samedi, 30 décembre 2023
30 décembre. Saint Pierre d'Ambleteuse, Apôtre de l'Angleterre, Ier abbé de Cantorbéry. 608.
- Saint Pierre d'Ambleteuse, Apôtre de l'Angleterre, Ier abbé de Cantorbéry. 608.
Pape : Boniface IV. Roi de Kent : Aethelbert de Kent. Roi de France : Clotaire II.
" L'office de la prédication est plus agréable au Père des miséricordes que tout espèce de sacrifice, surtout quand on l'accomplit avec une ardente charité."
Saint François d'Assise.
Saint Grégoire le Grand envoyant saint Augustin évangéliser
Saint Pierre fut envoyé, sous la conduite du moine, le grand saint Augustin de Cantobéry, avec d'autres ouvriers évangéliques destinés par le pape saint Grégoire le Grand à la régénération de la Grande Bretagne. Ils traversèrent la France et s'arrêtèrent un instant à Tours, pour y rendre en passant leurs pieux hommages aux précieuses reliques du grand saint Martin.
Au printemps de l'année 577, Pierre et ses compagnons, suivis de 40 autres personnes qu'ils avaient prises en France en qualité d'interprètes, abordèrent à la petite île de Thanet. Ils députèrent aussitôt auprès du roi de Kent, pour lui faire connaître l'objet de leur voyage et lui annoncer qu'ils venaient lui apporter une bonne nouvelle ; savoir, la promesse certaine d'une joie éternelle et d'un règne sans fin avec le Dieu vivant et véritable.
Prévenu en faveur de ces envoyés par tous les discours que lui avait tenus sur la religion son épouse Berthe et son confesseur Luidhart, le roi de Kent, Ethelbert, bien qu'adonné encore à l'idolâtrie, leur témigna dans son accueil une généreuse hospitalité, et veille à ce qu'ils ne manquassent d'aucune choses qui pouvaient leur être nécessaires. Là ne se bornèrent point ses bienfaits ; car il voulut en outre qu'ils eussent dans la capitale de son royaume un logement convenable.
Saint Pierre et ses compagnons ne tardèrent donc pas à quitter Thanet pour Cantorbéry. On était alors dans le temps pascal. En passant devant la petite église de Saint-Martin, où la pieuse Berthe avait tant de fois prié et pleuré pour la conversion de l'Angleterre, ils chantèrent comme si ç'eût été au nom des habitants :
" Seigneur, nous faisons appel à votre miséricorde ; détournez votre colère de ce peuple et de votre sainte maison, car nous avons péché."
Les missionnaires habitaient tout auprès du palais d'Ethelbert, qui assistait souvent à leurs pieux exercices et prenait plaisir à leurs édifiants entretiens. Ils vivaient, comme des apôtres, dans la prière, les veilles et les jeunes. Ils prêchaient la parole de vie à tous ceux qui étaient disposés à l'entendre, ne recevant de leurs disciples que ce qui était absolument indispensable à leurs besoins, et se conformant en toutes choses avec une extrême rigueur à leur profession et à leur doctrine. Ils semblaient mettre de côté les bonnes choses de ce monde comme ne leur appartenant pas. Ils supportaient les désappointements et les obstacles avec calme et sans inquiétude ; ils seraient mort voilontiers pour défendre la vérité qu'is prêchaient, si telle eût été la volonté de Dieu. Aussi, un grand nombre d'indigènes, gagnés par la simplicité, la pureté de leur vie et la douceur de leur céleste doctrine, crurent et reçurent le baptême.
Les conversions se pultiplièrent avec une rapidité toujours croissante, jusqu'à ce qu'enfin Celui qui tourne le coeur des rois comme le cours des rivières, daignât faire ressentir à Ethelbert lui même les premiers effets de son esprit de lumière. Les raisons qui décidèrent ce prince à embrasser la foi chrétienne furent la multitude des miracles qui, opérés sous ses yeux, donnèrent plein crédit aux promesses des missionnaires.
Ce fut le jour de la Pentecôte, le 2 juin 597, que le roi d'Angleterre reçut le baptême, suivant les formes encore aujourd'hui en usage aujourd'hui dans le rituel de l'Eglise catholique romaine.
Cinq mois après cette cérémonie, saint Augustin retourna en France, où il fut sacré évêque de la Grande-Bretagne par les mains de l'archevêque Virgile. Durant cet intervalle, la prédication du bon exemple donné par Ethelbert avait été si puissante, que dans la même année, au our de Noël, plus de dis mille Anglais vinrent cherche la grâce de la régénération dans les eaux saintes.
Depuis qu'Ethelbert avait revêtu le glorieux titre d'enfant de Dieu, tous les honneurs et toutes les grandeurs de la terre étaient devenues pour lui comme s'ils n'eussent jamais été ; et afin que seul Dieu soit glorifié à sa place dans la personne de ses ministres, il s'éloigne volontairement de son palais, qu'il met intégralement à la disposition de saint Augustin de Cantorbéry et des autres religieux, ses frères. Sous cet illustre toit, érigé en monastère, nos missionnaires revinrent à leurs anciennes habitudes de vie claustrale, les conciliant toutefois avec les obligations actives que leur imposait envers la société leur qualité de missionnaires, et y puisant, pour l'accomplissement de ces mêmes obligations, une vigueur de foi et une énergie d'action qu'ils eussent en vain chercher ailleurs.
Abbaye Saint-Augustin. Cantorbéry. Angleterre.
Jusqu'à présent, nous n'avons rien dit de saint Augustin qui ne soit applicabe à saint Pierre d'Ambleteuse, depuis longtemps le fidèle compagnon de tous ses travaux. Investi de la confiance particulière du chef de la mission, c'est notre Saint qui, avec Laurence, eut en 598 l'honneur d'être délégué par lui auprès du pape, pour lui rendre compte du succès de leur entreprise, et lui demander un renfort d'ouvriers évangéliques rendu nécessaire par le nombre toujours croissant de leur néophytes. Saint Pierre et le prêtre Laurence passèrent deux années à Rome et retournèrent en Angleterre en 601, accompagnés de 12 nouveaux missionnaires. Ils étaient munis de lettres de recommandation pour les évêques et les princes souverains de la partie de la France qu'ils devaient traverser. Tous s'empressèrent de les accueillir avec les marques d'honneur et de distonction que réclamaient leur mérite personnel joint à la qualité d'envoyé de Dieu. Le roi Clotaire II surtout conçut pour notre Saint une estime et une affection toutes particulières.
Les saints apôtres, afin de regagner les côes de l'Angleterre, choisirent pour lieu de leur embarquement le port d'Ambleteuse, qui ne manquait pas alors d'une certaine renommée. Ils y furent, de la part des habitants, l'objet des soins les plus attentifs.
Aussi, en retour de l'aliment corporel qu'ils en recevaient avec abondance, ne crurent-ils pouvoir mieux leur prouver leur reconnaissance, qu'en leur prodiguant avec largesse la nourriture spirituelle? Saint Pierre se distingua entre tous par Les témoignages d'affection qu'il leur donna. Pendant la nuit qu'il passa à Ambleteuse, il se releva tour à tour avec ses compagnons pour faire des stations et prier dans l'église devant les reliques de plusieurs saints et martyrs, entre autres, grâce à la munificence du pape Grégoire pour en enrichir l'Angleterre.
Le lendemain, le navire qui devait ramener notre Saint en Angleterre leva l'ancre, et celui-ci, après une heureuse et courte traversée, eut la satisfaction de remettre lui-même à saint Augustin, au roi Ethelbert et à la reine Berthe, les lettres et les présents que saint Grégoire le Grand leur envoyait.
Un peu après le départ de saint Pierre d'Ambleteuse pour Rome, saint Augustin de Cantorbéry, de concert avec son royal disciple, avait fondé dans le voisinage de Cantorbéry un monastère, non seulement destiné à offrir le modèle de la société chrétienne dans ce qu'elle a sur la terre de plus parfait, mais consacré aussi à recevoir la sépulture d'Augustin et de ses successeurs, ainsi que des rois de Kent. Les premiers patrons de ce monastère furent d'abord les Apôtres saint Pierre et saint Paul ; mais saint Dunstan, qui y passait des nuits entières devant l'autel de la sainte Vierge Marie, en renouvella plus tard la dédicace et ajouta saint Augustin au nombre de ses protecteurs spéciaux.
Saint Pierre d'Ambleteuse fut élu par ses compagnons pour être le premier abbé du monastère royal de Cantorbéry. Le roi Ethelbert, en sa qualité de fondateur, lui en donna l'investiture, et saint Augustin la bénédiction abbatiale?
Le premier soin du vénérable abbé fut de choisir parmi les Anglais des sujets propres à recruter et à fortifier sa communauté. Rien ne saurait donner idée du zèle et de la prudence qu'il déploya dans le gouvernement de cette petite république. Toutefois, sa vive et constante sollicitude pour le salut des âmes ne pouvait se renfermer dans les limites très circonscrites de son abbaye. S'il arrivait que quelques ouvriers évangéliques éprouvassent le besoin de venir auprès de lui se reccueillir et se retremper dans la solitude du cloître, c'était saint Pierre qui renouvellait leurs forces, ranimait leur courage, rallumait leur ardeur pour la conversion des idoleâtres, les excitait à supporter avec joie toutes les peines et les fatigues inséparables d'une vie toute de labeur et de dévouement, et leur suggérait les moyens les plus propres à attirer sur leurs travaus un heureux succès.
Après que saint Pierre eut avec honneur parcouru cette noble carrirère l'espace de deux années, il se présenta une affaire majeure à négocier en Fra,ce pour le bien de l'Agleterre ? Ethelbert, qui connaissait toute la sagesse de notre Saint et le haut degré d'estime dont il jouissait auprès du roi de France, ne voulut confier à aucun autre le soin de cette mission importante. Pierre s'embarqua donc pour la France, s'abandonnant de nouveau et sans hésiter à tous les périls de la mer. Mais à peine avait-il fait la moitié du trajet qui sépare l'Agletrre du Boulonnais, que le navire qui le portait, assailli par une violente tempête, périt avec une grande partie de son équipage. Ce naufrage coûta la vie à notre Saint, ou, pour mieux dire, il la lui procura, puisqu'il ne lui ravissait la vie du corps qu'afin de le mettre en pleine possession de celle de l'âme. C'était le 6 janvier de l'an 608.
Eglise Saint-Pierre d'Ambleteuse. Ambleteuse. Boulonnais. XIXe.
CULTE ET RELIQUES
Son corps, trouvé sur la plage d'Ambleteuse, fut d'abord enseveli sans honneur comme celui de l'inconnu le plus vulgaure. Cependant cette injusticene tarda pas à être réparée, car Dieu permit qu'un merveilleux prodige vînt faire briller à tous les yeux le mérite de notre Saint et révéler toute la gloire dont son âme jouissait dans le ciel. Chaque nuit une lumière éclatante vint resplendir au-dessus de sa tombe. Les habitants, surpris d'un fait aussi miraculeux, allèrent aux informations pour savoir quel pouvait être le saint personnage que Dieu favorisait de la sorte. C'est ainsi qu'ils reconnurent en lui ce vénérable Pierre, qui déjà de son vivant leur avait témoigné tant de bonté et de dévouement ; et la possession inespérée de ses précieux restes était pour eux comme la confirmation et le gage assuré de sa protection persévérante.
Cependant la petite ville d'Ambleteuse n'étant pas aussi apte à se défendre contre les entreprises de l'ennemi que pouvait l'être la ville de Boulogne, celle-ci réclama et obtint bientôt la garde de cet inestimable trésor. Le transport s'en effectua d'Ambleteuse à Boulogne le 30 décembre 608 et de la manière la plus solennelle. L'inhumation eut lieu dans l'enceinte même de la cathédrale.
La dévotion aux reliques de saint Pierre d'Ambleteuse attira pendant longtemps à Boulogne une grande affluence de fidèles qu'on voyait obtenir par son intercession une multitudes de grâces temporelles et spirituelles. Gocelin témoigne que le corps entier de saint Pierre d'Ambleteuse reposait au XIe siècle dans l'église des chanoines réguliers de Boulogne. Dans la suite, les chairs s'étant consumées, les ossements furent transférés dans la sacristie. La tête fut enfermée, en 1528, dans un riche reliquaire d'argent d'un poids de 24 marcs. Un de ses bras fut enchâssé dans un bras d'argent dont la main était dorée? L'autre bras, ainsi que plusieurs autres parties du corps, furent laissées à la vénération des habitants d'Ambleteuse.
Mais tous ces glorieux débris, qui avaient concouru à former un véritable temple vivant de l'Esprit-Saint, furent impitoyablement profanés et dispersés en 1567 par les bêtes féroces calvinistes, qui enlevèrent en outre les reliquaires d'or et d'argent au nombre de près de 100 que possédait la cathédrale de Boulogne. Comme si cela ne suffisait pas, quelques temps plus tard, les autres reliques de saint Pierre disparurent également de l'église d'Ambleteuse, lorsque les fanatiques protestants venus d'Angleterre occuper le port de cette ville, s'appliquèrent à effacer les moindres vestiges de la piété catholique.
Il entrait pourtant dans les vue de la Providence de relever son serviteur de l'oubli dans lequel il était quelque peu tombé. En 1763, le bruit se répand que l'on a retrouvé deux parties des reliques de notre saint à la cathédrale de Boulogne. Le 24 janvier, avec l'approbation de l'évêque de Boulogne, Mgr de Partz de Pressy, le village tout entier d'Ambleteuse fait une demande solennelle pour prendre possession d'une partie des reliques retrouvées au chapelain du chapître, M. Ballin. Ce dernier leur remet les protions de notre Saint et la translation se fait dans un grand concours de peuples pleins de ferveur et de piété.
En 1789, on voyait encore une chapelle consacrée à saint Pierre dans l'église d'Ambleuteuse. La portion de relique y était conservée très pieusement. Hélas, le flot révolutionnaire renversa tout sur son passage. L'église fut entièrement dévastée par les ces autres bêtes féroces que furent les révolutionnaires.
De pieux et courageux Chrétiens sauvèrent pourtant la relique et la tinrent dissimulée dans la maison de M. Antoine Poilly jusqu'en 1806 : date à laquelle cette maison fut détruite entièrement par le feu, et la précieuse relique avec.
En 1846, M. Hamy, curé d'Ambleteuse, avait achevé de faire contruire l'église et notamment un autel à notre Saint, lorsqu'il reçut de M. Leroy, prêtre, un autre fragment notable de saint Pierre, lequel avait lui aussi été soustrait à la fureur de 1793 et avait été caché dans un mur d'un immeuble de la haute ville.
A ce sujet, rappelons que très souvent, les pieux Chrétiens de l'antique royaume des Francs qui sauvèrent des reliques pendant cet épouvantable période, dispersèrent volontiers les reliques dans diverses caches, afin de garantir le sauvetage d'au moins une portion de celles-ci.
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vendredi, 29 décembre 2023
29 décembre. Saint Thomas Becket, archevêque de Cantorbéry, martyr. 1170.
" Je connais vos oeuvres, les travaux que vous avez entrepris et l'héroïque constance qui en a assuré le succès ; je sais tout ce que vous avez souffert pour mon nom, sans faiblir jamais devant mes ennemis."
Apoc., II, 2.
Un nouveau Martyr vient réclamer sa place auprès du berceau de l'Enfant-Dieu. Il n'appartient point au premier âge de l'Eglise ; son nom n'est point écrit dans les livres du Nouveau Testament, comme ceux d'Etienne, de Jean, et des enfants de Bethléhem. Néanmoins, il occupe un des premiers rangs dans cette légion de Martyrs qui n'a cessé de se recruter à chaque siècle, et qui atteste la fécondité de l'Eglise et la force immortelle dont l'a douée son divin auteur. Ce glorieux Martyr n'a pas versé son sang pour la foi ; il n'a point été amené devant les païens, ou les hérétiques, pour confesser les dogmes révélés par Jésus-Christ et proclamés par l'Eglise. Des mains chrétiennes l'ont immolé ; un roi catholique a prononcé son arrêt de mort ; il a été abandonné et maudit par le grand nombre de ses frères, dans son propre pays : comment donc est-il Martyr ? comment a-t-il mérité la palme d'Etienne ? C'est qu'il a été le Martyr de la Liberté de l'Eglise.
En effet, tous les fidèles de Jésus-Christ sont appelés à l'honneur du martyre, pour confesser les dogmes dont ils ont reçu l'initiation au Baptême. Les droits du Christ qui les a adoptés pour ses frères s'étendent jusque-là. Ce témoignage n'est pas exigé de tous ; mais tous doivent être prêts de rendre, sous peine de la mort éternelle dont la grâce du Sauveur les a rachetés. Un tel devoir est, à plus forte raison, imposé aux pasteurs de l'Eglise ; il est la garantie de l'enseignement qu'ils donnent à leur propre troupeau : aussi, les annales de l'Eglise sont-elles couvertes, à chaque page, des noms triomphants de tant de saints Evêques qui ont, pour dernier dévouement, arrosé de leur sang le champ que leurs mains avaient fécondé, et donné, en cette manière, le suprême degré d'autorité à leur parole.
Martyre de saint Thomas Becket. Fresque.
Mais si les simples fidèles sont tenus d'acquitter la grande dette de la foi par l'effusion de leur sang ; s'ils doivent à l'Eglise de confesser, à travers toute sorte de périls, les liens sacrés qui les unissent à elle, et par elle, à Jésus-Christ, les pasteurs ont un devoir de plus à remplir, le devoir de confesser la Liberté de l'Eglise. Ce mot de Liberté de l’Eglise sonne mal aux oreilles des politiques. Ils y voient tout aussitôt l'annonce d'une conspiration ; le monde, de son côté, y trouve un sujet de scandale, et répète les grands mots d'ambition sacerdotale ; les gens timides commencent à trembler, et vous disent que tant que la foi n'est pas attaquée, rien n'est en péril. Malgré tout cela, l'Eglise place sur ses autels et associe à saint Etienne, à saint Jean, aux saints Innocents, cet Archevêque anglais du XIIe siècle, égorgé dans sa Cathédrale pour la défense des droits extérieurs du sacerdoce.
Elle chérit la belle maxime de saint Anselme, l'un des prédécesseurs de saint Thomas, que " Dieu n'aime rien tant en ce monde que la Liberté de son Eglise " ; et au XIXe siècle [que dire du XXe et du XXIe...], comme au XIIe, le Siège Apostolique s'écrie, par la bouche de Pie VIII, comme elle l'eût fait par celle de saint Grégoire VII. C'est par l'institution même de Dieu que l'Eglise, Epouse sans tache de l'Agneau immaculé Jésus-Christ, est LIBRE, et qu'elle n'est soumise à aucune puissance terrestre (Libera est institutione divina, nullique obnox laterrenae potestati, Ecclesia intemerata sponsa immaculati Agni Christi Jesu. Litterae Apostolicae ad Episcopos provinciae Rhenanae, 30 Junii 1830).
Or, cette Liberté sacrée consiste en la complète indépendance de l'Eglise à l'égard de toute puissance séculière, dans le ministère de la Parole, qu'elle doit pouvoir prêcher, comme parle l'Apôtre, à temps et à contre-temps, à toute espèce de personnes, sans distinction de nations, de races, d'âge, ni de sexe ; dans l'administration de ses Sacrements, auxquels elle doit appeler tous les hommes sans exception, pour les sauver tous ; dans la pratique, sans contrôle étranger, des conseils aussi bien que des préceptes évangéliques ; dans les relations, dégagées de toute entrave, entre les divers degrés de sa divine hiérarchie ; dans la publication et l'application des ordonnances de sa discipline ; dans le maintien et le développement des institutions qu'elle a créées ; dans la conservation et l'administration de son patrimoine temporel ; enfin dans la défense des privilèges que l'autorité séculière elle-même lui a reconnus, pour assurer l'aisance et la considération de son ministère de paix et de charité sur les peuples.
Martyre de saint Thomas Becket. Détail. Fresque.
Telle est la Liberté de l'Eglise : et qui ne voit qu'elle est le boulevard du sanctuaire lui-même ; que toute atteinte qui lui serait portée peut mettre à découvert la hiérarchie, et jusqu'au dogme lui-même ? Le Pasteur doit donc la défendre d'office, cette sainte Liberté : il ne doit ni fuir, comme le mercenaire ; ni se taire, comme ces chiens muets qui ne savent pas aboyer, dont parle Isaïe (LVI, 10). Il est la sentinelle d'Israël ; il ne doit pas attendre que l'ennemi soit entré dans la place pour jeter le cri d'alarme, et pour offrir ses mains aux chaînes, et sa tête au glaive. Le devoir de donner sa vie pour son troupeau commence pour lui du moment où l'ennemi assiège ces postes avancés, dont la franchise assure le repos de la cité tout entière.
Que si cette résistance entraîne de graves conséquences, c'est alors qu'il faut se rappeler ces belles paroles de Bossuet, dans son sublime Panégyrique de saint Thomas de Cantorbéry, que nous voudrions pouvoir ici citer tout entier :
" C'est une loi établie, dit-il, que l'Eglise ne peut jouir d'aucun avantage qui ne lui coûte la mort de ses enfants, et que, pour affermir ses droits, il faut qu'elle répande du sang. Son Epoux l'a rachetée par le sang qu'il averse pour elle, et il veut qu'elle achète par un prix semblable les grâces qu'il lui accorde. C'est par le sang des Martyrs qu'elle a étendu ses conquêtes bien loin au. delà de l'empire romain ; son sang lui a procuré et la paix dont elle a joui sous les empereurs chrétiens, et la victoire qu'elle a remportée sur les empereurs infidèles. Il paraît donc qu'elle devait du sang à l'affermissement de son autorité, comme elle en avait donné à l'établissement de sa doctrine ; et ainsi la discipline, aussi bien que la foi de l'Eglise, a dû avoir ses Martyrs."
Il ne s'est donc pas agi, pour saint Thomas et pourtant d'autres Martyrs de la Liberté ecclésiastique, de considérer la faiblesse des moyens qu'on pourrait opposer aux envahissements des droits de l'Eglise. L'élément du martyre est la simplicité unie à la force ; et n'est-ce pas pour cela que de si belles palmes ont été cueillies par de simples fidèles, par de jeunes vierges, par des enfants ? Dieu a mis au coeur du chrétien un élément de résistance humble et inflexible qui brise toujours toute autre force. Quelle inviolable fidélité l'Esprit-Saint n'inspire-t-il pas à l'âme de ses pasteurs qu'il établit comme les Epoux de son Eglise, et comme autant de murs imprenables de sa chère Jérusalem ?
" Thomas, dit encore l'Evêque de Meaux, ne cède pas à l'iniquité, sous prétexte qu'elle est armée et soutenue d'une main royale ; au contraire, lui voyant prendre son cours d'un lieu éminent, d'où elle peut se répandre avec plus de force, il se croit plus obligé de s'élever contre, comme une digue que l'on élève à mesure que l'on voit les ondes enflées."
Mais, dans cette lutte, le Pasteur périra peut-être ? Et, sans doute, il pourra obtenir cet insigne honneur. Dans sa lutte contre le monde, dans cette victoire que le Christ a remportée pour nous, il a versé son sang, il est mort sur une croix ; et les Martyrs sont morts aussi ; mais l'Eglise, arrosée du sang de Jésus-Christ, cimentée parle sang des Martyrs, peut-elle se passer toujours de ce bain salutaire qui ranime sa vigueur, et forme sa pourpre royale ? Thomas l'a compris ; et cet homme, dont les sens sont mortifiés par une pénitence assidue, dont les affections en ce monde sont crucifiées par toutes les privations et toutes les adversités, a dans son cœur ce courage plein de calme, cette patience inouïe qui préparent au martyre. En un mot, il a reçu l'Esprit de force, et il lui a été fidèle.
" Selon le langage ecclésiastique, continue Bossuet, la force a une autre signification que dans le langage du monde. La force selon le monde s'étend jusqu'à entreprendre ; la force selon l'Eglise ne va pas plus loin que de tout souffrir : voilà les bornes qui lui sont prescrites. Ecoutez l'Apôtre saint Paul : " Nondum usque ad sanguinem restitistis " ; comme s'il disait : Vous n'avez pas tenu jusqu'au bout, parce que vous ne vous êtes pas défendus jusqu'au sang. Il ne dit pas jusqu'à attaquer, jusqu'à verser le sang de vos ennemis, mais jusqu'à répandre le vôtre.
Au reste, saint Thomas n'abuse point de ces maximes vigoureuses. Il ne prend pas par fierté ces armes apostoliques, pour se faire valoir dans le monde : il s'en sert comme d'un bouclier nécessaire dans l'extrême besoin de l'Eglise. La force du saint Evêque ne dépend donc pas du concours de ses amis, ni d'une intrigue finement menée. Il ne sait point étaler au monde a sa patience, pour rendre son persécuteur plus odieux, ni faire jouer de secrets ressorts pour soulever les esprits. Il n'a pour lui que les prières des pauvres, les gémissements des veuves et des orphelins. Voilà, disait saint Ambroise, les défenseurs des Evêques ; voilà leurs gardes, voilà leur armée. Il est fort, parce qu il a un esprit également incapable et de crainte et de murmure. Il peut dire véritablement à Henri, roi d'Angleterre, ce que disait Tertullien, au nom de toute l'Eglise, à un magistrat de l'Empire, grand persécuteur de l'Eglise : " Non te terremus, qui nec timemus ". Apprends à connaître quels nous sommes, et vois quel homme c'est qu'un chrétien : Nous ne pensons pas à te faire peur, et nous sommes incapables de te craindre. Nous ne sommes ni redoutables ni lâches : nous ne sommes pas redoutables, parce que nous ne savons pas cabaler ; et nous ne sommes pas lâches, parce que nous savons mourir."
Martyre de saint Thomas Becket. Bréviaire à l'usage de Paris. XIVe.
Mais laissons encore la parole à l'éloquent prêtre de l'Eglise de France, qui fut lui-même appelé aux honneurs de l'épiscopat dans l'année qui suivit celle où il prononça ce discours ; écoutons-le nous raconter la victoire de l'Eglise par saint Thomas de Cantorbéry :
" Chrétiens, soyez attentifs : s'il y eut jamais un martyre qui ressemblât parfaitement à un sacrifice, c'est celui que je dois vous représenter. Voyez les préparatifs : l'Evêque est à l'église avec son clergé, et ils sont déjà revêtus. Il ne faut pas chercher bien loin la victime : le saint Pontife est préparé, et c'est la victime que Dieu a choisie. Ainsi tout est prêt pour le sacrifice, et je vois entrer dans l'église ceux qui doivent donner le coup. Le saint homme va au-devant d'eux, à l'imitation de Jésus-Christ ; et pour a imiter en tout ce divin modèle, il défend à son clergé toute résistance, et se contente de demander sûreté pour les siens. " Si c'est moi que vous cherchez, laissez, dit Jésus, retirer ceux-ci ".
Ces choses étant accomplies, et l'heure du sacrifice étant arrivée, voyez comme saint Thomas en commence la cérémonie. Victime et Pontife tout ensemble, il présente sa tête et fait sa prière. Voici les vœux solennels et les paroles mystiques de ce sacrifice : " Et ego pro Deo mori paratus sum, etpro assertione justitiœ, et pro Ecclesiae libertate ; dummodo effusione sanguinis mei pacem et libertatem consequatur ". " Je suis prêt à mourir, dit-il, pour la cause de Dieu et de son Eglise ; et toute la grâce que je demande, c'est que mon sang lui rende la paix et la liberté qu'on veut lui ravir ". Il se prosterne devant Dieu ; et comme dans le Sacrifice solennel nous appelons les Saints nos intercesseurs, il n'omet pas une partie si considérable de cette cérémonie sacrée : il appelle les saints Martyrs et la sainte Vierge au secours de l'Eglise opprimée ; il ne parle que de l'Eglise ; il n'a que l'Eglise dans le cœur et dans la bouche ; et, abattu par le coup, sa langue froide et inanimée semble encore nommer l'Eglise."
Martyre de saint Thomas Becket. Legenda aurea. Bx J. de Voragine.
Ainsi ce grand Martyr, ce type des Pasteurs de l'Eglise, a consommé son sacrifice ; ainsi il a remporté la victoire ; et cette victoire ira jusqu'à l'entière abrogation de la coupable législation qui devait entraver l'Eglise, et l'abaisser aux yeux des peuples. La tombe de Thomas deviendra un autel ; et au pied de cet autel, on verra bientôt un Roi pénitent solliciter humblement sa grâce. Que s'est-il donc passé ? La mort de Thomas a-t-elle excité les peuples à la révolte ? le Martyr a-t-il rencontré des vengeurs ? Rien de tout cela n'est arrivé. Son sang a suffi à tout. Qu'on le comprenne bien : les fidèles ne verront jamais de sang-froid la mort d'un pasteur immolé pour ses devoirs ; et les gouvernements qui osent faire des Martyrs en porteront toujours la peine. C'est pour l'avoir compris d'instinct, que les ruses de la politique se sont réfugiées dans les systèmes d'oppression administrative , afin de dérober habilement le secret de la guerre entreprise contre la Liberté de l'Eglise.
C'est pour cela qu'ont été forgées ces chaînes non moins déliées qu'insupportables, qui enlacent aujourd'hui tant d'Eglises. Or, il n'est pas dans la nature de ces chaîner de se dénouer jamais ; elles ne sauraient être que brisées ; mais quiconque les brisera, sa gloire sera grande dans l'Eglise de la terre et dans celle du ciel ; car sa gloire sera celle du martyre. Il ne s'agira ni de combattre avec le fer, ni de négocier par la politique ; mais de résister en face et de souffrir avec patience jusqu'au bout.
Ecoutons une dernière fois notre grand orateur, relevant ce sublime élément qui a assuré la victoire à la cause de saint Thomas :
" Voyez, mes Frères, quels défenseurs trouve l'Eglise dans sa faiblesse, et combien elle a raison de dire avec l'Apôtre : Cum infirmor, tunc potens sum. Ce sont ces bienheureuses faiblesses qui lui donnent cet invincible secours, et qui arment en sa faveur les plus valeureux soldats et les plus puissants conquérants du monde, je veux dire, les saints Martyrs. Quiconque ne ménage pas l'autorité de l'Eglise, qu'il craigne ce sang précieux des Martyrs, qui la consacre et la protège."
Buste reliquaire de saint Thomas Becket.
Or, toute cette force, toute cette victoire émanent du berceau de l'Enfant-Dieu ; et c'est pour cela que Thomas s'y rencontre avec Etienne. Il fallait un Dieu anéanti, une si haute manifestation d'humilité, de constance et de faiblesse selon la chair, pour ouvrir les yeux des hommes sur la nature de la véritable force. Jusque-là on n'avait soupçonné d'autre vigueur que celle des conquérants à coups d'épée, d'autre grandeur que la richesse, d'autre honneur que le triomphe ; et maintenant, parce que Dieu venant en ce monde a apparu désarmé, pauvre et persécuté, tout a changé de face. Des cœurs se sont rencontrés qui ont voulu aimer, malgré tout, les abaissements de la Crèche ; et ils y ont puisé le secret d'une grandeur d'âme que le monde, tout en restant ce qu'il est, n'a pu s'empêcher de sentir et d'admirer.
Il est donc juste que la couronne de Thomas et celle d'Etienne, unies ensemble, apparaissent comme un double trophée aux côtés du berceau de l'Enfant de Bethléhem ; et quant au saint archevêque, la Providence de Dieu a marqué divinement sa place sur le Cycle, en permettant que son immolation s'accomplît le lendemain de la fête des saints Innocents, afin que la sainte Eglise n'éprouvât pas d'incertitude sur le jour qu'elle devrait assigner à sa mémoire. Qu'il garde donc cette place si glorieuse et si chère à toute l'Eglise de Jésus-Christ ; et que son nom reste, jusqu'à la fin des temps, la terreur des ennemis de la Liberté de l'Eglise, l'espérance et la consolation de ceux qui aiment cette Liberté que le Christ a acquise aussi par son sang.
Thomas veut dire abyme, jumeau, et coupé. Abyme, c'est-à-dire, profond en humilité, ce qui est clair par son cilice, et, en lavant les pieds des pauvres ; jumeau, car dans sa prélature, il eut deux qualités éminentes, celle de la parole et celle de l’exemple. Il fut coupé dans son martyre.
Thomas de Cantorbéry, né à Londres, restant à la cour du roi d'Angleterre vit commettre différentes actions contraires à la religion ; il se retira alors pour se mettre sous la conduite de l’archevêque de Cantorbéry, Thibault, qui le nomma son archidiacre. Il se rendit cependant aux instances de l’archevêque qui lui conseilla de conserver la charge de chancelier du roi, afin que, par la prudence, dont il était excellemment doué, il devînt un obstacle au mal que les méchants pourraient exercer contre l’église.
Le roi avait pour lui tant d'affection que, lors du décès de l’archevêque, il voulut l’élever sur le siège épiscopal. Après de longues résistances, il consentit à recevoir ce fardeau sur les épaules. Mais tout aussitôt il fut changé en un autre homme : il était devenu parfait, il mortifiait sa chair par le cilice et parles jeûnes ; car il portait non seulement un cilice au lieu de chemise, mais il avait des caleçons de poil de chèvre qui le couvraient jusqu'aux genoux. Il employait une telle adresse à cacher sa sainteté que, tout en conservant une honnêteté exquise, sous des habits convenables et n'ayant que des meubles décents, il se conformait aux moeurs de chacun. Tous les jours, il lavait à genoux les pieds de treize pauvres auxquels il donnait un repas et quatre pièces d'argent.
Martyre de saint Thomas Becket. Heures à l'usage d'Angers. XIIIe.
Le roi s'efforçait de le faire plier à sa volonté au détriment de l’église, en exigeant qu'il sanctionnât, lui aussi, des coutumes dont ses prédécesseurs avaient joui contre les libertés ecclésiastiques. Il n'y voulut jamais consentir, et il s'attira ainsi la haine du roi et des princes. Pressé un jour par le roi, lui et quelques évêques, sous l’influence de la mort dont on les menaçait et trompé par les conseils de plusieurs grands personnages, il consentit de bouche à céder au voeu du monarque ; mais s'apercevant qu'il pourrait en résulter bientôt un grand détriment pour les âmes, il s'imposa dès lors de plus rigoureuses mortifications il cessa de dire la messe, jusqu'à ce qu'il eût pu obtenir d'être relevé, par le souverain Pontife, des suspenses qu'il croyait avoir encourues.
Requis de confirmer par écrit ce qu'il avait promis de bouche, il résista au roi avec énergie, prit lui-même sa croix pour sortir de la cour, aux clameurs des impies qui disaient :
" Saisissez le voleur, à mort le traître !"
Deux personnages éminents et pleins de foi vinrent alors lui assurer avec serment qu'une foule de grands avaient juré sa mort. L'homme de Dieu, qui craignait pour l’église plus encore que pour lui, prit la fuite, et vint trouver à Sens le pape Alexandre III, qui le reçut avec bonté, et le recommanda aux moines du monastère de Pontigny, Ordre de Citeaux, chez lesquels il se rendit. Henri , l'ayant connu, écrivit des lettres menaçantes au Chapitre de Citeaux, à l'effet de faire chasser Thomas du monastère de Pontigny. Le saint homme, craignant que cet Ordre n'eût à souffrir quelque persécution à cause de lui, se retira de lui-même, et, sur l'invitation de Louis, roi de France, il alla demeurer auprès de lui.
De son côté, le roi Henri envoya à Rome demander des légats afin de terminer le différend mais il n'éprouva que dés refus, ce qui l’irrita plus encore contre le prélat. Il mit la saisie sur tous ses biens et sur ceux de ses amis, exila tous es membres de sa famille, sans avoir aucun égard pour la condition ou le sexe, le rang ou l’âge des individus. Quant au saint, tous les jours, il priait pour le roi et pour le royaume d'Angleterre. Il eut alors une révélation qu'il rentrerait dans son église, et qu'il recevrait du Christ la palme du martyre.
Il resta donc en France jusqu'à ce que, par l'intervention du souverain Pontife et du roi, il fût rappelé de l'exil, après sept ans, et revînt pour être reçu avec de grands honneurs et à la grande satisfaction du royaume entier.
Comme il s'appliquait, sans rien craindre, à remplir les devoirs d'un bon pasteur, des calomniateurs viennent rapporter au roi qu'il entreprend beaucoup de choses contre le royaume et la tranquillité publique : en sorte que ce prince se plaignait souvent de ce que, dans tout son royaume, il n'y avait qu'un évêque avec qui il ne pût avoir la paix.
Martyre de saint Thomas Becket.
Quelques jours avant le martyre de Thomas, un jeune homme mourut et ressuscita miraculeusement et il disait avoir été conduit jusqu'au rang le plus élevé des saints où il avait vu une place vide parmi les apôtres. Il demanda à qui appartenait cette place, un ange lui répondit qu'elle était réservée par le Seigneur à un illustre prêtre anglais.
Un ecclésiastique qui tous les jours célébrait la messe en l’honneur de, la Bienheureuse Vierge, fut accusé auprès de l’archevêque qui le fit comparaître devant lui et le suspendit de son office, comme idiot et ignorant. Or, le bienheureux Thomas avait caché sous son lit son cilice qu'il devait recoudre quand il en aurait le temps ; la bienheureuse Marie apparut au prêtre et lui dit :
" Allez dire à l’archevêque que celle pour l’amour de laquelle vous disiez vos messes a recousu son cilice qui est à tel endroit et qu'elle y a laissé le fil rouge dont elle s'est servi. Elle vous envoie pour qu'il ait à lever, l’interdit dont il vous a frappé."
Thomas en entendant cela et trouvant tout ainsi qu'il avait été dit, fut saisi, et en relevant le prêtre de son interdit, il lui recommanda de tenir cela sous le secret.
Il défendit, comme auparavant les droits de l’Église et il ne se laissa fléchir ni par la violence, ni par les prières du roi. Comme donc on ne pouvait l’abattre en aucune manière, voici venir avec leurs armes des soldats du roi qui demandent à grands cris où est l’archevêque.
Il alla au-devant d'eux et leur dit :
" Me voici, que voulez-vous ?
- Nous venons pour te tuer tu n'as pas plus long temps à vivre."
Il leur dit :
" Je suis prêt à mourir pour Dieu, pour la défense de la justice et la liberté de l’Église. Donc si c'est, à moi que vous en voulez, de la part du Dieu tout-puissant et sous peine d'anathème, je vous défends de faire tel marque ce soit à ceux qui sont ici, et je recommande la cause de l’Église et moi-même à Dieu, à la bienheureuse Marie, à tous les saints et à saint Denys."
Après quoi sa tête vénérable tombe sous le glaive des impies, la couronne de son chef est coupée, sa cervelle jaillit sur le pavé de l’église et il est sacré martyr du Seigneur l’an 1174. Comme les clercs commençaient Requiem aeternam de la messe des morts qu'ils allaient célébrer pour lui, tout aussitôt, dit-on, les choeurs des anges interrompent la voix des chantres et entonnent la messe d'un martyr : Laetabitur justus in Domino, que les autres clercs continuent.
Ce changement est vraiment l’ouvrage de la droite du Très-Haut, que le chant de la tristesse ait été changé en un cantique de louange, quand celui pour lequel on venait de commencer les prières des morts, se trouve à l’instant partager les honneurs des hymnes des martyrs. Il était vraiment doué d'une haute sainteté ce martyr glorieux du Seigneur auquel les anges donnent ce témoignage d'honneur si éclatant en l’inscrivant eux-mêmes par avance au catalogue des martyrs.
Ce saint souffrit donc la mort pour l’Église, dans une église ; dans le lieu saint, dans un temps saint, entre les mains des prêtres et des religieux, afin que parussent au grand jour et la sainteté du patient et la cruauté des persécuteurs.
Le Seigneur daigna opérer beaucoup d'autres miracles par son saint, car en considération de ses mérites, furent rendus aux aveugles la vue, aux sourds l’ouïe, aux boiteux le marcher, aux morts la vie. L'eau dans laquelle on lavait les linges trempés de son sang, guérit beaucoup de malades. Par coquetterie et afin de paraître plus belle, une dame d'Angleterre désirait avoir des yeux vairons et pour cela elle vint, après en avoir fait le veau, nu-pieds au tombeau de saint Thomas. En se levant après sa prière, elle se trouva tout à fait aveugle ; elle se repentit alors et commença à prier saint Thomas de lui rendre au moins les yeux tels qu'elle les avait, sans parler d'yeux vairons, et ce fut à peine si elle put l’obtenir.
Un plaisant avait apporté dans un vase, à son maître à table, de l’eau ordinaire au lieu de l’eau de saint Thomas. Ce maître lui dit :
" Si tu ne m’as jamais rien volé, que saint Thomas te laisse apporter l’eau, mais si tu es coupable de vol, que cette eau s'évapore aussitôt."
Le serviteur, qui savait avoir rempli le vase ; il n'y avait qu'un instant, y consentit. Chose merveilleuse ! On découvrit le vase, et il fut trouvé vide et de cette manière le serviteur fut reconnu menteur et convaincu d'être fin voleur.
Un oiseau, auquel on avait appris à parler, était poursuivi par un aigle, quand il se mit à crier ces mots qu'on lui avait fait retenir :
" Saint Thomas, au secours, aide-moi !"
L'aigle tomba mort à l’instant et l’oiseau fut sauvé.
Un particulier que saint Thomas avait beaucoup aimé tomba gravement malade ; il alla à son tombeau prier pour recouvrer la santé : ce qu'il obtint à souhait. Mais en revenant guéri, il se prit à penser que cette guérison n'était peut-être pas avantageuse à son âme. Alors il retourna prier au tombeau et demanda que si sa guérison ne devait pas lui être utile pour son salut, son infirmité lui revînt, et il en fut ainsi qu'auparavant.
La vengeance divine s'exerça sur ceux qui l’avaient massacré : les uns se mettaient les doigts en lambeaux avec les dents, le corps des autres : tombait en pourriture ; ceux-ci moururent de paralysie, ceux-là succombèrent misérablement dans des accès de folie.
La Liturgie de l'Eglise d'Angleterre rendait à saint Thomas un culte plein de tendresse et d'enthousiasme. Nous extrairons plusieurs pièces de l'ancien Bréviaire de Salisbury, et nous donnerons d'abord un ensemble formé de la plupart des Antiennes des Matines et des Laudes. Tout l'Office est rimé, suivant l'usage du XIVe siècle, auquel ces compositions appartiennent :
" Thomas, élevé au souverain sacerdoce, se trouve tout à coup changé en un autre homme.
Sous ses vêtements de clerc, il revêt secrètement le cilice du moine ; plus fort que la chair, il réprime les révoltes de la chair.
Agriculteur fidèle, il arrache les ronces du champ du Seigneur ; de ses vignes il repousse et il chasse les renards.
Il ne souffre point que les loups dévorent les agneaux, ni que les animaux malfaisants traversent le jardin confié à sa garde.
On l'exile ; ses biens sont la proie des méchants ; mais, au milieu du feu de la tribulation, Thomas n'est pas atteint.
Des satellites de Satan pénètrent dans le temple ; ils en font le théâtre d'un forfait inouï.
Thomas marche au-devant des épées menaçantes ; il ne cède ni aux menaces, ni aux glaives, pas même à la mort.
Lieu fortuné, heureuse église où vit la mémoire de Thomas ! Heureuse terre qui a produit un tel prélat ! Heureuse contrée qui, avec amour, recueillit son exil !
Le grain tombe, et c'est pour produire une abondance de froment ; le vase d'albâtre est brisé, et c'est pour répandre la suavité du parfum.
L'univers entier s'empresse à témoigner son amour pour le Martyr ; ses prodiges multipliés excitent en tout lieu l'étonnement.
Les pièces qui suivent ne sont pas moins dignes de mémoire, pour l'affection et la confiance qu'elles expriment à notre grand Martyr."
Ant. " Le Pasteur immolé, au milieu de son troupeau achète la paix au prix de son sang. O douleur pleine d'allégresse ! Ô joie remplie de tristesse par la mort du Pasteur, le troupeau respire ; la mère en pleurs applaudit à son fils, vivant et victorieux sous le glaive."
R/. " Cesse tes plaintes, ô Rachel cesse de pleurer sur la fleur de ce monde, que le monde a brisée ; Thomas immolé, enseveli est un nouvel Abel qui succède à l'ancien."
Ant. " Salut, Thomas ! Sceptre de justice, splendeur du monde, vigueur de l'Eglise, amour du peuple, délices du clergé. Tuteur fidèle du troupeau, salut ! Daignez sauver ceux qui applaudissent à votre gloire."
SEQUENCE
L'Eglise de France témoigna aussi par la Liturgie sa vive admiration pour l'illustre Martyr. Adam de Saint-Victor composa jusqu'à trois Séquences pour célébrer un si noble triomphe (nous en donnons ici la deuxième).
Elles respirent la plus ardente sympathie pour le sublime athlète de Cantorbéry, et montrent à quel point était chère la Liberté de l'Eglise aux fidèles de ces temps, et comment la cause dont saint Thomas fut le martyr était regardée alors comme celle de la société chrétienne tout entière :
" Ô Eglise, Ô tendre Mère, déplore dans tes chants le forfait commis naguère par la Grande-Bretagne.
Ô France, sois émue de compassion ; le ciel lui-même, la terre et les mers, pleurent sur ce crime exécrable.
Oui, l'Angleterre a commis un crime qu'on n'ose raconter, un forfait immense et qui saisit d'horreur. Elle a condamné son propre père ; elle l'a massacré sur son siège, auquel il venait d'être rendu.
Thomas, lui, la fleur vermeille de l'Angleterre, la gloire première de l'Eglise, a été immolé dans le temple de Cantorbéry ; prêtre et victime, il a succombé pour la justice.
Entre le temple et l'autel, sur le seuil même de l'église, on l'a atteint, mais non vaincu ; le voile du temple a été fendu en deux par le glaive. Elisée a reçu le coup sur sa tête vénérable ; Zacharie a été égorgé ; la paix qui venait de se conclure a été violée ; et les chants d'allégresse se sont changés en lamentations.
Le lendemain de la fête des Innocents, le Pontife innocent comme eux est traîné à la mort ; on le frappe, on répand sa cervelle sur le pavé avec la pointe du glaive. Le temple acquiert une nouvelle gloire par le sang qui rougit ses dalles, au moment où le Pontife revêt la robe empourprée du martyre.
La fureur des meurtriers est au comble ; ils ont conspiré contre la vie du juste, et leur épée s'est abattue sur sa tête en présence même du Seigneur. Le Pontife accomplissait l'œuvre de sanctification : là même il est sanctifié ; il immolait, et on l'immole. Il laisse ainsi aux hommes l'exemple de son sublime courage.
Cet holocauste choisi devient célèbre dans tout l'univers ; c'est le Pontife lui-même offert à Dieu, comme une victime d'agréable odeur ; on a frappé sa tête à l'endroit où la couronne la rendait plus sacrée ; en retour, il a reçu une double tunique d'honneur ; et le privilège de son trône archiépiscopal est désormais reconnu.
Le Juif regarde avec insolence, le païen idolâtre poursuit de ses sarcasmes des chrétiens qui ont violé le pacte sacré, et dont la rage n'a pas su épargner même un des pères de la chrétienté Rachel repousse les consolations ; elle pleure le fils qu'elle a vu immoler jusque sur son sein maternel, le fils dont le trépas arrache tant de larmes aux chrétiens pieux.
C'est là le Pontife que le suprême architecte a placé glorieux au faite de l'édifice céleste, parce qu'il a triomphé du glaive homicide des Anglais.
Pour n'avoir pas craint la mort, pour avoir livré sa tête avec son sang, au sortir de ce séjour terrestre, il est entré pour jamais dans le Saint des Saints.
Les prodiges attestent combien fut précieuse sa mort ; que ses prières, nous soient un secours favorable pour l'éternité.
Amen."
Ainsi s'épanchait, par la voix sacrée de la Liturgie, l'amour du peuple catholique pour saint Thomas de Cantorbéry. Ainsi la victoire de l'Eglise était-elle réputée la victoire de l'humanité elle-même, dans les siècles catholiques. Il n'entre point dans notre plan d'écrire la vie des Saints dans cette Année liturgique dé]à si remplie ; nous ne pourrons donc développer ici en détail le caractère de ce grand Martyr de la plus sacrée des libertés.
Cependant, nous croyons faire plaisir à nos lecteurs, en produisant sous leurs yeux un témoignage touchant de l'affection et de l'estime qu'avait inspirées Thomas à ceux qui avaient été témoins des vertus évangéliques de ce prélat fidèle et désintéressé, auquel le roi son ami, et plus tard son meurtrier, ne pardonna jamais de s'être démis des hautes fonctions de Chancelier du royaume d'Angleterre, le jour où il fut promu à l'archevêché de Cantorbéry.
La lettre qu'on va lire fut écrite par un Français, Pierre de Blois, Archidiacre de Bath, et adressée aux Chanoines de Beauvoir, peu de jours après le martyre du Saint, quand son sang était encore chaud sur le pavé de l'Eglise Primatiale de l'Angleterre. Cette lettre est un cri de victoire ; mais combien la victoire de l'Eglise, dans laquelle elle ne verse d'autre sang que le sien, est pure et paisible :
" Il est décédé, le Pasteur de nos âmes, lui dont je voulais pleurer le trépas ; mais que dis-je ? Il s'est retiré plutôt qu'il n'est décédé ; il s'en est allé, il n'est pas mort. En effet, la mort par laquelle le Seigneur a glorifié son Saint n'est pas une mort, mais un sommeil. C'est un port, c'est la porte de la vie, l'entrée dans les délices de la patrie céleste, dans les puissances du Seigneur, dans l'abîme de l'éternelle clarté.
Prêt à partir pour un voyage lointain, il a pris a avec lui les subsides de la route, pour revenir à la pleine lune. Son âme, qui s'est retirée de son corps riche de mérites, rentrera, opulente, dans cette ancienne demeure, au jour de la résurrection générale. La mort envieuse et pleine de ruse a voulu voir si, dans ce trésor, il se trouvait quelque chose qui appartînt à son domaine. Lui, en homme prudent et circonspect, n'avait pas voulu risquer sa vraie vie. Dès longtemps il t désirait la dissolution de son corps pour être avec Jésus-Christ ; dès longtemps il aspirait à sortir de ce corps de mort. Il a donc jeté un peu de poussière à la face de cette vieille ennemie, comme un tribut. C'est delà qu'est sortie cette rumeur populaire et fausse qu'une bête féroce avait dévoré Joseph. La tunique dont on l'a dépouillé n'était donc qu'une fausse messagère de sa mort ; car Joseph est vivant, et il domine sur toute la terre d'Egypte. Sa bienheureuse âme, débarrassée de l'enveloppe de cette poussière corruptible, s'est envolée libre au ciel.
Oui, il a été appelé au ciel, cet homme dont le monde n'était pas digne. Cette lumière n'est pas éteinte ; un souffle passager l'a inclinée, afin qu'elle brillât ensuite avec plus de clarté, afin qu'elle ne fût plus sous le boisseau, mais éclatât davantage aux yeux de ceux qui sont dans la maison. Aux regards des insensés, il a paru mourir ; mais sa vie est cachée avec Jésus-Christ en Dieu. La mort a semblé l'avoir vaincu et dévoré ; mais la mort a été ensevelie dans a son triomphe. Vous lui avez accordé, Seigneur, le désir de son cœur ; car longtemps il milita pour vous, fidèle à votre service, à travers les voies les plus dures. Dès son adolescence, il montra la maturité de la vieillesse ; et on le vit réprimer les révoltes de la chair par les veilles, par les jeûnes, par les disciplines, par le cilice et la garde d'une continence perpétuelle.
Le Seigneur se le choisit pour Pontife, afin qu'il fût, au milieu de son peuple, un chef, un docteur, un miroir de vie, un modèle de pénitence, un exemplaire de sainteté. Le Dieu des sciences lui avait donné une langue éloquente, et avait répandu en lui avec abondance l'esprit d'intelligence et de sagesse, afin qu'il fût entre les doctes le plus docte, entre les sages le plus sage, entre les bons le meilleur, entre les grands le plus grand. Il était le héraut de la parole divine, la trompette de l'Evangile, l'ami de l'Époux, la colonne du clergé, l'œil de l'aveugle, le pied du boiteux, le sel de la terre, la lumière de la patrie, le ministre du Très-Haut, le vicaire du Christ, le Christ même du Seigneur.
Il était droit dans le jugement, habile dans le gouvernement, discret dans le commandement, modeste dans le parler, circonspect dans les conseils, tempérant dans la nourriture, pacifique dans la colère, un ange dans la chair, doux au milieu des injures, timide dans la prospérité, ferme dans l'adversité, prodigue dans les aumônes, tout entier à la miséricorde. Il était la gloire des moines, les délices du peuple, la terreur des princes, le Dieu de Pharaon. D'autres, quand ils sont élevés sur le siège éminent de l'Episcopat, se montrent tout aussitôt enclins à flatter la chair ; ils craignent toute souffrance du corps comme un supplice ; leur désir en toutes choses est de jouir longtemps de la vie. Celui-ci, au contraire, dès le jour de sa promotion, désira avec passion la fin de cette vie, ou plutôt le commencement d'une vie meilleure ; c'est pour cela que, se revêtant de la livrée du pèlerin, il a bu, sur la voie, l'eau du torrent, et pour cela, son nom est élevé en gloire dans la patrie. Ainsi, nos seigneurs et frères, les Moines de l'Eglise cathédrale, sont-ils devenus tout à coup des pupilles qui ont perdu leur Père."
Le XVIe siècle vint encore ajouter à la gloire de saint Thomas, lorsque l'ennemi de Dieu et des hommes, Henri VIII d'Angleterre, osa poursuivre de sa tyrannie le Martyr de la Liberté de l'Eglise jusque dans la châsse splendide où il recevait depuis près de quatre siècles les hommages de la vénération de l'univers chrétien. Les sacrés ossements du Pontife égorgé pour la justice furent arrachés de l'autel ; un procès monstrueux fut instruit contre le Père de la patrie, et une sentence impie déclara Thomas criminel de lèse-majesté royale.
Ces restes précieux furent placés sur un bûcher ; et dans ce second martyre, le feu dévora la glorieuse dépouille de l'homme simple et fort dont l'intercession attirait sur l'Angleterre les regards et la protection du ciel. Aussi, il était juste que la contrée qui devait perdre la foi par une désolante apostasie ne gardât pas dans son sein un trésor qui n'était plus estimé à son prix ; et d'ailleurs le siège de Cantorbéry était souillé.
Cranmer s'asseyait sur la chaire des Augustin, des Dunstan, des Lanfranc, des Anselme, de Thomas enfin ; et le saint Martyr, regardant autour de lui, n'avait trouvé parmi ses frères de cette génération que le seul Jean Fischer, qui consentît à le suivre jusqu'au martyre. Mais ce dernier sacrifice, tout glorieux qu'il fût, ne sauva rien. Dès longtemps la Liberté de l'Eglise avait péri en Angleterre : la foi n'avait plus qu'à s'éteindre.
" Ô véritable Martyr ! Digne de toute croyance dans son témoignage, puisqu'il ne parle et qu'il ne résiste que contre ses intérêts terrestres. Ô Pasteur associé au Christ dans l'effusion du sang et dans la délivrance du troupeau ! Nous vous vénérons de tout le mépris que vous ont prodigué les ennemis de l'Eglise ; nous vous aimons de toute la haine qu'ils ont versée sur vous, dans leur impuissance. Nous vous demandons pardon pour ceux qui ont rougi de votre nom, et qui ont regardé votre martyre comme un embarras dans les Annales de l'Eglise. Que votre gloire est grande, Ô Pontife fidèle ! D'avoir été choisi pour accompagner avec Etienne, Jean et les Innocents, le Christ, au moment où il fait son entrée en ce monde ! Descendu dans l'arène sanglante à la onzième heure, vous n'avez pas été déshérité du prix qu'ont reçu vos frères de la première heure ; loin de là, vous êtes grand parmi les Martyrs. Vous êtes donc puissant sur le cœur du divin Enfant qui naît en ces jours mêmes pour être le Roi des Martyrs."
" Permettez que, sous votre garde, nous pénétrions jusqu'à lui. Comme vous, nous voulons aimer son Eglise, cette Eglise chérie dont l'amour l'a forcé à descendre du ciel ; cette Eglise qui nous prépare de si douces consolations dans la célébration des grands mystères auxquels votre nom se trouve si glorieusement mêlé. Obtenez-nous cette force qui fasse que nous ne reculions devant aucun sacrifice, quand il s'agit d'honorer notre beau titre de Catholiques."
" Assurez l'Enfant qui nous est né, Celui qui doit porter sur son épaule la Croix comme le signe de sa principauté, que, moyennant sa grâce, nous ne nous scandaliserons jamais ni de sa cause, ni de ses défenseurs ; que, dans la simplicité de notre attachement envers la sainte Eglise qu'il nous a donnée pour Mère, nous placerons toujours ses intérêts au-dessus de tous les autres ; car elle seule a les paroles de la vie éternelle, elle seule a le secret et l'autorité de conduire les hommes vers ce monde meilleur qui seul est notre terme, seul ne passe pas, tandis que tous les intérêts de la terre ne sont que vanité, illusion, et le plus souvent obstacles à l'unique fin de l'homme et de l'humanité."
" Mais, afin que cette Eglise sainte puisse accomplir sa mission et sortir victorieuse de tant de pièges qui lui sont tendus dans tous les sentiers de son pèlerinage, elle a besoin par-dessus tout de Pasteurs qui vous ressemblent, Ô Martyr du Christ ! Priez donc afin que le Maître de la vigne envoie des ouvriers, capables non seulement de la cultiver et de l'arroser, mais encore de la défendre à la fois du renard et du sanglier qui, comme nous en avertissent les saintes Ecritures, cherchent sans cesse à y pénétrer pour la ravager. Que la voix de votre sang devienne de plus en plus tonnante en ces jours d'anarchie, où l'Eglise du Christ est asservie sur tant de points de cette terre qu'elle est venue affranchir."
" Souvenez-vous de l'Eglise d'Angleterre qui lit un si triste naufrage, il y a trois siècles, par l'apostasie de tant de prélats, tombés victimes de ces mêmes maximes contre lesquelles vous aviez résisté jusqu'au sang. Aujourd'hui qu'elle semble se relever de ses ruines, tendez-lui la main, et oubliez les outrages qui furent prodigués à votre nom, au moment où l'Ile des Saints allait sombrer dans l'abîme de l'hérésie.
Souvenez-vous aussi de l'Eglise de France qui vous reçut dans votre exil, et au sein de laquelle votre culte fut si florissant autrefois. Obtenez pour ses Pasteurs l'esprit qui vous anima ; revêtez-les de cette armure qui vous rendit invulnérable dans vos rudes combats contre les ennemis de la Liberté de l'Eglise. Enfin, quelque part, en quelque manière que cette sainte Liberté soit en danger, accourez au secours, et que vos prières et votre exemple assurent une complète victoire à l'Epouse de Jésus-Christ."
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jeudi, 28 décembre 2023
28 décembre. Les Saints Innocents, martyrs, à Bethléem de Juda et aux environs. L'an 1.
" Salvete, flores martyrum,
Quo lucis ipso in limine
Christi insecutor sustulit,
Ceu turbo nascentes rosas."
" Salut, fleurs des martyrs,
Moissonnées au seuil de la vie
Par le glaive de l'ennemi du Christ,
Comme la tempête en fureur brise les roses qui viennent d'éclore."
Prudence.
Massacre des Saints Innocents. Fresque.
A la fête du Disciple bien-aimé succède la solennité des saints Innocents ; et le berceau de l'Emmanuel, auprès duquel nous avons vénéré le Prince des Martyrs et l'Aigle de Pathmos, nous apparaît aujourd'hui environné d'une troupe gracieuse de petits enfants, vêtus de robes blanches comme la neige, et tenant en main des palmes verdoyantes. Le divin Enfant leur sourit ; il est leur Roi, et toute cette petite cour sourit aussi à l'Eglise de Dieu. La force et la fidélité nous ont introduits auprès du Rédempteur ; l'innocence aujourd'hui nous convie à rester près de la crèche.
Hérode a voulu envelopper le Fils de Dieu même dans un immense massacre d'enfants ; Bethléhem a entendu les lamentations des mères ; le sang des nouveau-nés a inondé toute la contrée ; mais tous ces efforts de la tyrannie n'ont pu atteindre l'Emmanuel ; ils n'ont fait que préparer pour l'armée du ciel une nombreuse recrue de Martyrs. Ces enfants ont eu l'insigne honneur d'être immolés pour le Sauveur du monde ; mais le moment qui a suivi leur immolation leur a révélé tout à coup des joies futures et prochaines, bien au-dessus de celles d'un monde qu'ils ont traversé sans le connaître. Le Dieu riche en miséricordes n'a pas demandé d'eux autre chose qu'une souffrance de quelques instants ; et ils se sont réveillés au sein d'Abraham, francs et libres de toute autre épreuve, purs de toute souillure mondaine, appelés au triomphe comme le guerrier qui a donné sa vie pour sauver celle de son chef.
Leur mort est donc un Martyre, et c'est pourquoi l'Eglise les honore du beau nom de Fleurs des Martyrs, à cause de leur âge tendre et de leur innocence. Ils ont donc droit de figurer aujourd'hui sur le Cycle, à la suite des deux vaillants champions du Christ que nous avons célébrés.
Saint Bernard, dans son Sermon sur cette fête, explique admirablement l'enchaînement de ces trois solennités :
" Nous avons, dans le bienheureux Etienne, l'œuvre et la volonté du Martyre ; dans le bienheureux Jean, nous remarquons seulement la volonté du Martyre ; et dans les bienheureux Innocents, l'œuvre seule du Martyre. Mais qui doutera, néanmoins, de la couronne obtenue par ces enfants ? Demanderez-vous où sont leurs mérites pour cette couronne ? Demandez plutôt à Hérode le crime qu'ils ont commis pour être ainsi moissonnés ? La bonté du Christ sera-t-elle vaincue par la cruauté d'Hérode ? Ce roi impie a pu mettre à mort des enfants innocents ; et le Christ ne pourrait couronner ceux qui ne sont morts qu'à cause de lui ?
Etienne aura donc été Martyr aux yeux des hommes qui ont été témoins de sa Passion subie volontairement, jusque-là qu'il priait pour ses persécuteurs, se montrant plus sensible à leur crime qu'à ses propres blessures. Jean aura donc été Martyr aux yeux des Anges qui, étant créatures spirituelles, ont vu les dispositions de son âme. Certes, ceux-là aussi auront été vos Martyrs, ô Dieu ! dans lesquels ni l'homme, ni l'Ange n'ont pu, il est vrai, découvrir de mérite, mais que la faveur singulière de votre grâce s'est chargée d'enrichir. C'est de la bouche des nouveau-nés et des enfants à la mamelle que vous vous êtes plu à faire sortir votre louange. Quelle est cette louange ?
Les Anges ont chanté : " Gloire à Dieu, au plus haut des cieux ; et, sur la terre, paix aux hommes de bonne volonté !"
C'est là, sans doute, une louange sublime; mais elle ne sera complète que lorsque Celui qui doit venir aura dit : Laissez venir à moi les petits enfants ; car le Royaume des deux est à ceux qui leur ressemblent ; paix aux hommes, même à ceux qui n'ont pas l'usage de leur volonté : tel est le mystère de ma miséricorde."
Massacre des Saints Innocents.
Dieu a daigné faire pour les Innocents immolés à cause de son Fils ce qu'il fait tous les jours par le sacrement de la régénération, si souvent appliqué à des enfants que la mort enlève dès les premières heures de la vie ; et nous, baptisés dans l'eau, nous devons rendre gloire à ces nouveau-nés, baptisés dans leur sang, et associés à tous les mystères de l'enfance de Notre Seigneur Jésus-Christ. Nous devons aussi les féliciter, avec l'Eglise, de l'innocence que cette mort glorieuse et prématurée leur a conservée. Purifiés d'abord parie rite sacré qui, avant l'institution du Baptême, enlevait la tache originelle, visités antérieurement par une grâce spéciale qui les prépara à l'immolation glorieuse pour laquelle ils étaient destinés, ils ont habité cette terre, et ils ne s'y sont point souillés. Que la société de ces tendres agneaux soit donc à jamais avec l'Agneau sans tache ! Et que ce monde, vieilli dans le péché, mérite miséricorde en s'associant, par ses acclamations, au triomphe de ces élus de la terre qui, semblables à la colombe de l'arche, n'y ont pas trouvé où poser leurs pieds !
Néanmoins, dans cette allégresse du ciel et de la ferre, la sainte Eglise Romaine ne perd pas de vue la désolation des mères qui virent ainsi arracher de leur sein, et immoler par le glaive des soldats ces gages chéris de leur tendresse. Elle a recueilli le cri de Rachel, et ne cherche point à la consoler, si ce n'est en compatissant à son affliction. Pour honorer cette maternelle douleur, elle consent à suspendre aujourd'hui une partie des manifestations de la joie qui inonde son cœur durant cette Octave du Christ naissant. Elle n'ose revêtir dans ses vêtements sacrés la couleur de pourpre des Martyrs, pour ne pas rappeler trop vivement ce sang qui jaillit jusque sur le sein des mères ; elle s'interdit même la couleur blanche, qui marque l'allégresse et va mal à de si poignantes douleurs. Elle revêt la couleur violette, qui est celle du deuil et des regrets. Aujourd'hui même, si la fête ne tombe pas le Dimanche, l'Eglise va jusqu'à suspendre le chant du Gloria in excelsis, qui pourtant lui est si cher en ces jours où les Anges l'ont entonné sur la terre ; elle renonce au joyeux Alleluia, dans la célébration du Sacrifice ; enfin elle se montre, comme toujours, inspirée par cette délicatesse sublime et chrétienne dont la sainte Liturgie est une si merveilleuse école.
Massacre des Saints Innocents. Fresque.
Mais, après cet hommage rendu à la tendresse maternelle de Rachel, et qui répand sur tout l'Office des saints Innocents une touchante mélancolie, elle ne perd pas de vue la gloire dont jouissent ces bienheureux enfants ; et elle consacre à leur solennelle mémoire une Octave entière, comme elle l'a fait pour saint Etienne et pour saint Jean. Dans ses Cathédrales et ses Collégiales, elle honore aussi, en ce jour, les enfants qu'elle appelle à joindre leurs voix innocentes à celles des prêtres et des autres ministres sacrés. Elle leur accorde de gracieuses distinctions, jusque dans le chœur même ; elle jouit de l'allégresse naïve de ces jeunes coopérateurs qu'elle emploie à rehausser ses pompes mystérieuses ; en eux, elle rend gloire au Christ Enfant, et à l'innocente cohorte des tendres rejetons de Rachel.
A Rome, la Station qui, le jour de saint Etienne, s'est tenue dans l'Eglise de ce premier des Martyrs, sur le Mont Coelius, et le jour de saint Jean, dans la Basilique de Saint-Jean-de-Latran, où le Disciple bien-aimé partage les honneurs de Jean le Précurseur, a lieu aujourd'hui dans la Basilique de Saint-Paul-hors-les-Murs, dont le trésor se glorifie de posséder plusieurs des corps des saints Innocents. Au XVIe siècle ; Sixte-Quint en enleva une partie, pour les placer dans la Basilique de Sainte-Marie-Majeure, près de la Crèche du Sauveur.
Les Innocents furent ainsi nommés pour leur vie, leur châtiment et leur innocence acquise. Leur vie fut innocente, n'ayant jamais nui, ni à Dieu par désobéissance, ni au prochain par injustice, ni à eux-mêmes par malice en péchant. Ils furent innocents dans leur vie et simples dans la foi. Le châtiment, ils le subirent innocemment et injustement, ainsi qu'il est dit au psaume :
" Ils répandirent un sang innocent."
Ils possédèrent l’innocence acquise ; dans leur martyre, ils méritèrent l’innocence baptismale, c'est-à-dire que le péché originel fut effacé en eux. En parlant de cette innocence, le psalmiste dit :
" Conservez l’innocence et considérez la droiture."
C'est-à-dire conservez l’innocence baptismale et considérez la droiture d'une vie pleine de bonnes oeuvres.
Les Innocents furent tués par Hérode l’Ascalonite. La sainte Ecriture fait mention de trois Hérode que leur infâme cruauté a rendus célèbres. Le premier fut Hérode l’Ascalonite, sous lequel naquit le Seigneur et par qui furent massacrés les enfants. Le second fut Hérode Antipas, qui fit décoller saint Jean-Baptiste. Le troisième fut Hérode Agrippa, qui tua saint Jacques et emprisonna saint Pierre. On a fait ces vers à leur sujet :
" Ascalonita necat pueros, Antipa Joannem,
Agrippa Jacobum, claudens in carcere Petrum."
Mais racontons en peu de mots l’histoire du premier Hérode. Antipater l’Icluméen, ainsi qu'on lit dans l’Histoire scholastique (Sozomène, Histoire Tripartite, ch. II.), se maria à une nièce du roi des Arabes. Il en eut un, fils, qu'il appela Hérode et qui plus tard fut surnommé l’Ascalonite. Ce fut lui qui reçut le royaume de Judée de César-Auguste et dès lors, pour la première fois ; le sceptre sortit de Juda. Il eut six fils : Antipater, Alexandre, Aristobule, Archelaüs, Hérode, Antipas. et Philippe.
Il envoya à Rome, pour s'instruire dans les arts libéraux, Alexandre et Aristobule dont la mère était Poldève ; leurs études achevées, ils revinrent. Alexandre se fit grammairien et Aristobule devint un orateur très véhément : déjà ils avaient eu des différends avec leur père pour la possession du trône. Le père en fut offensé et s'attacha à faire prévaloir Antipater. Comme ils avaient comploté la mort de leur père et qu'ils avaient été chassés par lui, ils allèrent se plaindre à César de l’injustice qu'ils avaient subie.
Sur ces entrefaites, les Mages viennent à Jérusalem et s'informent avec grand soin de la naissance d'un nouveau roi. A cette nouvelle, Hérode se trouble, et, craignant que de la race légitime des rois, il ne fût né un rejeton qu'il ne pourrait chasser comme usurpateur, il prie les Mages de l’avertir aussitôt qu'ils l’auraient trouvé, simulant vouloir adorer celui qu'il voulait tuer. Cependant les Mages retournèrent en leur pays par un autre chemin. Hérode, ne les voyant pas revenir, crut qu'ils avaient eu honte de retourner vers lui, parce qu'ils auraient été les dupes de l’apparition de l’étoile et ne s'occupa plus de rechercher l’enfant.
Mais ayant appris le récit des bergers et les prédictions de Siméon et d'Anne, ses appréhensions redoublèrent et il se crut indignement trompé par les Mages. Il pensa donc alors à tuer les enfants qui étaient à Bethléem, pour faire périr avec eux celui qu'il ne connaissait pas. Mais sur les avis de l’Ange, Joseph avec sa mère et l’Enfant s'enfuit en Egypte et demeura sept ans à Hermopolis, jusqu'à la mort d'Hérode. Or, quand le Seigneur entra en Egypte, toutes les idoles furent renversées, selon la prédiction d'Isaïe. Et de même que lors de la sortie des enfants d'Israël de l’Égypte, il n'y eut pas une maison où par la main de Dieu, le premier né, ne fût mort, de même il n'y eut pas de temple dans lequel une idole ne fût renversée. Cassiodore rapporte dans son Histoire Tripartite (Liv. VI, chap. XLII.), qu'à Hermopolis, en Thébaïde, il existe un arbre appelé Persidis qui a la propriété de guérir ceux des malades au cou desquels on attache de son fruit, de ses feuilles ou de son écorce. Or, comme la bienheureuse Marie s'enfuyait en Egypte avec son fils ; cet arbre s'inclina jusqu'à terre et adora humblement Jésus-Christ.
Hérode se préparait à massacrer les enfants, lorsqu'une lettre de César-Auguste le cita à comparaître devant lui pour répondre aux accusations de ses fils. En traversant Tharse, il sut que les mages avaient passé la mer sur des vaisseaux tharsiens, et il fit brûler toute la flotte, selon qu'il avait été prédit :
" D'un souffle impétueux vous briserez les vaisseaux de Tharsis." (Ps. VI.).
Le père ayant vidé ses différends avec ses enfants devant César, il fut arrêté que ceux-ci obéiraient en tout à leur père, et que celui-là céderait l’empire à qui il voudrait. Hérode, devenu plus hardi à son retour par l’affermissement de son pouvoir, envoya égorger tous les enfants qui se trouvaient à Bethléem, âgés de deux ans et au-dessous, selon le temps qu'il avait supputé d'après les mages.
Massacre des Saints Innocents. Heures à l'usage des Antonins. XVe.
Ceci a besoin de deux éclaircissements :
- Le premier par rapport au temps, et voici comment on l’explique : âgés de deux ans et au-dessous, c'est-à-dire, en commençant par les enfants de deux ans jusqu'aux enfants d'une nuit.
Hérode avait en effet appris des mages qu'un prince était né le jour même de l’apparition de l’étoile, et comme il s'était déjà écoulé un an depuis son voyage à Rome et son retour, il croyait que le Seigneur avait un an et quelques jours de plus ; c'est pour cela qu'il exerça sa fureur sur ceux qui étaient plus âgés, c'est-à-dire, qui avaient deux ans et au-dessous, jusqu'aux enfants qui, n'avaient qu'une nuit : dans la crainte que cet enfant, auquel les autres obéissaient, ne subît quelque transformation qui le rendrait ou plus vieux ou plus jeune. C'est le sentiment le plus commun et le plus vraisemblable.
- Le second éclaircissement se tire de l’explication qu'en donne saint Chrysostome. Il entend ainsi l’ordre du nombre d'années ; depuis deux ans et au-dessous, c'est-à-dire, depuis les enfants de deux ans jusqu'à cinq. Il avance ainsi que l’étoile, apparut aux mages pendant un an avant la naissance du Sauveur. Or, depuis qu'il avait appris cela, Hérode avait été à Rome et son projet fut différé d'un an. Il croyait donc que le Sauveur était né quand l’étoile apparut aux mages.
D'après son calcul, le Sauveur aurait eu deux ans : voilà pourquoi il fit massacrer les enfants de deux à cinq ans, mais pas moins jeunes que de deux ans. Ce qui rend cette assertion vraisemblable, ce sont les ossements des innocents dont quelques-uns sont trop grands pour ne pouvoir appartenir à des corps qui n'auraient eu que deux ans (Histoire scholastique, Ev, C. XI.). On pourrait peut-être encore dire que les hommes étaient de plus haute taille alors qu'aujourd'hui. Mais Hérode en fut bientôt puni. En effet Macrobe rapporte et Méthodien en sa chronique dit que le petit fils d'Hérode était en nourrice et qu'il fut tué avec les autres par les bourreaux. Alors fut accomplie la parole du Prophète :
" Rama, c'est-à-dire les hauts lieux, retentirent des pleurs et des gémissements des pieuses mères."
Mais Dieu dont les desseins sont souverainement équitables (Eusèbe, Histoire-ecclésiastique, livreI1, c. VIII.) ne permit pas que l’affreuse cruauté d'Hérode restât impunie. Il arriva, par le jugement de Dieu, que celui qui avait privé tant de parents de leurs enfants fut aussi privé des siens plus misérablement encore. Car Alexandre et Aristobule inspirèrent de nouveaux soupçons à leur père.
Un de leurs complices avoua que Alexandre lui avait fait de grandes promesses s'il empoisonnait son père ; un barbier déclara aussi qu'on lui avait promis des récompenses considérables, si en rasant la barbe d'Hérode, il lui coupait la gorge : il ajouta qu'Alexandre aurait dit que l’on ne pouvait rien espérer d'un vieillard qui se teignait les cheveux pour paraître jeune. Le père, irrité, les fit tuer ; sur le trône, il établit Antipater pour régner après lui, et il substitua encore Antipas à Antipater. De plus, Hérode affectionnait particulièrement Agrippa, ainsi qu'Hérodiade, femme de Philippe, qu'il avait eus d'Aristobule. Pour ces deux motifs Antipater conçut une haine si implacable contre son père, qu'il tenta de s'en défaire par le poison ; Hérode s'en méfiant, le fit jeter en prison.
César-Auguste apprenant qu'il avait tué ses fils :
" J'aimerais mieux, dit-il, être le pourceau d'Hérode que son fils ; car comme prosélyte, il épargne ses porcs et il tue ses enfants."
Parvenu à l’âge de 70 ans, Hérode tomba gravement malade : il était miné par une forte fièvre, ses membres se pourrissaient et ses douleurs étaient incessantes ; il avait les pieds enflés, les testicules rongés de vers ; il exhalait une puanteur intolérable ; sa respiration était courte et ses soupirs continuels. Ayant pris un bain d'huile par l’ordre des médecins, on l’en sortit presque mort.
Massacre des Saints Innocents. Missel à l'usage de Nantes. XVe.
Ayant entendu dire que les Juifs seraient contents de le voir mourir, il fit rassembler dans une prison les plus nobles jeunes gens de toute la Judée et dit à Salomé sa soeur :
" Je sais que les Juifs se réjouiront de ma mort ; mais il pourra s'y répandre bien des larmes et j'aurai de nobles funérailles, si vous voulez obéir à mon ordre ; c'est, aussitôt que j'aurai rendu l’esprit, de tuer tous ceux que je garde en prison afin qu'ainsi toute la Judée me pleure malgré qu'elle en ait."
Après chaque repas, il avait coutume de manger une pomme qu'il pelait lui-même avec une épée. Or, comme il tenait cette arme à la main, il fut pris d'une toux violente et regardant autour de lui si personne ne l’empêcherait de se frapper, il leva la main pour le faire, mais un de ses cousins lui retint le bras en l’air. Aussitôt, comme s'il eût été mort, des gémissements retentirent dans le palais. A ces cris, Antipater bondit de joie, et promit toute sorte de présents aux gardes, si on l’en délivrait. Quand Hérode en fut informé, il souffrit plus de la joie de son fils que de sa propre mort ; il envoya alors des satellites, le fit tuer et institua Archélaüs son successeur. Il mourut cinq jours après. Il avait été fort heureux en bien des circonstances, mais il eut fort à souffrir dans son intérieur.
Salomé délivra tous ceux dont le roi avait ordonné la mort. Remi, dans son original sur saint Mathieu (homélie 6e de Remi d'Auxerre), dit que Hérode se suicida de l’épée avec laquelle il pelait une pomme, et que sa soeur Salomé fit tuer tous ceux qui étaient en prison, ainsi qu'elle l’avait décidé avec son frère.
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mercredi, 27 décembre 2023
27 décembre. Saint Jean, Apôtre et Evangéliste. 101.
- Saint Jean, Apôtre et Evangéliste. 101.
Pape : Saint Evariste. Empereur romain : Trajan.
" Mes petits enfants, aimez-vous les uns les autres."
Précepte favori de saint Jean.
" Comme évangéliste, saint Jean a été un oracle de vérité ; comme apôtre, il a été un modèle de fidélité ; comme disciple de Jésus, il a été un modèle de charité."
Du Jarry. Essais de panégyriques.
Après Etienne, le premier des Martyrs, Jean, l'Apôtre et l'Evangéliste, assiste le plus près à la crèche du Seigneur. Il était juste que la première place fût réservée à celui qui a aimé l'Emmanuel jusqu'à verser son sang pour son service ; car, comme le dit le Sauveur lui-même, il n'est point de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu'on aime (Johan. XV, 13.) ; et le Martyre a toujours été considéré par l'Eglise comme le dernier effort de la charité, ayant même la vertu de justifier le pécheur dans un second Baptême. Mais après le sacrifice du sang, le plus noble, le plus courageux, celui qui gagne par-dessus tout le cœur de l'Epoux des âmes, c'est le sacrifice de la virginité. Or, de même que saint Etienne est reconnu pour le type des Martyrs, saint Jean nous apparaît comme le Prince des Vierges. Le Martyre a valu à Etienne la couronne et la palme ; la Virginité a mérité à Jean des prérogatives sublimes, qui, en même temps qu'elles démontrent le prix de la chasteté, placent aussi ce Disciple parmi les principaux membres de l'humanité.
Jean eut l'honneur de naître du sang de David, dans la famille même de la très pure Marie ; il fut donc parent de notre Seigneur, selon la chair. Un tel honneur lui fut commun avec saint Jacques le Majeur, son frère, fils de Zébédée comme lui ; avec saint Jacques le Mineur et saint Jude, fils d'Alphée ; mais, dans la fleur de sa jeunesse, Jean laissa, non seulement sa barque et ses filets, non seulement son père, mais sa fiancée, au moment de célébrer de chastes noces. Il suivit le Christ et ne regarda pas en arrière ; c'est pourquoi la tendresse particulière du cœur de Jésus lui fut acquise ; et tandis que les autres étaient Disciples et Apôtres, il fut l'Ami du Fils de Dieu. La raison de cette rare prédilection fut donc, ainsi que le proclame l'Eglise, le sacrifice de virginité que Jean offrit à l'Homme-Dieu. Or, il convient de relever ici, au jour de sa fête, les grâces et les prérogatives qui ont découlé pour lui de l'heureux avantage de cette amitié céleste.
Ce seul mot du saint Evangile : " le Disciple que Jésus aimait ", en dit plus, dans son admirable concision, que tous les commentaires. Pierre, sans doute, a été choisi pour être le Chef des autres Apôtres et le fondement de l'Eglise ; il a été plus honoré ; mais Jean a été plus aimé. Pierre a reçu l'ordre d'aimer plus que les autres ; il a pu répondre au Christ, par trois fois, qu'il en était ainsi ; cependant, Jean a été plus aimé du Christ que Pierre lui-même, parce qu'il convenait que la virginité fût honorée.
La chasteté des sens et du cœur a la vertu d'approcher de Dieu l'homme qui la conserve, et d'attirer Dieu vers lui ; c'est pourquoi, dans le moment solennel de la dernière Cène, de cette Cène féconde qui devait se renouveler sur l'autel jusqu'à la fin des temps, pour ranimer la vie dans les âmes et guérir leurs blessures, Jean fut placé auprès de Jésus lui-même, et non seulement il eut cet honneur insigne, mais dans ces derniers épanchements de l'amour du Rédempteur, ce fils de sa tendresse osa reposer sa tête sur la poitrine de l'Homme-Dieu. Ce fut alors qu'il puisa, à leur source divine, la lumière et l'amour ; et cette faveur, qui était déjà une récompense, devint le principe de deux grâces signalées qui recommandent spécialement saint Jean à l'admiration de toute l'Eglise.
En effet, la Sagesse divine ayant voulu manifester le mystère du Verbe, et confier à l'écriture des secrets que jusqu'alors aucune plume humaine n'avait été appelée à raconter, Jean fut choisi pour ce grand œuvre. Pierre était mort sur la croix, Paul avait livré sa tête au glaive, les autres Apôtres avaient successivement scellé leur témoignage de leur sang ; Jean restait seul debout, au milieu de l'Eglise ; et déjà l'hérésie, blasphémant l'enseignement apostolique, cherchait à anéantir le Verbe divin, et ne voulait plus le reconnaître pour le Fils de Dieu, consubstantiel au Père.
Jean fut invité par les Eglises à parler, et il le fit dans un langage tout du ciel. Son divin Maître lui avait réservé, à lui, pur de toute souillure, d'écrire de sa main mortelle des mystères que ses frères n'avaient été appelés qu'à enseigner : le Verbe, Dieu éternel, et ce même Verbe fait chair pour le salut de l'homme. Par là il s'éleva, comme l'Aigle, jusqu'au divin Soleil ; il le contempla sans en être ébloui, parce que la pureté de son âme et de ses sens l'avait rendu digne d'entrer en rapport avec la Lumière incréée. Si Moïse, après avoir conversé avec le Seigneur dans la nuée, se retira de ces divins entretiens le font orné de merveilleux rayons, combien radieuse devait être la face vénérable de Jean, qui s'était appuyée sur le Cœur même de Jésus, où, comme parle l'Apôtre, sont cachés tous les trésors de la sagesse et de la science (Col. II, 3.) ! combien lumineux ses écrits ! combien divin son enseignement ! Aussi, ce type sublime de l'Aigle montré par Ezéchiel, et confirmé par saint Jean lui-même dans sa Révélation, lui a-t-il été appliqué par l'Eglise, avec le beau nom de Théologien que lui donne toute la tradition.
Saint Jean. Alessandro Algardi. XVIIe.
A cette première récompense qui consiste dans la pénétration des mystères, le Sauveur joignit pour son bien-aimé Disciple une effusion d'amour inaccoutumée, parce que la chasteté, en désintéressant l'homme des affections grossières et égoïstes, l'élève à un amour plus pur et plus généreux. Jean avait recueilli dans son cœur les discours de Jésus : il en fit part à l'Eglise, et surtout il révéla le divin Sermon de la Cène, où s'épanche l'âme du Rédempteur, qui, ayant aimé les siens, les aima jusqu'à la fin (Johan. XIII, 1.). Il écrivit des Epîtres, et ce fut pour dire aux hommes que Dieu est amour (I Johan. IV, 8.) ; que celui qui n'aime pas ne connaît pas Dieu (Ibid.) ; que la charité bannit la crainte (Ibid. 18.). Jusqu'à la fin de sa vie, jusque dans les jours de son extrême vieillesse, il insista sur l'amour que les hommes se doivent les uns aux autres, à l'exemple du Dieu qui les a aimés ; et de même qu'il avait annoncé plus clairement que les autres la divinité et la splendeur du Verbe, ainsi plus que les autres se montra-t-il l'Apôtre de cette infinie charité que l'Emmanuel est venu allumer sur la terre.
Mais le Seigneur lui réservait un don véritablement digne du Disciple vierge et bien-aimé. En mourant sur la croix, Jésus laissait Marie sur la terre ; déjà, depuis plusieurs années, Joseph avait rendu son âme au Seigneur. Qui veillerait donc sur un si sacré dépôt ? qui serait digne de le recevoir ? Jésus enverrait-il ses Anges pour garder et consoler sa Mère : Car quel homme sur la terre mériterait un tel honneur ? Du haut de sa croix, le Sauveur aperçut le disciple vierge ; tout est fixé : Jean sera un fils pour Marie, Marie sera une mère pour Jean ; la chasteté du disciple l'a rendu digne de recevoir un legs si glorieux. Ainsi, suivant la belle remarque de saint Pierre Damien, " Pierre recevra en dépôt l'Eglise, Mère des hommes ; mais Jean recevra Marie, Mère de Dieu ". Il la gardera comme son bien, il remplacera auprès d'elle son divin Ami ; il l'aimera comme sa propre mère ; il en sera aimé comme un fils.
Environné de tant de lumière, réchauffé par tant d'amour, nous étonnerons-nous que Jean soit devenu l'ornement de la terre, la gloire de l'Eglise ? Aussi, comptez, si vous pouvez, ses titres ; énumérez ses qualités. Parent du Christ par Marie, Apôtre, Vierge, Ami de l'Epoux, Aigle divin, Théologien sacré, Docteur de la Charité, fils de Marie, il est encore Evangéliste par le récit qu'il nous a laissé de la vie de son Maître et Ami ; Ecrivain sacré par ses trois Epîtres inspirées de l'Esprit-Saint ; Prophète par sa mystérieuse Apocalypse, qui renferme les secrets du temps et de l'éternité. Que lui a-t-il donc manqué ? La palme du Martyre ? On ne le saurait dire ; car, s'il n'a pas consommé son sacrifice, il a néanmoins bu le calice de son Maître lorsque, après une cruelle flagellation, il fut plongé dans l'huile bouillante, devant la Porte-Latine, à Rome. Jean fut donc Martyr de désir et d'intention, sinon d'effet ; et si le Seigneur, qui le voulait conserver dans son Eglise comme un monument de son estime pour la chasteté et des honneurs qu'il réserve à cette vertu arrêta miraculeusement l'effet d'un affreux supplice, le cœur de Jean n'en avait pas moins accepté le Martyre dans toute son étendue.
Tel est le compagnon d'Etienne, près du berceau dans lequel nous honorons l'Enfant divin. Si le Proto-martyr éclate par la pourpre de son sang, la blancheur virginale du fils adoptif de Marie n'est-elle pas éblouissante au-dessus de celle de la neige ? Les lis de Jean ne peuvent-ils pas marier leur innocent éclat à la vermeille splendeur des roses de la couronne d'Etienne ? Chantons donc gloire au Roi nouveau-né, dont la cour brille de si riantes et de si fraîches couleurs. Cette céleste compagnie s'est formée sous nos yeux. D'abord nous avons vu Marie et Joseph seuls dans l'étable auprès de la crèche ; l'armée des Anges a bientôt paru avec ses mélodieuses cohortes ; les bergers sont venus ensuite avec leurs cœurs humbles et simples ; puis, voici Etienne le Couronné, Jean le Disciple chéri ; et en attendant les Mages, d'autres viendront bientôt accroître l'éclat de la pompe, et réjouir de plus en plus nos cœurs. Quelle Naissance que celle de notre Dieu ! Si humble qu'elle paraisse, combien elle est divine ! Et quel Roi de la terre, quel Empereur a jamais eu autour de son splendide berceau des honneurs pareils à ceux de l'Enfant de Bethléhem ?
Unissons nos hommages à ceux qu'il reçoit de tous ces heureux membres de sa cour ; et si nous avons hier ranimé notre foi, à la vue des palmes sanglantes d'Etienne, aujourd'hui réveillons en nous l'amour de la chasteté, à l'odeur des célestes parfums que nous envoient les fleurs de la virginale couronne de l'Ami du Christ.
Jean, dernier survivant de la première génération chrétienne, se trouvait à Rome au temps où la persécution de Domitien était dans son fort. Le fait paraît incontestable, seules les circonstances qui l'accompagnèrent demeurent dans le vague. Il faut donc s'en tenir à ce que nous savons et laisser dans l'oubli qu'elles méritent les fantaisies légendaires dora on a entouré le martyre du vieil apôtre. Il paraît avoir souffert vers l'endroit où exista plus tard la porte Latine, laquelle ne reçut ce nom que dans l'enceinte d'Aurélien commencée en 271. A la suite de cet événement miraculeux, l'administration romaine déporta Jean dans l'île de Patmos.
Jean veut dire grâce de Dieu, ou en qui est la grâce, ou auquel la grâce a été donnée, ou auquel un don a été fait de la part de Dieu.
De là quatre privilèges de saint Jean :
- Le premier fut l’amitié particulière de Notre Seigneur Jésus-Christ. En effet, le Sauveur aima saint Jean plus que les autres apôtres et lui donna de plus grandes marques d'affection et de familiarité. Il veut donc dire grâce de Dieu parce qu'il fut gracieux à Dieu. Il paraît même qu'il a été aimé plus que Pierre. Mais il y a amour de coeur et démonstration de cet amour. On trouve deux sortes de démonstrations d'amour : l’une qui consiste dans la démonstration de la familiarité, et l’autre dans les bienfaits accordés. Il aima Jean et Pierre également. Mais quant à l’amour de démonstration, il aima mieux saint Jean, et quant aux bienfaits donnés, il préféra Pierre.
- Le second privilège est la parole de la chair ; en effet, saint Jean a été choisi vierge par le Seigneur ; alors en lui est la grâce, c'est-à-dire la grâce de la pureté virginale, puisqu'il voulait se marier quand Notre Seigneur Jésus-Christ l’appela (c'est l’opinion de Bède, Sermon des Jean ; de Rupert, Sur Saint Jean, ch. I ; de saint Thomas d'Aquin, t. II, p. 186 ; de sainte Gertrude en ses Révélations, liv. IV, c. IV.).
- Le troisième privilège, c'est la révélation des mystères : en effet, il lui a été donné de connaître beaucoup de mystères, par exemple, ce qui concerne la divinité du Verbe et la fin du monde.
- Le quatrième privilège, c'est d'avoir été chargé du soin de la mère de Dieu : alors on, peut dire qu'il a reçu un don de Dieu. Et c'était le plus grand présent que le Seigneur put faire que de lui,confier le soin de sa mère. Sa vie a été écrite par Miletus (le livre de Miletus a été publié en dernier lieu à Leipsig, par Heine, 1848. Il est reproduit ici en majeure partie), évêque de Laodicée, et abrégée par Isidore dans son livre De la naissance, de la vie et de la mort des Saints Pères.
L'Immaculée Conception et saint Jean. El Greco. XVIe.
Jean, apôtre et évangéliste, le bien-aimé du Seigneur, avait été élu alors qu'il était encore vierge. Après la Pentecôte, et quand les apôtres se furent séparés, il partit pour l’Asie, où il fonda un grand nombre d'églises. L'empereur Domitien, qui entendit parler de lui, le fit venir et jeter dans une cuve d'huile bouillante, à la porte Latine. Il en sortit sain et entier, parce qu'il avait vécu affranchi de la corruption de la chair (Tertullien, Prescriptions, ch. XXXVI).
L'empereur ayant su que Jean n'en continuait pas moins à prêcher, le relégua en exil dans l’île inhabitée de Pathmos et où le saint écrivit l’Apocalypse. Cette année-là, l’empereur fut tué en haine de sa grande cruauté et tous ses actes furent annulés par le sénat ; en sorte que saint Jean, qui avait été bien injustement déporté dans cette île, revint à Ephèse, où il fut reçu avec grand honneur par tous les fidèles qui se pressèrent au-devant de lui en disant :
" Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur."
Il entrait dans la ville, comme on portait en terre Drusiane qui l’aimait beaucoup et qui aspirait ardemment son arrivée. Les parents, les veuves et les orphelins lui dirent :
" Saint Jean, c'est Drusiane que nous allons inhumer ; toujours elle souscrivait à vos avis, et nous nourrissait tous ; elle souhaitait vivement votre arrivée, en disant " Ô si j'avais le bonheur de voir l’apôtre de Dieu avant de mourir !" Voici que vous arrivez et elle n'a pu vous voir."
Alors Jean ordonna de déposer le brancard et de délier le cadavre :
" Drusiane, dit-il, que mon Seigneur Jésus-Christ te ressuscite, lève-toi, va dans ta maison et me prépare de la nourriture."
Elle se leva aussitôt, et s'empressa d'exécuter l’ordre de l’apôtre, tellement qu'il. lui semblait qu'il l’avait réveillée et non pas ressuscitée.
Saint Jean et la coupe de Poison. Alonso Cano. XVIIe.
Le lendemain, Craton le philosophe convoqua le peuple sur la place, pour lui apprendre comment on devait mépriser ce monde. Il avait fait acheter à deux frères très riches, du produit de leur patrimoine, des pierres précieuses qu'il fit briser en présence de l’assemblée.
L'apôtre vint à passer par là et appelant le philosophe auprès de lui, il condamna cette manière de mépriser le monde par trois raisons :
1. il est loué par les hommes, mais il est réprouvé par le jugement de Dieu ;
2. ce mépris ne guérit pas le vice ; il est donc inutile, comme est inutile le médicament qui ne guérit point le malade ;
3. ce mépris est méritoire pour celui qui donne ses biens aux pauvres. Comme le Seigneur dit au jeune homme :
" Allez vendre tout ce que vous avez et le donnez aux pauvres." Craton lui dit :
" Si vraiment ton Dieu est le maître, et qu'il veuille que le prix de ces pierreries soit donné aux pauvres, fais qu'elles redeviennent entières, afin que, de ta part, cette oeuvre tourne à sa gloire, comme j'ai agi pour obtenir de la renommée auprès des. hommes."
Alors saint Jean, rassemblant dans sa main les fragments de ces pierres, fit une prière, et elles redevinrent entières comme devant. Aussitôt le philosophe ainsi que les deux jeunes gens crurent, et vendirent les pierreries, dont ils distribuèrent le prix aux pauvres.
Deux, autres jeunes tiens d'une famille honorable imitèrent l’exemple des précédents, vendirent tout ce qu'ils avaient, et après l’avoir donné aux pauvres, ils suivirent l’apôtre. Mais un jour qu'ils voyaient leurs serviteurs revêtus de riches et brillants vêtements, tandis qu'il ne leur restait qu'un seul habit, ils furent pris de tristesse. Saint Jean, qui s'en aperçut à leur physionomie, envoya chercher sur le bord de la mer des bâtons et des cailloux qu'il changea en or et en pierres fines. Par l’ordre de l’apôtre, ils les montrèrent pendant sept jours à tous les orfèvres et à tous les lapidaires ; à leur retour ils racontèrent que ceux-ci n'avaient jamais vu d'or plus pur ni des, pierreries si précieuses ; et il leur dit :
" Allez racheter vos terres que vous avez vendues, parce que vous avez perdu les richesses du ciel ; brillez comme des fleurs afin de vous faner comme elles ; soyez riches dans le temps pour que vous soyez mendiants dans l’éternité."
Alors l’apôtre parla plus souvent encore contre les richesses, et montra que pour six raisons, nous devions être préservés de l’appétit immodéré de la fortune :
- la première tirée de l’Ecriture, dans le récit du riche en sa table que Dieu réprouva, et du pauvre Lazare que Dieu élut ;
- la seconde puisée dans la nature, qui nous fait venir pauvres et nus, et mourir sans richesses ;
- la troisième prise de la créature : le soleil, la lune, les astres, la pluie, l’air étant communs à tous et partagés entre tous sans préférence, tous les biens devraient donc être en commun chez les hommes ;
- la quatrième, est la fortune. Il dit alors que le riche devient l’esclave de l’argent et du diable ; de l’argent, parce qu'il ne possède pas les richesses, mais que ce sont elles qui le possèdent ; du diable, parce que, d'après l’évangile, celui qui aime l’argent est l’esclave de Mammon ;
- la cinquième est l’inquiétude : ceux qui possèdent ont jour et nuit des soucis, soit pour acquérir, soit pour conserver ;
- la sixième, ce sont les risques et périls auxquels sont exposées les richesses ; d'où résultent deux sortes de maux : ici-bas, l’orgueil ; dans l’éternité, la damnation éternelle : perte de deux sortes de biens : ceux de la grâce, dans la vie présente ceux de la gloire éternelle, dans la vie future.
Au milieu de cette discussion contre les richesses, voici, qu'on portait en terre un jeune homme mort trente jours après son mariage. Sa mère, sa veuve et les autres qui le pleuraient, vinrent se jeter aux pieds de l’apôtre et le prier de le ressusciter comme Drusiane au nom du Seigneur. Après avoir pleuré beaucoup et avoir prié, Jean ressuscita à l'l’instant le jeune homme auquel il ordonna de raconter à ces deux disciples quel châtiment ils avaient encouru et quelle gloire ils avaient perdue. Celui-ci raconta alors bien des faits, qu'il, avait vus sur la gloire du paradis, et sur les peines de l’enfer.
Et il ajouta :
" Malheureux que vous êtes, j'ai vu vos anges dans les pleurs et les démons dans la joie ; puis il leur dit, qu'ils avaient perdu les palais éternels construits des pierreries brillantes, resplendissant d'une clarté merveilleuse, remplis de banquets copieux, pleins de délices, et d'une joie, d'une gloire interminables."
Il raconta huit peines de l’enfer qui sont renfermées dans ces deux vers :
" Vers et ténèbres, tourment, froid et feu,
Présence du démon, foule de criminels, pleurs."
Alors celui qui avait été ressuscité se joignit aux deux disciples qui se prosternèrent aux pieds de l’apôtre et le conjurèrent de leur faire miséricorde.
L'apôtre leur dit :
" Faites pénitence trente jours pendant lesquels priez que ces bâtons et ces pierres reviennent dans leur état naturel."
Quand ils eurent exécuté cet ordre, il leur dit :
" Allez porter ces bâtons et ces pierres où vous les avez pris."
Ils le firent ; les bâtons et les pierres redevinrent alors ce qu'ils étaient, et les jeunes gens recouvrèrent la grâce de toutes les vertus, qu'ils avaient possédées auparavant.
Saint Jean à Patmos. Jérôme Bosch. XVe.
Après que Jean eut prêché par toute l’Asie, les adorateurs de Jules excitèrent une sédition parmi le peuple et traînèrent le saint à un temple de Diane pour le forcer à sacrifier. Jean leur proposa cette alternative ou qu'en invoquant Diane, ils fissent crouler l’église de Notre Seigneur Jésus-Christ, et qu'alors il sacrifierait aux idoles ; ou qu'après avoir lui-même invoqué Notre Seigneur Jésus-Christ, il renverserait le temple de Diane et alors eux-mêmes crussent en Notre Seigneur Jésus-Christ.
La majorité accueillit la proposition et tous sortirent du temple ; l’apôtre fit sa prière et le temple croula jusque dans ses fondations et l’image de Diane fut réduite en pièces.
Mais le pontife des idoles, Aristodème, excita une affreuse sédition dans le peuple ; une partie se préparait à se ruer contre l’autre. L'apôtre lui dit :
" Que veux-tu que je fasse pour te fléchir ?
- Si tu veux, répondit Aristodème, que je croie en ton Dieu, je te donnerai du poison à boire, et si tu n'en ressens pas les atteintes, ton Seigneur sera évidemment le vrai Dieu."
L'apôtre reprit :
" Fais ce que tu voudras.
- Je veux, dit Aristodème, que tu en voies mourir d'autres auparavant afin que ta crainte augmente."
Aristodème alla demander au proconsul deux condamnés à mort, auxquels, en présence de tous, il donna du poison. A peine l’eurent-ils pris qu'ils rendirent l’âme.
Alors l’apôtre prit la coupe et se fortifiant du signe de la croix, il avala tout le poison sans éprouver aucun mal, ce qui porta tous les assistants à louer Dieu.
Aristodème dit encore :
" Il me reste un doute, mais si tu ressuscites ceux qui sont morts du poison, je croirai indubitablement."
Alors l’apôtre lui donna sa tunique :
" Pourquoi, lui dit-il, m’as-tu donné ta tunique ?
- C'est, lui répondit saint Jean, afin que tu sois tellement confus que tu brises avec ton infidélité.
- Est-ce que ta tunique me fera croire ?
- Va la mettre sur les corps de ceux qui sont morts et dis : " l'apôtre de Notre Seigneur Jésus-Christ m’a envoyé vers vous pour vous ressusciter " au nom de Jésus-Christ "."
Il l’eut à peine fait que sur-le-champ ils ressuscitèrent.
Alors l’apôtre baptisa au nom de Notre Seigneur Jésus-Christ le pontife et le proconsul qui crurent, eux et toute leur famille ; ils élevèrent ensuite une église en l’honneur de saint Jean.
Saint Clément d'Alexandrie rapporte, dans le IVe livre de l’Histoire ecclésiastique (Clément d'Alexandrie, Quis dives, ch. XLII ; Eusèbe, l. III., ch. XXIII ; Saint Chrysostome, ad Theodos lapsum, liv. I, ch. II.), que l’apôtre convertit un jeune homme beau, mais fier, et le confia à un évêque à titre de dépôt. Peu de temps après, le jeune homme abandonne l’évêque et se met à la-tête d'une bande de voleurs. Or quand l’apôtre revint, il réclama son dépôt à l’évêque.
Celui-ci croit qu'il est question d'argent et reste assez étonné. L'apôtre lui dit :
" C'est ce jeune homme que je vous réclame ; c'est celui que je vous avais recommandé d'une manière si pressante.
- Père saint, répondit l’évêque, il est mort quant à l’âme et il reste sur une telle montagne avec des larrons dont il est lui-même le chef."
En entendant ces paroles, saint Jean déchire ses vêtements, se frappe la tête avec les poings :
" J'ai trouvé là un bon gardien de l’âme d'un frère, ajouta-t-il !"
Il se fait aussitôt préparer un cheval et court avec intrépidité vers la montagne. Le jeune homme, l’ayant reconnu, fut couvert de honte et s'enfuit aussitôt sur son cheval.
L'apôtre oublie son âge, pique son coursier de ses éperons et crie après le fuyard :
" Bien-aimé fils, qu'as-tu à fuir devant un père et un vieillard sans défense ? Ne crains pas, mon fils ; je rendrai compte de toi à Notre Seigneur Jésus-Christ, et bien certainement je mourrai volontiers pour toi, comme Notre Seigneur Jésus-Christ est mort pour nous. Reviens, mon fils, reviens ; c'est le Seigneur qui m’envoie."
En entendant cela, le brigand fut tout contrit, revint et pleura à chaudes larmes. L'apôtre se jeta à ses pieds et se mit à embrasser sa main comme si elle eût déjà été purifiée par la pénitence : il jeûna et pria pour lui, obtint sa grâce et par la suite il l’ordonna évêque.
On lit encore dans l’Histoire ecclésiastique (Eusèbe, liv. IV, ch. XIV ; Saint Irénée, Advers. Haeres, liv. III, ch. III ; Théodor., liv. II.) et dans la glose sur la seconde épître canonique de saint Jean, que ce saint étant entré à Ephèse pour prendre un bain, il y vit Cérinthe l’hérétique et qu'il se retira vite en disant :
" Fuyons d'ici, de peur que l’établissement ne croule sur nous ; Cérinthe, l’ennemi de la vérité, s'y baigne."
Cassien (XXIVe conférence, ch. XXI.), au livre de ses conférences, raconte qu'un homme apporta une perdrix vivante à saint Jean. Le saint la caressait et la flattait pour l’apprivoiser. Un enfant témoin de cela dit en riant à ses camarades :
" Voyez comme ce vieillard joue avec un petit oiseau comme ferait un enfant."
Saint Jean devina ce qui se passait, appela l’enfant qui lui dit :
" C'est donc vous qui êtes Jean qui faites cela et qu'on dit si saint ?"
Jean lui demanda ce qu'il tenait à la main. Il lui, répondit qu'il avait un arc :
" Et qu'en fais-tu ?
- C'est pour tuer des oiseaux et des bêtes.
- Comment ?"
Alors l’enfant banda son arc et le tint ainsi à la main. Comme l’apôtre ne lui disait rien, le jeune homme débanda son arc :
" Pourquoi donc, mon fils, lui dit Jean, as-tu débandé ton arc ?
- C'est que si je le tenais plus longtemps tendu, il deviendrait trop mou pour lancer les flèches."
Alors l’apôtre dit :
" Il en est de même de l’infirmité humaine, elle s'affaiblirait dans la contemplation, si en restant toujours fermement occupée, sa fragilité ne prenait pas quelques instants de relâche. Vois l’aigle ; il vole plus haut que tous les oiseaux, il regarde fixement le soleil, et cependant, par la nécessité de sa nature, il descend sur la terre. Ainsi l’esprit de l’homme, qui se relâche un peu de la contemplation, se porte avec plus d'ardeur vers les choses célestes, en renouvelant souvent ses essais."
Saint Jérôme (Sur l'épître aux Galates) assure que saint Jean vécut à Ephèse jusqu'à une extrême vieillesse ; c'était avec, difficulté que ses disciples le portaient à bras à l’église ; il ne pouvait dire que quelques mots, et à chaque pause il répétait :
" Mes petits enfants, aimez-vous les uns les autres."
Enfin étonnés de ce qu’il disait toujours la même chose, les frères qui étaient avec lui, lui demandèrent :
" Maître, pourquoi répétez-vous toujours les mêmes paroles ?"
Il leur répondit que c'était le commandement du Seigneur ; et que si on l’observait, cela suffisait.
Hélinand rapporte (il est probable que le bienheureux Jacques de Voragine, auteur de ces lignes extraites de La légende dorée, possédait le commencement de la chronique d'Hélinand, dans les ouvrages duquel nous n'avons pas rencontré trace de ce fait ; on sait qu'il ne nous reste de son histoire qu'à partir de l’année 634, au livre XLV) aussi que quand saint Jean l’évangéliste entreprit d'écrire son évangile, il indiqua un jeûne par avance, afin de demander dans la prière d'écrire que son livre soit digne du sujet. Il se retira, dit-on, dans un lieu solitaire pour écrire la parole de Dieu, et qu'il pria que tandis qu'il vaquerait à ce travail, il ne fût gêné ni par la pluie ni par le vent. Les éléments, dit-on, respectent encore aujourd'hui, en ce lieu, les prières de l’apôtre.
Saint Jean. Andrea del Castagno. Fresque de
A l’âge de quatre-vingt-dix-huit ans et l’an soixante-sept, selon Isidore (De ortu et obitu Patrum, ch. LXXII.), après la passion du Seigneur, Notre Seigneur Jésus-Christ lui apparut avec ses disciples et lui dit :
" Viens avec moi, mon bien-aimé, il est temps de t'asseoir à ma table avec tes frères."
Jean se leva et voulut marcher. Le seigneur lui dit :
" Tu viendras auprès de moi dimanche."
Or le dimanche arrivé ; tout le peuple se réunit à l’Eglise qui avait été dédiée en son nom. Dès le chant des oiseaux, il se mit à prêcher, exhorta les chrétiens à être fermes dans la foi et fervents à pratiquer les commandements de Dieu. Puis il fit creuser une fosse carrée vis-à-vis l’autel et en jeter la terre hors de l’église. Il descendit dans la fosse, et les bras étendus, il dit à Dieu :
" Seigneur Jésus-Christ, vous m’avez invité à votre festin ; je viens vous remercier de l’honneur que vous m’avez fait ; je sais que c'est de tout coeur, que j'ai soupiré après vous."
Sa prière finie, il fut environné d'une si grande lumière que personne ne put le regarder. Quand la lumière eut disparu, on trouva la fosse pleine de manne, et jusqu'aujourd'hui il se forme de la manne en ce lieu, de telle sorte qu'au fond de la fosse, il paraît sourdre un sable fin comme on voit l’eau jaillir d'une fontaine (saint Augustin, sur Saint Jean, homélie 424 ; Grégoire de Tours, Gloria M., liv. I, ch. XXX ; Itinerarium Willebaudi, en l’an 745).
Saint Edmond, roi d'Angleterre, n'a jamais rien refusé à quelqu'un qui lui adressait une demande au nom de saint Jean l’Evangéliste. Un pèlerin lui demanda donc un jour l’aumône avec importunité au nom de saint Jean l’évangéliste ; alors que son camérier était absent. Le roi ; qui n'avait rien sous la main qu'un anneau de prix le lui donna. Plusieurs jours après, un soldat anglais, qui était outre-mer, fut chargé de remettre au roi l’anneau de la part du même pèlerin qui lui dit :
" Celui à qui et pour l’amour duquel vous avez donné cet anneau, vous le renvoie."
On vit clairement par là que c'était saint Jean qui lui était apparu sous la figure d'un pèlerin. Isidore, dans son livre De la naissance, de la vie et de la mort des Saints Pères, dit ces mots :
" Jean a changé en or les branches d'arbres des forêts, les pierres du rivage en pierreries, des fragments de perles cassées redevinrent entières ; à son ordre une veuve fut ressuscitée ; il fit rappeler l’âme dans le corps d'un jeune homme ; il but un poison mortel et échappa au danger, enfin il rendit à la vie ceux qui avaient bu de ce poison et qui avaient été tués."
Rq : On se procurera la remarquable biographie que Mgr Baunard a consacré à saint Jean. En attendant bien sûr que l'excellente bibliothèque Saint-Libère la mette un jour à disposition.
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mardi, 26 décembre 2023
26 décembre. Saint Etienne, premier diacre et premier martyr. 35.
" Les pierres dont les Juifs l'ont accablé se sont changées sur sa tête en une couronne de pierres précieuses."
Ps. XX, 14.
" Nous tenons encore entre nos bras le Fils de la Vierge, et nous honorons par nos caresses l'enfance d'un Dieu. Marie nous a conduits à l'auguste berceau ; belle entre les filles des hommes, bénie entre les femmes, elle nous a présenté Celui qui est beau entre tous les enfants des hommes, et plus qu'eux tous, comblé de bénédictions. Elle soulève pour nous le voile des prophéties, et nous montre les desseins de Dieu accomplis. Qui de nous pourrait distraire ses yeux de la merveille d'un tel enfantement ? Néanmoins, tandis que le nouveau-né nous accorde les baisers de sa tendresse, et nous tient dans l'étonnement par de si grands prodiges, tout à coup, Etienne, plein de grâce et de force, opère des choses merveilleuses au milieu du peuple (Act. VI, 8.).
Laisserons-nous donc le Roi pour tourner nos regards sur un de ses soldats ? Non certes, à moins que le Prince lui-même ne nous le commande. Or, voici que le Roi, Fils de Roi, se lève lui-même, et vient assister au combat de son serviteur. Courons donc à un spectacle auquel il court lui-même, et considérons le porte-étendard des Martyrs."
La sainte Eglise, dans l'Office d'aujourd'hui, nous fait lire ce début d'un Sermon de saint Fulgence sur la fête de saint Etienne :
" Hier, nous avons célébré la Naissance temporelle de notre Roi éternel ; aujourd'hui, nous célébrons la Passion triomphale de son soldat. Hier notre Roi, couvert du vêtement de la chair, est sorti du sein de la Vierge et a daigné visiter le monde ; aujourd'hui, le combattant est sorti de la tente de son corps, et est monté triomphant au ciel. Le premier, tout en conservant la majesté de son éternelle divinité, a ceint l'humble baudrier de la chair, et est entré dans le camp de ce siècle pour combattre ; le second, déposant l’enveloppe corruptible du corps, est monté au palais du ciel pour y régner à jamais.
L'un est descendu sous le voile de la chair, l'autre est monté sous les lauriers empourprés de son sang. L'un est descendu du milieu de la joie des Anges ; l'autre est monté du milieu des Juifs qui le lapidaient. Hier, les saints Anges, dans l'allégresse, ont chanté :
" Gloire à Dieu au plus haut des cieux !"
Aujourd'hui, ils ont reçu Etienne dans leur compagnie avec jubilation. Hier, le Christ a été pour nous enveloppé de langes : aujourd'hui, Etienne a été par lui revêtu de la robe a d'immortalité. Hier, une étroite crèche a reçu le Christ enfant : aujourd'hui l'immensité du ciel a reçu Etienne dans son triomphe."
Saint Etienne. Vincenzo Foppa. XVe.
Ainsi, la divine Liturgie unit les joies de la Nativité du Seigneur avec l'allégresse que lui inspire le triomphe du premier des Martyrs ; et encore Etienne ne sera pas le seul à venir partager les honneurs de cette glorieuse Octave. Après lui, nous célébrerons Jean, le bien-aimé Disciple ; les Innocents de Bethléhem ; Thomas, le Martyr de la liberté de l'Eglise ; Sylvestre, le Pontife delà Paix. Mais, dans cette brillante escorte du Roi nouveau-né, la place d'honneur appartient à Etienne, ce Proto-martyr qui, ainsi que le chante l'Eglise, " a rendu le premier au Sauveur la mort que le Sauveur a soufferte pour lui ". Ainsi méritait d'être honoré le Martyre, ce témoignage sublime qui acquitte avec plénitude envers Dieu les dons octroyés à notre race, et scelle par le sang de l'homme la vérité que le Seigneur a confiée à la terre.
Pour bien comprendre ceci, il est nécessaire de considérer le plan divin pour le salut du monde. Le Verbe de Dieu est envoyé afin d'instruire les hommes ; il sème sa divine parole, et ses œuvres rendent témoignage de lui. Mais, après son Sacrifice, il remonte à la droite de son Père ; et son témoignage, pour être reçu par les hommes qui n'ont pas vu ni entendu ce Verbe de vie, a besoin d'un témoignage nouveau. Or, ce témoignage nouveau, ce sont les Martyrs qui le donneront ; et ce ne sera pas simplement par la confession de leur bouche, mais par l'effusion de leur sang qu'ils le rendront. L'Eglise s'élèvera donc par la Parole et le Sang de Jésus-Christ ; mais elle se soutiendra, elle traversera les âges, elle triomphera de tous les obstacles par le sang des Martyrs, membres du Christ ; et ce sang se mêlera avec celui de leur Chef divin, dans un même Sacrifice.
Saint Etienne. Domenico Ghirlandaio. XVe.
Les Martyrs auront toute ressemblance avec leur Roi suprême. Ils seront, comme il l'a dit, " semblables à des agneaux au milieu des loups " (Matth. X, 16.). Le monde sera fort contre eux ; devant lui, ils seront faibles et désarmés ; mais, dans cette lutte inégale, la victoire des Martyrs n'en sera que plus éclatante et plus divine. L'Apôtre nous dit que le Christ crucifié est la force et la sagesse de Dieu (I Cor. I, 24.) ; les Martyrs immolés, et cependant conquérants du monde, attesteront, d'un témoignage que le monde même comprendra, que le Christ qu'ils ont confessé, et qui leur a donné la constance et la victoire, est véritablement la force et la sagesse de Dieu. Il est donc juste qu'ils soient associés à tous les triomphes de l'Homme-Dieu, et que le cycle liturgique les glorifie, comme l'Eglise elle-même les honore en plaçant sous la pierre de l'autel leurs sacrés ossements, en sorte que le Sacrifice de leur Chef triomphant ne soit jamais célébré sans qu'ils soient offerts avec lui dans l'unité de son Corps mystique.
Or, la liste glorieuse des Martyrs du Fils de Dieu commence à saint Etienne ; il y brille par son beau nom qui signifie le Couronné, présage divin de sa victoire. Il commande, sous le Christ, cette blanche armée que chante l'Eglise, ayant été appelé le premier, avant les Apôtres eux-mêmes, et ayant répondu dignement à l'honneur de l'appel. Etienne a rendu un fort et courageux témoignage à la divinité de l'Emmanuel, en présence de la Synagogue des Juifs ; il a irrité leurs oreilles incrédules, en proclamant la vérité ; et bientôt une grêle de pierres meurtrières a été lancée contre lui par les ennemis de Dieu, devenus les siens. Il a reçu cet affront, debout, sans faiblir ; on eût dit, suivant la belle expression de saint Grégoire de Nysse, qu'une " neige douce et silencieuse tombait sur lui à flocons légers, ou encore qu'une pluie de roses descendait mollement sur sa tête ".
Mais, à travers ces pierres qui se choquaient entre elles en lui apportant la mort, une clarté divine arrivait jusqu'à lui : Jésus, pour qui il mourait, se manifestait à ses regards ; et un dernier témoignage à la divinité de l'Emmanuel s'échappait avec force de la bouche du Martyr. Bientôt, à l'exemple de ce divin Maître, pour rendre son sacrifice complet, le Martyr répand sa dernière prière pour ses bourreaux ; il fléchit les genoux et demande que le péché ne leur soit pas imputé. Ainsi tout est consommé ; et le type du Martyre est montré à la terre pour être imité et suivi dans toutes les générations, jusqu'à la consommation des siècles, jusqu'au dernier complément du nombre des Martyrs. Etienne s'endort dans le Seigneur, et il est enseveli dans la paix, in pace, jusqu'à ce que sa tombe sacrée soit retrouvée, et que sa gloire se répande de nouveau dans toute l'Eglise, par cette miraculeuse Invention, comme par une résurrection anticipée.
Etienne a donc mérité de faire la garde auprès du berceau de son Roi, comme le chef des vaillants champions de la divinité du céleste Enfant que nous adorons. Prions-le, avec l'Eglise, de nous faciliter l'approche de l'humble couche où repose notre souverain Seigneur. Demandons-lui de nous initier aux mystères de cette divine Enfance que nous devons tous connaître et imiter dans le Christ. Dans la simplicité de la crèche, il n'a point compté le nombre de ses ennemis, il n'a point tremblé en présence de leur rage, il n'a point fui leurs coups, il n'a point imposé silence à sa bouche, il a pardonné à leur fureur; et sa dernière prière a été pour eux.
Ô fidèle imitateur de l'Enfant de Bethléhem ! Jésus, en effet, n'a point foudroyé les habitants de cette cité qui refusa un asile à la Vierge-Mère, au moment où elle allait enfanter le Fils de David. Il dédaignera d'arrêter la fureur d'Hérode qui bientôt le cherchera pour le faire périr ; il aimera mieux fuir en Egypte, comme un proscrit, devant la face de ce tyran vulgaire ; et c'est à travers toutes ces faiblesses apparentes qu'il montrera sa divinité, et que le Dieu-Enfant sera le Dieu-Fort. Hérode passera, et sa tyrannie ; le Christ demeurera, plus grand dans sa crèche où il fait trembler un roi, que ce prince sous sa pourpre tributaire des Romains ; plus grand que César-Auguste lui-même, dont l'empire colossal a pour destinée de servir d'escabeau à l'Eglise que vient établir cet Enfant si humblement inscrit sur les rôles de la ville de Bethléhem.
Pendant les premières années qui suivirent la mort de Jésus, un grand nombre de convertis, appartenant à toutes les classes de la société juive et même au sacerdoce, portèrent l'Eglise de Jérusalem à un haut point de faveur dans la ville ; par leur assiduité au temple, leur étroite observance de la loi, les fidèles étaient un sujet d'édification pour le peuple. Tout fut changé le jour où l'on soupçonna chez ceux en qui l'on ne voyait que des pharisiens plus parfaits que les autres, l'intention de soustraire la foi nouvelle à l'autorité de la Synagogue. L'introduction des diacres hellénistes dans la hiérarchie précipita les événements. Parmi les apôtres nul ne songeait alors à détacher l'Eglise du tronc sur lequel Jésus l'avait entée. Moins subjugués par les grands souvenirs du passé, les hellénistes avaient compris les premiers certaines paroles du Maître qui annonçaient la séparation des deux Testaments.
Le diacre Etienne provoqua un éclat terrible. On ne sait trop quel personnage il était autrefois, l'histoire ne commence pour lui qu'au moment de son élection. Dès lors, son zèle le portait à prêcher beaucoup, et son talent lui amenait des auditoires nombreux. Il soutenait la dispute contre les habitués de la synagogue des Libertini ou affranchis de Rome, des gens de Cyrène, d'Alexandrie, de Cilicie, d'Ephèse, et l'on s'animait fort à ces disputes, dont le sujet était le caractère messianique de Jésus, le crime de ceux qui l'avaient fait mourir, et de tous les Juifs qui refusaient de le reconnaître pour le Messie. Les autorités juives résolurent de perdre ce prédicateur ; elles profitèrent d'un gouvernement intérimaire de Marcellus pour entrer en possession de leurs droits méconnus par les procurateurs. La mort de Tibère et l'éloignement du légat de Syrie poussaient à hâter une entreprise qui rendait au Sanhédrin son autonomie d'autrefois. Des témoins furent apostés pour surprendre dans les discours d'Etienne quelque parole contre Moïse ; ayant trouvé ce qu'ils étaient venus chercher, ils se répandirent dans la ville, répétant qu'Etienne avait proféré des blasphèmes contre Moïse et contre Dieu.
Ils émurent donc le peuple, les anciens et les scribes et se jetant sur Etienne, ils l'enlevèrent et l'amenèrent devant le conseil ; ils produisirent même de faux témoins contre lui, qui dirent :
" Cet homme ne cesse de parler contre le lieu saint et la Loi, car nous lui avons entendu dire que Jésus de Nazareth détruira ce lieu et changera les traditions que Moïse nous a laissées."
Alors tous ceux qui étaient assis dans le conseil arrêtèrent les yeux sur lui, et crurent voir le visage d'un ange.
Le pontife demande à Etienne si ces accusations sont vraies. Celui-ci répondit :
" Mes frères et mes pères, écoutez ! Le Dieu de gloire apparut à notre père Abraham quand il était en Mésopotamie, avant qu'il s'établît à Charan, et il lui dit :
" Sors de ton pays et de ta parenté, et viens dans la terre que je te montrerai." Alors, sortant du pays des Chaldéens, il habita à Charan. Et après la mort de son père, Dieu le fit passer dans cette terre que vous habitez aujourd'hui, où il ne lui donna aucun héritage, pas même où poser le pied, mais il promit de lui en donner la possession et, après lui, à sa postérité, alors qu'il n'avait point encore d'enfant, et Dieu lui prédit que ses descendants iraient demeurer dans un pays étranger, qu'ils y seraient réduits en servitude et qu'on les y traiterait avec dureté pendant quatre cents ans ; mais Dieu ajouta :
" J'exercerai mes jugements sur la nation qui les aura rendus esclaves, ensuite ils sortiront de là, et me serviront dans cette terre."
Depuis il contracta avec lui l'alliance de la circoncision, et ainsi Abraham, ayant engendré Isaac, le circoncit le huitième jour. Isaac circoncit Jacob, et Jacob les douze patriarches. Les patriarches, poussés par l'envie, vendirent Joseph pour être mené en Egypte ; mais Dieu, qui était avec lui, le délivra de toutes ses afflictions, et par la sagesse qu'il lui donna, le rendit agréable au Pharaon, roi d'Egypte, qui l'établit gouverneur de l'Egypte et de toute sa maison. En ce temps survinrent une famine et une grande désolation dans toute l'Egypte et dans le pays de Chanaan, en sorte que nos pères n'avaient pas de quoi vivre. Jacob apprit qu'il y avait du blé en Egypte, il envoya une première fois nos pères, puis une seconde fois, et ils reconnurent Joseph, et sa race fut découverte au Pharaon. Alors Joseph envoya un message à Jacob son père, et le fit venir avec toute sa parenté, qui était de soixante-quinze personnes. Jacob donc descendit en Egypte. Après leur mort, Jacob et nos pères furent transférés à Sichem, et déposés dans le sépulcre qu'Abraham avait acheté à prix d'argent des enfants d'Hémor, fils de Sichem.
Le temps de la promesse que Dieu avait faite à Abraham s'approchant, le peuple s'augmenta et se multiplia dans l'Egypte, jusqu'à ce que Pharaon eût pour successeur un prince qui ne connaissait pas Joseph. Ce roi, usant d'un artifice pervers contre notre nation, affligea nos pères, en les obligeant d'exposer leurs enfants, afin d'en perdre toute la race. Moïse naquit pendant ce temps-là et fut aimé de Dieu, on le nourrit pendant trois mois dans la maison de son père, et puis on l'exposa ; la fille du Pharaon l'emporta, et l'éleva comme son fils. Il fut instruit dans toute la sagesse des Egyptiens, et devint puissant en paroles et en oeuvres. A l'âge de quarante ans, il eut la pensée d'aller visiter les enfants d'Israël ses frères ; or, il en vit un qui était maltraité ; il le défendit, et pour le venger, tua l'Egyptien qui lui avait fait outrage.
Il croyait que ses frères comprendraient que Dieu les voulait mettre en liberté par son moyen ; mais ils ne le comprirent pas. Le lendemain, il se trouva présent lorsque deux Hébreux se querellaient, et les voulant mettre d'accord, il leur dit :
" Hommes, vous êtes frères, pourquoi vous faites-vous injure l'un à l'autre ?"
Mais celui qui avait tort l'écarta en disant :
" Qui vous a établi prince et juge sur nous ? Ne voudriez-vous point aussi me tuer, comme vous tuâtes hier cet Egyptien ?"
Cette parole fit résoudre Moïse à s'enfuir ; il alla demeurer comme étranger dans le pays Ce Madian, où il eut deux fils.
Quarante ans après, un ange lui apparut dans les déserts de la montagne de Sina, dans la flamme d'un buisson qui était tout en feu. Etonné de ce spectacle, Moïse s'approcha pour considérer ce que c'était, et entendit la voix du Seigneur qui lui dit :
" Je suis le Dieu de vos pères, le " Dieu d'Abraham, le Dieu d'Isaac, le Dieu de Jacob "."
Moïse fut si effrayé qu'il n'osait considérer ce feu, mais le Seigneur lui dit :
" Otez vos souliers de vos pieds, parce que le lieu où vous êtes est une terre sainte. J'ai vu l'affliction de mon peuple qui est en Egypte ; j'ai entendu ses gémissements, et je suis descendu pour l'en tirer : venez donc maintenant, afin que je vous envoie en Egypte."
Ce Moïse qu'ils écartèrent, en disant :
" Qui vous a établi prince et juge ?"
C'est celui-là même que Dieu leur envoya pour être leur prince et leur libérateur, sous la conduite de l'ange qui lui apparut dans le buisson, c'est lui qui les retira de la servitude en faisant des prodiges et des miracles clans l'Egypte, dans la mer Rouge, et dans le désert pendant quarante ans.
C'est ce Moïse qui dit aux enfants d'Israël :
" Dieu vous suscitera d'entre vos frères un prophète semblable à moi ; c'est lui que vous devez écouter."
C'est ce même Moïse qui fut avec toute l'assemblée du peuple dans le désert, avec l'ange qui lui parlait sur la montagne de Sinaï, et avec nos pères, et qui reçut les paroles de vie pour nous les donner.
C'est lui que nos pères ne voulurent point écouter, mais qu'ils rejetèrent, retournant de coeur en Egypte, en disant à Aaron :
" Faites-nous des dieux qui marchent devant nous, car pour ce Moïse qui nous a tirés du pays d'Egypte, nous ne savons ce qu'il est devenu."
Alors ils fondirent un veau et sacrifièrent à l'idole, et mirent leur joie dans cet ouvrage de leurs mains, mais Dieu se détourna d'eux et les abandonna jusqu'à leur laisser adorer les étoiles du ciel, ainsi qu'il est écrit dans les livres des prophètes :
" Maison d'Israël, m'avez-vous offert des victimes, des hosties dans le désert pendant quarante ans ? Non ! mais vous avez élevé le tabernacle de Moloch et l'astre de votre dieu Rempham, qui sont des figures que vous avez faites pour les adorer : c'est pourquoi je vous transporterai au-delà de Babylone."
Nos pères eurent avec eux le tabernacle du témoignage dans le désert, ainsi que Dieu le leur avait ordonné, en disant à Moïse de le construire selon le modèle qu'il lui avait fait voir. Aussi nos pères le reçurent et le portèrent du temps de Josué dans la terre qui avait été possédée par les peuples que Dieu chassa devant eux ; et il y fut jusqu'au temps de David. Comme il était agréable à Dieu, celui-ci lui demanda de pouvoir bâtir une maison au Dieu de Jacob ; mais ce fut Salomon qui édifia le temple, quoique le Très-Haut n'habite point dans les temples faits de la main des hommes, selon la parole du Prophète : " Le ciel est mon trône, et la terre l'appui de mes pieds."
" Quelle maison m'édifiez-vous, dit le Seigneur, ou quel sera le lieu de mon repos ? N'est-ce pas ma main qui a fait toutes ces choses ?"
Ô hommes, à la tête dure, incirconcis de coeur et d'oreilles, vous résistez toujours au Saint-Esprit, et vous êtes tels que vos pères ont été ! Quel est le prophète que vos pères n'aient point persécuté ? Ils ont tué ceux qui prédisaient l'avènement du juste que vous venez de trahir et de mettre à mort, vous qui avez reçu la loi par le ministère des anges, et qui ne l'avez point gardée."
Ces paroles les remplirent d'une rage qui leur déchirait le coeur et ils grinçaient les dents contre Etienne ; mais lui, rempli du Saint-Esprit, leva les yeux au ciel, vit la gloire de Dieu, et Jésus debout à la droite du Père, et dit :
" Je vois les cieux ouverts et le Fils de l'homme qui est debout à la droite de Dieu."
Alors ils poussèrent de grands cris en se bouchant les oreilles et se jetèrent avec impétuosité sur lui, et le traînèrent hors de la ville, où ils le lapidèrent ; les témoins déposèrent leurs vêtements aux pieds d'un jeune homme qui s'appelait Saut. Pendant qu'on le lapidait, Etienne invoquait Dieu en disant :
" Seigneur Jésus, recevez mon esprit."
Et il se mit à genoux, éleva la voix et dit :
" Seigneur, ne leur imputez point ce péché !"
Et après avoir dit cette parole, il s'endormit dans le Seigneur.
Cependant quelques hommes qui craignaient Dieu prirent soin d'ensevelir le corps d'Etienne et conduisirent ses funérailles avec un grand deuil.
Or Saul approuvait qu'on le fît mourir. Il y eut ce jour-là une grande persécution contre la communauté de Jérusalem ; et tous, sauf les apôtres, furent dispersés dans les campagnes de la Judée et de la Samarie. Des hommes pieux ensevelirent Etienne et firent sur lui grande lamentation.
Quant à Saul, il ravageait la communauté, allant de maison en maison ; il (en) arrachait hommes et femmes, qu'il faisait jeter en prison.
Les Pères attribuent à bon droit la future conversion de saint Paul à la prière de saint Etienne, son cousin et condisciple à l'école de Gamaliel.
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lundi, 25 décembre 2023
25 décembre. La Nativité : le Saint Jour de Noël.
- La Nativité : le Saint Jour de Noël.
Anonyme. Flandres. XVe.
L'heureuse journée de la Vigile de Noël avance vers son terme. Déjà la sainte Eglise a clos les divins Offices de l'Attente du Sauveur par la célébration du grand Sacrifice. Dans son indulgence maternelle, elle a permis à ses enfants de rompre, dès le milieu du jour, le jeûne de la préparation ; les fidèles se sont assis à la table frugale, avec une joie spirituelle qui leur fait pressentir celle dont leurs cœurs seront inondés en cette nuit qui va leur donner l'Emmanuel.
Mais une aussi grande solennité que celle de demain doit, selon l'usage de l'Eglise dans ses fêtes, anticiper sur le jour qui la précède. En peu d'instants, l'Office des Premières Vêpres, dans lequel s'offre à Dieu l'encens du soir, va convier les Chrétiens à l'Eglise ; et la splendeur des cérémonies, la magnificence des chants, ouvriront tous les cœurs aux émotions d'amour et de reconnaissance qui les doivent disposer à recevoir les grâces du moment suprême.
En attendant le signal sacré qui va nous convoquer à la maison de Dieu, employons les instants qui nous restent à bien pénétrer le mystère d'un si grand jour, les sentiments de la sainte Eglise dans cette solennité, les traditions catholiques à l'aide desquelles nos aïeux l'ont si dignement célébrée.
Et d'abord écoutons la voix des saints Pères qui retentit avec une emphase et un éclat capables de réveiller toute âme vivante. Voici saint Grégoire le Théologien, l'Evêque de Nazianze, qui débute dans son discours trente-huitième, consacré à la Théophanie, ou Naissance du Sauveur : qui pourrait l'entendre et rester froid devant sa parole ?
" Le Christ naît ; rendez gloire. Le Christ descend des cieux ; marchez au-devant de lui. Le Christ est sur la terre ; hommes, élevez-vous. Toute la terre, chantez au Seigneur ! et pour réunir tout dans une seule parole : Que les cieux se réjouissent, et que la terre tressaille, pour Celui qui est, tout à la fois, du ciel et de la terre. Le Christ revêt notre chair, soyez émus de crainte et d'allégresse : de crainte, à cause du péché ; d'allégresse, à cause de l'espérance. Le Christ naît d'une Vierge : femmes, honorez la virginité, afin de devenir mères du Christ.
Qui n'adorerait Celui qui était dès le commencement ? Qui ne louerait et ne célébrerait Celui qui vient de naître ? Voici que les ténèbres se dissipent ; la lumière est créée ; l'Egypte demeure sous les ombres, et Israël est éclairé par la colonne lumineuse. Le peuple, qui était assis dans les ténèbres de l'ignorance, aperçoit la lueur d'une science profonde. Les choses anciennes ont fini ; tout est devenu nouveau. La lettre fuit, l'esprit triomphe ; les ombres sont passées, la vérité fait son entrée. La nature voit violer ses lois : le moment est venu de peupler le monde céleste : le Christ commande ; gardons-nous de résister.
Toutes les nations, battez des mains : car un petit Enfant nous est né, un Fils nous a été donné. La marque de sa principauté est sur son épaule : car la croix sera le moyen de son élévation ; son nom est l'Ange du grand conseil, c'est-à-dire du conseil paternel.
Que Jean s'écrie :
" Préparez la voie du Seigneur !"
Pour moi, je veux faire retentir aussi la puissance d'un si grand jour : Celui qui est sans chair s'incarne ; le Verbe prend un corps ; l'Invisible se montre aux yeux, l'Impalpable se laisse toucher ; Celui qui ne connaît pas le temps prend un commencement ; le Fils de Dieu est fait fils de l'homme. Jésus-Christ était hier ; il est aujourd'hui ; il sera à jamais. Que le juif s'en offense ; que le Grec s'en moque ; que la langue de l'hérétique s'agite dans sa bouche impure. Ils croiront quand ils le verront, ce Fils de Dieu, monter au ciel ; et si encore à ce moment ils s'y refusent, ils croiront bien, alors qu'il en descendra, et paraîtra sur son tribunal de juge."
Bernardino Luini. XVIe.
Ecoutons maintenant, dans l'Eglise Latine, le dévot saint Bernard, qui épanche une douce allégresse dans ces mélodieuses paroles, au sermon VIe pour la Vigile de Noël :
" Voici que nous venons d'entendre une nouvelle pleine de grâce, et faite pour être acceptée avec transport : Jésus-Christ, Fils de Dieu, naît en Bethléhem de Judée. Mon âme s'est fondue à cette parole ; mon esprit bouillonne en moi, pressé que je suis de vous annoncer un tel bonheur. Jésus veut dire Sauveur. Quoi de plus nécessaire qu'un Sauveur à ceux qui étaient perdus, de plus désirable à des infortunés, de plus avantageux à ceux que le désespoir accablait ? Où était le salut, où était même l'espérance du salut, si légère qu'elle fût, sous cette loi de péché, dans ce corps de mort, au milieu de cette perversité, dans ce séjour d'affliction, si ce salut n'était né tout à coup, et contre toute espérance ?
Ô homme, tu désires, il est vrai, ta guérison ; mais, ayant la conscience de ta faiblesse et de ton infirmité, tu redoutes la rigueur du traitement. Ne crains pas : le Christ est suave et doux ; sa miséricorde est immense ; comme Christ, il a reçu l'huile en partage, mais c'est pour la répandre sur tes plaies. Et si je te dis qu'il est doux, ne va pas craindre que ton Sauveur manque de puissance ; car on ajoute qu'il est Fils de Dieu. Tressaillons donc, ruminant en nous-mêmes, et faisant éclater au dehors cette douce sentence, cette suave parole : Jésus-Christ, Fils de Dieu, naît en Bethléhem de Judée !"
Giovanni Di Pietro. XVIe.
C'est donc véritablement un grand jour que celui de la Naissance du Sauveur : jour attendu par le genre humain durant des milliers d'années ; attendu par l'Eglise durant ces quatre semaines de l'Avent qui nous laissent de si chers souvenirs ; attendu par la nature entière qui revoit chaque année, sous ses auspices, le triomphe du soleil matériel sur les ténèbres toujours croissantes. Le grand Docteur de l'Eglise Syrienne, saint Ephrem, célèbre avec enthousiasme le charme et la fécondité de ce jour mystérieux ; empruntons quelques traits à sa divine poésie, et disons avec lui :
" Daignez, Seigneur, nous permettre de célébrer aujourd'hui le propre jour de votre naissance, que la solennité présente nous rappelle. Ce jour est semblable à vous ; il est ami des hommes. A travers les âges, il revient chaque année ; il vieillit avec les vieillards, et il se renouvelle avec l'enfant qui vient de naître. Chaque année, il nous visite et passe ; puis il revient plein de charmes. Il sait que la nature humaine e ne saurait se passer de lui ; comme vous, il vient au secours de notre race en péril. Le monde entier, Seigneur, a soif du jour de votre naissance ; cet heureux jour contient en lui-même les siècles à venir ; il est un, et il se multiplie. Qu'il soit donc, cette année encore, semblable à vous, amenant la paix entre le ciel et la terre. Si tous les jours sont marqués par votre sainte libéralité, combien est-il juste qu'elle déborde en celui-ci ?
" Les autres jours de Tannée empruntent leur beauté de celui-ci, et les solennités qui suivront lui doivent la dignité et l'éclat dont elles brillent. Le jour de votre naissance est un trésor, Seigneur, un trésor destiné à acquitter la dette commune. Béni soit le jour qui nous a rendu le soleil, à nous errants dans la nuit obscure ; qui nous a apporté la divine gerbe par laquelle a été répandue l'abondance ; qui nous a donné la branche de vigne où est contenue la liqueur du salut qu'elle doit nous fournir en son temps. Au sein de l'hiver qui prive les arbres de leurs fruits, la vigne s'est parée d'une végétation divine ; sous la saison glaciale, le rejeton a poussé de la souche de Jessé. C'est en décembre, en ce mois qui retient encore dans les entrailles de la terre la semence qui lui fut confiée, que l'épi de notre salut s'élève du sein de la Vierge où il était descendu dans les jours du printemps, lorsque les agneaux bondissent dans les prairies."
Nativité. Benedetto Buglioni & Santi Buglioni. XVIe.
Il n'est donc pas étonnant que ce jour qui importe à Dieu même ait été privilégié dans l'économie des temps ; et l'on aime à voir les nations païennes pressentir dans leurs calendriers la gloire que Dieu lui réservait dans la suite des âges. Nous avons vu d'ailleurs que les Gentils n'ont pas été seuls à prévoir mystérieusement les relations du divin Soleil de justice avec l'astre mortel qui éclaire et échauffe le monde ; les saints Docteurs et la Liturgie tout entière ne tarissent pas sur cette ineffable harmonie. Ajoutons que, selon la tradition vénérable de l'antiquité qui place au Vendredi (25 mars) l'Incarnation du Fils de Dieu, la Naissance du Sauveur qui s'est appelé la Lumière du monde a dû avoir lieu un Dimanche (25 décembre) : ce qui donne à la fête de Noël quelque chose de plus sacré encore dans les années où elle se rencontre au Dimanche : jour déjà sanctifié par la création de la lumière à l'origine des choses, et plus tard parla Résurrection de ce Sauveur qui se lève aujourd'hui sur le monde. Saint Sophrone de Jérusalem a magnifiquement traité ce mystère dans sa première Homélie pour la fête de Noël.
La Baptême de Clovis.
Afin de graver plus profondément l'importance d'un jour si sacré dans la mémoire des peuples chrétiens de l'Europe, races préférées dans les conseils de la divine miséricorde, le Souverain Maître des événements a voulu que le royaume des Francs naquît le jour de Noël, lorsque dans le Baptistère de Reims, au milieu des pompes de cette solennité, Clovis, le fier Sicambre, devenu doux comme l'agneau, fut plongé par saint Rémi dans la fontaine du salut, de laquelle il sortit pour inaugurer la première monarchie catholique parmi les monarchies nouvelles, ce royaume de France, le plus beau, a-t-on dit, après celui du ciel.
Baptême de Clovis. Maître de Saint-Gilles. XVe.
Un siècle plus tard, c'était le tour de la race anglo-saxonne. L'Apôtre de l'île des Bretons, le moine saint Augustin, après avoir converti au vrai Dieu le roi Ethelred, s'avançait à la conquête des âmes. S'étant dirigé vers York, il y fait entendre la parole de vie, et un peuple entier s'unit pour demander le Baptême. Le jour de Noël est fixé pour la régénération de ces nouveaux disciples du Christ ; et le fleuve qui coule sous les murs de la cité est choisi pour servir de fontaine baptismale à cette armée de catéchumènes. Dix mille hommes, non compris les femmes et les enfants, descendent dans les eaux dont le courant doit emporter la souillure de leurs âmes. La rigueur de la saison n'arrête pas ces nouveaux et fervents disciples de l'Enfant de Bethléhem, qui, peu de jours auparavant, ignoraient jusqu'à son nom. Du sein des ondes glacées, sort pleine de joie et éclatante d'innocence, toute une armée de néophytes ; et au jour de sa naissance, le Christ compte une nation de plus sous son empire.
Mais ce n'était pas assez encore pour le Seigneur qui tient à honorer le jour de la naissance de son Fils.
Une autre naissance illustre devait encore embellir cet heureux an ni versa ire. A Rome, dans la basilique de Saint-Pierre, en la solennité de Noël de l'an 800, naissait le Saint-Empire-Romain auquel était réservée la mission de propager le règne du Christ dans les régions barbares du Nord, et de maintenir l'unité européenne, sous la direction du Pontife Romain. En ce jour, saint Léon III plaçait la couronne impériale sur la tête de saint Charlemagne ; et la terre étonnée revoyait un César, un Auguste, non plus successeur des Césars et des Augustes de la Rome païenne, mais investi de ces titres glorieux par le Vicaire de Celui qui s'appelle, dans les saints Oracles, le Roi des rois, le Seigneur des seigneurs.
En attendant, les nations de l'Occident, émues de la dignité d'une telle fête, et la considérant avec raison comme le principe de toutes choses dans l'ère de la régénération du monde, comptèrent longtemps leurs années à partir de Noël, comme on le voit sur d'antiques Calendriers, sur les Martyrologes d'Usuard et d'Adon, et sur un si grand nombre de Bulles, de Chartes et de Diplômes. Un concile de Cologne, en 1310, nous montre cette coutume encore subsistante à cette époque. Plusieurs peuples de l'Europe catholique, les Italiens principalement, ont gardé jusqu'aujourd'hui l'usage de fêter le nouvel an à la Nativité du Sauveur. On souhaite le bon Noël, comme, chez nous, au premier janvier, la bonne année. On fait échange de compliments et de cadeaux ; on écrit aux amis absents : précieux restes des anciennes mœurs, dont la foi était le principe et l'invincible rempart.
Mais telle est aux yeux de la sainte Eglise la joie qui doit remplir les fidèles dans la Naissance du Sauveur, que, s'associant par une insigne indulgence à une si légitime allégresse, elle relâche pour la journée de demain le précepte de l'abstinence de la chair, si Noël tombe le vendredi ou le samedi. Cette dispense remonte au Pape Honorius III, qui siégeait en 1216 ; mais déjà, dès le IXe siècle, saint Nicolas Ier, dans sa réponse aux consultations des Bulgares, avait montre une semblable condescendance, afin d'encourager la joie des fidèles dans la célébration non seulement de la solennité de Noël, mais encore des fêtes de saint Etienne, de saint Jean l'Evangéliste, de l'Epiphanie, de l'Assomption de Notre-Dame, de saint Jean-Baptiste, et de saint Pierre et saint Paul. Mais cette indulgence ne fut point universelle, et la relaxation ne s'est maintenue que pour la fête de Noël dont elle augmente l'allégresse populaire.
Vincenzo Foppa. XVe.
Dans le désir de témoigner à sa manière l'importance qu'elle attachait à une fête si chère à toute la chrétienté, la législation civile du moyen âge accordait aux débiteurs la faculté de suspendre le paiement de leurs créanciers durant toute la semaine de Noël, qui pour cela était appelée semaine de rémission, comme celles de Pâques et de la Pentecôte.
Mais suspendons un moment ces renseignements familiers que nous nous plaisons à réunir sur la glorieuse solennité dont l'approche émeut si doucement nos cœurs ; il est temps de diriger nos pas vers la maison de Dieu, où nous appelle l'Office solennel des premières Vêpres. Durant le trajet, portons notre pensée vers Bethléhem, où Joseph et Marie sont déjà arrivés. Le soleil matériel s'abaisse rapidement au couchant ; et le divin Soleil de justice demeure caché pour quelques instants encore sous le nuage, au sein de la plus pure des vierges. La nuit approche ; Joseph et Marie parcourent les rues de la Cité de David, cherchant un asile pour s'y mettre à l'abri. Que les cœurs fidèles soient donc attentifs, et s'unis sent aux deux incomparables pèlerins. Mais l'heure est venue où le chant de gloire et de reconnaissance doit s'échapper de toute bouche humaine. Acceptons avec empressement pour notre organe la voix de la sainte Eglise : elle n'est pas au-dessous d'une si noble tâche.
Vincenzo Foppa. XVe.
A LA MESSE DE MINUIT
Il est temps, maintenant, d'offrir le grand Sacrifice, et d'appeler l'Emmanuel : lui seul peut acquitter dignement envers son Père la dette de reconnaissance du genre humain. Sur notre autel, comme au sein de la crèche, il intercédera pour nous; nous l'approcherons avec amour, et il se donnera à nous.
Mais telle est la grandeur du Mystère de ce jour, que l'Eglise ne se bornera pas à offrir un seul Sacrifice. L'arrivée d'un don si précieux et si longtemps attendu mérite d'être reconnue par des hommages nouveaux. Dieu le Père donne son Fils à la terre ; l'Esprit d'amour opère cette merveille : il convient que la terre renvoie à la glorieuse Trinité l'hommage d'un triple Sacrifice.
De plus, Celui qui naît aujourd'hui n'est-il pas manifesté dans trois Naissances ? Il naît, cette nuit, de la Vierge bénie ; il va naître, par sa grâce, dans les cœurs des bergers qui sont les prémices de toute la chrétienté ; il naît éternellement du sein de son Père, dans les splendeurs des Saints : cette triple naissance doit être honorée par un triple hommage.
La première Messe honore la Naissance selon la chair. Les trois Naissances sont autant d'effusions de la divine lumière ; or, voici l'heure où le peuple qui marchait dans les ténèbres a vu une grande lumière, et où le jour s'est levé sur ceux qui habitaient la région des ombres de la mort. En dehors du temple saint qui nous réunit, la nuit est profonde: nuit matérielle, par l'absence du soleil ; nuit spirituelle, à cause des péchés des hommes qui dorment dans l'oubli de Dieu, ou veillent pour le crime. A Bethléhem, autour de l'étable, dans la cité, il fait sombre ; et les hommes qui n'ont pas trouvé de place pour l'Hôte divin, reposent dans une paix grossière ; mais ils ne seront point réveillés par le concert des Anges.
Cependant, à l'heure de minuit, la Vierge a senti que le moment suprême est arrivé. Son cœur maternel est tout à coup inondé de délices inconnues ; il se fond dans l'extase de l'amour. Soudain, franchissant par sa toute-puissance les barrières du sein maternel, comme il pénétrera un jour la pierre du sépulcre, le Fils de Dieu, Fils de Marie, apparaît étendu sur le sol, sous les yeux de sa mère, vers laquelle il tend ses bras. Le rayon du soleil ne franchit pas avec plus de vitesse le pur cristal qui ne saurait l'arrêter.
La Vierge-Mère adore cet enfant divin qui lui sourit ; elle ose le presser contre son cœur ; elle l'enveloppe des langes qu'elle lui a préparés ; elle le couche dans la crèche. Le fidèle Joseph adore avec elle; les saints Anges, selon la prophétie de David, rendent leurs profonds hommages à leur Créateur, dans ce moment de son entrée sur cette terre. Le ciel est ouvert au-dessus de l'étable, et les premiers vœux du Dieu nouveau-né montent vers le Père des siècles ; ses premiers cris, ses doux vagissements arrivent à l'oreille du Dieu offensé, et préparent déjà le salut du monde.
EPITRE
Lecture de l'Epître de saint Paul à Tite. Chap. II.
Fresque. Giotto di Bondone. Chapelle d’Arena. Padoue. XIVe.
" Très cher fils, la grâce de Dieu notre Sauveur a apparu à tous les hommes, pour nous apprendre à renoncer à l'impiété et aux désirs du siècle, et à vivre, en ce monde, avec tempérance, justice et piété; dans l'attente delà béatitude que nous espérons, et de l'avènement glorieux du grand Dieu notre Sauveur Jésus-Christ, qui s'est livré lui-même pour nous, afin de nous racheter de toute iniquité, de nous purifier, et de faire de nous un peuple agréable à ses yeux, et appliqué aux bonnes œuvres. Prêchez ces vérités, et exhortez au nom de Jésus-Christ notre Seigneur."
Il a donc enfin apparu, dans sa grâce et sa miséricorde, ce Dieu Sauveur qui seul pouvait nous arracher aux œuvres de la mort, et nous rendre la vie. Il se montre à tous les hommes, en ce moment même, dans l'étroit réduit de la crèche, et sous les langes de l'enfance. La voilà, cette béatitude que nous attendions de la visite d'un Dieu sur la terre ; purifions nos cœurs, rendons-nous agréables à ses yeux : car s'il est enfant, l'Apôtre vient de nous dire qu'il est aussi le grand Dieu, le Seigneur dont la naissance éternelle est avant tous les temps.
EVANGILE
La suite du saint Evangile selon saint Luc. Chap. II.
Heures à l'usage de Rouen. XIVe.
" En ce temps-là, on publia un édit de César-Auguste pour faire le dénombrement de toute la terre. Ce fut le premier dénombrement qui fut fait par Cyrinus, gouverneur de la Syrie ; et tous allaient pour se faire enregistrer, chacun dans sa ville. Joseph passa donc aussi de la cité de Nazareth de Galilée, en Judée, dans la cité de David, qui est appelée Bethléhem, car il était de la maison et de la famille de David, pour être enregistré avec Marie son épouse, qui était enceinte. Or, il advint, pendant qu'ils étaient en ce lieu, que le temps de ses couches arriva. Et elle enfanta son fils premier-né, et elle l'enveloppa de langes, et le coucha dans une crèche ; car il n'y avait pas de place pour eux dans l'hôtellerie ! Et il y avait dans cette même contrée des bergers qui veillaient la nuit tour à tour pour la garde de leurs troupeaux.
Et voici que l'Ange du Seigneur se présenta devant eux, et une clarté divine les environna, et ils furent saisis d'une grande crainte. Et l'Ange leur dit :
" Ne craignez point ; car voici que je vous annonce une heureuse nouvelle, qui sera pour tout le peuple le sujet d'une grande joie. Il vous est né aujourd'hui un Sauveur, qui est le Christ Seigneur, dans la cité de David. Et voici le signe auquel vous le reconnaîtrez : vous trouverez un enfant, enveloppé de langes, et couché dans une crèche."
Et tout à coup, une troupe nombreuse de l'armée céleste se joignit à l'Ange, louant Dieu et disant :
" Gloire à Dieu au plus haut des cieux, et, sur la terre, paix aux hommes de bonne volonté !"
Heures à l'usage de Langres. XVe.
PRIERE
Que vous offrirons-nous, à cette heure, sinon cette bonne volonté que nous recommandent vos saints Anges ? Formez-la en nous ; nourrissez-la, afin que nous méritions de devenir vos frères par la grâce, comme nous le sommes désormais par la nature humaine. Mais vous faites plus encore dans ce mystère, Ô Verbe incarné ! Vous nous y rendez, comme parle votre Apôtre, participants de cette nature divine que vos abaissements ne vous ont point fait perdre. Dans l'ordre de la création, vous nous avez placés au-dessous des Anges ; dans votre incarnation, vous nous faites héritiers de Dieu, et vos propres cohéritiers. Que nos péchés et nos faiblesses ne nous fassent donc pas descendre de ces hauteurs auxquelles vous nous élevez aujourd'hui."
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dimanche, 24 décembre 2023
IVe dimanche de l'Avent : " Rorate " ou " Canite tuba ".
- IVe dimanche de l'Avent : " Rorate " ou " Canite tuba ".
Extraits de L'année liturgique de dom Prosper Guéranger :
Annonce aux bergers. Adam Pynacker. XVIIe.
Nous voici entrés dans la Semaine qui précède immédiatement la naissance du Messie : dans sept jours au plus tard, il viendra ; et selon la longueur du temps de l'Avent, laquelle varie chaque année, il se peut que l'Avènement tant désiré ait lieu dans six jours, dans trois jours, demain même. L'Eglise compte les heures d'attente ; elle veille jour et nuit, et ses Offices ont pris une solennité inaccoutumée depuis le 17 décembre. A Laudes, elle varie chaque jour les Antiennes ; à Vêpres, elle exprime avec tendresse et majesté ses désirs d'Epouse par de brûlantes exclamations vers le Messie, dans lesquelles elle lui donne chaque jour un titre magnifique emprunté au langage des Prophètes.
Aujourd'hui (le quatrième Dimanche de l'Avent est appelé Rorate à cause de l'Introït ; mais plus souvent on le nomme Canite tuba, qui sont les premiers mots du premier Répons de Matines, et de la première Antienne de Laudes et de Vêpres) l'Eglise veut frapper le dernier coup pour émouvoir ses enfants. Elle les transporte dans la solitude ; elle leur montre Jean-Baptiste, de la mission duquel elle les a déjà entretenus au IIIe Dimanche. La voix de cet austère Précurseur ébranle le désert, et se fait entendre jusque dans les cités. Elle prêche la pénitence, la nécessité de se purifier en attendant celui qui va paraître. Retirons-nous à l'écart durant ces jours ; ou si nous ne le pouvons faire à raison de nos occupations extérieures, retirons-nous dans le secret de notre cœur et confessons notre iniquité, comme ces vrais Israélites qui venaient, pleins de componction et de foi dans le Messie, achever, aux pieds de Jean-Baptiste, l'œuvre de leur préparation à le recevoir dignement, lorsqu'il allait paraître.
Or, voici la sainte Eglise qui, avant d'ouvrir le livre du Prophète, nous dit à l'ordinaire, mais avec une solennité de plus en plus grand :
Les trois Rois mages rencontrant David et Isaïe.
Maître du retable de saint Bartholomée. XVe.
" Prope est jam Dominus : venite, adoremus."
" Le Seigneur est déjà proche : venez, adorons-le."
Isaïe. Chap. XXXV.
La terre déserte et sans chemin se réjouira, et la solitude tressaillera et fleurira comme le lis. Elle poussera et germera de toutes parts ; et elle sera dans une effusion de joie et de louange. La gloire du Liban lui a été donnée, la beauté du Carmel et de Saron. Ils verront eux-mêmes la gloire du Seigneur et la beauté éclatante de notre Dieu. Fortifiez les mains languissantes et raffermissez les genoux tremblants. Dites à ceux qui ont le cœur abattu :
" Prenez courage, et ne craignez pas point ; voici votre Dieu, qui vient vous venger et rendre à vos ennemis ce qu'ils méritent. Dieu viendra lui-même, et il vous sauvera. Alors les yeux des aveugles s'ouvriront, et les oreilles des sourds seront accessibles. Alors le boiteux bondira comme le cerf, et la langue des muets sera déliée ; parce que des sources d'eau couleront au désert, et des torrents dans la solitude. Et la terre qui était desséchée sera un étang, et celle qui était altérée une fontaine d'eau vive. Dans les cavernes où les dragons habitaient auparavant, naîtra la verdure du roseau et du jonc. Et il y aura là un sentier et un chemin battu, et cette voie sera appelée sainte ; celui qui est impur n'y passera point. Elle sera pour vous une voie droite, en sorte que les ignorants y marcheront sans s'égarer. Il n'y aura point là de lion, et la bête farouche n'y montera point, ni ne s'y rencontrera. Et ceux qui auront été délivrés y marcheront, et ceux que le Seigneur aura rachetés retourneront et viendront en Sion avec des cantiques de louange ; ils seront couronnés d'une allégresse éternelle ; le ravissement de leur joie ne les quittera point; la douleur et le gémissement fuiront loin d'eux."
Elle sera donc bien grande, Ô Jésus ! La joie de Votre venue, si elle doit briller sur notre front à jamais comme une couronne ! Mais comment n'en serait-il pas ainsi ? Le désert même, à Votre approche, fleurit comme un lis, et des eaux vives jaillissent du sein de la terre la plus altérée. Ô Sauveur ! Venez vite nous donner de cette Eau dont Votre Cœur est la source, et que la Samaritaine, qui est notre image à nous pécheurs, Vous demandait avec tant d'instances. Cette Eau est Votre Grâce ; qu'elle arrose notre aridité, et nous fleurirons aussi ; qu'elle désaltère notre soif, et nous courrons la voie de Vos préceptes et de Vos exemples, Ô Jésus ! Avec fidélité, sur vos pas.
Vous êtes notre Voie, notre sentier vers Dieu ; et Dieu, c'est Vous-même : Vous êtes donc aussi le terme de notre route. Nous avions perdu la voie, nous nous étions égarés comme des brebis errantes : que Votre amour est grand de venir ainsi après nous ! Pour nous apprendre le chemin du ciel, Vous ne dédaignez pas d'en descendre, et Vous voulez faire avec nous la route qui y conduit. Non, désormais nos bras ne sont plus abattus ; nos genoux ne tremblent plus ; nous savons que c'est dans l'amour que Vous venez. Une seule chose nous attriste : c'est de voir que notre préparation n'est pas parfaite. Nous avons encore des liens à rompre ; Aidez-nous, Ô Sauveur des hommes ! Nous voulons écouter la voix de Votre Précurseur, et redresser tout ce qui offenserait Vos pas sur le chemin de notre cœur, Ô divin Enfant ! Que nous soyons baptisés dans le Baptême d'eau de la pénitence ; Vous viendrez ensuite nous baptiser dans le Saint-Esprit et dans l'amour.
Saint Jean-Baptiste. Hans Memling. XVIe.
A LA MESSE
Le Prophète a excité notre soif en nous parlant de la limpidité et de la fraîcheur des sources qui jaillissent à l'arrivée du Messie ; demandons, avec la sainte Eglise, la rosée qui rafraîchira notre cœur, la pluie qui le rendra fécond.
INTROÏT
" Rorate cœli desuper, et nubes pluant Justum : aperiatur terra, egerminet Salvatorem."
Ps. " Cœli enarrant gloriam Dei : et opera manuum ejus annuntiat firmamentum. Gloria Patri. Rorate."
" Cieux, répandez la rosée, et que les nuées fassent pleuvoir le Juste : que la terre s'ouvre, et qu'elle germe le Sauveur."
Ps. " Les cieux racontent la gloire de Dieu, et le firmament publie l'ouvrage de ses mains. Gloire au Père. Cieux."
ÉPÎTRE
Lecture de l'Epitre de saint Paul, Apôtre, aux Corinthiens. Chap. IV.
Saint-Paul prêchant. Eustache Le Sueur. XVIIe.
" Mes Frères, que l'homme nous considère comme les ministres de Jésus-Christ, et comme les dispensateurs des Mystères de Dieu. Or, ce qui est à désirer dans les dispensateurs est qu'ils soient trouvés fidèles. Pour moi, je me mets fort peu en peine d'être jugé par vous, ou par quelque homme que ce soit : et je ne me juge pas moi-même. Car, encore que ma conscience ne me reproche rien, je ne suis pas justifié pour cela ; mais celui qui me juge, c'est le Seigneur. C'est pourquoi ne jugez point avant le temps, jusqu'à ce que le Seigneur vienne, qui produira à la lumière ce qui est caché dans les ténèbres, et découvrira les pensées des cœurs: alors chacun recevra de Dieu la louange qui lui sera due."
L'Eglise remet sous les yeux des peuples, dans cette Epître, la dignité du Sacerdoce chrétien, à l'occasion de l'Ordination qu'on a célébrée la veille, et rappelle en même temps aux Ministres sacrés l'obligation qu'ils ont contractée de se montrer fidèles dans la charge qui leur a été imposée. Au reste, il n'appartient pas aux brebis de juger le pasteur : tous, prêtres et peuple, doivent vivre dans l'attente du jour de l'Avènement du Sauveur, de ce dernier Avènement dont la terreur sera aussi grande qu'est attrayante la douceur du premier, et du second auquel nous préparons nos âmes. Après avoir fait retentir dans l'assemblée ces paroles sévères, la sainte Eglise reprend le cours de ses espérances, et célèbre encore l'arrivée prochaine de l'Epoux.
EVANGILE
La suite du saint Evangile selon saint Luc. Chap. III.
Saint Jean-Baptiste prêchant. Francesco Bacchiacca. XVIe.
" L'an quinzième de l'empire de Tibère César, Ponce-Pilate étant gouverneur de la Judée ; Hérode, tétrarque de la Galilée ; Philippe son frère, de l'Iturée et de la province de Traconite ; et Lysanias, d'Abilène ; Anne et Caïphe étant grands-prêtres ; Dieu fit entendre sa parole à Jean, fils de Zacharie, dans le désert. Et il vint dans tout le pays qui est aux environs du Jourdain, prêchant le baptême de pénitence pour la rémission des péchés ; ainsi qu'il est écrit au livre des paroles du prophète Isaïe : Voix de celui qui crie dans le désert :
" Préparez la voie du Seigneur ; rendez droits ses sentiers. Toute vallée sera remplie, et toute montagne et toute colline sera abaissée ; les chemins tortueux deviendront droits, les raboteux seront aplanis. Et toute chair verra le Sauveur envoyé de Dieu ."
Vous êtes proche, Seigneur, car l'héritage de Votre peuple a passé aux mains des Gentils, et la terre que Vous aviez promise à Abraham n'est plus aujourd'hui qu'une province de ce vaste empire qui doit précéder le Vôtre. Les oracles des Prophètes s'exécutent de jour en jour ; la prédiction de Jacob lui-même est accomplie : Le sceptre est ôté de Juda. Tout se prépare pour Votre arrivée, Ô Jésus ! C'est ainsi que Vous renouvelez la face de la terre : Daignez aussi renouveler mon cœur, et soutenir son courage, dans ces dernières heures qui précèdent Votre venue. Il sent le besoin de se retirer au désert, d'implorer le baptême de la pénitence, de redresser ses voies : Faites tout cela en lui, divin Sauveur, afin qu'au jour où Vous allez descendre sa joie soit pleine et parfaite.
OFFERTOIRE
Pendant l'Oblation, l'Eglise salue la glorieuse Vierge dont les flancs recèlent encore le salut du monde. Ô Marie ! Donnez-nous bientôt celui qui vous remplit de sa présence et de sa grâce. Le Seigneur est avec vous, Ô Marie incomparable ; mais l'heure approche où il sera aussi avec nous ; car son nom est Emmanuel.
L'Immaculée Conception. Bartolomé Esteban Murillo. XVIIe.
" Je vous salue, Marie, pleine de grâce, le Seigneur est avec vous ; vous êtes bénie entre toutes les femmes, et béni est le fruit de vos entrailles."
A VÊPRES
1. Ant. " Canite tuba in Sion, quia prope est dies Domini : ecce veniet ad salvandum nos. Alleluia , alleluia."
2. Ant. " Ecce veniet desideratus cunctis Gentibus : et replebitur gloria domus Domini. Alleluia."
3. Ant. " Erunt prava in directa, et aspera in vias planas : veni, Domine, et noli tardare. Alleluia."
4. Ant. " Dominus veniet, occurrite illi, dicentes : Magnum principium, et regni ejus non erit finis ; Deus, Fortis, Dominator, Princeps pacis. Alleluia, alleluia."
5. Ant. " Omnipotens sermo tuus, Domine, a regalibus sedibus veniet. Alleluia."
1. Ant. " Sonnez de la trompette dans Sion ; car le jour du Seigneur est proche : voici qu'il vient nous sauver. Alleluia, alleluia."
2. Ant. " Voici qu'il va venir, le Désiré de toutes les nations, et la maison du Seigneur sera remplie de gloire. Alleluia."
3. Ant. " Les chemins tortueux seront redressés, et les chemins raboteux seront aplanis : venez, Seigneur, et ne tardez pas. Alleluia."
4. Ant. " Le Seigneur va venir ; allez à sa rencontre, et dites : Grande est sa puissance, et son règne n'aura pas de fin ; il est le Dieu, le Fort, le Dominateur, le Prince de la paix. Alleluia, alleluia."
5. Ant. " Seigneur, votre toute-puissante Parole va descendre de ses royales demeures. Alleluia."
PRIONS
" Faites paraître, Seigneur, Votre pouvoir, et Venez ; Secourez-nous par Votre vertu toute-puissante, afin que, par le secours de Votre grâce, Votre indulgence miséricordieuse daigne accélérer le remède dont nos péchés nous rendent indignes ; Vous qui Vivez et Régnez dans les siècles des siècles."
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