dimanche, 04 novembre 2007
4 novembre 2007. XXIIIe dimanche après la Pentecôte.
- XXIIIe dimanche après la Pentecôte.
Extraits de l'Année liturgique de dom Prosper Guéranger.
Résurrection de la fille de Jaïre. Véronèse. XVIIe.
A LA MESSE
L'Antiphonaire se termine aujourd'hui ; l'Introït, le Graduel, l'Offertoire et la Communion ci-après, devront être repris en chacun des Dimanches qui peuvent se succéder encore plus ou moins nombreux, suivant les années, jusqu'à l'Avent. On se rappelle qu'au temps de saint Grégoire, l'Avent étant plus long que de nos jours (Avent, Historique.), ses semaines avançaient dans la partie du Cycle occupée maintenant par les derniers Dimanches après la Pentecôte. C'est une des raisons qui expliquent la pénurie de composition des Messes dominicales après la vingt-troisième.
En celle-ci même autrefois, l'Eglise, sans perdre de vue le dénouement final de l'histoire du monde, tournait déjà sa pensée vers l'approche du temps consacré à préparer pour ses enfants la grande fête de Noël. On lisait pour Epître le passage suivant de Jérémie, qui servit plus tard, en divers lieux, à la Messe du premier Dimanche de l'Avent :
" Voici que le jour arrive, dit le Seigneur, et je susciterai à David une race juste. Un roi régnera, qui sera sage et qui accomplira la justice et le jugement sur la terre. En ces jours-là Juda sera sauvé, et Israël habitera dans la paix ; et voici le nom qu'ils donneront à ce roi : Le Seigneur notre juste ! C'est pourquoi le temps " vient, dit le Seigneur, où l'on ne dira plus :
" Vive le Seigneur qui a tiré les enfants d'Israël de la terre d'Egypte ! mais : Vive le Seigneur qui a tiré et ramené la postérité de la maison d'Israël de la terre d'aquilon et de tous les pays » dans lesquels je les avais dispersés et chassés ! Et ils habiteront dans leur terre (Jerem. XXIII, 5-8.)."
Le saint prophète Jérémie (détail). Rembrandt. XVIIe.
Comme on le voit, ce passage s'applique également très bien à la conversion des Juifs et à la restauration d'Israël annoncée pour les derniers temps. C'est le point de vue auquel se sont placés les plus illustres liturgistes du moyen âge, pour expliquer toute la Messe du vingt-troisième Dimanche après la Pentecôte. Mais pour bien les comprendre, il faut observer aussi que, primitivement, l'Evangile du vingt-troisième Dimanche était l'Evangile de la multiplication des cinq pains. Cédons la parole au pieux et profond Abbé Rupert qui, mieux que personne, nous apprendra le mystère de ce jour où prennent fin les accents, si variés jusqu'ici, des mélodies grégoriennes.
" La sainte Eglise, dit-il, met tant de zèle à s'acquitter des supplications, des prières et des actions de grâces pour tous les hommes demandées par l'Apôtre (I Tim. II, 1.), qu'on la voit rendre grâces aussi pour le salut à venir des fils d'Israël, qu'elle sait devoir être un jour unis à son corps. Comme, en effet, à la fin du monde leurs restes seront sauvés (Rom. IX, 27.), dans ce dernier Office de l'année elle se félicite en eux comme en ses futurs membres.
Dans l'Introït, elle chante tous les ans, rappelant ainsi sans fin les prophéties qui les concernent : Le Seigneur dit : Mes pensées sont des pensées de paix et non d'affliction. Ses pensées sont toutes de paix en effet, puisqu'il promet d'admettre au banquet de sa grâce les Juifs ses frères selon la chair, réalisant ce qui avait été figuré dans l'histoire du patriarche Joseph. Les frères de ce dernier, qui l'avaient vendu, vinrent à lui poussés par la faim, lorsqu'il étendait sa domination sur toute la terre d'Egypte ; ils furent reconnus, reçus par lui, et lui-même fit avec eux un grand festin : ainsi notre Seigneur, régnant sur tout le monde et nourrissant abondamment du pain de vie les Egyptiens, c'est-à-dire les Gentils, verra revenir à lui les restes des fils d'Israël ; reçus en la grâce de celui qu'ils ont renié et mis à mort, il leur donnera place à sa table, et le vrai Joseph s'abreuvera délicieusement avec ses frères.
Le bienfait de cette table divine est signifié, dans l'Office du Dimanche, par l'Evangile, où l'on raconte du Seigneur qu'il nourrit avec cinq pains la multitude. Alors, en effet, Jésus ouvrira pour les Juifs les cinq livres de Moïse, portés maintenant comme des pains entiers et non rompus encore, par un enfant, à savoir ce même peuple resté jusqu'ici dans l'étroitesse d'esprit de l'enfance.
Alors sera accompli l'oracle de Jérémie, si bien placé avant cet Evangile; on ne dira plus : Vive le Seigneur qui a tiré les enfants d'Israël de la terre d'Egypte ! mais : Vive le Seigneur qui les a ramenés de la terre d'aquilon et de toutes celles où ils étaient dispersés !
Le saint prophète Jérémie. Plaque de reliquaire. XIIe.
Délivrés donc de la captivité spirituelle qui les retient maintenant, ils chanteront du fond de l'âme l'action de grâces indiquée au Graduel : Vous nous avez délivrés, Seigneur, de ceux qui nous persécutaient.
La supplication par laquelle nous disons, dans l'Offertoire : Du fond de l'abîmej'aicrié vers vous, Seigneur, répond manifestement, elle aussi, aux mêmes circonstances. Car en ce jour-là, ses frères diront au grand et véritable Joseph : " Nous vous conjurons d'oublier le crime de vos frères "[/b] (Gen L, 17.).
La Communion : En vérité, je vous le dis, tout ce que vous demanderez dans vos prières, et le reste, est la réponse de ce même Joseph disant, comme autrefois le premier (Ibid. 19-21.) : " Ne craignez point. Vous aviez formé contre moi un dessein mauvais ; mais Dieu l'a fait tourner au bien, afin de m'élever comme vous voyez maintenant " et de sauver beaucoup de peuples. Ne craignez donc point : je vous nourrirai, vous et vos a enfants "." (Rup. De div. Off. XII, 23).
EPITRE
Saint Paul écrivant. Valentin de Bourgogne. XVIIe.
Lecture de l'Epître du bienheureux Paul, Apôtre, aux Philippiens. Chap. III.
" Mes Frères, soyez mes imitateurs, et observez ceux qui se conduisent suivant le modèle que vous avez en nous. Car il y en a plusieurs dont je vous ai parlé souvent, dont je vous parle encore avec larmes, qui sont les ennemis de la croix du Christ. Ils ont pour fin la mort, pour dieu leur ventre ; ils placent la gloire pour eux dans leur honte, n'ayant de goût que pour les choses de la terre. Mais pour nous, déjà nous vivons dans les cieux ; c'est de là aussi que nous attendons pour Sauveur notre Seigneur Jésus-Christ, qui reformera le corps de notre bassesse et le rendra conforme à son corps glorieux, par la puissance qui lui permet de s'assujettir aussi toutes choses. C'est pourquoi, mes frères très chers et très désirés, ma joie et ma couronne, demeurez ainsi fermes dans le Seigneur, Ô mes bien-aimés. Je prie Evodia et je conjure Syntychès de s'unir et d'avoir les mêmes sentiments dans le Seigneur.
Je vous prie aussi, vous mon fidèle compagnon, d'aider celles qui ont travaillé avec moi pour l'Evangile, ainsi que Clément et les autres qui ont été mes aides, dont les noms sont au livre de vie."
Le nom de Clément, qui vient d'être prononcé par l'Apôtre, est celui du second successeur de saint Pierre. Assez souvent, le vingt-troisième Dimanche après la Pentecôte ne précède que de fort peu la solennité de ce grand pontife et martyr du premier siècle. Disciple de Paul, attaché depuis à la personne de Pierre, et désigné par le vicaire de l'Homme-Dieu comme le plus digne de monter après lui sur la chaire apostolique, Clément, nous le verrons au 23 novembre, était l'un des saints de cette époque primitive les plus vénérés des fidèles. La mention faite de lui à l'Office du Temps, dans les jours qui précédaient son apparition directe au cycle de la sainte Eglise, excitait la joie du peuple chrétien et ranimait sa ferveur, à la pensée de l'approche d'un de ses plus illustres protecteurs et amis.
Au moment où saint Paul écrivait aux Philippiens, Clément, qui devait longtemps encore survivre aux Apôtres, était bien des hommes dont parle notre Epître, imitateurs de ces illustres modèles, appelés à perpétuer dans le troupeau confié à leurs soins (I Petr. V, 3.) la règle des mœurs, moins encore par la fidélité de l'enseignement que par la force de l'exemple. L'unique Epouse du Verbe divin se reconnaît à l'incommunicable privilège d'avoir en elle, par la sainteté, la vérité toujours vivante et non point seulement lettre morte. L'Esprit-Saint n'a point empoché les livres sacrés des Ecritures de passer aux mains des sectes séparées ; mais il a réservé à l'Eglise le trésor de la tradition qui seule transmet pleinement, d'une génération à l'autre, le Verbe lumière et vie (Johan. I, 4.), par la vérité et la sainteté de l'Homme-Dieu toujours présentes en ses membres, toujours tangibles et visibles en l'Eglise (I Johan. I, 1.).
La sainteté inhérente à l'Eglise est la tradition à sa plus haute expression, parce qu'elle est la vérité non seulement proférée, mais agissante (I Thess. II, 13.), comme elle l'était en Jésus-Christ, comme elle l'est en Dieu (Johan. V, 17.). C'est là le dépôt (I Tim. VI, 20.) que les disciples des Apôtres recevaient la mission de transmettre à leurs successeurs, comme les Apôtres eux-mêmes l'avaient reçu du Verbe descendu en terre.
Aussi saint Paul ne se bornait point à confier l'enseignement dogmatique à son disciple Timothée (II Tim. III, 2.) ; il lui disait : " Sois l'exemple des fidèles dans la parole et la conduite " (I Tim. IV, 12.). Il redisait à Tite : " Montre-toi un modèle, en fait de doctrine et d'intégrité de vie " (Tit. II, 7.). Il répétait à tous : " Soyez mes imitateurs, comme je le suis de Jésus-Christ " (I Cor. II, 16.).
Il envoyait aux Corinthiens Timothée, pour leur rappeler, pour leur apprendre au besoin, non les dogmes seulement de son Evangile, mais ses voies en Jésus-Christ, sa manière de vivre ; car cette manière de vivre de l'Apôtre était, pour une part, son enseignement même en toutes les Eglises (Ibid. 17.) ; et il louait les fidèles de Corinthe de ce qu'en effet ils se souvenaient de lui pour l'imiter en toutes choses, gardant ainsi la tradition de Jésus-Christ (I Cor. XI, 1-2.).
Les Thessaloniciens étaient si bien entrés dans cet enseignement tiré de la vie de leur Apôtre, que, devenus ses imitateurs, et par là même ceux de Jésus-Christ, ils étaient, dit saint Paul, la forme de tous les croyants ; cet enseignement muet de la révélation chrétienne, qu'ils donnaient en leurs mœurs, rendait comme inutile la parole même des messagers de l'Evangile (I Thess. I, 5-8.).
L'Eglise est un temple admirable qui s'élève à la gloire du Très-Haut par le concours des pierres vivantes appelées à entrer dans ses murs (Eph. II,20-22.). La construction de ces murailles sacrées sur le plan arrêté par l'Homme-Dieu est l'œuvre de tous. Ce que l'un fait par la parole (I Cor. XIV, 3.), l'autre le fait par l'exemple (Rom. XIV, 19.) ; mais tous deux construisent, tous deux édifient la cité sainte ; et, comme au temps des Apôtres, l'édification par l'exemple l'emporte sur l'autre en efficacité, quand la parole n'est pas soutenue de l'autorité d'une vie conforme à l'Evangile.
Mais de même que l'édification de ceux qui l'entourent est, pour le chrétien, une obligation fondée à la fois sur la charité envers le prochain et sur le zèle de la maison de Dieu, il doit, sous peine de présomption, chercher dans autrui cette même édification pour lui-même. La lecture des bons livres, l'étude de la vie des saints, l'observation, selon l'expression de notre Epître, l'observation respectueuse des bons chrétiens qui vivent à ses côtés, lui seront d'un immense secours pour l'œuvre de sa sanctification personnelle et l'accomplissement des vues de Dieu en lui.
Cette fréquentation de pensées avec les élus de la terre et du ciel nous éloignera des mauvais, qui repoussent la croix de Jésus-Christ et ne rêvent que les honteuses satisfactions des sens. Elle placera véritablement notre conversation dans les cieux. Attendant pour un jour qui n'est plus éloigné l'avènement du Seigneur, nous demeurerons fermes en lui, malgré la défection de tant de malheureux entraînés par le courant qui emporte le monde à sa perte.
L'angoisse et les souffrances des derniers temps ne feront qu'accroître en nous la sainte espérance ; car elles exciteront toujours plus notre désir du moment solennel où le Seigneur apparaîtra pour achever l'œuvre du salut des siens, en revêtant notre chair même de l'éclat de son divin corps. Soyons unis, comme le demande l'Apôtre, et, pour le reste : " Réjouissez-vous toujours dans le Seigneur ", écrit-il à ses chers Philippiens ; " je le dis de nouveau, réjouissez-vous : le Seigneur est proche " (Philip, IV, 4-5.).
ÉVANGILE
Résurrection de la fille de Jaïre. Gustave Doré. XIXe.
La suite du saint Evangile selon saint Matthieu. Chap. IX.
" En ce temps-là, comme Jésus parlait au peuple, voici qu'un prince de la synagogue s'approcha, et l'adorant, il lui disait :
" Seigneur, ma fille vient de mourir ; mais venez, imposez votre main sur elle, et elle vivra."
Et Jésus, se levant, le suivait avec ses disciples. Or voici qu'une femme qui souffrait d'un flux de sang depuis douze années s'approcha par derrière, et toucha la frange de son vêtement. Car elle disait en elle-même : " Si je touche seulement son vêtement, je serai sauvée ".
Jésus se retournant alors, et la voyant, lui dit :
" Aie confiance, ma fille ; ta foi t'a sauvée."
Et de cette heure même, la femme fut guérie. Jésus venant ensuite à la maison du prince, et voyant les joueurs de flûte et une foule qui faisait grand bruit, leur dit :
" Retirez-vous, car la jeune fille n'est pas morte, elle n'est qu'endormie."
Et ils se moquaient de lui. Mais lorsqu'on eut mis tout ce monde à la porte, il entra, prit la main de la jeune fille, et elle se leva. Et le bruit s'en répandit dans tout le pays."
Quoique le choix de cet Evangile pour aujourd'hui ne remonte pas partout à la plus haute antiquité, il entre bien dans l'économie générale de la sainte Liturgie, et confirme ce que nous avons dit du caractère de cette partie de l'année. Saint Jérôme nous apprend, dans l'Homélie du jour, que l'hémorroïsse guérie par le Sauveur figure la gentilité, tandis que la nation juive est représentée par la fille du prince de la synagogue (Matth. IX.). Celle-ci ne devait retrouver la vie qu'après le rétablissement de la première ; et tel est précisément le mystère que nous célébrons en ces jours, où, la plénitude des nations avant reconnu le médecin céleste, l'aveuglement dont Israël avait été frappé cesse enfin lui-même (Rom. XI, 25.).
De cette hauteur où nous sommes parvenus, de ce point où le monde, ayant achevé ses destinées, ne va sembler sombrer un instant que pour se dégager des impies et s'épanouir de nouveau, transformé dans la lumière et l'amour : combien mystérieuses et à la fois fortes et suaves nous apparaissent les voies de l'éternelle Sagesse (Sap. VIII, 1.) !
Le péché, dès le début, avait rompu l'harmonie du monde, en jetant l'homme hors de sa voie. Si, entre toutes, une famille avait attiré sur elle la miséricorde, la lumière, en se levant sur cette privilégiée, n'avait fait que manifester plus profonde la nuit où végétait le genre humain. Les nations, abandonnées à leur misère épuisante, voyaient les attentions divines aller à Israël, et l'oubli s'appesantir sur elles au contraire. Lors même que les temps où la faute première devait être réparée se trouvèrent accomplis, il sembla que la réprobation des gentils dût être consommée du même coup ; car on vit le salut, venu du ciel en la personne de l'Homme-Dieu, se diriger exclusivement vers les Juifs et les brebis perdues de la maison d'Israël (Matth. XV, 24.).
Résurrection de la fille de Jaïre. Gravure de Schnorr. XIXe.
Cependant la race gratuitement fortunée, dont les pères et les premiers princes avaient si ardemment sollicité l'arrivée du Messie, ne se trouvait plus à la hauteur où l'avaient placée les patriarches et les saints prophètes. Sa religion si belle, fondée sur le désir et l'espérance, n'était plus qu'une attente stérile qui la tenait dans l'impuissance de faire un pas au-devant du Sauveur ; sa loi incomprise , après l'avoir immobilisée , achevait de l'étouffer dans les liens d'un formalisme sectaire. Or, pendant qu'en dépit de ce coupable engourdissement, elle comptait, dans son orgueil jaloux, garder l'apanage exclusif des faveurs d'en haut, la gentilité que son mal, toujours grandissant lui aussi, portait au-devant d'un libérateur, la gentilité reconnaissait en Jésus le Sauveur du monde, et sa confiante initiative lui méritait d'être guérie la première. Le dédain apparent du Seigneur n'avait servi qu'à l'affermir dans l'humilité, dont la puissance pénètre les cieux (Eccli. XXXV, 21.).
Israël devait donc attendre à son tour. Selon qu'il le chantait dans le psaume, l'Ethiopie l’avait prévenu en tendant ses mains vers Dieu la première (Psalm. LXVII, 32.). Désormais ce fut à lui de retrouver, dans les souffrances d'un long abandon, l'humilité qui avait valu à ses pères les promesses divines et pouvait seule lui en mériter l'accomplissement. Mais aujourd'hui la parole de salut a retenti dans toutes les nations, sauvant tous ceux qui devaient l'être. Jésus, retardé sur sa route, arrive enfin à la maison vers laquelle se dirigeaient ses pas dès l'abord, à cette maison de Juda où dure toujours l'assoupissement de la fille de Sion.
Sa toute-puissance compatissante écarte de la pauvre abandonnée la foule confuse des faux docteurs, et ces prophètes de mensonge qui l'avaient endormie aux accents de leurs paroles vaines ; il chasse loin d'elle pour jamais ces insulteurs du Christ, qui prétendaient la garder dans la mort. Prenant la main de la malade, il la rend à la vie dans tout l'éclat de sa première jeunesse; prouvant bien que sa mort apparente n'était qu'un sommeil, et que l'accumulation des siècles ne pouvait prévaloir contre la parole donnée par Dieu à Abraham son serviteur (Luc. 1, 54-55.).
Au monde maintenant de se tenir prêt pour la transformation dernière. Car la nouvelle du rétablissement de la fille de Sion met le dernier sceau à l'accomplissement des prophéties. Il ne reste plus aux tombeaux qu'à rendre leurs morts (Dan. XII, 1-2.). La vallée de Josaphat se prépare pour le grand rassemblement des nations (Joël, III, 1.) ; le mont des Oliviers va de nouveau (Act. I, 11.) porter l'Homme-Dieu, mais cette fois comme Seigneur et comme juge (Zach. XIV, 4.).
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mercredi, 31 octobre 2007
31 octobre. Vigile de la Toussaint.
- Vigile de la Toussaint.
" Le nombre de ceux que je vis alors dans le Ciel était si prodigieux, que les calculs de l'homme seraient impuissants à l'apprécier."
Apocalypse selon saint Jean. VII, 9.
Bréviaire à l'usage de Besançon. XVe.
Jeune et abstinence.
Préparons nos âmes aux grâces que le ciel s'apprête à verser sur la terre, en retour des hommages de celle-ci. Telle sera demain l'allégresse de l'Eglise, qu'elle semblera déjà se croire en possession de l'éternité. Aujourd'hui pourtant, c'est sous les livrées de la pénitence qu'elle se montre à nos yeux, confessant bien qu'elle n'est qu'une exilée (Heb. XI, 13.).
La Paradis. Giovanni di Paolo di Grazia. XVe.
Avec elle, jeûnons et prions. Nous aussi, que sommes-nous que des voyageurs, en ce monde où tout passe et se hâte de mourir ?
D'années en années, la solennité qui va s'ouvrir compte parmi nos compagnons d'autrefois des élus nouveaux qui bénissent nos pleurs et sourient à nos chants d'espérance.
D'années en années, le terme se rapproche où nous-mêmes, admis à la fête des cieux, recevrons l'hommage de ceux qui nous suivent, et leur tendrons la main pour les aider à nous rejoindre au pays du bonheur sans fin.
Toussaint. Le Caravage. XVIIe.
Sachons, dès cette heure, affranchir nos âmes ; gardons nos cœurs libres, au sein des vaines sollicitudes, des plaisirs faux d'une terre étrangère : il n'est pour l'exilé d'autre souci que celui de son bannissement, d'autre joie que celle où il trouve l'avant-goût de la patrie.
Dans ces pensées, disons avec l'Eglise en ce jour de Vigile :
ORAISON
Jugement dernier. Bible arménienne. Barlam d'Iran. XVIIe.
" Seigneur notre Dieu, faites couler abondamment sur nous votre grâce ; et, comme nous prévenons la glorieuse solennité de vos Saints, puissions-nous mériter par une sainte vie de les suivre au bonheur. Par Jésus-Christ."
En la manière que nous l'avons commencé, terminons ce mois par un hommage à Marie, Reine du très saint Rosaire et Reine des Saints. Les anciens Missels Dominicains nous en fourniront la formule.
SEQUENCE
Comédie. Dante. Maître de Coëtivy. XVe.
" Voici qu'au jardin virginal bourgeonnent les nouvelles pousses et se forment les fleurs ; c'est la fertilité du printemps.
C'est la fin des frimas ; l'hiver s'en est allé, et les pluies et la neige avec lui ; les roses ont apparu sur la terre, semées des cieux.
La rose a produit le lis ; puis du jardin de son fils, tant qu'a duré leur exil, elle a cueilli et moissonné
Pour les justes la joie, pour les pécheurs une nouvelle innocence, pour les élus la gloire, pour tous le salut :
Dons que le Christ apporta des cieux, qu'il assura par ses souffrances à la terre, sauvant le monde qu'il était venu vaincre.
Il se repose sous le feuillage du rosier, se blesse à ses épines, se couronne de ses fleurs : et de la sorte nous appelle, nous justifie, nous récompense.
Grâce donc à la tige bénie, à ses feuilles, à ses ronces, à ses roses, la patrie est à nous ; ses délices nous attendent là où demeure l'auguste jardinière,
L'impératrice qui se complaît dans les associations de notre milice sainte, comme elle préside à la triple hiérarchie des neuf chœurs.
Triomphatrice nouvelle, qui réparez l'antique désastre, à vous nos chants !
Mais voici qu'à nouveau l'ennemi menace et rugit ; si vous ne l'arrêtez, c'en est fait des chrétiens.
Nous vous saluons, ô vous la demeure du Verbe, sanctuaire de l'Esprit-Saint, fille du Père souverain.
Contre les traits de l'ennemi, dans les dangers multiples de cette vie, que votre secours soit sur nous toujours.
Qu'après le combat notre couronne soit formée des roses et des lis que produit le parterre des cieux.
Amen."
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dimanche, 21 octobre 2007
Dimanche 21 octobre 2007. XXIe dimanche après la Pentecôte.
- XXIe dimanche après la Pentecôte.
Extraits de l'Année liturgique de dom Prosper Guéranger.
Le mauvais serviteur refuse de patienter vis-à-vis de son débiteur. G. Doré. XIXe.
Les Dimanches qui vont suivre sont les derniers du Cycle ; mais le degré de proximité qui les met en rapport avec son dernier terme, varie chaque année selon le mouvement de la Pâque. Cette mobilité rend impossible la recherche d'un accord précis entre la composition de leurs Messes et les lectures de l'Office de la nuit, qui se font à terme fixe depuis le mois d'août en la manière que nous avons dite (VIIe Dim. ap. la Pentec.).
Cependant l'instruction que les fidèles doivent tirer de la sainte Liturgie serait incomplète, la préoccupation de l'Eglise dans ces dernières semaines ne leur apparaîtrait pas aussi claire qu'il convient pour les dominer pleinement, s'ils ne se rappelaient que les mois d'octobre et de novembre sont remplis, le premier par la lecture des Machabées qui nous animent pour les derniers combats, le second par celle des Prophètes annonçant les jugements de Dieu (Myst. du Temps ap. la Pentec. tome I.).
A LA MESSE
Durand de Mende, dans son Rational, s'applique à montrer que ce Dimanche et ceux qui le suivent relèvent toujours de l'Evangile des noces divines, et n'en sont que le développement.
" Parce que, dit-il pour aujourd'hui, ces noces n'ont point de plus grand ennemi que la jalousie de Satan contre l'homme, l'Eglise traite, en ce Dimanche, de la guerre contre Satan et de l'armure qu'il nous faut revêtir pour soutenir cette guerre, comme on le verra dans l'Epître. Et parce que le cilice et la cendre sont les armes de la pénitence, l'Eglise emprunte, dans l'Introït, la voix de Mardochée qui priait Dieu sous le cilice et la cendre (Dur. Ration. VI, 138.)."
Les réflexions de l'évêque de Mende sont fondées. Mais, si la pensée de l'union divine qui se consommera bientôt ne quitte pas l'Eglise, c'est surtout néanmoins en s'oubliant elle-même, pour ne songer qu'aux hommes dont le salut lui a été confié par l'Epoux, qu'elle se montrera véritablement Epouse dans les malheurs des derniers temps. Nous l'avons dit : l'approche du jugement final, l'état lamentable du monde dans les années qui précéderont immédiatement ce dénouement de l'histoire humaine, inspire et remplit maintenant la Liturgie. Aujourd'hui, la partie de la Messe qui frappait surtout nos pères était l'Offertoire tiré de Job, avec ses Versets aux exclamations si expressives, aux répétitions si instantes ; et l'on peut dire, en effet, que cet Offertoire donne bien le vrai sens qu'il convient d'attribuer au vingt et unième Dimanche après la Pentecôte.
Le monde, réduit, comme Job sur son fumier, à la misère la plus extrême, n'a plus rien à espérer que de Dieu seul. Les saints qu'il renferme encore, entrant pour lui dans les dispositions du juste de l'Idumée, honorent le Seigneur par une patience et une résignation qui n'enlèvent rien à la puissance et à l'ardeur de leurs supplications. C'est le sentiment qui met tout d'abord en leur bouche la prière sublime que Mardochée formulait pour son peuple condamné à une extermination absolue, figure de celle qui attend le genre humain (Esth. XIII, 9-11.).
EPÎTRE
Lecture de l'Epître du bienheureux Paul, Apôtre, aux Ephésiens. Chap. VI.
" Mes Frères, fortifiez-vous dans le Seigneur et dans sa vertu toute-puissante. Revêtez-vous de l'armure de Dieu, afin de pouvoir tenir contre les embûches du diable ; car nous n'avons point à lutter contre des hommes de chair et de sang, mais contre les princes et les puissances, contre les chefs de ce monde de ténèbres, contre les esprits de malice répandus dans l'air. C'est pourquoi prenez l'armure de Dieu, afin de pouvoir résister, au jour mauvais, et demeurer parfaits en toutes choses. Tenez donc ferme, les reins ceints dans la vérité, revêtus de la cuirasse de justice, les pieds chaussés pour marcher dans la voie de l'Evangile de paix; ayez toujours le bouclier de la foi, sur lequel vous puissiez éteindre tous les traits enflammés de l'esprit mauvais ; prenez aussi le casque du salut, et l'épée spirituelle qui est la parole de Dieu."
Les commencements de l'union divine sont, d'ordinaire, sous le charme d'une sérénité sans mélange. L'éternelle Sagesse qui, tout d'abord, a conduit l'homme par les épreuves laborieuses de la purification de l'esprit et des sens, le laisse, quand l'alliance est conclue, reposer sur son sein, et achève de se l'attacher par des délices enivrantes qui sont l'avant-goût des joies célestes. Il semble que, selon la prescription du Deutéronome (Deut. XXIV, 5.), nulle guerre, nul souci, ne doivent troubler les premiers temps de cette union fortunée. Mais une telle exemption des charges publiques ne se prolonge jamais ; car la guerre est la condition de tout homme ici-bas (Job. VII, 1.).
Le Très-Haut se complaît dans la lutte ; il n'est point de nom qui lui soit plus souvent appliqué par les Prophètes que celui de Dieu des armées. Son Fils, qui est l'Epoux, se présente à la terre comme le Seigneur puissant dans les combats (Psalm. XXIII, 8. 6.). L'épithalame sacré nous le montre ceignant l'épée (Psalm. XLIV, 4.), et se faisant jour par ses flèches aiguës au travers des ennemis (Ibid. 6.), pour arriver dans la valeur et la victoire jusqu'à son Epouse (Ibid. 5.). Pareille à lui, cette Epouse dont il a convoité la beauté (Ibid. 12.), qu'il veut associer à toutes ses gloires (Ibid. 10.), s'avance au-devant de lui dans l'éclat d'une parure de guerre (Cant. IV, 4.), entourée de chœurs chantant les hauts faits de l'Epoux (Ibid. VII, 1.), terrible elle-même comme une armée rangée en bataille (Ibid. VI, 9.). L'armure des forts charge ses bras et sa poitrine ; son cou rappelle la tour de David avec ses remparts et ses mille boucliers.
Dans les délices de son union avec l'Epoux, les plus vaillants guerriers l'entourent. Leur titre à cet honneur est la sûreté de leur glaive et leur science des combats ; chacun d'eux a l'épée au côté, dans la crainte des surprises de la nuit (Cant. III, 7-8.). Car d'ici que se lève le jour éternel, et que les ombres de la vie présente s'évanouissent (Ibid. IV, 6.) dans la lumière de l'Agneau pleinement vainqueur (Apoc. XXI, 9, 23.), la puissance est aux chefs de ce monde de ténèbres, nous dit saint Paul ; et c'est contre eux qu'il nous faut revêtir l'armure de Dieu dont il parle, si nous voulons être en mesure de résister, au jour mauvais.
Les jours mauvais, que signalait l'Apôtre Dimanche dernier déjà (Eph. V, 16.), sont nombreux dans la vie de chaque homme et dans l'histoire du monde. Mais, pour chaque homme et pour le monde, il est un jour mauvais entre tous : celui de la fin et du jugement, dont l'Eglise chante que le malheur et la misère en feront un jour grand d'amertume (Resp. Libéra me.). Les années ne sont données à l'homme, les siècles ne se suivent pour le monde, que dans le but de préparer le dernier jour. Heureux les combattants du bon combat et les vainqueurs en ce jour terrible (II Tim. IV, 7.), ceux qui, selon le mot du Docteur des nations, apparaîtront alors debout sur les ruines et parfaits en tout ! Ils ne connaîtront point la seconde mort (Apoc. 11, 11.) ; couronnés du diadème de la justice (II Tim. IV, 8.), ils régneront avec Dieu (Apoc. XX, 6.) sur le trône de son Verbe (Ibid. III, 21.).
La guerre est facile avec l'Homme-Dieu pour chef. Il ne nous demande, par son Apôtre, que de chercher notre force en lui seul et dans la puissance de sa vertu. C'est appuyée sur son Bien-Aimé que l'Eglise monte du désert ; soutenue ainsi, elle afflue de délices dans les plus mauvais jours (Cant. VIII, 5.). L'âme fidèle se sent émue d'amour à la pensée que les armes qu'elle porte sont celles mêmes de l'Epoux. Ce n'est point en vain que les Prophètes nous l'avaient dépeint à l'avance ceignant le premier le baudrier de la foi (Isai. XI, 5.), prenant le casque du salut (Ibid. LIX, 17.), le bouclier, la cuirasse de justice (Sap. V, 19-20.), le glaive de l'esprit qui est la parole de Dieu (Apoc. II, 16.) : l'Evangile nous l'a montré descendu dans la lice pour former les siens, par son exemple, au maniement de ces armes divines.
Armes multiples en raison de leurs multiples effets, et qui toutes cependant, offensives ou défensives, se résument dans la foi. Il est facile de le voir en lisant notre Epître, et c'est ce que notre chef divin a voulu nous apprendre, lorsqu'à la triple attaque dirigée contre lui sur la montagne de la Quarantaine, il se contenta de répondre en invoquant par trois fois l'Ecriture (Matth. IV, 1-11.). La victoire qui triomphe du monde est celle de notre foi, dit saint Jean (I Johan. V, 4.) ; c'est dans le combat de la foi que Paul, à la fin de sa carrière, résume les luttes de son existence (II Tim. IV, 7.) et de toute vie chrétienne (I Tim. VI, 12.).
C'est la foi qui, en dépit des conditions désavantageuses signalées par l'Apôtre, assure le triomphe aux hommes de bonne volonté. Si l'on devait, dans la lutte engagée, estimer les espérances de succès des parties adverses à la comparaison de leurs forces respectives, la présomption ne serait certes pas en notre faveur. Car ce n'est point à des êtres de chair et de sang comme nous le sommes, qu'il nous faut tenir tête, mais à des ennemis insaisissables, remplissant l'air et pourtant invisibles, intelligents et forts, connaissant à merveille les tristes secrets de notre pauvre nature déchue, et tournant tous leurs avantages contre l'homme à le tromper, pour le perdre en haine de Dieu. Créés à l'origine pour refléter dans la pureté d'une nature toute spirituelle l'éclat divin de leur auteur, ils montrent, accompli en eux par l'orgueil, ce hideux prodige de pures intelligences dévouées au mal et à la haine de la lumière.
Comment donc nous, qui déjà ne sommes par notre nature qu'obscurité, lutterons-nous avec ces puissances spirituelles mettant leur intelligence au service de la nuit ?
" En devenant lumière ", dit saint Jean Chrysostome (Chrys. Hom. XXII in ep. ad Eph.). La face du Père, il est vrai, ne doit point luire directement sur nous avant le grand jour de la révélation des fils de Dieu ; mais d'ici là, pour suppléer à notre cécité, nous avons la parole révélée (II Petr. II, 19.). Le baptême a ouvert l'ouïe en nous, quoique non encore les yeux ; Dieu parle par l'Ecriture et son Eglise, et la foi nous donne une certitude aussi grande que si déjà nous voyions.
Par sa docilité d'enfant, le juste marche en paix dans la simplicité de l'Evangile. Mieux que le bouclier, mieux que le casque et la cuirasse, la foi le couvre contre les dangers ; elle émousse les traits des passions, et rend impuissantes les ruses ennemies Point n'est besoin avec elle de subtils raisonnements ni de considérations prolongées : pour découvrir les sophismes de l'enfer ou prendre une décision dans un sens ou dans l'autre, ne suffit-il pas, en toute circonstance, de la parole de Dieu qui ne manque jamais ? Satan craint qui s'en contente. Il redoute plus un tel homme que toutes les académies ; il sait qu'en toute rencontre, il sera broyé sous ses pieds (Rom. XVI, 20.) avec une rapidité plus grande que celle de la foudre (Luc. X, 18.). Ainsi, au jour du grand combat (Apoc. XII, 7.), fut-il précipité des cieux par un seul mot de Michel l'Archange, devenu, comme nous l'avons dit, notre modèle et notre défenseur en ces jours.
L'Eglise, dans le Graduel et le Verset, rappelle au Seigneur qu'il n'a jamais cessé d'être le refuge de son peuple ; sa bonté, comme sa puissance, est d'avant tous les âges, parce qu'il est Dieu dès l'éternité. Qu'il protège donc maintenant les siens réduits à préparer dans leur petit nombre, comme autrefois Israël, l'exode final de l'Eglise quittant pour la vraie terre promise ce monde redevenu infidèle.
ÉVANGILE
La suite du saint Evangile selon saint Matthieu. Chap. XVIII.
Le mauvais serviteur refuse de patienter vis-àvis de son débiteur (détail). G. Doré. XIXe.
" En ce temps-là, Jésus dit à ses disciples cette parabole :
Le royaume des cieux est semblable à un roi qui voulut faire rendre compte à ses serviteurs. Et ayant commencé à le faire, on lui en présenta un qui lui devait dix mille talents. Or, comme il n'avait pas de quoi rendre, son maître ordonna de le vendre avec sa femme, ses enfants et tout ce qu'il avait, pour payer sa dette. Mais ce serviteur, se jetant à ses pieds, le priait disant :
" Ayez patience à mon endroit, et je vous rendrai tout."
Le maître ayant donc pitié de ce serviteur, le renvoya et lui remit sa dette.
Mais ce serviteur, étant sorti, trouva un de ses compagnons qui lui devait cent deniers, et le saisissant il l'étouffait, disant : Rends ce que tu dois. Et son compagnon, se jetant à ses pieds, le suppliait disant :
" Ayez patience à mon endroit, et je vous rendrai tout."
Mais l’autre ne voulut point l'entendre, et, s'en allant, il le fit mettre en prison jusqu'à ce qu'il payât sa dette.
Les serviteurs ses compagnons, voyant ce qui se passait, en furent grandement centristes, et ils vinrent raconter à leur maître tout ce qui était arrivé.
Alors son maître, le faisant venir, lui dit :
" Méchant serviteur, je vous ai remis toute votre dette, parce que vous m'en avez prié ; ne fallait-il donc pas que vous aussi eussiez pitié de votre compagnon, comme moi-même j'ai eu pitié de vous ?"
Et le maître en colère le livra aux bourreaux, jusqu'à ce qu'il eût payé toute sa dette.
Ainsi fera pour vous mon Père céleste, si vous ne pardonnez chacun à votre frère, du fond de vos cœurs."
" Juge vengeur et juste, accordez-nous remise avant le jour des comptes (Sequ. Dies irae.) !"
C'est le cri qui s'échappe du cœur de l'Eglise en ces jours, lorsqu'elle songe au sort de ses innombrables fils moissonnés chaque année par la mort ; c'est la supplication qui doit s'élever de toute âme vivante, à la lecture de l'Evangile que nous venons d'entendre. La Prose des morts, d'où est tirée cette exclamation poignante, n'est point seulement une prière sublime pour les trépassés; elle est également, dans cette partie du Cycle, l'expression de l'attente de nous tous qui vivons encore, qui semblons abandonnés, oubliés sur le soir des siècles, et pourtant ne préviendrons point au pied du redoutable tribunal " ceux qui dorment déjà du grand sommeil " (I Thess. V, 14-16.).
" Combien grande sera la terreur, dit la sainte, Mère Eglise, quand le juge viendra pour tout scruter rigoureusement ! La trompette éclatante, retentissant par les sépulcres de l'univers, rassemblera tous les humains devant le trône. La mort et la nature seront dans la stupeur, lorsque ressuscitera la créature pour répondre à son juge.
On produira le livre écrit renfermant tout l'objet du jugement du monde. Quand donc s'assiéra le juge, tout ce qui se cache apparaîtra, rien ne demeurera sans vengeance. Que dirai-je alors, malheureux ? quel défenseur implorerai-je, quand à peine rassuré sera le juste ? Roi de majesté redoutable, qui sauvez gratuitement ceux qui doivent l'être, sauvez-moi, source de miséricorde. Souvenez-vous, ô doux Jésus, que je suis la cause de votre venue : ne me perdez pas en ce jour (Sequ. Dies irae.) !"
Sans nul doute, une telle prière a toute chance d'être exaucée, lorsqu'elle s'adresse ainsi à celui qui n'a rien plus à cœur que notre salut, et qui, pour l'obtenir, s'est dévoué aux fatigues, aux tourments, à la mort de la croix. Mais nous serions inexcusables et mériterions doublement la condamnation, en ne profitant pas des avis qu'il nous donne lui-même, pour parer d'avance aux angoisses de " ce jour de larmes où l'homme coupable se lèvera de sa cendre pour être jugé " (Ibid.). Méditons donc la parabole de notre Evangile, qui n'a d'autre but que de nous enseigner un moyen sûr d'apurer dès maintenant nos comptes avec le Roi éternel.
Nous sommes tous, aie bien prendre, ce serviteur négligent, débiteur insolvable, que son maître est en droit de vendre avec tout ce qu'il possède et de livrer aux bourreaux. La dette contractée par nos fautes envers la Majesté souveraine est de telle nature qu'elle requiert, en toute justice, des tourments sans fin, et suppose un enfer éternel où, payant sans cesse, l'homme pourtant ne s'acquitte jamais. Louange donc et reconnaissance infinie au divin créancier ! Touché par les prières du malheureux qui le supplie de lui donner le temps de s'acquitter, il va plus loin que sa demande et lui remet dès l'instant toute sa dette.
Mais c'est à la condition pour le serviteur, la suite le fait bien voir et la clause est trop juste, d'en user avec ses compagnons comme son maître l'a fait avec lui. Exaucé si grandement par son Seigneur et Roi, délivré gratuitement d'une dette infinie, pourrait-il rejeter, venant d'un égal, cette même prière qui l'a sauvé, et se montrer impitoyable au sujet des obligations contractées envers lui ?
" Tout homme sans doute, dit saint Augustin, a son frère pour débiteur ; car quel est l'homme qui n'ait jamais été offensé par personne ? Mais quel est l'homme aussi qui ne soit le débiteur de Dieu, puisque tous ont péché ? L'homme est donc à la fois débiteur de Dieu, créancier de son frère. C'est pourquoi le Dieu juste t'a posé cette règle d'en agir avec ton débiteur comme il le fait avec le sien... (Aug. Serm. LXXXIII, 2.)."
Tous les jours nous prions, tous les jours nous faisons monter la même supplication aux oreilles divines, tous les jours nous nous prosternons pour dire : " Remettez-nous nos dettes, comme nous les remettons nous-mêmes à nos débiteurs (Matth. VI, 12.). De quelles dettes parles-tu ? de toutes tes dettes, ou seulement d'une partie ? Tu vas dire : De toutes. Remets donc tout toi-même à ton débiteur, puisque c'est la règle posée, la condition acceptée (Aug. Ibid. 4.)."
" Il est plus grand, dit saint Jean Chrysostome, de remettre au prochain ses torts envers nous qu'une dette d'argent; car, en lui remettant ses péchés, nous imitons Dieu (Chrys. in ep. ad Eph. Hom. XVII, 1.)."
Et qu'est donc, après tout, le tort de l'homme envers l'homme, comparé à l'offense de l'homme envers Dieu ? Cependant, hélas ! celle-ci nous est familière : le juste la connaît sept fois le jour (Prov. XXIV, 16.) ; plus ou moins donc, elle remplit nos journées. Qu'au moins l'assurance d'être pardonnes chaque soir à la seule condition du désaveu de nos misères, nous rende accessibles à la miséricorde pour autrui.
C'est une sainte habitude que celle de ne regagner sa couche qu'à la condition de pouvoir s'endormir sur le sein de Dieu, comme l'enfant d'un jour ; mais si nous éprouvons l'heureux besoin de ne trouver à la fin de nos journées, dans le cœur du Père qui est aux cieux (Matth. VI, 9.), qu'oubli de nos fautes et tendresse infinie, comment prétendre garder en même temps dans notre cœur à nous de fâcheux souvenirs ou des rancunes, petites ou grandes, contre nos frères qui sont aussi ses fils ? Lors même que nous aurions été de leur part l'objet d'injustes violences ou d'atroces injures, leurs fautes contre nous égaleront-elles jamais nos attentats contre ce Dieu très bon dont nous sommes nés les ennemis, dont nous avons causé la mort ?
Il n'est donc point de circonstance où ne s'applique la règle de l'Apôtre : " Soyez miséricordieux, pardonnez-vous mutuellement comme Dieu vous a pardonné dans le Christ ; soyez les imitateurs de Dieu comme ses fils très chers " (Eph. IV, 32 ; V, 1.). Tu appelles Dieu ton Père, et tu gardes mémoire d'une injure ! " Ce n'est pas là le fait d'un fils de Dieu ", dit encore admirablement saint Jean Chrysostome ; " l'œuvre d'un fils de Dieu, c'est de pardonnera ses ennemis, de prier pour ceux qui le crucifient, de répandre son sang pour ceux qui le haïssent. Voilà qui est digne d'un fils de Dieu ; les ennemis, les ingrats, les voleurs, les impudents, les traîtres, en faire ses frères et ses cohéritiers (Chrys. in ep. ad Eph. Hom. XIV, 3.) !"
Nous donnons ici en son entier le célèbre Offertoire de Job, avec ses Versets. Ce que nous avons dit, au commencement de ce Dimanche, aidera à le faire comprendre. L'Antienne, seule conservée aujourd'hui, nous représente, dit Amalaire, les paroles de l'historien qui raconte simplement les faits, et elle se poursuit à cause de cela directement ; tandis que Job lui-même, le corps épuisé, l'âme remplie d'amertume, est mis en scène dans les versets : leurs répétitions, leurs suspensions, leurs reprises, leurs phrases inachevées, expriment au vif son souffle haletant et sa douleur (Amal. De eccl. Off. L. III, c. 39.).
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dimanche, 14 octobre 2007
14 octobre 2007. XXe dimanche après la Pentecôte.
- XXe dimanche après la Pentecôte.
Extraits de l'Année liturgique de dom Prosper Guéranger.
La guérison du fils de l'officier à Capharnaüm. Maître de Paul et Barnabé. Flandres. XVIe.
A LA MESSE
L'Evangile d'il y a huit jours avait pour objet la promulgation des noces du Fils de Dieu et de la race humaine. La réalisation de ces noces sacrées est le but que Dieu se proposait dans la création du monde visible, le seul qu'il poursuive dans le gouvernement des sociétés. Dès lors, on ne doit pas s'étonner que la parabole évangélique, en nous révélant sur ce point la pensée divine, ait mis aussi en lumière le grand fait de la réprobation des Juifs et de la vocation des Gentils, qui est à la fois le plus important de l'histoire du monde et le plus intimement lié à la consommation du mystère de l'union divine.
L'exclusion de Juda doit cependant, nous l'avons dit (XIIIe dim. ap. la Pentec.), cesser un jour. Son obstination a valu aux Gentils de voir se diriger vers eux le message de l'amour. Mais aujourd'hui la plénitude des nations (Rom. XI, 25-26.) a entendu l'invitation céleste ; le temps est proche où l'accession d'Israël va compléter l'Église en ses membres, et donner à l'Epouse le signal de l'appel suprême qui mettra fin au long travail des siècles (Rom. VIII, 22.), en faisant apparaître l'Epoux (Apoc. XXII, 17.).
L'heureuse jalousie que l'Apôtre voulait exciter dans les hommes de sa race en se tournant vers les nations (Rom. XI, 13-14), se fera donc sentir enfin au cœur des descendants de Jacob. Quelle joie au ciel, quand leur voix, repentante et suppliante, s'unira devant Dieu aux chants d'allégresse de la gentilité célébrant l'entrée de ses peuples sans nombre dans la salle du banquet divin ! Un tel concert sera véritablement le prélude du grand jour salué par saint Paul à l'avance, lorsqu'il disait des Juifs dans son patriotique enthousiasme : " Si leur chute a été la richesse du monde et leur diminution la richesse des Gentils, que sera-ce de leur plénitude ?" (Ibid. 12.).
Or la Messe du XXe Dimanche après la Pentecôte nous donne un avant-goût de ce moment fortuné, où la reconnaissance du nouveau peuple ne sera plus seule à chanter les bienfaits divins. Les anciens liturgistes s'accordent à nous la montrer composée, par moitié, des accents des prophètes fournissant à Jacob l'expression du repentir qui lui vaudra le retour des divines faveurs, et, par moitié, des formules inspirées dans lesquelles les nations, déjà rangées dans la salle du festin des noces, exhalent leur amour (Berno Aug. V ; Rup. De div. Off. XII, 20 ; Durand. Ration, VI, 137.). Le chœur des Gentils se fait entendre au Graduel et dans la Communion, le chœur des Juifs dans l'Introït et l'Offertoire.
ÉPÎTRE
Lecture de l'Epître du bienheureux Paul , Apôtre , aux Ephésiens. Chap. V.
" Mes Frères, voyez avec quelle circonspection vous devez vous conduire, non comme des insensés, mais comme des sages, rachetant le temps, car les jours sont mauvais. C'est pourquoi ne soyez pas imprudents, mais comprenez quelle est la volonté de Dieu. Ne vous laissez pas entraîner aux excès du vin, d'où vient la luxure ; mais remplissez-vous de l'Esprit-Saint, vous entretenant de psaumes, d'hymnes et de cantiques spirituels, chantant et psalmodiant dans vos cœurs au Seigneur, rendant grâces en tout temps pour toutes choses à Dieu le Père, au nom de notre Seigneur Jésus-Christ, vous soumettant les uns aux autres dans la crainte du Christ."
L’approche de la consommation des noces du Fils de Dieu coïncidera ici-bas avec un redoublement des fureurs de l'enfer pour perdre l'Epouse. Le dragon de l'Apocalypse (Apoc. XII, 9.), l'ancien serpent séducteur d'Eve, vomissant comme un fleuve sa bave immonde (Ibid. 15.), déchaînera toutes les passions pour entraîner la vraie mère des vivants sous l'effort. Cependant il sera impuissant à souiller le pacte de l'alliance éternelle ; et, sans forces contre l'Eglise, il tournera sa rage contre les derniers fils de la nouvelle Eve, réservés pour l'honneur périlleux des luttes suprêmes qu'a décrites le prophète de Pathmos (Ibid. 17.).
C'est alors surtout que les chrétiens fidèles devront se souvenir des avis de l'Apôtre, et se conduire avec la circonspection qu'il recommande, mettant tous leurs soins à garder pure leur intelligence non moins que leur volonté, dans ces jours mauvais. Car la lumière n'aura point alors à subir seulement les assauts des fils de ténèbres étalant leurs perverses doctrines ; elle sera plus encore, peut-être, amoindrie et faussée par les défaillances des enfants de lumière eux-mêmes sur le terrain des principes, par les atermoiements, les transactions, l'humaine prudence des prétendus sages. Plusieurs sembleront ignorer pratiquement que l'Epouse de l'Homme-Dieu ne peut succomber sous le choc d'aucune force créée. S'ils se souviennent que le Christ s'est engagé à garder lui-même son Eglise jusqu'à la fin des siècles (Matth. XXVIII, 20.), ils n'en croiront pas moins faire merveille en apportant à la bonne cause le secours d'une politique dont les concessions ne seront pas toujours pesées suffisamment au poids du sanctuaire : sans songer que le Seigneur n'a point besoin, pour l'aider à tenir sa promesse, d'habiletés détournées ; sans se dire surtout que la coopération qu'il daigne accepter des siens, pour la défense des droits de l'Eglise, ne saurait consister dans l'amoindrissement ou la dissimulation des vérités qui font la force et la beauté de l'Epouse.
Combien oublieront la maxime de saint Paul écrivant aux Romains que se conformer à ce siècle, chercher une adaptation impossible de l'Evangile avec un monde déchristianisé, n'est point le moyen d'arriver à discerner sûrement le bon, le meilleur, le parfait aux yeux du Seigneur (Rom. XII, 2.) ! Aussi sera-ce un grand et rare mérite, en bien des circonstances de ces temps malheureux, de comprendre seulement quelle est la volonté de Dieu, comme le dit notre Epître.
Veillez, dirait saint Jean, à ne point perdre le fruit de vos œuvres ; assurez-vous la pleine récompense qui n'est donnée qu'à la plénitude persévérante de la doctrine et de la foi (II Johan. 8-9.). Au reste, alors comme toujours, selon la parole de l'Esprit-Saint, la simplicité des justes les conduira sûrement (Prov. XI, 3.) ; l'humilité leur donnera la Sagesse (Ibid. 2.) ; et, s'attachant uniquement à cette très noble compagne, ils seront vraiment sages par elle et sauront ce qui plaît au Seigneur (Sap. IX, 10.). Ils comprendront qu'aspirant comme l'Eglise à l'union au Verbe éternel, pour eux comme pour l'Eglise la fidélité à l'Epoux n'est autre chose que la fidélité à à la vérité ; car le Verbe, objet de leur commun amour, n'est autre en Dieu que le rayonnement de la vérité infinie (Sap. VII, 25-26.).
Leur unique soin sera donc toujours de se rapprocher du Bien-Aimé par une ressemblance plus grande avec lui, c'est-à-dire par une reproduction plus complète du vrai dans leurs paroles et leurs actes. Et en cela ils serviront la société comme elle doit l'être, mettant en pratique le conseil du Seigneur qui nous demande de chercher d'abord le royaume de Dieu et sa justice, et de nous confier en lui pour le reste (Matth. VI, 33.). Laissant à d'autres la recherche d'humaines et louvoyantes combinaisons, d'incertains compromis destinés, dans la pensée de leurs auteurs, à retarder de quelques semaines, de quelques mois peut-être, le flot montant de la révolution, ils comprendront différemment, pour eux, le conseil de racheter le temps que nous donne l'Apôtre.
L'Epoux avait acheté le temps d'un grand prix, pour être employé par ses membres mystiques à la glorification du Très-Haut. Perdu parla multitude dévoyée dans la révolte et l'orgie, les âmes fidèles le rachèteront en donnant une telle intensité aux actes de leur foi et de leur amour, que rien ne soit diminué, s'il se peut, jusqu'au dernier moment, du tribut qu'offrait chaque jour la terre à la Trinité souveraine. Contre la bête à la bouche insolente et pleine de blasphèmes (Apoc. XIII, 5-6.), ils reprendront le cri de Michel contre Satan promoteur de la bête (Ibid. 2.) : Qui est comme Dieu !
L'antiquité chrétienne appelait les dernières semaines du Cycle à son déclin : Semaines du saint Ange ; nous avons vu comment, dans un de ces Dimanches (XVIIe dim. ap. la Pentec.), elle chantait l'arrivée du grand Archange au secours du peuple de Dieu, ainsi que Daniel l'avait annoncé pour les derniers jours du monde (Dan. XII, 1.).
Quand donc commenceront les épreuves de la fin, lorsque l'exil dispersera les baptisés et que le glaive s'abattra sur leurs têtes (Apoc. XIII, 7, 10.) aux applaudissements d'un monde prosterné devant la bête et son image (Ibid. 3, 4, 8, 15.), n'oublions point que nous avons un chef choisi par Dieu, acclamé par l'Eglise, pour nous conduire dans ces derniers combats où la défaite des saints (Ibid. 7.) sera plus glorieuse que les triomphes de l'Eglise aux jours de sa domination sur le monde. Ce que Dieu alors, en effet, demandera des siens, ce ne sera plus ni le succès de la diplomatie, ni la victoire armée, mais la fidélité à sa vérité, à son Verbe : fidélité d'autant plus franche et plus entière, que la défection sera plus universelle autour de la petite troupe rangée sous la bannière de l'Archange. Proféré par une seule poitrine fidèle avec la vaillance de la foi et l'ardeur de l'amour en de telles circonstances, le cri de saint Michel, une fois déjà vainqueur des infernales légions, honorera plus Dieu que ne l'atteindront les ignobles blasphèmes des millions d'êtres dégradés sectateurs de la bête.
Pénétrons-nous de ces pensées que suggèrent les premières lignes de notre Epître ; comprenons également les autres instructions qu'elle renferme et qui, du reste, ne s'éloignent pas des premières. Pour ce Dimanche où se lisait autrefois l'Evangile des noces du Fils de l'homme et de l'appel à son divin banquet, la sainte Eglise remarque opportunément, dans l'Epître, combien l'ivresse et les délices des noces sacrées sont différentes des joies mondaines. La sérénité, la pureté, la paix du juste admis dans l'intimité divine, font en son âme un festin continuel (Prov. XV, 16.) dont la Sagesse est le mets savoureux (Eccli. XXIV, 20.) et l'éternelle convive (Sap. VIII, 16 ; Apoc. III, 20.). Laissant le monde à ses mesquins et trop souvent honteux plaisirs, le Verbe et l'âme, qu'il a remplie de l’Esprit-Saint par un mode ineffable (Cant. I, 1.), s'unissent pour chanter le Père souverain dans un concert merveilleux, où l'action de grâces et la louange trouvent sans cesse un nouvel aliment.
Le hideux spectacle qu'offrira la terre, quand ses habitants se porteront en foule au-devant de la prostituée siégeant sur la bête et leur offrant la coupe d'ignominie (Apoc. XVII, 1-5.), n'empêchera point le ciel de se reposer délicieusement dans la contemplation de ces âmes fortunées. Car les convulsions du monde agonisant, les poursuites de la femme ivre du sang des martyrs (Ibid. 6.), loin de troubler l'harmonie qui s'élève de l'âme unie au Verbe, ne feront que donner plus d'ampleur à ses notes divines, plus de suavité à ses accents humains. " Qui donc, en effet, nous séparera de l'amour de Jésus-Christ ? Sera-ce la tribulation ou l'angoisse ? la faim ou la nudité ? les dangers, la persécution, le glaive ? Oui, sans doute, il est écrit qu'à cause de vous, tous les jours on nous met à mort, qu'on nous regarde comme des brebis destinées à la boucherie (Psalm. XLIII, 22.)! Mais en tout cela nous sommes vainqueurs, à cause de celui qui nous a aimés. Car je suis sûr que ni la mort, ni la vie, ni anges, ni principautés, ni vertus, ni choses présentes, ni choses futures, ni violence, ni rien de ce qui est dans les hauteurs, ni rien de ce qui est dans les abîmes, ni créature quelconque ne pourra nous séparer de l'amour de Dieu en Jésus-Christ notre Seigneur (Rom. VIII, 35-39.)."
EVANGILE
La guérison du fils de l'officier à Capharnaüm (détail). Maître de Paul et Barnabé. Flandres. XVIe.
La suite du saint Evangile selon saint Jean. Chap. IV.
" En ce temps-là, un officier dont le fils était malade à Capharnaüm, ayant appris que Jésus venait de Judée en Galilée, alla vers lui ; et il le priait de descendre et de guérir son fils, car la mort approchait. Jésus lui dit donc : Si vous ne voyez des miracles et des prodiges, vous ne croyez point.
L'officier lui dit :
" Seigneur, descendez avant que mon fils ne meure."
Jésus répondit :
" Allez, votre fils est vivant."
L'homme crut à la parole que Jésus lui avait dite, et il s'en alla. Comme déjà il s'en retournait , les serviteurs vinrent à sa rencontre et lui annoncèrent que son fils était vivant. Et comme il s'informait de l'heure où le mieux s'était produit, ils lui dirent :
" Hier, à la septième heure , la fièvre l'a quitté."
Le père reconnut donc que c'était l'heure à laquelle Jésus lui avait dit : " Votre fils est vivant " ; et il crut, ainsi que toute sa maison."
L'Evangile est tiré de saint Jean aujourd'hui, pour la première et l'unique fois dans tout le cours des Dimanches après la Pentecôte. Il donne son nom de l'Officier de Capharnaüm au vingtième Dimanche. L'Eglise l'a choisi parce qu'il n'est pas sans une relation mystérieuse avec l'état du monde, dans les temps auxquels se rapportent prophétiquement les derniers jours du Cycle.
Le monde penche vers sa fin, et lui aussi commence à mourir. Miné par la fièvre des passions dans Capharnaûm, la ville du lucre et des jouissances, déjà il est sans forces pour aller de lui-même au-devant du médecin qui pourrait le guérir. C'est à son père, aux pasteurs qui l'ont engendré dans le baptême à la vie de la grâce, et gouvernent le peuple chrétien comme officiers de la sainte Eglise, c'est à eux de se rendre auprès du Seigneur et de lui demander le salut du malade. Le disciple bien-aimé nous fait savoir, en tête de son récit (Johan. IV, 46.), qu'ils trouveront Jésus à Cana, la ville des noces et de la manifestation de sa gloire au banquet nuptial (Ibid. 11, 11.) ; c'est le ciel, où l'Homme-Dieu réside depuis qu'il a quitté notre terre, laissant ses disciples, privés de l'Epoux (Matth. IX, 15.), s'exercer pour un temps dans le champ de la pénitence.
Etymologiquement, en effet, Capharnaüm signifie le champ de la pénitence et de la consolation qui naît de la pénitence. Telle devait être cette terre pour l'homme depuis sa sortie d'Eden, telle était la consolation à laquelle devait aspirer pendant cette vie le pécheur ; et c'est pour en avoir préféré d'autres, pour avoir voulu faire du champ de la pénitence un paradis nouveau, que le monde est maintenant près de finir. Car il n'a remplacé les délices vivifiantes de l'Eden que par le plaisir défendu qui tue l'âme, énerve les corps, et appelle la vengeance de Dieu.
Son seul remède est dans le zèle des pasteurs, et dans la prière de cette portion du troupeau du Christ qui ne s'est point laissée entraîner aux séductions de la licence universelle. Mais combien il importe que fidèles et pasteurs, sans retours personnels, entrent pleinement sur ce point dans les sentiments de la sainte Eglise ! En butte à l'ingratitude la plus révoltante, aux injustices, aux calomnies, aux perfidies de tout genre, la mère des peuples oublie ses injures pour ne penser qu'à la saine prospérité et au salut des nations qui l'outragent (Allocutions de Léon XIII). Elle sait, à n'en pas douter, que le terme approche où le Très-Haut se fera justice enfin ;et, cependant, elle n'en continue pas moins de lutter contre Dieu, comme Jacob (Gen. XXXII, 24-28.), jusqu'à l'aurore du jour terrible qu'ont annoncé David et la sibylle (Sequ. Dies ira.). A la pensée de l'étang de feu (Apoc. XXI, 8.) dont les vapeurs maudites paraissent déjà empester l'air, et qui bientôt va engloutir en une seule fois tous ses enfants insoumis, elle semble oublier jusqu'à l'approche des noces éternelles et à la véhémence de ses désirs d'Epouse; et, ne se souvenant plus de rien sinon qu'elle est mère, elle prie comme elle l'a toujours fait, mais avec plus d'ardeur que jamais, pour le retardement de la fin, pro mora finis (Tertull. Apol. XXXIX.).
Afin de répondre à sa pensée, " réunissons-nous donc, comme le dit Tertullien, en une seule troupe, en une seule assemblée, pour aller trouver Dieu et l'investir de nos prières comme d'une armée. Cette violence lui est agréable (Ibid.)." Mais c'est à la condition d'être inspirée par une foi entière et que rien ne puisse ébranler. Si c'est notre foi qui nous donne la victoire sur le monde (I Johan. V, 4.), c'est elle aussi qui triomphe de Dieu dans les cas les plus extrêmes. Songeons, comme notre mère l'Eglise, au péril imminent de tant de malheureux qui dansent follement sur l'abîme, où demain va s'engloutir en rugissant leur désespoir. Sans doute, ils sont inexcusables ; Dimanche encore, on les avertissait des pleurs et des grincements de dents réservés, sous les ténèbres extérieures, aux contempteurs des noces sacrées (Matth. XXII, 13.).
Mais ils sont nos frères, et nous ne devons pas nous résigner si facilement au deuil de leur perte. Espérons contre toute espérance. L'Homme-Dieu, qui connaissait de science certaine l'inévitable damnation des pécheurs obstinés, en a-t-il moins versé pour eux tout son sang ? Nous voulons mériter de nous unir à lui par une pleine ressemblance ; ayons donc la résolution de l'imiter en cela même, dans la mesure qui peut être la nôtre : prions sans repos ni trêve pour les ennemis de l'Eglise et nos ennemis, tant que leur damnation n'est pas consommée. Dans cet ordre, rien n'est inutile, rien ne se perd. Quoi qu'il arrive, le Seigneur sera grandement glorifié de notre foi et de l'ardeur de notre charité.
Mettons seulement tous nos soins à ne pas mériter les reproches qu'il adressait à la foi boiteuse (Heb. XII, 13.) de la génération dont faisait partie l'officier de Capharnaüm. Nous savons qu'il n'a nul besoin de descendre du ciel en terre, pour donner leur efficacité aux ordres émanés de sa volonté miséricordieuse. S'il daigne multiplier autour de nous les miracles et les prodiges, nous lui serons reconnaissants pour nos frères plus faibles dans la foi, nous prendrons de là occasion d'exalter sa gloire, mais en protestant que notre âme n'avait plus besoin, pour croire à lui, des manifestations nouvelles de sa puissance.
L'ancien peuple, promenant son infortune méritée sur toutes les rives lointaines, revient, dans l'Offertoire, aux accents de la pénitence, et chante, cette fois avec l'Eglise, son admirable psaume CXXXVI qu'aucun chant d'exil n'égala jamais dans aucune langue.
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dimanche, 07 octobre 2007
7 octobre 2007. XIXe dimanche après la Pentecôte.
- XIXe dimanche après la Pentecôte.
Extraits de L'année liturgique de dom Prosper Guéranger.
Parabole du festin. Le " maître du Fils prodigue ". XVIe. Limousin.
A LA MESSE
L'auguste chef du peuple de Dieu est le salut des siens dans tous leurs maux. Ne l'a-t-il pas montré, dimanche dernier, d'une façon éclatante, en restaurant à la fois le corps et l'âme du pauvre paralytique qui nous figurait tous ? Ecoutons sa voix, dans l'Introït, avec reconnaissance et amour ; promettons-lui la fidélité qu'il demande : sa loi, observée, nous gardera de la rechute.
EPÎTRE
Lecture de l'Epître du bienheureux Paul, Apôtre, aux Ephésiens. Chap. IV.
" Mes Frères, renouvelez-vous selon l'esprit,dans votre âme, et revêtez l'homme nouveau qui a été créé selon Dieu dans la justice et la sainteté de la vérité. Pour cela, déposant le mensonge, que chacun parle à son prochain dans la vérité, puisque nous sommes membres les uns des autres. Mettez-vous en colère, et ne péchez pas; que le soleil ne se couche point sur votre colère. Ne donnez point place au diable. Que celui qui volait ne vole plus, mais qu'il travaille plutôt, employant ses mains à quelque occupation honnête, pour avoir de quoi donner à celui qui souffre l'indigence."
La lecture de l'Epître aux Ephésiens, suspendue Dimanche en la manière que nous avons rapportée, est reprise aujourd'hui par la sainte Eglise. L'Apôtre a posé précédemment les principes dogmatiques de la vraie sainteté ; il déduit maintenant les conséquences morales de ces principes.
Rappelons-nous que la sainteté en Dieu est sa vérité même, la vérité vivante et harmonieuse, qui n'est autre que le concert admirable des trois divines personnes unies dans l'amour. Nous avons vu que la sainteté pour les hommes est aussi l'union à l'éternelle et vivante vérité par l'amour infini. Le Verbe a pris un corps pour manifester dans la chair cette vérité parfaite (Johan. I, 14.), dont il est l'expression substantielle (Heb. I, 3.) ; son humanité, sanctifiée directement par la plénitude de la vie divine qui réside en lui (Col. II, 3, 9-10.), est devenue le modèle, et aussi le moyen, la voie unique de la sainteté pour toute créature (Johan. XIV, 6.).
Indépendamment du péché, les conditions de la nature finie retenaient l'homme bien loin de la vie divine (Eph. IV, 18.) ; mais il trouve en Jésus-Christ, tels qu'ils sont en Dieu, les deux éléments de cette vie : la vérité et l'amour. En Jésus, comme complément de son incarnation, la Sagesse aspire à s'unir aussi tous les membres de cette humanité dont il est le chef (Ibid I, 10 ; Col. I, 15-2e.) ; par lui l'Esprit-Saint, dont il est le réservoir sacré (Cf. Johan. IV, 14 ; VII, 37, 39.), se déverse sur l'homme pour l'adapter à sa vocation sublime, et consommer dans l'amour infini qui est lui-même cette union de toute créature avec le Verbe divin. Ainsi nous est communiquée la vie de Dieu, dont l'existence se résume dans la contemplation et l'amour de son Verbe ; ainsi sommes-nous sanctifiés dans la vérité (Ibid. XVII, 17.), en participant à la sainteté même dont Dieu est saint par nature.
Mais si le Fils de l'homme, étant Dieu, participe pour sa race à la vie d'union dans la vérité, qui fait la sainteté de la Trinité souveraine, il ne communique cette vie, cette vérité, cette union déifiante, qu'à ceux des hommes qui sont devenus vraiment ses membres, qui reproduisent entre eux en lui, par l'opération de l'Esprit de vérité et d'amour (Ibid XV, 26.), l'unité dont cet Esprit sanctificateur est en Dieu le lien tout-puissant. " Que tous ils soient UN, comme vous en moi et moi en vous, Ô Père, disait l'Homme-Dieu ; qu’ils soient eux aussi UN en nous : je leur ai donné la gloire, c'est-à-dire la sainteté que vous m'avez donnée, pour qu’ils soient UN comme nous-mêmes nous sommes un, pour que, moi en eux et vous en moi, ils soient consommés et parfaits dans l'unité " (Johan. XVII, 21-23.).Tel est, formulé par le Christ en personne, l'axiome simple et fécond, fondement du dogme et de la morale du christianisme. Jésus, dans cette prière sublime, expliquait ce qu'il venait de dire auparavant : " Je me sanctifie pour eux, afin qu'ils soient, eux aussi, sanctifiés dans la Vérité ". (Ibid. 19.).
Comprenons maintenant la morale de saint Paul en notre Epître, et ce qu'il entend par cette justice et cette sainteté de la vérité qui est celle du Christ (Rom. XIII, 14.), de l’ homme nouveau que doit revêtir quiconque aspire à la possession des richesses énumérées dans les précédents passages de sa lettre immortelle. Qu'on relise l’Epître du XVIIe Dimanche, et l'on y verra que toutes les règles de l'ascétisme chrétien comme de la vie mystique se résument, pour l'Apôtre, dans ces mots : " Soyons soucieux de l'unité " (Eph. IV, 3.). C'est le principe qu'il donne aux commençants comme aux parfaits ; c'est le couronnement des plus sublimes vocations dans l'ordre de la grâce, comme le fondement et la raison de tous les commandements de Dieu : tellement que, si nous devons nous abstenir du mensonge et dire la vérité à ceux qui nous écoutent, le motif en est, d'après l'Apôtre, que nous sommes membres les uns des autres !
Il est une sainte colère, dont parlait le psalmiste (Psalm. IV, 5.), et qu'inspire en certaines occasions le zèle de la loi divine et de la charité ; mais le mouvement d'irritation soulevé dans l'âme doit, alors même, s'apaiser au plus tôt : le prolonger serait donner place au diable, et lui laisser beau jeu pour ébranler ou renverser en nous, par la rancune et la haine, l'édifice de la sainte unité (Chrys. in ep. ad Eph. Hom. XIV.).
Avant notre conversion, le prochain n'avait pas moins que Dieu même à souffrir de nos fautes ; l'injustice nous coûtait peu, quand elle passait inaperçue ; l'égoïsme était notre loi, c'était la garantie du règne de Satan sur nos âmes. Maintenant que l'Esprit de sainteté a chassé l'indigne usurpateur, le meilleur signe de son empire reconquis est que non seulement les droits d'autrui sont désormais sacrés pour nous, mais que notre travail et toutes nos œuvres s'inspirent de la pensée des besoins du prochain à satisfaire. En un mot, poursuit et conclut l'Apôtre un peu plus loin, étant les imitateurs de Dieu comme ses fils très chers, nous marchons dans l'amour (Eph. V, 1-2.).
Ce n'est point autrement que l'Eglise, d'après saint Basile, manifeste au monde la grandeur des biens conférés à cette terre par l'Incarnation. L'assemblée des chrétiens parfaits montre la nature humaine, auparavant rompue et divisée en mille fragments, rejointe maintenant sur elle-même et pour Dieu ; c'est le résumé de ce que le Sauveur a fait dans la chair (Basil. Const. mon. XVIII.).
EVANGILE
La suite du saint Evangile selon saint Matthieu. Chap. XXII.
Parabole du festin (détail) : celui qui n'a pas revêtu la robe nuptiale est jeté " dans les ténèbres extérieures ; c'est là qu'il y a des pleurs et dfes grincements de dents ". Le " maître du Fils prodigue ". XVIe. Limousin.
" En ce temps-là, Jésus parlant en paraboles aux princes des prêtres et aux pharisiens, leur dit : Le royaume des cieux est semblable à un roi qui fit les noces de son fils. Il envoya ses serviteurs appeler les invités aux noces, et ils ne voulaient pas venir. De nouveau il envoya d'autres serviteurs, leur disant : Dites aux invités : Voici que j'ai préparé mon dîner ; mes taureaux, mes animaux gras sont égorgés, et tout est prêt : venez aux noces. Mais eux n'en tinrent point compte et s'en allèrent, l'un à sa maison des champs, l'autre à son commerce ; les autres même se saisirent de ses serviteurs, et les tuèrent après les avoir couverts d'outrages. Or le roi, l'ayant appris, en fut ému de colère, et, envoyant ses armées, il extermina ces homicides et brûla leur ville. Alors il dit à ses serviteurs : Les noces sont bien prêtes, mais ceux qui avaient été invités n'en ont pas été dignes. Allez donc dans les carrefours, et appelez aux noces tous ceux que vous trouverez. Et ses serviteurs, sortant sur les routes, rassemblèrent tous ceux qu'ils trouvèrent, mauvais et bons ; et la salle du festin des noces fut remplie. Or le roi entra pour voir ceux qui étaient à table, et il vit là un homme qui n'était pas revêtu de la robe nuptiale. Et il lui dit : Mon ami, comment êtes-vous entré ici sans avoir la robe nuptiale ? Mais lui demeura muet. Alors le roi dit à ses gens : Jetez-le, pieds et mains liés, dans les ténèbres extérieures ; c'est là qu'il y aura des pleurs et des grincements de dents. Car il y en a beaucoup d'appelés, mais peu d'élus."
L'Evangile qu'on vient d'entendre a fait donner plus spécialement le nom de Dimanche des conviés aux noces au dix-neuvième Dimanche après la Pentecôte. Dès le commencement néanmoins de la série dominicale qui prend son point de départ à la descente de l'Esprit-Saint, l'Eglise proposait à ses fils l'enseignement évangélique qu'elle offre aujourd'hui derechef à leurs méditations ; au deuxième Dimanche après la Pentecôte, elle empruntait à saint Luc (Luc. XIV, 16-24.) l'exposé de la parabole du grand repas aux nombreux invités, que saint Matthieu, précisant davantage, appelle maintenant le festin des noces.
Placée ainsi au début et vers la fin de la saison liturgique à laquelle préside l'Esprit sanctificateur, cette parabole éclaire toute la partie de l'année qu'elle domine en cette manière, et révèle de nouveau le vrai but qu'y poursuit l'Eglise. Mais combien la lumière n'a-t-elle pas grandi, depuis le jour où nous furent présentées pour la première fois ces allégories mystérieuses ! Ce certain homme, homo quidam , qui fit un grand souper et y appela beaucoup de gens, est devenu le roi qui fait les noces de son fils et nous donne en ces noces l'image du royaume des cieux.
L'histoire du monde, elle aussi, s'est depuis lors développée sous nos yeux, comme l'ont fait, en passant d'un évangéliste à l'autre, les termes eux-mêmes de l'allégorie. Les anciens et premiers conviés, qui d'abord se bornaient à décliner l'invitation du père de famille, ont crû en audace ; s'emparant des porteurs du message que leur adressait l'amour (Dimanche dans l'Oct. du S.-Sacr., comment, sur l'Ev.), ils les ont couverts d'insultes et mis à mort. Nous avons assisté à la vengeance de cet homme qui était Dieu même, du père d'Israël devenu le roi des nations ; nous avons vu ses armées perdre les homicides et briller leur ville (IXe Dim. ap. la Pentec.). Et voilà qu'enfin, malgré le refus des invités de Juda et leur opposition perfide à la célébration des noces du Fils de Dieu, les noces sont prêtes et la salle est remplie.
Le roi céleste a laissé aux serviteurs de son amour le soin d'appeler de toute race les nouveaux conviés ; mais maintenant que les envoyés, selon ses ordres, ont parcouru la terre entière (Psalm. XVIII, 5.), rassemblé les nations pour ce jour de la joie de son cœur (Cant. III, 11.), il va descendre en personne, pour s'assurer lui-même que rien ne manque aux apprêts de la fête et donner le signal du festin éternel des noces sacrées.
Or, pour une telle fête, en un tel lieu, rien ne saurait manquer que de la part des conviés ; que ceux-ci veillent donc à ne pas attirer sur eux, dans cet universel et suprême examen, la défaveur du très-haut prince qui les appelle à son alliance. S'il a daigné les convoquer, malgré leur pauvreté sordide, des places publiques et de tous les carrefours, il leur a laissé tout le temps de déposer les haillons du passé ; sachant bien qu'ils ne pouvaient se pourvoir eux-mêmes, il a mis à leur disposition, pour le banquet nuptial, les plus riches vêtements de sa grâce et des vertus. Malheur donc à quiconque serait trouvé, au dernier jour, sans la robe nuptiale de la charité ! sa faute n'aurait point d'excuse, et le roi la punirait justement par l'exclusion de la salle du festin, comme une insulte à son fils.
Tout ce qui précède, dans les Dimanches qui viennent de s'écouler, nous a montré l'Eglise soucieuse uniquement de préparer l'humanité à ces noces merveilleuses, dont la célébration est le seul but qu'ait poursuivi le Verbe divin en venant sur la terre. Dans son exil qui se prolonge, l'Epouse du Fils de Dieu nous est apparue comme le vivant modèle de ses fils ; mais elle n'a point cessé non plus de les disposer par ses instructions à l'intelligence du grand mystère de l'union divine.
Il y a trois semaines (XVIe Dim. ap. la Pentec.), abordant plus directement qu'elle ne l'avait fait jusque-là le sujet de son unique préoccupation de Mère et d'Epouse, elle leur rappelait l'appel ineffable. Huit jours plus tard (XVIIe Dim.), par ses soins, l'Epoux des noces auxquelles on les conviait se révélait à eux dans cet Homme-Dieu devenu l'objet du double précepte de l'amour qui résume toute la loi. Aujourd'hui, l'enseignement est complet. Elle le précise dans l'Office de la nuit, où saint Grégoire nous donne toute sa pensée ; avec la double autorité d'un grand Docteur et d'un grand Pape, au nom même de l'Eglise, il explique ainsi l'Evangile :
" Le royaume des cieux est l'assemblée des justes. Le Seigneur dit en effet par un prophète : Le ciel est mon trône " (Isai. LXVI, 1.) ; et Salomon dit d'autre part : " L'âme du juste est le trône de la Sagesse " (Sap. VII, 27.), pendant que Paul appelle le Christ : Sagesse de Dieu (I Cor. I, 24.). Si donc le ciel est. le trône de Dieu, nous devons conclure évidemment que, la Sagesse étant Dieu et l'âme du juste le trône de la Sagesse, cette âme est un ciel... Le royaume des cieux est donc bien l'assemblée des justes... Si ce royaume est déclaré semblable à un roi qui fait les noces de son fils, votre charité comprend aussitôt quel est ce roi, père d'un fils roi comme lui-même, à savoir celui dont il est dit dans le psaume : " Ô Dieu, confiez au Roi vos jugements, et votre justice au Fils du Roi (Psalm LXXI, 2.) !"
Dieu le Père a fait les noces de Dieu son Fils, quand il l'a uni à la nature humaine, quand il a voulu que celui qui était Dieu avant les siècles devînt homme sur la fin des siècles. Mais nous devons éviter le danger de laisser à entendre qu'il puisse exister dualité de personnes en notre Dieu et Sauveur Jésus-Christ... A cause de cela, il peut être à la fois plus clair et plus sûr de dire que le Père a fait les noces du Roi son Fils, en lui unissant par le mystère de l'incarnation la sainte Eglise. Le sein de la Vierge mère a été la chambre nuptiale de cet Epoux, dont le Psalmiste dit (Psalm. XVIII, 6.) : " Il a placé sa tente dans le soleil, il est l’Epoux qui s'avance de sa chambre nuptiale " (Greg. Hom. XXXVIII in Ev.).
Malgré sa qualité d'Epouse chérie du Fils de Dieu, l'Eglise n'en est pas moins sujette ici-bas aux tribulations. Les ennemis de l'Epoux, ne pouvant plus atteindre directement le Seigneur, portent sur elle leur rage. Le Seigneur voit dans ces épreuves, supportées par l'Eglise avec amour, un nouveau trait de cette conformité qu'elle doit avoir avec lui en toutes choses; il la laisse donc souffrir en ce monde, se contentant de la soutenir toujours et de la sauver, comme ledit l'Offertoire, au milieu des maux qui vont croissant autour d'elle.
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dimanche, 30 septembre 2007
30 septembre 2007. XVIIIe dimanche après la Pentecôte.
- XVIIIe dimanche après la Pentecôte.
Extraits de L'année liturgique de dom Prosper Guéranger.
La guérison du paralytique. Louis Durameau. XVIIIe.
Le paralytique portant son lit forme le sujet de l'Evangile du jour, et donne son nom au dix-huitième Dimanche après la Pentecôte. On a pu remarquer que le rang d'inscription de ce Dimanche le place, au Missel, à la suite des Quatre-Temps d'automne. Nous ne discuterons pas, avec les liturgistes du moyen âge (Berno Aug. Cap. V ; etc.), la question de savoir s'il doit être considéré comme ayant pris la place du Dimanche vacant qui suivait toujours autrefois l'Ordination des ministres sacrés (Microlog. Cap. XXIX.), en la manière que nous avons dite ailleurs (Avent. Samedi des Quatre-Temps). De très anciens manuscrits, Sacramentaires et Lectionnaires, l'appellent de ce nom, sous la formule bien connue : Dominica vacat (Thomasii Opp. Edit. Vezzosi, t. V, p. 148, 149, 309.).
Il n'est pas non plus sans intérêt d'observer que la Messe de ce jour est la seule où soit interverti l'ordre des lectures tirées de saint Paul et formant le sujet des Epîtres, depuis le sixième Dimanche après la Pentecôte : la lettre aux Ephésiens, déjà en cours de lecture et qui sera continuée, s'interrompt aujourd'hui pour donner place au passage de la première Epître aux Corinthiens, dans lequel l'Apôtre rend grâces à Dieu de l'abondance des dons gratuits accordés à l'Eglise en Jésus-Christ. Or, les pouvoirs conférés par l'imposition des mains aux ministres de l'Eglise sont le don le plus merveilleux que connaissent la terre et le ciel même ; et d'un autre côté, les autres parties de cette Messe se rapportent très bien aussi, comme on le verra, aux prérogatives du sacerdoce nouveau.
La liturgie du présent Dimanche offre donc un intérêt spécial, quand il se rencontre au lendemain des Quatre-Temps de septembre. Mais cette rencontre est loin d'être régulière, aujourd'hui du moins ; nous ne saurions nous arrêter davantage sur ces considérations, sans entrer trop exclusivement dans le domaine de l'archéologie et dépasser les bornes qui nous sont imposées.
La guérison du paralytique. Gustave Doré. XIXe.
A LA MESSE
L'introït des Messes dominicales, depuis la Pentecôte, avait toujours été tiré des Psaumes. Parcourant le Psautier du XIIe au CXVIIIe, l'Eglise, sans jamais revenir en arrière sur l'ordre d'inscription de ces chants sacrés, avait pu néanmoins choisir en eux l'expression qui convenait davantage aux sentiments qu'elle voulait formuler dans sa Liturgie. Désormais, sauf une fois encore où le livre par excellence de la louange divine sera de nouveau mis à contribution pour cet objet, c'est à divers autres livres de l'Ancien Testament que les Antiennes d'Introït seront empruntées. Aujourd'hui, Jésus fils de Sirach, l'auteur inspiré de l'Ecclésiastique, demande à Dieu de vérifier, par l'accomplissement de ce qu'ils ont annoncé, la fidélité des prophètes du Seigneur (Eccli. XXXVI, 18.). Les interprètes des oracles divins sont maintenant les pasteurs, que l'Eglise envoie prêcher en son nom la parole du salut et de la paix ; demandons, nous aussi, que jamais la parole ne soit vaine en leur bouche.
EPÎTRE
Lecture de l'Epître du bienheureux Paul, Apôtre, aux Corinthiens. I, Chap. I.
" Mes Frères, je rends grâces à mon Dieu continuellement pour vous , à cause de la grâce de Dieu qui vous a été donnée dans le Christ Jésus, parce que vous avez été enrichis en lui dans toutes choses, dans la parole et dans la science, le témoignage du Christ ayant été ainsi confirmé en vous : de sorte que rien ne vous manque en aucune grâce dans l'attente de la manifestation de notre Seigneur Jésus-Christ, qui vous gardera encore jusqu'à la fin sans péché pour le jour de l'avènement de notre Seigneur Jésus-Christ."
Le dernier avènement du Fils de Dieu n'est plus éloigné. L'approche du dénouement qui doit donner la pleine possession de l'Epoux à l'Eglise redouble ses espérances ; mais le jugement final, qui doit consommer en même temps la réprobation d'un grand nombre de ses fils, joint chez elle la crainte au désir, et ces deux sentiments vont se faire jour plus souvent désormais dans la sainte Liturgie.
L'attente sans doute n'a point cessé d'être pour l'Eglise comme le fonds même de son existence. Séparée de l'Epoux quant à la vision de ses charmes divins, elle n'eût fait depuis sa naissance que soupirer dans la vallée de l'exil, si l'amour qui la pousse ne l'eût pressée de se dépenser, sans retour sur elle-même, pour celui à qui allait tout son cœur. Sans compter donc, elle s'est donnée par le travail, la souffrance, la prière et les larmes. Mais son dévouement, tout généreux qu'il fût, ne lui a point fait oublier l'espérance. Un amour sans désir n'est point la vertu de l'Eglise; elle le condamne, dans ses fils, comme une injure à l'Epoux.
Si légitimes et si véhémentes à la fois étaient dès l'origine ses aspirations, que l'éternelle Sagesse voulut ménager l'Epouse, en lui cachant la durée de l'exil. L'heure de son retour est le seul point sur lequel Jésus, interrogé par les Apôtres, ait refusé de renseigner son Eglise (Matth. XXIV, 3, 36.). Un tel secret entrait dans les vues générales du gouvernement divin sur le monde ; mais c'était aussi, de la part de l'Homme-Dieu, compassion et tendresse : l'épreuve eût été trop cruelle ; et mieux valait laisser l'Eglise à la pensée, véritable d'ailleurs, de la proximité de la fin devant Dieu, pour qui mille ans sont comme un jour (II Petr. III, 8.).
C'est ce qui nous explique la complaisance avec laquelle les Apôtres, interprètes des aspirations de la sainte Eglise, reviennent sans cesse, dans leurs paroles, sur l'affirmation de l'avènement prochain du Seigneur. Le chrétien, saint Paul vient de nous le dire jusqu'à deux fois en une même phrase, est celui qui attend la manifestation de notre Seigneur Jésus-Christ au jour qu'il viendra. Appliquant au second avènement, dans sa lettre aux Hébreux, les soupirs enflammés des Prophètes aspirant au premier (Habac II, 3.) : Encore un peu, un très peu de temps, dit-il, et celui qui doit venir viendra, et il ne tardera point (Heb. X, 37.). C'est qu'en effet, sous la nouvelle comme dans l'ancienne alliance, l'Homme-Dieu s'appelle, en raison de sa manifestation finale attendue, celui qui vient (Matth. XI, 3.), celui qui doit venir (Apoc. 1, 8.). Le cri qui terminera l'histoire du monde sera l'annonce de son arrivée : Voici l'époux qui vient (Matth. XXV, 6.) !
" Ceignant donc spirituellement vos reins, dit saint Pierre à son tour, pensez à la gloire du jour où se révélera le Seigneur ; attendez-le, espérez-le d'une parfaite espérance (I Petr. 1, 5, 7, 13.)." Le Vicaire de l'Homme-Dieu prévoyait cependant le parti que les docteurs de mensonge allaient tirer d'une attente si longtemps prolongée. " Où donc est la promesse ? devaient-ils dire ; à quand son arrivée ? Nos pères se sont endormis du grand sommeil, et toutes choses demeurent comme au commencement (II Petr. III, 3-4.)." Or le chef du collège apostolique reprenait par avance, contre eux, la réponse que Paul son frère (Ibid. 15.) avait déjà faite (Rom. II, 4.) : " Ce n'est point, comme quelques-uns pensent, que le Seigneur retarde sa promesse ; mais il agit ainsi dans sa patience, à cause de vous, ne voulant pas, s'il était possible, qu'aucun pérît, mais que tous revinssent à lui par la pénitence Le jour du Seigneur n'en arrivera pas moins comme un voleur, et alors, dans une effroyable tempête, les cieux passeront, les éléments se dissoudront embrasés, la terre et ses ouvrages seront consumés. Puis donc que tout cela doit périr, quels ne devez-vous pas être par la sainteté de votre vie et vos œuvres pieuses, attendant, hâtant de vos désirs l'arrivée de ce jour du Seigneur où le feu dissoudra les éléments et les cieux ? Car nous attendons, selon sa promesse, de nouveaux cieux et une nouvelle terre où habite la justice. C'est pourquoi, mes bien-aimés, faites en sorte que le Seigneur, quand il viendra, vous trouve dans la paix, sans reproche et sans tache (II Petr. m, 9-14.)... Instruits ainsi de toutes choses à l'avance, veillez sur vous, de peur que, vous laissant emporter aux égarements des insensés, vous ne tombiez de l'état si ferme qui est aujourd'hui le vôtre (Ibid. 17.)."
Si, en effet, le péril doit être grand dans ces derniers jours où les vertus des cieux seront ébranlées (Matth. XXIV, 29.), le Seigneur, ainsi que le dit notre Epître, a pris soin de confirmer en nous son témoignage, d'affermir notre foi par les multiples manifestations de sa puissance. Et comme pour vérifier cette autre parole de la même Epître, qu'il confirmera de la sorte jusqu'à la fin ceux qui croient en lui, ses prodiges redoublent en nos temps précurseurs de la fin. Partout le miracle s'affirme à la face du monde ; les mille voix de la publicité moderne en portent les échos jusqu'aux extrémités de la terre. Au nom de Jésus, au nom de ses Saints, au nom surtout de sa Mère immaculée qui prépare le dernier triomphe de l'Eglise, les aveugles voient, les boiteux marchent, les sourds entendent , les maux du corps et de l'âme perdent soudain leur empire. La manifestation de la puissance surnaturelle est devenue si intense, que les services publics, hostiles ou non, doivent en tenir compte ; le tracé des voies ferrées elles-mêmes se plie à la nécessité de porter les peuples aux lieux bénis où Marie s'est montrée. La terre catholique n'est point la seule où éclate le divin pouvoir. Naguère encore, au cœur de l'infidélité musulmane, n'a-t-on pas vu la ville des sultans tressaillir au bruit des merveilles accomplies par la Reine du ciel en ses murs ? l'eau de sa fontaine miraculeuse a pénétré jusqu'en cette cité de la Mecque ouest fixé le tombeau du fondateur de l'Islam, et dans laquelle jadis un chrétien ne pouvait entrer sans mourir.
L'impie a beau dire en son cœur : Il n’y a point de Dieu (Psalm. XIII, 1.) ! S'il n'entend pas le témoignage divin, c'est que la corruption ou l'orgueil prévaut chez lui sur l'intelligence, comme autrefois sur l'intelligence des ennemis de Jésus durant les jours de sa vie mortelle. Pareil est-il à l'aspic du Psaume (Psalm. LVII, 5-6.), qui se rend sourd ; il se bouche les oreilles, pour ne point ouïr la voix de l'enchanteur divin qui veut nous sauver. Sa conduite n'est que rage (Ibid.) et folie (Psalm. XIII, 1.) ; il aura bien mérité la vengeance.
Ne l'imitons point ; mais, avec l'Apôtre, remercions Dieu pour la profusion miséricordieuse dont il fait preuve envers nous. Jamais ses dons gratuits ne furent plus nécessaires qu'en nos temps misérables. Il ne s'agit plus sans doute, chez nous, de promulguer l'Evangile ; mais les efforts de l'enfer sont devenus tels contre lui, qu'il ne faut rien moins, pour le soutenir, qu'un déploiement de la vertu d'en haut pareil, en quelque chose, à celui dont l'histoire des origines de l'Eglise nous retrace le tableau. Demandons au Seigneur des hommes puissants en paroles et en œuvres. Obtenons que l'imposition des mains produise plus que jamais, dans les élus du sacerdoce, son plein résultat ; qu'elle les fasse riches en toutes choses, et spécialement dans la parole et dans la science. Que nos jours, où tout s'éteint, voient du moins la lumière du salut briller vive et pure par les soins des guides du troupeau du Christ. Puissent les compromis et les lâchetés de générations où tout s'étiole et s'amoindrit, ne jamais amener ces nouveaux christs à décroître eux-mêmes, ni à laisser tronquer en leurs mains la mesure de l'homme parfait (Eph. IV, 13.) qui leur fut confiée pour l'appliquer, jusqu'à la fin, atout chrétien soucieux d'observer l'Evangile! Puisse leur voix, en dépit des vaines menaces, et dominant toujours le tumulte des passions déchaînées, retentir partout aussi ferme et vibrante qu'il convient à l'écho du Verbe !
EVANGILE
La suite du saint Evangile selon saint Matthieu. Chap. IX.
" En ce temps-là , Jésus , montant dans une barque, passa le lac et vint dans sa ville. Et voici qu'on lui présenta un paralytique couché sur un lit. Jésus, voyant leur foi, dit au paralytique : Ayez confiance, mon fils ; vos péchés vous sont remis. Alors quelques-uns des scribes dirent en eux-mêmes : Cet homme blasphème. Jésus, ayant vu leurs pensées, dit :
" Pourquoi pensez-vous du mal en vos cœurs ? Quel est le plus facile de dire : Vos péchés vous sont remis ; ou de dire : Levez-vous et marchez ? Or, pour que vous sachiez que le Fils de l'homme a sur la terre le pouvoir de remettre les péchés : Levez-vous, dit-il alors au paralytique, emportez votre lit, et allez dans votre maison."
Et il se leva, et s'en alla dans sa maison. Le peuple, voyant donc ces choses, fut saisi de crainte, et rendit gloire à Dieu qui a donné un tel pouvoir aux hommes."
Au XIIe siècle, dans plusieurs Eglises d'Occident, on lisait aujourd'hui, comme Evangile, le passage du livre sacré où Jésus parle des Scribes et des Pharisiens assis sur la chaire de Moïse (Matth. XXIII, 1-12.). L'Abbé Rupert, qui nous fait connaître cette particularité dans son livre Des divins Offices, rapproche heureusement cet ancien Evangile et l'Antienne de l'Offertoire toujours en usage, où il est aussi question de Moïse. " L'Office de ce Dimanche, dit-il, montre éloquemment à celui qui préside dans la maison du Seigneur et qui a reçu la charge des âmes, la manière dont il doit se comporter dans le rang supérieur où l'a placé la vocation divine. Qu'il ne ressemble pas à ces hommes assis indignement sur la chaire de Moïse ; mais qu'il soit comme Moïse lui-même, lequel présente dans l'Offertoire et ses Versets un beau modèle aux chefs de l'Eglise. Les pasteurs des âmes ne doivent pas ignorer, en effet, pour quelle cause ils occupent un lieu plus élevé : à savoir,non tant pour gouverner que pour servir (Rup. De div. Off. XII, 18.)."
L'Homme-Dieu disait des docteurs juifs : " Ce qu'ils disent, faites-le ; ce qu'ils font, gardez-vous de le faire ; car ils disent bien ce qu'il faut faire, mais ne font rien de ce qu'ils disent ". A l'encontre de ces indignes dépositaires de la Loi, ceux qui sont assis dans la chaire de la doctrine " doivent enseigner et agir conformément à leur enseignement, dit Rupert ; ou plutôt, qu'ils fassent d'abord ce qu'il convient de faire, afin de l'enseigner ensuite avec autorité ; qu'ils ne recherchent pas les honneurs et les titres, mais tendent à cet unique but de porter sur eux mêmes les péchés du peuple, et de parvenir à détourner de ceux qui leur sont soumis la colère de Dieu, comme fit Moïse, ainsi que le dit l'Offertoire "(Rup. De div, Off. XII, 18.).
L'Evangile des Scribes et des Pharisiens établis sur la chaire de Moïse a été réservé, depuis, pour le mardi de la deuxième semaine de Carême. Mais celui qui est maintenant partout en usage, n'éloigne point nos pensées de la considération des pouvoirs suréminents du sacerdoce, qui sont le bien commun de l'humanité régénérée. Les fidèles dont l'attention, en ce jour, était autrefois attirée sur le droit d'enseigner confié aux pasteurs, méditent maintenant sur la prérogative qu'ont ces mêmes hommes de pardonner les péchés et de guérir les âmes. De même qu'une conduite en contradiction avec leur enseignement n'enlèverait rien à l'autorité de la chaire sacrée, d'où ils dispensent pour l'Eglise et en son nom le pain de la doctrine à ses fils, l'indignité de leur âme sacerdotale ne diminuerait pas non plus, dans leurs mains, la puissance des clefs augustes qui ouvrent le ciel et ferment l'enfer. Car, c'est le Fils de l'homme, c'est Jésus qui par eux, indignes ou non, relève de leurs fautes les hommes ses frères et ses créatures, dont il a pris sur lui les misères et racheté les crimes dans son sang (Heb. II, 10-18.).
L'épisode de la guérison du paralytique, qui fut pour Jésus l'occasion d'affirmer son pouvoir de remettre les péchés en tant que fils de l’homme, a toujours été particulièrement cher à l'Eglise. Outre le récit que nous en fait aujourd'hui saint Matthieu, elle a placé la narration qu'en donne aussi saint Luc (Luc. V, 17-26.) au vendredi des Quatre-Temps de la Pentecôte. Les fresques des catacombes, parvenues jusqu'à nous, attestent encore la prédilection qu'elle inspira pour ce sujet aux artistes chrétiens du premier âge.
C'est qu'en effet, dès l'origine du christianisme, on vit l'hérésie dénier à l'Eglise le pouvoir de pardonner au nom de Dieu, qu'elle tient de son divin Chef ; c'était condamner irrémissiblement à la mort un nombre incalculable de chrétiens, malheureusement tombés après leur baptême, et que guérit le sacrement de Pénitence. Or quel trésor une mère peut-elle défendre avec plus d'énergie, que le remède auquel la vie de ses enfants est attachée ? L'Eglise donc frappa de ses anathèmes et chassa de son sein ces Pharisiens de la loi nouvelle, qui, comme leurs pères du judaïsme, méconnaissaient la miséricorde infinie et l'étendue du grand mystère de la Rédemption. Elle-même, comme Jésus sous les yeux des scribes ses contradicteurs, avait produit, en garantie de ses affirmations, un miracle visible à la face des sectaires, sans arriver plus que l'Homme-Dieu à les convaincre de la réalité du miracle de grâce opéré invisiblement par ses paroles de rémission et de pardon.
La guérison extérieure du paralytique fut tout ensemble, en effet, l'image et la preuve de la guérison de son âme réduite auparavant à l'impuissance ; mais lui-même représentait un bien autre malade : le genre humain, gisant immobile en son péché depuis des siècles. L'Homme-Dieu avait déjà quitté la terre, quand la foi des Apôtres opéra ce premier prodige de transporter aux pieds de l'Eglise le monde vieilli dans son infirmité. L'Eglise donc, voyant le genre humain docile à l'impulsion des messagers du ciel et partageant déjà leur foi, avait retrouvé pour lui dans son cœur de mère la parole de l'Epoux : " Mon fils, aie confiance, tes péchés sont remis ". Soudain, aux yeux étonnés de la philosophie sceptique, et confondant la rage de l'enfer, le monde s'était levé ostensiblement de sa couche ignominieuse ; montrant bien que ses forces lui étaient rendues, on l'avait vu charger sur ses épaules, par le travail de la pénitence et de la répression des passions, le lit de ses langueurs et de son impuissance, où l'avaient retenu si longtemps l'orgueil, la chair et la cupidité. Depuis lors, fidèle à la parole du Seigneur qui lui a été répétée par l'Eglise, il est en marche pour retourner dans sa maison, le paradis, où l'attendent les joies fécondes de l'éternité ! Et la multitude des cohortes angéliques, voyant sur la terre un pareil spectacle de rénovation et de sainteté (Luc. V, 26.), est saisie de stupeur, et elle glorifie Dieu qui a donné aux hommes une telle puissance.
Nous aussi, rendons grâces à l'Epoux dont la dot merveilleuse, qui est son sang versé pour l'Epouse, suffit jusqu'à la fin à solder les droits de la justice éternelle. Dans les jours de la Pâque, nous avons contemplé l'Homme-Dieu établissant le sacrement précieux qui rend ainsi, en un instant, vie et forces au pécheur (Mercredi de la cinquième sem. ap. Pâques). Mais combien sa vertu n'apparaît-elle pas plus merveilleuse encore, en nos temps d'affaissement et de ruine universelle ! L'iniquité abonde, les crimes se multiplient ; et toujours la piscine réparatrice, alimentée par les flots qui s'échappent du côté de Jésus entr'ouvert, absorbe et dissout, quand on le veut, sans laisser trace aucune, ces montagnes de péchés, ces hideux trésors de l'enfer entassés durant toute une vie par la complicité du démon, du monde et de l'homme même !
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dimanche, 23 septembre 2007
23 septembre 2007. XVIIe dimanche après la Pentecôte.
- XVIIe dimanche après la Pentecôte.
Extraits de L'année liturgique de dom Prosper Guéranger.
Jésus et les Pharisiens. Roman de Dieu et de sa mère. Herman de Valenciennes. XIVe.
L’Evangile qu'on lit aujourd'hui à la Messe du dix-septième dimanche, lui a fait donner le nom de Dimanche de l’amour de Dieu, depuis que l'Evangile de l’hydropique et des conviés aux noces a été transféré huit jours plus tôt.
A LA MESSE
Les décisions de Dieu sont toujours équitables, soit que, dans sa justice, il confonde les orgueilleux, soit que, dans sa miséricorde, il exalte les humbles. Nous avons vu cet arbitre souverain à l'œuvre, il y a huit jours, dans la distribution des places réservées pour les saints au banquet de l'union divine. Rappelons-nous les prétentions et le sort différents des invités aux noces sacrées, en chantant l'Introït de ce jour, et ne nous réclamons que de la miséricorde.
Notre Seigneur Jésus-Christ et les Pharisiens - G. Doré. XIXe.
EPÎTRE
Lecture de l'Epître du bienheureux Paul, Apôtre, aux Ephésiens. Chap. IV.
" Mes Frères, je vous conjure, moi qui suis enchaîné pour le Seigneur, de vivre d'une manière digne de la vocation à laquelle vous avez été appelés, en toute humilité, mansuétude et patience, vous supportant mutuellement dans la charité, ayant souci de conserver l'unité de l'esprit dans le lien de la paix. Soyez un seul corps et un seul esprit, comme vous avez été appelés à une même espérance qui est celle de votre vocation. Il n'y a qu'un seul Seigneur, une seule foi, un seul baptême. Il n'y a qu'un seul Dieu et Père de tous, qui est au-dessus de tous, et dans toutes choses, et en nous tous : béni est-il dans les siècles des siècles ! Ainsi soit-il !"
L'Eglise reprend avec saint Paul, dans la lettre aux Ephésiens, l'exposition des grandeurs de ses enfants ; elle les supplie, aujourd'hui, de répondre dignement à leur vocation sublime.
Cette vocation, cet appel de Dieu, nous les connaissons en effet ; c'est l'appel du genre humain aux noces sacrées, la vocation pour nos âmes à régner dans les cieux sur le trône du Verbe, devenu leur Epoux et leur Chef (Eph. II, 5.). Jadis plus rapproché de l'Epître qu'on vient de lire, l'Evangile précédent trouvait en elle son brillant commentaire, et lui-même expliquait parfaitement le terme de l'Apôtre. " Lorsque vous serez appelé aux noces, disait le Seigneur, quum VOCATUS fueris, prenez la dernière place " ; " En toute humilité, dit l'Apôtre, montrez-vous dignes de l'appel que vous avez entendu : digne ambuletis vocatione qua VOCATI estis ".
Quelle est donc maintenant la condition dont l'accomplissement doit nous montrer dignes de l'honneur suprême qui nous est fait par le Verbe éternel ? L'humilité, la mansuétude et la patience sont les moyens recommandés pour arriver au but. Mais le but lui-même, c'est I'unité de ce corps immense que le Verbe fait sien dans la célébration des noces mystiques ; la condition qu'exige l'Homme-Dieu de ceux qu'il appelle à devenir, en participation de l'Eglise son Epouse, os de ses os, chair de sa chair (Eph. V, 3.), est de maintenir entre eux une telle harmonie, qu'elle fasse de tous véritablement un même esprit et un seul corps, dans le lien de la paix.
" Lien splendide ! s'écrie saint Jean Chrysostome ; lien merveilleux qui nous réunit tous mutuellement, et, tous rassemblés, nous unit à Dieu !" (Chrys. in Ep. ad Eph. Hom. IX, 3.) Sa puissance est celle de l'Esprit-Saint lui-même, toute de sainteté et d'amour ; car c'est l'Esprit qui forme ses nœuds immatériels et divins, l'Esprit faisant l'office, au sein de la multitude baptisée, de ce souffle vital qui, dans le corps humain, anime à la fois et rallie tous les membres. Par lui, jeunes gens et vieillards, pauvres et riches, hommes et femmes, distincts de race et de caractère, ne sont plus qu'un seul tout comme en fusion dans l'immense embrasement dont brûle sans fin l'éternelle Trinité.
Mais pour que l'incendie de l'amour infini puisse s'emparer ainsi de l'humanité régénérée, il faut qu'elle soit purgée des rivalités, des rancunes, des dissensions qui montreraient qu'elle est encore charnelle (I Cor. III, 3.), et peu accessible dès lors à la divine flamme comme à l'union qu'elle produit. De même en effet, selon la belle comparaison de saint Jean Chrysostome (Chrys. ubi supra.), de même que le feu, quand il trouve les diverses variétés de bois qu'on offre à son action préparés par une dessiccation suffisante, ne fait de tous qu'un seul bûcher, mais ne peut, s'ils sont encore humides, ni prendre sur eux isolément, ni les unir ensemble : ainsi en est-il dans l'ordre du salut ; l'humidité malsaine des passions ne laisse point prise à l'Esprit sanctificateur, et L'union, condition et but de l'amour, est dès lors impossible.
Lions-nous donc à nos frères par cette chaîne bienheureuse de la charité, qui n'immobilise que nos petites passions et dilate nos âmes au contraire, en permettant à l'Esprit de les conduire sûrement à la réalisation de l’unique espoir de notre commune vocation, qui est de nous unir à Dieu dans l'amour. Sans doute, même entre les saints ici-bas, la charité reste une vertu laborieuse, parce que, chez les meilleurs eux-mêmes, la grâce arrive rarement à restaurer sans défectuosité aucune l'équilibre des facultés rompu par le péché d'origine ; il en résulte que l'infirmité, les excès ou les fuites de la pauvre nature se font sentir, non seulement à l'humilité du juste, mais encore quelquefois, il ne l'ignore pas, à la patience bienveillante de ceux qui l'entourent. Dieu le permet pour accroître ainsi le mérite de tous, et raviver en nous le désir du ciel.
Là seulement en effet, nous retrouverons facile autant que pleine harmonie avec nos semblables, par la pacification complète de nous-mêmes sous l'empire absolu du Dieu trois fois saint devenu tout en tous (Cor. XV, 28.). Dans cette patrie fortunée, Dieu même séchera les pleurs de ses élus sur leurs misères, en renouvelant leur être à sa source infinie (Apoc. XXI, 4-5.). Le Fils éternel, ayant en chacun de ses membres mystiques aboli l'empire des puissances ennemies et vaincu la mort (I Cor. XV, 24-28.), apparaîtra, dans la plénitude du mystère de son incarnation, comme la tête véritable de l'humanité, sanctifiée, restaurée et développée en lui (Eph. I, 10.) ; il tressaillira de voir arrivées à la mesure qui leur convenait, grâce aux soins de l'Esprit sanctificateur, les diverses parties de ce corps merveilleux (Ibid. IV, 13-16.) qu'il voulut s'agréger par le lien de l'amour, pour célébrer à jamais, dans le concert du Verbe et de la création, la gloire de la Trinité souveraine.
Combien alors seront dépassées les harmonies de la terre d'exil ! combien l'accord des chœurs les plus parfaits de ce monde paraîtra discordant, auprès de cet ensemble, de cette harmonie, de cet accord éternel ! Préparons-nous pour le céleste concert ; prenons soin d'ajuster nos voix, en disposant dès maintenant nos cœurs à cette plénitude de l'amour, qui n'est point d'ici-bas, mais que nous devons mériter par nos efforts et le support patient des défauts de nos frères et des nôtres.
On dirait que l'Eglise, dans l'extase où la plongent les notes de ce concert admirable qui s'échappent prématurément du ciel aujourd'hui par la bouche de Paul, se voit déjà transportée au delà du temps, pour y mêler en liberté ses inspirations au chant de l'Epoux. Car elle ajoute, en manière de conclusion, au texte de l'Epître, une expression de louange qui ne fait point partie de l'Ecriture, et qui forme comme la doxologie des accents inspirés du grand Apôtre.
Nous connaissons désormais les dons sans prix faits par l'Homme-Dieu à la terre (Eph. IV, 8.) ; grâce aux prodiges de puissance et d'amour opérés par le Verbe divin et l'Esprit sanctificateur, l'âme du juste est véritablement un ciel. Chantons, au Graduel, la félicité du peuple chrétien choisi par Dieu pour son héritage.
EVANGILE
La suite du saint Evangile selon saint Matthieu. Chap. XXII.
Jésus et les docteurs de la Loi. Graduel à l'usage de l'abbaye Notre-Dame de Fontevrault. XIIIe.
" En ce temps-là, les Pharisiens s'approchèrent de Jésus, et l'un d'eux qui était docteur de la loi l'interrogea pour le tenter, disant :
" Maître, quel est le grand commandement de la loi ?"
Jésus lui dit :
" Vous aimerez le Seigneur votre Dieu de tout votre cœur, de toute votre âme et de tout votre esprit. C'est là le plus grand et le premier commandement. Et le second ressemble à celui-là : Vous aimerez votre prochain comme vous-même. Dans ces deux commandements sont renfermés toute la loi et les prophètes."
Les Pharisiens étant donc assemblés, Jésus les interrogea, disant :
" Que vous semble du Christ ? de qui est-il fils ?"
Ils lui répondirent :
" De David."
Il leur dit :
" Comment donc David l'appelle-t-il dans l'Esprit Seigneur, disant : Le Seigneur a dit à mon Seigneur : Asseyez-vous à ma droite, jusqu'à ce que j'aie fait de vos ennemis l'escabeau de vos pieds ? Si donc David l'appelle Seigneur, comment est-il son fils ?"
Et aucun ne pouvait lui répondre, et personne, depuis ce jour, n'osa l'interroger davantage."
Jésus et les docteurs de la Loi. Speculum humanae salvationis. XVe.
L'Homme-Dieu laissa la tentation approcher de sa personne sacrée au désert (Matth. IV, 1-11.), et ne dédaigna point de subir les attaques que la ruse haineuse du démon lui suggère depuis le commencement pour perdre les hommes ; Jésus voulait apprendre aux siens la manière dont ils devaient repousser les assauts de l'esprit du mal.
Aujourd'hui notre Chef adoré, qui veut être le modèle de ses membres en toutes leurs épreuves (Heb. II, 17-18; IV, 15.), nous apparaît aux prises, non plus avec la perfidie de Satan, mais avec l'hypocrisie de ses pires ennemis, les Pharisiens. Ils cherchent à le perdre en le surprenant dans ses paroles (Matth. XXII, 15.), ainsi que le feront jusqu'à la fin des temps, contre son Eglise, les représentants du monde ennemi qu'il a condamné (Johan. XVI, 8-11.).
Mais de même que son Epoux divin, l'Eglise, assistée par lui pour continuer son œuvre sur la terre au milieu des mêmes tentations et des mêmes embûches, trouvera dans sa fidélité aussi simple qu'inébranlable à la loi de Dieu et à la vérité le secret de toutes les victoires. Les hérétiques, suppôts de Satan, les princes du monde, rongeant le frein imposé par le christianisme à leur ambition et à leurs convoitises, tenteront vainement de circonvenir la dépositaire des oracles divins par leurs propositions ou leurs questions captieuses.
Mise en demeure de parler, elle parlera toujours ; qu'est-elle, en effet, comme Epouse de ce Verbe divin qui est la parole éternelle du Père ? Que peut-elle être, qu'une voix pour l'annoncer aux hommes ou le chanter dans les cieux ? Mais aussi, non seulement sa parole, revêtant la force et la pénétration de Dieu même, ne sera jamais sujette à surprise ; comme un glaive à deux tranchants, presque toujours elle ira plus loin que n'eussent voulu les questionneurs hypocrites de l'Eglise, en confondant leurs sophismes et en mettant à nu les intentions criminelles de leurs cœurs (Heb. IV, 12.). De leur tentative sacrilège il ne restera pour eux que la honte, avec le dépit d'avoir amené la glorification de la vérité sous un nouveau jour et accru la lumière pour les enfants soumis de la Mère commune.
Ainsi advint-il aux Pharisiens de notre Evangile. Ils voulaient voir, dit l'Homélie du jour, si le Sauveur, qui se proclamait Dieu, n'ajouterait point à cause de cela quelque chose au commandement de l'amour divin, afin de pouvoir ensuite le condamner comme ayant tenté de corrompre la lettre du plus grand des préceptes de la loi (Chrys. Hom. LXXII in Matth.).
Mais l'Homme-Dieu déjoue leurs pensées ; il rappelle à ceux qui l'interrogent sur le grand commandement le texte même du décalogue, et continuant la citation, il montre qu'il n'ignore point le mobile secret qui les pousse, en leur rappelant aussi le second commandement, semblable au premier, le commandement de l'amour du prochain qui condamne leurs homicides menées. Ils sont ainsi convaincus de n'aimer ni le prochain, ni Dieu même, puisque le premier commandement ne peut être observé sans le second qui en découle et le complète.
Cependant le Seigneur achève de les confondre et les contraint à reconnaître eux-mêmes implicitement la divinité du Messie. Interrogés à leur tour, ils avouent que le Christ doit descendre de David ; mais, s'il est son fils, comment David l'appelle-t-il son Seigneur aussi bien qu'il le fait pour Dieu même, dans le psaume cix où il chante les grandeurs du Messie ?
La seule explication possible est que le Messie, qui devait dans le temps et comme homme sortir de David, était Dieu et Fils de Dieu dès avant tous les temps, selon la parole du même psaume : Je vous ai engendré de mon sein avant l'aurore (Psalm. CIX, 3.). Cette réponse qui les eût condamnés, les Pharisiens ne la donnèrent pas ; mais leur silence était un aveu, en attendant que la vengeance du Père contre ces vils ennemis de son Christ accomplît la prophétie, et fît d'eux l'escabeau de ses pieds dans le sang et la honte, au jour terrible des justices de Jéhovah sur la ville déicide.
Nous, chrétiens, pour la plus grande honte de l'enfer qui suscita contre le Fils de Dieu les embûches de la synagogue expirante, sachons tirer de ces efforts de la haine une instruction qui profite à l'amour. Les Juifs, en rejetant Jésus-Christ, manquèrent à la fois aux deux préceptes qui constituent la charité et résument toute la loi ; si nous aimons Jésus-Christ au contraire, pour la même raison toute la loi se trouve accomplie.
Jésus et les docteurs de la Loi. Missel romain. XIVe.
Splendeur de la gloire éternelle (Heb. I, 3.), un par nature avec le Père et l'Esprit-Saint, il est le Dieu que nous prescrit d'aimer le premier commandement; et le second, d'autre part, ne trouve qu'en lui d'application possible. Car non seulement il est homme aussi véritablement qu'il est Dieu ; mais encore il est l'homme par excellence (Johan. XIX, 5.) : l'homme parfait, sur le type duquel et pour qui ont été formés tous les autres (Rom. VIII, 29.) ; leur modèle et leur frère à tous (Heb. II, 17.) ; le chef en même temps qui les régit comme roi (Johan. XVIII, 37.), qui les offre à Dieu comme pontife (Heb. X, 14.) ; la tête qui communique à tous les membres de l'humanité beauté et vie, mouvement et lumière ; le rédempteur de cette humanité tombée, et doublement dès lors la source de tout droit, la dernière et la plus haute raison, sinon l'objet direct, de tout amour légitime ici-bas.
Rien ne compte qu'en lui devant Dieu. Dieu n'aime les hommes, dit saint Augustin (Aug. in Johan. Tract, CX.), que parce qu'ils sont les membres de son Fils ou qu'ils peuvent le devenir ; c'est son Fils qu'il aime en eux tous : il aime ainsi d'un même amour, quoique non également, et son Verbe, et la chair de son Verbe, et les membres de son Verbe fait chair. Or la charité, c'est l'amour tel qu'il est en Dieu, communiqué par l'Esprit-Saint aux créatures. Ce que nous devons donc aimer par la charité en nous et dans autrui, c'est le Verbe divin comme étant dans les autres et en nous-mêmes, ou pour qu'il y soit, d'après une autre expression de l'évêque d'Hippone (Serm. CCLV, in dieb. pasch.).
Mais par suite, en dehors des damnés bannis pour jamais du corps de l'Homme-Dieu, gardons-nous d'exclure personne de l'amour. Qui peut se vanter d'avoir la charité du Christ, s'il n'embrasse pas son unité, dit encore saint Augustin (Epist. LXI.) ? qui peut l'aimer, sans aimer avec lui l'Eglise qui est son corps, sans aimer tous ses membres ? Ce que l'on fait à l'un des plus petits comme aux plus dignes, en bien comme en mal, c'est à lui qu'on le fait, déclare-t-il (Matth. XXV, 40, 45.). Aimons donc le prochain comme nous-mêmes à cause du Christ qui est en chacun de nous, et qui donne à tous union et croissance dans la charité (Eph. IV, 15-16.).
Le même Apôtre qui disait : " La fin de la loi, c'est la charité " (I Tim. 1, 5.), a dit aussi : " La fin de la loi, c'est le Christ " (Rom. X, 4.) ; et nous voyons maintenant l'harmonie de ces deux propositions. Nous comprenons également la connexité de la parole de notre Evangile. Dans ces deux commandements sont renfermés toute la loi et les prophètes, et de cette autre parole du Seigneur : " Scrutez les Ecritures, car elles rendent témoignage de Moi " (Johan. V, 39.). La plénitude de la loi qui règle les mœurs est dans la charité (Rom. XIII, 10.), dont le Christ est le but ; comme l'objet des Ecritures révélées n'est autre encore que l'Homme-Dieu résumant dans son adorable unité, pour les siens, la morale et le dogme. Il est leur foi et leur amour, " la fin de toutes nos résolutions, dit saint Augustin ; car tous nos efforts ne tendent qu'à nous parfaire en lui, et c'est là notre perfection, d'arriver jusqu'à lui ; parvenu donc à lui, ne cherche pas au delà : il est ta fin " (Aug. Enarr. in Ps. LVI.). Et le saint docteur nous donne, arrivés à ce point, la meilleure formule de l'union divine : " Adhérons à lui seul, jouissons de lui seul, soyons tous un en lui : haereamus uni, fruamur uno, permaneamus unum " (De Trinit. IV, I. 1.).
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