remportiez. Or, tout athlète garde en toutes choses la tempérance, et ils ne le font que pour gagner une couronne corruptible ; la nôtre au contraire sera incorruptible. Pour moi, je cours, mais non pas comme au hasard ; je combats, mais non pas en donnant des coups en l'air ; je châtie mon corps, et je le réduis en servitude ; de peur qu'après avoir prêché aux autres, je ne devienne moi-même réprouvé. Je ne veux pas que vous ignoriez, mes Frères, que nos pères ont tous été sous la nuée, qu'ils ont tous passé la mer ; qu'ils ont tous été baptisés sous la conduite de Moïse, dans la nuée et dans la mer ; qu'ils ont tous mangé la même nourriture spirituelle et bu le même breuvage spirituel. Car ils buvaient de l'eau de la Pierre spirituelle qui les suivait ; et cette Pierre était Jésus-Christ. Mais cependant, sur un si grand nombre, il y en eut peu qui fussent agréables à Dieu."

La parole énergique de l'Apôtre vient augmenter encore l'émotion que nous apportent les grands souvenirs qui se rattachent à ce jour. Il nous dit que ce monde est une arène dans laquelle il faut courir, et que le prix n'est que pour ceux dont la marche est agile et dégagée. Gardons-nous donc de ce qui pourrait appesantir notre course et nous faire manquer la couronne.

Ne nous faisons pas illusion : rien n'est sûr pour nous, tant que nous ne sommes pas au bout de la carrière. Notre conversion n'a pas été plus sincère que celle de saint Paul, nos œuvres plus dévouées et plus méritoires que les siennes; toutefois, il le confesse lui-même, la crainte de devenir réprouvé n'est pas entièrement éteinte dans son cœur. Il châtie son corps, et il le réduit en servitude.

L'homme dans l'état actuel n'a plus cette volonté droite qu'avait Adam avant son péché, et dont cependant il sut faire un si malheureux usage. Un penchant fatal nous entraîne, et nous ne pouvons garder l'équilibre qu'en sacrifiant la chair à l'esprit.
Cette doctrine paraît dure au grand nombre, et c'est pour cela que beaucoup n'arriveront pas au terme de la carrière, et n'auront pas part à la récompense qui leur était destinée.

Comme les Israélites dont parle ici l'Apôtre, ils mériteront d'être ensevelis dans le désert, et ne verront pas la terre promise. Néanmoins, les mêmes merveilles dont turent témoins Josué et Caleb s'étaient accomplies sous leurs yeux ; mais rien ne guérit l'endurcissement d'un cœur qui s'obstine à mettre tout son espoir dans les choses de la vie présente, comme si leur périlleuse vanité ne se révélait pas d'elle-même à chaque heure.

Mais si le cœur se confie en Dieu, s'il se fortifie par la pensée que le secours divin ne manque jamais à celui qui l'implore, il parcourra sans faiblir l'arène de cette vie, et il arrivera heureusement au terme. Le Seigneur a les yeux constamment ouverts sur celui qui travaille et qui souffre.

EVANGILE

La suite du saint Evangile selon saint Matthieu. Chap. XX.



Les ouvriers de la dernière heure.
Nicolaes Cornelisz Moyaert. Pays-Bas. XVIIe.

" En ce temps-là, Jésus dit à ses disciples cette parabole :
" Le royaume des cieux est semblable à un père de famille qui sortit de grand matin, afin de louer des ouvriers pour sa vigne. Etant demeuré d'accord avec eux d'un denier pour leur journée, il les envoya dans sa vigne. Et étant sorti vers la troisième heure, il en vit d'autres qui se tenaient sur la place sans rien faire, et il leur dit :
" Allez-vous-en aussi dans ma vigne, et je vous donnerai ce qui sera juste."
Et ils y allèrent.
Il sortit encore sur la sixième et la neuvième heure, et il fit la même chose.
Enfin étant sorti sur la onzième heure, il en trouva d'autres qui étaient là, et il leur dit :
" Pourquoi demeurez-vous ici le long du jour sans travailler ?"
Et ils lui dirent :
" Parce que personne ne nous a loués."
Il leur dit :
" Allez-vous-en aussi dans ma vigne."
Quand le soir fut venu, le maître de la vigne dit à son intendant :
" Appelle les ouvriers, et donne-leur le salaire, en commençant par les derniers et finissant par les premiers."

Ceux donc qui n'étaient venus que vers la onzième heure, s'étant approchés, reçurent chacun un denier. Ceux qui étaient venus les premiers pensèrent qu'ils allaient recevoir davantage ; mais ils ne reçurent que chacun un denier. Et en le recevant, ils murmuraient contre le père de famille et disaient :
" Ces derniers n'ont travaillé qu'une heure, et vous leur avez donné autant qu'à nous qui avons porté le poids du jour et de la chaleur."
Mais il répondit à l'un d'eux :
" Mon ami, je ne vous fais point de tort. N'êtes-vous pas convenu avec moi d'un denier ? Prenez ce qui vous appartient et vous en allez ; mais je veux donner à ce dernier autant qu'à vous. Est-ce qu'il ne m'est pas permis de faire ce que je veux ? Votre œil est-il mauvais parce que je suis bon ? Ainsi les derniers seront les premiers, et les premiers seront les derniers, parce qu'il y en a beaucoup d'appelés, mais peu d'élus."



Missel à l'usage de Saint-Didier d'Avignon. XIVe.

Il importe de bien saisir ce célèbre passage de l'Evangile, et d'apprécier les motifs qui ont porté l'Eglise à le placer en ce jour. Considérons d'abord les circonstances dans lesquelles le Sauveur prononce cette parabole, et le but d'instruction qu'il s'y propose directement. Il s'agit d'avertir les Juifs que le jour approche où leur loi tombera pour faire place à la loi chrétienne, et de les disposer à accueillir favorablement l'idée que les Gentils vont être appelés à former alliance avec Dieu.

La vigne dont il est ici question est l'Eglise sous ses différentes ébauches, depuis le commencement du monde, jusqu'à ce que Dieu vînt lui-même habiter parmi les hommes et constituer sous une forme visible et permanente la société de ceux qui croient en lui.

Le matin du monde dura depuis Adam jusqu'à Noé ; la troisième heure s'étendit de Noé jusqu'à Abraham ; la sixième heure commença à Abraham pour aller jusqu'à Moïse ; la neuvième heure fut l'âge des Prophètes, jusqu'à l'avènement du Seigneur. Le Messie est venu à la onzième heure, lorsque le monde semblait pencher à son déclin. Les plus grandes miséricordes ont été réservées pour cette période durant laquelle le salut devait s'étendre aux Gentils par la prédication des Apôtres.

C'est ce dernier mystère par lequel Jésus-Christ veut confondre l'orgueil judaïque. Il signale les répugnances que les Pharisiens et les Docteurs de la Loi éprouvaient en voyant l'adoption s'étendre aux nations, par les remontrances égoïstes que les ouvriers des premières heures osent faire au Père de famille. Cette obstination sera punie comme elle le mérite. Israël, qui travaillait avant nous, sera rejeté à cause de la dureté de son cœur; et nous, Gentils, qui étions les derniers, nous deviendrons les premiers, étant faits membres de cette Eglise catholique, qui est l'Epouse du Fils de Dieu.



Evangéliaire à l'usage de Cambrai. XIIIe.

Telle est l'interprétation donnée à cette parabole par les saints Pères, notamment par saint Augustin et saint Grégoire le Grand ; mais cet enseignement du Sauveur présente encore un autre sens également justifié par l'autorité de ces deux saints Docteurs. Il s'agit ici de l'appel que Dieu adresse à chaque homme pour l'inviter à mériter le Royaume éternel par les pieux labeurs de cette vie.

Le matin, c'est notre enfance ; la troisième heure, selon la manière de compter des anciens, est celle où le soleil commence à monter dans le ciel : c'est l'âge de la jeunesse.

La sixième heure, par laquelle on désignait ce que nous appelons Midi, est l'âge d'homme.

La onzième heure précède de peu d'instants le coucher du soleil : c'est la vieillesse.

Le Père de famille appelle ses ouvriers à ces différentes heures ; c'est eux de se rendre, dès qu'ils ont entendu sa voix ; mais il n'est pas permis à ceux qui sont conviés dès le matin de retarder leur départ pour la vigne, sous le prétexte qu'ils se rendront plus tard, lorsque la voix du Maître se fera entendre de nouveau. Qui les a assurés que leur vie se prolongera jusqu'à la onzième heure ? Lorsque la troisième sonne, peut-on compter même sur la sixième ? Le Seigneur ne convoquera au travail des dernières heures que ceux qui seront en ce monde lorsqu'elles viendront à sonner ; et il ne s'est point engagé à adresser une nouvelle invitation à ceux qui auront dédaigné la première.

vendredi, 05 janvier 2024

5 janvier. La Vigile de l'Epiphanie.

- La Vigile de l'Epiphanie.


Adoration des bergers. Andrea Mantegna. XVIe.

La fête de Noël est terminée ; les quatre Octaves ont achevé leur cours ; et nous voici en présence de la solennité de l'Epiphanie du Seigneur. Une seule journée nous reste pour nous préparer à la Manifestation pleine de mystère que nous doit faire de sa gloire celui qui est l'Ange du grand Conseil. Encore quelques heures, et l'étoile se sera arrêtée, et les Mages frapperont à la porte de la maison de Bethléhem.

Cette Vigile n'est pas, comme celle de Noël, un jour de pénitence. L'Enfant que nous attendions alors, dans la componction et dans l'ardeur de nos désirs, est venu ; il reste avec nous et nous prépare de nouvelles faveurs. Ce jour d'attente d'une nouvelle solennité est un jour de joie comme ceux qui l'ont précédé. Cette Vigile ne sera donc point marquée par le jeûne ; et la sainte Eglise n'y revêtira point ses habits de deuil. Aujourd'hui, elle se pare de la couleur blanche, comme elle le fera demain. Ce jour est le douzième de la Naissance de l'Emmanuel.

Célébrons donc cette Vigile dans l'allégresse de nos cœurs, et préparons nos âmes aux nouvelles faveurs qui leur sont réservées.


Adoration des bergers. Anonyme flamand. XVIe.

L'Eglise Grecque observe le jeûne aujourd'hui, en mémoire de la préparation au Baptême qui s'administrait autrefois, principalement en Orient, dans la nuit qui précédait le saint jour de l'Epiphanie. Elle bénit encore les eaux avec une grande solennité en cette fête ; nous parlerons avec détail de cette cérémonie dont les vestiges ne sont pas encore entièrement effacés dans l'Occident.

La sainte Eglise Romaine fait mémoire en ce jour d'un de ses Papes Martyrs, saint Télesphore. Ce Pontife monta sur le Siège Apostolique l'an 127 ; et parmi les décrets qu'il rendit, on remarque celui par lequel il établissait l'usage de célébrer la Messe durant la nuit de Noël, pour honorer l'heure delà Naissance du Christ, et un autre dans lequel il décrète que l'Hymne Angélique Gloria in excelsis Deo serait chantée ordinairement au commencement du saint Sacrifice. Cette piété du saint Pape envers le grand mystère que nous célébrons en ces jours, rend sa mémoire plus vénérable encore à l'époque de l'année où elle tombe. Télesphore souffrit un glorieux martyre, selon l'expression de saint Irénée, et fut couronné de la gloire céleste, l'an 138.


Adoration des bergers. Jacopo Negretti. Début du XVIe.

A LA MESSE

La Messe de la Vigile de l'Epiphanie est la même que celle du Dimanche dans l'Octave de Noël, sauf la commémoration de saint Télesphore et l'Evangile.

EVANGILE

La suite du saint Evangile selon saint Matthieu. Chap. II.


Adoration des bergers. Luca Signorelli. XVIe.

" En ce temps-là, Hérode étant mort, voici que l'Ange du Seigneur apparut en songe à Joseph, en Egypte, lui disant : " Lève-toi, et prends l'Enfant et sa Mère, et va dans la terre d'Israël " ; car ils sont morts, ceux qui poursuivaient la vie de l'Enfant. Joseph, s'étant levé, prit l'Enfant et sa Mère, et vint dans la terre d'Israël. Mais ayant appris qu'Archélaüs régnait en Judée, en la place d'Hérode son père , il craignit d'y aller ; et averti en songe, il se retira dans la Galilée. Et il vint habiter dans la ville qui est appelée Nazareth, afin que fût accompli ce qui avait été dit par les Prophètes : Il sera appelé Nazaréen."

IN CHRISTI NATIVITATE

Pour couronnement des pièces liturgiques qui nous ont aidé si suavement à pénétrer le mystère de Noël, nous avons réservé les strophes suivantes. Nulles autres ne pouvaient mieux convenir à ce jour qui prépare l'introduction des Mages près de la Crèche. Elles sont tirées du poème que le prince des mélodes de l'Eglise Grecque, saint Romanus, consacra, comme prémices de son génie, à la Vierge Mère. Nous regrettons de ne pouvoir donner ici le texte même, remis dans nos temps en honneur par un illustre prince de l'Eglise (Analecta sacra spicilegio solesmensi parata, I.), et dont aucune traduction ne saurait rendre l'incomparable harmonie.

La Vierge aujourd'hui met au monde Celui qui dépasse la nature ; la terre donne une grotte pour gîte à l'inaccessible. Les Anges avec les bergers font assaut de louanges ; les Mages sont en route à la suite de l'étoile. Car pour nous voici qu'est né, enfant d'un jour, le Dieu d'avant tous les siècles.


Adoration des bergers. Francesco de Rossi. XVIe.

Voici qu'en Bethléhem Eden est ouvert ; venez donc, et voyons : quel mets suave est là caché pour nous ! Venez : dans cette grotte, abreuvons-nous des délices du paradis. Là fleurit, sans être arrosée, la tige qui produit la grâce. Là est le puits qu'aucune main n'a creusé , et dont David un jour eût voulu boire. Ici tout d'un coup, grâce à la Vierge qui enfante, d'Adam et de David la soif est apaisée. Donc hâtons-nous d'aller où vient de naître, enfant d'un jour, le Dieu d'avant tous les siècles.

Le père de la mère a voulu être son fils ; le sauveur des enfants gît enfant dans une crèche. Fixant ses yeux sur lui, celle qui l'enfante a dit :
" Qu'est-ce cela, Ô mon fils ! En quelle manière as-tu pris germe en moi ? En quelle manière as-tu trouvé en moi vie et croissance ? Je te vois, Ô fruit de mes entrailles, et suis dans la stupeur ; mon sein s'emplit de lait, et je n'ai point connu d'homme. Et tandis que je t'admire en ces langes, je contemple la fleur de ma virginité toujours sauve, Ô toi qui l'as gardée, en daignant naître, enfant d'un jour, Dieu avant tous les siècles.

Roi très-haut, qui t'attire au milieu des mendiants ? Créateur des cieux, pourquoi viens-tu chez les habitants de la terre ? Une grotte fait tes délices, une crèche est ton amour ! Voici bien que pour ta servante il n'y a point de place dans l'hôtellerie ; et non seulement pas de place : pas de grotte même, car celle-ci est à d'autres. Pourtant à Sara, quand elle eut un fils, beaucoup de terre fut donnée : à moi, pas une tanière ; pour tout j'ai cet antre où tu as voulu habiter, enfant d'un jour, Dieu avant tous les siècles."


Adoration des bergers. Lorenzo d'Andrea d'Oderigo. XVIe.

Tandis qu'elle formule ces pensées dans son cœur et s'adresse suppliante à Celui qui connaît les mystères, elle apprend que les Mages sont là, cherchant le nouveau-né. Venant à eux :
" Qui êtes-vous ?" dit la Vierge.
Ceux-ci lui répondent :
" Bien plutôt, quelle est ta naissance, Ô toi qui as mis au monde un tel enfant ? De quel père, de quelle mère es-tu descendue, toi qui nourris un fils dont tu es la mère sans qu'il ait eu de père ? A la vue de son étoile, nous avons prononcé de concert qu'elle annonçait, enfant d'un jour, le Dieu d'avant tous les siècles.
Balaam en effet nous avait avec soin préparés à comprendre les oracles dont il fut le prophète, lorsqu'il prédit le lever d'une étoile : étoile éteignant toutes divinations et présages ; étoile résolvant les paraboles des sages, leurs énigmes et sentences ; étoile dont la lumière l'emporte d'autant mieux sur le soleil qui nous éclaire, qu'elle-même a créé tous les astres ; par elle il était annonce que de Jacob sortirait comme la lumière, l’enfant d'un jour, le Dieu d'avant tous les siècles."

Ayant entendu si merveilleux discours , Marie prosternée adora l'enfant né de ses entrailles, et dit en pleurs :
" Grandes pour moi, Ô mon fils, grandes sont toutes les choses que vous avez faites avec mon indigence. Car voici que dehors se tiennent les Mages, et ils vous cherchent ; les rois des nations de l'Orient désirent votre visage ; le contempler est la prière des riches de votre peuple. Ce peuple n'est-il pas vôtre, en effet, pour qui vous êtes né, enfant d'un jour, Dieu avant tous les siècles ?
Puis donc qu'ils sont vôtres, Ô mon fils, ordonnez qu'ils entrent sous votre toit, pour voir cette opulente pauvreté, cette noble indigence ; car je vous ai pour richesses et pour gloire, aussi n'ai-je point à rougir, en vous sont la grâce et la vérité ; et maintenant permettez qu'ils viennent en cet abri : comment m'inquiéterais-je de ma misère, vous possédant, vous le trésor que viennent contempler les princes, l'objet de l'étude des rois et des Mages cherchant où est né, enfant d'un jour, le Dieu d'avant tous les siècles ?"


Adoration des bergers. Jacob Jordaens. Début du XVIIe.

Jésus le Christ et notre vrai Dieu se fit entendre intérieurement au cœur de sa mère, et lui dit :
" Introduis ceux qu'amène ma parole ; car cette parole est la lumière de ceux qui me cherchent, étoile aux yeux, force pour l'âme intelligente. C'est elle qui, comme mon serviteur, a conduit les Mages, et maintenant elle s'est arrêtée pour remplir son office et désigner par ses rayons l'endroit où est né, enfant d'un jour, le Dieu d'avant tous les siècles.
Maintenant donc reçois-les, ô toute belle, reçois ceux qui m'ont reçu ; car je suis en eux, comme je suis dans tes bras, et, en les accompagnant, je ne t'ai point quittée."
Elle donc ouvre la porte et reçoit l'assemblée des Mages ; elle ouvre, celle qui est la porte fermée à tous, que seul le Christ a traversée ; elle ouvre, celle qui fut toujours close, celle qui jamais rien ne perdit des trésors de la virginité ; elle ouvre, celle par qui fut donnée au monde, porte des cieux, l'enfant d'un jour, Dieu avant tous les siècles.

Les dernières paroles de notre Avent étaient celles de l'Epouse, dans la prophétie du Disciple bien-aimé :
" Venez, Seigneur Jésus ! Venez !"
Nous terminerons cette première partie du Temps de Noël par ces paroles d'Isaïe que la sainte Eglise a répétées avec triomphe :
" Un petit Enfant nous est né! Les cieux ont envoyé leur rosée, le juste est descendu du ciel, la terre a enfanté son Sauveur, LE VERBE S'EST FAIT CHAIR, la Vierge a produit son doux fruit, Emmanuel, c'est-à-dire Dieu avec nous. Le Soleil de justice brille maintenant sur nous, les ténèbres sont passées ; au ciel, Gloire à Dieu ! Sur la terre, Paix aux hommes !"


Adoration des bergers. Jusepe de Ribeira. XVIIe.

" Tous ces biens nous sont venus par l'humble et glorieuse Naissance de cet Enfant. Adorons-le dans son berceau, aimons-le pour tant d'amour ; et préparons les présents que nous irons demain lui offrir avec les Mages. L'allégresse de la sainte Eglise continue, la nature angélique est dans l'étonnement, toute la création tressaille de bonheur : Un petit Enfant nous est né !"