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jeudi, 30 novembre 2023

30 novembre. Saint André de Bethsaïde, apôtre, martyr à Patras, en Achaïe. 62.

- Saint André de Bethsaïde, apôtre, martyr à Patras, en Achaïe. 62.

Pape : Saint Pierre. Empereur romain : Néron.

" Petro etsi cedit ordine, praemio tamen non cedit et labore."
" A part la préscéance hiérarchique, saint André n'a rien à envier à saint Pierre : semblable furent leurs travaux, semblable fut leur triomphe."
Saint Jean Chrysostome. Sermons.

 


Simone Martini. XIVe.
 

André veut dire beau, ou caution, ou viril, d'ander, homme ; ou bien encore anthrôpos, homme, d'ana, au-dessus, et tropos, tourné, ce qui est la même chose que converti, comme s'il eût été converti aux choses du ciel et élevé vers son créateur. Aussi, est-il beau dans sa vie, caution d'une doctrine pleine de sagesse, homme fort dans son supplice, et élevé en gloire. Son martyre fut écrit par les prêtres et les diacres d'Achaïe ou d'Asie qui en ont été les témoins oculaires.

Cette fête est destinée, chaque année, à clore majestueusement le Cycle catholique qui s'éteint, ou à briller en tête du nouveau qui vient de s'ouvrir. Certes, il était juste que, dans l'Année Chrétienne, tout commençât et finît par la Croix, qui nous a mérité chacune des années qu'il plaît à la miséricorde divine de nous octroyer, et qui doit paraître au dernier jour sur les nuées du ciel, comme un sceau mis sur les temps.

Nous disons ceci, parce que tout fidèle doit savoir que saint André est l'Apôtre de la Croix. A Pierre, Jésus-Christ a donné la solidité de la Foi ; à Jean, la tendresse de l'Amour ; André a reçu la mission de représenter la Croix du divin Maître. Or, c'est à l'aide de ces trois choses, Foi, Amour et Croix, que l'Eglise se rend digne de son Epoux : tout en elle retrace ce triple caractère. C'est donc pour cela qu'après les deux Apôtres que nous venons de nommer, saint André est l'objet d'une religion toute particulière dans la Liturgie universelle.


Vocation de saint André et de saint Pierre.
Imitation de Jésus-Christ. XVe.

Mais lisons les gestes de l'héroïque pêcheur du lac de Génézareth, appelé à devenir plus tard le successeur du Christ lui-même, et le compagnon de Pierre sur l'arbre de la Croix. L'Eglise les a puisés dans les anciens Actes du Martyre du saint Apôtre, dressés parles prêtres de l'Eglise de Patras, qu'il avait fondée. L'authenticité de ce monument vénérable a été contestée par les Protestants, qui y trouvent plusieurs choses qui les contrarient ; en quoi ils ont été imités par plusieurs critiques des XVIIe et XVIIIe siècles, tant en France qu'à l'étranger.

Néanmoins, ces Actes ont pour eux un bien plus grand nombre d'érudits catholiques, parmi lesquels nous nous plaisons à citer, à côté du grand Baronius, Labbe, Noël Alexandre, Galland, Lumper, Morcelli, etc. Toutes les Eglises de l'Orient et de l'Occident, qui ont inséré ces Actes dans leurs divers Offices de saint André, sont bien aussi de quelque poids, ainsi que saint Bernard, qui a bâti sur eux ses trois beaux Sermons sur saint André.

André et quelques autres disciples furent appelés à trois reprises différentes par le Seigneur. La première fois qu'il les appela à le connaître, ce fut un jour qu'André avec un autre disciple ouït dire par Jean, son maître :
" Voici l’agneau de Dieu, voici celui qui efface les péchés du monde."
Et tout aussitôt, avec cet autre disciple, il vint et vit où demeurait Jésus, et ils passèrent ce jour auprès de lui. Et André ayant rencontré Simon, son frère, il l’amena à Jésus. Le lendemain ils retournèrent à leur métier de pêcheurs.

Plus tard il les appela pour la seconde fois à vivre avec lui. Ce fut le jour où la foule se pressait sur, les pas de Jésus auprès du lac de Génésareth aussi appelé mer de Galilée ; le Sauveur entra dans la barque de Simon et d'André, et après une pêche extraordinaire, il appela Jacques et Jean qui étaient dans une autre barque. Ils le suivirent et revinrent ensuite chez eux. Jésus les appela la troisième et dernière fois pour être ses disciples, lorsque se promenant sur le bord de cette même mer où ils se livraient à la pêche :
" Venez, leur dit-il, et je vous ferai pêcheurs d'hommes."
Ils quittèrent tout à l’instant pour le suivre toujours et ne plus retourner en leur maison. Toutefois il appela André et d'autres de ses disciples à l’apostolat, selon que le rapporte saint Marc (chap. III) : " Il appela à lui ceux qu'il voulut lui-même et ils vinrent à lui au nombre , de douze ".


Sacramentaire. Rouen. XIe.

Après l’ascension du Seigneur, et la séparation des Apôtres, André prêcha en Scythie et Mathieu en Myrmidonie (L'Ethiopie. Nicéphore appelle la ville Myrmenen, lib. I, c. XLI, il ajoute que c'était le pays des anthropophages). Les habitants de ce dernier pays refusèrent d'écouter Mathieu, lui arrachèrent les yeux, le mirent dans les fers avec l’intention de le tuer quelques jours après.

Sur ces entrefaites, l’ange du Seigneur apparut à saint André et lui ordonna d'aller en Myrmidoaie trouver saint Mathieu. Sur sa réponse qu'il n'en connaissait pas la route, il lui fut ordonné d'aller au bord de la mer et de monter sur le premier navire qu'il trouverait. Il exécuta tout de suite les ordres, qu'il recevait, et sous la conduite d'un ange, il vint, à l’aide d'un vent favorable, à la ville qui lui avait été désignée, trouva ouverte la prison de saint Mathieu et se mit à pleurer beaucoup et à prier en le voyant.

Alors le Seigneur rendit à Mathieu le bon usage de ses deux yeux dont l’avait privé la malice des pécheurs. Mathieu s'en alla ensuite et vint à Antioche. André resta dans la ville dont les habitants, irrités de l’évasion de Mathieu, saisirent André et le traînèrent sur les places après lui avoir lié les mains. Et comme son sang coulait, il pria pour eux, et par sa prière les convertit à Notre Seigneur Jésus-Christ, de là il partit pour l’Achaïe (saint Jérôme ; Épître 148 à Marcelle ; saint Grégoire de Tours De Gloria Martyr, lib. I, c. XXXI ; Saint Paulin, Gaudence de Bresce, saint Pierre Chrysologue, etc. La lettre des prêtres d'Achaïe, sur le martyre de saint André, est une pièce du Ier au IIe siècle, qui a été démontrée authentique par le protestant Woog. Voyez sur cette épître la préface de Galland Veter Patr. Biblioth., I, prol., p. 38.).

Ce qu'on rapporte ici de la délivrance de Mathieu et de la guérison de ses deux yeux, je ne le crois pas digne de foi ; car ce serait peu d'honneur porter à un si grand évangéliste de croire qu'il n'a pu obtenir pour soi-même ce que André obtint si facilement.

Un jeune noble (Abdias, Saint André, c. XII.) s'étant attaché à l’apôtre malgré ses parents, ceux-ci mirent le feu à une maison où leur fils demeurait avec André. Comme la flamme s'élevait déjà fort haut, ce jeune homme prit un vase, en répandit l’eau sur le feu qui s'éteignit aussitôt.
" Notre fils, dirent alors ses parents, est déjà un grand magicien."
Et pendant qu'ils voulaient monter au moyen des échelles, Dieu les aveugla au point qu'ils ne les voyaient même pas. Alors quelqu'un s'écria :
" A quoi vous sert de vous consumer en vains efforts ? Dieu combat pour eux et vous ne le voyez point ! Cessez donc, de crainte que la colère de Dieu ne descende sur vous."
Or beaucoup de témoins de ce fait crurent au Seigneur ; quant aux parents ; ils moururent et furent enterrés cinquante jours après.


Bible historiale. Guiard des Moulins. XIVe.

Une femme mariée à un assassin ne pouvait accoucher :
" Allez, dit-elle à sa sueur, invoquer pour moi Diane notre déesse."
Le diable dit à celle qui l’invoquait :
" Pourquoi t'adresser à moi qui ne saurais te secourir ? Va plutôt trouver l’apôtre André qui pourra aider ta soeur." (Idem, Ibid., c. XXX.).
Elle y alla, et mena l’apôtre chez sa soeur en danger de périr. Il lui dit :
" Il est juste que tu souffres, car tu es mal mariée ; tu as conçu dans le mal, et tu as consulté les démons. Cependant repens-toi, crois en Notre Seigneur Jésus-Christ et accouche."
Elle crut, et accoucha d'un avorton ; puis sa douleur cessa.

Un vieillard nommé Nicolas alla trouver l’apôtre et lui dit (Abdias, Saint André, c. XXXIII.) :
" Seigneur, depuis soixante-dix ans je vis esclave de passions infâmes. J'ai cependant reçu l’évangile, et ai prié pour que Dieu m’accordât la continence. Mais accoutumé à ce péché, et séduit par la concupiscence, je suis retourné à mes désordres habituels. Un jour que brûlant, de mauvais, désirs, j'avais oublié que je portais l’évangile sur moi, j'entrai dans une maison de débauche : et la courtisane me dit aussitôt :
" Sors, vieillard, sors, car tu es un ange de Dieu. Ne me touche pas et ne t'avise pas d'approcher ; car je vois sur toi des prodiges."
Effrayé des paroles de cette femme, je me suis rappelé que j'avais apporté sur moi l’Évangile. Maintenant donc, saint de Dieu, obtenez mon salut par vos saintes prières."
En l’entendant, le bienheureux André se mit à pleurer, et depuis tierce jusqu'à none. il pria. Se levant de sa prière, il ne voulut point manger, mais il dit :
" Je ne mangerai point avant de savoir si le Seigneur aura pitié de ce vieillard."
Après cinq jours de jeûne, une voix se fit entendre à André et dit :
" André, tu obtiens ce que tu sollicites pour ce vieillard, mais de même que tu t'es macéré par le jeûne aussi faut-il que pour être sauvé, lui aussi s'affaiblisse par les jeûnes."
C'est ce que fit le vieillard en jeûnant pendant six mois au pain et à l’eau ; après quoi, plein de bonnes oeuvres, il reposa en paix. Et une voix dit à André :
" Par ta, prière, j'ai recouvré Nicolas que j'avais perdu."


Duccio di Buoninsegna. XIVe.

Un jeune chrétien confia ce qui suit sous le plus grand secret à saint André (Abdias, Saint André, ch. VI) :
" Ma mère, éblouie de ma beauté, me tenta pour une oeuvre illicite : comme je n'y consentais pas, elle alla trouver le juge, dans l’intention de faire peser sur moi l’énormité d'un tel crime : mais priez pour moi de peur que je ne meure injustement ; car lors de l’accusation, je préférerai me taire et perdre la vie plutôt que déshonorer ainsi ma mère."
Le jeune homme est donc mandé et crie justice : André l’y suit.
La mère accuse positivement son fils d'avoir voulu la violer. Interrogé plusieurs fois si la chose s'était ainsi passée, le jeune homme ne répondit mot. André dit alors à cette mère :
" Ô la plus cruelle des femmes, de vouloir la perte de ton fils unique pour satisfaire ta débauche !"
La mère dit donc au juge :
" Seigneur, voilà l’homme auquel s'est attaché mon fils après qu'il eût tenté de consommer son crime, sans pouvoir le commettre."
Alors le juge irrité condamna le jeune homme à être mis en un sac enduit de poix et de bitume puis ensuite jeté dans la rivière ; et il ordonna de garder en prison André, jusqu'à ce qu'il eût trouvé un supplice pour le faire périr.

Mais à la prière d'André, un tonnerre horrible épouvanta les assistants, et un tremblement de terre les renversa tous, en même temps que la ; femme, frappée de la foudre, était desséchée. Tous conjurèrent alors l’apôtre de ne pas les perdre. Il pria pour eux et le calme se fit. Le juge crut ainsi que toute sa maison.

Comme l’apôtre était à Nicée, les habitants lui dirent que sur le chemin qui menait à la ville, se trouvaient sept démons qui tuaient les passants (Abdias, Saint André, ch. VII.). L'apôtre les fit venir sous la forme de chiens devant le peuple et leur commanda d'aller où ils ne pourraient nuire à personne. Aussitôt ils disparurent. A cette vue, ces hommes reçurent la foi de Notre Seigneur Jésus-Christ. En arrivant à la porte d'une autre ville, l’apôtre rencontra le convoi d'un jeune homme qu'on portait en terre : et comme il s'informait de l’accident, il lui fut dit que sept chiens étaient venus et l’avaient fait mourir dans son lit.

André se mit à pleurer et dit :
" Je sais bien, Seigneur, que c'est le fait des démons que j'ai chassés de Nicée."
Et s'adressant au père :
" Que me donneras-tu, lui demanda-t-il, si je ressuscite ton fils ?
- C'est tout ce que je possédais de plus cher au monde, répondit le père, je te le donnerai."
L'apôtre fit une prière et ressuscita l’enfant qui s'attacha à lui.

Un, jour quarante hommes vinrent par mer trouver l’apôtre afin de recevoir de lui la doctrine de la foi, mais le diable excita une tempête, qui les engloutit tous. Leurs corps ayant été rejetés sur le rivage, furent portés à l’apôtre et tout aussitôt ressuscités. Ils racontèrent tout ce qui leur était arrivé.
De là vient qu'on lit dans une des hymnes de son office :
" Il rendit à la vie.quarante: personnes que les flots avaient englouties."

Maître Jean Beleth (Rationale, c. CLXIV.) dit en traitant de la fête de saint André, qu'il avait le teint brun, la barbe épaisse et une petite taille.


Le Bernin. XVIIe. Saint-Pierre de Rome.
 
Or saint André resta en Achaïe, y fonda de nombreuses églises et convertit beaucoup de monde à la foi du Christ. Il instruisit même la femme du proconsul Egée et la régénéra dans les eaux sacrées du baptême. A cette nouvelle, Egée vient à Patras pour contraindre les chrétiens à sacrifier aux idoles. André alla a sa rencontre et lui dit :
" Il fallait que toi qui as l’honneur d'être ici-bas le juge des hommes, tu connusses et ensuite tu honorasses ton juge qui est dans le ciel, après avoir renoncé en ton coeur aux faux dieux." (Abdias, Saint André, c. XXVI.).
Égée lui répliqua :
" C'est toi qui es André : tu enseignes les dogmes de cette secte superstitieuse que les empereurs romains viennent de prescrire d'exterminer.
- Les empereurs romains, dit André, n'ont pas encore appris que le Fils de Dieu, en venant sur la terre, a enseigné que les idoles sont des démons qui apprennent à offenser Dieu ; en sorte qu'offensé par les hommes il détourne d'eux son visage, qu'irrité contre eux, il ne les exauce point, et qu'en ne les exauçant pas, ils sont les esclaves et le jouet du diable, jusqu'à ce que dépouillés de tout en sortant de leur corps, ils n'emportent avec eux rien autre que leurs péchés."
Egée :
" Votre Jésus qui prêchait ces sottises a été attaché au gibet de la croix." André répartit :
" C'est pour nous racheter et non pour des crimes qu'il a bien voulu souffrir le supplice de la croix."
Égée :
" Il a été livré par son disciple, pris par les Juifs et crucifié par les soldats ; comment donc peux-tu dire qu'il a souffert de plein gré le supplice de la croix !"

Alors André démontra par cinq raisons que Jésus-Christ avait souffert parce qu'il l’avait voulu.
1. Il a prévu et prédit sa passion à ses disciples, lorsqu'Il dit : " Voici que nous allons à Jérusalem, etc... " ;
2. Quand saint Pierre voulut l’en détourner Il s'indigna fortement et lui dit :
" Va-t-en derrière moi ; Satan, etc..." ;
3. Il a clairement annoncé qu'Il avait le pouvoir et de souffrir et de ressusciter tout à la fois, lorsqu'Il dit : " J'ai la puissance de quitter la vie et de la reprendre " ;
4. Il a connu d'avance celui qui Le trahissait, lorsqu'Il lui donna du pain trempé, et cependant Il ne se garda pas de lui ;
5. Il choisit l’endroit où Il savait que devait venir le traître. Lui-même assura avoir été témoin de chacun de ces faits ; il ajouta que c'était un grand mystère que celui de la croix.

Égée répondit :
" On ne saurait appeler mystère ce qui fut un supplice ; cependant si tu n'obtempères pas à mes ordres, je te ferai passer par l’épreuve du même mystère."
André :
" Si j'étais épouvanté du supplice de la croix, je n'en proclamerais point la gloire. Or je veux t'apprendre ce mystère de la croix, peut-être qu'en le connaissant tu y croiras ; tu l’adoreras et tu seras sauvé."


Giusepe de Ribera - Lo Spagnoletto. XVIIe.

Alors il commença à lui dévoiler le mystère de la Rédemption et lui en prouva par cinq arguments la convenance et la nécessité.
Le premier argument est que le premier homme ayant donné naissance à la mort par le bois, il était convenable que le second homme détruisît la mort en souffrant sur le bois.
Le deuxième, que le prévaricateur ayant été formé d'une terre immaculée, il était juste que le réconciliateur naquit d'une vierge immaculée.
Le troisième, que Adam ayant étendu la main avec intempérance vers le fruit défendu, il seyait que le second Adam étendît sur la croix ses mains immaculées.
Le quatrième, que Adam ayant goûté de l’arbre défendu un fruit agréable, il était convenable que le Christ, lorsqu'il fut abreuvé de fiel, détruisît le contraire par son contraire.
Le cinquième est que, pour nous conférer son immortalité, il importait que le Christ prît avec lui notre mortalité : car si Dieu ne s'était fait mortel, l’homme ne fût pas devenu immortel.

Alors Égée dit :
" Va conter aux tiens ces rêveries, et obéis-moi en sacrifiant aux dieux tout-puissants.
- Chaque jour, répondit André, j'offre au Dieu tout-puissant l’agneau sans tache, et quand il a été mangé par tout le peuple, cet agneau reste vivant et entier."
Égée demandant comment cela pouvait-il se faire, André lui répondit de se mettre au nombre des disciples.
Égée répliqua :
" Avec des tourments, je saurai bien te faire expliquer la chose."
Et tout en colère, il le fit enfermer dans une prison.

Le matin étant venu, il s'assit sur son tribunal et de nouveau il l’exhorta à sacrifier aux idoles :
" Si tu ne m’obéis, lui dit-il, je te ferai suspendre à cette croix que tu as glorifiée."
Et comme il le menaçait de nombreux tourments, André répondit :
" Invente tout ce qui te paraîtra de plus cruel en fait de supplice. Plus je serai constant à souffrir dans les tourments pour le nom de mon roi, plus je lui serai agréable."
Alors Égée le fit fouetter par vingt hommes, et le fit lier ensuite à une croix par les mains et par les pieds afin qu'il souffrît plus longtemps.

Et comme il était conduit à la croix, il se fit un grand concours de peuple qui disait :
" Il est innocent et condamné sans, preuves à verser son sang."
Cependant, l’apôtre pria cette foule de ne point s'opposer à son martyre. Et quand André aperçut la croix de loin, il la salua en disant :
" Salut, Ô croix consacrée par le sang de Notre Seigneur Jésus-Christ, et décorée par chacun de ses membres comme avec des pierres précieuses. Avant que le Seigneur eût été élevé sur toi, tu étais un sujet d'effroi pour la terre ; maintenant en procurant l’amour du ciel, tu es l’objet de tous les désirs. Plein de sincérité et de joie, je viens à toi afin de te procurer la joie de recevoir en moi un disciple de celui qui a été pendu sur toi. En effet toujours je t'ai aimée et ai désiré t'embrasser. Ô bonne croix qui as reçu gloire et beauté des membres du Seigneur. Toi que j'ai longtemps désirée, que-j'ai aimée avec sollicitude, que j'ai recherchée sans relâche et qui enfin es préparée à, mon âme désireuse, reçois-moi du milieu des hommes, et me rends à mon maître afin qu'il me reçoive par toi, lui qui par toi m’a racheté."

En disant ces mots, il se dépouilla de ses vêtements qu'il donna aux bourreaux. Alors ceux-ci le suspendirent à la croix, comme il leur avait été prescrit. Pendant deux jours qu'il y vécût, il prêcha à vingt mille hommes qui l’entouraient.
Cette foule menaçait Égée de le faire mourir, en disant qu'un saint doux et pieux ne devait pas ainsi périr ; Egée vint pour le délivrer.
A sa vue André lui dit :
" Pourquoi viens-tu vers nous ? Si c'est pour demander pardon, tu l’obtiendras ; mais si c'est pour me détacher, sache que je ne descendrai pas vivant de la croix. Déjà en effet je vois mon roi qui m’attend."


Federico Baroccio. XVIe.

Et comme on voulait le délier, on ne put y parvenir, parce que les bras de ceux qui essayaient de le faire devenaient paralysés. Pour André, comme il voyait que le peuple le voulait délivrer, il fit cette prière sur la croix, comme la rapporte saint Augustin en son livre de la Pénitence :
" Ne permettez pas, Seigneur, que je descende vivant, il est temps que vous confiiez mon corps à la terre, car tant que je l’ai porté, tant j'ai veillé à sa garde ; j'ai travaillé à vouloir être délivré de ce soin, et à être dépouillé de ce très épais vêtement. Je sais combien je l’ai trouvé lourd à porter, redoutable à vaincre, paresseux à enflammer et prompt à faiblir. Vous savez, Seigneur, combien il était ; porté à m’arracher aux pures contemplations ; combien il s'efforçait de me tirer du sommeil devotre charmant repos.
Toutes et quantes fois il me fit souffrir de douleur. Chaque fois que je l’ai pu, Père débonnaire, j'ai résisté en combattant et j'ai vaincu avec votre aide. C'est à vous, juste et pieux rémunérateur, que je demande de ne plus me confier à ce corps: mais, je vous rends ce dépôt. Confiez-le à un autre, et ne m’opposez plus par lui d'obstacles. Qu'il soit conservé et rendu à la résurrection, afin que vous retiriez honneur de ses âeuvres. Confiez-le à la terre afin de ne plus veiller, afin qu'il ne m’empêche pas de tendre avec ardeur et librement vers vous qui êtes la source d'une vie de joie intarissable." (Saint Augustin, De vexa et falsa poenit., ch. VIII).

Après ces paroles, une lumière éclatante venue du ciel l’entoura pendant une demi-heure, en sorte que personne ne pouvait fixer sur lui les yeux ; et cette lumière disparaissant, il rendit en même temps l’esprit.

Maximilla, l’épouse d'Egée, prit le corps du saint apôtre et l’ensevelit avec honneur (Bréviaire romain).
Quant à Egée, avant d'être rentré dans sa maison, il fut saisi par le démon et à la vue de tous il expira sur le chemin.

On dit (Saint Grégoire de Tours, ubi supra.) que du tombeau de saint André découle une manne semblable à de la farine et une huile odoriférante. Les habitants du pays en tirent un présage pour la récolte : car si ce qui coule est en petite quantité, la récolte sera peu considérable, s'il en coule beaucoup, elle sera abondante. Peut-être qu'il en a été ainsi autrefois, mais aujourd'hui on prétend que son corps a été transporté à Constantinople.


Saint André et saint Thomas. Gian Lorenzo Bernini. XVIIe.

Un évêque, qui menait une vie sainte, avait une vénération particulière pour saint André, en sorte qu'à chacun de ses ouvrages, il mettait en tête :
" A l’honneur de Dieu et de saint André."
Or jaloux de la sainteté de ce personnage, l’antique ennemi, pour le séduire, après avoir employé toutes sortes de ruses, prit la forme d'une femme, merveilleusement belle. Elle vint au palais de l’évêque sous prétexte de vouloir se confesser à lui. Sur l’ordre de l’évêque de l’adresser à son pénitencier qui avait tous ses pouvoirs, elle répondit qu'elle ne révélera à nul autre qu'à lui les secrets de sa conscience. Le Prélat touché la fait entrer.

" Je vous en conjure, Seigneur ; lui dit-elle, ayez pitié de moi : car jeune encore, ainsi que vous le voyez, élevée dans les délices dès mon enfance, issue même de race royale, je suis venue seule ici sous l’habit des pèlerins.

Le roi mon père, prince très pieux, voulant me marier à un grand personnage ; je lui ai répondu que j'avais en horreur le lien du mariage, puisque j'ai consacré ma virginité pour toujours à Notre Seigneur Jésus-Christ et qu'en conséquence je ne pourrais jamais consentir à la perdre.

Pressée d'obéir à ses ordres, ou de subir sur la terre différents supplices, je pris secrètement la fuite, préférant m’exiler que de violer la foi jurée à mon époux.

La renommée de votre sainteté étant parvenue à mes oreilles, je me suis réfugiée sous les ailes de votre protection, dans l’espoir de trouver auprès de vous un lieu de repos où je puisse jouir en secret des douceurs de la contemplation, me sauver des naufrages de la vie présente, et fuir le bruit et les agitations du monde."

Plein d'admiration pour la noblesse de sa race, la beauté de sa personne, sa grande ferveur, et l’élégance remarquable de ses paroles, l’évêque lui répondit avec bonté et douceur :
" Soyez tranquille, ma fille ; ne craignez point, car celui pour l’amour duquel vous avez méprisé avec tant de courage et vous-même, et vos parents et vos biens, vous accordera, pour ce sacrifice, le comble de la grâce en cette vie et la plénitude de la gloire en l’autre.
Aussi moi qui suis son serviteur, je m’offre à vous avec ce qui m’appartient : choisissez l’appartement qu'il vous plaira, et je veux qu'aujourd'hui vous mangiez avec moi.
- Veuillez, ah ! veuillez, dit-elle, mon Père, ne pas exiger cela de moi, de peur d'éveiller quelque mauvais soupçon et de porter quelque atteinte à l’éclat de votre réputation.
- Nous serons plusieurs, lui répondit l’évêque, nous ne serons pas seuls, et ainsi il n'y aura pas lieu de fournir eu quoi que ce soit l’apparence à mauvais soupçon."
 

Missel à l'usage d'Autun. XVe.

Les convives se mirent à table, l’évêque se plaça en face de la dame et les autres de l’un et de l’autre côté. L'évêque eot beaucoup d'attention pour cette femme ; il ne cessa de la regarder et d'en admirer la beauté. Pendant qu'il a les yeux fixés ainsi, son âme est atteinte, et tandis qu'il ne cesse de la regarder, l’antique ennemi lance contre son coeur une flèche acérée.

Le Diable, qui tenait compte de tout, se mit à augmenter de plus en plus sa beauté. Déjà l’évêque était sur le point de. donner son consentement à la tentation de commettre avec cette personne une action criminelle dès que la possibilité s'en présenterait, quand tout à coup un pèlerin vient heurter à la porte avec violence, demandant à grands cris qu'on lui ouvre. Comme on s'y refusait et que le pèlerin devenait importun par ses clameurs et ses coups répétés, l’évêque demande à la femme si elle voulait recevoir ce pèlerin.
" Qu'on lui propose, dit-elle, quelque question difficile ; s'il sait la résoudre, qu'on l’introduise ; s'il ne le peut, qu'on l’éloigne, comme un ignorant, et comme une personne indigne de paraître devant l’évêque."

On applaudit à la proposition, et l’on se demande qui sera capable de poser la question. Et comme on ne trouvait personne :
" Quelle autre, madame, reprit l’évêque, peut mieux poser la question que vous qui l’emportez sur nous autres en éloquence et dont la sagesse brille au-dessus de la nôtre à tous ? Proposez donc vous-même une question.
- Qu'on lui demande, dit-elle, ce que Dieu a fait de plus merveilleux dans une petite chose."
Le pèlerin auquel un messager porta la question répondit :
" C'est la variété et l’excellence du visage. Parmi tant d'hommes qui ont existé depuis le commencement du monde, et qui existeront dans l’avenir, on n'en saurait rencontrer deux dont les visages soient semblables en tout point, et cependant, dans une si petite figure, Dieu a placé tous les sens du corps."
En entendant cette réponse on s'écria avec admiration :
" C'est vraiment une excellente solution à la demande."
Alors la dame dit :
" Qu'on lui en propose une seconde plus difficile qui mette sa science à meilleure épreuve : qu'on lui demande où la terre est plus, haute que le ciel tout entier."
Le pèlerin interrogé répondit :
" Dans le ciel empyrée, où réside le corps de Notre Seigneur Jésus-Christ. Le corps du Christ en effet, qui est plus élevé que tout le ciel, est formé de notre chair ; or notre chair est une portion de la substance de la terre : comme donc le corps du Christ est au dessus de tous les cieux, et qu'il tire son origine de notre chair, que notre chair est formée de la terre, il est donc constant que là où le corps de Notre Seigneur Jésus-Christ réside, là certainement la terre est plus élevée que le ciel."


Hyacinthe Rigaud. XVIIIe.

L'envoyé rapporte la réponse du pèlerin, et tous d'approuver cette solution merveilleuse et d'en louer hautementla sagesse. Alors la femme dit encore :
" Qu'on lui pose de nouveau une troisième question très grave, compliquée, difficile à résoudre, obscure, afin que, pour la troisième fois, il soit prouvé qu'il est digne à juste titre d'être admis à la table de l’évêque. Demandez-lui quelle distance il y a de la terre au ciel."
Le pèlerin répondit à l’envoyé qui lui portait la question :
" Allez le demander à celui-là même qui a posé la demande. Il le sait certainement et il pourra répondre mieux que je ne le ferais ; car lui-même a mesuré cette distance, quand du ciel il est tombé dans l’abîme ; pour moi je ne suis jamais tombé du ciel et n'ai jamais mesuré cet espace. Car ce n'est pas une femme, mais le diable qui s'est caché sous la ressemblance d'une femme."
A ces paroles le messager fut pâmé, et répéta devant tous les convives ce qu'il avait entendu. Tandis que l’étonnement et la stupeur ont saisi les convives, le vieil ennemi a disparu. L'évêque, rentrant en lui-même, se reprochait amèrement sa conduite et demandait avec lamentations le pardon de la faute qu'il avait commise. Il envoya aussitôt pour qu'on introduisît le pèlerin, mais on ne le trouva plus.

L'évêque convoqua le peuple, lui exposa de point en point ce qui s'était passé, et commanda des jeûnes et des prières pour que le Seigneur daignât révéler quel était ce pèlerin qui l’avait sauvé de si grand péril. Et cette nuit-là même, il fut révélé à l’évêque que c'était saint André qui, pour le délivrer, avait pris l’extérieur d'un pèlerin. L'évêque redoubla de dévotion envers le saint apôtre et il ne cessa de donner des preuves de sa vénération pour lui.

Le prévôt d'une ville (d'après saint Grégoire de Tours, De gloria nnartyrum, l. I, c. LXXIX, cet homme était Gomacharus, comte de la ville d'Agde, vers la fin du VIe siècle) s'était emparé d'un champ de saint André, et par les prières de l’évêque, il en fut puni de très fortes fièvres. Il alla trouver le prélat, le conjurant d'intercéder en sa faveur et lui promit de restituer le champ. Mais après sa guérison obtenue par l’intercession du pontife, il reprit une seconde fois la terre.

Alors l’évêque se mit en prières et brisa toutes les lampes de l’église, en disant :
" Qu'on n'allume plus ces lumières, jusqu'à ce que le Seigneur se venge lui-même de son ennemi, et que l’église recouvre ce qu'elle a perdu."
Et voilà que le prévôt eut encore de très fortes fièvres ; il envoya alors demander à l’évêque de prier pour lui, l’assurant qu'il rendrait son champ, et en surplus un autre de la même valeur. Comme l’évêque lui faisait répondre toujours :
" J'ai déjà prié, et Dieu m’a exaucé ", le prévôt se fit porter chez le prélat et le força d'entrer dans l’église pour prier.

A l’instant où l’évêque entre dans l’église, le prévôt meurt subitement et le champ est restitué à l’église.
 

Saint André et saint Philippe. Psalterium éthiopien. XVe.

Entendons maintenant la voix des diverses Eglises qui sont sous le ciel, célébrer tour à tour un si grand triomphe. La sainte Eglise Romaine, Mère et Maîtresse de toutes les autres, ne trouve rien de plus expressif à la louange de l'Apôtre de la Croix, que de faire retentir en son honneur, tantôt les paroles du saint Evangile sur la vocation du glorieux André, tantôt les passages les plus touchants des Actes rédigés par les Prêtres de Patras, en les entremêlant aux éloges que le sujet lui inspire. Nous citerons d'abord quelques-uns des Répons de Matines :

R/. Comme le Seigneur marchait le long de la mer de Galilée, il vit Pierre et André qui jetaient leurs filets dans la mer, et il les appela, disant : Venez après moi ; je vous ferai pêcheurs d'hommes,
V/. Car ils étaient pêcheurs. Et il leur dit : Venez après moi ; je vous ferai pêcheurs d'hommes.

R/. Dès que le bienheureux André eut entendu la voix du Seigneur qui l'appelait, ayant quitté les filets dont l'usage le faisait vivre, Il suivit Celui qui donne les récompenses de la vie éternelle,
V/. C'est cet homme qui pour l'amour du Christ tut attaché à la croix, et qui pour sa loi endura la Passion. Et il suivit Celui qui donne les récompenses de la vie éternelle.

R/. Docteur plein de bonté et ami de Dieu, André fut mené à la croix. La voyant de loin, il dit : Salut, ô Croix ! Reçois le disciple de Celui qui à toi fut attaché, le Christ, mon maître,
V/. O Croix, salut ! toi qui as été consacrée1 par le corps de Jésus-Christ, et ornée de ses membres,comme d'autant de perles précieuses. Reçois le disciple de Celui qui à toi fut attaché, le Christ, mon maître.

R/. André, voyant la croix, s'écria : Ô Croix admirable ! Ô Croix désirable ! Ô Croix qui brilles par tout l'univers ! Reçois le disciple du Christ, et que par toi me reçoive Celui qui m'a racheté en mourant sur toi.
V/.O bonne Croix, qui as reçu par les membres du Seigneur l'éclat et la beauté. Reçois le disciple du Christ, et que par toi me reçoive Celui qui m'a racheté en mourant sur toi.

R/. Saint André pria, en regardant le ciel, et s'écria à haute voix : Vous qui êtes mon Dieu, vous que j'ai vu de mes yeux ; ne souffrez pas que je sois détaché d'ici par un juge impie : Car j'ai ressenti la vertu de la sainte Croix.
V/. Vous êtes le Christ mon maître, que j'ai aimé, que j'ai connu, que j'ai confessé : exaucez seulement cette prière que je vous fais. Car j'ai ressenti la vertu de la sainte Croix.


Psautier cistercien. XIIIe.

ANTIENNES

Les Antiennes des Vêpres forment un ensemble lyrique plein de grâce et d'onction :

" Salut, Ô Croix précieuse ! Reçois le disciple de Celui qui à toi fut attaché, le Christ mon maître.

Le bienheureux André priait, et disait : Seigneur, Roi d'éternelle gloire, recevez-moi qui suis suspendu à ce gibet.

André , le serviteur du Christ, le digne Apôtre de Dieu, le frère de Pierre et le compagnon de son supplice.

Maximille, femme aimée du Christ, enleva le corps de l'Apôtre , et l'ensevelit avec des parfums en un lieu honorable.

Ceux qui persécutaient le juste, vous les avez précipités. Seigneur, dans les enfers, et vous êtes l'appui du juste sur la Croix."."


Heures à l'usage de Paris. XVe.

HYMNE

L'Hymne suivante a été composée, à la louange du saint Apôtre, par le Pape saint Damase, l'ami de saint Jérôme ; il y est fait allusion au nom d'André qui, entre plusieurs significations, a aussi celle de Beauté :

" Vous dont le nom glorieux et sacré présageait la vie, votre nom exprime aussi la Beauté dont la Croix bienheureuse vous a noblement couronné.

André, Apôtre du Christ, votre nom seul est un signe qui vous distingue, un mystique emblème de votre beauté.

Ô vous que la Croix élève jusqu'aux cieux, vous que la Croix aime avec tendresse, vous à qui l'amertume de la Croix prépare les joies de la lumière future,

En vous le mystère de la Croix brille doublement imprimé : vous triomphez de l'opprobre par la Croix, et vous prêchez le Sang divin qui arrosa la Croix.

Désormais donc réchauffez nos langueurs, daignez veiller sur nous, afin que, par la victoire de la Croix, nous entrions dans la patrie du ciel.

Amen."
 

Speculum historiale. V. de Beauvais. XVe.

SÉQUENCE

Le moyen âge consacra les deux Séquences que nous donnons ci-après à la gloire de l'Apôtre de la Croix. La première est du XIe siècle. Elle est sans mesure régulière, comme toutes les Séquences de cette époque :

" Elle est sainte et sacrée, la gloire de la fête qu'on célèbre en ce jour.
Que toute l'Eglise fasse entendre un chant digne du sujet.

Qu'elle exalte les mérites très saints du Saint le plus débonnaire,
De l'Apôtre André, en qui reluit une merveilleuse grâce.

Il apprend de Jean-Baptiste que celui-là était venu qui enlevait les péchés.
Bientôt il entra dans la demeure du Messie, et écouta ses paroles.

Et rencontrant son frère Barjona : Nous avons trouvé le Messie, dit-il plein de joie ;
Et il le mena à la très douce présence du Sauveur.

André parcourait les mers, quand l'appela la clémence du Christ ;
Pour échanger l'art de pêcheur contre la dignité de l'Apostolat.

Son âme, après les joyeuses jubilations de la Pâque,
Fut illuminée par la puissance glorieuse de l'Esprit-Saint ;

Pour prêcher aux peuples la pénitence et la clémence du Père, manifestée par le Fils.
Réjouis-toi d'un si noble Père, Ô Achaïe !

Eclairée par sa doctrine salutaire,
Illustrée par l'abondance variée de ses prodiges.

Et toi, gémis et pleure, Egée, cruel bourreau !
A toi, l'infection infernale et l'éternelle mort.

Pour André, la Croix lui prépare des joies pleines de bonheur.
Déjà tu contemples ton Roi, André ! déjà tu apparais debout devant lui.

Déjà tu aspires l'odeur des parfums qu'exhale l'arôme du divin amour.
Sois donc aussi pour nous une merveilleuse suavité, qui répande au fond des cœurs les senteurs balsamiques de la céleste vie.

Amen."


Gabriel Blanchard. Chapelle Saint-Vincent-de-Paul.
Cathédrale Notre-Dame de Paris. XVIIIe.

SÉQUENCE

La seconde Séquence, dont la rime est régulière et le mètre exact, est du pieux Adam de Saint-Victor, le plus grand poète lyrique du moyen âge :

" Tressaillons et réjouissons-nous, et savourons les louanges de l'Apôtre André.
Sa foi, sa doctrine, ses mœurs, ses longs labeurs pour le Christ, il sied de les célébrer.

C'est lui qui mena Pierre à la foi, lui qui le premier vit briller la lumière, montrée par Jean-Baptiste.
Aux rives de la mer de Galilée, Pierre et André sont choisis à la fois.

Tous deux d'abord pêcheurs, deviennent les hérauts du Verbe et les modèles de la justice.
Ils jettent le filet sur le monde, et leurs soins vigilants s'étendent sur toute l'Eglise naissante.

Séparé de son frère, André est envoyé aux parages de l'Achaïe.
Dans les filets d'André tombe, par la grâce divine, la province presque tout entière.

Sa foi, sa vie, sa parole, ses miracles, tout en fait un Docteur de piété, un Docteur illustre pour former le cœur du peuple.

Egée apprend les œuvres d'André, et déjà s'agite sa fureur.
Âme sereine, âme virile, dédaignant la vie présente, André s'arme de la patience.
 
Ni les caresses, ni les tortures qu'emploie le sensé, n'amollissent son âme vigoureuse.
Il voit préparer la croix, il tressaille, impatient d'être un disciple semblable à son Maître.

Il paie au Christ mort pour mort ; par lui la Croix est conquise comme un trophée triomphal.
Deux jours il vit sur la croix, pour vivre à jamais. Il résiste au vœu du peuple, et ne veut point être détaché de son gibet.

Pendant une moitié d'heure, il est inondé de clarté ; et dans cette auréole et cette allégresse, il monte au palais de la lumière.
Ô glorieux André, dont précieuse est la prière, la mort lumineuse, et suave la souvenance ;

Du fond de ce val des larmes, tendre Pasteur des âmes, élevez-nous par votre faveur jusqu'à cette éclatante lumière.
Amen."
 

Legenda aurea. Bx. J. de Voragine. XVe.

PRÉFACE

Les pièces que nous avons rapportées jusqu'ici appartiennent à la Liturgie Romaine, étant tirées des livres de cette Mère des Eglises, ou de ceux des diverses Eglises de l'Occident qui gardent la forme de ses Offices. Nous allons maintenant, à la louange de notre saint Apôtre, produire ici quelques-unes des formules que les autres Liturgies anciennes lui ont consacrées ; nous commencerons par le rite Ambrosien, auquel nous empruntons la belle Préface qui suit :

" Il est vraiment digne et juste, équitable et salutaire, que nous vous rendions grâces en tout temps et en tous lieux, Seigneur saint, Père tout-puissant, Dieu éternel ; car voici le jour consacré à la mémoire d'un mystère auguste, le jour où le bienheureux André se fit reconnaître pour le frère de l'Apôtre Pierre, tant par son zèle à prêcher votre Christ que par son courage à le confesser, jour dans lequel il compléta l'honneur de la dignité apostolique par les souffrances unies à la gloire ; ne voulant pas taire sur la croix même ce qu'il avait prêché sur la terre d'une voix intrépide ; heureux de suivre l'auteur de la vie éternelle pendant les jours de cette vie, et de l'imiter ensuite dans le genre de sa mort. Fidèle au précepte du Sauveur, il avait crucifié en lui-même les désirs terrestres : à son exemple il fut attaché à la croix. Donc, les deux frères pêcheurs sont tous deux élevés au ciel par la Croix, en sorte que ceux que votre grâce, Seigneur, avait enchaînés de tant de liens d'amour, une même couronne fût tressée pour eux et les réunît dans le royaume des deux, et qu'après avoir livré un seul et même combat, une seule et même récompense demeurât leur partage."


Henri de Vermay. XVIIe.

CONTESTATION (Mot qu'utilise l'Eglise gallicane pour Préface)

La Liturgie Gallicane célébra aussi les grandeurs de saint André. Dans le petit nombre de fragments qui nous sont restés des monuments qui la composaient, aucune pièce métrique ne nous est parvenue ; mais du moins la Préface que nous donnons ici sous son titre gallican de Contestation, montre que l'Eglise des Gaules, du IVe au VIIIe siècle, partageait l'enthousiasme des Eglises Romaine et Ambrosienne pour le glorieux Apôtre de la Croix :

" Il est digne et juste, équitable et raisonnable que nous rendions d'ineffables actions de grâces à votre bonté, Dieu tout-puissant et éternel, et que nous célébrions avec une joie sans égale la passion de vos Saints, par Jésus-Christ Notre Seigneur, qui donna au bienheureux André la foi, dès le moment de sa vocation, et plus tard lui octroya la victoire dans les souffrances. Le bienheureux André avait donc reçu ces deux faveurs ; et c'est pour cela qu'il montrait la constance dans la prédication, la patience dans les supplices.
Après des verges injustes, après l'étroite prison, enchaîné au gibet, il s'offrit à vous, Ô Dieu ! comme une oblation pure. Plein de douceur, il étend ses bras vers le ciel, il embrasse l'étendard de la Croix, il y colle ses lèvres, il y pénètre les secrets de l'Agneau. Enfin, comme on le conduisait au supplice, comme on le suspendait à la croix, il souffrait dans la chair, mais l'Esprit parlait par sa bouche. Il oublie les douleurs de la croix, en prêchant Jésus-Christ du haut de cette croix. Plus son corps était étendu sur le bois, plus sa langue exaltait le Christ ; car, suspendu au bois, il se félicitait d être associé au Christ. Il ne souffre pas qu'on le descende de la croix, dans la crainte que l'ardeur du combat qu'il soutient ne s'attiédisse. La foule le considère et se lamente ; elle veut qu'on délie les liens de celui qu'elle sait être le médecin des âmes ; elle demande qu'on dégage le juste, dans la crainte que le peuple lui-même ne périsse pour un si grand forfait. Cependant, le martyr rend l'âme, et est admis en possession du royaume de l'éternel juge. Par ses mérites, accordez-nous, Dieu tout-puissant, d'être délivrés et préservés de tous les maux, et de vous rendre d'éternelles louanges et actions de grâces, à vous, notre Seigneur, Dieu des Martyrs et Prince des Apôtres."


La manne du tombeau de saint André. Carlo Braccesco. XVe.
 
CAPITULE

La Liturgie Mozarabe est très abondante sur les louanges de saint André, tant au Missel qu'au Bréviaire ; nous nous bornons à lui emprunter la belle Oraison qui suit :

" Ô Christ, notre Seigneur, qui avez décoré le très heureux André de la grâce de l'Apostolat et de la couronne du Martyre, lui ayant fait l'honneur d'arriver lui-même au supplice de la Croix, après avoir prêché le mystère de cette même Croix : accordez-nous de devenir de très véritables amateurs de votre sainte Croix, et, nous renonçant nous-mêmes, de prendre notre croix et de vous suivre; afin que, participant en cette vie à vos souffrances, nous méritions de parvenir à la félicité de l'éternelle vie."

L'Eglise de Constantinople, si jalouse de la gloire de saint André, ne garda pas toujours le précieux dépôt de sa dépouille mortelle. Elle fut privée de ce trésor en 1210, lors de la prise de cette ville par les Croisés. Le cardinal Pierre de Capoue, Légat Apostolique, transporta le corps du saint Apôtre dans la Cathédrale d'Amalfi, au royaume de Naples, où il repose encore, illustre par des miracles sans nombre et environné des témoignages de la vénération des peuples.

On sait qu'à la même époque, les plus précieuses reliques de l'Eglise grecque passèrent, par un visible jugement de Dieu, entre les mains des Latins. Byzance méconnut ces redoutables avertissements , et persista dans l'orgueil de son schisme. Elle avait néanmoins conservé le Chef du saint Apôtre, sans doute parce que, dans les diverses Translations qui avaient eu lieu, il avait été réservé dans un reliquaire à part. Lors de la destruction de l'Empire Byzantin par les Turcs, la Providence disposa les événements de manière à enrichir l'Eglise de Rome d'une si précieuse relique.

En 1462, le Chef de saint André fut donc apporté de Grèce par le célèbre Cardinal Bessa-rion, et le douze Avril de cette même année, Dimanche des Rameaux, l'héroïque Pape Pie II l'alla chercher en grande pompe jusqu'au Pont Milvius (Ponte Molle) et le déposa dans la Basilique de Saint-Pierre au Vatican, où il est encore aujourd'hui, près de la Confession du Prince des Apôtres. A l'aspect de ce Chef vénérable, Pie II se sentit transporté d'un enthousiasme religieux, et avant de lever un si glorieux fardeau pour l'introduire dans Rome, il prononça le magnifique discours que nous allons rapporter ici, comme un complément des éloges liturgiques que les diverses Eglises ont prodigués à saint André :


Email du XVIe. Limoges.

" Vous voici donc arrivé, Ô très saint et très vénérable Chef du saint Apôtre ! La fureur des Turcs vous a chassé de votre asile, et vous venez demander un refuge à votre frère le Prince des Apôtres. Non, ce frère ne vous fera point défaut ; et par la volonté du Seigneur, on pourra dire un jour à votre gloire : Ô heureux exil qui trouve un pareil secours ! Cependant, vous demeurerez avec votre frère, et vous partagerez ses honneurs.
 
Cette ville que vous voyez, c'est l'auguste Rome consacrée par le sang précieux de votre frère. Ce peuple qui vous entoure, c'est celui que le bienheureux Apôtre, votre frère plein de tendresse, aidé par saint Paul, le Vase d'élection, a régénéré en Jésus-Christ. Fils de votre frère, ces Romains sont vos neveux. Tous reconnaissent en vous le frère d'un père, un second père ; tous vous vénèrent, vous honorent, vous rendent hommage et s'appuient sur votre patronage en la présence du grand Dieu.

Ô très fortuné Apôtre André ! prédicateur de la vérité, défenseur de l'auguste Trinité, de quelle joie vous nous remplissez en ce moment où nous contemplons de nos yeux votre tête sacrée et vénérable, qui mérita qu'au jour de la Pentecôte, le saint
Paraclet se reposât visiblement sur elle, sous l'apparence du feu !

Ô vous, Chrétiens, qui allez à Jérusalem pour honorer le Sauveur au lieu même où ses pieds se sont posés, voici le Trône de l'Esprit- Saint ! Ici s'arrêta l'Esprit du Seigneur ; ici a été vue la troisième personne de la Trinité ; ici ont été des yeux qui souvent ont contemplé le Seigneur dans la chair. Cette bouche a fréquemment adressé la parole au Christ ; ces joues, il n'est pas douteux qu'elles n'aient plus d'une fois reçu les baisers de Jésus.
 
Ô Sanctuaire ineffable ! Ô charité ! Ô piété ! Ô douceur de l'âme ! Ô consolation de l'esprit ! Qui ne sentirait, en une telle présence, ses en- trailles s'émouvoir ? Quel cœur ne s'embraserait ? Qui ne répandrait des larmes de joie, à l'aspect des tant vénérables et précieuses reliques de l'Apôtre du Christ ? Oui, nous nous réjouissons, nous tressaillons, nous jubilons de votre arrivée, Ô très divin Apôtre André ! Car nous ne doutons pas que vous ne soyez ici accompagnant votre Chef mortel, et que vous ne fassiez avec lui votre entrée dans Rome.
 
Sans doute, nous haïssons les Turcs, ennemis de la Religion chrétienne ; mais nous ne les haïssons pas de ce qu'ils ont été la cause de votre venue parmi nous. En effet, que pouvait-il nous arriver de plus fortuné que de contempler votre très honorable Chef, et d'être embaumés de son très suave parfum ? Une seule chose nous attriste : c'est de ne pouvoir, à votre arrivée, vous rendre les honneurs dont vous êtes digne, ni vous recevoir comme le mérite votre excellente sainteté. Mais accueillez notre désir, comprenez la sincérité de notre cœur, et souffrez avec bonté que nos mains indignes touchent vos ossements, et que nous, pécheurs, vous fassions cortège dans l'enceinte de la ville.
 
Pénétrez donc dans cette sainte Cité, et soyez propice au peuple Romain. Qu'à tout le monde chrétien votre arrivée soit salutaire, votre entrée pacifique ; votre séjour au milieu de nous, heureux et fortuné. Soyez notre Avocat au ciel, et ensemble avec les bienheureux Apôtres Pierre et Paul, veillez paternellement sur tout le peuple chrétien, afin que, par votre intercession, les miséricordes de Dieu viennent sur nous ; et si nos péchés, qui sont nombreux, ont provoqué son indignation, qu'elle retombe sur les Turcs impies et sur les nations barbares qui déshonorent le Seigneur Jésus-Christ.

Amen."

C'est ainsi que la gloire de saint André est venue se confondre, dans Rome, avec celle de saint Pierre. Mais l'Apôtre de la Croix, dont la fête était autrefois décorée d'une Octave dans beaucoup d'Eglises, compte aussi parmi ses titres d'honneur celui d'avoir été choisi pour Patron de l'un des Royaumes de l'Occident : l'Ecosse, aux jours de l'unité catholique, s'était placée sous sa protection. Puisse-t-il s'en souvenir du haut du ciel, et préparer le retour de cette contrée à la véritable foi !
 

Missel à l'usage d'Autun. XVe.
 
PRIERE
 
Prions maintenant, en union avec l'Eglise, ce saint Apôtre dont le nom et la mémoire font la gloire de ce jour ; rendons-lui honneur, et demandons-lui le secours dont nous avons besoin :

" C'est vous, Ô bienheureux André ! Que nous rencontrons le premier aux abords de ce chemin mystique de l'Avent où nous marcherons bientôt, cherchant notre divin Sauveur Jésus-Christ ; et nous remercions Dieu de ce qu'il a bien voulu nous ménager une telle rencontre. Quand Jésus, notre Messie, se révéla au monde, vous aviez déjà prêté une oreille docile au saint Précurseur qui annonçait son approche, et vous fûtes des premiers parmi les mortels à confesser, dans le fils de Marie, le Messie promis dans la Loi et les Prophètes. Mais vous ne voulûtes pas rester seul confident d'un si merveilleux secret, et bientôt vous fîtes part de la Bonne Nouvelle à Pierre votre frère, et vous l'amenâtes à Jésus.

Saint Apôtre, nous aussi nous désirons le Messie, le Sauveur de nos âmes ; puisque vous l'avez trouvé, daignez donc aussi nous amener à lui. Nous mettons sous votre protection cette sainte carrière d'attente et de préparation qu'il nous reste à traverser, jusqu'au jour où ce Sauveur si attendu paraîtra dans le mystère de sa merveilleuse Naissance. Aidez-nous à nous rendre dignes de le voir au milieu de cette nuit radieuse où il apparaîtra. Le baptême de la pénitence vous prépara à recevoir la grâce insigne de connaître le Verbe de vie ; obtenez-nous d'être vraiment pénitents et de purifier nos cœurs, durant ce saint temps, afin que nous puissions contempler de nos yeux Celui qui a dit : Heureux ceux qui ont le cœur pur, parce qu'ils verront Dieu.

Vous êtes puissant pour introduire les âmes auprès du Seigneur Jésus, Ô glorieux André ! Puisque celui-là même que le Seigneur devait établir Chef de tout le troupeau, fut présenté par vous à ce divin Messie. Nous ne doutons pas que le Seigneur n'ait voulu, en vous appelant à lui en ce jour, assurer votre suffrage aux chrétiens qui cherchant de nouveau, chaque année, Celui en lequel vous vivez à jamais, viennent vous demander la voie qui conduit à lui.
 

Livre d'images de Madame Marie. XIIIe.

Cette voie, vous nous l'enseignez, est la voie de la fidélité, de la fidélité jusqu'à la Croix. Vous y avez marché avec courage ; et parce que la Croix conduit à Jésus-Christ, vous avez aimé la Croix avec passion. Priez, Ô saint Apôtre ! Afin que nous comprenions cet amour de la Croix ; afin que, l'ayant compris, nous le mettions en pratique. Votre frère nous dit dans son Epître : Puisque le Christ a souffert dans la chair, armez-vous, mes frères, de cette pensée. (I Petr. IV, 1.) Vous, Ô bienheureux André ! Vous nous présentez aujourd'hui le commentaire vivant de cette maxime. Parce que votre Maître a été crucifié, vous avez voulu l'être aussi. Du haut de ce trône où vous vous êtes élevé par la Croix, priez donc, afin que la Croix soit pour nous l'expiation des péchés qui nous couvrent, l'extinction des flammes mondaines qui nous brûlent, enfin, le moyen de nous unir par l'amour à Celui que son amour seul y a attaché.

Mais, quelque importantes et précieuses que soient pour nous les leçons de la Croix, souvenez-vous, Ô grand Apôtre ! Que la Croix est la consommation, et non le principe. C'est le Dieu enfant, c'est le Dieu de la crèche qu'il nous faut d'abord connaître et goûter ; c'est l'Agneau de Dieu que vous désigna saint Jean, c'est cet Agneau que nous avons soif de contempler. Le temps qui va s'ouvrir est celui de l'Avent, et non celui de la dure Passion du Rédempteur. Fortifiez donc notre cœur pour le jour du combat; mais ouvrez-le en ce moment à la componction et à la tendresse. Nous plaçons sous votre patronage le grand œuvre de notre préparation à l'Avènement du Christ en nos cœurs.

Souvenez-vous aussi, bienheureux André, de la sainte Eglise dont vous êtes une des colonnes, et que vous avez arrosée de votre sang ; levez vos mains puissantes pour elle, en présence de Celui pour lequel elle milite sans cesse. Demandez que la Croix qu'elle porte en traversant ce monde soit allégée, et priez aussi afin qu'elle aime cette Croix, et qu'elle y puise sa force et son véritable honneur. Souvenez-vous en particulier de la sainte Eglise Romaine, Mère et Maîtresse de toutes les autres, et lui obtenez la victoire et la paix par la Croix, à cause du tendre amour qu'elle vous porte. Visitez de nouveau, dans votre Apostolat, l'Eglise de Constantinople, qui a perdu la vraie lumière avec l'unité, parce qu'elle n'a pas voulu rendre hommage à Pierre, votre frère, que vous avez honoré comme votre Chef, pour l'amour de votre commun Maître. Enfin, priez pour le royaume d'Ecosse, qui depuis trois siècles a oublié votre douce tutelle ; obtenez que les jours de l'erreur soient abrégés, et que cette moitié de l'Ile des Saints rentre bientôt, avec l'autre, sous la houlette de l'unique Pasteur."

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mercredi, 29 novembre 2023

29 novembre. Saint Sernin (Saturnin), évêque de Toulouse et martyr. Ier s. Vigile de saint André, apôtre. Ier.

- Saint Sernin ou Saturnin, évêque de Toulouse et martyr. Ier siècle. Vigile de saint André, apôtre. Ier.

Pape : Saint Anaclet. Emepreur romain : Titus.

" Celui qui a goûté véritablement les biens célestes, ne trouve plus rien à aimer sur la terre."
Saint Jean Chrysostome.


Eglise Saint-Saturnin de Gentilly. Île-de-France.

Saint Saturnin (connu aussi à Toulouse sous le nom de saint Sernin) était fils de prince et d'origine grecque. On croit qu'attiré d'abord par la réputation de saint Jean-Baptiste, il fut ensuite l'un des soixante-douze disciples du Sauveur et eut le bonheur d'être témoin de la plupart des faits de sa vie, ainsi que de Sa Résurrection et de Son Ascension.


Confrérie de Saint-Saturnin. Estampe du XIXe.

Après la Pentecôte et après avoir quitté l'influence satanique de Simon le magicien qu'il avait un temps suivi, il accompagna souvent saint Pierre dans ses courses apostoliques, puis fut envoyé par lui dans les Gaules, en qualité d'évêque. Chemin faisant, il prêchait l'Évangile, fondait des chrétientés et détruisait l'empire du démon. À Arles et à Nîmes, il obtint de grands succès. À Carcassonne, il fut emprisonné pour Jésus-Christ, mais délivré par un ange. À Toulouse, une femme lépreuse fut guérie en sortant de la piscine baptismale, et ce prodige fut suivie de la conversion d'une bonne partie de la cité. De toutes parts on apportait au Saint des malades, il les guérissait par le signe de la Croix.


Saint Saturnin. Eglise Saint-Denis-Saint-Nicolas.
Tramezaïgues. Haute-Pyrénées.

Saturnin prêcha encore à Auch, puis à Pampelune, en Espagne; mais il revint à Toulouse, centre de son apostolat, qu'il devait arroser de son sang. Là, les dieux ne rendaient plus d'oracles. Les prêtres païens se concertèrent :
" Si on laisse cet homme prêcher son Christ, dirent-ils, c'en est fait de notre culte."
Saturnin vient à passer. La foule, ameutée par les prêtres, se saisit de lui; on lui crie :
" Sacrifiez à nos dieux, ou malheur à vous !"
Pour toute réponse, Saturnin prêche Jésus-Christ. Dieu même confirme Sa doctrine par un éclatant miracle, car au même moment les idoles du temple tombent de leur piédestal et se brisent. À cette vue, la rage des païens ne se contient plus.


Martyre de saint Saturnin. Legenda aurea. Bx. J. de Voragine.
Mâcon. XVe.

Il y avait au Capitole un taureau sauvage amené pour être immolé en sacrifice ; on entoure son corps d'une grosse corde au bout de laquelle on attache le saint évêque par les pieds ; puis l'animal est lâché et frappé à coups d'aiguillons ; il se précipite, entraînant sa victime, dont le crâne est fracassé sur les marches du temple.

Le taureau, poursuivant sa course effrénée à travers les rues, réduit en lambeaux le corps du martyr, jusqu'à ce qu'enfin la corde se brise et la victime reste étendue sans vie sur le chemin. C'est à cet endroit que s'élève aujourd'hui l'église qui, en souvenir, porte le nom de Notre-Dame-du-Taur. Le tombeau de l'apôtre de Toulouse est devenu célèbre par la dévotion populaire et par de nombreux prodiges.


Martyre de saint Saturnin. Legenda aurea. Bx. J. de Voragine.
Jacques de Besançon. XVe.

Vigile de saint André, apôtre, saint Saturnin.

Noël apparaît à l'horizon. Le dernier Dimanche après la Pentecôte a clos pour nous les enseignements du Cycle mobile. Depuis déjà le XXVII de ce mois, les jours appartiennent selon les années au Cycle naissant ou à celui qui expire.

La dernière Leçon de l'Ecriture du Temps (au samedi précédant l'Avent) se termine par la déclaration solennelle du dernier des Prophètes, annonçant les temps nouveaux : " Du lever du soleil à son couchant, mon Nom est grand chez les nations, dit le Seigneur des armées, et en tout lieu s'offre à mon Nom le sacrifice d'une oblation pure " (Malach. I, II.).


Basilique Saint-Sernin. Toulouse.

Faisant écho à Malachie, et rejoignant les temps aux temps, Jean-Baptiste s'écrie dans l'Evangile du jour : " Voici l’Agneau de Dieu !"
Et il nous montre tout près de nous déjà le Messie (Evangile de la Vigile de saint André, Johan. I, 36.).

A la demande qu'André, frère de Pierre, et un autre disciple de Jean lui adressent : Maître, où habitez-vous ? Jésus répond : Venez et voyez. Et ils vinrent, poursuit en son Evangile le disciple bien-aimé, et ils virent où il demeurait, et ils demeurèrent chez lui ce jour-là (Ibid. 38, 39.).


Eglise Notre-Dame du Taur. Jusqu'au Ve siècle,
les reliques de saint Saturnin y furent conservées. Toulouse.

Sur quoi saint Augustin nous dit en cette Vigile, au nom de notre Mère l'Eglise :
" Elevons-lui une demeure dans nos cœurs, pour qu'il y vienne, et qu'il nous enseigne, et qu'il vive avec nous (Homilia Vigiliae, ex Aug. Tract. VII in Johan.)."
C'est tout l'Avent qui se dessine.

Mettons-en la saison bénie sous la protection de l'Apôtre de la Croix, et du saint Martyr que l'Eglise honore de temps immémorial en ce jour.

ORAISON

" Dieu tout-puissant, nous vous en supplions : puisse le bienheureux Apôtre André, dont nous prévenons la fête, implorer pour nous votre secours ; afin qu'absous de nos péchés, nous soyons aussi délivrés de toute crainte. Par Jésus-Christ."


Sarcophage de saint Sernin (saint Saturnin). Abbaye Saint-Hilaire.
Saint-Hilaire. On y conserva un temps les restes de notre saint. Aude.

ORAISON

" Dieu qui nous donnez de jouir du jour natal du bienheureux Saturnin, votre Martyr : accordez-nous d'éprouver l'aide de ses mérites. Par Jésus-Christ."


Martyre de saint Saturnin. Legenda aurea.
Bx. J. de Voragine. Richard de Montbaston. XIVe.

Rq : A propos de l'identité et du siècle ou saint Saturnin vécut et souffrit le martyre, la majorité des spécialistes contemporains de l'hagiographie concluent aujourd'hui dans le même sens que la tradition et que les plus rigoureux compilateurs des siècles passés. Saint Saturnin a bien vécut au Ier siècle et c'est bien en ce siècle qu'il fut évêque de Toulouse.

On lira cette traduction de la passion de saint Saturnin :

http://www.societes-savantes-toulouse.asso.fr/samf/memoir...

Une tradition digne d'être reçue avec sérieux met saint Saturnin au nombre des 72 disciples que Notre Seigneur se choisit après Sa résurection. On lira avec fruit Les hommes illustres de la primitive Eglise de M. l'abbé Maistre pages 446 à 450 du tome II : http://www.liberius.net/livre.php?id_livre=83

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mardi, 28 novembre 2023

28 novembre. Saint Jacques de la Marche, Franciscain. 1476.

- Saint Jacques de la Marche, Franciscain. 1476.

Pape : Sixte IV. Roi de France : Louis XI. Empereur romain germanique : Frédéric III de Habsbourg. Roi d'Aragon, de Castille, de Léon, de Naples, etc. : Ferdinand II d'Aragon.

" Le trésor des vertus doit être enfermé dans l'arche du coeur avec la clef de l'humilité."
Saint Bonaventure.


Saint Jacques de la Marche. Francisco de Zurbaran. XVIIe.

Ce grand religieux était originaire de la Marche d'Ancône ; il naquit à Mont-Brandon en 1386. Son berceau fut entouré d'une vive lumière qui présageait d'une manière évidente son glorieux avenir. Quand il fut en âge de choisir un état de vie, sa première pensée fut de se faire Chartreux : mais quelques relations qu'il eut avec les Franciscains le décidèrent à entrer dans leur Ordre. Il fut, dès son noviciat, le modèle des vertus héroïques. Il ne donnait que trois heures au sommeil et passait le reste de la nuit à prier au pied du crucifix, pendant que des larmes inondaient son visage.

C'est dans la méditation des souffrances de son Sauveur qu'il puisa cette énergie surhumaine dont il montra de si beaux exemples durant ses courses apostoliques. Jamais il ne mangeait de viande ; un peu de pain et quelques herbes étaient sa nourriture. Tous les jours il se donnait la discipline jusqu'au sang, et, pendant dix-huit ans, il porta sur sa chair nue un cilice avec une cotte de mailles armée de pointes de fer aiguës. Telle fut la préparation de l'apôtre.

Réception de saint Jacques de la Marche dans l'Ordre de
Saint-François. Cesare Peruzzi di Montelupone. 1926.

Ces austérités lui ruinèrent tellement la santé qu'il se vit atteint de quatorze maladies différentes, toutes très douloureuse, comme la pierre, la goutte, le mal d'estomac, etc. Mais il endurait tous ces maux avec une patience héroïque, sans s'exempter pour cela de dire la messe, ni d'assister au choeur, ni de réciter la couronne de Notre-Dame, ni de faire ses autres exercices de dévotion et même de pratiquer les pénitences qui les luia vaient causés. La seule peine qu'il ressentait, c'était de ne pouvoir s'appliquer à la prédication, qui était l'unique emploi qu'il désirait dans son Ordre. Il alla pour cela à Notre-Dame de Lorette, y célébra les saints mystères, et, après la consécration, cette puissante avocate lui apparut et l'assura que sa prière avait été exaucée.


Saint Jacques de la Marche. Couvent Saint-Jacques apôtre.
La Romita. Italie. XVIe.

En effet, il prêcha depuis avec tant de ferveur et d'onction, qu'il ne montait jamais en chaire sans toucher les coeurs les plus endurcis et sans faire des conversions insignes et toutes miraculeuses ?

Prêchant un jour à Milan sur saint Marie-Magdeleine, il parla si fortement contre le vice de l'impureté, qu'à la fin de son sermon trente-six courtisanes renoncèrent à leur infâme commerce et résolurent de mener une vie pénitente.

Son ardeur et le poids décisif de ses paroles firent qu'il fut associé à saint Jean de Capistran pour prêcher la croisade contre les Turcs, qui, étant devenus les maîtres de Constantinople, remplissaient de terreur toute la chrétienté.


Saint Jacques prêchant. E. Tegli. XVIIIe.

Il eut d'immenses succès, en Allemagne, contre les hérétiques ; dans une seule ville, deux cents jeunes gens, entraînés par ses exemples embrassèrent la vie religieuse. Une fois, les hérétiques tentèrent de l'empoisonner ; mais voyant le plat se briser, au seul signe de la Croix fait par le Saint, ils s'écrièrent : " Le doigt de Dieu est là !", et ils se convertirent.

Il consacra près de treize ans à parcourir les provinces du Nord, en trois différents voyages qu'il fit par les ordres d'Eugène IV, de Nicolas V et de Calixte III. Il alla entre autres en Allemagne, en Dalmatie, en Pologne, en Norvège et en Danemark. Dans ce pays, il administra le Baptême à deux cent mille personnes.

La Bohème était la proie de l'hérésie. A Prague, les hérétiques, pleins d'admiration pour l'éloquence de l'apôtre, lui promirent de se convertir s'il faisait un miracle. Après avoir invoqué Dieu et fait le signe de la Croix, il avala un breuvage empoisonné sans en ressentir aucun mauvais effet.


Saint Jacques de la Marche entrant à Prague avec
l'empereur Sigismond. Cesare Peruzzi. 1926.

Callixte III le rappela un temps pour en faire l'inquisiteur général contre les hérésies qui nâvraient une partie de l'Italie, et en particulier celle de ceux que l'on appelaient les Frérots, qui, sous le masque de la piété, enseignaient une doctrine très perverse et proche du manichéïsme. Il s'acquitta avec succès de cette fonction et une foule de personnes, touchées par ses paroles, convaincues par les miracles que Notre Seigneur faisait par son intercession, détestèrent leurs erreurs et rentrèrent dans le sein de l'Eglise.

Un jour, ayant affaire à un batelier qui refusait de lui faire traverser le Pô, Jacques n'hésita pas, étendit son manteau sur le fleuve et vogua heureusement vers l'autre rive.


La tentative d'attentat sur saint Jacques de la Marche. E. Tegli. XVIIIe.

Un autre jour qu'il avait combattu avec véhémence le vice de l'impureté, un auditeur, qui s'était cru visé personnellement, alla se poster sur son passage, dans un sanctuaire dédié à Marie, pour l'assassiner ; mais il entendit une voix irritée qui lui cria :
" Malheureux ! Que fais-tu en Ma présence ? Tu veux faire mourir Mon serviteur et le serviteur de Mon Fils !"
Le coupable, demi-mort de peur, renonça à son criminel dessein.
L'un des prodiges les plus étonnants de l'illustre apôtre fut la découverte et la résurrection d'un enfant assassiné par un juif et coupé en morceaux.


Notre Dame approuve les écrits de saint Jacques de la Marche sur
l'Immaculée Conception. Atanasio Favini. XVIIIe.

Après avoir parcouru une partie de l'Italie, il arriva enfin à Rome, où il fut honorablement reçu par le pape Paul II, qui avait succéder à Calixte III et à Pie II.

Dans une visite qu'il fit au cardinal de Savone, qui avait été génral de son Ordre, comme il parlait d'un traité qu'il avait fait sur la Conception de Jésus-Christ, une imege de la sainte Voerge Marie baissa la tête à la vue de tous les assistants, pour témoignange de la vérité de tout ce qu'il avait écrit sur le sujet.

Ayant le don de prophétie, il prédit au cardinal de Savone qu'il serait élevé au souverain Pontificat ; ce qui arriva bientôt après, car François de Savone succéda à Paul II sous le nom de Sixte IV.

Saint Jacques de la Marche présente ses travaux sur l'Immaculée
Conception au cardinal de Savone. Une image de la très sainte
Vierge Marie les approuve... Alessandro Ricci. XVIIIe.

La réputation d'un si saint homme fit que Ferdinand, roi de Naples, souhaita de le posséder dans ses états. Il le fit donc prier par le duc de Calabre, son fils, de s'y transporter ; et, sur ce qu'il s'en excusa, à cause de son âge et de ses infirmités, il eut recours au pape, à qui il savait bien que notre saint ne manquerait pas d'obéir.

Lorsqu'il fut à Naples, il eut la révélation qu'il y finirait ses jours. Il ne se retira pas au couvent de l'Observance de la ville, appelé Notre-Dame la Neuve, de peur d'y être accablé de visites, mais à celui qui est hors de la ville, où il espérait trouver un peu plus de solitude. Il n'en sortait que pour aller travailler au salut des âmes par la prédication et par les autres fonctions évangéliques. Il fit plusieurs miracles dans ce royaume. On dit même qu'il délivra le roi de la mort et qu'il guérit le duc de Calabre d'une maladie dangereuse.


Mort de saint Jacques.E. Tegli. XVIIIe.

Enfin, étant âgé de 90 ans, dont il avait passé 70 dans l'observance inviolable de sa Règle, il fut violemment attaqué d'une maladie à laquelle il était sujet, et, après en avoir souffert quelques jours les douleurs aigües avec une patience invincible et s'être muni des sacrements de l'Eglise, il perdit tout à coup ses forces dans des transports d'amour par lesquels tout son corps semblait se vouloir élancer vers le ciel. Ce fut au milieu de ces efforts dignes d'une âme déjà toute céleste qu'il rendit son esprit à Dieu le 28 novembre 1476.


Saint Jacques de la Marche. Giovanni Francesco Guerrieri. XVIIe.

Saint Jacques de la Marche est représenté :
1. en tenant un calice où se voit un serpent ou dragon, pour indiquer qu'il fut préservé des atteintes d'un breuvage empoisonné ;
2. discutant avec un le cardinal de Savone sur le mystère de l'Incarnation.

CULTE ET RELIQUES

Son corps, qui était demeuré plusieurs jours aussi beau, aussi éclatant et aussi vermeil que s'il avait été peint, fut enfin enterré à Naples, dans l'église Sainte-Marie la Neuve ; mais quelque temps après, il fut levé de terre et exposé à la vénération des fidèles par la permission du pape Sixte IV.

La ville de Naples l'a mis au nombre de ses saints patrons, et Urbain VIII a accordé à tout l'Ordre de saint François d'en faire l'office comme d'un bienheureux confesseur.


La chapelle Saint-Jacques où se conserve son corps incorrompu.
Monteprandone. Marche d'Ancône.

Il s'est fait beaucoup de miracles, non seulement à son tombeau, mais aussi en divers lieux, par le mérite de son intercession. Des possédés ont été délivrés, des malades guéris, des aveugles illuminés, et même des morts ressuscités.

L'an 1631, le mont Vésuve ayant jeté des flammes qui menaçaient la ville de Naples d'un incendie général, des foules considérables virent en l'air, par deux fois, ce bienheureux vieillard repousser ce feu dévorant et protéger la ville d'un si grand danger [nous rappelons au(x) sceptique(s) qu'à l'occasion des apparitions de Notre Dame à Fatima, une foule considérable de plus de dix milles personnes vit le soleil danser dans le ciel].


Le corps incorrompu de saint Jacques de la Marche. Sanctuaire
Saint-Jacques de la Marche. Monteprandone. Marche d'Ancône.

Il fut canonisé en 1726 par Benoît XIII, qui avait été témoin occulaire d'un miracle opéré par son intercession.

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jeudi, 02 février 2023

2 janvier 2023. Saint Nom de Jésus.

- Le Saint Nom de Jésus.


Gérard David. XVe.

Le troisième Mystère de l'Epiphanie nous montre la consommation des plans de la divine miséricorde sur le monde, en même temps qu'il nous manifeste une troisième fois la gloire de l'Emmanuel. L'Etoile a conduit l'âme à la foi, l'Eau sanctifiée du Jourdain lui a conféré la pureté, le Festin Nuptial l'unit à son Dieu. Nous avons chanté l'Epoux sortant radieux au-devant de l'Epouse ; nous l'avons entendu l'appeler des sommets du Liban ; maintenant qu'il l'a éclairée et purifiée, il veut l'enivrer du vin de son amour.

Un festin est préparé, un festin nuptial ; la Mère de Jésus y assiste ; car, après avoir coopéré au mystère de l'Incarnation du Verbe, il convient qu'elle soit associée à toutes les œuvres de son Fils, à toutes les faveurs qu'il prodigue à ses élus. Mais, au milieu de ce festin, le vin vient à manquer. Jusqu'alors la Gentilité n'avait point connu le doux vin de la Charité ; la Synagogue n'avait produit que des raisins sauvages. Le Christ est la vraie Vigne, comme il le dit lui-même. Lui seul pouvait donner ce vin qui réjouit le cœur de l'homme (Psalm. CIII.), et nous présenter à boire de ce calice enivrant qu'avait chanté David. (Psalm. XXII.).

Marie dit au Sauveur : " Ils n'ont point de vin ". C'est à la Mère de Dieu de lui représenter les besoins des hommes, dont elle est aussi la mère. Cependant, Jésus lui répond avec une apparente sécheresse :
" Femme, qu'importe à moi et à vous ? Mon heure n'est pas encore venue."
C'est que, dans ce grand Mystère, il allait agir, non plus comme Fils de Marie, mais comme Fils de Dieu. Plus tard, à une heure qui doit venir, il apparaîtra aux yeux de cette même Mère, expirant sur la croix, selon cette humanité qu'il avait reçue d'elle. Marie a compris tout d'abord l'intention divine de son Fils, et elle profère ces paroles qu'elle répète sans cesse à tous ses enfants :
" Faites ce qu'il vous dira."


Les noces de Cana. Benvenuto Tisi da Garofalo. XVIe.

Or, il y avait là six grands vases de pierre, et ils étaient vides. Le monde, en effet, était parvenu à son sixième âge, comme l'enseignent saint Augustin et les autres docteurs après lui. Durant ces six âges, la terre attendait son Sauveur, qui devait l'instruire et la sauver. Jésus commande de remplir d'eau ces vases ; mais l'eau ne convient pas pour le festin de l'Epoux. Les figures, les prophéties de l'ancien monde étaient cette eau ; et nul homme, jusqu'à l'ouverture du septième âge, où le Christ, qui est la Vigne, devait se communiquer, n'avait contracté l'alliance avec le Verbe divin.

Mais lorsque l'Emmanuel est venu, il n'a qu'une parole à dire : « Puisez maintenant. Le vin de la nouvelle Alliance, ce vin qui avait été réservé pour la fin, remplit seul maintenant les vases. En prenant notre nature humaine, nature faible comme l'eau, il en a ménagé la transformation ; il l'a élevée jusqu'à lui, nous rendant participants de la nature divine (II Petr. IV, 1) ; il nous a rendus capables de contracter l'union avec lui, de former ce seul corps dont il est le Chef, cette Eglise dont il est l'Epoux, et qu'il aimait de toute éternité d'un si ardent amour, qu'il est descendu du ciel pour célébrer ces noces avec elle.

" Ô sort admirable que le nôtre ! Dieu a daigné, comme dit l'Apôtre, montrer les richesses de sa gloire sur des vases de miséricorde " (Rom. IX,23). Les urnes de Cana, figures de nos âmes, étaient insensibles, et nullement destinées à tant d'honneur. Jésus ordonne à ses ministres d'y verser l'eau ; et déjà, par cette eau, il les purifie ; mais il pense n'avoir rien fait encore tant qu'il ne les a pas remplies jusqu'au haut de ce vin céleste et nouveau, qui ne devait se boire qu'au royaume de son Père. Ainsi la divine charité, qui réside dans le Sacrement d'amour, nous est-elle communiquée ; et pour ne pas déroger à sa gloire, l'Emmanuel, qui veut épouser nos âmes, les élève jusqu'à lui. Préparons-les donc pour cette union ; et, selon le conseil de l'Apôtre, rendons-les semblables à cette Vierge pure qui est destinée à un Epoux sans tache. (II Cor. XI.).


Alessandro Boticelli. XVIe.

Saint Matthieu, Evangéliste de l'humanité du Sauveur, a reçu de l'Esprit-Saint la charge de nous annoncer le mystère de la foi par l'Etoile ; saint Luc, Evangéliste du Sacerdoce, a été choisi pour nous instruire du mystère delà Purification par les Eaux ; il appartenait au Disciple bien-aimé de nous révéler le mystère des Noces divines. C'est pourquoi, suggérant à la sainte Eglise l'intention de ce troisième mystère, il se sert de cette expression : Ce fut le premier des miracles de Jésus, et il y manifesta sa gloire. A Bethléhem, l'Or et l'Encens des Mages prophétisèrent la divinité et la royauté cachées de l'Enfant ; sur le Jourdain, la descente de l'Esprit-Saint, la voix du Père, proclamèrent Fils de Dieu l'artisan de Nazareth ; à Cana, Jésus agit lui-même et il agit en Dieu : " car, dit saint Augustin, Celui qui transforma l'eau en vin dans les vases ne pouvait être que Celui-là même qui, chaque année, opère un prodige semblable dans la vigne ". Aussi, de ce moment, comme le remarque saint Jean, " ses Disciples crurent en lui ", et le collège apostolique commença à se former.

Nous ne devons donc pas nous étonner que, dans ces derniers temps, l'Eglise, enivrée des douceurs du festin de l'Emmanuel, et voulant accroître la joie et la solennité de ce jour, l'ait choisi de préférence à tout autre pour recevoir la glorieuse mémoire du très saint Nom de Jésus. C'est au jour nuptial que le nom de l'Epoux devient propre à l'Epouse : ce nom désormais témoignera qu'elle est à lui. Elle a donc voulu l'honorer d'un culte spécial, et unir ce cher souvenir à celui des Noces divines.

L'ancienne alliance avait environné le Nom de Dieu d'une terreur profonde : ce nom était pour elle aussi formidable que saint, et l'honneur de le proférer n'appartenait pas à tous les enfants d'Israël. Dieu n'avait pas encore été vu sur la terre, conversant avec les hommes ; il ne s'était pas encore fait homme lui-même pour s'unir à notre faible nature : nous ne pouvions donc lui donner ce Nom d'amour et de tendresse que l'Epouse donne à l'Epoux.


Diego Velasquez. XVIIe.

Mais quand la plénitude des temps est arrivée, quand le mystère d'amour est sur le point d'apparaître, le Nom de Jésus descend d'abord du ciel, comme un avant-goût de la présence du Seigneur qui doit le porter. L'Archange dit à Marie : " Vous lui donnerez le Nom de Jésus " ; or, Jésus veut dire Sauveur. Que ce Nom sera doux à prononcer à l'homme qui était perdu ! Combien ce seul Nom rapproche déjà le ciel de la terre ! En est-il un plus aimable, un plus puissant ? Si, à ce Nom divin, tout genou doit fléchir au ciel, sur la terre et dans les enfers, est-il un cœur qui ne s'émeuve d'amour à l'entendre prononcer ? Mais laissons raconter à saint Bernard la puissance et la douceur de ce Nom béni. Voici comme il s'exprime, à ce sujet, dans son XVe Sermon sur les Cantiques :

" Le Nom de l'Epoux est une lumière, une nourriture, un remède. Il éclaire, quand on le publie ; il nourrit, quand on y pense à part soi ; et quand on l'invoque dedans la tribulation, il procure l'adoucissement et l'onction. Parcourons, s'il vous plaît, chacune de ces qualités. D'où pensez-vous qu'ait pu se répandre, par tout l'univers, cette si grande et si soudaine lumière de la Foi, si ce n'est de la prédication du Nom de Jésus ? N'est-ce pas par la lumière de ce Nom béni, que Dieu nous a appelés en son admirable lumière ? De laquelle étant illuminés, et voyant en cette lumière une autre lumière, nous oyons saint Paul nous dire à bon droit : Vous avez été jadis ténèbres ; mais maintenant vous êtes lumière dans le Seigneur.


Bramanti. XVe.

Or, le Nom de Jésus n'est pas seulement lumière ; mais encore, il est nourriture. N'êtes-vous donc pas confortés, toutes fois et quantes que vous rappelez à votre cœur ce doux Nom ? Qu'est-il au monde qui nourrisse autant l'esprit de celui qui pense à lui ? Qu'est-ce qui, de la même sorte, répare les sens affaiblis, donne de l'énergie aux vertus, fait florir les bonnes mœurs, et entretient les honnêtes et chastes affections ? Toute nourriture de l'âme est sèche, si elle n'est détrempée de cette huile ; elle est insipide, si elle n'est assaisonnée de ce sel.

Quand vous m'écrivez, votre récit n'a pour moi nulle saveur, si je n'y lis le Nom de Jésus. Lorsque vous disputez ou conférez avec moi, le conteste n'a pour moi aucun intérêt, si je n'y entends résonner le Nom de Jésus. Jésus est un miel à ma bouche, une mélodie à mon oreille, une jubilation à mon cœur ; oui même, outre ce, une médecine bienfaisante. L'un de vous est-il triste ? Que Jésus vienne en son cœur ; que de là il passe en sa bouche, et incontinent, à la venue de ce divin Nom qui est une vraie lumière, tout nuage s'enfuit, la sérénité revient. Quelqu'un tombe-t-il dans le crime ; voire même, court-il, en se désespérant, au lacs de la mort ? S'il invoque le Nom de Jésus, ne recommencera-t-il pas de suite à respirer et à vivre ? Qui jamais oncques demeura dedans l'endurcissement du cœur, comme font tant d'autres, ou bien dedans la torpeur de la fétardie, la rancune, ou la langueur de l'ennui ? Quel est celui qui, par aventure, ayant à sec la source des larmes, ne l'ait sentie soudainement couler plus abondante et plus suave, sitôt que Jésus a été invoqué ? Quel est l'homme qui, palpitant et s'alarmant, au fort des périls, puis venant à invoquer ce Nom de vaillance, n'a pas senti tout aussitôt naître en soi la confiance et fuir la crainte ? Quel est celui, je vous le demande, qui, ballotté et flottant à la merci des doutes, n'a pas, sur-le-champ, je le dis sans balancer, vu reluire la certitude, à l'invocation d'un Nom si éclatant ? Qui est-ce qui, durant l'adversité, écoutant la méfiance, n'a pas repris courage, au seul son de ce Nom de bon secours ? Par effet, ce sont là les maladies et langueurs de l'âme, et il en est le remède.


Fabriano da Gentile. XIVe.

Certes, et je puis vous le prouver par ces paroles : Invoque-moi, dit le Seigneur, au jour de la tribulation, et je t'en tirerai, et tu m’honoreras. Rien au monde n'arrête si bien l'impétuosité de la colère, et n'accoise pareillement l'enflure de la superbe. Rien aussi parfaitement ne guarit les plaies de la tristesse, comprime les débordements de la paillardise, éteint la flamme de la convoitise, étanche la soif de l'avarice, et bannit toutes les démangeaisons des passions déshonnêtes. De vrai, quand je nomme Jésus, je me propose un homme débonnaire et humble de cœur, bénin, sobre, chaste, miséricordieux, et, en un mot, brillant de toute pureté et sainteté. C'est Dieu lui-même tout-puissant qui me guérit par son exemple, et me renforce par son assistance. Toutes ces choses retentissent à mon cœur, lorsque j'entends sonner le Nom de Jésus. Ainsi, en tant qu'il est homme, j'en tire des exemples, pour les imiter ; et en tant qu'il est le Tout-Puissant, j'en tire un secours assuré. Je me sers desdits exemples comme d'herbes médicinales, et du secours comme d'un instrument pour les broyer, et j'en fais une mixtion telle que nul médecin n'en saurait faire de semblable.

Ô mon âme ! Tu as un antidote excellent, caché comme en un vase, dans ce Nom de Jésus ! Jésus, pour le certain, est un Nom salutaire et un remède qui jamais oneques ne se trouvera inefficace pour aucune maladie. Qu'il soit toujours en votre sein, toujours à votre main : si bien que tous vos sentiments et vos actes soient dirigés vers Jésus."

Telle est donc la force et la suavité du très saint Nom de Jésus, qui fut imposé à l'Emmanuel le jour de sa Circoncision ; mais, comme le jour de l'Octave de Noël est déjà consacré à célébrer la divine Maternité, et que le mystère du Nom de l'Agneau demandait à lui seul une solennité propre, la fête d'aujourd'hui a été instituée. Son premier promoteur fut, au XVe siècle, saint Bernardin de Sienne, qui établit et propagea l'usage de représenter, entouré de rayons, le saint Nom de Jésus, réduit à ses trois premières lettres IHS, réunies en monogramme. Cette dévotion se répandit rapidement en Italie, et fut encouragée par l'illustre saint Jean de Capistran, de l'Ordre des Frères Mineurs, comme saint Bernardin de Sienne. Le Siège Apostolique approuva solennellement cet hommage au Nom du Sauveur des hommes ; et, dans les premières années du XVIe siècle, Clément VII, après de longues instances, accorda à tout l'Ordre de saint François le privilège de célébrer une fête spéciale en l'honneur du très saint Nom de Jésus.


Eugenio Cajes. XVIe.

Rome étendit successivement cette faveur à diverses Eglises ; mais le moment devait venir où le Cycle universel en serait enrichi lui-même. Ce fut en 1721, sur la demande de Charles VI, Empereur d'Allemagne, que le Pape Innocent XIII décréta que la Fête du très saint Nom de Jésus serait célébrée dans l'Eglise entière, et il la fixa au deuxième Dimanche après l'Epiphanie, dont elle complète si merveilleusement les mystères.

A LA MESSE

Dès l'Introït, l'Eglise annonce la gloire du Nom de son Epoux. Ciel, terre, abîme, tressaillez au bruit de ce Nom adorable ; car le Fils de l'Homme qui le porte est aussi le Fils de Dieu.

" Au Nom de Jésus, que tout genou fléchisse, au ciel, sur la terre et dans les enfers ; et que toute langue confesse que le Seigneur Jésus-Christ est dans la gloire de Dieu le Père."

Ps. " Seigneur, notre Seigneur, que votre Nom est admirable par toute la terre ! Gloire au Père. Au Nom de Jésus."

EPÎTRE

Lecture des Actes des Apôtres. Chap. IV.


Dieric Bouts. XVe.

" En ces jours-là, Pierre, rempli du Saint-Esprit, dit : Princes du peuple et anciens, écoutez : puisque aujourd'hui nous sommes appelés en jugement pour un bienfait à l'égard d'un homme infirme, qui a été guéri par nous, sachez, vous tous, et tout le peuple d'Israël, que c'est au Nom de notre Seigneur Jésus-Christ, le Nazaréen, crucifié par vous, et ressuscité par Dieu d'entre les morts, que cet homme est devant vous en santé. Jésus est la pierre rejetée par vous qui bâtissez, laquelle est devenue la principale pierre de l'angle; et il n'y a pas de salut dans un autre que lui. Car il n'a point été donné aux hommes, sous le ciel, un autre nom dans lequel nous puissions être sauvés."

Nous le savons, Ô Jésus ! Nul autre nom que le vôtre ne pouvait nous donner le salut : ce Nom, en effet, signifie Sauveur. Soyez béni d'avoir daigné l'accepter; soyez béni de nous avoir sauvés ! Cette alliance ineffable que vous nous annoncez aujourd'hui dans les Noces mystérieuses, est tout entière exprimée dans votre doux et admirable Nom. Vous êtes du ciel, et vous prenez un nom de la terre, un nom qu'une bouche mortelle peut prononcer; vous unissez donc pour jamais la divine et l'humaine nature. Oh! rendez-nous dignes d'une si sublime alliance, et ne permettez pas qu'il nous arrivé jamais de la rompre.

EVANGILE

La suite du saint Evangile selon saint Luc. Chap. II. :


Alessandro Boticelli. XVIe.

" En ce temps-là, le huitième jour étant venu, auquel l'Enfant devait être circoncis, on lui donna le Nom de Jésus, qui était le Nom que l'Ange lui avait donné, avant qu'il fût conçu dans le sein de sa mère."

C’est au moment de la première effusion de votre sang dans la Circoncision, Ô Jésus, que vous avez reçu votre Nom; et il en devait être ainsi, puisque ce nom veut dire Sauveur, et que nous ne pouvions être sauvés que par votre sang. Cette alliance fortunée que vous venez contracter avec nous vous coûtera un jour la vie ; l'anneau nuptial que vous passerez à notre doigt mortel sera trempé dans votre sang, et notre vie immortelle sera le prix de votre cruelle mort. Votre Nom sacré nous dit toutes ces choses, Ô Jésus ! Ô Sauveur ! Vous êtes la Vigne, vous nous conviez à boire votre Vin généreux, mais la céleste grappe sera durement foulée dans le pressoir de la justice du Père céleste ; et nous ne pourrons nous enivrer de son suc divin qu'après qu'elle aura été violemment détachée du cep et broyée. Que votre Nom sacré, Ô Emmanuel, nous rappelle toujours ce sublime mystère ; que son souvenir nous garde du péché, et nous rende toujours fidèles.

EVANGILE

En place de la lecture ordinaire de l'Evangile de saint Jean, l'Eglise lit, à la fin de la Messe, le passage où le même Evangéliste raconte le mystère des Noces de Cana :

La suite du saint Evangile selon saint Jean. Chap. II. :


Les noces de Cana. Gérard David. XVe.

" En ce temps-là, il se fit des noces à Cana, en Galilée, et la Mère de Jésus y était. Jésus fut aussi invité aux noces avec ses Disciples. Et le vin venant à manquer, la Mère de Jésus lui dit :
" Ils n'ont point de vin."
Et Jésus lui répondit :
" Femme, qu'importe à moi et à vous ? Mon heure n'est pas encore venue."
Sa Mère dit à ceux qui servaient :
" Faites tout ce qu'il vous dira."
Or, il y avait là six grands vases de pierre, pour servir aux purifications des Juifs, et dont chacun tenait deux ou trois mesures.
Jésus leur dit :
" Emplissez d'eau ces vases."
Et ils les remplirent jusqu'au haut.
Et Jésus leur dit :
" Puisez maintenant, et portez-en au maître d'hôtel ."
Et ils lui en portèrent. Le maître d'hôtel ayant goûté de cette eau qui avait été changée en vin, et ne sachant d'où venait ce vin, quoique les serviteurs qui avaient puisé l'eau le sussent bien, appela l'époux et lui dit :
" Tout homme sert d'abord le bon vin, et après qu'on a beaucoup bu, il en sert de moindre ; mais vous, vous avez réservé jusqu'à cette heure le bon vin."
Ce fut là le premier des miracles de Jésus, qui se fit à Cana en Galilée ; et par là, il manifesta sa gloire, et ses disciples crurent en lui."

HYMNE

" Jesu, dúlcis memória,
Dans vera córdis gáudia :
Sed super mel et ómnia
Ejus dúlcis præséntia.

Nil cánitur suávius,
Nil audítur jucúndius,
Nil cogitátur dúlcius,
Quam Jésus Déi Fílius.

Jésu, spes pæniténtibus,
Quam píus es peténtibus !
Quam bónus te quæréntibus !
Sed quid inveniéntibus ?

Nec língua válet dícere,
Nec líttera exprímere :
Expértus pótest crédere,
Quid sit Jésum dilígere.

Sis, Jésu, nóstrum gáudium,
Qui est futúrus praémium
Sit nóstra in te glória,
Per cúncta semper saécula.

Amen."


Dieric Bouts. XVe.

" Jésus ! Nom de douce souvenance, qui donne au cœur les joies véritables ; mais plus suave que le miel et toutes les douceurs, est la présence de Celui qui le porte.

Nul chant plus mélodieux, nulle parole plus agréable, nulle pensée plus douce, que Jésus, le Fils de Dieu.

Jésus ! espoir des pénitents, que vous êtes bon pour ceux qui vous implorent ! Bon pour ceux qui vous cherchent ! Mais que n'êtes-vous pas pour ceux qui vous ont trouvé !

Ni la langue ne saurait dire, ni l'écriture ne saurait exprimer ce que c'est qu'aimer Jésus; celui qui l'éprouve peut seul le croire.

Soyez notre joie, Ô Jésus, vous qui serez notre récompense : que notre gloire soit en vous, durant tous les siècles, à jamais.

Amen."
SÉQUENCE

La Séquence que nous donnons ensuite est de la composition du pieux franciscain Bernardin de Bustis, qui rédigea, sous Sixte IV, un Office et une Messe du saint Nom de Jésus :


Alessandro Boticelli. Détail. XVIe.

" Le doux Jésus de Nazareth, Roi des Juifs, gracieux, débonnaire, beau et florissant :

Pour le salut de son peuple, il a subi la mort et les tourments, pâle et livide sur la croix.

Doux Nom, doux surnom ; c'est le Nom par excellence, qui surpasse tous les noms.

Il calme les pécheurs, il réchauffé les justes, il les fortifie, il les garde contre les attaques.

Sous l'étendard de ce Roi, tu vis dans un état tranquille, et tes ennemis s'éloignent.

Le Nom de Jésus, quand on le médite, dissipe l'appareil de la guerre ; l'adversaire vaincu s'enfuit.

C'est un Nom qu'il faut révérer, un Nom redoutable aux malins esprits.

C'est un Nom de salut, une consolation singulière qui soulage les affligés.

Il nous le faut honorer, le placer dans le trésor de notre cœur, le méditer, l'aimer, mais d'un héroïque amour.

Ce Nom, Ignace l'a publié, il l'a fait retentir au milieu des tourments ; son cœur ouvert a laissé voir Jésus, écrit en caractères célestes.

Que pouvons-nous souhaiter de plus que d'avoir Jésus pour intime ? De tous il est le plus aimant, et il désire nous aimer.

Il aime avec ardeur, il aime avec constance, il aime avec fidélité, et veut secourir les siens.

Tel il a fait son Nom, qu'il puisse être pour tous le charme du cœur, l'objet excellent et principal d'un amour intime.

Les droits de la nature l'exigent: nous devons aimer de toutes nos forces celui qui nous aime, prévenir ses désirs avec empressement.

Le Nom de Jésus renferme tout bien, il résonne avec douceur, il nous vaut un trône au royaume du ciel, il réjouit notre oreille.

En lui brille la splendeur du Père, en lui éclate la beauté de sa Mère ; en lui se reflète la gloire de son Père, il fait la grandeur de ses frères.

Si donc quelqu'un veut connaître pourquoi le Nom de Jésus fait si vivement souhaiter aux justes de s'attacher à lui :

C'est que Jésus est beau dans son éclat, que sa bonté est souveraine, qu'il est doux, facile, plein de mansuétude, porté à la clémence.

Jésus est le Roi de gloire; Jésus est brillant de beauté, Jésus est plein de grâce dans ses paroles, admirable dans ses œuvres.

Jésus est fort et vaillant; Jésus est un athlète vigoureux ; Jésus est magnifique dans ses dons, il aime à les distribuer.

Jésus est tendre et compatissant, Jésus est un guide lumineux ; Jésus est rempli de délices et de la plus douce saveur.

Jésus est illustre et glorieux ; Jésus est pour tous abondant en fruits ; Jésus est la source des vertus ; aux siens il donne ses faveurs.

Le plus élevé dans les honneurs, le plus chéri dans l'amour ; toutes les gloires sont à lui.

Par sa science il connaît tout, dans son immensité il embrasse tout, par son amour il ravit les cœurs, et les retient dans ses liens.

Que ce Nom, le Nom du doux Jésus, nous soit donc toujours cher ; qu'il soit fixé dans notre cœur, et que rien ne l'en puisse arracher.

Qu'il enlève le mal du péché, qu'il inspire des chants d'allégresse, qu'il nous donne de jouir de la demeure des bienheureux !

Amen."

HYMNE


Domenico Ghirlandaio. XVe.

Nous empruntons aux anciens Missels d'Allemagne l'Hymne suivante, qui reproduit souvent les sentiments et les expressions de la Séquence de Bernardin de Bustis :

" Il est un Nom digne de tout honneur, adoré au plus haut des cieux, un Nom de gloire souveraine ; révélé à Gabriel, par lui sur terre il fut annoncé à la Mère de grâce.

Marie donne le nom de Sauveur à son Fils circoncis le huitième jour, selon la coutume de ses pères. Publié dans le monde entier, cet heureux Nom sauve ceux qui croient en lui.

En ce Nom brille la splendeur de la Trinité et de l'Unité ; il fait la joie du ciel. En ce Nom resplendit l'honneur du Père ; en ce Nom éclate la beauté de la Mère ; ce Nom fait la gloire des frères du Sauveur.

C'est là le Nom salutaire, la consolation singulière qui vient au secours des cœurs affligés. C'est le Nom qu'il nous faut honorer, bénir et louer, dans la joie constante de nos âmes.

Si on le prononce, c'est une mélodie ; si on l'invoque, c'est un doux miel ; il nous garde contre nos ennemis. Le cœur jubile, en songeant à ce Nom si formidable aux esprits de malice.

C'est le Nom plein de grâce, abondant en fruits, fécond en vertus, par-dessus tous les noms. C'est lui qui fait connaître aux hommes la face d'un Dieu toute gracieuse, remplie de beauté et d'amour.

Ce Nom est beau dans son éclat ; il est le souverain bien lui-même ; sa saveur intime est la plus douce. Tout-puissant en sa force, sublime en ses honneurs, il est le principe des délices et de la félicité.

Donc, Ô Pasteur des âmes, leur lumière incessante, Ô bon Jésus ! par votre Nom si cher, protégez-nous, et fermez sous nos pas le noir chaos des ténèbres.

Réformateur de toutes les nations humaines, Vie qui avez détruit la mort, restaurateur de la ruine qu'avaient soufferte les tribus angéliques, daignez vous donner à nous.

Amen."

samedi, 08 janvier 2011

8 janvier. IIIe jour de l'Octave de l'Epiphanie.

- IIIe jour dans l'Octave de l'Epiphanie.


Bartolo di Fredi. XIVe.

Le grand Mystère de l'Alliance du Fils de Dieu avec son Eglise universelle, représentée dans l'Epiphanie par les trois Mages, fut pressenti dans tous les siècles qui précédèrent la venue de l'Emmanuel. La voix des Patriarches et des Prophètes le fit retentir par avance ; et la Gentilité elle-même y répondit souvent par un écho fidèle.

Dès le jardin des délices, Adam innocent s'écriait, à l'aspect de la Mère des vivants sortie de son côté :
" C'est ici l'os de mes os, la chair de ma chair ; l'homme quittera son père et sa mère, et s'attachera à son épouse ; et ils seront deux dans une même chair."
La lumière de l'Esprit-Saint pénétrait alors l'âme de notre premier père; et, selon les plus profonds interprètes des mystères de l'Ecriture, Tertullien, saint Augustin, saint Jérôme, il célébrait l'Alliance du Fils de Dieu avec l'Eglise, sortie par l'eau et le sang de son côté ouvert sur la croix ; avec l'Eglise, pour l'amour de laquelle il descendit de la droite de son Père, et s'anéantissant jusqu'à la forme de serviteur, semblait avoir quitté la Jérusalem céleste, pour habiter parmi nous dans ce séjour terrestre.

Le second père du genre humain, Noé, après avoir vu l'arc de la miséricorde annonçant au ciel le retour des faveurs de Jéhovah, prophétisa sur ses trois fils l'avenir du monde. Cham avait mérité la disgrâce de son père ; Sem parut un moment le préféré : il était destiné à l'honneur de voir sortir de sa race le Sauveur de la terre ; cependant, le Patriarche, lisant dans l'avenir, s'écria :
" Dieu dilatera l'héritage de Japhet ; et il habitera sous les tentes de Sem !"
Et nous voyons peu à peu dans le cours des siècles l'ancienne alliance avec le peuple d'Israël s'affaiblir, puis se rompre; les races sémitiques chanceler, et bientôt tomber dans l'infidélité ; enfin le Seigneur embrasser toujours plus étroitement la famille de Japhet, la gentilité occidentale, si longtemps délaissée, placer à jamais dans son sein le Siège de la religion, l'établir à la tête de l'espèce humaine tout entière.

Plus tard, c'est Jéhovah lui-même qui s'adresse à Abraham, et lui prédit l'innombrable génération qui doit sortir de lui.
" Regarde le ciel, lui dit-il ; compte les étoiles, si tu peux : tel sera le nombre de tes enfants."
En effet, comme nous l'enseigne l'Apôtre, plus nombreuse devait être la famille issue de la foi du Père des croyants, que celle dont il était la source par Sara ; et tous ceux qui ont reçu la foi du Médiateur, tous ceux qui, avertis par l'Etoile, sont venus à lui comme à leur Seigneur, tous ceux-là sont les enfants d'Abraham.


Bernardino da Parenzo. XVe.

Le Mystère reparaît de nouveau dans le sein même de l'épouse d'Isaac. Elle sent avec effroi deux fils se combattre dans ses entrailles. Rébecca s'adresse au Seigneur, et il lui est répondu :
" Deux peuples sont dans ton sein ; ils s'attaqueront l'un l'autre ; le second surmontera le premier, et l'aîné servira le plus jeune."
Or, ce plus jeune, cet enfant indompté, quel est-il, selon l'enseignement de saint Léon et de l'Evêque d'Hippone, sinon ce peuple gentil qui lutte avec Juda pour avoir la lumière, et qui, simple fils de la promesse, finit par l'emporter sur le fils selon la chair ?

C'est maintenant Jacob, sur sa couche funèbre, ayant autour de lui ses douze fils, pères des douze tribus d'Israël, assignant d'une manière prophétique le rôle à chacun dans l'avenir. Le préféré est Juda ; car il sera le roi de ses frères, et de son sang glorieux sortira le Messie. Mais l'oracle finit par être aussi effrayant pour Israël, qu'il est consolant pour le genre humain tout entier.
" Juda, tu garderas le sceptre ; ta race sera une race de rois, mais seulement jusqu'au jour où viendra Celui qui doit être envoyé, Celui qui sera l'attente des Nations."

Après la sortie d'Egypte, quand le peuple d'Israël entra en possession de la terre promise, Balaam s'écriait, la face tournée vers le désert tout couvert des tentes et des pavillons de Jacob :
" Je le verrai, mais non encore ; je le contemplerai, mais plus tard. Une Etoile sortira de Jacob ; une royauté s'élèvera au milieu d'Israël." Interrogé encore par le roi infidèle, Balaam ajouta :
" Oh ! qui vivra encore quand Dieu fera ces choses ? Ils viendront d'Italie sur des galères ; ils soumettront les Assyriens ; ils dévasteront les Hébreux, et enfin ils périront eux-mêmes."
Mais quel empire remplacera cet empire de fer et de carnage ? Celui du Christ qui est l’Etoile, et qui seul est Roi à jamais.

David est inondé des pressentiments de ce grand jour. A chaque page, il célèbre la royauté de son fils selon la chair ; il nous le montre armé du sceptre, ceint de l'épée, sacré par le Père des siècles, étendant sa domination d'une mer à l'autre ; puis il amène à ses pieds les Rois de Tharsis et des îles lointaines, les Rois d'Arabie et de Saba, les Princes d'Ethiopie. Il célèbre leurs offrandes d'or et leurs adorations.

Dans son merveilleux épithalame, Salomon vient ensuite décrire les délices de l'union céleste de l'Epoux divin avec l'Eglise ; et cette Epouse fortunée n'est point la Synagogue. Le Christ l'appelle avec tendresse pour la couronner; mais sa voix s'adresse à celle qui habitait au delà des confins delà terre du peuple de Dieu.
" Viens, dit-il, ma fiancée, viens du Liban ; descends des sommets d'Amana, des hauteurs de Sanir et d'Hermon ; sors des retraites impures des dragons, quitte les montagnes qu'habitent les léopards."
Et cette fille de Pharaon ne se trouble pas de dire : " Je suis noire !" ; car elle peut ajouter qu'elle a été rendue belle par la grâce de son Epoux.

Le Prophète Osée se lève ensuite, et il dit au nom du Seigneur :
" J'ai choisi un homme, et il ne m'appellera plus Baal désormais. J'ôterai de sa bouche ce nom de Baal, et il ne s'en souviendra plus. Je m'unirai à toi pour jamais, homme nouveau ! Je sèmerai ta race par toute la terre ; j'aurai pitié de celui qui n'avait point connu la miséricorde ; à celui qui n'était pas mon peuple, je dirai : mon peuple ! Et il me répondra : mon Dieu !"


Anonyme italien. XVe.

A son tour, le vieux Tobie, du sein de la captivité, prophétisa avec magnificence ; mais la Jérusalem qui doit recevoir les Juifs délivrés par Cyrus, disparaît à ses yeux, à l'aspect d'une autre Jérusalem plus brillante et plus belle.
" Nos frères qui sont dispersés, dit-il, reviendront dans la terre d'Israël ; la maison de Dieu se rebâtira. Tous ceux qui craignent Dieu viendront s'y retirer ; les Gentils même laisseront leurs idoles, et viendront en Jérusalem, et ils y habiteront, et tous les rois de la terre y fixeront leur séjour avec joie, accourus pour adorer le Roi d'Israël."

Et si les nations doivent être broyées, dans la justice de Dieu, pour leurs crimes, c'est pour arriver ensuite au bonheur d'une alliance éternelle avec Jéhovah. Car voici ce qu'il dit lui-même, par son Prophète Sophonie :
" Ma justice est de rassembler les nations, de réunir en faisceau les royaumes, et je répandrai sur elles mon indignation, et tout le feu de ma colère; la terre entière en sera dévorée. Mais ensuite je donnerai aux peuples une langue choisie, afin qu'ils invoquent tous le Nom du Seigneur, et qu'ils portent tous ensemble mon joug. Jusqu'au delà des fleuves de l'Ethiopie, ils m'invoqueront ; les fils de mes races dispersées viendront m'apporter des présents."

Le Seigneur avait déjà dénoncé ses oracles de miséricorde par la bouche d'Ezéchiel :
" Un seul Roi commandera à tous, dit Jéhovah ; il n'y aura plus deux nations, ni deux royaumes. Ils ne se souilleront plus avec leurs idoles ; dans les lieux mêmes où ils ont péché, je les sauverai ; ils seront mon peuple, et je serai leur Dieu. Il n'y aura qu'un Pasteur pour eux tous. Je ferai avec eux une alliance de paix, un pacte éternel ; je les multiplierai, et mon sanctuaire sera au milieu d'eux à jamais."

C'est pourquoi Daniel, après avoir prédit les Empires que devait remplacer l'Empire Romain, ajoute :
" Mais le Dieu du ciel suscitera à son tour un Empire qui jamais ne sera détruit, et dont le sceptre ne passera point à un autre peuple. Cet Empire envahira tous ceux qui l’ont précédé ; et lui, il durera éternellement."

Quant aux ébranlements qui doivent précéder rétablissement du Pasteur unique, et de ce sanctuaire éternel qui doit s'élever au centre de la Gentilité, Aggée les prédit en ces termes :
" Encore un peu de temps, et j'ébranlerai le ciel, la terre et la mer ; je mêlerai toutes les nations ; et alors viendra le Désiré de toutes les nations."


Giotto. XIVe.

Il faudrait citer tous les Prophètes pour donner tous les traits du grand spectacle promis au monde par le Seigneur au jour où, se ressouvenant des peuples, il devait les appeler aux pieds de son Emmanuel. L'Eglise nous a fait entendre Isaïe dans l'Epître de la Fête, et le fils d'Amos a surpassé ses frères.

Si maintenant nous prêtons l'oreille aux voix qui montent vers nous du sein de la Gentilité, nous entendons ce cri d'attente, l'expression de ce désir universel qu'avaient annoncé les Prophètes hébreux. La voix des Sibylles réveilla l'espérance au cœur des peuples ; jusqu'au sein de Rome même, le Cygne de Mantoue consacre ses plus beaux vers à reproduire leurs consolants oracles :
" Le dernier âge, dit-il, l'âge prédit par la Vierge de Cumes est arrivé ; une nouvelle série des temps va s'ouvrir ; une race nouvelle descend a du ciel. A la naissance de cet Enfant, l'âge de fer suspend son cours ; un peuple d'or s'apprête à couvrir la terre. Les traces de nos crimes seront effacées ; et les terreurs qui assiégeaient le monde se dissiperont."

Et comme pour répondre aux vains scrupules de ceux qui craignent de reconnaître, avec saint Augustin et tant d'autres saints Docteurs, la voix des traditions antiques s'énonçant par la bouche des Sibylles : Cicéron, Tacite, Suétone, philosophes et historiens gentils, viennent nous attester que le genre humain, dans leurs temps, attendait un Libérateur ; que ce Libérateur devait sortir, non seulement de l'Orient, mais de la Judée ; que les destinées d'un Empire qui devait renfermer le monde entier étaient sur le point de se déclarer.


Giovanni di Paolo di Grazia. XVe.

PRIERE

" Ils partageaient cette universelle attente de votre arrivée, Ô Emmanuel, ces Mages aux yeux desquels vous fîtes apparaître l'Etoile ; et c'est pour cela qu'ils ne perdirent pas un instant, et se mirent tout aussitôt en route vers le Roi des Juifs dont la naissance leur était annoncée. Tant d'oracles s'accomplissaient en eux ; mais s'ils en recevaient les prémices, nous en possédons le plein effet. L'alliance est conclue, et nos âmes, pour l'amour desquelles vous êtes descendu du ciel, sont à vous ; l'Eglise est sortie de votre flanc divin, avec le sang et l'eau ; et tout ce que vous faites pour cette Epouse prédestinée, vous l'accomplissez en chacun de ses enfants fidèles.

Fils de Japhet, nous avons dépossédé la race de Sem qui nous fermait ses tentes ; le droit d'aînesse dont jouissait Juda nous a été déféré. Notre nombre, de siècle en siècle, tend à égaler le nombre des étoiles. Nous ne sommes plus dans les anxiétés de l'attente ; l'astre s'est levé, et la Royauté qu'il annonçait ne cessera jamais de répandre sur nous ses bienfaits. Les Rois de Tharsis et des îles, les Rois d'Arabie et de Saba, les Princes de l'Ethiopie sont venus, portant des présents ; mais toutes les générations les ont suivis. L'Epouse, établie dans tous ses honneurs, ne se souvient plus des sommets d'Amana, ni des hauteurs de Sanir et d'Hermon, où elle gémissait dans la compagnie des léopards ; elle n'est plus noire, mais elle est belle, sans taches, ni rides, et digne de l'Epoux divin. Elle a oublié Baal pour jamais ; elle parle avec amour la langue que Jéhovah lui a donnée. L'unique Pasteur paît l'unique troupeau ; le dernier Empire poursuit ses destinées jusqu'à l'éternité.

C'est vous, Ô divin Enfant, qui venez nous apporter tous ces biens et recevoir tous ces hommages. Croissez, Roi des rois, sortez bientôt de votre silence. Quand nous aurons goûté les leçons de votre humilité, parlez en maître ; César-Auguste règne depuis assez longtemps ; assez longtemps Rome païenne s'est crue éternelle. Il est temps que le trône de la force cède la place au trône de la charité, que la Rome nouvelle s'élève sur l'ancienne. Les nations frappent à la porte et demandent leur Roi ; hâtez le jour où elles n'auront plus à venir vers vous, mais où votre miséricorde doit les aller chercher par la prédication apostolique. Montrez-leur Celui à qui toute puissance a été donnée au ciel et sur la terre ; montrez-leur la Reine que vous leur avez choisie. De l'humble demeure de Nazareth, du pauvre réduit de Bethléhem, que l'auguste Marie s'élève bientôt, sur les ailes des Anges, jusqu'au trône de miséricorde, du haut duquel elle protégera tous les peuples et toutes les générations.

HYMNE

Le Prince des poètes de la Liturgie latine, Prudence, va chanter le voyage des Mages à Bethléhem :


Jans Geertgen Tot Sint. XVe.

" Au sein de l'Empire persan, de cette contrée où se lève le soleil, des Mages, investigateurs habiles, aperçoivent l'étendard du Roi.

A peine a-t-il brillé aux cieux que les autres sphères pâlissent : l'étoile du matin, malgré sa beauté, n'ose se montrer auprès de lui.

" Quel est, disent les Mages, ce Roi qui commande aux astres, qui émeut les globes célestes, à qui la lumière et l'air obéissent ?

Ce que nous voyons est le signe de Celui qui ne connaît pas de terme, le Dieu sublime, immense, sans limites, dont la durée précède celle du ciel et du chaos.

Il est le Roi des nations, le Roi du peuple judaïque ; il fut promis au Patriarche Abraham et à sa race, dans les siècles.

Ce premier Père des croyants, qui sacrifia son fils unique, connut que sa race serait un jour nombreuse comme les étoiles.

Voici que la fleur de David s'élève sur la tige de Jessé ; la branche fleurit et devient un sceptre qui commande à l'univers."

L'œil fixé au ciel, les Mages suivent en hâte le sillon de lumière que l'étoile leur traçait à l'horizon, pour régler sur la terre la voie qu'ils devaient suivre.

Le signe s'arrêta au-dessus de la tête de l'Enfant qu'ils cherchaient ; il abaissa son flambeau, et leur découvrit cette tête sacrée.

Les Mages le voient ; aussitôt ils ouvrent les trésors de l'Orient, et, prosternés, lui offrent i'encens, la myrrhe et l'or des rois.

Reconnais les illustres symboles de ta puissance et de ta royauté, Enfant, à qui le Père a conféré par avance une triple destinée.

L'or annonce le Roi, l'odeur suave de l'encens de Saba proclame le Dieu, la myrrhe présage le tombeau :

Tombeau par lequel ce Dieu, laissant périr son corps, et le ressuscitant après la sépulture, brisera la mort et ses cachots."

HYMNE

L'Hymnographe sublime de l'Eglise de Syrie, saint Ephrem, continue de chanter les doux mystères de la Naissance du Sauveur :


Quentin Massys. Flandres. XVIe.

" Les laboureurs des campagnes de Bethléhem vinrent à leur tour ; ils vénérèrent Celui qui venait sauver leur vie, et, dans leur allégresse, ils prophétisaient ainsi : " Salut, Ô toi qui es appelé à cultiver nos champs ; toi fertiliseras les guérets de nos cœurs, et tu en ramasseras le froment dans le grenier de la vie."

Les vignerons se présentèrent ensuite ; ils célébrèrent la Vigne sortie du tronc de Jessé, la Vigne qui de son cep sacré a produit la grappe virginale : " Divin vigneron, chantaient-ils, rends-nous notre arôme, en nous versant dans des vases dignes de ton vin nouveau qui régénère toutes choses ; viens rétablir ta vigne ; jusqu'ici elle n'a produit que d'amers raisins ; greffe tes propres rameaux sur ces ceps sauvages."

Les charpentiers vinrent à leur tour au fils de Joseph, à cause de Joseph leur frère : " Nous saluons ton heureuse naissance, Ô Prince des artisans ! C'est toi qui te donnas à Noé le plan de son arche ; tu fus l'architecte de ce tabernacle qui fut fait à la hâte, et qui ne devait durer qu'un temps ; nos travaux célèbrent tes louanges. Sois notre gloire ; daigne faire toi-même le joug que nous voulons porter, doux et léger fardeau."

Les nouveaux mariés saluèrent de concert le nouveau-né ; ils disaient : " Salut, Ô Enfant dont la Mère a été l'épouse du Dieu de sainteté ! Heureuses les noces auxquelles tu assisteras ! Heureux les époux qui, manquant de vin, le n verront tout à coup abonder sur un signe de ta puissance !"

Les petits enfants crièrent à leur tour : " Heureux sommes-nous de t'avoir pour frère, pour compagnon dans nos ébats ! Heureux Ô jour ! Heureux enfants, auxquels il est donné de dire tes louanges, arbre de vie, qui as daigné mettre ta cime en rapport avec notre taille enfantine."

L'oracle était parvenu jusqu'aux oreilles des femmes, qu'une Vierge devait enfanter un jour ; chacune espérait pour elle-même l'honneur d'un tel enfantement : " Les plus nobles, les plus belles se flattaient de devenir ta mère. Ô Très-Haut ! Nous te bénissons d'avoir choisi une mère pauvre."

Les jeunes filles qui lui furent présentées, prophétisaient aussi ; elles disaient : " Que je sois belle, que je sois difforme, que je sois pauvre, je n'en serai pas moins à toi : à toi je m’attacherai. Le lit d'un mortel jamais ne sera pour moi préférable à ta couche "."

SEQUENCE

A la gloire de Marie, nous chanterons cette gracieuse Séquence de nos antiques Eglises du moyen âge :


Rodrigo de Osona, le Vieux. Flandres. XVe.

" Faisons retentir ce Salut, parole heureuse et douce, Salut par lequel devient le sanctuaire du Christ la Vierge qui est à la fois sa mère et sa fille.

A peine entend-elle ce Salut, qu'elle conçoit son divin Fils, la Vierge issue de David, le lis entre les épines.

Salut ! Mère du vrai Salomon,toison de Gédéon,vous dont les Mages honorent l'enfantement par une triple offrande.

Salut ! vous qui avez enfanté le soleil. Salut ! Vous qui, en donnant votre fruit, avez rendu à l'homme tombé la vie et la puissance.

Salut ! Epouse du Verbe souverain, port du navigateur, buisson mystérieux, nuage de parfums, Reine des Anges.

Nous vous en supplions, amendez-nous et nous recommandez à votre Fils, qui daigne nous donner l'éternelle joie !

Amen."

mercredi, 10 juin 2009

Saint Jean Chrysostome - Sermon sur saint Julien et sainte Basilisse.

Homélie sur saint Julien de saint Jean Chrysostome

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Miracle de saint Julien d'Antioche.
Speculum historiale. V. de Beauvais. XVe.

1. Si les martyrs obtiennent de tels honneurs sur la terre, de quelles couronnes, après leur départ de cette vie, ne seront pas décorées leurs têtes vénérables ? S'ils jouissent d'une telle gloire avant la résurrection, de quelle splendeur ne seront-ils pas revêtus après la résurrection ? Si de simples hommes les honorent d'un tel culte, quelles marques de bienveillance ne recevront-ils pas de leur divin Maître? si nous, qui sommes méchants , nous accordons de pareils témoignages d'estime et d'admiration aux vertus de nos semblables, parce qu'ils ont combattu pour Jésus-Christ, combien plus notre Père céleste prodiguera-t-il ses faveurs à ceux qui se sont épuisés pour lui de peines et de travaux !

Ce n'est pas parce qu'il est libéral et magnifique dans ses dons, qu'il leur réserve de grandes récompenses, mais parce qu'il est leur débiteur. Les martyrs ne se sont pas immolés pour nous, et nous nous empressons d'honorer leur cendre. Mais si nous, pour lesquels ils ne se sont pas sacrifiés, nous courons à leur tombeau, que ne fera point Jésus-Christ, pour lequel ils ont dévoué leurs têtes ! Si Dieu a comblé de telles grâces des hommes auxquels il ne devait rien, de quels dons ne gratifiera-t-il pas ceux dont il est le débiteur ! Dieu ne devait rien auparavant à la terre : " Tous ont péché, dit saint Paul, tous ont besoin de la gloire de Dieu " (Rom. III, 23) ; ou plutôt il ne nous devait que des peines et des supplices. Toutefois, quoiqu'il ne nous dût que des peines et des supplices, il nous a accordé la vie éternelle. Si donc il a donné son royaume à des hommes auxquels il ne devait que des punitions, que ne donnera-t-il pas à ceux auxquels il doit la vie éternelle ! S'il a expiré sur la croix, s'il a répandu son sang pour ceux qui le haïssaient, que ne fera-t-il pas pour ceux qui ont répandu leur sang pour confesser son nom ! s'il a aimé des ennemis et des rebelles, jusqu'à mourir pour eux, quelles marques de bienveillance et de distinction ne réserve-t-il pas pour des hommes qui lui ont donné la plus forte preuve d'amour, puisqu'on ne peut prouver plus fortement à ses amis qu'on les aime qu'en leur sacrifiant sa vie ! (Jean, XIII, 15.).

Les athlètes des jeux profanes sont proclamés et couronnés dans la même lice où ils ont combattu et vaincu. Il n'en est pas de même des athlètes de la foi : ils ont combattu dans la vie présente, ils sont couronnés dans le siècle futur ; ils ont lutté sur la terre contre le démon, dont ils on triomphé, ils sont proclamés dans le ciel. Et afin que vous soyez convaincus de cette vérité que ce n'est pas sur la terre que les saints reçoivent leurs couronnes, mais que c'est dans le ciel que les plus magnifiques récompenses les attendent, écoutez saint Paul qui dit : " J'ai bien combattu, j'ai achevé ma course, j'ai gardé la foi : il ne me reste qu'à attendre la couronne de justice (pour quel lieu et pour quel temps ?) que le Seigneur, comme un juste juge, me rendra en ce grand jour."
(II Tim. IV, 7 et 8). Il a couru sur la terre, il est couronné dans le ciel; il a vaincu sur la terre, il est proclamé dans le ciel. Vous avez encore entendu aujourd'hui le même apôtre s'écrier : " Tous ces saints sont morts dans la foi, n'ayant pas reçu les biens que Dieu leur avait promis, mais les voyant et les saluant de loin." (Héb. II, 13.).

D'où vient donc que pour les athlètes profanes, les couronnes suivent de près les victoires, tandis que pour les athlètes de la foi, les victoires sont séparées des couronnes par un long intervalle de temps ? Les saints ont éprouvé ici-bas des peines et des fatigues, ils ont reçu mille blessures, et ils n'ont pas été couronnés à l'instant même ! Non, sans doute ; parce que la nature de la vie présente ne comporte pas la grandeur de la récompense future. La vie présente est courte et fragile ; la récompense future est immense, infinie, éternelle. Si donc Dieu a enfermé les peines dans le court espace d'une vie passagère, s'il a réservé les couronnes pour une vie incorruptible et inaltérable, c'est afin que le fardeau des peines soit allégé par la brièveté du temps qui les termine, et que la jouissance des couronnes, sans être bornée par aucun terme, se prolonge dans l'éternité des siècles. C'est donc parce qu'il voulait les récompenser plus abondamment qu'il a différé la récompense ; c'est aussi afin qu'ils goûtent, par la suite, une joie plus pure. En effet, comme celui qui doit éprouver des afflictions, après avoir vécu dans les plaisirs et dans les délices, ne sent pas les charmes de l'abondance où il vit maintenant, par l'attente des maux dont il est menacé : de même celui qui doit obtenir des couronnes après les plus rudes combats , et des peines sans nombre, ne sent pas les maux présents, animé par l'espoir des biens futurs. Et ce n'est pas seulement par de espérances dans l'avenir que Dieu allège à ses saints les peines de la vie présente, mais c'est encore en plaçant la tribulation avant le plaisir, afin que la perspective d'une félicité future empêche qu'ils ne soient accablés par les maux présent.

C'est ainsi que les athlètes reçoivent des blessures avec courage, considérant moins les peines qu'ils éprouvent, que ta couronne qu'ils espèrent. C'est ainsi que les nautonniers, en butte aux périls et aux tempêtes, exposés aux guerres les plus cruelles contre les monstres de la mer et les brigands qui l'infestent, ne pensent à rien de cela, mais ne voient que les ports, et le commerce qui doit les enrichir. C'est ainsi que les martyrs, qui souffraient une infinité de maux, dont le corps était déchiré par mille tourments divers, ne voyaient rien de cela, mais ne soupiraient qu'après le ciel, après le bonheur d'une autre vie. Et afin que vous sachiez que ce qui est difficile et accablant par soi-même devient facile et léger par l'espoir des biens à venir, écoutez le Docteur par excellence , qui nous dit : " Le moment si court et si léger des afflictions de cette vie produit en nous le poids éternel d'une souveraine et incomparable gloire (et comment, je vous le demande ?), si nous ne considérons point les choses visibles, mais les invisibles." (II Cor. IV, 17 et 18.). Ce n'est pas au hasard que je vous prêche ces vérités : c'est pour votre instruction, c'est afin que, quand vous verrez le méchant, qui doit être puni dans un autre monde, jouir de toutes les délices, de tous les plaisirs de cette vie, ces plaisirs et ces délices ne vous le fassent pas trouver heureux, mais que plutôt vous le trouviez malheureux, en considérant les supplices qui l'attendent ; et aussi afin que, quand vous verrez dans l'affliction, dans la détresse, environné de tous les maux d'une vie passagère, un de ces hommes qui dans le ciel doivent être comblés de gloire et de bonheur, vous ne déploriez pas son sort à la vue des maux qu'il souffre actuellement, mais que les couronnes qui lui sont réservées dans les siècles éternels vous fassent regarder sa condition comme heureuse et digne d'envie.

2. Le saint martyr dont nous célébrons la mémoire naquit en Cilicie, où était né saint Paul ; il était compatriote de cet apôtre, et tous deux, sortis de cette région, se sont montrés de dignes ministres de l'Eglise. Dès que la carrière de la foi fut ouverte, et qu'il fallut soutenir des combats, il tomba entre les mains d'un gouverneur cruel et barbare. Et considérez les ruses qu'employa ce méchant homme. Comme il apercevait dans notre saint une volonté ferme, une âme courageuse, dont il était impossible de triompher par la violence des tourments, il diffère de jour en jour son supplice, il le fait paraître et retirer sans cesse. Il ne lui fait pas trancher la tête dès qu'il est instruit de ses dispositions, de peur que la promptitude de sa mort ne rende sa course plus facile ; mais il le fait amener devant lui à plusieurs reprises, lui fait subir de fréquents interrogatoires, le menace de mille tourments, cherche à le gagner par des paroles flatteuses, en un mot, emploie tous les moyens pour ébranler ce rocher inébranlable. Il le promena même durant une année entière par toute la Cilicie, comme pour lui faire affront; mais il ne faisait que manifester la gloire de ce généreux martyr, qui s'écriait avec saint Paul : " Je rends grâces à Dieu qui nous fait toujours triompher en Jésus-Christ, et qui répand par nous en tout lieu l'odeur de la connaissance de son nom."
(II Cor. II, 14.). Un parfum renfermé dans un espace étroit n'embaume de son odeur que l'air dont il est environné ; mais s'il est porté dans plusieurs lieux, il les remplit tous d'une odeur suave : c'est ce qu'on vit alors dans notre bienheureux martyr. Il était transporté de pays en pays pour être couvert de confusion ; et par toutes ces courses répétées, devenu un athlète plus illustre, il faisait admirer sa vertu à tous les habitants de la Cilicie.

Il était transporté partout, afin que les Ciliciens n'apprissent pas seulement par ouï-dire ses combats, mais qu'ils vissent de leurs propres yeux l'athlète couronné. Plus le gouverneur multipliait les courses de Julien, plus il augmentait sa gloire; plus il lui ouvrait de lices, plus il lui fournissait occasion de se signaler par des combats admirables ; plus il prolongeait ses souffrances, plus il mettait sa patience à l'épreuve. Plus l'or reste dans la fournaise, plus il devient pur; plus l'âme du saint était éprouvée, plus elle brillait avec éclat. En faisant conduire partout le martyr, le gouverneur ne faisait que montrer partout un trophée contre lui-même et contre le démon, une preuve de la cruauté des gentils, un témoignage de la piété des chrétiens, un signe frappant de la puissance de Jésus-Christ, une exhortation aux fidèles pour les engager à soutenir courageusement les mêmes combats, un héraut de la gloire divine, un maître dans la science de pareils assauts. Le saint excitait tous les hommes à imiter son zèle, moins par ses paroles que par ses actions, dont la voix retentissait partout avec éclat. Et comme les cieux annoncent la gloire du Très-Haut aux mortels qui les contemplent ; comme ils nous invitent à admirer le Créateur, non parles paroles qu'ils font retentir à notre oreille, mais par l'éclat dont ils frappent nos regards : de même le martyr annonçait la gloire du Très-Haut, étant lui-même un ciel, et un ciel plus éclatant que le ciel visible. Non, les choeurs des astres ne rendent pas aussi brillant le firmament qu'ils embellissent, que le sang qui sortait des blessures du martyr rendait son corps resplendissant ; et voyez comment les blessures du martyr brillaient avec plus de splendeur que les astres placés dans les cieux !

Les hommes et les démons envisagent le ciel et les astres qu'il renferme ; mais les blessures de Julien, que les fidèles peuvent envisager, les démons n'osent les regarder en face, et s'ils entreprennent d'y jeter la vue, leurs yeux éblouis ne peuvent supporter l'éclat qu'elles renvoient. C'est ce que je vais prouver par des faits dont nous sommes les témoins, sans recourir aux anciens prodiges. Prenez un homme furieux, tourmenté par le démon, amenez-le au tombeau respectable où sont déposés les restes du martyr, et vous verrez l'esprit impur abandonner le corps qu'il tyrannise, et prendre honteusement la fuite. Dès le seuil de la chapelle où le martyr est honoré, il s'enfuit comme s'il allait marcher sur des charbons, sans oser même regarder la châsse qui renferme ses reliques. Mais si aujourd'hui, que le saint n'est plus que cendre et poussière, les démons n'osent regarder en face le monument où reposent ses os dépouillés, il est clair que, lorsqu'ils le voyaient revêtu de son sang comme d'une pourpre royale, et brillant par ses blessures plus que le soleil par ses rayons, ils se sont retirés frappés de cette vue, les yeux éblouis. Voyez-vous comme les blessures des martyrs sont plus brillantes, plus admirables, et ont plus de pouvoir que les astres du firmament ?

3. Le saint est amené devant le tribunal ; il ne voit de toute part que tourments et supplices affreux, il ne voit que peines et douleurs dans le moment et pour la suite. Les bourreaux environnent son corps comme des bêtes féroces ; ils déchirent ses flancs, découpent ses chairs, mettent ses os à nu, pénètrent jusqu'aux entrailles. Mais malgré leurs recherches cruelles, ils ne peuvent lui ravir le trésor de la foi. Dans les palais des princes, dans les lieux où est déposé leur or et d'autres richesses immenses, si on perce les murs, si on ouvre les portes, on aperçoit aussitôt le trésor qu'ils renferment. Mais c'était tout le contraire pour notre saint, pour ce temple vivant de Jésus-Christ. Les bourreaux perçaient les murs ; ils ouvraient la poitrine sans pouvoir découvrir ni prendre les richesses cachées au dedans ; et de même que les habitants de Sodome, quoique à la porte de la maison de Lot, ne pouvaient en trouver l'entrée : ainsi, quoique les bourreaux ouvrissent de tous côtés le corps de Julien, ils ne pouvaient ni saisir ni ravir le trésor précieux de la foi qu'il tenait en réserve. Telles sont les vertus qui décorent l'âme des saints, qu'elles ne peuvent être ni saisies ni enlevées ; placées dans le courage et la constance, comme dans un asile sacré, ni les yeux des tyrans ne peuvent les découvrir, ni les mains des bourreaux ne peuvent les ravir ; mais quand ils perceraient le coeur, qui est le siège du courage, quand ils le couperaient par morceaux, loin d'épuiser les richesses de la grâce que possèdent les saints, ils ne feraient même que les augmenter.

La raison de ce prodige, c'est que, Dieu habite dans leurs âmes, et que, quand on fait la guerre à Dieu, il est impossible de triompher, il faut absolument qu'on se retire vaincu, couvert de honte et de confusion. C'est pour cela que, quoique les paroles ordinairement soient si faibles, et qu'elles aient si peu d'effet contre les attaques de la puissance, elles eurent alors une efficacité nouvelle, et triomphèrent de tous les efforts de la cruauté. Le tyran et les bourreaux employaient les fouets ; le fer, le feu, en un mot, tous les instruments des plus affreux supplices ; ils déchiraient de tout côté les flancs du martyr, qui ne prononçait qu'une parole , et cette parole seule triomphait de toutes les machines dressées contre lui. Une parole sainte sortie de sa bouche répandait une lumière plus éclatante que les rayons du soleil. Les rayons du soleil ne parcourent que l'espace qui est entre le ciel et la terre ; ou plutôt ils ne peuvent parcourir tout cet intervalle, lorsqu'interceptés et arrêtés par un toit, par un mur, par un nuage, ou par quelqu'autre corps, ils sont rompus par ces obstacles et ne peuvent aller plus avant. La dernière parole du martyr, sortie de sa bouche sainte, s'élance jusqu'au ciel, elle pénètre jusqu'aux cieux supérieurs ; les anges, les archanges, les chérubins, toutes les puissances célestes, se retirent pour la laisser passer ; et pénétrés pour elle de respect, ils la portent humblement au trône du Roi suprême.

4. Lorsque Julien eut prononcé sa dernière parole, le gouverneur voyant que tous ses moyens et toutes ses ruses étaient inutiles, qu'attaquer le saint c'était regimber contre l'aiguillon, c'était vouloir entamer un diamant, que fait-il ? Il prend dès lors le parti d'avouer sa défaite, de terminer les jours du martyr ; car la mort des martyrs est un aveu public que les tyrans font de leur défaite, et une victoire éclatante que les martyrs remportent sur ceux qui leur ôtent la vie. Voyez comme il imagine un genre de mort cruel, également propre à manifester la barbarie du tyran et la fermeté du martyr. Quel est donc ce genre de supplice ? Il fait apporter un sac, qu'il remplit de sable, de scorpions, de serpents, de vipères et de dragons ; il y fait mettre le saint, et le fait jeter à la mer. Un juste se trouva de nouveau enfermé avec des bêtes féroces ; je dis de nouveau, afin que vous vous rappeliez l'ancienne histoire de Daniel. L'un a été jeté dans une fosse, dont les ministres du prince avaient fermé l'entrée avec une pierre ; un sac a été la prison de l'autre, prison étroite où un gouverneur cruel l'a fait enfermer. Dans l'une et l'autre circonstance, les bêtes féroces respectent les corps des saints, pour condamner et confondre des êtres qui sont doués d'une nature humaine et raisonnable, et dont la férocité surpasse de beaucoup celle des brutes : tel était, sans doute, le tyran dont nous parlons.

On vit alors un prodige aussi extraordinaire que du temps de Daniel. Les Babyloniens furent étonnés de voir, après plusieurs jours, le prophète sortir plein de vie de la fosse aux lions ; les anges furent surpris de voir l'âme de Julien sortir du milieu des flots et du sac qui la renfermait, pour s'élever jusqu'aux cieux. Daniel a combattu et vaincu deux lions, mais matériels : Julien a combattu et vaincu un seul lion, mais spirituel. " Le démon, notre ennemi, dit saint Pierre, tourne sans cesse autour de nous, comme un lion rugissant, et cherche qui il pourra dévorer " (I Pierre, V, 8) ; mais il a été vaincu par le courage du martyr. Le martyr avait déposé le venin du péché ; aussi n'a-t-il pas été dévoré par l'esprit impur, et n'a-t-il craint ni la cruauté du lion, ni la fureur des bêtes féroces.

Voulez-vous que je vous rapporte une autre histoire encore plus ancienne, où un juste s'est trouvé avec des bêtes féroces ? Rappelez-vous le déluge arrivé du temps de Noé, et l'arche qu'il avait construite un juste, alors, et des bêtes féroces se trouvèrent ensemble. Mais Noé entra homme dans l'arche et en sortit homme ; Julien entra homme dans la tuer et en sortit ange. L'un entra de la terre dans l'arche et retourna sur la terre ; l'autre entra de la terre dans la mer, et de la mer s'éleva dans le ciel. La mer l'a reçu, non pour lui donner la mort, mais pour lui accorder la couronne ; et après qu'il a été couronné, elle nous a rendu cette arche sainte, je veux dire le corps du martyr. Nous avons conservé jusqu'à ce jour ce trésor précieux, la source d'une infinité de biens ; car le Seigneur a partagé, en quelque sorte, avec nous les martyrs ; il a pris leurs âmes et nous a laissé leurs corps, afin que nous ayons, dans leurs saintes reliques, un monument qui nous rappelle sans cesse leurs vertus. En effet, si en voyant les armes ensanglantées d'un guerrier, son bouclier, sa pique, sa cuirasse, l'homme le plus lâche est animé et enflammé, s'il soupire après la guerre, si la seule vue de ces armes l'excite à tenter les mêmes entreprises ; nous qui voyons, non les armes, mais le corps d'un saint qui a mérité d'être ensanglanté pour avoir confessé le nom de Jésus-Christ, quand nous serions les plus timides des hommes, comment ne concevrionsnous point la plus grande ardeur ? Comment cette vue n'embraserait-elle point notre âme, ne nous porterait-elle point à soutenir les mêmes combats ? Dieu nous a abandonné les corps des saints jusqu'au temps de là résurrection, afin qu'ils nous donnent de grandes leçons de philosophie chrétienne. Mais craignons de diminuer, par la faiblesse de nos discours, les louanges dues à un martyr, laissons au souverain Juge de ses combats à le louer : Celui qui couronne les martyrs les louera lui-même ; leur louange ne vient pas des hommes, mais de Dieu ; et tout ce que nous avons dit de Julien, ce n'est pas pour illustrer davantage un martyr, mais pour enflammer de plus en plus votre ardeur.

Nous allons donc laisser son éloge pour vous adresser la parole ; ou plutôt parler dans l'église d'objets instructifs, c'est faire l'éloge des martyrs. Ecoutez-moi avec attention : je veux détruire aujourd'hui un ancien abus, afin que nous imitions les martyrs, sans nous contenter d'honorer leurs tombeaux. Oui, l'honneur rendu aux martyrs ne consiste pas seulement à venir à leurs tombeaux, mais plus que cela encore, à s'efforcer d'imiter leur courage. Il faut dire, d'abord, quel est l'abus que j'attaque, parce que la maladie étant inconnue, il n'est pas facile d'appliquer le remède : je découvre d'abord la plaie, pour mettre ensuite l'appareil. Quel est donc l'abus dont je parle ?

5. Quelques-uns de ceux qui sont ici présents - car à Dieu ne plaise que mes reproches s'adressent à toute l'assemblée - nous abandonneront demain par lâcheté et par faiblesse, ils courront au faubourg de Daphné pour dissiper demain ce que nous avons recueilli aujourd'hui, pour détruire ce que nous avons édifié. Afin donc qu'ils ne soient pas venus ici inutilement, nous finirons par dire quelques mots sur cet objet : Pourquoi, je vous prie, courez-vous au faubourg d'Antioche ? C'est ici le faubourg de la Jérusalem d'en-haut, c'est ici le Daphné spirituel. Là-bas sont des fontaines d'eau, ici sont les sources des martyrs ; là-bas sont des cyprès, arbres stériles ; ici sont des arbres qui ont leurs racines en terre, et qui étendent leurs branches jusqu'au ciel. Voulez-vous voir le fruit de ces branches ? Ouvrez les yeux de la foi, et vous apercevrez aussitôt une espèce de fruit merveilleux. Non, le fruit de ces branches n'est pas corruptible et périssable, il ne ressemble à aucun de ceux que produit la terre : c'est la guérison des corps mutilés et des âmes malades, la rémission des péchés, l'abolition du vice, la prière continuelle, la confiance dans le Seigneur ; tout ici est spirituel, tout est rempli de biens célestes. Ces fruits sans cesse cueillis repoussent sans cesse, et ne trompent jamais l'espoir du cultivateur. Les arbres terrestres ne produisent qu'une fois l'année ; et aux approches de l'hiver, ils perdent leur beauté propre, leurs fruits, qu'on n'a pas cueillis, se corrompant et tombant d'eux-mêmes. Les arbres dont je parle ne connaissent ni hiver, ni été, ne sont pas sujets à l'inclémence des saisons : jamais dépouillés de leurs fruits, ils conservent toujours leur beauté, sans être exposés ni à la corruption, ni à la vicissitude des temps. Combien, depuis que ce corps est planté dans la terre, les fidèles ont cueilli de ce tombeau des guérisons, sans que le fruit ait jamais manqué ; ils ont moissonné les blés, et il reste encore une ample moisson ; ils ont puisé aux fontaines, et les eaux jaillissent toujours. La source est intarissable, elle ne manque jamais ; plus on y puise, plus on en voit couler de prodiges.

Et le tombeau du saint n'opère pas seulement des miracles, il produit encore la sagesse. Etes-vous riche, enflé d'orgueil, rempli d'arrogance ? Venez ici, voyez le martyr, considérez combien votre richesse diffère de son opulence ; et vous réprimerez bientôt votre fierté, vous vous en retournerez ayant déposé tout orgueil, et l'âme guérie d'une vaine enflure. Etes-vous pauvre, vous croyez-vous digne de mépris ? Venez ici, voyez la richesse du martyr, et dédaignant les biens de ce siècle, vous vous en retournerez plein d'une philosophie chrétienne. Oui, quand on vous aurait causé mille torts, quand on vous aurait accablé d'outrages et de coups, cette pensée, que vous n'avez pas encore souffert autant que le martyr, vous fera remporter d'ici une abondante consolation. Vous voyez quels fruits naissent de ces racines, combien ils sont inépuisables, combien ils sont spirituels, combien ils appartiennent à l'âme.

Je n'empêche pas que vous vous rendiez au faubourg, mais je m'oppose à ce que vous y alliez demain. Pourquoi ? C'est afin que votre plaisir ne soit pas répréhensible, afin que votre joie soit pure, qu'elle ne vous attire pas de condamnation ; car vous pouvez, dans un autre jour, vous livrer sans crime à des divertissements honnêtes. Que si vous voulez goûter, même aujourd'hui, quelque plaisir, quoi de plus agréable que cette assemblée et ce spectacle spirituel ? Quoi de plus doux que la société de vos frères et de vos membres ? Mais voulez-vous même participer à une table matérielle ? Vous pouvez, lorsque l'assemblée sera séparée, vous asseoir près de la chapelle du martyr, sous un figuier ou sous une vigne, et procurer à votre corps quelque satisfaction, sans charger votre conscience d'un crime. Le martyr qui est présent et qui assiste à votre table, ne permet pas que la joie dégénère en licence : comme un maître attentif ou un bon père aperçu des yeux de la foi, il réprime les ris immodérés, il arrête les joies excessives, il empêche toutes les révoltes de la chair, inconvénients inévitables dans le faubourg de Daphné. Pourquoi ? C'est qu'il y aura demain des danses dans tout le faubourg. Or, la seule vue de ces danses entraîne le plus sage à imiter les mouvements indécents dont il est le témoin surtout lorsque le démon est de la partie ; et il est présent, appelé par les chants des prostituées, par les discours obscènes, par les pompes diaboliques qu'on y étale. Or, vous avez renoncé à toutes ces pompes, vous vous êtes attachés au culte de Jésus-Christ, du jour où vous avez été admis aux sacrés mystères. Rappelez-vous donc les paroles que vous avez prononcées, les engagements que vous avez pris, et craignez de violer vos promesses.

Mais je vais m'adresser à ceux qui ne se rendront pas à Daphné, et leur recommander le salut de leurs frères. Lorsqu'un médecin visite un malade, il dit peu de chose au malheureux gisant dans son lit : il s'adresse à ses proches, leur parle des remèdes, de la nourriture, et leur recommande les autres parties du traitement. Pourquoi ? C'est que le malade n'est point en état, pour l'heure, de recevoir des conseils, au lieu que celui qui est en santé, écoute, avec la plus grande attention toutes les ordonnances du médecin. Voilà pourquoi je veux m'adresser aussi à vous. Saisissons-nous demain des portes, assiégeons les chemins, que les hommes fassent revenir malgré eux les hommes, que les femmes ramènent malgré elles les femmes. N'ayons pas de honte, il n'y a pas de honte à avoir lorsqu'il s'agit du salut de notre prochain. Si nos frères ne rougissent pas de se rendre à une fête profane et criminelle, ne rougissons pas de les ramener à une solennité sacrée ; ne négligeons rien, lorsqu'il est question du salut de nos frères. Si Jésus-Christ est mort pour nous, nous devons tout supporter pour eux. Quand ils vous accableraient de coups et d'invectives, retenez-les, ne les quittez pas que vous ne les ayez ramenés au saint martyr.

Quand il vous faudrait prendre les passants pour juges, dites à ceux qui voudront l'entendre : Je veux sauver mon frère, je vois qu'il perd son âme, je ne puis négliger celui auquel je tiens de si près. Que celui qui le voudra m'accuse, que celui qui le voudra me condamne. Ou plutôt personne ne me blâmera, tous me loueront, tous me chériront, puisque ce n'est ni pour un vil intérêt, ni pour contenter un ressentiment personnel, ni pour aucun autre motif profane, que je dispute, mais pour le salut de mon frère. Qui n'approuvera pas ma conduite ? Qui ne l'admirera pas ? Quoique nous n'ayons ensemble aucune liaison de parenté charnelle, la parenté spirituelle nous rend plus chers les uns aux autres, que des enfants ne le sont à leurs parents. Si vous voulez même, prenons avec nous le martyr ; il ne rougira point de nous accompagner, et de sauver ses frères. Montrez-le à leurs yeux ; qu'ils craignent sa présence, qu'ils respectent ses prières et ses exhortations. Si Dieu exhorte ses créatures : " Nous faisons la charge d'ambassadeurs pour Jésus-Christ, dit saint Paul, et c'est Dieu même qui vous exhorte, par notre bouche, à vous réconcilier avec lui " (II Cor. V, 20), à plus forte raison un serviteur de Dieu exhortera-t-il ses frères. La seule chose qui l'afflige, c'est notre perte, la seule chose qui le réjouisse, c'est notre salut; aussi ne se refusera-t-il à rien pour nous sauver. N'ayons donc pas de honte de nous-mêmes, et ne croyons pas en pouvoir trop faire.

Si des chasseurs parcourent les montagnes, les précipices, les gouffres et les abîmes, pour prendre quelques animaux terrestres, ou même des oiseaux sauvages ; vous qui devez ramener de la perdition, non un vil animal, mais votre frère spirituel, pour lequel Jésus-Christ est mort, vous rougissez, vous hésitez, je ne dis pas de franchir des forêts et des montagnes, mais de sortir simplement des portes de la ville ! Quelle excuse, je vous prie, vous restera-t-il ? N'entendez-vous pas l'avertissement d'un sage qui vous dit : " Il y a une honte qui conduit au péché " (Ecclés. IV, 25.). Mais vous craignez qu'on ne vous blâme ; rejetez toute la faute sur moi, qui vous ai donné le conseil ; dites que c'est votre maître qui vous l'a ordonné. Je suis prêt à me justifier devant ceux qui m'accuseront, et à rendre compte de ma conduite ; ou plutôt, aucun homme, quelque impudent qu'on le suppose, ne vous blâmera ni vous ni moi, mais tous nous approuveront, et applaudiront à nos soins. Tous les habitants d'Antioche, ceux même des villes voisines admireront la force impérieuse de notre charité et l'ardeur de notre zèle. Mais que parlé-je des hommes ? le Maître des anges lui-même nous donnera son approbation. Puis donc que nous savons quelle sera la récompense de nos peines, ne négligeons pas cette chasse spirituelle ; ne revenons pas seuls demain, mais présentons-nous chacun avec notre proie. Pourvu que nous nous rendions à l'heure où notre frère sortira de sa maison pour se mettre en chemin, et que nous l'engagions à visiter ce lieu, il n'y aura plus dès lors de difficulté. Lui-même vous en saura gré par la suite, tous les autres vous loueront, vous admireront, et, ce qu'il y a de plus essentiel, le Maître des cieux vous en récompensera abondamment, il vous comblera de biens et de louanges. Considérant donc l'avantage qui résulte pour nous d'une telle conduite, rendons-nous tous en foule aux portes de la ville, saisissons- nous de nos frères, ramenons-les ici, afin que demain l'église soit pleine, et que la solennité soit parfaite; afin que le bienheureux martyr, pour prix de notre zèle, nous reçoive avec confiance dans les tabernacles éternels. Puissions-nous obtenir cette faveur par la grâce et par la bonté de Notre Seigneur Jésus-Christ, par qui et avec qui soit la gloire au Père et à l'Esprit-Saint vivifiant, maintenant et toujours, dans tous les siècles des siècles ! Ainsi soit-il.

mercredi, 07 janvier 2009

7 janvier. IIe jour de l'Octave de l'Epiphanie.

- IIe jour de l'Octave de l'Epiphanie.


Andrea Mantegna. XVe.

Une solennité aussi importante que celle de l'Epiphanie ne pouvait manquer d'être décorée d'une Octave. Cette Octave n'est inférieure en dignité qu'à celles de Pâques et de la Pentecôte ; et son privilège est supérieur à celui de l'Octave de Noël, qui admet les fêtes des rites double et semi-double, tandis que l'Octave de l'Epiphanie ne cède qu'à une fête Patronale de première classe. Il paraît même, d'après d'anciens Sacramentaires, que, dans l'antiquité, le lendemain et le surlendemain de l'Epiphanie étaient fêtes de précepte, comme les deux jours qui suivent les solennités de Pâques et de la Pentecôte. On connaît encore les Eglises Stationales où le clergé et les fidèles de Rome se rendaient en ces deux jours.

Afin d'entrer de plus en plus dans l'esprit de l'Eglise, pendant cette glorieuse Octave, nous contemplerons chaque jour le Mystère de la Vocation des Mages, et nous nous rendrons avec eux dans la sainte retraite de Bethléhem, pour offrir nos dons au divin Enfant vers lequel l'étoile les a conduits.


Ivoire. Anonyme. Bourgogne. XIVe.

Mais quels sont ces Mages, sinon les avant-coureurs de la conversion des peuples de l'univers au Seigneur leur Dieu, les pères des nations dans la foi au Rédempteur venu, les patriarches du genre humain régénéré ? Ils apparaissent tout à coup en Bethléhem, au nombre de trois selon la tradition de l'Eglise, conservée par saint Léon, par saint Maxime de Turin, par saint Césaire d'Arles, par les peintures chrétiennes qui décorent les Catacombes de la ville sainte, dès l'âge des persécutions.

Ainsi se continue en eux le Mystère déjà marqué par les trois hommes justes des premiers jours du monde : Abel, immolé comme figure du Christ ; Seth, père des enfants de Dieu séparés de la race de Caïn ; Enos, qui eut la gloire de régler le culte du Seigneur.

Et ce second Mystère des trois nouveaux ancêtres du genre humain, après les eaux du déluge, et desquels toutes les races sont sorties : Sem, Cham et Japhet, fils de Noé.

Enfin, ce troisième Mystère des trois aïeux du peuple choisi : Abraham, Père des croyants ; Isaac, nouvelle figure du Christ immolé ; Jacob, fort contre Dieu dans la lutte, et père des douze Patriarches d'Israël.


Jérôme Bosch. XVe.

Mais tous ces hommes, sur lesquels reposait cependant l'espoir du genre humain, selon la nature et selon la grâce, ne furent que les dépositaires de la promesse ; ils n'en saluèrent que de loin, comme dit l'Apôtre, l'heureux accomplissement. (Hebr. XI, 13). Les nations ne marchèrent point à leur suite vers le Seigneur ; plus vive la lumière apparaissait sur Israël, et plus profond devenait l'aveuglement des peuples. Les trois Mages, au contraire, n'arrivent à Bethléhem que pour y annoncer et y précéder toutes les générations qui vont suivre. En eux, la figure arrive à la réalité la plus complète par la miséricorde du Seigneur, qui, étant venu chercher ce qui avait péri, a daigné tendre les bras à tout le genre humain, parce que le genre humain avait péri tout entier.

Considérons-les encore, ces heureux Mages, investis du pouvoir royal, comme il sera facile de le prouver bientôt ; considérons-les figurés par ces trois Rois fidèles qui sont la gloire du trône de Juda, et maintiennent dans le peuple choisi les traditions de l'attente du Libérateur, en combattant l'idolâtrie : David, type sublime du Messie ; Ezéchias, dont le bras courageux disperse les faux dieux, Josias, qui rétablit la loi du Seigneur que son peuple avait oubliée.

Et si nous voulons un autre type de ces pieux voyageurs qui accourent, du fond de la Gentilité, pour saluer le Roi pacifique, en lui apportant des présents, les saints livres nous offrent la reine de Saba, figure de la Gentilité, qui, sur la renommée de la profonde sagesse de Salomon, dont le nom est le Pacifique, arrive en Jérusalem, avec ses chameaux tout chargés d'or, d'aromates et de pierres précieuses, et vénère, dans une de ses plus imposantes figures, la Royauté du Messie.


Luca Signorelli. XVe.

C'est ainsi, Ô Christ, que durant cette nuit profonde que la justice de votre Père avait laissé s'étendre sur le monde coupable, des éclairs de grâce sillonnaient le ciel, et promettaient des jours plus sereins, lorsque le Soleil de votre justice se serait enfin levé sur les ombres de la mort. Mais le temps de ces ombres funestes est passé pour nous ; nous n'avons plus à vous contempler dans ces types fragiles et d'une lumière vacillante. C'est vous-même, Ô Emmanuel, que nous possédons pour jamais. Le diadème qui brillait sur le front de la reine de Saba n'orne point notre tête ; mais nous n'en sommes pas moins accueillis à votre berceau. Vous avez convié des pâtres à entendre les premiers les leçons de votre doctrine : tout fils de l'homme est appelé à former votre cour ; devenu enfant, vous avez mis à la portée de tous les trésors de votre infinie sagesse.

Quelle reconnaissance doit être la nôtre pour ce bienfait de la lumière de la Foi, sans laquelle nous ignorerions tout, croyant savoir toutes choses! Que la science de l'homme est petite, incertaine et trompeuse, auprès de celle dont vous êtes la source si près de nous ! Gardez-nous toujours, Ô Christ ! Ne permettez pas que nous perdions l'estime de la lumière que vous faites briller à nos jeux, en la tempérant sous le voile de votre humble enfance. Préservez-nous de l'orgueil qui obscurcit tout, et qui dessèche le cœur ; confiez-nous aux soins de votre Mère Marie ; et que notre amour nous fixe à jamais près de vous, sous son œil maternel.

HYMNE

Saint Ephrem nous fournit cette Hymne gracieuse sur la Nativité du Sauveur :


Paolo Schiavo. XVe.

" Le Fils étant né, Bethlehem retentit de cris de jubilation. Ces Esprits qui toujours veillent, descendus du ciel, chantent en chœur ; et l'éclat de leurs voix couvrirait le tonnerre. Excités par ces nouveaux concerts, les hommes qui étaient dans le silence, accoururent : ils viennent, à leur tour, interrompre la nuit par la louange du nouveau-né Fils de Dieu.

" Fêtons, disaient-ils, l'enfant qui rend Eve et Adam à leur jeunesse première." Les bergers arrivèrent, apportant le tribut de leurs troupeaux, un lait doux et abondant, une chair délicate et pure, et des chants harmonieux.

Ainsi firent-ils leurs partages : les chairs à Joseph, le lait à Marie, au Fils les chants de louange. A l'Agneau pascal un agneau que sa mère allaitait encore, un premier-né au Premier-né, une victime à la Victime, un agneau du temps à l'Agneau de l'éternelle vérité.

Admirable spectacle ! Un agneau est offert à l'Agneau ! Quand on le présenta au Fils unique, le fils de la brebis fit entendre son bêlement. L'agneau terrestre rendait grâces au divin Agneau, de ce que, par son avènement, il sauverait les troupeaux de l'immolation sanglante, et de ce que la Pâque nouvelle, instituée par le Fils de Dieu, viendrait bientôt remplacer l'antique Pâque.

Les bergers l'adorèrent aussi, et saluèrent, en prophétisant, le Prince des Pasteurs. " La verge de Moïse, dirent-ils, Pasteur universel, glorifie ton sceptre ; et Moïse, qui a porté cette verge, célèbre ta grandeur ; mais il gémit du changement opéré dans son troupeau ; il se désole de voir ses agneaux changés en loups, ses brebis transformées en dragons et en bêtes féroces. Ce malheur arriva dans l'affreuse solitude du désert, quand, furieuses et pleines de rage, ces brebis s'attaquèrent à leur Pasteur.

Enfant divin, les bergers viennent t'offrir leurs actions de grâces, à toi qui as su réunir les loups et les agneaux dans la même Bergerie. Enfant plus ancien que Noé, et aussi né plus tard que ce patriarche, c'est toi qui, dans l'Arche, au milieu de l'agitation des flots, as mis la paix entre les êtres qu'elle transportait.

David ton aïeul venge la mort d'un agneau par la mort du lion : toi, Ô fils de David, tu as exterminé le loup caché qu avait tué Adam, cet agneau rempli de simplesse, qui faisait entendre ses bêlements dans le Paradis."