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mercredi, 06 novembre 2024

6 novembre. Saint Léonard de Noblat, solitaire en Limousin, patron des prisonniers. seconde moitié du VIe siècle.

- Saint Léonard, solitaire en Limousin, patron des prisonniers. seconde moitié du VIe siècle.

Papes : Saint Symmaque ; Pélage II. Rois des Francs : Clovis Ier ; Sigebert Ier.

" Les dons de Dieu ne s'achètent pas à prix d'argent ; c'est la foi qui les mérite, et le Seigneur les distribue aux fidèles suivant la mesure de leur foi."
Saint Léonard.

" Baiser de paix " représentant saint Léonard. Filippo de Sulmone.
Italie. XVIe. Le Baiser de paix est un objet de culte que l'on baise
lors des solennités liées au saint qu'il représente et par l'intercession
duquel on a quelque faveur ou action de grâce à présenter à
Notre Père des Cieux.

Léonard veut dire odeur du peuple, de Leos, peuple, et nardus, nard, herbe odoriférante, parce que l’odeur d'une bonne renommée attirait le peuple à lui. Léonard peut encore venir de Legens ardua, qui choisit les lieux escarpés, ou bien il vient de Lion. Or, le lion possède quatre qualités :

1. La force qui, selon Isidore, réside dans sa poitrine et dans sa tète. De même, saint Léonard posséda la force dans son coeur, en mettant un frein aux mauvaises pensées, et dans la tête, par la contemplation infatigable des choses d'en haut ;
2. Il possède la sagacité en deux circonstances, savoir en dormant les yeux ouverts et en effaçant les traces de ses pieds quand il s'enfuit. De même, Léonard veilla par l’action du travail ; en veillant, il dormit dans le repos de la contemplation, et il détruisit en lui les traces de toute affection mondaine ;
3. Il possède une grande puissance dans sa voix, au moyen de laquelle il ressuscite au bout de trois jours son lionceau qui vient mort-né, et son rugissement fait arrêter court toutes les bêtes. De même, Léonard ressuscita une infinité de personnes mortes dans le péché, et il fixa dans la pratique des bonnes oeuvres beaucoup de morts qui vivaient en bêtes ;
4. Il est craintif au fond du coeur, car, d'après Isidore, il craint le bruit des roues et le feu. De même, Léonard posséda la crainte qui lui fit éviter le bruit des tracas du monde, c'est pour cela qu'il s'enfuit au désert ; il craignit le feu de la cupidité terrestre : voilà pourquoi il méprisa tous les trésors qu'on lui offrit. (Bréviaire de Limoges).

Léonard vécut, dit-on, vers l’an 500. Il naquit dans la province des Gaules au temps de l'empereur Anastase (491-518), de nobles francs, alliés du roi Clovis qui, " d'après des témoignages véridiques ", voulut bien être le parrain de l'enfant. Ce fut saint Remi, archevêque de Reims, qui le tint sur les fonts sacrés du baptême et, qui l’instruisit dans la science du salut.

Saint Léonard devant Clovis.
Vies de saints. Richard de Montbaston. XIVe.

Devenu grand, Léonard refusa de servir dans l'armée royale comme tous ses parents, mais voulut suivre saint Remi, évêque de Reims.

Saint Remi avait obtenu des rois que, chaque fois qu'ils viendraient à Reims ou qu'ils y passeraient, tous les prisonniers seraient aussitôt libérés. Léonard pour imiter cette charité demanda que tous les prisonniers qu'il visiterait soient aussitôt libérés : le roi accorda cette faveur dont le saint usa largement.

Or, comme la renommée de sa sainteté allait toujours croissant, le roi le fit rester longtemps auprès de lui, jusqu'à ce qu'il se présentât une occasion favorable de lui donner un évêché. Léonard le refusa, car, préférant la solitude, il quitta tout et vint avec son frère Liphard à Orléans où ils se livrèrent à la prédication.

Saint Léonard et saint Jacques. Domenico del Mazziere. Florence. XVe.

Après avoir passé quelque temps dans un monastère, Liphard ayant voulu rester solitaire sur les rives de la Loire, et Léonard, d'après l’inspiration du Saint-Esprit, se disposant à prêcher dans l’Aquitaine, ils se séparèrent après s'être embrassés mutuellement. Léonard prêcha donc en beaucoup d'endroits, fit un grand nombre de miracles et se fixa dans une forêt voisine de la ville de Limoges, où se trouvait un château royal bâti à cause de la chasse.

Or, il arriva qu'un jour le roi étant venu y chasser, la reine, qui l’avait accompagné pour son amusement, fut saisie par les douleurs de l’enfantement et se trouva en péril. Pendant que le roi et sa suite étaient en pleurs à raison du danger qui menaçait la reine, Léonard passa à travers la forêt et entendit leurs gémissements.
Emu de pitié, il alla au palais où on l’introduisit auprès du roi qui l’avait appelé. Celui-ci lui ayant demandé qui il était, Léonard lui répondit qu'il avait été disciple de saint Remi. Le roi conçut alors bon espoir et pensant qu'il avait été élevé par un bon maître, il le conduisit auprès de la, reine en le priant de lui obtenir par ses prières deux sujets de joie, savoir : la délivrance de son épouse et la naissance de l’enfant.

Léonard fit donc une prière et obtint à l’instant ce qu'il demandait. Or, comme le roi lui offrait beaucoup d'or et d'argent, il s'empressa de refuser et conseilla au prince de distribuer ces richesses aux pauvres :

" Pour moi, lui dit-il, je n'en ai aucun besoin, je ne désire qu'une chose : c'est de vivre dans quelque forêt, en méprisant les richesses de ce monde, et en ne servant que Notre Seigneur Jésus-Christ."
Et comme le roi voulait lui donner toute la forêt, Léonard lui dit :
" Je ne l’accepte pas tout entière, mais je vous prie seulement de me concéder la portion dont je pourrai, la nuit, faire le tour avec mon âne."
Ce à quoi le roi consentit bien volontiers.

Enseigne de pélerinage. Saint Léonard. XIVe.

Léonard construisit un oratoire en l'honneur de Notre-Dame et y dédia un autel en mémoire de saint Remi. Il se rendait souvent au tombeau de saint Martial.

On y éleva ensuite un monastère où Léonard vécut longtemps dans la pratique d'une abstinence sévère, avec deux personnes qu'il s'adjoignit.

Or, comme on ne pouvait se procurer de l’eau qu'à une demie-lieue de distance, il fit percer un puits sec dans son monastère et il le remplit d'eau par ses prières. Il appela ce lieu Nobiliac parce qu'il lui avait été donné par un noble roi. Il s'y rendit illustre par de si grands miracles que tout prisonnier, invoquant son nom, était délivré de ses chaînes et s'en allait libre, sans que personne n'osât s'y opposer ; il venait ensuite présenter à Léonard les chaînes ou les entraves dont il avait été chargé. Plusieurs de ces prisonniers restaient avec lui et servaient le Seigneur. Sept familles de ses parents, nobles comme lui, vendirent tout ce qu'elles possédaient pour le joindre : il distribua à chacune une portion de la forêt et leur exemple attira beaucoup d'autres personnes.

Notre Dame et son divin Fils entourée de saint Léonard à sa droite
et de saint Pierre à sa gauche. Maître de Madeleine. Italie. XIIIe.

Enfin, le saint homme Léonard, tout éclatant de nombreuses vertus, trépassa au Seigneur le 8 des Ides de novembre. Comme il s'opérait beaucoup de miracles au lieu où il reposait, il fut révélé aux clercs de faire construire une autre église ailleurs, parce que celle qu'ils avaient là leur était trop petite à raison de la multitude des pèlerins, puis d'y transférer avec honneur le corps de saint Léonard.

Quand les clercs et le peuple eurent passé trois jours dans le jeûne et la prière, ils virent tout le pays couvert de neige, mais ils remarquèrent que le lieu où voulait reposer saint Léonard en était entièrement dépourvu. Ce fut donc là qu'il fut transporté. L'immense quantité de différentes chaînes de fer suspendues devant son tombeau témoigne combien de miracles le Seigneur opèra par son intercession, surtout à l’égard de ceux qui sont incarcérés.

Saint Léonard. Vies de saints. Maître de Fauvel. XIVe.

Le vicomte de Limoges, pour effrayer les malfaiteurs, avait fait forger une chaîne énorme qu'il avait commandé de fixer au pied de sa tour. Quiconque avait cette chaîne au cou restait exposé à toutes les intempéries de l’air, c'était donc endurer mille morts à la fois.
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Or, il arriva qu'un serviteur de saint Léonard fut attaché à cette chaîne, sans l’avoir mérité. Il allait rendre le dernier soupir, quand il se recommanda, le mieux qu'il put et de tout coeur, à saint Léonard, en le priant, puisqu'il délivrait les autres, de venir aussi au secours de son serviteur.
A l’instant saint Léonard lui apparut, revêtu d'un habit blanc, et lui dit :
" Ne crains point, car tu ne mourras pas. Lève-toi et porte cette chaîne avec toi à mon église. Suis-moi, je te précéderai."
Cet homme se leva, prit la chaîne et suivit jusqu'à son église saint Léonard qui marchait en avant. Au moment où il arrivait vis-à-vis la porte, le bienheureux prit congé de lui. Le serviteur entra donc dans l’église et raconta à tout le monde le service que saint Léonard lui avait rendu, et il suspendit devant le tombeau cette chaîne énorme.

Un habitant de Nobiliac, qui était fort fidèle à saint Léonard, fut pris par un tyran, qui se dit en lui-même :
" Ce Léonard délivre tous ceux qui sont enchaînés et toute espèce de fer, quelle qu'en soit la force, fond en sa présence comme la cire devant le feu. Si donc je fais enchaîner cet homme, aussitôt Léonard viendra le délivrer ; mais si je pouvais le garder, j'en tirerais mille sous pour sa rançon. Je sais ce que j'ai à faire. Je ferai creuser au fond de ma tour une fosse profonde et j'y plongerai cet homme après l’avoir chargé d'entraves. Ensuite sur l’orifice de la fosse, je ferai construire une geôle de bois où veilleront des soldats en armes. Bien que Léonard brise le fer, cependant il n'est pas encore entré sous terre."
Ce tyran exécuta tout ce qu'il s'était proposé, et comme le prisonnier se recommandait à chaque instant à saint Léonard, le bienheureux vint la nuit et retournant la geôle où se trouvaient les soldats, il les y renferma dessous comme des morts dans un sépulcre. Ensuite étant entré dans la fosse, environné d'une grande lumière, il prit son fidèle serviteur par la main et lui dit :
" Dors-tu, ou veilles-tu ? Voici Léonard que tu désires voir."
Alors cet homme s'écria plein d'admiration :
" Seigneur, aidez-moi."
Aussitôt le saint brisa les chaînes, prit le prisonnier dans ses bras et le porta hors de la tour. Ensuite, s'entretenant avec lui, comme un ami le fait avec son ami, il le conduisit jusqu'à Nobiliac et même jusqu'à sa maison.

Saint Léonard. Détail. Antonio Allegri (Le Corrège). XVIe.

Un pèlerin qui revenait d'une visite à saint Léonard, fut pris en Auvergne et renfermé dans une cave. Il conjurait ses geôliers de le relâcher, par amour pour saint Léonard, car jamais il ne les avait offensés en rien. Ils répondirent que s'il ne donnait une somme importante pour sa rançon, il ne sortirait pas.
" Eh bien, dit le pèlerin, que l'affaire se vide entre vous et saint Léonard auquel vous saurez que je me suis recommandé."
Or, la nuit suivante, saint Léonard apparut au maître du château et lui commanda de laisser partir son pèlerin. Le matin à son réveil, cet homme n'estimant pas la vision qu'il avait eue plus qu'il n'eût fait d'un songe, ne voulut pas lâcher son prisonnier. La nuit suivante, saint Léonard lui apparut encore, en lui réitérant les mêmes ordres ; mais il refusa de nouveau d'y obtempérer ; alors la troisième nuit, le saint prit le pèlerin et le conduisit hors de la place.
Un instant après, la tour s'écroula avec la moitié du château ; plusieurs personnes furent écrasées et le seigneur, qui n'eut que les deux jambes cassées, fut préservé afin qu'il pût survivre à sa confusion.

Un soldat, prisonnier en Bretagne, invoqua saint Léonard, qui apparut au milieu de la maison, entra dans la prison, et après avoir brisé les chaînes qu'il remit entre les mains de cet homme, l’emmena en lui faisant traverser la foule frappée à cette vue de stupeur et d'effroi.

Saint Etienne, saint Laurent et saint Léonard. Anonyme.
Basilique San-Lorenzo. Florence. XVe.

A 22 kilomètres à l'est de Limoges, la petite ville de Saint-Léonard-de-Noblat a gardé l'aspect pittoresque que lui a donné au Moyen-Age sa grande prospérité. La vaste église, un des plus beaux monuments romans limousins, construite à la fin du XIe siècle et au XIIe, est flanquée au Nord par un splendide clocher à 5 étages et une curieuse chapelle du Saint-Sépulcre qui rappelle que saint Léonard fut souvent invoqué avec succès par les Croisés.

On regrette les malheureuses modifications dont cette église fut victime, surtout celles de 1603, qui défigurèrent le choeur. La prospérité a été apportée à la ville par les pèlerins qui, venant en foule au tombeau de saint Léonard, créèrent un important mouvement commercial.Selon certaines sources, l'église actuelle aurait été reconstruite sur l'emplacement d'une église du IXe siècle.

Dans sa Chronique écrite vers 1028, Adhémar raconte que lorsque, vers 1017, fut découvert à Saint-Jean-d'Angély le chef de saint Jean-Baptiste, les clercs et les fidèles accoururent en foule pour le vénérer en apportant les reliques de leurs saints. On vit celles de saint Martial, de saint Cybard, de saint Léonard, confesseur en Limousin, de saint Antonin, martyr du Quercy, etc., qui accomplirent tous beaucoup de miracles.

Adhémar se contente de présenter saint Léonard comme " confesseur limousin ", ce qui signifie que ses reliques reposaient dans ce diocèse, sans rien préjuger de son origine, puisque saint Antonin, qualifié de " martyr du Quercy ", n'appartient à cette région que parce que ses reliques avaient été déposées à l'abbaye Saint-Antonin de Noble-Val, à la limite du Rouergue et du Quercy.

Collégiale Saint-Léonard. Saint-Léonard-de-Noblat. Limousin. France.

Exactement à l'époque où Adhémar écrivait sa Chronique, peu avant 1028, un clerc, nommé Hildegaire, fit de la part de l'évêque de Limoges, Jourdain de Laron, une requête assez inattendue à l'évêque de Chartres, Fulbert : il lui demandait de lui envoyer la Vie de saint Léonard, s'il pouvait la trouver. Les Limousins s'adressaient à Fulbert comme à un savant habile à découvrir les trésors des bibliothèques - de nos jours encore, on s'adresse à des chercheurs lointains pour connaître ses gloires locales. Pour ne pas commettre d'impair, Hildegaire avançait prudemment : on dit que ce saint repose dans notre diocèse.

Le renom de la sainteté de Léonard se répandit dans toute l'Aquitaine, la Grande-Bretagne et la Germanie. Dieu glorifiait son serviteur, de sorte que si quelque prisonnier invoquait son nom, ses chaînes se brisaient et nul ne pouvait l'empêcher de partir. Beaucoup venaient de tous pays lui apporter leurs chaînes et certains voulaient se fixer auprès de lui. Le saint leur donnait un lopin de terre pour qu'ils puissent vivre honnêtement de la culture et éviter de nouveaux vols qui les ramèneraient en prison. Il guérissait aussi les nombreux malades qui venaient à lui.

A la fin du XIe siècle, la dévotion à saint Léonard se répandit très vite en France, sa fête fut célébrée à Limoges, dans les diocèses voisins, Bourges, Clermont, Le Puy, Rodez, Bordeaux, Saintes, Poitiers, dans l'Ouest à Angers et à Nantes, dans la région parisienne et en Normandie, d'où elle passa en Angleterre au moment de la conquête. La Flandre, l'Italie la reçurent également, mais sa popularité atteignit son maximum en Bavière, en Autriche et en Souabe.
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http://i84.servimg.com/u/f84/11/64/82/51/chapel10.jpg
Chapelle Saint-Léonard. Guingamp. XIIe - XIIIe. Cette chapelle fut
édifiée à Guingamp, au diocèse de Saint-Brieuc-Tréguier,
par des croisés qui, revenant de Terre sainte,
l'élevèrent en action de grâce et en reconnaissance à saint Léonard
par l'intercession duquel ils avaient été délivrés des mahométans.

Un des grands dévots du saint fut d'ailleurs un Allemand, l'évêque Waléran de Naumbourg en Saxe (+ 1111), qui séjourna quelques années à Noblat, où les chanoines le reçurent fort bien ; il leur en garda une profonde reconnaissance, copia pour eux la Vie et les Miracles du saint, puis en donna une nouvelle édition légèrement remaniée, qu'il dédia à une noble dame nommée Gertrude, peut-être la marquise de ce nom, belle-mère de Lothaire, duc de Saxe.

Saint Léonard fut très populaire auprès des Croisés. Pris dans une embuscade en août 1100, le " prince d'Antioche ", Bohémond, fut libéré seulement en 1103 ; l'année suivante, il partit pour l'Occident et passa à Saint-Léonard de Noblat, où il raconta à sa façon son aventure et sa délivrance qu'il attribuait au saint.

Les miracles de saint Léonard sont surtout des libérations miraculeuses de prisonniers et son église est remplie de leurs ex-voto : ceps, doubles boucles. Par allusion à ces doubles boucles, les fabricants de boucles le choisirent comme patron, ainsi que les fruitiers, beurriers, fromagers et coquetiers qui, courant la campagne pour ramasser leurs denrées, risquaient en temps de troubles d'être pris par des voleurs.

Collégiale Saint-Léonard. Saint-Léonard-de-Noblat. Limousin. France.
 
LA COLLEGIALE SAINT-LEONARD A SAINT-LEONARD-DE-NOBLAT
 
Chef d’œuvre d’art roman limousin, cette Collégiale romane fut construite au XIe siècle sur l’emplacement du tombeau du Saint.
L’une des particularités de l’édifice réside dans son clocher-porche à " gâbles ". C’est le plus bel exemple de clocher dit limousin. Il s’élève sur 3 étages principaux, puis sur 2 étages au plan octogonal, surmontés d’une flèche en pierre. Sa hauteur totale atteint 52 mètres. Il guidait les pèlerins faisant étape, et se rendant vers Saint-Jacques-de-Compostelle par la Voie limousine.

L’édifice est bâti sur le plan d’une croix latine. Son choeur est entouré de 7 chapelles rayonnantes percées de baies limousines. A la croisée du transept, une tour-lanterne éclaire l’intérieur. Une chapelle ronde, ou rotonde, accolée à la nef, sert de baptistère. Elle fut édifiée à la fin du XIe selon les souhaits d’un chevalier revenant de Croisade, et évoque le Saint Sépulcre de Jérusalem.

Le portail Ouest du XIIIe, est orné de mouluration limousine remarquable. La Collégiale conserve les reliques de Saint Léonard dans deux châsses en cuivre ornées d’émaux peints. Elles sont abritées dans une cage en fer forgé du XVe, au-dessus du maître-autel.

Dans le croisillon sud, se trouve dans un enfeu le tombeau de Saint Léonard. Il possède un couvercle de sarcophage de style mérovingien, en serpentine verte. Juste au-dessus, est suspendue au mur la célèbre chaîne, nommée " Verrou " (il figure d'ailleurs sur les armoiries de la ville de Saint-Léonard-de-Noblat). Elle enserrait la cheville et le cou des prisonniers. Le " Verrou " est lié à de très nombreux miracles obtenus par l’intercession de Léonard.

Tombeau de saint Léonard. On y voit la fameuse chaîne,
attribut de notre Saint. Elle est appelée le  Verrou.
Collégiale Saint-Léonard. Saint-Léonard-de-Noblat.
 
Cette chaîne en fer forgé reliant un collier cadenassé à une double entrave, accrochée au-dessus du tombeau du Saint, reste l’ultime ex-voto d’un culte et d’une dévotion très populaire et répandue en Europe. Saint Léonard a spécialement été invoqué en 1094, lors de l’épidémie du mal des Ardents qui a s'abbatit sur la région.

Saint Léonard est aussi imploré pour les problèmes de maladies et de stérilité féminine. La tradition dispose les femmes voulant se marier ou enfanter touchent le " Verrou " pour être exaucées.
Certes, la prière par l'intercession de saint Léonard libéra miraculeusement bien des captifs, retenu physiquement dans des prisons humaines, mais encore, elle libère efficacement le pécheur, retenu dans la prison de ses passions et de ses vices. On se recommandera avec ferveur à saint Léonard.

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jeudi, 29 février 2024

29 février. Saint Dosithée de Gaza, solitaire. VIe.

- Saint Dosithée de Gaza, solitaire. VIe.

" Obéissez à vos chefs et soyez-leur soumis ; car ils veillent, sachant bien qu'il doivent rendre compte de vos âmes."
Saint Paul, Heb., XIII.


Saint Dosithée de Gaza. D'après une ancienne icône byzantine.

Dosithée vient de Dosis, Don, et de Théos, Dieu, c'est-à-dire le don de Dieu, donc l'équivalent grec du latin Dieudonné.

On ne connaît rien du lieu ni du temps où il vécut. Il fut élevé par un des principaux officiers de l’armée de l’empereur d’Orient. Dosithée reçut de son officier une éducation mondaine un peu molle et relâchée. Il était sensible et ne manquait pas de générosité. Cependant, l’officier ne l’informa jamais de la vie des Chrétiens.

Dosithée eut un jour l’occasion d’aller à Jérusalem et il profita de ce séjour pour visiter Gethsémani. Là, Dosithée se trouva tout à coup devant un tableau qui représentait les supplices des damnés. Une dame qui était là lui expliqua ce que signifiait tout ce qui était représenté sur le tableau. Dosithée lui exprima sa crainte de subir tous ces supplices. Alors la dame lui dit que pour éviter cela, il devait jeûner et prier.

Il fut si troublé par cette rencontre qu’il changea subitement de régime alimentaire et passa le plus clair de son temps à genoux en prière et son aspiration à mener une vie sainte le conduisit bientôt jusqu’à celui de Gaza en Palestine, chez l’abbé Séride (Séridos), qui gouvernait un monastère de plusieurs dizaine de Cénobites et qui faisait aussi office d'hôpital.

L’abbé, voyant un jeune homme si “ bien fait, délicat, vêtu en habit de cour ” craignait que ce ne fût une passade, une velléité de nanti. Il fit donc examiner Dosithée par saint Dorothée, un des moines-infirmiers.

A toutes les questions que posait Dorothée, Dosithée répondait invariablement “ je veux me sauver ”. Un peu décontenancé, Dorothée passa rapporta à Séride que Dosithée était indemne de tout vice, mais qu’il faudrait le ménager.


Cénobites orientaux. Manuscrit byzantin du Xe.

Dorothée conseilla alors à Dosithée de manger ce qu’il voulait et autant qu’il voulait. Celui-ci lui répondit qu’il avait mangé un pain de cinq livres, soit deux kilos et demi. Dorothée.
 
Mais deux jours après, il lui conseilla d’en retrancher une partie et lui demanda ensuite s’il avait assez mangé. Dosithée répondit qu’il n’avait pas tout mangé mais qu’il s’en trouvait bien quand même. Tous les jours, il lui demandait de retrancher une partie du pain et finit par lui conseiller de ne manger que trois onces par jour ainsi que quelques petits restes de poisson ou d’autres mets qu’on servait aux malades.

Comme Dorothée était infirmier-chef, il prit Dosithée à son service, le sachant doux, propre, soigneux et serviable.

Seulement, Dosithée, quand il n’obtenait pas le résultat voulu, se fâchait et certains mots un peu rudes lui échappaient. Chaque fois que cela lui arrivait, il allait dans sa cellule et fondait en larmes, prosterné contre terre, regrettant ses emportements.

Dorothée venait alors le trouver pour le calmer et l’encourager à persévérer puis lui rappeler qu’il n’avait pas à crier contre les malades car c’étaient des représentants de Notre Seigneur Jésus-Christ. Après bien des soupirs, Dosithée repartait travailler car il avait une confiance absolue en son maître.

Une fois où Dosithée s’était encore laissé emporter brusquement à la suite d’une bêtise qu’il avait faite, Dorothée lança :
“ Ici, il ne manque plus qu’une bouteille de vin, ça irait bien avec l’ambiance !”
Dosithée obéit à la lettre et courut chercher une bouteille de vin pour l’apporter à Dorothée.
“ Oh insensé, dit Dorothée, j’ai dit cela parce que vous parlez comme un Goth qui crie toujours pour rien, comme s’il était ivre !”
Dosithée rapporta la bouteille dans la cave.

Dorothée s’occupa alors à l’endurcir un peu. Malgré les précautions qu’il prenait, Dosithée subissait difficilement ces épreuves qui devaient servir à renforcer son humilité. Un jour il cracha du sang, atteint par la maladie.
 
Il déclina très vite malgré sa jeunesse. Sa seule impatience allait vers le jour de sa mort, jour où il pourrait “ sortir de son exil ”.

A la dernière extrémité, il demanda à Dorothée :
“ Père permettez-moi de sortir de mon exil.”
Dorothée, lui dit en pleurant :
“ Allez en paix mon fils.”
Et Dosithée expira en toute obéissance.

Un peu plus tard, Dosithée apparut à Dorothée. Il était au milieu d’une troupe de saints et resplendissait de lumière et de gloire.

Certains auteurs anciens attribuent à saint Dosithée la fameuse oraison :
" Seigneur Jésus-Christ, Fils du Dieu vivant, Ayez pitié de moi, pauvre pécheur."

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dimanche, 04 février 2024

Dimanche de la Sexagésime.

- Dimanche de la Sexagésime.



Noé. Lorenzo Monaco. XVe.

Dans le cours de la semaine qui commence aujourd'hui, la sainte Eglise présente à notre attention l'histoire de Noé et du déluge universel. Malgré la sévérité de ses avertissements, Dieu n'a pu obtenir la fidélité et la soumission de la race humaine. Il est contraint d'employer un châtiment terrible contre ce nouvel ennemi. Toutefois, il a trouvé un homme juste, et, dans sa personne, il fera encore alliance avec nous. Mais auparavant il veut faire sentir qu'il est le souverain Maître, et que tout aussitôt qu'il lui plaira, l'homme si fier d'un être emprunté s'abîmera sous les ruines de sa demeure terrestre.

Nous placerons d'abord ici, comme base des enseignements de cette semaine, quelques lignes du Livre de la Genèse empruntées à l'Office des Matines de ce jour :

Lecture du Livre de la Genèse. Chap. VI.



Noé trouve grâce aux yeux de Dieu.
Bible historiale. Guiard des Moulins. XVe.

" Dieu voyant que la malice des Hommes était extrême sur la terre, et que toutes les pensées de leur coeur se tournaient continuellement vers le mal, il se repentit d'avoir fait l'homme sur la terre. Et, étant touché de douleur jusqu'au fond du cœur, Il dit :
" J'exterminerai de dessus la terre l'homme que j'ai créé ; je les détruirai tous, depuis l'homme jusqu'aux animaux, depuis ceux qui rampent sur la terre jusqu'aux oiseaux du ciel ; car je me repens de les avoir faits."
Mais Noé trouva grâce devant le Seigneur.

Voici les enfants qu'engendra Noé : Noé, homme juste et parfait dans toute la conduite de sa vie, marcha avec Dieu, et engendra trois fils, Sem, Cham et Japheth. Or la terre était corrompue devant Dieu, et remplie d'iniquité. Dieu, voyant donc cette corruption de la terre (car toute chair avait corrompu sa voie sur la terre), dit à Noé :
" J'ai résolu de faire périr tous les hommes ; ils ont rempli la terre d'iniquité ; je les exterminerai avec la terre."


La catastrophe qui fondit alors sur l'espèce humaine fut encore le fruit du péché ; mais du moins un homme juste s'était rencontré,et le monde fut sauvé d'une ruine totale par lui et par sa famille. Après avoir daigné renouveler son alliance, Dieu permit que la terre se repeuplât, et que les trois enfants de Noé devinssent les pères des trois grandes races qui l'habitent.



Noé trouve grâce aux yeux de Dieu.
Heures à l'usage de Rome. XVe.

Tel est le mystère de l'Office durant cette semaine. Celui de la Messe, qui est figuré par le précédent, est plus important encore. Dans le sens moral, la terre n'est- elle pas submergée sous un déluge de vices et d'erreurs ? Il faut qu'elle se peuple d'hommes craignant Dieu, comme Noé. Cette génération nouvelle, c'est la Parole de Dieu, semence de vie, qui la suscite. C'est elle qui produit ces heureux enfants dont parle le Disciple bien-aimé, " qui ne sont point nés du sang, ni de la volonté de la chair, ni de la volonté de l'homme, mais de Dieu même " (Johan. I, 13.).

Efforçons-nous d'entrer dans cette famille, et, si nous en sommes déjà membres, gardons chèrement notre bonheur. Il s'agit, dans ces jours, d'échapper aux flots du déluge, de chercher un abri dans l'arche du salut ; il s'agit de devenir cette bonne terre dans laquelle la semence fructifie au centuple. Songeons à fuir la colère à venir, pour ne pas périr avec les pécheurs, et montrons-nous avides de la Parole de Dieu qui éclaire et convertit les âmes (Psalm. XVIII.).

Chez les Grecs, ce Dimanche est le septième jour de la semaine qu'ils appellent Apocreos, laquelle commence dès le lundi qui suit notre Dimanche de la Septuagésime. Cette semaine est ainsi nommée dans l’Église grecque, parce qu'elle annonce et précède immédiatement celle où l'on suspend déjà l'usage de la viande, jusqu'à la fête de Pâques.

A LA MESSE

A Rome, la Station est dans la Basilique de Saint-Paul-hors-les-Murs. C'est autour du tombeau du Docteur des nations, du propagateur de la divine semence, du père de tant de peuples par sa prédication, que l'Eglise Romaine réunit les fidèles en ce jour où elle veut leur rappeler que le Seigneur a épargné la terre, à la condition qu'elle se peuplera de vrais croyants et d'adorateurs de son Nom.

EPITRE

Lecture de l'Epître du bienheureux Paul, Apôtre, aux Corinthiens. II, Chap. XI.



Saint Paul. Filippo di Memmo. XIVe.

" Mes Frères, étant sages comme vous êtes, vous supportez sans peine les imprudents, puisque vous souffrez même qu'on vous réduise en servitude, qu'on vous dévore, qu'on vous pille, qu'on s'élève contre vous, qu'on vous frappe au visage. C'est à ma confusion que je rappelle cela : puisque nous passons pour avoir été trop faibles dans des épreuves semblables. Cependant aucun d'eux - excusez mon imprudence - ne saurait se glorifier de rien que je ne le puisse aussi moi-même.

Sont-ils Hébreux ? Je le suis aussi. Sont-ils enfants d'Israël ? Je le suis aussi. Sont-ils de la race d'Abraham ? J'en suis aussi. Sont-ils ministres du Christ ? Au risque de passer encore comme imprudent, j'ose dire que je le suis plus qu'eux : j'ai plus souffert de travaux, plus enduré de prisons, plus reçu de coups. Souvent je me suis vu près de la mort.

J'ai reçu des Juifs, à cinq différentes fois, trente-neuf coups de fouet ; j'ai été battu de verges trois fois ; j'ai été lapidé une fois ; j'ai fait naufrage trois fois ; j'ai passé un jour et une nuit au fond de la mer. Fréquemment j'ai été en péril dans les voyages ; en péril sur les fleuves ; en péril du côté des voleurs ; en péril de la part de ceux de ma nation ; en péril de la part des gentils ; en péril dans les villes ; en péril dans les solitudes ; en péril sur la mer ; en péril au milieu des faux frères.

J'ai souffert toutes sortes de travaux et de fatigues, des veilles fréquentes, fa faim, la soif, des jeûnes réitérés, le froid et la nudité. A ces maux extérieurs ajoutez mes préoccupations quotidiennes, la sollicitude de toutes les Eglises. Qui est faible, sans que je me fasse faible avec lui ? Qui est scandalisé, sans que j'en sois brûlé ? Que s'il est permis de se glorifier, je me glorifierai de mes souffrances.



La flagellation de saint Paul et de saint Silas.
Louis Testelin. Cathédrale Notre Dame. Paris. XVIIe.

Dieu, le Père de notre Seigneur Jésus-Christ qui est béni dans tous les siècles, sait que je ne mens pas. A Damas, le gouverneur de la province pour le roi Arétas faisait faire la garde dans la ville pour m'arrêter prisonnier : on me descendit par une fenêtre, le long de la muraille, dans une corbeille ; et je m'échappai ainsi de ses mains. S'il faut se glorifier, quoique cela ne convienne pas, je viendrai maintenant aux visions et aux révélations du Seigneur. Je connais en Jésus-Christ un homme qui fut ravi, il y a quatorze ans ; si ce fut en son corps, ou hors de son corps, je n'en sais rien, Dieu le sait ; qui fut ravi, dis-je, jusqu'au troisième ciel. Et je sais que cet homme, si ce fut en son corps, ou hors de son corps, je ne sais, Dieu le sait ; que cet homme, dis-je, fut ravi dans le Paradis, et qu'il entendit des paroles mystérieuses qu'il n'est pas permis à un homme de rapporter. Je pourrais me glorifier en parlant d'un tel homme ; mais, pour moi, je ne veux me glorifier que dans mes infirmités.

Ce ne serait cependant pas imprudence à moi, si je voulais me glorifier, car je dirais la vérité ; mais je me retiens, de peur que quelqu'un ne m'estime au-dessus de ce qu'il voit en moi, ou de ce qu'il entend de moi. Aussi, de peur que la grandeur des révélations ne me causât de l'orgueil, il m'a été donné un aiguillon dans ma chair, un ange de Satan, qui me donne des soufflets. C'est pourquoi j'ai prié trois fois le Seigneur de l'éloigner de moi, et il m'a répondu : " Ma grâce te suffit " ; car la force se perfectionne dans l'infirmité. Je prendrai donc plaisir à me glorifier dans mes infirmités, afin que la force du Christ habite en moi."


EVANGILE

La suite du saint Evangile selon saint Luc. Chap. VIII.



Parabole du semeur. Pieter Brueghel l'Ancien. XVIe.

" En ce temps-là, le peuple s'assemblant en foule et se pressant de sortir des villes pour venir au-devant de Jésus, il leur dit en parabole :
" Celui qui sème s'en alla pour semer son grain ; et comme il semait, une partie de la semence tomba le long du chemin, où elle fut foulée aux pieds, et les oiseaux du ciel la mangèrent. Et une autre partie tomba sur la pierre, et, après avoir levé, elle sécha, parce qu'elle n'avait point d'humidité. Et une autre tomba au milieu des épines, et les épines croissant avec la semence l'étouffèrent. Et une autre partie tomba sur de la bonne terre, et ayant levé, elle porta du fruit, cent pour un."
En disant cela, il criait :
" Que celui-là entende qui a des oreilles pour entendre."

Ses disciples l'interrogèrent sur le sens de cette parabole, et il leur dit :
" Pour vous, il vous a été donné de connaître le mystère du royaume de Dieu ; mais pour les autres, il ne leur est proposé qu'en paraboles, de sorte que voyant ils ne voient point, et qu'entendant ils ne comprennent point.
Voici donc le sens de cette parabole : La semence est la Parole de Dieu. Ceux qui sont marqués par ce qui tombe le long du chemin, sont ceux qui écoutent ; mais le diable vient, et enlève de leurs cœurs la parole, de peur que croyant, ils ne soient sauvés.
Ceux qui sont marqués par ce qui tombe sur la pierre, sont ceux qui, ayant écouté la parole, la reçoivent avec joie ; mais ils n'ont point de racines ; ils croient pour un temps, et ils se retirent à l'heure de la tentation.
Cequi tombe dans les épines, ce sont ceux qui écoutent la parole, mais en qui elle est étouffée par les inquiétudes, par les richesses et parles plaisirs de cette vie, et ils ne portent point de fruit.
Enfin, ce qui tombe dans la bonne terre, ce sont ceux qui, ayant écouté la parole, la conservent dans un cœur bon et excellent, et portent du fruit par la patience."



Parabole du semeur. Heures à l'usage de Rouen. XVe.

Saint Grégoire le Grand observe avec raison que la parabole qui vient d'être lue n'a pas besoin d'explication, la Sagesse éternelle s'étant chargée elle-même de nous en donner la clef. Il ne nous reste donc plus qu'à profiter d'un si précieux enseignement, et qu'à recevoir en bonne terre la semence céleste qui tombe sur nous. Combien de fois jusqu'ici ne l'avons-nous pas laissée fouler aux passants, ou enlever par les oiseaux du ciel ? Combien de fois ne s'est-elle pas desséchée sur le rocher de notre cœur, ou n'a-t-elle pas été étouffée par de funestes épines ? Nous écoutions la Parole ; elle avait pour nous un certain charme qui nous rassurait. Souvent même nous la reçûmes avec joie et empressement ; mais, si quelquefois elle germait en nous, sa croissance était bientôt arrêtée.

Désormais, il nous faut produire et fructifier ; et telle est la vigueur de la semence qui nous est confiée, que le divin Semeur en attend cent pour un. Si la terre de notre cœur est bonne, si nous avons soin de la préparer en mettant à profit les secours que nous offre la sainte Eglise, la moisson sera abondante au jour où le Seigneur, s'échappant vainqueur de son sépulcre, viendra associer ses fidèles croyants aux splendeurs de sa Résurrection.

HYMNE A VÊPRES

Nous terminerons cette journée par une Hymne que nous empruntons aux anciens Bréviaires des Eglises de France, et qui exprime les sentiments dont les fidèles doivent être animés au temps de la Septuagésime :



Parabole du semeur. Missel à l'usage de Saint-Didier d'Avignon. XIVe.

" Les jours de liberté s'écoulent ; ceux des saintes observances arrivent : le temps de la sobriété est proche ; d'un cœur pur cherchons le Seigneur.

Nos cantiques et nos louanges apaiseront celui qui est notre juge et Seigneur : il ne refuse pas le pardon, lui qui veut que l'homme implore de lui sa grâce.

Après avoir subi le joug de Pharaon, après avoir porté les chaînes de la cruelle Babylone, que l'homme affranchi cherche la céleste Jérusalem, sa patrie.

Fuyons de cet exil ; cherchons demeure auprès du Fils de Dieu : la plus grande gloire pour le serviteur, c'est de devenir le cohéritier de son maître.

Ô Christ ! Soyez notre guide dans cette nouvelle souvenez-vous que nous sommes vos brebis pour lesquelles, ô pasteur, vous avez donné votre vie et subi la mort.

Au Père, au Fils, soit la gloire ; honneur pareil au saint Paraclet ; comme il était au commencement, et maintenant et toujours.

Amen."

dimanche, 28 janvier 2024

Dimanche de la Septuagésime.

- Dimanche de la Septuagésime.



La Cité de Dieu. Bourgogne. XVe.

La sainte Eglise nous rassemble aujourd'hui pour repasser avec nous le lamentable récit de la chute de notre premier père. Un si affreux désastre nous fait déjà pressentir le dénouement de la vie mortelle du Fils de Dieu fait homme, qui a daigné prendre sur lui la charge d'expier la prévarication du commencement et toutes celles qui l'ont suivie. Pour être en mesure d'apprécier le remède, il nous faut sonder la plaie. Cette semaine sera donc employée à méditer la gravité du premier péché, et toute la suite des malheurs qu'il a entraînés sur l'espèce humaine.

Autrefois l'Eglise lisait en ce jour, à l'Office de Matines, la narration simple et sublime par laquelle Moïse a initié toutes les générations à ce triste événement. La disposition actuelle de la Liturgie n'amène pas cette lecture avant le Mercredi de cette semaine, les jours qui précèdent étant employés à lire le récit des six jours de la création. Nous placerons néanmoins dès aujourd'hui cette importante lecture, comme le fondement des enseignements de la semaine.

Lecture du Livre de la Genèse. Chap. III. :



Eve écoute le serpent. Ars moriendi. XVe.

" Or, le serpent était le plus rusé de tous les animaux que le Seigneur Dieu avait formés sur la terre. Il dit à la femme :
" Pourquoi Dieu vous a-t-il commandé de ne pas manger du fruit de tous les arbres du jardin ?"
La femme lui répondit :
" Nous mangeons du fruit des arbres qui sont dans le jardin ; mais, pour ce qui est du fruit de l'arbre qui est au milieu du jardin, Dieu nous a commandé de n'en point manger, et de n'y point toucher, de peur que nous ne mourrions."
Le serpent dit à la femme :
" Assurément, vous ne mourrez point ; mais Dieu sait que le jour où vous en aurez mangé, vos yeux seront ouverts, et vous serez comme des dieux, connaissant le bien et le mal."
La femme donc considéra que le fruit de cet arbre était bon à manger, qu'il était beau et agréable à la vue, et, en ayant pris, elle en mangea, et en donna à son mari qui en mangea aussi. Et en même temps, leurs yeux furent ouverts à tous deux.



Adam et Eve mange du fruit de l'Arbre.
Heures à l'usage de Rouen. XVIe.

Ayant reconnu leur nudité, ils entrelacèrent des feuilles de figuier, et s'en firent des ceintures. Et ayant entendu la voix du Seigneur Dieu qui se promenait dans le jardin après midi, à l'heure où il s'élève un vent doux, Adam et son épouse se cachèrent sous l'ombrage des arbres du jardin, pour fuir la face du Seigneur Dieu.
Et le Seigneur Dieu appela Adam, et lui dit :
" Où es tu ?"
Il répondit :
" J'ai entendu votre voix dans le jardin, et j'ai eu peur, parce que j'étais nu ; c'est pourquoi je me suis caché."
Le Seigneur reprit :
" Qui t'a appris que tu étais nu, si ce n'est que tu as mangé du fruit de l'arbre dont je t'avais commandé de ne pas manger ?"
Et Adam répondit :
" La femme que vous m'avez donnée pour compagne m'a présenté du fruit de l'arbre, et j'en ai mangé."
Et le Seigneur Dieu dit à la femme :
" Pourquoi as-tu fait cela ?"
Elle répondit :
" Le serpent m'a trompée , et j'en ai mangé."



Dieu surprend Adam et Eve. Ars moriendi. XVe.

Et le Seigneur Dieu dit au serpent :
" Parce que tu as fait cela, tu es maudit entre tous les animaux et les bêtes de la terre. Tu ramperas sur ton ventre, et tu mangeras la terre tous les jours de ta vie. Je mettrai une inimitié entre toi et la femme, entre ta postérité et la sienne : elle t'écrasera la tête, et tu tâcheras de la mordre au talon."
Il dit aussi à la femme :
" Je multiplierai tes angoisses après que tu auras conçu ; tu enfanteras tes fils dans la douleur ; tu seras sous la puissance de l'homme, et il te dominera."
Il dit ensuite à Adam :
" Parce que tu as écouté la voix de ta femme, et que tu as mangé du fruit de l'arbre dont je t'avais commandé de ne pas manger, la terre sera maudite à cause de ce que tu as fait : tu tireras d'elle ta nourriture à force de travail, tous les jours de ta vie. Elle te produira des épines et des ronces, et tu te nourriras de l'herbe de la terre. Tu mangeras ton pain à la sueur de ton visage, jusqu'à ce que tu retournes en la terre dont tu as été tiré : car tu es poussière, et tu rentreras dans la poussière."



Adam et Eve sont chassés du Paradis.
La Cité de Dieu. Bourgogne. XVe.

La voilà cette page terrible des annales humaines. Elle seule nous explique la situation présente de l'homme sur la terre. Par elle aussi, nous apprenons l'attitude qui nous convient à l'égard de Dieu. Nous reviendrons sur ce lugubre récit dans les jours qui vont suivre ; dès à présent, il doit faire le principal objet de nos réflexions. Reprenons maintenant l'explication de la Liturgie d'aujourd'hui.

Dans l'Eglise grecque, le dimanche que nous appelons de la Septuagésime est désigné sous le nom de Prosphonésime, c'est-à-dire Proclamation, parce qu'il annonce au peuple le jeûne du Carême qui doit bientôt commencer. Il est aussi appelé le dimanche de l'Enfant prodigue, parce qu'on y lit cette parabole, comme une invitation aux pécheurs de recourir à la miséricorde de Dieu. Il faut observer néanmoins que ce Dimanche est le dernier jour de la semaine appelée Prosphonésime, laquelle commence dès le lundi précédent, selon la manière de compter des Grecs.

A LA MESSE

La Station, à Rome, est dans l'Eglise de Saint-Laurent-hors-les-Murs. Les anciens liturgistes font remarquer la relation qui existe entre le juste Abel, dont le sang répandu par son frère fait l'objet d'un des Répons des Matines d'aujourd'hui, et le courageux martyr sur le tombeau duquel l'Eglise Romaine vient ouvrir la Septuagésime.

ÉPÎTRE

Lecture de l'Epître du bienheureux Paul, Apôtre, aux Corinthiens. Chap. IX.



La Cité de Dieu. Bourgogne. XVe.

" Mes Frères, ne savez-vous pas que, quand on court dans la lice, tous courent, mais qu'un seul remporte le prix ? Courez donc de telle sorte que vous le remportiez. Or, tout athlète garde en toutes choses la tempérance, et ils ne le font que pour gagner une couronne corruptible ; la nôtre au contraire sera incorruptible. Pour moi, je cours, mais non pas comme au hasard ; je combats, mais non pas en donnant des coups en l'air ; je châtie mon corps, et je le réduis en servitude ; de peur qu'après avoir prêché aux autres, je ne devienne moi-même réprouvé. Je ne veux pas que vous ignoriez, mes Frères, que nos pères ont tous été sous la nuée, qu'ils ont tous passé la mer ; qu'ils ont tous été baptisés sous la conduite de Moïse, dans la nuée et dans la mer ; qu'ils ont tous mangé la même nourriture spirituelle et bu le même breuvage spirituel. Car ils buvaient de l'eau de la Pierre spirituelle qui les suivait ; et cette Pierre était Jésus-Christ. Mais cependant, sur un si grand nombre, il y en eut peu qui fussent agréables à Dieu."

La parole énergique de l'Apôtre vient augmenter encore l'émotion que nous apportent les grands souvenirs qui se rattachent à ce jour. Il nous dit que ce monde est une arène dans laquelle il faut courir, et que le prix n'est que pour ceux dont la marche est agile et dégagée. Gardons-nous donc de ce qui pourrait appesantir notre course et nous faire manquer la couronne.

Ne nous faisons pas illusion : rien n'est sûr pour nous, tant que nous ne sommes pas au bout de la carrière. Notre conversion n'a pas été plus sincère que celle de saint Paul, nos œuvres plus dévouées et plus méritoires que les siennes; toutefois, il le confesse lui-même, la crainte de devenir réprouvé n'est pas entièrement éteinte dans son cœur. Il châtie son corps, et il le réduit en servitude.

L'homme dans l'état actuel n'a plus cette volonté droite qu'avait Adam avant son péché, et dont cependant il sut faire un si malheureux usage. Un penchant fatal nous entraîne, et nous ne pouvons garder l'équilibre qu'en sacrifiant la chair à l'esprit.
Cette doctrine paraît dure au grand nombre, et c'est pour cela que beaucoup n'arriveront pas au terme de la carrière, et n'auront pas part à la récompense qui leur était destinée.

Comme les Israélites dont parle ici l'Apôtre, ils mériteront d'être ensevelis dans le désert, et ne verront pas la terre promise. Néanmoins, les mêmes merveilles dont turent témoins Josué et Caleb s'étaient accomplies sous leurs yeux ; mais rien ne guérit l'endurcissement d'un cœur qui s'obstine à mettre tout son espoir dans les choses de la vie présente, comme si leur périlleuse vanité ne se révélait pas d'elle-même à chaque heure.

Mais si le cœur se confie en Dieu, s'il se fortifie par la pensée que le secours divin ne manque jamais à celui qui l'implore, il parcourra sans faiblir l'arène de cette vie, et il arrivera heureusement au terme. Le Seigneur a les yeux constamment ouverts sur celui qui travaille et qui souffre.

EVANGILE

La suite du saint Evangile selon saint Matthieu. Chap. XX.



Les ouvriers de la dernière heure.
Nicolaes Cornelisz Moyaert. Pays-Bas. XVIIe.

" En ce temps-là, Jésus dit à ses disciples cette parabole :
" Le royaume des cieux est semblable à un père de famille qui sortit de grand matin, afin de louer des ouvriers pour sa vigne. Etant demeuré d'accord avec eux d'un denier pour leur journée, il les envoya dans sa vigne. Et étant sorti vers la troisième heure, il en vit d'autres qui se tenaient sur la place sans rien faire, et il leur dit :
" Allez-vous-en aussi dans ma vigne, et je vous donnerai ce qui sera juste."
Et ils y allèrent.
Il sortit encore sur la sixième et la neuvième heure, et il fit la même chose.
Enfin étant sorti sur la onzième heure, il en trouva d'autres qui étaient là, et il leur dit :
" Pourquoi demeurez-vous ici le long du jour sans travailler ?"
Et ils lui dirent :
" Parce que personne ne nous a loués."
Il leur dit :
" Allez-vous-en aussi dans ma vigne."
Quand le soir fut venu, le maître de la vigne dit à son intendant :
" Appelle les ouvriers, et donne-leur le salaire, en commençant par les derniers et finissant par les premiers."

Ceux donc qui n'étaient venus que vers la onzième heure, s'étant approchés, reçurent chacun un denier. Ceux qui étaient venus les premiers pensèrent qu'ils allaient recevoir davantage ; mais ils ne reçurent que chacun un denier. Et en le recevant, ils murmuraient contre le père de famille et disaient :
" Ces derniers n'ont travaillé qu'une heure, et vous leur avez donné autant qu'à nous qui avons porté le poids du jour et de la chaleur."
Mais il répondit à l'un d'eux :
" Mon ami, je ne vous fais point de tort. N'êtes-vous pas convenu avec moi d'un denier ? Prenez ce qui vous appartient et vous en allez ; mais je veux donner à ce dernier autant qu'à vous. Est-ce qu'il ne m'est pas permis de faire ce que je veux ? Votre œil est-il mauvais parce que je suis bon ? Ainsi les derniers seront les premiers, et les premiers seront les derniers, parce qu'il y en a beaucoup d'appelés, mais peu d'élus."



Missel à l'usage de Saint-Didier d'Avignon. XIVe.

Il importe de bien saisir ce célèbre passage de l'Evangile, et d'apprécier les motifs qui ont porté l'Eglise à le placer en ce jour. Considérons d'abord les circonstances dans lesquelles le Sauveur prononce cette parabole, et le but d'instruction qu'il s'y propose directement. Il s'agit d'avertir les Juifs que le jour approche où leur loi tombera pour faire place à la loi chrétienne, et de les disposer à accueillir favorablement l'idée que les Gentils vont être appelés à former alliance avec Dieu.

La vigne dont il est ici question est l'Eglise sous ses différentes ébauches, depuis le commencement du monde, jusqu'à ce que Dieu vînt lui-même habiter parmi les hommes et constituer sous une forme visible et permanente la société de ceux qui croient en lui.

Le matin du monde dura depuis Adam jusqu'à Noé ; la troisième heure s'étendit de Noé jusqu'à Abraham ; la sixième heure commença à Abraham pour aller jusqu'à Moïse ; la neuvième heure fut l'âge des Prophètes, jusqu'à l'avènement du Seigneur. Le Messie est venu à la onzième heure, lorsque le monde semblait pencher à son déclin. Les plus grandes miséricordes ont été réservées pour cette période durant laquelle le salut devait s'étendre aux Gentils par la prédication des Apôtres.

C'est ce dernier mystère par lequel Jésus-Christ veut confondre l'orgueil judaïque. Il signale les répugnances que les Pharisiens et les Docteurs de la Loi éprouvaient en voyant l'adoption s'étendre aux nations, par les remontrances égoïstes que les ouvriers des premières heures osent faire au Père de famille. Cette obstination sera punie comme elle le mérite. Israël, qui travaillait avant nous, sera rejeté à cause de la dureté de son cœur; et nous, Gentils, qui étions les derniers, nous deviendrons les premiers, étant faits membres de cette Eglise catholique, qui est l'Epouse du Fils de Dieu.



Evangéliaire à l'usage de Cambrai. XIIIe.

Telle est l'interprétation donnée à cette parabole par les saints Pères, notamment par saint Augustin et saint Grégoire le Grand ; mais cet enseignement du Sauveur présente encore un autre sens également justifié par l'autorité de ces deux saints Docteurs. Il s'agit ici de l'appel que Dieu adresse à chaque homme pour l'inviter à mériter le Royaume éternel par les pieux labeurs de cette vie.

Le matin, c'est notre enfance ; la troisième heure, selon la manière de compter des anciens, est celle où le soleil commence à monter dans le ciel : c'est l'âge de la jeunesse.

La sixième heure, par laquelle on désignait ce que nous appelons Midi, est l'âge d'homme.

La onzième heure précède de peu d'instants le coucher du soleil : c'est la vieillesse.

Le Père de famille appelle ses ouvriers à ces différentes heures ; c'est eux de se rendre, dès qu'ils ont entendu sa voix ; mais il n'est pas permis à ceux qui sont conviés dès le matin de retarder leur départ pour la vigne, sous le prétexte qu'ils se rendront plus tard, lorsque la voix du Maître se fera entendre de nouveau. Qui les a assurés que leur vie se prolongera jusqu'à la onzième heure ? Lorsque la troisième sonne, peut-on compter même sur la sixième ? Le Seigneur ne convoquera au travail des dernières heures que ceux qui seront en ce monde lorsqu'elles viendront à sonner ; et il ne s'est point engagé à adresser une nouvelle invitation à ceux qui auront dédaigné la première.

vendredi, 05 janvier 2024

5 janvier. La Vigile de l'Epiphanie.

- La Vigile de l'Epiphanie.


Adoration des bergers. Andrea Mantegna. XVIe.

La fête de Noël est terminée ; les quatre Octaves ont achevé leur cours ; et nous voici en présence de la solennité de l'Epiphanie du Seigneur. Une seule journée nous reste pour nous préparer à la Manifestation pleine de mystère que nous doit faire de sa gloire celui qui est l'Ange du grand Conseil. Encore quelques heures, et l'étoile se sera arrêtée, et les Mages frapperont à la porte de la maison de Bethléhem.

Cette Vigile n'est pas, comme celle de Noël, un jour de pénitence. L'Enfant que nous attendions alors, dans la componction et dans l'ardeur de nos désirs, est venu ; il reste avec nous et nous prépare de nouvelles faveurs. Ce jour d'attente d'une nouvelle solennité est un jour de joie comme ceux qui l'ont précédé. Cette Vigile ne sera donc point marquée par le jeûne ; et la sainte Eglise n'y revêtira point ses habits de deuil. Aujourd'hui, elle se pare de la couleur blanche, comme elle le fera demain. Ce jour est le douzième de la Naissance de l'Emmanuel.

Célébrons donc cette Vigile dans l'allégresse de nos cœurs, et préparons nos âmes aux nouvelles faveurs qui leur sont réservées.


Adoration des bergers. Anonyme flamand. XVIe.

L'Eglise Grecque observe le jeûne aujourd'hui, en mémoire de la préparation au Baptême qui s'administrait autrefois, principalement en Orient, dans la nuit qui précédait le saint jour de l'Epiphanie. Elle bénit encore les eaux avec une grande solennité en cette fête ; nous parlerons avec détail de cette cérémonie dont les vestiges ne sont pas encore entièrement effacés dans l'Occident.

La sainte Eglise Romaine fait mémoire en ce jour d'un de ses Papes Martyrs, saint Télesphore. Ce Pontife monta sur le Siège Apostolique l'an 127 ; et parmi les décrets qu'il rendit, on remarque celui par lequel il établissait l'usage de célébrer la Messe durant la nuit de Noël, pour honorer l'heure delà Naissance du Christ, et un autre dans lequel il décrète que l'Hymne Angélique Gloria in excelsis Deo serait chantée ordinairement au commencement du saint Sacrifice. Cette piété du saint Pape envers le grand mystère que nous célébrons en ces jours, rend sa mémoire plus vénérable encore à l'époque de l'année où elle tombe. Télesphore souffrit un glorieux martyre, selon l'expression de saint Irénée, et fut couronné de la gloire céleste, l'an 138.


Adoration des bergers. Jacopo Negretti. Début du XVIe.

A LA MESSE

La Messe de la Vigile de l'Epiphanie est la même que celle du Dimanche dans l'Octave de Noël, sauf la commémoration de saint Télesphore et l'Evangile.

EVANGILE

La suite du saint Evangile selon saint Matthieu. Chap. II.


Adoration des bergers. Luca Signorelli. XVIe.

" En ce temps-là, Hérode étant mort, voici que l'Ange du Seigneur apparut en songe à Joseph, en Egypte, lui disant : " Lève-toi, et prends l'Enfant et sa Mère, et va dans la terre d'Israël " ; car ils sont morts, ceux qui poursuivaient la vie de l'Enfant. Joseph, s'étant levé, prit l'Enfant et sa Mère, et vint dans la terre d'Israël. Mais ayant appris qu'Archélaüs régnait en Judée, en la place d'Hérode son père , il craignit d'y aller ; et averti en songe, il se retira dans la Galilée. Et il vint habiter dans la ville qui est appelée Nazareth, afin que fût accompli ce qui avait été dit par les Prophètes : Il sera appelé Nazaréen."

IN CHRISTI NATIVITATE

Pour couronnement des pièces liturgiques qui nous ont aidé si suavement à pénétrer le mystère de Noël, nous avons réservé les strophes suivantes. Nulles autres ne pouvaient mieux convenir à ce jour qui prépare l'introduction des Mages près de la Crèche. Elles sont tirées du poème que le prince des mélodes de l'Eglise Grecque, saint Romanus, consacra, comme prémices de son génie, à la Vierge Mère. Nous regrettons de ne pouvoir donner ici le texte même, remis dans nos temps en honneur par un illustre prince de l'Eglise (Analecta sacra spicilegio solesmensi parata, I.), et dont aucune traduction ne saurait rendre l'incomparable harmonie.

La Vierge aujourd'hui met au monde Celui qui dépasse la nature ; la terre donne une grotte pour gîte à l'inaccessible. Les Anges avec les bergers font assaut de louanges ; les Mages sont en route à la suite de l'étoile. Car pour nous voici qu'est né, enfant d'un jour, le Dieu d'avant tous les siècles.


Adoration des bergers. Francesco de Rossi. XVIe.

Voici qu'en Bethléhem Eden est ouvert ; venez donc, et voyons : quel mets suave est là caché pour nous ! Venez : dans cette grotte, abreuvons-nous des délices du paradis. Là fleurit, sans être arrosée, la tige qui produit la grâce. Là est le puits qu'aucune main n'a creusé , et dont David un jour eût voulu boire. Ici tout d'un coup, grâce à la Vierge qui enfante, d'Adam et de David la soif est apaisée. Donc hâtons-nous d'aller où vient de naître, enfant d'un jour, le Dieu d'avant tous les siècles.

Le père de la mère a voulu être son fils ; le sauveur des enfants gît enfant dans une crèche. Fixant ses yeux sur lui, celle qui l'enfante a dit :
" Qu'est-ce cela, Ô mon fils ! En quelle manière as-tu pris germe en moi ? En quelle manière as-tu trouvé en moi vie et croissance ? Je te vois, Ô fruit de mes entrailles, et suis dans la stupeur ; mon sein s'emplit de lait, et je n'ai point connu d'homme. Et tandis que je t'admire en ces langes, je contemple la fleur de ma virginité toujours sauve, Ô toi qui l'as gardée, en daignant naître, enfant d'un jour, Dieu avant tous les siècles.

Roi très-haut, qui t'attire au milieu des mendiants ? Créateur des cieux, pourquoi viens-tu chez les habitants de la terre ? Une grotte fait tes délices, une crèche est ton amour ! Voici bien que pour ta servante il n'y a point de place dans l'hôtellerie ; et non seulement pas de place : pas de grotte même, car celle-ci est à d'autres. Pourtant à Sara, quand elle eut un fils, beaucoup de terre fut donnée : à moi, pas une tanière ; pour tout j'ai cet antre où tu as voulu habiter, enfant d'un jour, Dieu avant tous les siècles."


Adoration des bergers. Lorenzo d'Andrea d'Oderigo. XVIe.

Tandis qu'elle formule ces pensées dans son cœur et s'adresse suppliante à Celui qui connaît les mystères, elle apprend que les Mages sont là, cherchant le nouveau-né. Venant à eux :
" Qui êtes-vous ?" dit la Vierge.
Ceux-ci lui répondent :
" Bien plutôt, quelle est ta naissance, Ô toi qui as mis au monde un tel enfant ? De quel père, de quelle mère es-tu descendue, toi qui nourris un fils dont tu es la mère sans qu'il ait eu de père ? A la vue de son étoile, nous avons prononcé de concert qu'elle annonçait, enfant d'un jour, le Dieu d'avant tous les siècles.
Balaam en effet nous avait avec soin préparés à comprendre les oracles dont il fut le prophète, lorsqu'il prédit le lever d'une étoile : étoile éteignant toutes divinations et présages ; étoile résolvant les paraboles des sages, leurs énigmes et sentences ; étoile dont la lumière l'emporte d'autant mieux sur le soleil qui nous éclaire, qu'elle-même a créé tous les astres ; par elle il était annonce que de Jacob sortirait comme la lumière, l’enfant d'un jour, le Dieu d'avant tous les siècles."

Ayant entendu si merveilleux discours , Marie prosternée adora l'enfant né de ses entrailles, et dit en pleurs :
" Grandes pour moi, Ô mon fils, grandes sont toutes les choses que vous avez faites avec mon indigence. Car voici que dehors se tiennent les Mages, et ils vous cherchent ; les rois des nations de l'Orient désirent votre visage ; le contempler est la prière des riches de votre peuple. Ce peuple n'est-il pas vôtre, en effet, pour qui vous êtes né, enfant d'un jour, Dieu avant tous les siècles ?
Puis donc qu'ils sont vôtres, Ô mon fils, ordonnez qu'ils entrent sous votre toit, pour voir cette opulente pauvreté, cette noble indigence ; car je vous ai pour richesses et pour gloire, aussi n'ai-je point à rougir, en vous sont la grâce et la vérité ; et maintenant permettez qu'ils viennent en cet abri : comment m'inquiéterais-je de ma misère, vous possédant, vous le trésor que viennent contempler les princes, l'objet de l'étude des rois et des Mages cherchant où est né, enfant d'un jour, le Dieu d'avant tous les siècles ?"


Adoration des bergers. Jacob Jordaens. Début du XVIIe.

Jésus le Christ et notre vrai Dieu se fit entendre intérieurement au cœur de sa mère, et lui dit :
" Introduis ceux qu'amène ma parole ; car cette parole est la lumière de ceux qui me cherchent, étoile aux yeux, force pour l'âme intelligente. C'est elle qui, comme mon serviteur, a conduit les Mages, et maintenant elle s'est arrêtée pour remplir son office et désigner par ses rayons l'endroit où est né, enfant d'un jour, le Dieu d'avant tous les siècles.
Maintenant donc reçois-les, ô toute belle, reçois ceux qui m'ont reçu ; car je suis en eux, comme je suis dans tes bras, et, en les accompagnant, je ne t'ai point quittée."
Elle donc ouvre la porte et reçoit l'assemblée des Mages ; elle ouvre, celle qui est la porte fermée à tous, que seul le Christ a traversée ; elle ouvre, celle qui fut toujours close, celle qui jamais rien ne perdit des trésors de la virginité ; elle ouvre, celle par qui fut donnée au monde, porte des cieux, l'enfant d'un jour, Dieu avant tous les siècles.

Les dernières paroles de notre Avent étaient celles de l'Epouse, dans la prophétie du Disciple bien-aimé :
" Venez, Seigneur Jésus ! Venez !"
Nous terminerons cette première partie du Temps de Noël par ces paroles d'Isaïe que la sainte Eglise a répétées avec triomphe :
" Un petit Enfant nous est né! Les cieux ont envoyé leur rosée, le juste est descendu du ciel, la terre a enfanté son Sauveur, LE VERBE S'EST FAIT CHAIR, la Vierge a produit son doux fruit, Emmanuel, c'est-à-dire Dieu avec nous. Le Soleil de justice brille maintenant sur nous, les ténèbres sont passées ; au ciel, Gloire à Dieu ! Sur la terre, Paix aux hommes !"


Adoration des bergers. Jusepe de Ribeira. XVIIe.

" Tous ces biens nous sont venus par l'humble et glorieuse Naissance de cet Enfant. Adorons-le dans son berceau, aimons-le pour tant d'amour ; et préparons les présents que nous irons demain lui offrir avec les Mages. L'allégresse de la sainte Eglise continue, la nature angélique est dans l'étonnement, toute la création tressaille de bonheur : Un petit Enfant nous est né !"

samedi, 08 janvier 2011

8 janvier. IIIe jour de l'Octave de l'Epiphanie.

- IIIe jour dans l'Octave de l'Epiphanie.


Bartolo di Fredi. XIVe.

Le grand Mystère de l'Alliance du Fils de Dieu avec son Eglise universelle, représentée dans l'Epiphanie par les trois Mages, fut pressenti dans tous les siècles qui précédèrent la venue de l'Emmanuel. La voix des Patriarches et des Prophètes le fit retentir par avance ; et la Gentilité elle-même y répondit souvent par un écho fidèle.

Dès le jardin des délices, Adam innocent s'écriait, à l'aspect de la Mère des vivants sortie de son côté :
" C'est ici l'os de mes os, la chair de ma chair ; l'homme quittera son père et sa mère, et s'attachera à son épouse ; et ils seront deux dans une même chair."
La lumière de l'Esprit-Saint pénétrait alors l'âme de notre premier père; et, selon les plus profonds interprètes des mystères de l'Ecriture, Tertullien, saint Augustin, saint Jérôme, il célébrait l'Alliance du Fils de Dieu avec l'Eglise, sortie par l'eau et le sang de son côté ouvert sur la croix ; avec l'Eglise, pour l'amour de laquelle il descendit de la droite de son Père, et s'anéantissant jusqu'à la forme de serviteur, semblait avoir quitté la Jérusalem céleste, pour habiter parmi nous dans ce séjour terrestre.

Le second père du genre humain, Noé, après avoir vu l'arc de la miséricorde annonçant au ciel le retour des faveurs de Jéhovah, prophétisa sur ses trois fils l'avenir du monde. Cham avait mérité la disgrâce de son père ; Sem parut un moment le préféré : il était destiné à l'honneur de voir sortir de sa race le Sauveur de la terre ; cependant, le Patriarche, lisant dans l'avenir, s'écria :
" Dieu dilatera l'héritage de Japhet ; et il habitera sous les tentes de Sem !"
Et nous voyons peu à peu dans le cours des siècles l'ancienne alliance avec le peuple d'Israël s'affaiblir, puis se rompre; les races sémitiques chanceler, et bientôt tomber dans l'infidélité ; enfin le Seigneur embrasser toujours plus étroitement la famille de Japhet, la gentilité occidentale, si longtemps délaissée, placer à jamais dans son sein le Siège de la religion, l'établir à la tête de l'espèce humaine tout entière.

Plus tard, c'est Jéhovah lui-même qui s'adresse à Abraham, et lui prédit l'innombrable génération qui doit sortir de lui.
" Regarde le ciel, lui dit-il ; compte les étoiles, si tu peux : tel sera le nombre de tes enfants."
En effet, comme nous l'enseigne l'Apôtre, plus nombreuse devait être la famille issue de la foi du Père des croyants, que celle dont il était la source par Sara ; et tous ceux qui ont reçu la foi du Médiateur, tous ceux qui, avertis par l'Etoile, sont venus à lui comme à leur Seigneur, tous ceux-là sont les enfants d'Abraham.


Bernardino da Parenzo. XVe.

Le Mystère reparaît de nouveau dans le sein même de l'épouse d'Isaac. Elle sent avec effroi deux fils se combattre dans ses entrailles. Rébecca s'adresse au Seigneur, et il lui est répondu :
" Deux peuples sont dans ton sein ; ils s'attaqueront l'un l'autre ; le second surmontera le premier, et l'aîné servira le plus jeune."
Or, ce plus jeune, cet enfant indompté, quel est-il, selon l'enseignement de saint Léon et de l'Evêque d'Hippone, sinon ce peuple gentil qui lutte avec Juda pour avoir la lumière, et qui, simple fils de la promesse, finit par l'emporter sur le fils selon la chair ?

C'est maintenant Jacob, sur sa couche funèbre, ayant autour de lui ses douze fils, pères des douze tribus d'Israël, assignant d'une manière prophétique le rôle à chacun dans l'avenir. Le préféré est Juda ; car il sera le roi de ses frères, et de son sang glorieux sortira le Messie. Mais l'oracle finit par être aussi effrayant pour Israël, qu'il est consolant pour le genre humain tout entier.
" Juda, tu garderas le sceptre ; ta race sera une race de rois, mais seulement jusqu'au jour où viendra Celui qui doit être envoyé, Celui qui sera l'attente des Nations."

Après la sortie d'Egypte, quand le peuple d'Israël entra en possession de la terre promise, Balaam s'écriait, la face tournée vers le désert tout couvert des tentes et des pavillons de Jacob :
" Je le verrai, mais non encore ; je le contemplerai, mais plus tard. Une Etoile sortira de Jacob ; une royauté s'élèvera au milieu d'Israël." Interrogé encore par le roi infidèle, Balaam ajouta :
" Oh ! qui vivra encore quand Dieu fera ces choses ? Ils viendront d'Italie sur des galères ; ils soumettront les Assyriens ; ils dévasteront les Hébreux, et enfin ils périront eux-mêmes."
Mais quel empire remplacera cet empire de fer et de carnage ? Celui du Christ qui est l’Etoile, et qui seul est Roi à jamais.

David est inondé des pressentiments de ce grand jour. A chaque page, il célèbre la royauté de son fils selon la chair ; il nous le montre armé du sceptre, ceint de l'épée, sacré par le Père des siècles, étendant sa domination d'une mer à l'autre ; puis il amène à ses pieds les Rois de Tharsis et des îles lointaines, les Rois d'Arabie et de Saba, les Princes d'Ethiopie. Il célèbre leurs offrandes d'or et leurs adorations.

Dans son merveilleux épithalame, Salomon vient ensuite décrire les délices de l'union céleste de l'Epoux divin avec l'Eglise ; et cette Epouse fortunée n'est point la Synagogue. Le Christ l'appelle avec tendresse pour la couronner; mais sa voix s'adresse à celle qui habitait au delà des confins delà terre du peuple de Dieu.
" Viens, dit-il, ma fiancée, viens du Liban ; descends des sommets d'Amana, des hauteurs de Sanir et d'Hermon ; sors des retraites impures des dragons, quitte les montagnes qu'habitent les léopards."
Et cette fille de Pharaon ne se trouble pas de dire : " Je suis noire !" ; car elle peut ajouter qu'elle a été rendue belle par la grâce de son Epoux.

Le Prophète Osée se lève ensuite, et il dit au nom du Seigneur :
" J'ai choisi un homme, et il ne m'appellera plus Baal désormais. J'ôterai de sa bouche ce nom de Baal, et il ne s'en souviendra plus. Je m'unirai à toi pour jamais, homme nouveau ! Je sèmerai ta race par toute la terre ; j'aurai pitié de celui qui n'avait point connu la miséricorde ; à celui qui n'était pas mon peuple, je dirai : mon peuple ! Et il me répondra : mon Dieu !"


Anonyme italien. XVe.

A son tour, le vieux Tobie, du sein de la captivité, prophétisa avec magnificence ; mais la Jérusalem qui doit recevoir les Juifs délivrés par Cyrus, disparaît à ses yeux, à l'aspect d'une autre Jérusalem plus brillante et plus belle.
" Nos frères qui sont dispersés, dit-il, reviendront dans la terre d'Israël ; la maison de Dieu se rebâtira. Tous ceux qui craignent Dieu viendront s'y retirer ; les Gentils même laisseront leurs idoles, et viendront en Jérusalem, et ils y habiteront, et tous les rois de la terre y fixeront leur séjour avec joie, accourus pour adorer le Roi d'Israël."

Et si les nations doivent être broyées, dans la justice de Dieu, pour leurs crimes, c'est pour arriver ensuite au bonheur d'une alliance éternelle avec Jéhovah. Car voici ce qu'il dit lui-même, par son Prophète Sophonie :
" Ma justice est de rassembler les nations, de réunir en faisceau les royaumes, et je répandrai sur elles mon indignation, et tout le feu de ma colère; la terre entière en sera dévorée. Mais ensuite je donnerai aux peuples une langue choisie, afin qu'ils invoquent tous le Nom du Seigneur, et qu'ils portent tous ensemble mon joug. Jusqu'au delà des fleuves de l'Ethiopie, ils m'invoqueront ; les fils de mes races dispersées viendront m'apporter des présents."

Le Seigneur avait déjà dénoncé ses oracles de miséricorde par la bouche d'Ezéchiel :
" Un seul Roi commandera à tous, dit Jéhovah ; il n'y aura plus deux nations, ni deux royaumes. Ils ne se souilleront plus avec leurs idoles ; dans les lieux mêmes où ils ont péché, je les sauverai ; ils seront mon peuple, et je serai leur Dieu. Il n'y aura qu'un Pasteur pour eux tous. Je ferai avec eux une alliance de paix, un pacte éternel ; je les multiplierai, et mon sanctuaire sera au milieu d'eux à jamais."

C'est pourquoi Daniel, après avoir prédit les Empires que devait remplacer l'Empire Romain, ajoute :
" Mais le Dieu du ciel suscitera à son tour un Empire qui jamais ne sera détruit, et dont le sceptre ne passera point à un autre peuple. Cet Empire envahira tous ceux qui l’ont précédé ; et lui, il durera éternellement."

Quant aux ébranlements qui doivent précéder rétablissement du Pasteur unique, et de ce sanctuaire éternel qui doit s'élever au centre de la Gentilité, Aggée les prédit en ces termes :
" Encore un peu de temps, et j'ébranlerai le ciel, la terre et la mer ; je mêlerai toutes les nations ; et alors viendra le Désiré de toutes les nations."


Giotto. XIVe.

Il faudrait citer tous les Prophètes pour donner tous les traits du grand spectacle promis au monde par le Seigneur au jour où, se ressouvenant des peuples, il devait les appeler aux pieds de son Emmanuel. L'Eglise nous a fait entendre Isaïe dans l'Epître de la Fête, et le fils d'Amos a surpassé ses frères.

Si maintenant nous prêtons l'oreille aux voix qui montent vers nous du sein de la Gentilité, nous entendons ce cri d'attente, l'expression de ce désir universel qu'avaient annoncé les Prophètes hébreux. La voix des Sibylles réveilla l'espérance au cœur des peuples ; jusqu'au sein de Rome même, le Cygne de Mantoue consacre ses plus beaux vers à reproduire leurs consolants oracles :
" Le dernier âge, dit-il, l'âge prédit par la Vierge de Cumes est arrivé ; une nouvelle série des temps va s'ouvrir ; une race nouvelle descend a du ciel. A la naissance de cet Enfant, l'âge de fer suspend son cours ; un peuple d'or s'apprête à couvrir la terre. Les traces de nos crimes seront effacées ; et les terreurs qui assiégeaient le monde se dissiperont."

Et comme pour répondre aux vains scrupules de ceux qui craignent de reconnaître, avec saint Augustin et tant d'autres saints Docteurs, la voix des traditions antiques s'énonçant par la bouche des Sibylles : Cicéron, Tacite, Suétone, philosophes et historiens gentils, viennent nous attester que le genre humain, dans leurs temps, attendait un Libérateur ; que ce Libérateur devait sortir, non seulement de l'Orient, mais de la Judée ; que les destinées d'un Empire qui devait renfermer le monde entier étaient sur le point de se déclarer.


Giovanni di Paolo di Grazia. XVe.

PRIERE

" Ils partageaient cette universelle attente de votre arrivée, Ô Emmanuel, ces Mages aux yeux desquels vous fîtes apparaître l'Etoile ; et c'est pour cela qu'ils ne perdirent pas un instant, et se mirent tout aussitôt en route vers le Roi des Juifs dont la naissance leur était annoncée. Tant d'oracles s'accomplissaient en eux ; mais s'ils en recevaient les prémices, nous en possédons le plein effet. L'alliance est conclue, et nos âmes, pour l'amour desquelles vous êtes descendu du ciel, sont à vous ; l'Eglise est sortie de votre flanc divin, avec le sang et l'eau ; et tout ce que vous faites pour cette Epouse prédestinée, vous l'accomplissez en chacun de ses enfants fidèles.

Fils de Japhet, nous avons dépossédé la race de Sem qui nous fermait ses tentes ; le droit d'aînesse dont jouissait Juda nous a été déféré. Notre nombre, de siècle en siècle, tend à égaler le nombre des étoiles. Nous ne sommes plus dans les anxiétés de l'attente ; l'astre s'est levé, et la Royauté qu'il annonçait ne cessera jamais de répandre sur nous ses bienfaits. Les Rois de Tharsis et des îles, les Rois d'Arabie et de Saba, les Princes de l'Ethiopie sont venus, portant des présents ; mais toutes les générations les ont suivis. L'Epouse, établie dans tous ses honneurs, ne se souvient plus des sommets d'Amana, ni des hauteurs de Sanir et d'Hermon, où elle gémissait dans la compagnie des léopards ; elle n'est plus noire, mais elle est belle, sans taches, ni rides, et digne de l'Epoux divin. Elle a oublié Baal pour jamais ; elle parle avec amour la langue que Jéhovah lui a donnée. L'unique Pasteur paît l'unique troupeau ; le dernier Empire poursuit ses destinées jusqu'à l'éternité.

C'est vous, Ô divin Enfant, qui venez nous apporter tous ces biens et recevoir tous ces hommages. Croissez, Roi des rois, sortez bientôt de votre silence. Quand nous aurons goûté les leçons de votre humilité, parlez en maître ; César-Auguste règne depuis assez longtemps ; assez longtemps Rome païenne s'est crue éternelle. Il est temps que le trône de la force cède la place au trône de la charité, que la Rome nouvelle s'élève sur l'ancienne. Les nations frappent à la porte et demandent leur Roi ; hâtez le jour où elles n'auront plus à venir vers vous, mais où votre miséricorde doit les aller chercher par la prédication apostolique. Montrez-leur Celui à qui toute puissance a été donnée au ciel et sur la terre ; montrez-leur la Reine que vous leur avez choisie. De l'humble demeure de Nazareth, du pauvre réduit de Bethléhem, que l'auguste Marie s'élève bientôt, sur les ailes des Anges, jusqu'au trône de miséricorde, du haut duquel elle protégera tous les peuples et toutes les générations.

HYMNE

Le Prince des poètes de la Liturgie latine, Prudence, va chanter le voyage des Mages à Bethléhem :


Jans Geertgen Tot Sint. XVe.

" Au sein de l'Empire persan, de cette contrée où se lève le soleil, des Mages, investigateurs habiles, aperçoivent l'étendard du Roi.

A peine a-t-il brillé aux cieux que les autres sphères pâlissent : l'étoile du matin, malgré sa beauté, n'ose se montrer auprès de lui.

" Quel est, disent les Mages, ce Roi qui commande aux astres, qui émeut les globes célestes, à qui la lumière et l'air obéissent ?

Ce que nous voyons est le signe de Celui qui ne connaît pas de terme, le Dieu sublime, immense, sans limites, dont la durée précède celle du ciel et du chaos.

Il est le Roi des nations, le Roi du peuple judaïque ; il fut promis au Patriarche Abraham et à sa race, dans les siècles.

Ce premier Père des croyants, qui sacrifia son fils unique, connut que sa race serait un jour nombreuse comme les étoiles.

Voici que la fleur de David s'élève sur la tige de Jessé ; la branche fleurit et devient un sceptre qui commande à l'univers."

L'œil fixé au ciel, les Mages suivent en hâte le sillon de lumière que l'étoile leur traçait à l'horizon, pour régler sur la terre la voie qu'ils devaient suivre.

Le signe s'arrêta au-dessus de la tête de l'Enfant qu'ils cherchaient ; il abaissa son flambeau, et leur découvrit cette tête sacrée.

Les Mages le voient ; aussitôt ils ouvrent les trésors de l'Orient, et, prosternés, lui offrent i'encens, la myrrhe et l'or des rois.

Reconnais les illustres symboles de ta puissance et de ta royauté, Enfant, à qui le Père a conféré par avance une triple destinée.

L'or annonce le Roi, l'odeur suave de l'encens de Saba proclame le Dieu, la myrrhe présage le tombeau :

Tombeau par lequel ce Dieu, laissant périr son corps, et le ressuscitant après la sépulture, brisera la mort et ses cachots."

HYMNE

L'Hymnographe sublime de l'Eglise de Syrie, saint Ephrem, continue de chanter les doux mystères de la Naissance du Sauveur :


Quentin Massys. Flandres. XVIe.

" Les laboureurs des campagnes de Bethléhem vinrent à leur tour ; ils vénérèrent Celui qui venait sauver leur vie, et, dans leur allégresse, ils prophétisaient ainsi : " Salut, Ô toi qui es appelé à cultiver nos champs ; toi fertiliseras les guérets de nos cœurs, et tu en ramasseras le froment dans le grenier de la vie."

Les vignerons se présentèrent ensuite ; ils célébrèrent la Vigne sortie du tronc de Jessé, la Vigne qui de son cep sacré a produit la grappe virginale : " Divin vigneron, chantaient-ils, rends-nous notre arôme, en nous versant dans des vases dignes de ton vin nouveau qui régénère toutes choses ; viens rétablir ta vigne ; jusqu'ici elle n'a produit que d'amers raisins ; greffe tes propres rameaux sur ces ceps sauvages."

Les charpentiers vinrent à leur tour au fils de Joseph, à cause de Joseph leur frère : " Nous saluons ton heureuse naissance, Ô Prince des artisans ! C'est toi qui te donnas à Noé le plan de son arche ; tu fus l'architecte de ce tabernacle qui fut fait à la hâte, et qui ne devait durer qu'un temps ; nos travaux célèbrent tes louanges. Sois notre gloire ; daigne faire toi-même le joug que nous voulons porter, doux et léger fardeau."

Les nouveaux mariés saluèrent de concert le nouveau-né ; ils disaient : " Salut, Ô Enfant dont la Mère a été l'épouse du Dieu de sainteté ! Heureuses les noces auxquelles tu assisteras ! Heureux les époux qui, manquant de vin, le n verront tout à coup abonder sur un signe de ta puissance !"

Les petits enfants crièrent à leur tour : " Heureux sommes-nous de t'avoir pour frère, pour compagnon dans nos ébats ! Heureux Ô jour ! Heureux enfants, auxquels il est donné de dire tes louanges, arbre de vie, qui as daigné mettre ta cime en rapport avec notre taille enfantine."

L'oracle était parvenu jusqu'aux oreilles des femmes, qu'une Vierge devait enfanter un jour ; chacune espérait pour elle-même l'honneur d'un tel enfantement : " Les plus nobles, les plus belles se flattaient de devenir ta mère. Ô Très-Haut ! Nous te bénissons d'avoir choisi une mère pauvre."

Les jeunes filles qui lui furent présentées, prophétisaient aussi ; elles disaient : " Que je sois belle, que je sois difforme, que je sois pauvre, je n'en serai pas moins à toi : à toi je m’attacherai. Le lit d'un mortel jamais ne sera pour moi préférable à ta couche "."

SEQUENCE

A la gloire de Marie, nous chanterons cette gracieuse Séquence de nos antiques Eglises du moyen âge :


Rodrigo de Osona, le Vieux. Flandres. XVe.

" Faisons retentir ce Salut, parole heureuse et douce, Salut par lequel devient le sanctuaire du Christ la Vierge qui est à la fois sa mère et sa fille.

A peine entend-elle ce Salut, qu'elle conçoit son divin Fils, la Vierge issue de David, le lis entre les épines.

Salut ! Mère du vrai Salomon,toison de Gédéon,vous dont les Mages honorent l'enfantement par une triple offrande.

Salut ! vous qui avez enfanté le soleil. Salut ! Vous qui, en donnant votre fruit, avez rendu à l'homme tombé la vie et la puissance.

Salut ! Epouse du Verbe souverain, port du navigateur, buisson mystérieux, nuage de parfums, Reine des Anges.

Nous vous en supplions, amendez-nous et nous recommandez à votre Fils, qui daigne nous donner l'éternelle joie !

Amen."

mercredi, 07 janvier 2009

7 janvier. IIe jour de l'Octave de l'Epiphanie.

- IIe jour de l'Octave de l'Epiphanie.


Andrea Mantegna. XVe.

Une solennité aussi importante que celle de l'Epiphanie ne pouvait manquer d'être décorée d'une Octave. Cette Octave n'est inférieure en dignité qu'à celles de Pâques et de la Pentecôte ; et son privilège est supérieur à celui de l'Octave de Noël, qui admet les fêtes des rites double et semi-double, tandis que l'Octave de l'Epiphanie ne cède qu'à une fête Patronale de première classe. Il paraît même, d'après d'anciens Sacramentaires, que, dans l'antiquité, le lendemain et le surlendemain de l'Epiphanie étaient fêtes de précepte, comme les deux jours qui suivent les solennités de Pâques et de la Pentecôte. On connaît encore les Eglises Stationales où le clergé et les fidèles de Rome se rendaient en ces deux jours.

Afin d'entrer de plus en plus dans l'esprit de l'Eglise, pendant cette glorieuse Octave, nous contemplerons chaque jour le Mystère de la Vocation des Mages, et nous nous rendrons avec eux dans la sainte retraite de Bethléhem, pour offrir nos dons au divin Enfant vers lequel l'étoile les a conduits.


Ivoire. Anonyme. Bourgogne. XIVe.

Mais quels sont ces Mages, sinon les avant-coureurs de la conversion des peuples de l'univers au Seigneur leur Dieu, les pères des nations dans la foi au Rédempteur venu, les patriarches du genre humain régénéré ? Ils apparaissent tout à coup en Bethléhem, au nombre de trois selon la tradition de l'Eglise, conservée par saint Léon, par saint Maxime de Turin, par saint Césaire d'Arles, par les peintures chrétiennes qui décorent les Catacombes de la ville sainte, dès l'âge des persécutions.

Ainsi se continue en eux le Mystère déjà marqué par les trois hommes justes des premiers jours du monde : Abel, immolé comme figure du Christ ; Seth, père des enfants de Dieu séparés de la race de Caïn ; Enos, qui eut la gloire de régler le culte du Seigneur.

Et ce second Mystère des trois nouveaux ancêtres du genre humain, après les eaux du déluge, et desquels toutes les races sont sorties : Sem, Cham et Japhet, fils de Noé.

Enfin, ce troisième Mystère des trois aïeux du peuple choisi : Abraham, Père des croyants ; Isaac, nouvelle figure du Christ immolé ; Jacob, fort contre Dieu dans la lutte, et père des douze Patriarches d'Israël.


Jérôme Bosch. XVe.

Mais tous ces hommes, sur lesquels reposait cependant l'espoir du genre humain, selon la nature et selon la grâce, ne furent que les dépositaires de la promesse ; ils n'en saluèrent que de loin, comme dit l'Apôtre, l'heureux accomplissement. (Hebr. XI, 13). Les nations ne marchèrent point à leur suite vers le Seigneur ; plus vive la lumière apparaissait sur Israël, et plus profond devenait l'aveuglement des peuples. Les trois Mages, au contraire, n'arrivent à Bethléhem que pour y annoncer et y précéder toutes les générations qui vont suivre. En eux, la figure arrive à la réalité la plus complète par la miséricorde du Seigneur, qui, étant venu chercher ce qui avait péri, a daigné tendre les bras à tout le genre humain, parce que le genre humain avait péri tout entier.

Considérons-les encore, ces heureux Mages, investis du pouvoir royal, comme il sera facile de le prouver bientôt ; considérons-les figurés par ces trois Rois fidèles qui sont la gloire du trône de Juda, et maintiennent dans le peuple choisi les traditions de l'attente du Libérateur, en combattant l'idolâtrie : David, type sublime du Messie ; Ezéchias, dont le bras courageux disperse les faux dieux, Josias, qui rétablit la loi du Seigneur que son peuple avait oubliée.

Et si nous voulons un autre type de ces pieux voyageurs qui accourent, du fond de la Gentilité, pour saluer le Roi pacifique, en lui apportant des présents, les saints livres nous offrent la reine de Saba, figure de la Gentilité, qui, sur la renommée de la profonde sagesse de Salomon, dont le nom est le Pacifique, arrive en Jérusalem, avec ses chameaux tout chargés d'or, d'aromates et de pierres précieuses, et vénère, dans une de ses plus imposantes figures, la Royauté du Messie.


Luca Signorelli. XVe.

C'est ainsi, Ô Christ, que durant cette nuit profonde que la justice de votre Père avait laissé s'étendre sur le monde coupable, des éclairs de grâce sillonnaient le ciel, et promettaient des jours plus sereins, lorsque le Soleil de votre justice se serait enfin levé sur les ombres de la mort. Mais le temps de ces ombres funestes est passé pour nous ; nous n'avons plus à vous contempler dans ces types fragiles et d'une lumière vacillante. C'est vous-même, Ô Emmanuel, que nous possédons pour jamais. Le diadème qui brillait sur le front de la reine de Saba n'orne point notre tête ; mais nous n'en sommes pas moins accueillis à votre berceau. Vous avez convié des pâtres à entendre les premiers les leçons de votre doctrine : tout fils de l'homme est appelé à former votre cour ; devenu enfant, vous avez mis à la portée de tous les trésors de votre infinie sagesse.

Quelle reconnaissance doit être la nôtre pour ce bienfait de la lumière de la Foi, sans laquelle nous ignorerions tout, croyant savoir toutes choses! Que la science de l'homme est petite, incertaine et trompeuse, auprès de celle dont vous êtes la source si près de nous ! Gardez-nous toujours, Ô Christ ! Ne permettez pas que nous perdions l'estime de la lumière que vous faites briller à nos jeux, en la tempérant sous le voile de votre humble enfance. Préservez-nous de l'orgueil qui obscurcit tout, et qui dessèche le cœur ; confiez-nous aux soins de votre Mère Marie ; et que notre amour nous fixe à jamais près de vous, sous son œil maternel.

HYMNE

Saint Ephrem nous fournit cette Hymne gracieuse sur la Nativité du Sauveur :


Paolo Schiavo. XVe.

" Le Fils étant né, Bethlehem retentit de cris de jubilation. Ces Esprits qui toujours veillent, descendus du ciel, chantent en chœur ; et l'éclat de leurs voix couvrirait le tonnerre. Excités par ces nouveaux concerts, les hommes qui étaient dans le silence, accoururent : ils viennent, à leur tour, interrompre la nuit par la louange du nouveau-né Fils de Dieu.

" Fêtons, disaient-ils, l'enfant qui rend Eve et Adam à leur jeunesse première." Les bergers arrivèrent, apportant le tribut de leurs troupeaux, un lait doux et abondant, une chair délicate et pure, et des chants harmonieux.

Ainsi firent-ils leurs partages : les chairs à Joseph, le lait à Marie, au Fils les chants de louange. A l'Agneau pascal un agneau que sa mère allaitait encore, un premier-né au Premier-né, une victime à la Victime, un agneau du temps à l'Agneau de l'éternelle vérité.

Admirable spectacle ! Un agneau est offert à l'Agneau ! Quand on le présenta au Fils unique, le fils de la brebis fit entendre son bêlement. L'agneau terrestre rendait grâces au divin Agneau, de ce que, par son avènement, il sauverait les troupeaux de l'immolation sanglante, et de ce que la Pâque nouvelle, instituée par le Fils de Dieu, viendrait bientôt remplacer l'antique Pâque.

Les bergers l'adorèrent aussi, et saluèrent, en prophétisant, le Prince des Pasteurs. " La verge de Moïse, dirent-ils, Pasteur universel, glorifie ton sceptre ; et Moïse, qui a porté cette verge, célèbre ta grandeur ; mais il gémit du changement opéré dans son troupeau ; il se désole de voir ses agneaux changés en loups, ses brebis transformées en dragons et en bêtes féroces. Ce malheur arriva dans l'affreuse solitude du désert, quand, furieuses et pleines de rage, ces brebis s'attaquèrent à leur Pasteur.

Enfant divin, les bergers viennent t'offrir leurs actions de grâces, à toi qui as su réunir les loups et les agneaux dans la même Bergerie. Enfant plus ancien que Noé, et aussi né plus tard que ce patriarche, c'est toi qui, dans l'Arche, au milieu de l'agitation des flots, as mis la paix entre les êtres qu'elle transportait.

David ton aïeul venge la mort d'un agneau par la mort du lion : toi, Ô fils de David, tu as exterminé le loup caché qu avait tué Adam, cet agneau rempli de simplesse, qui faisait entendre ses bêlements dans le Paradis."