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mercredi, 10 juin 2009

Saint Jean Chrysostome - Sermon sur saint Julien et sainte Basilisse.

Homélie sur saint Julien de saint Jean Chrysostome

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Miracle de saint Julien d'Antioche.
Speculum historiale. V. de Beauvais. XVe.

1. Si les martyrs obtiennent de tels honneurs sur la terre, de quelles couronnes, après leur départ de cette vie, ne seront pas décorées leurs têtes vénérables ? S'ils jouissent d'une telle gloire avant la résurrection, de quelle splendeur ne seront-ils pas revêtus après la résurrection ? Si de simples hommes les honorent d'un tel culte, quelles marques de bienveillance ne recevront-ils pas de leur divin Maître? si nous, qui sommes méchants , nous accordons de pareils témoignages d'estime et d'admiration aux vertus de nos semblables, parce qu'ils ont combattu pour Jésus-Christ, combien plus notre Père céleste prodiguera-t-il ses faveurs à ceux qui se sont épuisés pour lui de peines et de travaux !

Ce n'est pas parce qu'il est libéral et magnifique dans ses dons, qu'il leur réserve de grandes récompenses, mais parce qu'il est leur débiteur. Les martyrs ne se sont pas immolés pour nous, et nous nous empressons d'honorer leur cendre. Mais si nous, pour lesquels ils ne se sont pas sacrifiés, nous courons à leur tombeau, que ne fera point Jésus-Christ, pour lequel ils ont dévoué leurs têtes ! Si Dieu a comblé de telles grâces des hommes auxquels il ne devait rien, de quels dons ne gratifiera-t-il pas ceux dont il est le débiteur ! Dieu ne devait rien auparavant à la terre : " Tous ont péché, dit saint Paul, tous ont besoin de la gloire de Dieu " (Rom. III, 23) ; ou plutôt il ne nous devait que des peines et des supplices. Toutefois, quoiqu'il ne nous dût que des peines et des supplices, il nous a accordé la vie éternelle. Si donc il a donné son royaume à des hommes auxquels il ne devait que des punitions, que ne donnera-t-il pas à ceux auxquels il doit la vie éternelle ! S'il a expiré sur la croix, s'il a répandu son sang pour ceux qui le haïssaient, que ne fera-t-il pas pour ceux qui ont répandu leur sang pour confesser son nom ! s'il a aimé des ennemis et des rebelles, jusqu'à mourir pour eux, quelles marques de bienveillance et de distinction ne réserve-t-il pas pour des hommes qui lui ont donné la plus forte preuve d'amour, puisqu'on ne peut prouver plus fortement à ses amis qu'on les aime qu'en leur sacrifiant sa vie ! (Jean, XIII, 15.).

Les athlètes des jeux profanes sont proclamés et couronnés dans la même lice où ils ont combattu et vaincu. Il n'en est pas de même des athlètes de la foi : ils ont combattu dans la vie présente, ils sont couronnés dans le siècle futur ; ils ont lutté sur la terre contre le démon, dont ils on triomphé, ils sont proclamés dans le ciel. Et afin que vous soyez convaincus de cette vérité que ce n'est pas sur la terre que les saints reçoivent leurs couronnes, mais que c'est dans le ciel que les plus magnifiques récompenses les attendent, écoutez saint Paul qui dit : " J'ai bien combattu, j'ai achevé ma course, j'ai gardé la foi : il ne me reste qu'à attendre la couronne de justice (pour quel lieu et pour quel temps ?) que le Seigneur, comme un juste juge, me rendra en ce grand jour."
(II Tim. IV, 7 et 8). Il a couru sur la terre, il est couronné dans le ciel; il a vaincu sur la terre, il est proclamé dans le ciel. Vous avez encore entendu aujourd'hui le même apôtre s'écrier : " Tous ces saints sont morts dans la foi, n'ayant pas reçu les biens que Dieu leur avait promis, mais les voyant et les saluant de loin." (Héb. II, 13.).

D'où vient donc que pour les athlètes profanes, les couronnes suivent de près les victoires, tandis que pour les athlètes de la foi, les victoires sont séparées des couronnes par un long intervalle de temps ? Les saints ont éprouvé ici-bas des peines et des fatigues, ils ont reçu mille blessures, et ils n'ont pas été couronnés à l'instant même ! Non, sans doute ; parce que la nature de la vie présente ne comporte pas la grandeur de la récompense future. La vie présente est courte et fragile ; la récompense future est immense, infinie, éternelle. Si donc Dieu a enfermé les peines dans le court espace d'une vie passagère, s'il a réservé les couronnes pour une vie incorruptible et inaltérable, c'est afin que le fardeau des peines soit allégé par la brièveté du temps qui les termine, et que la jouissance des couronnes, sans être bornée par aucun terme, se prolonge dans l'éternité des siècles. C'est donc parce qu'il voulait les récompenser plus abondamment qu'il a différé la récompense ; c'est aussi afin qu'ils goûtent, par la suite, une joie plus pure. En effet, comme celui qui doit éprouver des afflictions, après avoir vécu dans les plaisirs et dans les délices, ne sent pas les charmes de l'abondance où il vit maintenant, par l'attente des maux dont il est menacé : de même celui qui doit obtenir des couronnes après les plus rudes combats , et des peines sans nombre, ne sent pas les maux présents, animé par l'espoir des biens futurs. Et ce n'est pas seulement par de espérances dans l'avenir que Dieu allège à ses saints les peines de la vie présente, mais c'est encore en plaçant la tribulation avant le plaisir, afin que la perspective d'une félicité future empêche qu'ils ne soient accablés par les maux présent.

C'est ainsi que les athlètes reçoivent des blessures avec courage, considérant moins les peines qu'ils éprouvent, que ta couronne qu'ils espèrent. C'est ainsi que les nautonniers, en butte aux périls et aux tempêtes, exposés aux guerres les plus cruelles contre les monstres de la mer et les brigands qui l'infestent, ne pensent à rien de cela, mais ne voient que les ports, et le commerce qui doit les enrichir. C'est ainsi que les martyrs, qui souffraient une infinité de maux, dont le corps était déchiré par mille tourments divers, ne voyaient rien de cela, mais ne soupiraient qu'après le ciel, après le bonheur d'une autre vie. Et afin que vous sachiez que ce qui est difficile et accablant par soi-même devient facile et léger par l'espoir des biens à venir, écoutez le Docteur par excellence , qui nous dit : " Le moment si court et si léger des afflictions de cette vie produit en nous le poids éternel d'une souveraine et incomparable gloire (et comment, je vous le demande ?), si nous ne considérons point les choses visibles, mais les invisibles." (II Cor. IV, 17 et 18.). Ce n'est pas au hasard que je vous prêche ces vérités : c'est pour votre instruction, c'est afin que, quand vous verrez le méchant, qui doit être puni dans un autre monde, jouir de toutes les délices, de tous les plaisirs de cette vie, ces plaisirs et ces délices ne vous le fassent pas trouver heureux, mais que plutôt vous le trouviez malheureux, en considérant les supplices qui l'attendent ; et aussi afin que, quand vous verrez dans l'affliction, dans la détresse, environné de tous les maux d'une vie passagère, un de ces hommes qui dans le ciel doivent être comblés de gloire et de bonheur, vous ne déploriez pas son sort à la vue des maux qu'il souffre actuellement, mais que les couronnes qui lui sont réservées dans les siècles éternels vous fassent regarder sa condition comme heureuse et digne d'envie.

2. Le saint martyr dont nous célébrons la mémoire naquit en Cilicie, où était né saint Paul ; il était compatriote de cet apôtre, et tous deux, sortis de cette région, se sont montrés de dignes ministres de l'Eglise. Dès que la carrière de la foi fut ouverte, et qu'il fallut soutenir des combats, il tomba entre les mains d'un gouverneur cruel et barbare. Et considérez les ruses qu'employa ce méchant homme. Comme il apercevait dans notre saint une volonté ferme, une âme courageuse, dont il était impossible de triompher par la violence des tourments, il diffère de jour en jour son supplice, il le fait paraître et retirer sans cesse. Il ne lui fait pas trancher la tête dès qu'il est instruit de ses dispositions, de peur que la promptitude de sa mort ne rende sa course plus facile ; mais il le fait amener devant lui à plusieurs reprises, lui fait subir de fréquents interrogatoires, le menace de mille tourments, cherche à le gagner par des paroles flatteuses, en un mot, emploie tous les moyens pour ébranler ce rocher inébranlable. Il le promena même durant une année entière par toute la Cilicie, comme pour lui faire affront; mais il ne faisait que manifester la gloire de ce généreux martyr, qui s'écriait avec saint Paul : " Je rends grâces à Dieu qui nous fait toujours triompher en Jésus-Christ, et qui répand par nous en tout lieu l'odeur de la connaissance de son nom."
(II Cor. II, 14.). Un parfum renfermé dans un espace étroit n'embaume de son odeur que l'air dont il est environné ; mais s'il est porté dans plusieurs lieux, il les remplit tous d'une odeur suave : c'est ce qu'on vit alors dans notre bienheureux martyr. Il était transporté de pays en pays pour être couvert de confusion ; et par toutes ces courses répétées, devenu un athlète plus illustre, il faisait admirer sa vertu à tous les habitants de la Cilicie.

Il était transporté partout, afin que les Ciliciens n'apprissent pas seulement par ouï-dire ses combats, mais qu'ils vissent de leurs propres yeux l'athlète couronné. Plus le gouverneur multipliait les courses de Julien, plus il augmentait sa gloire; plus il lui ouvrait de lices, plus il lui fournissait occasion de se signaler par des combats admirables ; plus il prolongeait ses souffrances, plus il mettait sa patience à l'épreuve. Plus l'or reste dans la fournaise, plus il devient pur; plus l'âme du saint était éprouvée, plus elle brillait avec éclat. En faisant conduire partout le martyr, le gouverneur ne faisait que montrer partout un trophée contre lui-même et contre le démon, une preuve de la cruauté des gentils, un témoignage de la piété des chrétiens, un signe frappant de la puissance de Jésus-Christ, une exhortation aux fidèles pour les engager à soutenir courageusement les mêmes combats, un héraut de la gloire divine, un maître dans la science de pareils assauts. Le saint excitait tous les hommes à imiter son zèle, moins par ses paroles que par ses actions, dont la voix retentissait partout avec éclat. Et comme les cieux annoncent la gloire du Très-Haut aux mortels qui les contemplent ; comme ils nous invitent à admirer le Créateur, non parles paroles qu'ils font retentir à notre oreille, mais par l'éclat dont ils frappent nos regards : de même le martyr annonçait la gloire du Très-Haut, étant lui-même un ciel, et un ciel plus éclatant que le ciel visible. Non, les choeurs des astres ne rendent pas aussi brillant le firmament qu'ils embellissent, que le sang qui sortait des blessures du martyr rendait son corps resplendissant ; et voyez comment les blessures du martyr brillaient avec plus de splendeur que les astres placés dans les cieux !

Les hommes et les démons envisagent le ciel et les astres qu'il renferme ; mais les blessures de Julien, que les fidèles peuvent envisager, les démons n'osent les regarder en face, et s'ils entreprennent d'y jeter la vue, leurs yeux éblouis ne peuvent supporter l'éclat qu'elles renvoient. C'est ce que je vais prouver par des faits dont nous sommes les témoins, sans recourir aux anciens prodiges. Prenez un homme furieux, tourmenté par le démon, amenez-le au tombeau respectable où sont déposés les restes du martyr, et vous verrez l'esprit impur abandonner le corps qu'il tyrannise, et prendre honteusement la fuite. Dès le seuil de la chapelle où le martyr est honoré, il s'enfuit comme s'il allait marcher sur des charbons, sans oser même regarder la châsse qui renferme ses reliques. Mais si aujourd'hui, que le saint n'est plus que cendre et poussière, les démons n'osent regarder en face le monument où reposent ses os dépouillés, il est clair que, lorsqu'ils le voyaient revêtu de son sang comme d'une pourpre royale, et brillant par ses blessures plus que le soleil par ses rayons, ils se sont retirés frappés de cette vue, les yeux éblouis. Voyez-vous comme les blessures des martyrs sont plus brillantes, plus admirables, et ont plus de pouvoir que les astres du firmament ?

3. Le saint est amené devant le tribunal ; il ne voit de toute part que tourments et supplices affreux, il ne voit que peines et douleurs dans le moment et pour la suite. Les bourreaux environnent son corps comme des bêtes féroces ; ils déchirent ses flancs, découpent ses chairs, mettent ses os à nu, pénètrent jusqu'aux entrailles. Mais malgré leurs recherches cruelles, ils ne peuvent lui ravir le trésor de la foi. Dans les palais des princes, dans les lieux où est déposé leur or et d'autres richesses immenses, si on perce les murs, si on ouvre les portes, on aperçoit aussitôt le trésor qu'ils renferment. Mais c'était tout le contraire pour notre saint, pour ce temple vivant de Jésus-Christ. Les bourreaux perçaient les murs ; ils ouvraient la poitrine sans pouvoir découvrir ni prendre les richesses cachées au dedans ; et de même que les habitants de Sodome, quoique à la porte de la maison de Lot, ne pouvaient en trouver l'entrée : ainsi, quoique les bourreaux ouvrissent de tous côtés le corps de Julien, ils ne pouvaient ni saisir ni ravir le trésor précieux de la foi qu'il tenait en réserve. Telles sont les vertus qui décorent l'âme des saints, qu'elles ne peuvent être ni saisies ni enlevées ; placées dans le courage et la constance, comme dans un asile sacré, ni les yeux des tyrans ne peuvent les découvrir, ni les mains des bourreaux ne peuvent les ravir ; mais quand ils perceraient le coeur, qui est le siège du courage, quand ils le couperaient par morceaux, loin d'épuiser les richesses de la grâce que possèdent les saints, ils ne feraient même que les augmenter.

La raison de ce prodige, c'est que, Dieu habite dans leurs âmes, et que, quand on fait la guerre à Dieu, il est impossible de triompher, il faut absolument qu'on se retire vaincu, couvert de honte et de confusion. C'est pour cela que, quoique les paroles ordinairement soient si faibles, et qu'elles aient si peu d'effet contre les attaques de la puissance, elles eurent alors une efficacité nouvelle, et triomphèrent de tous les efforts de la cruauté. Le tyran et les bourreaux employaient les fouets ; le fer, le feu, en un mot, tous les instruments des plus affreux supplices ; ils déchiraient de tout côté les flancs du martyr, qui ne prononçait qu'une parole , et cette parole seule triomphait de toutes les machines dressées contre lui. Une parole sainte sortie de sa bouche répandait une lumière plus éclatante que les rayons du soleil. Les rayons du soleil ne parcourent que l'espace qui est entre le ciel et la terre ; ou plutôt ils ne peuvent parcourir tout cet intervalle, lorsqu'interceptés et arrêtés par un toit, par un mur, par un nuage, ou par quelqu'autre corps, ils sont rompus par ces obstacles et ne peuvent aller plus avant. La dernière parole du martyr, sortie de sa bouche sainte, s'élance jusqu'au ciel, elle pénètre jusqu'aux cieux supérieurs ; les anges, les archanges, les chérubins, toutes les puissances célestes, se retirent pour la laisser passer ; et pénétrés pour elle de respect, ils la portent humblement au trône du Roi suprême.

4. Lorsque Julien eut prononcé sa dernière parole, le gouverneur voyant que tous ses moyens et toutes ses ruses étaient inutiles, qu'attaquer le saint c'était regimber contre l'aiguillon, c'était vouloir entamer un diamant, que fait-il ? Il prend dès lors le parti d'avouer sa défaite, de terminer les jours du martyr ; car la mort des martyrs est un aveu public que les tyrans font de leur défaite, et une victoire éclatante que les martyrs remportent sur ceux qui leur ôtent la vie. Voyez comme il imagine un genre de mort cruel, également propre à manifester la barbarie du tyran et la fermeté du martyr. Quel est donc ce genre de supplice ? Il fait apporter un sac, qu'il remplit de sable, de scorpions, de serpents, de vipères et de dragons ; il y fait mettre le saint, et le fait jeter à la mer. Un juste se trouva de nouveau enfermé avec des bêtes féroces ; je dis de nouveau, afin que vous vous rappeliez l'ancienne histoire de Daniel. L'un a été jeté dans une fosse, dont les ministres du prince avaient fermé l'entrée avec une pierre ; un sac a été la prison de l'autre, prison étroite où un gouverneur cruel l'a fait enfermer. Dans l'une et l'autre circonstance, les bêtes féroces respectent les corps des saints, pour condamner et confondre des êtres qui sont doués d'une nature humaine et raisonnable, et dont la férocité surpasse de beaucoup celle des brutes : tel était, sans doute, le tyran dont nous parlons.

On vit alors un prodige aussi extraordinaire que du temps de Daniel. Les Babyloniens furent étonnés de voir, après plusieurs jours, le prophète sortir plein de vie de la fosse aux lions ; les anges furent surpris de voir l'âme de Julien sortir du milieu des flots et du sac qui la renfermait, pour s'élever jusqu'aux cieux. Daniel a combattu et vaincu deux lions, mais matériels : Julien a combattu et vaincu un seul lion, mais spirituel. " Le démon, notre ennemi, dit saint Pierre, tourne sans cesse autour de nous, comme un lion rugissant, et cherche qui il pourra dévorer " (I Pierre, V, 8) ; mais il a été vaincu par le courage du martyr. Le martyr avait déposé le venin du péché ; aussi n'a-t-il pas été dévoré par l'esprit impur, et n'a-t-il craint ni la cruauté du lion, ni la fureur des bêtes féroces.

Voulez-vous que je vous rapporte une autre histoire encore plus ancienne, où un juste s'est trouvé avec des bêtes féroces ? Rappelez-vous le déluge arrivé du temps de Noé, et l'arche qu'il avait construite un juste, alors, et des bêtes féroces se trouvèrent ensemble. Mais Noé entra homme dans l'arche et en sortit homme ; Julien entra homme dans la tuer et en sortit ange. L'un entra de la terre dans l'arche et retourna sur la terre ; l'autre entra de la terre dans la mer, et de la mer s'éleva dans le ciel. La mer l'a reçu, non pour lui donner la mort, mais pour lui accorder la couronne ; et après qu'il a été couronné, elle nous a rendu cette arche sainte, je veux dire le corps du martyr. Nous avons conservé jusqu'à ce jour ce trésor précieux, la source d'une infinité de biens ; car le Seigneur a partagé, en quelque sorte, avec nous les martyrs ; il a pris leurs âmes et nous a laissé leurs corps, afin que nous ayons, dans leurs saintes reliques, un monument qui nous rappelle sans cesse leurs vertus. En effet, si en voyant les armes ensanglantées d'un guerrier, son bouclier, sa pique, sa cuirasse, l'homme le plus lâche est animé et enflammé, s'il soupire après la guerre, si la seule vue de ces armes l'excite à tenter les mêmes entreprises ; nous qui voyons, non les armes, mais le corps d'un saint qui a mérité d'être ensanglanté pour avoir confessé le nom de Jésus-Christ, quand nous serions les plus timides des hommes, comment ne concevrionsnous point la plus grande ardeur ? Comment cette vue n'embraserait-elle point notre âme, ne nous porterait-elle point à soutenir les mêmes combats ? Dieu nous a abandonné les corps des saints jusqu'au temps de là résurrection, afin qu'ils nous donnent de grandes leçons de philosophie chrétienne. Mais craignons de diminuer, par la faiblesse de nos discours, les louanges dues à un martyr, laissons au souverain Juge de ses combats à le louer : Celui qui couronne les martyrs les louera lui-même ; leur louange ne vient pas des hommes, mais de Dieu ; et tout ce que nous avons dit de Julien, ce n'est pas pour illustrer davantage un martyr, mais pour enflammer de plus en plus votre ardeur.

Nous allons donc laisser son éloge pour vous adresser la parole ; ou plutôt parler dans l'église d'objets instructifs, c'est faire l'éloge des martyrs. Ecoutez-moi avec attention : je veux détruire aujourd'hui un ancien abus, afin que nous imitions les martyrs, sans nous contenter d'honorer leurs tombeaux. Oui, l'honneur rendu aux martyrs ne consiste pas seulement à venir à leurs tombeaux, mais plus que cela encore, à s'efforcer d'imiter leur courage. Il faut dire, d'abord, quel est l'abus que j'attaque, parce que la maladie étant inconnue, il n'est pas facile d'appliquer le remède : je découvre d'abord la plaie, pour mettre ensuite l'appareil. Quel est donc l'abus dont je parle ?

5. Quelques-uns de ceux qui sont ici présents - car à Dieu ne plaise que mes reproches s'adressent à toute l'assemblée - nous abandonneront demain par lâcheté et par faiblesse, ils courront au faubourg de Daphné pour dissiper demain ce que nous avons recueilli aujourd'hui, pour détruire ce que nous avons édifié. Afin donc qu'ils ne soient pas venus ici inutilement, nous finirons par dire quelques mots sur cet objet : Pourquoi, je vous prie, courez-vous au faubourg d'Antioche ? C'est ici le faubourg de la Jérusalem d'en-haut, c'est ici le Daphné spirituel. Là-bas sont des fontaines d'eau, ici sont les sources des martyrs ; là-bas sont des cyprès, arbres stériles ; ici sont des arbres qui ont leurs racines en terre, et qui étendent leurs branches jusqu'au ciel. Voulez-vous voir le fruit de ces branches ? Ouvrez les yeux de la foi, et vous apercevrez aussitôt une espèce de fruit merveilleux. Non, le fruit de ces branches n'est pas corruptible et périssable, il ne ressemble à aucun de ceux que produit la terre : c'est la guérison des corps mutilés et des âmes malades, la rémission des péchés, l'abolition du vice, la prière continuelle, la confiance dans le Seigneur ; tout ici est spirituel, tout est rempli de biens célestes. Ces fruits sans cesse cueillis repoussent sans cesse, et ne trompent jamais l'espoir du cultivateur. Les arbres terrestres ne produisent qu'une fois l'année ; et aux approches de l'hiver, ils perdent leur beauté propre, leurs fruits, qu'on n'a pas cueillis, se corrompant et tombant d'eux-mêmes. Les arbres dont je parle ne connaissent ni hiver, ni été, ne sont pas sujets à l'inclémence des saisons : jamais dépouillés de leurs fruits, ils conservent toujours leur beauté, sans être exposés ni à la corruption, ni à la vicissitude des temps. Combien, depuis que ce corps est planté dans la terre, les fidèles ont cueilli de ce tombeau des guérisons, sans que le fruit ait jamais manqué ; ils ont moissonné les blés, et il reste encore une ample moisson ; ils ont puisé aux fontaines, et les eaux jaillissent toujours. La source est intarissable, elle ne manque jamais ; plus on y puise, plus on en voit couler de prodiges.

Et le tombeau du saint n'opère pas seulement des miracles, il produit encore la sagesse. Etes-vous riche, enflé d'orgueil, rempli d'arrogance ? Venez ici, voyez le martyr, considérez combien votre richesse diffère de son opulence ; et vous réprimerez bientôt votre fierté, vous vous en retournerez ayant déposé tout orgueil, et l'âme guérie d'une vaine enflure. Etes-vous pauvre, vous croyez-vous digne de mépris ? Venez ici, voyez la richesse du martyr, et dédaignant les biens de ce siècle, vous vous en retournerez plein d'une philosophie chrétienne. Oui, quand on vous aurait causé mille torts, quand on vous aurait accablé d'outrages et de coups, cette pensée, que vous n'avez pas encore souffert autant que le martyr, vous fera remporter d'ici une abondante consolation. Vous voyez quels fruits naissent de ces racines, combien ils sont inépuisables, combien ils sont spirituels, combien ils appartiennent à l'âme.

Je n'empêche pas que vous vous rendiez au faubourg, mais je m'oppose à ce que vous y alliez demain. Pourquoi ? C'est afin que votre plaisir ne soit pas répréhensible, afin que votre joie soit pure, qu'elle ne vous attire pas de condamnation ; car vous pouvez, dans un autre jour, vous livrer sans crime à des divertissements honnêtes. Que si vous voulez goûter, même aujourd'hui, quelque plaisir, quoi de plus agréable que cette assemblée et ce spectacle spirituel ? Quoi de plus doux que la société de vos frères et de vos membres ? Mais voulez-vous même participer à une table matérielle ? Vous pouvez, lorsque l'assemblée sera séparée, vous asseoir près de la chapelle du martyr, sous un figuier ou sous une vigne, et procurer à votre corps quelque satisfaction, sans charger votre conscience d'un crime. Le martyr qui est présent et qui assiste à votre table, ne permet pas que la joie dégénère en licence : comme un maître attentif ou un bon père aperçu des yeux de la foi, il réprime les ris immodérés, il arrête les joies excessives, il empêche toutes les révoltes de la chair, inconvénients inévitables dans le faubourg de Daphné. Pourquoi ? C'est qu'il y aura demain des danses dans tout le faubourg. Or, la seule vue de ces danses entraîne le plus sage à imiter les mouvements indécents dont il est le témoin surtout lorsque le démon est de la partie ; et il est présent, appelé par les chants des prostituées, par les discours obscènes, par les pompes diaboliques qu'on y étale. Or, vous avez renoncé à toutes ces pompes, vous vous êtes attachés au culte de Jésus-Christ, du jour où vous avez été admis aux sacrés mystères. Rappelez-vous donc les paroles que vous avez prononcées, les engagements que vous avez pris, et craignez de violer vos promesses.

Mais je vais m'adresser à ceux qui ne se rendront pas à Daphné, et leur recommander le salut de leurs frères. Lorsqu'un médecin visite un malade, il dit peu de chose au malheureux gisant dans son lit : il s'adresse à ses proches, leur parle des remèdes, de la nourriture, et leur recommande les autres parties du traitement. Pourquoi ? C'est que le malade n'est point en état, pour l'heure, de recevoir des conseils, au lieu que celui qui est en santé, écoute, avec la plus grande attention toutes les ordonnances du médecin. Voilà pourquoi je veux m'adresser aussi à vous. Saisissons-nous demain des portes, assiégeons les chemins, que les hommes fassent revenir malgré eux les hommes, que les femmes ramènent malgré elles les femmes. N'ayons pas de honte, il n'y a pas de honte à avoir lorsqu'il s'agit du salut de notre prochain. Si nos frères ne rougissent pas de se rendre à une fête profane et criminelle, ne rougissons pas de les ramener à une solennité sacrée ; ne négligeons rien, lorsqu'il est question du salut de nos frères. Si Jésus-Christ est mort pour nous, nous devons tout supporter pour eux. Quand ils vous accableraient de coups et d'invectives, retenez-les, ne les quittez pas que vous ne les ayez ramenés au saint martyr.

Quand il vous faudrait prendre les passants pour juges, dites à ceux qui voudront l'entendre : Je veux sauver mon frère, je vois qu'il perd son âme, je ne puis négliger celui auquel je tiens de si près. Que celui qui le voudra m'accuse, que celui qui le voudra me condamne. Ou plutôt personne ne me blâmera, tous me loueront, tous me chériront, puisque ce n'est ni pour un vil intérêt, ni pour contenter un ressentiment personnel, ni pour aucun autre motif profane, que je dispute, mais pour le salut de mon frère. Qui n'approuvera pas ma conduite ? Qui ne l'admirera pas ? Quoique nous n'ayons ensemble aucune liaison de parenté charnelle, la parenté spirituelle nous rend plus chers les uns aux autres, que des enfants ne le sont à leurs parents. Si vous voulez même, prenons avec nous le martyr ; il ne rougira point de nous accompagner, et de sauver ses frères. Montrez-le à leurs yeux ; qu'ils craignent sa présence, qu'ils respectent ses prières et ses exhortations. Si Dieu exhorte ses créatures : " Nous faisons la charge d'ambassadeurs pour Jésus-Christ, dit saint Paul, et c'est Dieu même qui vous exhorte, par notre bouche, à vous réconcilier avec lui " (II Cor. V, 20), à plus forte raison un serviteur de Dieu exhortera-t-il ses frères. La seule chose qui l'afflige, c'est notre perte, la seule chose qui le réjouisse, c'est notre salut; aussi ne se refusera-t-il à rien pour nous sauver. N'ayons donc pas de honte de nous-mêmes, et ne croyons pas en pouvoir trop faire.

Si des chasseurs parcourent les montagnes, les précipices, les gouffres et les abîmes, pour prendre quelques animaux terrestres, ou même des oiseaux sauvages ; vous qui devez ramener de la perdition, non un vil animal, mais votre frère spirituel, pour lequel Jésus-Christ est mort, vous rougissez, vous hésitez, je ne dis pas de franchir des forêts et des montagnes, mais de sortir simplement des portes de la ville ! Quelle excuse, je vous prie, vous restera-t-il ? N'entendez-vous pas l'avertissement d'un sage qui vous dit : " Il y a une honte qui conduit au péché " (Ecclés. IV, 25.). Mais vous craignez qu'on ne vous blâme ; rejetez toute la faute sur moi, qui vous ai donné le conseil ; dites que c'est votre maître qui vous l'a ordonné. Je suis prêt à me justifier devant ceux qui m'accuseront, et à rendre compte de ma conduite ; ou plutôt, aucun homme, quelque impudent qu'on le suppose, ne vous blâmera ni vous ni moi, mais tous nous approuveront, et applaudiront à nos soins. Tous les habitants d'Antioche, ceux même des villes voisines admireront la force impérieuse de notre charité et l'ardeur de notre zèle. Mais que parlé-je des hommes ? le Maître des anges lui-même nous donnera son approbation. Puis donc que nous savons quelle sera la récompense de nos peines, ne négligeons pas cette chasse spirituelle ; ne revenons pas seuls demain, mais présentons-nous chacun avec notre proie. Pourvu que nous nous rendions à l'heure où notre frère sortira de sa maison pour se mettre en chemin, et que nous l'engagions à visiter ce lieu, il n'y aura plus dès lors de difficulté. Lui-même vous en saura gré par la suite, tous les autres vous loueront, vous admireront, et, ce qu'il y a de plus essentiel, le Maître des cieux vous en récompensera abondamment, il vous comblera de biens et de louanges. Considérant donc l'avantage qui résulte pour nous d'une telle conduite, rendons-nous tous en foule aux portes de la ville, saisissons- nous de nos frères, ramenons-les ici, afin que demain l'église soit pleine, et que la solennité soit parfaite; afin que le bienheureux martyr, pour prix de notre zèle, nous reçoive avec confiance dans les tabernacles éternels. Puissions-nous obtenir cette faveur par la grâce et par la bonté de Notre Seigneur Jésus-Christ, par qui et avec qui soit la gloire au Père et à l'Esprit-Saint vivifiant, maintenant et toujours, dans tous les siècles des siècles ! Ainsi soit-il.

mercredi, 07 janvier 2009

7 janvier. IIe jour de l'Octave de l'Epiphanie.

- IIe jour de l'Octave de l'Epiphanie.


Andrea Mantegna. XVe.

Une solennité aussi importante que celle de l'Epiphanie ne pouvait manquer d'être décorée d'une Octave. Cette Octave n'est inférieure en dignité qu'à celles de Pâques et de la Pentecôte ; et son privilège est supérieur à celui de l'Octave de Noël, qui admet les fêtes des rites double et semi-double, tandis que l'Octave de l'Epiphanie ne cède qu'à une fête Patronale de première classe. Il paraît même, d'après d'anciens Sacramentaires, que, dans l'antiquité, le lendemain et le surlendemain de l'Epiphanie étaient fêtes de précepte, comme les deux jours qui suivent les solennités de Pâques et de la Pentecôte. On connaît encore les Eglises Stationales où le clergé et les fidèles de Rome se rendaient en ces deux jours.

Afin d'entrer de plus en plus dans l'esprit de l'Eglise, pendant cette glorieuse Octave, nous contemplerons chaque jour le Mystère de la Vocation des Mages, et nous nous rendrons avec eux dans la sainte retraite de Bethléhem, pour offrir nos dons au divin Enfant vers lequel l'étoile les a conduits.


Ivoire. Anonyme. Bourgogne. XIVe.

Mais quels sont ces Mages, sinon les avant-coureurs de la conversion des peuples de l'univers au Seigneur leur Dieu, les pères des nations dans la foi au Rédempteur venu, les patriarches du genre humain régénéré ? Ils apparaissent tout à coup en Bethléhem, au nombre de trois selon la tradition de l'Eglise, conservée par saint Léon, par saint Maxime de Turin, par saint Césaire d'Arles, par les peintures chrétiennes qui décorent les Catacombes de la ville sainte, dès l'âge des persécutions.

Ainsi se continue en eux le Mystère déjà marqué par les trois hommes justes des premiers jours du monde : Abel, immolé comme figure du Christ ; Seth, père des enfants de Dieu séparés de la race de Caïn ; Enos, qui eut la gloire de régler le culte du Seigneur.

Et ce second Mystère des trois nouveaux ancêtres du genre humain, après les eaux du déluge, et desquels toutes les races sont sorties : Sem, Cham et Japhet, fils de Noé.

Enfin, ce troisième Mystère des trois aïeux du peuple choisi : Abraham, Père des croyants ; Isaac, nouvelle figure du Christ immolé ; Jacob, fort contre Dieu dans la lutte, et père des douze Patriarches d'Israël.


Jérôme Bosch. XVe.

Mais tous ces hommes, sur lesquels reposait cependant l'espoir du genre humain, selon la nature et selon la grâce, ne furent que les dépositaires de la promesse ; ils n'en saluèrent que de loin, comme dit l'Apôtre, l'heureux accomplissement. (Hebr. XI, 13). Les nations ne marchèrent point à leur suite vers le Seigneur ; plus vive la lumière apparaissait sur Israël, et plus profond devenait l'aveuglement des peuples. Les trois Mages, au contraire, n'arrivent à Bethléhem que pour y annoncer et y précéder toutes les générations qui vont suivre. En eux, la figure arrive à la réalité la plus complète par la miséricorde du Seigneur, qui, étant venu chercher ce qui avait péri, a daigné tendre les bras à tout le genre humain, parce que le genre humain avait péri tout entier.

Considérons-les encore, ces heureux Mages, investis du pouvoir royal, comme il sera facile de le prouver bientôt ; considérons-les figurés par ces trois Rois fidèles qui sont la gloire du trône de Juda, et maintiennent dans le peuple choisi les traditions de l'attente du Libérateur, en combattant l'idolâtrie : David, type sublime du Messie ; Ezéchias, dont le bras courageux disperse les faux dieux, Josias, qui rétablit la loi du Seigneur que son peuple avait oubliée.

Et si nous voulons un autre type de ces pieux voyageurs qui accourent, du fond de la Gentilité, pour saluer le Roi pacifique, en lui apportant des présents, les saints livres nous offrent la reine de Saba, figure de la Gentilité, qui, sur la renommée de la profonde sagesse de Salomon, dont le nom est le Pacifique, arrive en Jérusalem, avec ses chameaux tout chargés d'or, d'aromates et de pierres précieuses, et vénère, dans une de ses plus imposantes figures, la Royauté du Messie.


Luca Signorelli. XVe.

C'est ainsi, Ô Christ, que durant cette nuit profonde que la justice de votre Père avait laissé s'étendre sur le monde coupable, des éclairs de grâce sillonnaient le ciel, et promettaient des jours plus sereins, lorsque le Soleil de votre justice se serait enfin levé sur les ombres de la mort. Mais le temps de ces ombres funestes est passé pour nous ; nous n'avons plus à vous contempler dans ces types fragiles et d'une lumière vacillante. C'est vous-même, Ô Emmanuel, que nous possédons pour jamais. Le diadème qui brillait sur le front de la reine de Saba n'orne point notre tête ; mais nous n'en sommes pas moins accueillis à votre berceau. Vous avez convié des pâtres à entendre les premiers les leçons de votre doctrine : tout fils de l'homme est appelé à former votre cour ; devenu enfant, vous avez mis à la portée de tous les trésors de votre infinie sagesse.

Quelle reconnaissance doit être la nôtre pour ce bienfait de la lumière de la Foi, sans laquelle nous ignorerions tout, croyant savoir toutes choses! Que la science de l'homme est petite, incertaine et trompeuse, auprès de celle dont vous êtes la source si près de nous ! Gardez-nous toujours, Ô Christ ! Ne permettez pas que nous perdions l'estime de la lumière que vous faites briller à nos jeux, en la tempérant sous le voile de votre humble enfance. Préservez-nous de l'orgueil qui obscurcit tout, et qui dessèche le cœur ; confiez-nous aux soins de votre Mère Marie ; et que notre amour nous fixe à jamais près de vous, sous son œil maternel.

HYMNE

Saint Ephrem nous fournit cette Hymne gracieuse sur la Nativité du Sauveur :


Paolo Schiavo. XVe.

" Le Fils étant né, Bethlehem retentit de cris de jubilation. Ces Esprits qui toujours veillent, descendus du ciel, chantent en chœur ; et l'éclat de leurs voix couvrirait le tonnerre. Excités par ces nouveaux concerts, les hommes qui étaient dans le silence, accoururent : ils viennent, à leur tour, interrompre la nuit par la louange du nouveau-né Fils de Dieu.

" Fêtons, disaient-ils, l'enfant qui rend Eve et Adam à leur jeunesse première." Les bergers arrivèrent, apportant le tribut de leurs troupeaux, un lait doux et abondant, une chair délicate et pure, et des chants harmonieux.

Ainsi firent-ils leurs partages : les chairs à Joseph, le lait à Marie, au Fils les chants de louange. A l'Agneau pascal un agneau que sa mère allaitait encore, un premier-né au Premier-né, une victime à la Victime, un agneau du temps à l'Agneau de l'éternelle vérité.

Admirable spectacle ! Un agneau est offert à l'Agneau ! Quand on le présenta au Fils unique, le fils de la brebis fit entendre son bêlement. L'agneau terrestre rendait grâces au divin Agneau, de ce que, par son avènement, il sauverait les troupeaux de l'immolation sanglante, et de ce que la Pâque nouvelle, instituée par le Fils de Dieu, viendrait bientôt remplacer l'antique Pâque.

Les bergers l'adorèrent aussi, et saluèrent, en prophétisant, le Prince des Pasteurs. " La verge de Moïse, dirent-ils, Pasteur universel, glorifie ton sceptre ; et Moïse, qui a porté cette verge, célèbre ta grandeur ; mais il gémit du changement opéré dans son troupeau ; il se désole de voir ses agneaux changés en loups, ses brebis transformées en dragons et en bêtes féroces. Ce malheur arriva dans l'affreuse solitude du désert, quand, furieuses et pleines de rage, ces brebis s'attaquèrent à leur Pasteur.

Enfant divin, les bergers viennent t'offrir leurs actions de grâces, à toi qui as su réunir les loups et les agneaux dans la même Bergerie. Enfant plus ancien que Noé, et aussi né plus tard que ce patriarche, c'est toi qui, dans l'Arche, au milieu de l'agitation des flots, as mis la paix entre les êtres qu'elle transportait.

David ton aïeul venge la mort d'un agneau par la mort du lion : toi, Ô fils de David, tu as exterminé le loup caché qu avait tué Adam, cet agneau rempli de simplesse, qui faisait entendre ses bêlements dans le Paradis."

jeudi, 25 décembre 2008

Credo de saint Athanase

SYMBOLE DE SAINT ATHANASE

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Saint Athanase au concile de Nicée.
Histoire et continuation. Guillaume de Tyr. Acre. Terre Sainte. XIIIe.

1. Quicumque vult salvus esse, ante omnia opus est ut teneat catholicam fidem :
- Quiconque veut être sauvé, doit avant tout tenir la foi catholique :

2. Quam nisi quisque integram inviolatamque servaverit, absque dubio in æternum peribit.
- Celui qui ne la conservera pas intègre et inviolée périra, sans aucun doute, pour l'éternité.

3. Fides autem catholica haec est : ut unum Deum in Trinitate, et Trinitatem in unitate veneremur.
- Voici quelle est la foi catholique : c'est que nous vénérions un seul Dieu dans la Trinité et la Trinité dans l'unité.

4. Neque confundentes personas, neque substantiam separantes.
- Sans confondre les personnes, ni séparer la substance.

5. Alia est enim persona Patris, alia Filii, alia Spiritus Sancti :
- Autre est en effet la personne du Père, autre celle du Fils, autre celle du Saint-Esprit :

6. Sed Patris et Filii et Spiritus Sancti una est divinitas, æqualis gloria, coæterna majestas.
- Mais du Père, du Fils et du Saint-Esprit, il n'est qu'une seule divinité, une gloire égale, une majesté coéternelle.

7. Qualis Pater, talis Filius, talis Spiritus Sanctus.
- Tel est le Père, tel est le Fils, tel est le Saint-Esprit.

8. Increatus Pater, increatus Filius, increatus Spiritus Sanctus.
- Le Père est incréé, le Fils est incréé, le Saint-Esprit est incréé.

9. Immensus Pater, immensus Filius, immensus Spiritus Sanctus.
- Le Père est immense, le Fils est immense, le Saint-Esprit est immense.

10. Aeternus Pater, æternus Filius, æternus Spiritus Sanctus.
- Le Père est éternel, le Fils est éternel, le Saint-Esprit est éternel.

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La Très Sainte Trinité. Sculpture votive anonyme italienne du XVe.

11. Et tamen non tres æterni, sed unus æternus.
- Et pourtant il n'y a pas trois éternels, mais un seul éternel.

12. Sicut non tres increati, nec tres immensi, sed unus increatus et unus immensus.
- De même, il n'y a pas trois incréés, ni trois immenses, mais un seul incréé et un seul immense.

13. Similiter omnipotens Pater, omnipotens Filius, omnipotens Spiritus Sanctus.
- De même, le Père est tout-puissant, le Fils est tout-puissant, le Saint-Esprit est tout-puissant.

14. Et tamen non tres omnipotentes, sed unus omnipotens.
- Et pourtant, il n'y a pas trois tout-puissants, mais un seul tout-puissant.

15. Ita Deus Pater, Deus Filius, Deus Spiritus Sanctus.
- De même, le Père est Dieu, le Fils est Dieu, le Saint-Esprit est Dieu.

16. Et tamen non tres dii, sed unus est Deus.
- Et pourtant, il n'y a pas trois dieux, mais un seul Dieu.

17. Ita Dominus Pater, Dominus Filius, Dominus Spiritus Sanctus.
- De même, le Père est Seigneur, le Fils est Seigneur, le Saint-Esprit est Seigneur.

18. Et tamen non tres Domini, sed unus est Dominus.
- Et pourtant, il n'y a pas trois seigneurs, mais un seul Seigneur.

19. Quia, sicut singillatim unamquamque personam Deum ac Dominum confiteri christiana veritate compellimur : ita tres deos aut dominos dicere catholica religione prohibemur.
- De même que la vérité chrétienne nous oblige à confesser que chaque personne est Dieu et Seigneur, ainsi la religion catholique nous interdit de dire qu'il y a trois dieux ou seigneurs.

20. Pater a nullo est factus : nec creatus, nec genitus.
- Le Père ne vient de nul autre : ni fait, ni créé, ni engendré.

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La Très Sainte Trinité couronnant Notre Dame la Vierge Marie.
Heures à l'usage de Sarum et de Poitiers. XVe.

21. Filius a Patre solo est : non factus, nec creatus, sed genitus.
- Le Fils est du Père seul : ni fait, ni créé, mais engendré.

22. Spiritus Sanctus a Patre et Filio : non factus, nec creatus, nec genitus, sed procedens.
- Le Saint-Esprit est du Père et du Fils : ni fait, ni créé, ni engendré, mais procédant.

23. Unus ergo Pater, non tres Patres ; unus Filius, non tres Filii ; unus Spiritus Sanctus, non tres Spiritus Sancti.
- Il y a donc un seul Père, et non trois Pères ; un seul Fils, et non trois Fils ; un seul Saint-Esprit, et non trois Esprits Saints.

24. Et in hac Trinitate nihil prius aut posterius, nihil majus aut minus : sed totæ tres personæ coæternae sibi sunt et coæquales.
- Et en cette Trinité, il n'y a rien d'antérieur ou de postérieur, rien de plus grand ou de plus petit, mais les trois personnes sont tout entières coéternelles et coégales entre elles.

25. Ita ut per omnia, sicut jam supra dictum est, et unitas in Trinitate, et Trinitas in unitate veneranda sit.
- En sorte qu'en toutes choses, ainsi qu'il a été dit plus haut, on doit vénérer l'unité dans la Trinité, et la Trinité dans l'unité.

26. Qui vult ergo salvus esse : ita de Trinitate sentiat.
- Que celui qui veut être sauvé pense donc ainsi de la Trinité.

27. Sed necessarium est ad æternam salutem, ut Incarnationem quoque Domini nostri Jesu Christi fideliter credat.
- Mais il est nécessaire au salut éternel de croire aussi fidèlement à l'Incarnation de Notre Seigneur Jésus-Christ.

28. Est ergo fides recta ut credamus et confiteamur quia Dominus noster Jesus Christus, Dei Filius, Deus et homo est.
- La rectitude de la foi est de croire et confesser que Notre Seigneur Jésus-Christ, Fils de Dieu, est Dieu et homme.

29. Deus est ex substantia Patris ante sæcula genitus : et homo est ex substantia matris in sæculo natus.
- Il est Dieu, engendré avant les siècles de la substance du Père : il est homme, né dans le siècle de la substance de sa mère.

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La Très Sainte Trinité. Agnolo Gaddi. XIVe.

30. Perfectus Deus, perfectus homo ex anima rationali et humana carne subsistans.
- Dieu parfait, homme parfait subsistant d'une âme raisonnable et d'une chair humaine.

31. Aequalis Patri secundum divinitatem : minor Patre secundum humanitatem.
- Égal au Père selon sa divinité, inférieur au Père selon son humanité.

32. Qui, licet Deus sit et homo, non duo tamen, sed unus est Christus.
- Bien qu'il soit Dieu et homme, il n'y a pas deux mais un seul Christ.

33. Unus autem non conversione divinitatis in carnem, sed assumptione humanitatis in Deum.
- Il est un, non par conversion de la divinité en chair, mais par l'assomption de l'humanité en Dieu.

34. Unus omnino, non confusione substantiæ, sed unitate personæ.
- Un absolument, non par confusion de substance, mais par l'unité de la personne.

35. Nam sicut anima rationalis et caro unus est homo : ita Deus et homo unus est Christus.
- Car, de même que l'âme raisonnable et la chair est un seul homme, ainsi le Dieu et l'homme n'est qu'un seul Christ.

36. Qui passus est pro salute nostra, descendit ad inferos tertia die resurrexit a mortuis.
- Il a souffert pour notre salut, il est descendu aux enfers, et le troisième jour il est ressuscité des morts.

37. Ascendit ad cælos, sedet ad dexteram Dei Patris omnipotentis : inde venturus est judicare vivos et mortuos.
- Il est monté aux cieux, il est assis à la droite de Dieu le Père tout-puissant : d'où il reviendra juger les vivants et les morts.

38. Ad cujus adventum omnes homines resurgere habent cum corporibus suis : et reddituri sunt de factis propriis rationem.
- À son avènement, tous les hommes seront appelés à ressusciter avec leurs corps, et à rendre raison de leurs propres actes.

39. Et qui bona egerunt ibunt in vitam æternam : qui vero mala, in ignem æternum.
- Ceux qui auront fait le bien iront à la vie éternelle, ceux qui ont fait le mal, au feu éternel.

40. Haec est fides catholica, quam nisi quisque fideliter firmiterque crediderit, salvus esse non poterit.
- Telle est la foi catholique : quiconque ne la croira pas fidèlement et fermement ne pourra pas être sauvé.

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Le Jugement dernier. Bréviaire à l'usage de Besançon. XVe.

Gloria Patri et Filio et Spiritui Sancto, sicut erat in principio et nunc et semper et in saecula saeculorum. Amen.
- Gloire au Père et au Fils et au Saint-Esprit, comme il était au commencement et maintenant et toujours et dans tous les siècles des siècles. Ainsi soit-il.

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mercredi, 05 novembre 2008

5 novembre. Saint Zacharie, époux de sainte Elizabeth, père de saint Jean-Baptiste. Ier siècle.

- Saint Zacharie, époux de sainte Elizabeth, père de saint Jean-Baptiste, Ier siècle.

" Ne craignez point, Zacharie,car votre prière a été exaucée ; et Elizabeth, votre épouse, vous donnera un fils que vous nommerez Jean."

L'ange Gabriel à saint Zacharie.

 

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samedi, 12 janvier 2008

12 janvier. VIIe jour dans l'Octave de l'Epiphanie.

- VIIe jour dans l'Octave de l'Epiphanie.


Domenico Ghirlandaïo. XVe.

Ayant déposé leurs offrandes aux pieds de l'Emmanuel, comme le signe de Vaillance qu'ils contractent avec lui au nom du genre humain, combles de ses plus chères bénédictions, les Mages prennent congé de ce divin Enfant ; car telle est sa volonté. Ils s'éloignent enfin de Bethléhem ; mais désormais la terre entière leur paraît vide et déserte. Comme ils désireraient fixer leur séjour auprès du nouveau Roi, dans la compagnie de son ineffable Mère ! Mais le plan du salut du monde exige que tout ce qui sent l'éclat et la gloire humaine soit loin de Celui qui est venu chercher nos abaissements.

Il faut d'ailleurs qu'ils soient les premiers messagers de la parole évangélique ; qu'ils aillent annoncer dans la Gentilité que le Mystère du salut est commencé, que la terre possède son Sauveur, que le salut est à la porte. L'Etoile ne marche plus devant eux ; elle n'est plus nécessaire pour les conduire à Jésus ; ils le portent maintenant et à jamais dans leur cœur. Ces trois hommes prédestinés sont donc déposés au sein de la Gentilité, comme ce levain mystérieux de l'Evangile, qui, malgré son léger volume, procure la fermentation de la pâte tout entière. Dieu bénit à cause d'eux les nations de la terre ; à partir de ce jour, l'infidélité diminue, insensiblement la foi monte; et quand le sang de l'Agneau aura été versé, quand le baptême aura été promulgué, les Mages, initiés aux derniers mystères, ne seront plus seulement hommes de désirs, mais chrétiens parfaits.


Corregio. XVIe.

Une ancienne tradition chrétienne, que nous voyons déjà rappelée par l'auteur de l'Ouvrage imparfait sur saint Matthieu inséré dans toutes les éditions de saint Jean Chrysostome, et qui paraît avoir été écrit vers la fin du VIe siècle ; cette tradition, disons-nous, porte que les trois Mages furent baptisés par l'Apôtre saint Thomas, et qu'ils se livrèrent à la prédication de l'Evangile. Quand bien même cette tradition n'existerait pas, il est aisé de comprendre que la vocation de ces trois Princes ne devait pas se bornera visiter, eux premiers des Gentils, le Roi éternel manifesté sur la terre : une nouvelle mission, celle de l'apostolat, découlait tout naturellement de la première.

De nombreux détails sur la vie et les actions des Mages devenus chrétiens sont arrivés jusqu'à nous ; nous nous abstenons cependant de les relater ici, attendu qu'ils ne sont ni assez anciens, ni assez graves, pour que l'Eglise ait cru devoir en faire usage dans sa Liturgie. Il en est de même de leurs noms, Melchior, Gaspar, Bahhasar : l'usage en est trop récent ; et s'il nous paraît téméraire de les attaquer directement, il nous semblerait aussi trop difficile d'en soutenir la responsabilité.


Maître du Prado. XVIe.

Quant aux corps de ces illustres et saints adorateurs du Seigneur nouveau-né, ils furent transportés de Perse à Constantinople sous les premiers Empereurs Chrétiens, et reposèrent longtemps dans l'Eglise de Sainte-Sophie. Plus tard, sous l'Evêque Eustorge, Milan les vit transférer dans ses murs ; et ils y restèrent jusqu'au XIIe siècle, où, avec le concours de Frédéric Barberousse, Reinold, archevêque de Cologne, les plaça dans l'Eglise cathédrale de cette auguste Métropole. C'est là qu'ils reposent encore aujourd'hui dans une magnifique châsse, le plus beau monument, peut-être, de l'orfèvrerie du moyen âge, sous les voûtes de cette sublime Cathédrale qui, par sa vaste étendue, la hardiesse et le caractère de son architecture, est l'un des premiers temples de la chrétienté.

Ainsi, nous vous avons suivis, Ô Pères des nations, du fond de l'Orient jusqu'en Bethléhem ; et nous vous avons reconduits dans votre patrie, et amenés enfin au lieu sacré de votre repos, sous le ciel glacé de notre Occident. Un amour filial nous attachait à vos pas ; et d'ailleurs ne cherchions-nous pas nous-mêmes, sur vos traces, ce Roi de gloire auprès duquel vous aviez à nous représenter ? Bénie soit votre attente, bénie votre docilité à l'Etoile, bénie votre dévotion aux pieds du céleste Enfant, bénies vos pieuses offrandes qui nous donnent la mesure des nôtres ! Ô Prophètes ! Qui avez véritablement prophétisé les caractères du Messie par le choix de vos dons ; Ô Apôtres ! Qui avez prêché, jusque dans Jérusalem, la Naissance du Christ sous les langes de son humilité, du Christ que les Disciples n'annoncèrent qu'après le triomphe de sa Résurrection ; Ô fleurs de la Gentilité ! Qui avez produit de si nombreux et de si précieux fruits ; car vous avez produit pour le Roi de gloire des nations entières, des peuples innombrables : veillez sur nous, protégez les Eglises.


Maître du Prado. Détail. XVIe.

Souvenez-vous de cet Orient du sein duquel vous êtes venus, comme la lumière ; bénissez l'Occident plongé encore dans de si épaisses ténèbres, au jour où vous partiez à la suite de l'Etoile, et devenu depuis l'objet de la prédilection du divin Soleil. Réchauffez-y la foi qui languit ; obtenez de la divine miséricorde que toujours, et de plus en plus, l'Occident envoie des messagers du salut, et au midi, et au nord, et jusque dans cet Orient infidèle, jusque sous les tentes de Sem, qui a méconnu la lumière que vos mains lui apportèrent. Priez pour l'Eglise de Cologne, cette illustre sœur de nos plus saintes Eglises de l'Occident ; qu'elle garde la foi, qu'elle ne laisse point s'affaiblir la sainte liberté, qu'elle soit le boulevard de l'Allemagne catholique, toujours appuyée sur la protection de ses trois Rois, sur le patronage de la glorieuse Ursule et de sa légion virginale. Enfin, Ô favoris du grand Roi Jésus, mettez-nous à ses pieds, offrez-nous à Marie ; et donnez-nous d'achever dans l'amour du céleste Enfant, les quarante jours consacrés à sa Naissance, et notre vie tout entière.

HYMNE


Ce beau chant à la gloire de l'Enfant Jésus appartient à saint Ephrem, le chantre sublime de l'Eglise Syrienne :



Fra Angelico. XVe.

" Les filles juives, accoutumées jusqu'alors à répéter les Thrènes de Jérémie sur le mode lugubre de leurs Ecritures sacrées, aujourd'hui pleines de l'Esprit divin, éclatent en hymnes d'allégresse :

" Que du fond des demeures souterraines, Eve élève ses regards pour voir ce jour où l'un de ses fils, l'auteur de la vie, descend pour la réveiller du sommeil de la mort, elle l'aïeule de sa Mère. L'adorable enfant a brisé la tête du serpent, dont les poisons causèrent la mort de cette mère des humains.

Sara, mère du bel Isaac, contemplait votre enfance, Ô Christ ! Dans le berceau de son fils ; célébrant les mystères de votre enfance, exprimés dans cet enfant, elle songeait à vous quand elle l'endormait par la douceur de ses chants : " Fruit de mes désirs, Ô mon fils ! Chantait-elle, je vois le Seigneur qui en toi est voilé, lui qui reçoit les vœux et les prières de tous les cœurs pieux, et qui daigne les exaucer ".

Samson, le Nazaréen, dans sa vigoureuse adolescence, fut la figure de votre force ; il déchira le lion, symbole de la mort que vous avez écrasée. Cette mort, vous l'avez déchirée ; aussi de son ventre plein d'amertume,vous avez fait sortir la vie, si délicieuse à la bouche des mortels.

C'était vous que l’heureuse Anne pressait contre son cœur en la personne de Samuel, de ce Prophète qui deux fois figura votre ministère : la première, en faisant éclater votre juste sévérité, au jour où il mutila le roi Agag, figure du démon ; la seconde, en imitant votre miséricorde, quoique sous des traits imparfaits, lorsqu'on le vit déplorer sans relâche la réprobation de Saül, avec des larmes tendres et sincères."


XVI DIE JANUARII

Les Menées de l'Eglise Grecque nous offrent encore ces belles strophes à la gloire de la Mère de Dieu :



Bartolomeo di Giovanni. XVe.

" Comme une terre vierge, tu nous as produit sans culture le divin épi, auguste Marie, le Seigneur Jésus qui nourrit l'univers, et qui, devenu notre aliment, nous rappelle à la vie.

Contemplant le Dieu incarné en toi, Ô chaste Vierge ! nous te confessons véritablement Mère de Dieu, toi qui, sans aucun doute, es devenue la cause de la régénération de toutes choses.

Celui qui est au-dessus de toute substance, et qui n'avait rien de commun avec la chair, s'est incarné, et a été formé de ton sang digne de nos hommages, ô très pure ! Il s'est fait chair sans subir aucun changement, et il a conversé avec les hommes.

Chaste Vierge, les lois de la nature sont interverties en toi ; tu demeures vierge après l'enfantement, comme avant l'enfantement par lequel tu as mis au jour le Christ législateur.

Guéris les passions de ma pauvre âme, Mère de Dieu très pure ; rends la paix à mon âme agitée par les invasions de l'ennemi, comme par une tempête continuelle, et donne la sérénité à mon cœur, Ô Vierge !

Jésus, le jardinier de ce monde, t'a rencontrée comme une rose au milieu des épines, dans les vallons de cette terre, Ô Vierge sans tache ! et ayant daigné naître de ton sein, il nous a embaumés des suaves parfums de la doctrine qui fait connaître Dieu.

Nous te reconnaissons, Ô Vierge Marie, pour le candélabre spirituel qui a porté la lumière inaccessible ; c'est toi qui as illuminé les âmes de tous les fidèles et dissipé les ténèbres du péché.

Dans nos cantiques d'actions de grâces, nous réunissons nos voix pour te dire : Salut, Ô la très pure demeuré de la lumière immatérielle ! Salut, toi qui es l'auteur de la déification de tous ! Salut, toi qui abolis la malédiction ! Salut, toi qui rappelles de l'exil les habitants de la terre !"

vendredi, 11 janvier 2008

11 janvier. VIe jour dans l'Octave de l'Epiphanie.

- VIe jour dans l'Octave de l'Epiphanie.



Heures à l'usage de Bayeux. XVe.


Les Mages ne se contentèrent pas d'adorer le grand Roi que Marie présentait à leurs hommages. A l'exemple de la Reine de Saba qui vint honorer le Roi pacifique, en la personne du sage et opulent fils de David, les trois Rois de l'Orient ouvrirent leurs trésors et en tirèrent de riches offrandes. L'Emmanuel daigna agréer ces dons mystérieux ; mais, à l'exemple de Salomon son aïeul, il ne laissa point partir les Princes sans les combler lui-même de présents qui dépassaient infiniment en richesse ceux qu'il avait daigné agréer. Les Mages lui présentaient les offrandes de la terre ; et Jésus les comblait des dons célestes. Il confirmait en eux la foi, l'espérance et la charité ; il enrichissait, en leurs personnes, son Eglise tout entière qu'ils représentaient ; et les paroles du divin Cantique de Marie recevaient leur accomplissement sur eux, et aussi sur la Synagogue qui les avait laissés seuls marcher à la recherche du Roi d'Israël :
" Ceux qui avaient faim, il les a remplis de biens ; et ceux qui étaient opulents, il les a renvoyés dans la disette."

Mais considérons ces présents des Mages, et reconnaissons, avec l'Eglise et les Pères, les Mystères qu'ils exprimaient. Ces dons étaient au nombre de trois, afin d'honorer le nombre sacré des Personnes dans l'Essence divine ; mais le nombre inspiré trouvait une nouvelle application dans le triple caractère de l'Emmanuel. Ce Fils de Dieu venait régner sur le monde : il convenait de lui offrir l'Or qui marque la puissance suprême. Il venait exercer le souverain Sacerdoce, et réconcilier, par sa médiation, le ciel et la terre : il convenait de lui présenter l'Encens qui doit fumer dans les mains du Prêtre. Sa mort pouvait seule le mettre en possession du trône préparé à son humanité glorieuse ; cette mort devait inaugurer le Sacrifice éternel de l'Agneau divin : la Myrrhe était là pour attester la mort et la sépulture d'une victime immortelle.


Heures à l'usage de Rouen. XVe.

L'Esprit-Saint qui inspira les Prophètes avait donc dirigé les Mages dans le choix de ces mystérieuses offrandes; et c'est ce que nous dit éloquemment saint Léon, dans un de ses Sermons sur l'Epiphanie :
" Ô admirable foi qui mène à la science parfaite, et qui n'a point été instruite à l'école d'une sagesse terrestre, mais éclairée par l'Esprit-Saint lui-même ! Car où avaient-ils découvert la nature inspirée de ces présents, ces hommes qui sortaient de leur patrie, sans avoir encore vu Jésus, sans avoir puisé dans ses regards la lumière qui dirigea si sûrement le choix de leurs offrandes ! Tandis que l'Etoile frappait les yeux de leur corps, plus pénétrant encore, le rayon de la vérité instruisait leurs cœurs. Avant d'entreprendre les fatigues d'une longue route, ils avaient déjà connu Celui à qui étaient dus, par l'Or, les honneurs de Roi ; par l'Encens, le culte divin ; par la Myrrhe, la foi dans sa mortalité."

Si ces présents représentent merveilleusement les caractères de l'Homme-Dieu, ils ne sont pas moins remplis d'enseignements par les vertus qu'ils signifient, et que le divin Enfant reconnaissait et confirmait dans l'âme des Mages. L'Or signifie pour nous, comme pour eux, la charité qui unit à Dieu ; l'Encens, la prière qui appelle et conserve Dieu dans le cœur de l'homme ; la Myrrhe, le renoncement, la souffrance, la mortification, par lesquels nous sommes arrachés à l'esclavage de la nature corrompue. Trouvez un cœur qui aime Dieu, qui s'élève à lui par la prière, qui comprenne et goûte la vertu de la croix : vous aurez en ce cœur l'offrande la plus digne de Dieu, celle qu'il agréera toujours.


Heures à l'usage de Saintes. XVe.

Nous ouvrons donc aussi notre trésor, Ô Jésus ! et nous mettons à vos pieds nos présents. Après avoir confessé votre triple gloire de Dieu, de Prêtre et d'Homme, nous vous supplions d'agréer le désir que nous avons de répondre par l'amour à l'amour que vous nous témoignez ; nous osons môme vous dire que nous vous aimons, Ô Dieu ! Ô Prêtre ! Ô Homme ! Augmentez cet amour que votre grâce a fait naître. Recevez aussi notre prière, tiède et imparfaite, mais cependant unie à celle de votre Eglise. Enseignez-nous à la rendre digne de vous, et proportionnée aux effets que vous voulez qu'elle produise; formez-la en nous, et qu'elle s'élève sans cesse de notre cœur, comme un nuage de parfums. Recevez enfin l'hommage de nos cœurs contrits et pénitents, la volonté que nous avons d'imposer à nos sens le frein qui les règle, l'expiation qui les purifie.

Illuminés par les hauts mystères qui nous révèlent la profondeur de notre misère et l'immensité de votre amour, nous sentons qu'il nous faut, plus que jamais, nous éloigner du monde et de ses convoitises, et nous attacher à vous. L'Etoile n'aura pas lui en vain sur nous ; elle ne nous aura pas en vain conduits jusqu'à Bethléhem, où vous régnez sur les cœurs. Quand vous vous donnez vous-même, Ô Emmanuel ! Quels trésors pourrions-nous avoir que nous ne devions être prêts à déposer à vos pieds ?

Protégez notre offrande, Ô Marie ! Celle des Mages, accompagnée de votre médiation, fut agréable à votre Fils ; la nôtre, présentée par vous, trouvera grâce, malgré son imperfection. Aidez notre amour par le vôtre ; soutenez notre prière par l'intervention de votre Cœur maternel ; fortifiez-nous dans la lutte avec le monde et la chair. Pour assurer notre persévérance, obtenez-nous de ne jamais oublier les doux mystères qui nous occupent présentement ; qu'à votre exemple, nous les gardions toujours gravés dans notre cœur. Qui oserait offenser Jésus dans Bethléhem ? Qui pourrait refuser quelque chose à son amour, en ce moment où, sur vos genoux maternels, il attend notre offrande ? Ô Marie ! Ne nous laissez jamais oublier que nous sommes les enfants des Mages, et que Bethléhem nous est toujours ouverte.


HYMNE

Pour épancher les sentiments de joie et d'admiration que nous causent de si ineffables merveilles, empruntons la voix de la Liturgie ; et chantons d'abord cette Hymne de la Naissance que nous a laissée le saint Evêque de Poitiers, Venance Fortunat :


Missel à l'usage d'Autun. XVe.

" Que le monde entier se réjouisse en apprenant l'arrivée de Celui qui est la récompense de vie; après le joug d'un ennemi farouche , la rédemption nous apparaît.

Ce qu'avait chanté Isaïe, s'accomplit dans la Vierge : l'Ange lui a annoncé le mystère ; l'Esprit-Saint l'a remplie de sa vertu.

Marie conçoit dans ses entrailles ; sa foi dans la parole a été féconde ; Celui que le monde entier ne peut contenir est contenu au sein d'une Vierge.

La tige de Jessé a fleuri, la branche a porté son fruit ; la Mère féconde a mis au jour son Fils, et la Vierge a gardé son intégrité.

Il s'est laissé placer dans une crèche, Celui qui est l'auteur de la lumière ; avec son Père il a créé les cieux ; la main de sa Mère l'a enveloppé de langes.

Celui qui donna la Loi au monde, Celui qui promulgua les dix préceptes, a daigné, devenu homme, se placer sous le joug de la Loi.

La souillure du vieil Adam, le nouvel Adam l'a lavée ; ce que le premier, dans son orgueil, avait renversé, le second, dans son humilité, le relève.

La lumière et le salut viennent de naître, la nuit s'enfuit, la mort est vaincue ; venez, nations, visiter avec foi le Dieu que Marie nous enfante.

Amen."

jeudi, 10 janvier 2008

10 janvier. Ve jour dans l'Octave de l'Epiphanie.

- Ve jour dans l'Octave de l'Epiphanie.


Bréviaire à l'usage de Besançon. XVe.

Les Mages sont arrivés à Bethléhem ; l'humble retraite du Roi des Juifs s'est ouverte pour eux. Ils y trouvent, dit saint Luc, l'Enfant et Marie sa Mère. Ils se prosternent, et adorent le divin Roi qu'ils ont tant cherché, et que la terre désire.

En ce moment, l'Eglise chrétienne commence à apparaître. Dans cet humble réduit, le Fils de Dieu fait homme préside comme le Chef de son corps mystique ; Marie assiste comme la coopératrice du salut, et la Mère de grâce ; Juda est représenté par elle et par Joseph son époux ; la Gentilité adore, en la personne des Mages ; car leur foi a tout compris à la vue de cet Enfant. Ce n'est point un Prophète qu'ils honorent, ni un Roi terrestre à qui ils ouvrent leurs trésors ; c'est un Dieu devant qui ils s'abaissent et s'anéantissent.


Heures à l'usage d'Angers. XVe.

" Voyez, dit saint Bernard, dans son deuxième Sermon sur l'Epiphanie, voyez quelle est la pénétration des yeux de la foi ! La foi reconnaît le Fils de Dieu à la mamelle, elle le reconnaît attaché au bois, elle le reconnaît jusque dans la mort. Le larron le reconnaît sur le gibet, les Mages dans l'étable: celui-là, malgré les clous qui l'attachent ; ceux-ci, à travers les langes qui l'enveloppent."

Tout est donc consommé. Bethléhem n'est plus seulement le lieu delà naissance du Rédempteur, elle est encore le berceau de l'Eglise ; et combien le Prophète avait raison de s'écrier :
" Ô Bethléhem ! Tu n'es pas la moindre entre les villes de Juda !"
Comme il nous est aisé de comprendre l'attrait qui porta saint Jérôme à dérober sa vie aux honneurs et aux délices de Rome, aux applaudissements du monde et de l'Eglise, pour venir s'ensevelir dans cette grotte, témoin de tant et de si sublimes merveilles ! Qui ne désirerait aussi vivre et mourir dans cette retraite bénie du ciel, toute sanctifiée encore de la présence de l'Emmanuel, tout embaumée des parfums de la Reine des Anges, toute retentissante de l'écho des concerts célestes, toute remplie du souvenir des Mages, nos pieux ancêtres !


Heures à l'usage de Paris. XVe.

Rien n'étonne ces heureux Princes en entrant dans l'humble séjour. Ni la faiblesse de l'Enfant, ni la pauvreté de la Mère, ni le dénûment de l'habitation, rien ne les émeut. Loin de là, ils comprennent tout d'abord que le Dieu éternel, voulant visiter les hommes, et leur montrer son amour, devait descendre jusqu'à eux, et si bas, qu'il n'y eût aucun degré de la misère humaine qu'il n'eût sondé et connu par lui-même. Instruits par leur propre cœur de la profondeur de cette plaie d'orgueil qui nous ronge, ils ont senti que le remède devait être aussi extrême que le mal ; et dans cet abaissement inouï, ils ont reconnu tout d'abord la pensée et l'action d'un Dieu. Israël attend un Messie glorieux et tout éclatant de gloire mondaine ; les Mages, au contraire, reconnaissent ce Messie à l'humilité, à la pauvreté qui l'entourent ; subjugués par la force de Dieu, ils se prosternent et adorent, dans l'admiration et l'amour.

Qui saurait rendre la douceur des conversations qu'ils eurent avec la très pure Marie ? Car le Roi qu'ils étaient venus chercher ne sortit pas pour eux du silence de son enfance volontaire. Il accepta leurs hommages, il leur sourit avec tendresse, il les bénit ; mais Marie seule pouvait satisfaire, par ses célestes entretiens, la sainte curiosité des trois pèlerins de l'humanité. Comme elle récompensa leur foi et leur amour en leur manifestant le mystère de ce virginal enfantement qui allait sauver le monde, les joies de son cœur maternel, les charmes du divin Enfant ! Eux-mêmes, avec quel tendre respect ils la considéraient et l'écoutaient ! Avec quelles délices la grâce pénétrait dans leurs coeurs, à la parole de celle que Dieu même a choisie pour nous initier maternellement à sa vérité et à son amour !


Heures à l'usage de Rome. XVIe.

L'étoile qui naguère brillait pour eux au ciel avait fait place à une autre Etoile, d'une lumière plus douce, et d'une force plus victorieuse encore ; cet astre si pur préparait leurs regards à contempler sans nuage Celui qui s'appelle lui-même l’Etoile étincelante et matinale. Le monde entier n'était plus rien pour eux ; l'étable de Bethléhem contenait toutes les richesses du ciel et delà terre. Les nombreux siècles de l'attente qu'ils avaient partagée avec le genre humain, leur semblaient à peine un moment : tant était pleine et parfaite la joie d'avoir enfin trouvé le Dieu qui apaise, par sa seule présence, tous les désirs de sa créature.

Ils s'associaient aux desseins miséricordieux de l'Emmanuel ; ils acceptaient avec une humilité profonde l'alliance qu'il contractait par eux avec l'humanité ; ils adoraient la justice redoutable qui bientôt allait rejeter un peuple incrédule ; ils saluaient les destinées de l'Eglise Chrétienne, qui prenait en eux son commencement ; ils priaient pour leur innombrable postérité.


Heures à l'usage de Rome. XVe.

C'est à nous, Gentils régénérés, de nous joindre à ces chrétiens choisis les premiers, et de vous adorer, Ô divin Enfant, après tant de siècles, durant lesquels nous avons vu la marche des nations vers Bethléhem, et l'Etoile les conduisant toujours. C'est à nous de vous adorer avec les Mages ! Mais plus heureux que ces premiers-nés de l'Eglise, nous avons entendu vos paroles, nous avons contemplé vos souffrances et votre croix, nous avons été témoins de votre Résurrection ; et si nous vous saluons comme le Roi de l'univers, l'univers est là devant nous qui répète votre Nom devenu grand et glorieux, du lever du soleil à son couchant. Le Sacrifice qui renouvelle tous vos mystères s'offre aujourd'hui en tous lieux du monde ; la voix de votre Eglise retentit à toute oreille mortelle ; et nous sentons avec bonheur que toute cette lumière luit pour nous, que toutes ces grâces sont notre partage. C'est pourquoi nous vous adorons, ô Christ! nous qui vous goûtons dans l'Eglise, la Bethléhem éternelle, la Maison du Pain de vie.

Instruisez-nous, Ô Marie, comme vous avez instruit les Mages. Révélez-nous de plus en plus le doux Mystère de votre Fils ; soumettez notre cœur tout entier à son empire adorable. Veillez, dans votre attention maternelle, à ce que nous ne perdions pas une seule des leçons qu'il nous donne ; et que ce séjour de Bethléhem, où nous sommes entrés à la suite des pèlerins de l'Orient, opère en nous un complet renouvellement de notre vie tout entière.


HYMNE

Finissons cette journée par nos chants accoutumés en l'honneur du divin Mystère de notre Roi nouveau-né. Nous les ouvrirons par ces strophes d'une Hymne qu'on a attribuée à saint Ambroise :


Heures à l'usage de Rouen. XVe.

" Le Christ a franchi la porte virginale, la porte pleine de grâce ; le Roi a passé, et cette porte demeure fermée à jamais, comme elle le fut toujours.

Le Fils du Dieu suprême est sorti du sanctuaire de la Vierge ; il est l'Epoux, le Rédempteur, le fondateur, le géant de son Eglise.

Gloire et joie de sa Mère, espoir immense des croyants, en épuisant le noir breuvage de la mort, il guérira nos crimes.

Il est cette pierre détachée delà montagne qui couvre de grâce le monde entier ; cette pierre que la main de l'homme n'a pas taillée, qu'avaient annoncée les anciens Prophètes.

Le Verbe fait chair à la parole de l'Ange, naissant vierge, s'est élancé de la retraite sacrée d'un sein virginal.

Les cieux ont versé leur rosée, les nuées ont répandu le Juste ; la terre altérée, enfantant son salut, a reçu Celui qui est son Seigneur.

Ô merveilleuse conception ! Elle a produit le Christ ; et la Vierge dans l'enfantement, est demeurée vierge après l'enfantement.

Que toute âme tressaille de joie ; le Rédempteur des nations, le Seigneur du monde, est venu racheter ceux qu'il a formés.

Le créateur de la race humaine, Celui que l'univers ne saurait contenir, Mère sainte, il s'est renfermé dans vos entrailles.

Celui que le Dieu Père a engendré Dieu avant tous les temps, la virginité d'une mère féconde l'a mis au jour dans le temps.

Il ôtera tous les péchés, il apportera les trésors de la grâce ; par lui la lumière recevra son accroissement, l'empire des ténèbres sera ruiné."


ORATIO

La prière qui suit est tirée du Bréviaire de l’Eglise Gothique d’Espagne :


Homiliae in Testamentum Vetus. Ardennes. XIIe.

" Seigneur Jésus-Christ, qui, au moment où Hérode les interroge, illuminez la réponse des Mages par une confession de votre vérité, en vous manifestant comme le Roi des rois qu'ils annoncent, en déclarant le prodige de cette brillante étoile qui verse sa lumière sur le monde entier; donnez, nous vous en prions, à votre Eglise, la lumière désirée de votre vision : apparaissez en elle comme l'astre cher à tous vos fidèles, afin que, n'étant jamais effrayés des interrogations de l'adversaire, nous annoncions à pleine bouche vos merveilles, et méritions de resplendir dans l'asile de la lumière éternelle.
Amen."


SEQUENCE

Nous empruntons cette Séquence au Missel Parisien du XVIe siècle :


Missel à l'usage d'Aix-en-Provence. XVe.

" A l'enfantement de la Vierge, les cieux racontent la gloire de Dieu.

La lumière céleste descend sur les bergeries, l'étoile se lève pour les Mages, brillante d'un éclat nouveau.

Le Christ naît, et les oracles se taisent ; et les Anges chantent autour de son berceau pour réjouir son enfance.

Les bergers entendent des voix dans les airs : un astre le révèle aux Rois de la Chaldée.

Le ciel daigne parler à tous ; mais la voix est pour les Juifs, la langue pour les Gentils.

Les cieux daignent parler à tous ; mais la nation infidèle au lieu de voix n'obtient qu'un prodige.

C'est le jour fécond en miracles, le jour qui manifeste le Christ, à divers instants de sa vie :

Il manifeste le Christ, quand le Père déclare qu'il a mis en lui ses complaisances ;

Il le manifeste, quand le Christ lui-même commande au vase d'eau de verser le vin au festin nuptial ;

Il le manifeste encore, sous le mystère de la triple offrande des Mages.

L'or déclare sa royauté, l'encens sa divinité, là myrrhe sa sépulture.

Ô Vierge toujours vierge, vous êtes l'étoile merveilleuse qui conduisez au Seigneur :

Glorieuse Dame, douce Vierge des vierges, illuminez nos esprits.

Amen."


HYMNE

L'Eglise Syriaque doit cette Hymne des Mages à son admirable poète, saint Ephrem :


Missel à l'usage d'Autun. XVe.

" Les Princes de Perse, pleins de joie, quittant leur pays, se munirent de présents, et apportèrent au Fils de la Vierge l'or, l'encens et la myrrhe.

Etant entrés, ils trouvèrent l'enfant couché dans un berceau, dans la maison d'une mère pauvre ; prosternés, ils l'adorèrent d'un cœur joyeux et lui offrirent leurs présents.

Marie leur dit : " Pour qui ces présents ? Dans quel but ? Quel motif vous a appelés de votre région, vous a fait venir vers cet enfant avec vos trésors ?"

Ils répondirent : " Votre fils est Roi ; il réunit tous les diadèmes, car il est Roi universel ; son royaume est plus grand que le monde, et tout cède à son empire."

" Comment serait-il possible qu'une femme pauvre eût enfanté un Roi ? Je suis humble et manquant de toutes choses ; comment serais-je la mère d'un Prince ?"

" Vous seule cependant avez l'honneur d'avoir mis au jour le grand Roi ; par vous la pauvreté est glorifiée, et toutes les couronnes sont soumises à votre fils."

" Les trésors des rois ne sont point pour moi ; jamais les richesses n'ont été mon partage. Cette demeure est ce qu'il y a de plus pauvre ; cette retraite est dénuée de tout : pourquoi donc dites-vous que mon fils est un Roi ?"

" Votre fils est lui-même un grand trésor : ses richesses suffisent à enrichir tous les hommes. Les trésors des rois s'épuisent : lui ne saurait ni s'épuiser, ni se mesurer."

" Ce Roi qui vous est né est peut-être un autre que cet enfant : examinez celui-ci ; ce n'est que le fils d'une pauvre mère qui ne saurait même être admise en présence d'un Roi."

" La lumière, quand elle descend du ciel, pourrait-elle donc s'égarer dans sa route ? Les ténèbres ne nous ont ni appelés ni conduits ici ; c'est à la lumière que nous avons marché. Votre Fils est Roi."

" Vous n'avez devant vous qu'un enfant muet, que la maison nue et dépouillée de sa mère ; aucune trace de royauté n'y apparaît : comment pourrait être Roi l'habitant d'un tel séjour ?"

" Oui, nous le voyons dans son silence et dans son repos; il est pauvre, comme vous l'avez dit, mais il est Roi. N'avons-nous pas vu les astres du ciel s'ébranler à son commandement, afin d'annoncer sa naissance ?"

" Il n'y a ici qu'un petit enfant : vous le voyez ; il n'y a ici ni trône ni diadème royal ; qu'apercevez-vous donc qui vous engage à l'honorer de vos trésors comme un Roi ?"

" S'il est un petit enfant, c'est qu'il l'a voulu ; il aime la mansuétude et l'humilité, jusqu'au jour où il se manifestera ; mais il viendra un temps où les diadèmes s'abaisseront devant lui pour l'adorer."

" Mon fils n'a ni armées, ni légions, ni cohortes ; le voilà couché dans la pauvreté de sa mère : comment pouvez-vous l'appeler Roi ?"

" Les armées de votre fils sont en haut ; elles parcourent le ciel, et illuminent tout de leurs feux. Un seul de ses soldats est venu nous appeler, et toute notre contrée en a été dans la stupeur."


SÉQUENCE


Pour offrande à Marie, nous lui présenterons cette gracieuse Séquence des Eglises d'Angleterre, au moyen âge :


Psautier cistercien. XIIIe.

" Fleur de virginité,
Sanctuaire de pureté,
Mère de miséricorde.

Salut ! Vierge sereine,
Source de vie,
Lumière aimable,

Baignée de la rosée
De l'Esprit aux sept dons ;
De vertus ornée,
De mérites toute fleurie.

Rose chérie,
Lis de chasteté,
Mère féconde,

Tu enfantes le Fils de Dieu,
Et tu demeures vierge
Après l'enfantement.

Par une merveille,
Sans le secours de l'homme,
Tu deviens féconde ;

Du grand Roi,
De la vraie lumière
L'enfantement fait ta gloire.

La branche, la fleur,
Le buisson, la rosée,
Prophétisent ta virginité ;

Et aussi la toison
Humide de rosée,
Digne Mère du Seigneur.

Vierge , tu produis un Fils,
Etoile, un Soleil,
A jamais sans égale.

Pour ce prodige,
La Voie de la vie
Nous t'appelons.

Tu es l'espoir et le refuge
Des pauvres âmes tombées,
Le remède des péchés,

Le salut des pénitents.
Tu es la consolation des affligés,
Le soulagement des faibles,

Purifiant les souillures,
Affermissant les cœurs.
Tu es la gloire et le secours

De ceux qui en toi se confient,
La récompense pleine de vie
Pour ceux qui servent sous tes lois

Miséricordieuse Marie,
Avocate des criminels,
A tous les malheureux

Douce et gracieuse espérance ;
Elève et dirige
Les cœurs de tes esclaves

Vers les saintes joies
Du céleste royaume,
Où goûter la vraie joie

Par toi nous pourrons,
Et, avec ton Fils,
Régner à jamais.

Amen."