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vendredi, 12 avril 2024

12 avril. Saint Sabas le Goth, martyr. 372.

- Saint Sabas le Goth, martyr. 372.
 
Pape : Saint Damase. Empereurs : Valentinien Ier ; Valens. Roi des Goths : Athanaric.

" Les saints sont les ramifications et la continuation de Jésus-Christ."

" De quelque nation que soit un homme, s'il craint Dieu et s'il aime la justice, il est agréable à Dieu."
Saint Pierre.


Icône roumaine du XVIe.

Né de race gothique et vivant en Gothie dans un milieu corrompu, il a tellement su ressembler aux saints et il a comme eux honoré le Christ par la pratique de toutes les vertus qu'il a brillé dans le monde comme un astre. Ayant embrassé le christianisme dès l'enfance, il s'imposa un idéal de perfection et voulut le réaliser au moyen de la science du Christ.

Comme tout concourt à l'avantage de ceux qui aiment Dieu, il obtint la récompense due à sa vocation sublime par une lutte vaillante contre l'ennemi, sa force contre les traverses de cette vie et la paix qu'il sut conserver avec tout le monde. Il n'est pas permis de le taire, maintenant qu'il est allé se reposer en Dieu, afin d'en garder la mémoire et de réconforter les âmes pieuses ; nous devons donc entreprendre le récit de ses hauts faits.

Il fut donc orthodoxe dans la foi, empressé à remplir les devoirs de la justice, doux, pieux, plus savant que disert, pacifique à l'égard de tous, véridique, ennemi de l'idolâtrie, modeste et - ce qui convient bien aux humbles - soumis, parlant sans jactance, doux, incliné à tout ce qui était bon; psalmodiant à l'église, dont il prenait grand soin, méprisant la fortune et les biens, dont il n'usait que dans la mesure du nécessaire, sobre, réservé en toute occasion, particulièrement dans le commerce avec les femmes, jeûnant et priant chaque jour, étranger à la vaine gloire, stimulant tout le monde à l'adoption d'une vie pure, pratiquant les vertus de son état, évitant les contradictions, observant enfin une foi sans compromis, celle qui fait ses oeuvres par la charité, et s'entretenant toujours familièrement avec Dieu. Il se montra, non en passant, mais souvent, avant son martyre, le vigoureux défenseur de la piété.

Les princes et les juges de Gothie ayant commencé à poursuivre les chrétiens qu'ils voulaient contraindre à manger les mets offerts aux idoles, quelques païens s'entendirent pour qu'on présentât aux chrétiens qui étaient de leur parenté des viandes qui passeraient pour avoir été immolées aux idoles, quoiqu'il n'en fût rien ; ce stratagème sauverait leurs parents et bernerait les persécuteurs.

À cette nouvelle, le bienheureux Sabas refusa non seulement de prendre sa part de ces mets défendus, mais il s'avança au milieu de l'assemblée et dit : " Celui qui mange de ces viandes cesse d'être chrétien ", et ainsi il mit en garde afin que tous ne tombassent dans le piège du démon ; mais ceux qui avaient imaginé la ruse en prirent occasion de le faire expulser de la ville ; ils le rappelèrent plus tard.

Une nouvelle persécution étant déclarée, plusieurs païens de la ville qui offraient des sacrifices voulurent jurer que leur cité ne contenait aucun chrétien; mais cette fois encore Sabas vint tranquillement au milieu de l'assemblée et dit :
" Que personne ne jure en ce qui me concerne, car je suis chrétien."
Lorsque le persécuteur fut sur les lieux, les susdits païens mirent leurs parents à l'abri et jurèrent que la ville ne renfermait qu'un seul chrétien.
Le prince impie se le fit amener ; c'était Sabas. Quand il fut présent, le prince questionna les assistants sur la fortune de Sabas. " Il n'a, dit-on, que ses habits ", ce qui lui valut le mépris du juge : " Celui qui est en pareil équipage, dit-il, ne peut être ni utile ni dangereux ", et il le fit relâcher.

Une grande persécution fut ensuite provoquée en Gothie par les méchants, et comme la fête de Pâques était proche, Sabas voulut se rendre dans une autre ville chez le prêtre Gatthica, afin de célébrer ce saint jour. Sur la route, il vit un homme de haute taille et d'un aspect magnifique et vénérable qui lui dit :
" Retourne sur tes pas et rends-toi chez le prêtre Sansala.
- Mais Sansala est absent, dit Sabas."
Il s'était enfui en effet devant la persécution et s'était réfugié sur le territoire romain ; cependant la fête de Pâques l'avait mené chez lui, ce que Sabas ignorait et qui explique sa réponse; il continua donc sa route vers la demeure de Gatthica. Comme il ne se conformait pas à l'indication donnée par le grand inconnu, soudain, quoiqu'il fît beau temps alors, il tomba une telle tempête de neige que la route devint impraticable et Sabas ne put continuer. Il comprit à l'instant que Dieu s'opposait à son voyage et le voulait voir retourner auprès du prêtre Sansala. Il rendit grâces et rebroussa chemin. Arrivé chez Sansala, il lui raconta, ainsi qu'à d'autres, son aventure.

Ils célébrèrent ensemble la Pâque. Dans le cours de la troisième nuit qui suivait la fête, Atharid, fils de Rothest, conformément à l'édit des méchants, envahit la ville avec une grande troupe de gens sans aveu et, saisissant le prêtre endormi dans sa maison, il le fit garrotter, ainsi que Sabas, qu'on avait arrêté tout nu dans son lit. On mit le prêtre dans un chariot. Quant à Sabas, on le mena parmi les buissons d'épines récemment brûlés, nu comme lorsqu'il sortit du ventre de sa mère ; on le lia et le flagella avec des verges et des bâtons, ce qui montre à quel point ils étaient cruels et féroces à l'égard des serviteurs de Dieu.

Mais la patience et la foi du juste triomphèrent de la brutalité de ses ennemis. À l'aube, il rendit grâces à Dieu et dit à ses bourreaux :
" Ne m'avez-vous pas conduit nu et sans chaussures dans des terrains difficiles et semés de ronces ? Regardez si mes pieds sont blessés et si mon corps porte la trace des coups que vous m'avez donnés."
Ils ne virent en effet aucune ecchymose ; alors enlevant l'essieu du chariot, ils le lui mirent sur les épaules et attachèrent ses mains aux extrémités ; ils attachèrent de même ses pieds à un autre essieu et, le jetant par-dessus les essieux, ils l'étendirent sur le dos ; enfin ils ne le laissèrent pas avant que la plus grande partie de la nuit ne fût écoulée. Mais pendant que les surveillants dormaient, une femme qui s'était levée de nuit afin de préparer à manger aux ouvriers, coupa ses liens. Une fois délivré, il demeura sur place sans inquiétude, avec cette femme, et il l'aidait de son mieux. Quand le jour parut, le cruel Atharid, mis au courant de ce qui s'était passé, lui fit lier les mains et suspendre à la poutre de la maison.

Eglise Saint-Nicolas. Saint Sabas fut martyrisé
à quelques lieues de là. Transylvanie. VIIe.
Peu de temps après arrivèrent des envoyés d'Atharid, apportant des mets offerts aux idoles, qui dirent à Sabas et au prêtre :
" L'illustre Atharid vous envoie ceci afin que vous mangiez et vous sauviez de la mort.
- Nous n'en mangerons pas, dit le prêtre. Cela nous est défendu. Engagez Atharid à nous faire plutôt crucifier ou tuer de toute autre façon.
- Qui envoie cela ? dit Sabas .
- Le seigneur Atharid.
- Il n'y a qu'un seul Seigneur, c'est Dieu, qui est dans le ciel. Ces mets de perdition sont impurs et profanes, comme Atharid lui-même qui les a envoyés."

Un des serviteurs, mis en colère par cette réponse, tordit sur le saint la pointe de son javelot avec tant de fureur que tous les assistants crurent qu'il allait mourir sur le coup. Mais Sabas, dominant la douleur par la sainteté, lui dit :
" Croiras-tu maintenant que j'ai soutenu ton choc ? Mais sache que tu ne m'as pas plus endolori que si tu m'avais jeté un peloton de laine."
Ce qui confirma ses paroles fut son attitude, car il ne cria pas, ni même, ainsi qu'on fait lorsqu'on souffre, il ne gémit pas et on ne vit nulle trace de violence sur son corps.

Sur le rapport qui fut fait de tout cela à Atharid, il donna l'ordre de mettre à mort Sabas. Les bourreaux, ayant renvoyé le prêtre Sansala, amenèrent Sabas sur la berge du Mussovo, afin de l'y noyer. Le bienheureux, se rappelant l'ordre du Seigneur et n'aimant pas son prochain moins que lui-même demanda :
" Pourquoi ne pas tuer le prêtre avec moi, quel péché a-t-il donc commis ?
- Cela ne te regarde pas, lui répondit-on."
Alors Sabas s'écria dans la joie de l'Esprit-Saint :
" Tu es béni, Seigneur, et le Nom de ton Fils soit loué pendant les siècles. Amen. Atharid s'est condamné et livré lui-même à la mort éternelle, mais il m'a envoyé à la vie qui n'a pas de fin. Telle est ta Volonté dans tes serviteurs, Seigneur Dieu."

Tandis qu'on le conduisait mourir, il ne cessa de louer Dieu, ne jugeant pas comparables les misères de cette vie avec la gloire future qui est révélée aux saints. En arrivant sur la rive, les bourreaux se dirent entre eux :
" Pourquoi ne renvoyons-nous pas cet innocent ? Atharid en saura-t-il jamais rien ?"
Sabas leur dit :
" Vous badinez ; faites ce qui vous est commandé. Je vois ce qui vous est caché. Voici que m'attendent ceux qui doivent m'introduire dans la gloire."
Alors on le mena jusqu'au fleuve. Lui louait Dieu et rendait grâces (ce qu'il ne cessa de faire jusqu'à la fin). On lui attacha une pierre au cou et on le précipita. Sa mort par l'eau et le bois fut ainsi un symbole exact du salut. Sabas avait trente-huit ans. Il mourut le cinquième jour de la semaine pascale, c'est-à-dire la veille des ides d'avril, sous le règne de Valens et Valentinien et sous le consulat de Modeste et Arintheus.

Les bourreaux retirèrent de l'eau son cadavre et le laissèrent sans sépulcre. Mais ni les bêtes féroces, ni les oiseaux de proie n'y touchèrent. Des fidèles le gardèrent, et le glorieux gouverneur de la Scythie, Junius Soranus, adorateur du vrai Dieu, ayant envoyé des gens sûrs, le fit transporter en terre romaine et, voulant faire bénéficier sa patrie de ce trésor, de ce fruit illustre par sa foi, l'envoya en Cappadoce, conformément au désir des prêtres et à la Volonté de Dieu, qui donne sa Grâce à ceux qui Le craignent. C'est pour cela que, le jour où le martyr fut couronné, offrez le sacrifice et rappelez tout ceci aux frères, afin que, se réjouissant dans toute l'Église catholique et apostolique, ils louent le Seigneur, qui Se choisit ses serviteurs.

On représente saint Sabas suspendu par un doigt à un arbre, car ses actes disent qu'on lui tira violemment les mains et les pieds ; tenant en main un fagot d'épines pour rappeler qu'il fut traîné au milieu des ronces ; plongé dans l'eau. Il est spécialement honoré par les catholiques de Roumanie et en particulier par ceux de Valachie.

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mercredi, 03 avril 2024

3 avril. Saint Sixte Ier, pape. 117, 127.

- Saint Sixte Ier, Pape. 117, 127.

Papes : Saint Alexandre Ier (prédécesseur, +117) ; saint Télesphore (successeur, +136). Empereurs : Adrien ; Antonin le Pieux.

" Après beaucoup de lecture et de connaissance, il en faut toujours revenir à un seul principe. C'est moi qui donne la science aux hommes, et j'accorde aux petits une intelligence plus claire que les hommes n'en peuvent communiquer."
Imitation, liv. III, chap. XLIII.

Saint Sixte Ier. Dessin. Antoine Montfort. XIXe.

Saint Sixte succéda, en l'an 117, à saint Alexandre Ier, dont un glorieux martyre avait couronné la glorieuse vie.

Le nouveau Pontife était en Orient lorsque les suffrages du clergé et du peuple l'élevèrent sur la chaire de saint Pierre il ne vint que trente-cinq jours après prendre possession d'une dignité qui le désignait d'avance au martyre.

Saint Sixte était Romain d'origine. Il eut pour père Pastor, qui habitait le quartier de la rue Large, le septième de la Rome d'Auguste. La Rome chrétienne en a consacré le souvenir par le titre cardinalice de Sainte-Marie-in-Via-Lata.

Sous son pontificat, les Gnostiques firent de grands maux à l'Eglise et lui en préparèrent de plus grands encore. Ces hérétiques, dont l'origine remontait à celle du christianisme, à Simon le Magicien lui-même, prétendaient avoir seuls l'intelligence, la connaissance parfaite des saintes Ecritures. A les entendre, la révélation contenue dans la Bible était d'ailleurs inexacte et insuffisante. Selon la morale de ces sectaires, le principe même de la Rédemption consistait dans l'affranchissement, par la satiété de toutes les passions.

" En conséquence dit Tertullien, leurs désordres ne se bornaient pas à des crimes vulgaires il leur fallait des crimes monstrueux. En haine de la chair, ils immolaient des enfants nouveau-nés, dont ils pilaient les membres mêlés à des aromates et en composaient un mets épouvantable. Dans le but de discréditer les chrétiens, ils se faisaient passer, aux yeux des païens, pour les disciples de Notre Seigneur Jésus-Christ de là vient que les païens confondaient gnostiques et chrétiens dans la même haine."

Sacre de saint Pérégrin, évêque d'Auxerre, par Sixte Ier. Martyre de
saint Pérégrin. Speculum historiale. V. de Beauvais. XVe.

Cet état des choses, au IIe siècle de l'Eglise, nous explique un des motifs, le plus puissant sans doute, pour lequel saint Sixte renouvela l'obligation des lettres formelles, ou lettres de recommandation, dont les fidèles, et à plus forte raison les évêques, devaient se munir lorsqu'ils passaient d'une église à une autre, d'un pays à un autre, afin qu'il fût possible aux pasteurs des peuples de distinguer les loups des brebis, et de ne pas introduire dans la bergerie les gnostiques, dont la présence seule dans l'Eglise eût été un sujet d'opprobre.

On doit encore à saint Sixte plusieurs autres règlements de discipline ecclésiastique :
- il défendit que nul ne touchât aux vases sacrés s'il n'était ministre des autels ;
- le corporal ne devait pas être d'une autre matière que de lin ;
- enfin le peuple devait continuer le chant du Trisagion commencé par le prêtre.

Si les païens ont rappelé avec honneur les noms de ceux qui avaient augmenté la pompe de leur culte absurde. Nous devons, Chrétiens, contempler avec respect les saints Pontifes qui ont successivement, selon l'esprit de la piété chrétienne, rendu plus vénérable le plus auguste de nos mystères.

Sous le pontificat de saint Sixte, la persécution se ralentit. Un proconsul, encore plus courageux que Pline, représentait à l'empereur Adrien combien il était injuste d'exercer des cruautés sans examen et sans procès, et par pure prévention, contre une classe dont toute la faute, aux yeux des Romains raisonnables, se trouvait uniquement dans le nom de chrétien car ces chrétiens respectaient les lois du pays, et obéissaient à l'empereur en tout ce qui n'était pas du tribunal de la conscience.

Cathédrale Saint-Paul où sont vénérées les reliques de saint Sixte Ier.
Alatri. Latium. Etats Pontificaux.

Ce proconsul fut Serenius Granianus. On doit inscrire dans l'histoire, en lettres d'or, le nom d'un ministre qui osa s'exposer à la haine du prince pour protéger deux pauvres infortunées, la vérité et la justice. L'empereur fut ému ; les lumineuses apologies que lui présentèrent saint Quadrat et saint Aristide achevèrent de l'apaiser. Adrien écrivit une lettre mémorable en faveur des chrétiens, défendit sévèrement de les dénoncer, voulut que les méchants, convaincus de calomnie à cet égard, fussent punis, et montra que, s'il n'était pas arrivé au point d'adorer Jésus, il était alors prêt a le vénérer. Cependant la persécution ne tarda pas à recommencer sous ce prince inconséquent. Sixte en fut la victime, mais la seule ; preuve nouvelle que ce prince opérait le bien par légèreté, et le mal par disposition naturelle de son caractère. Sur la fin de sa vie, il ordonna lui-même les plus lâches insultes contre le culte des chrétiens.

Saint Sixte fut enterré au Vatican, non loin de Saint-Pierre. En 1132, ses reliques furent portées dans l'église cathédrale d'Alatri où elles reposent encore. Cette ville le reconnaît, après saint Paul, pour son patron secondaire.

En trois ordinations faites au mois de décembre, selon l'usage, il avait créé quatre éveques pour divers lieux, onze prêtres et trois diacres. C'était un homme d'une rare sainteté, d'une grande pureté de mœurs, d'une extrême libéralité envers les pauvres. De nombreux miracles ont recommandé sa mémoire.

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dimanche, 24 mars 2024

24 mars. Saint Simon de Trente, ou Siméon, enfant, martyr. 1475.

- Saint Simon de Trente, ou Siméon, enfant, martyr. 1475.

Pape : Sixte IV. Empereur : Frédéric III.

" Salvete, flores martyrum,
Quo lucis ipso in limine
Christi insecutor sustulit,
Ceu turbo nascentes rosas."

" Salut, fleurs des martyrs,
Moissonnées au seuil de la vie
Par le glaive de l'ennemi du Christ,
Comme la tempête en fureur brise les roses qui viennent d'éclore."

Prudence.

La ville de Trente, limitrophe de l'Italie et de l'Allemagne, et très renommée pour le fameux Concile général qui y a été célébré dans le XVIe siècle, s'est vue ensanglantée, près de cent ans auparavant, par le meurtre d'un innocent, que les Juifs firent mourir. Cet enfant s'appelait Pierre Stéphane Simon (ou, comme disent quelques auteurs, Siméon). Son père se nommait André, et sa mère Marie étaient catholiques ; pauvres, ils demeuraient en un lieu appelé le Fossé, au bout de la même ville. Notre Saint était né l'an 1472, le 26 novembre, un vendredi, jour particulièrement destiné à la mémoire de la Passion du Sauveur, dont il devait porter la ressemblance.

Il arriva donc que des Juifs, qui demeuraient à Trente, se disposant a leurs cérémonies pascales, voulurent avoir un enfant chrétien pour le faire mourir.

Ils engagèrent un d'entre eux, appelé Tobie, à commettre ce détestable larcin, et à leur amener, à quelque prix que ce fût, quelqu'un des petits enfants chrétiens qu'il trouverait dans la ville. Celui-ci n'y manqua pas rencontrant ce petit Siméon, qui était beau comme un ange, âgé seulement de vingt-neuf mois, moins trois jours, il le déroba à la porte même de la maison de ses parents, en ce lieu du Fossé, et l'apporta sans bruit chez un Juif appelé Samuel, où tous les autres de cette nation réprouvée avaient rendez-vous. Il n'est pas aisé d'exprimer les hurlements que jetèrent ces loups en voyant en leur pouvoir cet innocent agneau.

Le soir du jeudi au vendredi de la semaine sainte, ils le portèrent en leur synagogue à un vieillard nommé Moïse, qui le dépouilla d'abord, et, de crainte que, par ses petits cris, il ne se fît entendre du voisinage, et qu'il ne fit découvrir ainsi leur cruauté, ce malheureux lui entoura le cou d'un mouchoir pour étouffer sa voix. Le tenant de la sorte sur ses genoux, après des cruautés que des oreilles chastes ne peuvent entendre, il lui coupa un morceau de la joue droite, qu'il mit dans un bassin ensuite tous les assistants enlevèrent chacun une partie de sa chair vive et recueillirent son sang pour le sucer et s'en repaître.

Martyre de saint Simon de Trente.
Gravure. Schedelsche Weltchronik. XVIe.

Lorsque le misérable chef de ces infanticides se fût rassasié de la chair et du sang de cet enfant, il l'éleva droit sur ses pieds, quoique déjà demi-mort ; et, ayant commandé à un de ses bourreaux, nommé Samuel, de le tenir les bras étendus en forme de crucifix, il exhorta tous les autres à le percer à coups d'aiguilles en tous ses membres innocents, sans lui laisser une seule place, depuis la plante des pieds jusqu'à la tête, qui n'eût sa propre plaie.

Ce martyre ne dura pas moins d'une heure, pendant laquelle ces tigres furieux, afin de n'être point touchés par les plaintes mourantes de ce pauvre enfant, hurlaient eux-mêmes comme des forcenés, disant ces paroles en leur langage :
" Tuons celui-ci comme Jésus, le Dieu des chrétiens, qui n'est rien, et qu'ainsi nos ennemis soient à jamais confondus."

Enfin, cet innocent Martyr leva les yeux au ciel comme pour le prendre à témoin des supplices qu'on lui faisait injustement endurer, puis, les rabaissant vers la terre, il rendit son esprit à Celui pour la gloire de qui il mourait. Ce fut le vendredi saint, le 24 mars, l'an de Notre Seigneur Jésus-Christ 1475.

Les Juifs, croyant couvrir leur crime, cachèrent ce petit corps sous des tonneaux de vin, dans un cellier mais le bruit s'en répandait déjà dans la ville, par la voix des autres enfants qui, voyant les parents de Siméon en peine, criaient publiquement qu'il le fallait chercher dans les maisons des Juifs. Ces malheureux, de peur d'être découverts, le jetèrent dans un ruisseau qui coulait au-dessous de la synagogue et pour paraître encore plus innocents, donnèrent avis aux juges qu'en tel endroit il paraissait un corps sur l'eau.

Enlèvement et martyre de saint Simon de Trente.
Gravure. Rudolf Schilling. XVIIe.

La justice y alla et trouva cette victime traitée de la manière qu'il vient d'être dit. L'évêque, assisté de son clergé, le fit transporter comme une précieuse relique en l'église de Saint-Pierre. Dieu, que ce bienheureux Siméon, vierge, martyr et innocent, avait glorifié, non pas en parlant, mais en souffrant, comme autrefois les petits innocents qu'Hérode fit massacrer en Judée. Dieu l'a aussi gloriné de son côté, par la multitude des miracles qui ont été faits par l'attouchement et à la présence de ses dépouilles sacrées.

Pour les Juifs qui avaient commis ce meurtre, ils n'échappèrent pas, même dès ce monde, à la main vengeresse de Dieu parce que la justice, les ayant saisis, leur fit payer les peines qui étaient dues à une Cruauté si inouïe.

Le martyre de ce très saint Innocent se trouve excellemment écrit au deuxième tome de Surius, par Jean-Mathias Tibérin, docteur en médecine, qui avait visité son saint corps par ordre de revenue, et qui dédia son histoire au Sénat et au peuple de Brescia. L'Eglise romaine en a fait tant d'état, qu'elle l'a inséré en son martyrologe, le 24 mars, jour auquel il arriva.

Voir aussi Surius et les Bollandistes, qui ont inséré l'instruction du procès et le rapport du médecin Tibérin, qui visita le corps du jeune Martyr. Voir encore Martène, coll., t. II ; Benolt XIV, de canonis., liv. Ier, ch. XIV, et la vie de saint Guillaume de Norwtch, que nous fêtons aussi aujourd'hui.

Martyre de saint Simon de Trente.
Médaillon sculpté. XVIe.

Enfin, en février 2007, le professeur et chercheur Ariel Toaff, israëlite et fils d'un ancien Grand-rabbin de Rome, a publié un livre dont le titre est Pasque di sangue : Ebrei d'Europa e omicidi rituali (Pâques sanglantes : Juifs d'Europe et meurtres rituels). Dans ce livre, il conclut, entre autres, que les crimes rituels imputés aux Juifs ne furent pas des inventions, que le sang récupéré avait vocation à être utilisé pour des pratiques talmudiques et magiques, pour l'incorporer au pain azyme confectionné et consommé pour la Pâques que célèbrent les Israëlites post-christiques, et, séché, qu'il était utilisé à des fins médicales et qu'un marchant itinérant juif venant de Venise, impliqué dans le procès qui eut lieu à la suite de la découverte du meurtre rituel de saint Simon de Trente, en faisait commerce. Un commentaire intéressant d'Israël Shamir, écrivain israëlien, sur les recherches du professeur Toaff est consultable sur le lien suivant : http://www.israelshamir.net/French/Fr21.htm.

Faut-il préciser que ses conclusions sont contestées, que son livre fit, et fait encore scandale, et que, surtout, le professeur Toaff a subit de la part de certains de ses correligionnaires une persécution terrible ? Cette persécution a " porté " ses fruits hélas, puisque le professeur Toaff, après cinq années de résistance, a du modérer son propos et la dernière réédition de son livre a été amputée et une nouvelle introduction du professeur vient amender son premier propos qui ne souffrait pourtant, comme l'ont soutenu, et le soutiennent toujours, de nombreux universitaires de tous horizons.

Rq : Sur ce sujet grave, nous recommandons aux seuls lecteurs adultes la lecture et le téléchargement du livre " Le mystère du sang ", de monsieur l'abbé Henri Desportes, paru à la fin du XIXe siècle.
Ce livre, très sérieux et documenté, était encore consultable sur le site Gallica - site de la Bibliothèque nationale de France - voilà encore un an-et-demi environ : il a été retiré de la consultation.
Il est désormais disponible sur ce lien :
http://ia351424.us.archive.org/3/items/LeMystreDuSangChez...

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samedi, 02 mars 2024

2 mars. Saint Simplicius, ou Simplice, pape. 483.

- Saint Simplicius, ou Simplice, pape. 483.

Empereur : Zénon. Roi de France : Clovis Ier.

" La règle de la doctrine catholique demeure toujours la même dans les successeurs de celui à qui le Seigneur a confié le soin de son bercail et à qui il a promis son immortelle assistance jusqu'à la consommation des siècles."
Lettre de saint Simplicius à l'empereur Zénon.


Saint Simplicius. Frise de la basilique Saint-Pierre. Rome.

Saint Simplicius, ou Simplice, fils de Castinus, était natif de Tibur, dans le pays de l'ancien Latium, aujourd'hui Tivoli, dans la campagne de Rome. Il passa sa première jeunesse dans une grande simplicité ou droiture de cœur, vivant dans l'innocence et dans la crainte du Seigneur.

Ayant été reçu dans le clergé de Rome, il s'y comporta d'une manière si irréprochable, que, lorsque le Saint-Siège vint à vaquer par la mort de saint Hilaire, il y fut élevé d'une commune voix, comme le plus digne de le remplir. Il fut ordonné le 5 mars de l'an 467, qui était le second dimanche de Carême, la première année du règne de l'empereur Anthème, en Occident, et la onzième de celui de Léon en Orient.

A son avènement, il trouva que les hérétiques, surtout ceux qu'on appelait Macédoniens, que l'empereur Anthème avait amenés à Rome l'année précédente, tâchaient de se prévaloir de la mort de saint Hilaire, son prédécesseur, qui s'était généreusement opposé à leurs entreprises. C'est ce le fit veiller particulièrement sur eux, pour empêcher qu'ils ne fissent du progrès ; et, par sa fermeté, il rendit inutile la protection qu'Anthème leur accordait.


Anthème, empereur d'Occident. Monnaie du Ve.

L'empereur Léon, ayant appris son élection, lui écrivit pour s'en réjouir avec lui, et fit en même temps tous ses efforts pour obtenir de lui la confirmation du décret du concile de Chalcédoine, fait en faveur du patriarche de Constantinople, qu'il était question d'élever au second rang de l'Eglise, au-dessus de ceux d'Alexandrie et d'Antioche. Saint Simplicius, marchant hardiment sur les pas de saint Léon le Grand et de saint Hilaire, qui s'étaient fortement opposés à ces nouvelles prétentions, résista aux désirs de cet empereur avec une constance égale à la leur? Il députa, pour cette affaire, un évêque nommé Probe, à Constantinople, et ce prince, jugeant par le discours de ce légat que saint Simplicius ne rabattrait rien de sa résolution, se vit obligé de renoncer à la sienne.

Saint Simplicius gouverna l'Eglise assez tranquillement pendant le règne d'Anthème, qui, bien que favorable à diverses hérésies, n'osa néanmoins pas troubler ce vigilant pasteur dans les précautions qu'il prenait pour garantir le troupeau de Notre Seigneur Jésus-Christ de l'invasion des loups.


Léon, empereur d'Orient. Statue de marbre du Ve.

Il y avait cinq ans qu'il était sur le siège de saint Pierre, lorsque cet empereur fut assassiné par les sicaires de son gendre Ricimer, barbare de naissance, arien de religion, chef des armées de l'empire d'Occident, qui avait déjà fait mourir deux empereurs de suite, Marjorien et Sévère. Comme il disposait de l'empire en maître absolu, il mit Olybrius en la place de son beau-père, et, s'étant contenté jusque là de de prendre sur les Catholiques une église de Sainte-Agathe, dans Rome, pour la mettre à la disposition des Ariens, il se promettait de les mettre encore plus au large et de les maintenir dans l'Italie, contre les lois des empereurs orthodoxes. Mais Dieu ne permit point que ce scélérat causât une telle affliction à son Eglise, et, pour mettre fin à tant de crimes, il l'ôta du monde quarante jours après la mort d'Anthème.


Le fameux Olybrius, empereur postiche d'Occident, établi par le chef
des armées de l'empire, Ricimer. Déjà meurtrier de deux empereurs,
il fit assassiner l'empereur Anthème. Monnaie du Ve.

Saint Simplicius, délivré des appréhensions et des peines que ce méchant homme lui avait données, semblait devoir respirer et avoir plus de libertés pour pourvoir à tous les besoins de l'Eglise ; mais comme la situation des affaires ecclésiastiques ne pouvait le laisser indifférent aux intérêts de l'empire, il ne put être insensible aux malheurs publics de sa décadence et de son renversement qui suivirent.

Quatre empereurs depuis Anthème, détrônés successivement dans l'Occident en moins de trois ans, donnèrent lieu aux barbares, conduits par Odoacre, d'envahir le reste de l'empire en Italie, après les démembrements qu'en avait déjà faits les Francs, les Burgondes, les Goths et les Vandales, qui s'étaient rendus maîtres des Gaules, de l'Espagne et de l'Afrique. Des temps si difficiles et si pleins de troubles ne contribuèrent pas peu à faire éclater la prudence et la sagesse avec lesquelles saint Simplicius sut conduire l'Eglise, comme un pilote très expérimenté, sur une mer orageuse. On vit surtout, et on admira son application infatigable et sa vigilance dans cette sollicitude pastorale qu'il fit paraître, pour écarter tous les dangers qui menaçaient l'Eglise en un temps où pas un prince n'était catholique.


Combat entre Odoacre et Théodoric. Manuscrit du IXe.

Odoacre, qui s'était rendu maître de l'Italie en dernier lieu, après avoir renversé l'empire d'Occident, était arien, aussi bien que tous les rois des Goths, des Burgondes et des Vandales qui régnaient alors. Ceux des Francs étaient encore dans les ténèbres du paganisme ; l'empereur Zénon et le tyran Basiliscus, en Orient, favorisaient les Eutychiens. Ainsi le Pape, loin de pouvoir espérer du secours d'aucune puissance séculière, avait sujet de regarder tous ces princes comme autant d'ennemis qu'il avait à combattre, pour délivrer de l'oppression et soutenir l'Eglise catholique qui était répandue dans leurs Etats et qui gémissait sous leur domination.

Il y avait deux ans que Zénon régnait en Orient, lorsqu'on vit finir l'empire romain en Occident ; et comme ce prince affectait dans les commencements de prendre quelque soin des affaire de l'Eglise, par un esprit de dissimulation, Acace, patriarche de Constantinople crut pouvoir se servir de cette conjoncture, pour renouveler, auprès de saint Simplicius, les sollicitations qu'il avait déjà faites en vain du temps de l'empereur Léon, touchant les prétention de son siège. Mais l'évêque de Rome se montra toujours égal dans la fermeté qu'il apporta pour réprimer la passion de cet ambitieux prélat.

Cependant, Zénon fut chassé de son trône par Basiliscus, qui, s'étant emparé de l'empire d'Orient, rétablit les prélats eutychiens qui avaient été bannis par pour leurs hérésies et pour d'autres crimes du temps de l'empereur Léon. Par ce moyen, l'on vit retourner à Alexandrie Timothée Elure, auteur de la mort du patriarche saint Protère, et usurpateur de son siège ; et Pierre le Foulon, autre hérétique, remonta sur le siège d'Antioche, où il s'était autrefois installé, après en avoir chassé le légitime évêque Martyrius.


Saint Simplicius, pape.

Timothée Elure, ayant chassé d'Alexandrie l'évêque catholique Timothée Solofaciole, et commis des violences sur le clergé et les fidèles, semblables à celles exercées du temps de saint Protère, revint à Constantinople pour y établir son hérésie avec l'aide du tyran Basiliscus. Il le porta à donner une espèce d'édit pour abroger le concile de Chalcédoine, et l'on prétend qu'il y eut près de cinq cents prélats qui y souscrivirent tant fut grande la désertion des pasteurs de l'Eglise, qui, beaucoup moins attaché s à la religion de l'Evangile qu'à celle de la cour, source ordinaire des craintes et des espérances des mercenaires, ne firent point difficulté de trahir la foi orthodoxe qu'ils avaient suivies sous l'empereur Léon.

Acace de Constantinople commençait à se laisser emporter au torrent qui entraînait les autres , lorsque le clergé de son église et les moines de sa ville se liguèrent pour la défense du concile de Chalcédoine. Ils écrivirent à saint Simplicius pour l'informer de ce qui se passait et lui demander du secours. Il firent en même temps de si fortes remontrances à Acace, leur patriarche, que, l'ayant intimidé par leur résolution, ils lui firent reprendre des sentiments conformes à ses devoirs, l'empêchèrent de recevoir et de publier l'édit de Basiliscus, et l'obligèrent même de parler en chaire pour la défense du dit Concile.

Saint Simplicius, cherchant à remédier aux maux qui menaçaient ainsi toute l'église d'Orient, écrivit d'abord au clergé de Constantinople, puis à Acace, dont il voulut bien prendre le silence pour un effet de prudence et de discrétion, afin de l'exciter, par ces témoignages de sa confiance, à la vigueur épiscopale qui lui était nécessaire pour s'opposer aux efforts de Basiliscus, et fit un parti si considérable des clercs, des moines, du sénat et des laïques orthodoxes dans Constantinople, que ce tyran fut contraint de révoquer son édit et d'en publier un autre où Eutychès se trouvait condamné avec Nestorius. Ce qui l'obligea principalement à cette rétractation, ce fut la crainte de l'empereur Zénon, qui revenait à lui avec une armée et du parti duquel il voulait détacher les Catholiques. Mais ce moyen lui devint inutile : il fut abandonné de tout le monde, lorsqu'on vit approcher Zénon, à qui il fut livré par Acace même, qui le fit prendre dans le baptistère de l'église où il s'était réfugié.


Zénon, empereur d'Orient. Monnaie du Ve.

Dès que Zénon se vit rétablir sur son trône, il crut que ses intérêts demandaient qu'il contrefît le catholique, et il écrivit aussitôt à saint Simplicius pour l'assurer de l'intégrité de sa foi. Notre Saint lui fit une excellente réponse, où il marqua qu'il lui était glorieux d'avoir eu pour ennemis ceux qui l'étaient de Dieu et de voir l'Eglise rétablie en même temps que son ennemi était abattu ; de sorte que, sa cause étant commune avec celle du Seigneur, il devait employer son autorité pour chasser de l'Eglise les tyrans qui l'opprimaient, comme le Seigneur l'avait assisté pour vaincre les siens. Il l'exhortait ensuite à délivrer Alexandrie des cruauté du parricide Timothée Elure, qui y avait répandu tant de sang innocent et exercé un brigandage honteux, et à y rétablir l'évêque légitime. Il le conjurait en même temps de chasser tous les prélats hérétiques de leurs sièges, et d'appuyer de tout son pouvoir les décisions du concile de Chalcédoine.

Cependant, saint Simplicius assembla un concile dans Rome, où il prononça anathème contre Eutychès l'hérésiarque, Dioscore d'Alexandrie, et Timothée Elure. Zénon, qui s'était engagé de lui-même par sa propre hypocrisie, ne put pas, honnêtement, se refuser aux avis du Pape. Il cassa donc tous les édits faits par Basilisque, chassa Pierre de Foulon d'Antioche, et sept ou huit autres prélats eutychiens de leur siège. Les évêques de l'Asie-Mineure, craignant le même sort, envoyèrent au patriarche Acace une humble déclaration par laquelle ils protestaient qu'ils avaient souscrit par force à l'édit de Basilisque contre le concile de Chalcédoine, dont ils faisaient profession d'embrasser les décisions.

Thimothée Elure y fuit trompé comme les autres, et, croyant que c'était tout de bon que Zénon était catholique, ne voulut pas attendre qu'on le chassât de son siège, et il s'empoisonna par la crainte de mourir d'une autre main que la sienne. Les Alexandrins, à cette nouvelle, lui substituèrent Pierre Monge, de sa faction, qui s'était autrefois joint à lui contre saint Protère. Zénon, irrité de cette élection, fit mourir ceux qui en étaient les auteurs et qui l'avait sacré, chassa Pierre Monge et rétablit Timothée Solofaciole, pour satisfaire au désir de saint Simplicius.


Saint Simplice. Gravure. Jacques Callot. XVIIe.

Cependant, Acace de Constantinople, prélat artificieux et inconstant (dont on rappelle qu'il fut à l'origine d'un schisme de plus de vingt ans et qu'il mourut dans cet état), qui savait mieux que personne faire servir la religion à ses intérêts particuliers, favorisait secrètement Pierre Monge, qui s'était caché dans Alexandrie, au lieu d'exécuter son ban. C'est ce qui lui fit éluder adroitement les instances que saint Simplicius lui fit dans trois de ses lettres, de faire auprès de l'empereur que ce Pierre Monge, qu'il lui avait lui-même décrit autrefois comme un scélérat, sortît absolument de la ville d'Alexandrie, où il cabalait sourdement contre l'évêque catholique Solofaciole.

Saint Simplicius eut la même sollicitude pour l'église d'Antioche, où l'on avait substitué Etienne, évêque catholique, à Pierre le Foulon, qui e usait dans cette ville comme faisait Pierre Monge dans Alexandrie. Etienne, étant mort, eut pour successeur un autre Etienne, à qui les Eutychiens, instruits et animés par les pratiques secrètes de Pierre le Foulon, dressèrent de continuelles embûches. Le Pape, informé de ce qui se passait, sollicita fortement l'empereur Zénon de chasser Pierre le Foulon de la ville d'Antioche ; mais celui-ci trouva encore un protecteur dans la personne d'Acace de Constantinople. Peu de jour après, les Eutychiens allèrent assassiner Etienne dans le baptistère de l'église Saint-Barlaam. Zénon et Acace firent réflexion trop tard des avertissements de saint Simplicius ; mais, sans inquiéter Pierre le Foulon, on se contenta de rechercher les ministres du meurtre de l'évêque Etienne pour les punir.

L'empereur, voyant toute la ville d'Antioche en trouble par les remuements des Eutychiens, fit faire l'élection de l'évêque d'Antioche à Constantinople, par Acace, parce qu'on pouvait observer les règles ordinaires de l'Eglise sans danger. Calendion fut élu de la sorte ; l'empereur et le patriarche mandèrent alors séparément son élection au Pape pour la lui faire approuver. Le Pape, croyant que, pour le bien de la paix de l'Eglise, on pouvait, dans cette conjoncture, relâcher quelque chose de sa discipline, récrivit à l'un et à l'autre qu'il approuvait cette élection, pourvu qu'elle n'eût point de suite et que, quand le siège de l'église d'Antioche viendrait à vaquer de nouveau, on se remît dans l'observation des décrets du concile de Nicée pour procéder à l'ordination de l'évêque. Il avertit Acace, en particulier, de prendre garde qu'il n'arrivât plus à aller contre les Canons.

Les soins de notre saint Pape s'étendirent ensuite sur l'église d'Alexandrie, qui vint à vaquer la même année par la mort du patriarche Timothée Solofaciole. Les Catholiques élurent en sa place Jean de Tabennes, surnommé Talaïde, homme très orthodoxe et très éclairé, à qui saint Simplicius promit sa communion ainsi qu'à Calendion. Mais cet homme déplu à Zénon, qu'on avait prévenu contre lui, de sorte que ce prince, à l'instigation d'Acace, qui n'aimait pas Talaïde, voulut rétablir Pierre Monge, et le renvoya à Alexandrie, en lui recommandant simplement d'entretenir la communion de l'église de Rome avec Simplicius et celle de l'église de Constantinople avec Acace. Saint Simplicius se plaignit hautement de cette conduite dans une lettre qu'il écrivit à Acace, et il lui marqua combien il était éloigné de recevoir à sa communion un excommunié qui se mettait à la tête des hérétiques.


Zénon, empereur d'Orient. Monnaie du Ve.

Il se disposait, au contraire, à confirmer l'élection de Jean de Tabennes, lorsque vint un exprès de Zénon avec une lettre qui accusait le nouveau prélat de parjure, sur le prétexte que Jean de Tabennes lui aurait promis qu'il n'accepterait pas l'évêché d'Alexandrie si l'on venait à le lui offrir. Sur cet incident, saint Simplicius suspendit la confirmation de Talaïde ; et, pour lever ce nouvel obstacle, il écrivit de nouveau à Acace, qui, par l'affectation de son silence, fit enfin ouvrir les yeux à ce saint Pape sur ses mauvaises dispositions. Quelques mois après, l'on vit arriver à Rome le nouveau patriarche d'Alexandrie, Jean de Tabennes, qui fut reçu par le Pape avec toutes les marques d'honneur et d'estime qui étaient dus à sa vertu. Il y trouva l'asile qu'il était venu chercher auprès du Saint-Siège ; et il se préparait à se purger, dans les formes, de l'accusation de parjure dont il était chargé par l'empereur Zénon, qui l'avait fait chasser de son église par provision, pour y faire rentrer Pierre Monge, comme il avait chasser Calendion d'Antioche pour rétablir Pierre le Foulon.

Mais saint Simplicius tomba malade dans cet intervalle, et mourut le 10 février de l'an 483, après avoir saintement gouverné l'Eglise pendant quinze ans, onze mois et six jours.

D'après le Liber Pontificalis, il dédia la basilique de Saint-Etienne sur le Mont-Coelius ; celle du bienheureux André, apôtre, près de Sainte-Marie-Majeure ; une autre basilique de Saint-Etienne près du palais Licinianus, sur le tombeau de la bienheureuse martyre Bibiane. La basilique de Saint-André élevée par saint Simplicius est aujourd'hui remplacée par l'église, le couvent et l'hôpital Saint-Antoine en face de Sainte-Marie-Majeure, sur la place Esquiline. De l'inscription qui avait été placée sur le monument pontifical, au Ve siècle, et qui nous a été conservée, il résulte que l'emplacement de la nouvelle basilique avait été légué au pape Simplicius et à l'Eglise romaine par un testament juridique. La tradition a conservé le souvenir de la noble patricienne, Catabarbara, qui fit ce legs.

On attribue à saint Simplicius divers règlements utiles, entre autres le partage des revenus et biens des églises en quatre portions :
- la première, pour l'évêque ;
- la deuxième, pour les clercs ;
- la troisième, pour les bâtiments ;
- la quatrième, pour les pauvres.

On lui attribue aussi l'établissement des prêtres semainiers, pour administrer le baptême et la pénitence dans les églises de Saint-Pierre, de Saint-Paul et de Saint-Laurent.


Saint Simplicius.

Saint Simplicius fut enseveli dans la première de ces église le deuxième jour de mars, auquel le martyrologe romain marque sa fête, quoique quelques autres l'aient mises tantôt au premier tantôt au troisième jour de ce mois. Les habitants de Tivoli se croient en possession de ses reliques et font une grande solennité de sa fête.

Le jour de sa mort, que quelques uns ont pris pour le 1er mars, peut avoir servi de position à la fête de saint Simplicius, confesseur à Tours, que le vulgaire appelle saint Simple.

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dimanche, 18 février 2024

18 février. Saint Siméon, évêque de Jérusalem et martyr. 106.

- Saint Siméon, évêque de Jérusalem et martyr. 106.
 
Pape : Saint Alexandre Ier. Empereur romain : Trajan.

" La plus vénérable de toutes les vieillesses n'est pas celle qui compte le plus d'années ; mais celle qui, à ses cheveux blancs, joint l'honneur d'une vie sans reproche et sans faiblesse ; car, dit encore le Seigneur, il est trois choses que je déteste par-dessus toutes : un pauvre orgueilleux, un riche vaniteux et un vieillard fat et insensé."
Sap., IV, 8 ; Eccli., XXV, 4.
 

Vincenzo Camucci. XVIIIe.

Le Cycle nous amène aujourd'hui un vieillard de cent vingt ans, un Evêque, un Martyr. Siméon est l'Evêque de Jérusalem, le successeur de l'Apôtre tint Jacques sur ce siège ; il a connu le Christ, il a été son disciple ; il est son parent selon la chair, de la même maison de David ; fils de Cléophas, et de cette Marie que les liens du sang unissaient de si près à la Mère de Dieu qu'on l'a appelée sa sœur. Que de titres de gloire dans cet auguste vieillard qui vient augmenter le nombre des Martyrs dont la protection encourage l'Eglise, dans cette partie de l'année où nous sommes ! Un tel athlète, contemporain de la vie mortelle du Christ, un pasteur qui a répété aux fidèles les leçons reçues par lui de la propre bouche du Sauveur, ne devait remonter vers son Maître que par la plus noble de toutes les voies. Comme Jésus, il a été attaché à une croix ; et à sa mort, arrivée en l'an 106, finit la première période de l'Histoire Chrétienne, ce que l'on appelle les Temps Apostoliques.

Honorons ce majestueux Pontife en qui se réunissent tant de souvenirs, et prions-le d'étendre sur nous cette paternité dont les fidèles de Jérusalem se glorifièrent si longtemps. Du haut du trône éclatant où il est arrivé par la Croix, qu'il jette un regard sur nous, et qu'il nous obtienne les grâces de conversion dont nos âmes ont tant besoin.


Martyr de saint Siméon. Speculum historiale. V. de Beauvais. XVe.

Siméon, fils ou petit-fils de Cléopas, et cousin du Sauveur, était àgé de cent vingt ans. Depuis quelques mois on avait provoqué dans diverses villes de Judée des mouvements populaires dirigés contre les chrétiens. A Jérusalem, la haine des Juifs fit cause commune avec celle des hérétiques ébionites, esséens, elkasaïtes, dont plusieurs étaient à peine chrétiens.

Ces malheureux dénoncèrent l'évêque au double titre de chrétien et de descendant de David. Déjà, sous Domitien, l'autorité romaine avait poursuivi quelques pauvres gens apparentés à l'ancienne famille royale, mais ces poursuites s'étaient vite arrêtées devant l'inanité de l'accusation; sous Trajan, on reprit l'affaire, et la double accusation intentée contre le vieil évêque fut accueillie par le légat consulaire de la Palestine Tiberius Claudius Atticus.

Parmi ces hérétiques, il s'en trouva qui accusèrent Siméon, fils de Cléophas, d'appartenir à la famille de David et d'être chrétien. Siméon subit le martyre à l'âge de cent vingt ans, sous le règne de Trajan Auguste et l'administration d'Atticus, légat consulaire pour la Syrie. Siméon fut donc appelé à comparaître devant Atticus, et torturé pendant plusieurs jours de la façon la plus cruelle, Il ne laissa pas un instant de confesser sa foi, à ce point qu'Atticus lui-même et tous les assistants admirèrent grandement son courage. étonnés qu'un homme âgé de cent vingt ans pût supporter de si nombreuses tortures. On finit par le mettre en croix.


Martyr de saint Siméon. Gravure de Jacques Callot. XVIIe.
 
PRIERE
 
" Recevez l'humble hommage de la Chrétienté, sublime vieillard, qui surpassez en grandeur toutes les illustrations humaines. Votre sang est celui même du Christ ; votre doctrine, vous l'avez reçue de sa bouche ; votre charité pour les fidèles, vous l'avez allumée à son cœur ; votre mort n'est que le renouvellement de la sienne. Nous n'avons point l'honneur de pouvoir nous dire, comme vous, les frères du Seigneur ; mais rendez-nous, Ô Siméon , attentifs à cette parole qu'il a dite lui-même :
" Celui qui fait la volonté de mon Père qui est dans les deux, est pour moi un frère, une sœur, une mère." (Matth.XII, 50.).

Nous n'avons point reçu immédiatement, comme vous, de la bouche de Jésus, la doctrine du salut ; mais nous ne la possédons pas moins pure, au moyen de cette tradition sainte dont vous êtes l'un des premiers anneaux ; obtenez que nous y soyons toujours dociles, et que nos infractions nous soient pardonnées. Une croix n'a pas été dressée pour que nous y soyons cloués par nos membres ; mais ce monde est semé d'épreuves auxquelles le Seigneur a donné lui-même le nom de Croix. Il nous faut les subir avec constance, si nous voulons avoir part avec Jésus dans sa gloire. Demandez, Ô Siméon, que nous nous montrions plus fidèles, que notre cœur ne se révolte pas, que nous réparions les fautes que souvent nous avons commises, en voulant nous soustraire à l'ordre de Dieu."

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lundi, 12 février 2024

12 février. Saint Saturnin, saint Datif (ou Dative), et leurs compagnons, Martyrs en Afrique. 304.

- Saint Saturnin, saint Datif (ou Dative), et leurs compagnons, Martyrs en Afrique. 304.
 
Pape : Saint Marcellin. Empereur romain d'Occident : Maximien Hercule. Empereur romain d'Orient : Dioclétien.

" J'ai vu les âmes de ceux qui ont été tués pour la parole de Dieu et à cause du témoignage qu'ils lui avaient rendu ; elles se tenaient debout devant le trône de l'Agneau, avec des palmes à la main."
Apoc., VII, 9.


Saint Saturnin saint Dative et leurs compagnons.
Ménologe grec. XIe.

A la suite de l'édit de 303, un grand nombre d'Eglises avaient suspendu l'assemblée des fidèles. Si quelques exceptions passèrent inaperçues grâce, souvent, à la tolérance des fonctionnaires, il n'en allait pas de même dans les provinces où la persécution était conduite avec rigueur, notamment en Afrique. Dans la ville d'Abitène une communauté avait pu se reformer sous la présidence d'un prêtre, car l'évêque avait perdu toute autorité morale depuis qu'il avait livré les saintes Ecritures.

Les Actes très complets que nous possédons dispensent d'entrer ici dans plus de détails. Ces Actes viennent du greffe officiel, un écrivain donatiste y a mêlé de son style dans la seule version que l'on en ait :

" Ici commencent la Confession et les Actes des martyrs Saturnin, prêtre, Félix, Dative, Ampèle, et des autres dont on lira les noms plus bas. Ils ont confessé le Seigneur, à Carthage, le 11 février, sous le proconsul d'Afrique Aurèle, à cause des Collectes et des Écritures divines ; depuis ils ont répandu leur sang bienheureux en divers lieux et à différentes époques pour la défense de leur foi.

Sous le règne de Dioclétien et Maximien, le diable dirigea contre les chrétiens une nouvelle guerre. Il recherchait, pour les brûler, les Livres saints, renversait les églises chrétiennes et interdisait la célébration du culte et des assemblées des fidèles. Mais la troupe du Seigneur ne put supporter un commandant aussi injuste, elle eut horreur de ces défenses sacrilèges, saisit à l'instant les armes de la foi, et descendit au combat moins pour lutter contre les hommes que contre le démon.

Sans doute quelques-uns tombèrent détachés de la foi qui faisait leur appui, en livrant aux païens, pour être brûlés par eux, les Écritures divines et les livres de la liturgie (ce terme est employé pour traduire le mot latin sacrosancta Domini Testamenta et plus bas divina Testamenta, parce que, rapproché les deux fois de Scriptura divina, il me semble pouvoir viser les livres. dans lesquels était consignée la liturgie du sacrifice dont le Sauveur avait dit : " Ceci est le Testament nouveau et éternel.") ; le plus grand nombre cependant surent mourir avec courage et répandirent leur sang pour les défendre. Remplis de Dieu qui les animait, après avoir vaincu et terrassé le diable, ces martyrs ont conquis dans leurs souffrances la palme de la victoire, et écrit de leur sang, contre les traditeurs et leurs congénères, la sentence par laquelle l'Eglise les rejetait de sa communion, parce qu'il n'était pas possible qu'il y eût, à la fois, dans l'Eglise de Dieu, des martyrs et des traditeurs.

On voyait de toutes parts accourir au lieu du combat d'innombrables légions de confesseurs, et partout où chacun d'eux trouvait un adversaire, il y dressait le champ clos du Seigneur.

Lorsque eut sonné la trompette de guerre dans la ville d'Abitène, dans le logis d'Octave Félix, de glorieux martyrs levèrent le drapeau du Christ, leur Seigneur. Tandis qu'ils y célébraient, comme ils avaient coutume de faire, le mystère de l'Eucharistie, ils furent arrêtés par les magistrats de la colonie, assistés des hommes de police.
C'étaient le prêtre Saturnin avec ses quatre enfants, Saturnin le jeune et Félix, tous deux lecteurs, Marie, vierge consacrée, et le petit Hilarion. Venaient ensuite le décurion Dative, trois hommes nommés Félix, Eméritus, Ampèle, trois hommes portant le nom de Rogatien, Quintus, Maximin, Thelique, deux hommes ayant nom Rogatus, Janvier, Cassien, Victorien, Vincent, Cecilien, Givalis, Martin, Dante, Victorin, Peluse, Fauste, Dacien, et dix-huit femmes : Restitute, Prime, Eve, Pomponie, Seconde, deux femmes portant le nom de Januarie, Saturnine, Marguerite, Majore, Honorée, Regiole, deux femmes du nom de Matrone, Cécile, Victoire, Hérectine et Seconde. Tous furent amenés au Forum.
 

Martyre de saint Saturnin et de saint Dative.
Speculum historiale. V. de Beauvais. XVe.
 
Pour ce premier combat Dative, que ses pieux parents avaient engendré pour qu'il portât un jour la robe blanche des sénateurs dans la cour céleste, Dative, dis-je, ouvrait la marche. Saturnin le suivait, escorté de ses quatre enfants comme d'une muraille (faite de sa propre chair) ; deux d'entre eux devaient partager son martyre ; il laisserait les autres à l'Église pour rappeler sa mémoire et son nom. Puis venait la troupe fidèle éblouissante de la splendeur des armes célestes, le bouclier de la foi, la cuirasse de la justice, le casque du salut et le glaive à deux tranchants de la parole sainte.

Invincibles dans cet équipage, ils donnaient aux frères l'assurance de leur prochaine victoire. Enfin, ils arrivèrent sur le Forum, où ils livrèrent leur premier combat, duquel, de l'aveu des magistrats, ils sortirent vainqueurs. C'est sur ce Forum que le ciel s'était déjà révélé. On venait de jeter au feu les Écritures livrées par l'évêque Fundanus ; aussitôt, quoique le ciel fût sans nuage, une averse subite éteignit le feu, tandis que la grêle et les éléments déchaînés, respectueux des Écritures, ravageaient tout le pays.

Ce fut donc à Abitène que les martyrs commencèrent de porter ces chaînes tant souhaitées. On les mena à Carthage au proconsul Anulinus. Pendant la route les confesseurs chantaient des hymnes ; à leur arrivée, afin de leur enlever l'appui qu'ils tiraient de leur réunion, on les fit comparaître séparément.

Ce qui suit contient les propres paroles des martyrs qui feront voir l'impudence de l'ennemi, ses attaques sacrilèges, la patience des frères et, dans leur confession, la toute-puissante vertu du Christ Notre-Seigneur. L'huissier les présenta au proconsul sous le titre de chrétiens envoyés par les magistrats d'Abitène sous l'inculpation d'assemblées illicites pour la célébration de leurs mystères.

Le proconsul demanda à Dative quelle était sa condition et s'il avait pris part à une assemblée. Dative se déclara Chrétien et reconnut avoir assisté aux réunions.
Le proconsul demanda ensuite qui était l'organisateur des réunions ; en même temps on étendit Dative sur le chevalet, et les bourreaux s'apprêtèrent à lui déchirer le corps avec des ongles de fer ; ils mettaient à leur besogne une hâte fiévreuse ; déjà les flancs étaient à nu, les valets prenaient les ongles de fer, lorsque Thélique fendit la foule et, bravant la souffrance, cria :
" Nous sommes chrétiens ! Nous nous sommes assemblés."
Le proconsul rugit, il fit rouer de coups le chrétien, puis le fit mettre sur le chevalet d'où les ongles de fer faisaient voler les lambeaux de sa chair.
Thélique priait :
" Grâces à vous, mon Dieu. Par ton nom, Christ Fils de Dieu, délivre tes serviteurs."
Le proconsul lui demanda :
" Qui fut ton collègue pour l'organisation des assemblées ?"
Les bourreaux redoublaient. Thélique cria :
" C'est Saturnin et tous."
Généreux martyr ! Tous sont au premier rang ! Il ne nomma pas le prêtre sans les frères, mais au prêtre il joint les frères dans une confession commune.
Le proconsul se fit montrer Saturnin. Thélique le lui désigna. Il ne trahissait pas, puisque Saturnin était là, à ses côtés, combattant le diable, mais il tenait à prouver au proconsul qu'il s'agissait réellement d'une assemblée, puisqu'un prêtre était avec eux.
 

Sainte Victoire démasquant le démon.
Vie de saints. R. de Monbaston. XIVe.

Cependant le martyr unissait ses prières à son sang, et, fidèle aux préceptes de l'Évangile, il priait pour ceux qui déchiraient son corps. Pendant la torture il ne cessa de parler et de prier :
" Malheureux, tu agis injustement ; tu combats contre Dieu. Dieu très haut, ne leur impute pas ce péché. Tu pèches, malheureux, tu combats Dieu. Observe les commandements du Dieu très haut. Malheureux, tu agis injustement, tu déchires des innocents. Nous n'avons pas commis d'homicides, ni de fraudes. Mon Dieu, aie pitié ; je te rends grâces, Seigneur. Pour l'amour de ton nom, donne-moi la force de souffrir. Délivre tes serviteurs de la captivité du monde. Je te rends grâces. Je ne suffis pas à te rendre grâces."
Les ongles de fer creusaient dans la chair de plus en plus, le sang ruisselait ; à ce moment le proconsul dit :
" Tu vas commencer à sentir les souffrances qui vous sont réservées."
Thélique riposta :
" C'est pour la gloire. Je rends grâces au Dieu des royaumes. Il apparaît, le royaume éternel, le royaume incorruptible. Seigneur Jésus-Christ, nous sommes Chrétiens, nous te servons ; tu es notre espérance, tu es l'espérance des chrétiens. Dieu très saint, Dieu très haut, Dieu tout-puissant ! Nous louons ton saint nom, Seigneur Dieu tout-puissant."
Le juge, porte-voix du diable, lui dit :
" Il te fallait observer l'ordre des Empereurs et des Césars."
Thélique, malgré son état d'épuisement, répondit :
" Je m'occupe seulement de la loi de Dieu qui m'a été enseignée. C'est elle que j'observe, je vais mourir pour elle, j'expire en elle, il n'y en a pas d'autres.
- Cessez !", dit le proconsul aux tortionnaires.
Thélique fut mis au cachot, réservé à des souffrances plus dignes de lui et de son courage.

Ce fut alors au tour de Dative, resté étendu sur le chevalet d'où il voyait le combat de Thélique. Il répétait souvent :
" Je suis Chrétien ", et il déclarait s'être trouvé à l'assemblée, lorsque l'on vit sortir de la foule Fortunatien, frère de la martyre Victoire.
C'était un grand personnage, qui avait droit de porter la toge, il était encore païen ; il interpella Dative :
" C'est toi qui, pendant que je faisais ici mes études et que mon père était absent, as séduit ma soeur Victoire, et de cette splendide cité de Carthage l'a conduite, en même temps que Seconde et Restitute, dans la colonie d'Abitène. Tu n'es entré chez nous que pour corrompre l'esprit de quelques jeunes filles."

Victoire fut indignée d'entendre ces mensonges contre le sénateur. Prenant la parole avec la liberté d'une chrétienne, elle s'écria :
" Je n'ai eu besoin de personne pour partir. Ce n'est pas avec Dative que je suis venue à Abitène. Qu'on interroge les gens de la ville. Tout ce que j'ai fait, c'est de moi-même, en toute liberté. Oui, j'étais de la réunion, parce que je suis Chrétienne."

Fortunatien continua d'incriminer Dative, qui, du haut de son chevalet, niait, réfutait tout. Anulinus ordonna qu'on reprît les angles de fer, les bourreaux mirent à nu les flancs du martyr et prirent leurs crocs; leurs mains volaient, déchirant la peau, accrochant les entrailles, mettant à jour jusqu'au coeur. Dative demeurait calme : les membres se rompaient, les entrailles sortaient, les côtes volaient en éclats, son coeur restait intact et ferme. Jadis sénateur, il se souvenait du rang qu'il avait occupé dans la cité, et tandis qu'on frappait, il disait :
" Ô Christ Seigneur, que je ne sois pas confondu !
- Cessez !", dit le proconsul tout troublé.
On s'arrêta. Il n'était pas juste que le martyr du Christ fût tourmenté dans une cause qui regardait la seule Victoire.

Un avocat, Pompeianus, entra en scène, apportant contre Dative d'infâmes insinuations, mais le martyr lui dit avec mépris :
" Que fais-tu, démon ? Que tentes-tu contre les martyrs du Christ ?"
On reprit la torture. Cette fois on interrogeait sur la participation à l'assemblée. Dative répéta qu'étant survenu pendant les mystères, il s'était uni à ses frères et que la réunion n'avait pas été organisée par un seul.
Le bourreau redoubla. Dative répétait :
" Je te prie, Ô Christ, que je ne sois pas confondu.
- Qu'ai-je fait ?
- Saturnin est notre prêtre."

On appela Saturnin. Celui-ci, perdu en Dieu, n'avait regardé les tourments de ses frères que comme une chose peu importante.
Le proconsul lui dit :
" Tu as contrevenu aux édits des Empereurs et des Césars en réunissant tous ces gens-là.
- Nous avons célébré en paix les mystères.
- Pourquoi ?
- Parce qu'il n'est pas permis de suspendre les mystères du Seigneur."
Le proconsul le fit étendre sur un chevalet en face de Dative, qui assistait comme insensible à l'émiettement de son corps et répétait à Dieu :
" Aide-moi, je t'en prie, Christ, aie pitié. Sauve mon âme, garde mon esprit, que je ne sois pas confondu. Je te prie, Ô Christ, donne-moi la force de souffrir."
Le proconsul dit à Dative :
" Toi, membre du conseil de cette splendide cité, tu devais ramener les autres à de meilleurs sentiments, au lieu de transgresser l'ordre des Empereurs et des Césars.
- Je suis Chrétien ", répondit Dative.
Par ces seuls mots, le démon fut vaincu.
" Cessez !", dit-il, et il fit reconduire le martyr à la prison.

Saturnin, étendu sur un chevalet déjà mouillé du sang des martyrs, trouvait dans ce contact une nouvelle vigueur.
Le proconsul lui demanda s'il était l'organisateur de la réunion.
" J'étais présent ", dit Saturnin.
Un homme bondit, c'était le lecteur Ernéritus :
" L'organisateur c'est moi, la maison c'est la mienne."
Le proconsul continua de s'adresser au vieux prêtre :
" Pourquoi violes-tu le décret des empereurs ?
- Le jour du Seigneur ne peut être omis, c'est la loi.
- Tu n'aurais pas dû mépriser la défense, mais obéir à l'ordre impérial."

La torture commence, les nerfs sont brisés, les entrailles mises à nu, la foule voit les os du martyr ruisselant de sang. Lui craignait que, à cause des lenteurs de la torture, son âme ne s'échappât dans un instant de répit.
" Je t'en prie, dit-il, Christ, exauce-moi. Je te rends grâces, Ô Dieu, ordonne que je sois décapité. Je te prie, Christ, aie pitié ; Fils de Dieu, viens à mon secours."


Martyres des saintes Restitute, Seconde, Pomponie, Januarie.
Vies de saints. R. de Monbaston. XIVe.
 
Le proconsul disait :
" Pourquoi violais-tu l'édit ?"
Le prêtre répondit :
" La loi l'ordonne... le commande.
- Cessez !", dit Anulinus, et il fit emmener le vieux prêtre à la prison.

Ce fut au tour d'Eméritus.
" Des assemblées ont eu lieu chez toi.
- Oui, nous avons célébré le jour du Seigneur.
- Pourquoi permettais-tu à ceux-ci d'entrer ?
- Parce qu'ils sont mes frères et que je ne pouvais le leur défendre.
- Tu aurais dû le faire.
- Je ne pouvais pas, nous ne pouvons vivre sans célébrer le jour du Seigneur."

On l'étendit sur le chevalet et on appela un nouveau bourreau.
" Je t'en prie, Christ, disait Eméritus, viens à mon secours.
- Tu vas contre les commandements de Dieu, malheureux."

Le proconsul l'interrompit :
" Tu n'aurais pas dû les recevoir.
- Je ne puis pas ne pas recevoir mes frères.
- L'ordre des empereurs doit l'emporter sur tout.
- Dieu est plus grand que les empereurs. Ô Christ, je t'invoque reçois mes hommages, Christ, mon Seigneur, donne-moi la force de souffrir.
- Tu as des Écritures dans ta maison ?
- J'en possède, mais dans mon coeur.
- Sont-elles dans ta maison, oui ou non ?
- Je les ai dans mon coeur. Christ, je t'en supplie, à toi mes louanges : délivre-moi, Ô Christ, je souffre pour ton nom. Je souffre pour peu de temps, je souffre volontiers : Christ, Seigneur, que je ne sois pas confondu."
" Cessez !", dit le proconsul, et il dicta le procès-verbal des premiers interrogatoires, puis il ajouta :
" Conformément à vos aveux, vous recevrez tous le châtiment que vous avez mérité."

La rage de cette bête commençait à se calmer, quand un chrétien nommé Félix, qui allait réaliser à l'instant, dans les supplices, la vérité de son nom, s'offrit au combat. Le groupe des accusés était là, toujours invincible.
" J'espère, dit Anulinus s'adressant à Félix et à tous les autres, j'espère que vous prendrez le parti d'obéir, afin de conserver la vie."
Les confesseurs dirent d'une seule voix :
" Nous sommes Chrétiens ; nous ne pouvons que garder la saine loi du Seigneur jusqu'à l'effusion du sang."
Se tournant vers Félix :
" Je ne te demande pas si tu es Chrétien, mais si tu as pris part à une assemblée et si tu possèdes les Écritures.
- La réunion, dit Félix, nous l'avons célébrée solennellement : nous nous réunissons toujours le jour du Seigneur pour lire les divines Écritures."

Anulinus, confondu, fit bâtonner Félix ; le martyr mourut pendant le supplice, mais un autre Félix lui succéda, semblable au précédent par le nom, par la foi, par le martyre. Descendu dans l'arène avec le même courage, il fut brisé comme lui sous le bâton et mourut pendant le supplice.

Vint le tour du lecteur Ampèle, à qui le proconsul demanda s'il avait assisté à la réunion :
" Je me suis réuni aux frères, j'ai célébré le jour du Seigneur, je possède les Écritures, mais dans mon coeur. Ô Christ, je te loue ; Ô Christ, exauce-moi."
On le frappa à la tête et on le reconduisit à la prison, où il pénétra comme dans le tabernacle du Seigneur.
Rogatien confessa, mais ne fut pas frappé.

Quintus, Maximien, et un troisième Félix furent bâtonnés. Pendant son supplice Félix disait :
" J'ai célébré avec dévotion le jour du Seigneur, je fus de l'assemblée avec les frères, parce que je suis Chrétien."
On le joignit aux autres dans la prison.

Saturnin, le fils du vieux prêtre, s'avança, impatient d'égaler son père :
" Étais-tu présent ?" dit le proconsul.
" Je suis Chrétien.
- Je ne te demande pas cela, étais-tu à la réunion ?
- J'y étais, parce que le Christ est mon Sauveur."

On mit le fils sur le chevalet où le père avait été étendu.
" Choisis ! Tu vois ta position. As-tu les Écritures ?
- Je suis chrétien.
- Je te demande si tu étais de la réunion et si tu as les Ecritures.
- Je suis chrétien. Le nom du Christ est le seul par qui nous puissions être sauvés.
- Puisque tu t'obstines, tu vas être torturé. Une dernière fois as-tu les Ecritures ?"
Se tournant vers le bourreau :
" Commence."

Le sang du fils se mêlait sur les crocs au sang du père. Dans ce mélange sacré l'enfant sembla trouver une vigueur nouvelle :
" J'ai les divines Écritures, dit-il, mais dans mon coeur. Je t'en prie, Ô Christ, donne-moi la force de souffrir, en toi est mon espérance.
- Pourquoi désobéis-tu à l'édit ?
- Parce que je suis chrétien.
- Cessez !", dit le proconsul, et l'enfant alla rejoindre son père.

Le jour baissait (il régnait une sorte de lassitude générale parmi les assistants et les bourreaux). Le proconsul s'adressa aux chrétiens qui n'avaient pas encore été interrogés :
" Vous voyez, leur dit-il, ce qu'ont souffert ceux qui se sont obstinés, et ce qu'il leur faudra souffrir encore s'ils persistent dans leur foi. Celui d'entre vous qui espère l'indulgence et veut avoir la vie sauve n'a qu'à avouer."
Les confesseurs s'écrient :
" Nous sommes chrétiens."
Le proconsul fit conduire tout le monde en prison.

Les femmes, toujours avides de sacrifice et de dévouement, le glorieux choeur des vierges saintes, ne devait pas être privé des honneurs de ce grand combat ; toutes, avec l'aide du Christ, combattirent dans la personne de Victoire et triomphèrent avec elle. Victoire, la plus sainte des femmes, la fleur des vierges, l'honneur et la gloire des confesseurs, de grande race, plus grande encore par sa foi et sa piété, modèle de tempérance, d'autant plus belle qu'elle était plus chaste, également belle dans son âme et dans son corps, éclatante dans sa foi et dans la perfection de sa sainteté, Victoire se réjouissait de trouver dans le martyre la seconde palme qu'elle ambitionnait. Dès l'enfance sa pureté étincelait, en ces années d'imprévoyance elle se montrait pénitente et grave. A l'âge où la virginité se voue pour toujours, afin d'échapper à la violence morale de ses parents, elle s'enfuit par la fenêtre, presque à l'heure même de ses noces, se cacha dans une grotte et coupa sa chevelure.

Le proconsul lui demanda quelle était sa foi :
" Je suis chrétienne."
Fortunatien s'efforça de la faire passer pour folle.
Victoire dit :
" Telle est ma volonté, je n'ai jamais changé."
Le proconsul :
" Veux-tu retourner avec Fortunatien, ton frère ?
- Jamais ! Je suis Chrétienne, mes frères sont ceux-ci qui gardent les commandements de Dieu.
- Réfléchis ; tu vois que ton frère veut te sauver.
- J'ai ma volonté. Je n'en ai jamais changé. Je fus de l'assemblée parce que je suis Chrétienne."
On l'adjoignit aux autres martyrs dans la prison.

Restait le dernier fils du vieux Saturnin, Hilarion, un petit enfant.
Le magistrat lui dit :
" As-tu suivi ton père et tes frères ?"
Hilarion grossit sa voix pour dire :
" Je suis Chrétien, c'est de moi-même, volontairement, que je fus à l'assemblée avec papa et mes frères."

Le proconsul essaya d'intimider l'enfant :
" Je vais te couper les cheveux, le nez et les oreilles.
- Comme tu voudras, je suis Chrétien.
- Qu'on le mette en prison.
- Grâces à Dieu."

Rq : D'après le R. P. Allard, " les détails donnés par le compilateur donatiste sur le séjour des martyrs dans la prison sont trop suspects pour que nous en puissions retenir quelque chose. Un seul fait paraît vraisemblable : Anulinus les y oublia volontairement, et, l'un après l'autre, ils moururent de faim ".

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samedi, 10 février 2024

10 février. Sainte Scholastique, vierge. 543.

- Sainte Scholastique, vierge. 543.

Pape : Vigile. Empereur romain d'Orient : Justinien Ier. Roi des Goths d'Italie : Totila.

" Que toutes vos paroles soient telles qu'on puisse les écrire, pour les relire à haute voix, au jugement dernier, devant le genre humain et devant les esprits célestes réunis."

" Taisez-vous, ou parlez de Dieu ; car quelle chose en ce monde est digne qu'on en parle ?"
Sainte Scholastique.


Sainte Scholastique. Détail d'un dyptique. Andrea Mantegna. XVe.

La sœur du Patriarche des moines d'Occident vient nous réjouir aujourd'hui de sa douce présence ; la fille du cloître apparaît sur le Cycle à côté de la martyre! toutes deux épouses de Jésus, toutes deux couronnées, parce que toutes deux ont combattu et ont remporté la palme. L'une l'a cueillie au milieu des rudes assauts de l'ennemi, dans ces heures formidables où il fallait vaincre ou mourir ; l'autre a dû soutenir durant sa vie entière une lutte de chaque jour, qui s'est prolongée, pour ainsi dire, jusqu'à la dernière heure. Apolline et Scholastique sont sœurs ; elles sont unies à jamais dans le cœur de leur commun Epoux.

Il fallait que la grande et austère figure de saint Benoît nous apparût adoucie par les traits angéliques de cette sœur que, dans sa profonde sagesse, la divine Providence avait placée près de lui pour être sa fidèle coopératrice. La vie des saints présente souvent de ces contrastes, comme si le Seigneur voulait nous faire entendre que bien au-dessus des régions de la chair et du sang, il est un lien pour les âmes, qui les unit et les rend fécondes, qui les tempère et les complète. Ainsi, dans la patrie céleste, les Anges des diverses hiérarchies s'unissent d'un amour mutuel dont le souverain Seigneur est le nœud, et goûtent éternellement les douceurs d'une tendresse fraternelle.


Cloître du noviciat de Sainte-Scholastique à Subiaco.
François-Marie Granet. XIXe.

La vie de Scholastique s'est écoulée ici-bas, sans laisser d'autre trace que le gracieux souvenir de cette colombe qui, se dirigeant vers le ciel d'un vol innocent et rapide, avertit le frère que la sœur le devançait de quelques jours dans l'asile de l'éternelle félicité. C'est à peu près tout ce qui nous reste sur cette admirable Epouse du Sauveur, avec le touchant récit dans lequel saint Grégoire le Grand nous a retracé l'ineffable débat qui s'éleva entre le frère et la sœur, trois jours avant que celle-ci fût conviée aux noces du ciel. Mais que de merveilles cette scène incomparable ne nous révèle-t-elle pas! Qui ne comprendra tout aussitôt l'âme de Scholastique à la tendre naïveté de ses désirs, à sa douce et ferme confiance envers Dieu, à l'aimable facilité avec laquelle elle triomphe de son frère, en appelant Dieu même à son secours ? Les anciens vantaient la mélodie des accents du cygne à sa dernière heure ; la colombe du cloître bénédictin, prête à s'envoler de cette terre, ne l'emporte-t-elle pas sur le cygne en charme et en douceur ?

Mais où donc la timide vierge puisa-t-elle cette force qui la rendit capable de résister au vœu de son frère, en qui elle révérait son maître et son oracle ? qui donc l'avertit que sa prière n'était pas téméraire, et qu'il pouvait y avoir en ce moment quelque chose de meilleur que la sévère fidélité de Benoît à la Règle sainte qu'il avait donnée, et qu'il devait soutenir par son exemple ? Saint Grégoire nous répondra. Ne nous étonnons pas, dit ce grand Docteur, qu'une sœur qui désirait voir plus longtemps son frère, ait eu en ce moment plus de pouvoir que lui-même sur le cœur de Dieu ; car, selon la parole de saint Jean, Dieu est amour, et il était juste que celle qui aimait davantage se montrât plus puissante que celui qui se trouva aimer moins.


Saint Benoît et sainte Scholastique.
Speculum historiale. V. de Beauvais. XVe.

Sainte Scholastique sera donc, dans les jours où nous sommes, l'apôtre de la charité fraternelle. Elle nous animera à l'amour de nos semblables, que Dieu veut voir se réveiller en nous, en même temps que nous travaillons à revenir à lui. La solennité pascale nous conviera à un même banquet ; nous nous y nourrirons de la même victime de charité. Préparons d'avance notre robe nuptiale ; car celui qui nous invite veut nous voir habiter unanimes dans sa maison (Psalm. LXVII.).

La sainte Eglise nous fait lire aujourd'hui la narration que saint Grégoire a consacrée à la dernière entrevue du frère et de la sœur. Du second livre des Dialogues de saint Grégoire, Pape :


Mort de sainte Scholastique. Jean Restout. XVIIIe.

Scholastique était sœur du vénérable Père Benoît. Consacrée au Seigneur tout-puissant dès son enfance , elle avait coutume de venir visiter son frère une fois chaque année. L'homme de Dieu descendait pour la recevoir dans une maison dépendante du monastère, non loin de la porte. Scholastique étant donc venue une fois, selon sa coutume, son vénérable frère descendit vers elle avec ses disciples. Ils passèrent tout le jour dans les louanges de Dieu et les pieux entretiens ; et, quand la nuit fut venue, ils prirent ensemble leur repas. Comme ils étaient encore à table, et que le temps s'écoulait vite dans leur entretien sur les choses divines, la vierge sacrée adressa cette prière à Benoît :
" Je te prie, mon frère, de ne me pas abandonner cette nuit, afin que nous puissions jus-ce qu'au matin parler encore des joies de la vie céleste."
Le saint lui répondit :
" Que dis-tu là, ma sœur ? Je ne puis en aucune façon passer la nuit hors du monastère."
Dans ce moment, le ciel était si pur qu'il n'y paraissait aucun nuage. La servante de Dieu, ayant entendu le refus de son frère, appuya sur la table ses doigts entrelacés ; et, cachant son visage dans ses mains, elle s'adressa au Seigneur tout-puissant. Au moment où elle releva la tête, des éclairs, un violent coup de tonnerre, une pluie à torrents, se déclarèrent tout à coup : au point que ni le vénérable Benoit, ni les frères qui étaient avec lui ne purent mettre le pied hors du lieu où ils étaient.


Saint Benoît et sainte Scholastique. Legenda aurea.
Bx J. de Voragine. Jean Le Tavernier. XVe.

La pieuse servante de Dieu, pendant qu'elle avait tenu sa tête appuyée sur ses mains, avait versé sur la table un ruisseau de larmes ; il n'en avait pas fallu davantage pour charger de nuages le ciel serein jusqu'à cette heure. Après la prière de la sainte, l'orage ne s'était pas fait longtemps attendre ; mais cette prière et les torrents de pluie qu'elle amenait s'étaient si parfaitement rencontrés ensemble, que, au même instant où Scholastique levait sa tête de dessus la table, le tonnerre grondait déjà : en sorte qu'un même instant vit la sainte faire ce mouvement, et la pluie tomber du ciel. L'homme de Dieu, voyant que ces éclairs, ces tonnerres, cette inondation ne lui permettaient plus de rentrer au monastère, en fut contristé, et exhala ainsi ses plaintes :
" Que le Dieu tout-puissant te pardonne, ma sœur ! Que viens-tu défaire ?"
Elle répondit :
" Je t'ai adressé une demande, et tu n'as pas voulu m'écouter : j'ai eu recours à mon Dieu, et il m'a exaucée. Maintenant sors, si tu peux, laisse-moi, et retourne à ton monastère."
Mais le saint était dans l'impossibilité de sortir de la maison, et lui qui n'avait pas voulu y rester volontairement, demeura contre son gré. Ainsi, les deux saints passèrent la nuit entière dans les veilles, et reprenant leurs pieux entretiens sur la vie spirituelle, ils se rassasièrent à loisir par l'échange des sentiments qu'ils éprouvaient.


Statue de sainte Scholastique. Arnold Hontoire.
Abbaye de La Paix-Notre-Dame. Liège. Flandres. XVIIe.

Le lendemain, la vénérable Mère retourna à son monastère, et l'homme de Dieu reprit le chemin de son cloître. Trois jours après, étant dans sa cellule, et ayant élevé ses yeux en haut, il vit l'âme de sa sœur, qui venait de briser les liens du corps, et qui, sous la forme d'une colombe, se dirigeait vers les hauteurs mystérieuses du ciel. Ravi dé joie pour la gloire dont elle était entrée en possession, il rendit grâces au Dieu tout-puissant par des hymnes et des cantiques, et annonça aux frères le trépas de Scholastique. Il les envoya aussitôt au lieu qu'elle avait habité, afin qu'ils apportassent le corps au monastère, et qu'il fût déposé dans le tombeau qu'il s'était préparé pour lui-même. Il arriva ainsi que ceux dont l'âme avait toujours été unie en Dieu ne furent point séparés par la mort, leurs corps n'ayant eu qu'un même tombeau.

RÉPONS ET ANTIENNES

Nous placerons ici quelques pièces liturgiques de l'Office monastique en l'honneur de la sœur du grand Benoît :
 
 Anne d'Autriche, reine de France, avec le futur Louis XIV et le duc
d'Orléans aux pieds de saint Benoît et de sainte Scholastique.
Philippe de Champaigne. XVIIe.

R/. L'illustre Scholastique fut la sœur du très saint Père Benoît : * Consacrée dès l'enfance au Seigneur tout-puissant, elle ne quitta jamais la voie de la justice.

V/. Louez le Seigneur, enfants, louez le Nom du Seigneur. * Consacrée dès l'enfance.

R/. Désirant se régler sur les exemples de la sainte vie de son frère, et selon la doctrine de ses sacrés enseignements, elle avait coutume de venir à lui une fois chaque année : * Et l'homme de Dieu l'instruisait de ses célestes leçons.

V/. Heureux qui écoute ses paroles et observe les règles qu'il a écrites. * Et l'homme de Dieu.

R/. La sainte vierge Scholastique était comme un jardin diligemment arrosé ; * La rosée des célestes grâces la rafraîchissait continuellement.

V/. Comme une source d'eau qui ne tarit jamais. * La rosée des célestes grâces.

R/. Le Seigneur lui accorda le désir de son cœur:* Elle obtint de lui ce qu'elle n'avait pu obtenir de son frère.

V/. Le Seigneur est bon envers tous ceux qui espèrent en lui, envers l'âme qui le cherche. * Elle obtint de lui.

R/. L'Epoux tardant à paraître, Scholastique gémissait et disait : * Qui me donnera des ailes comme à la colombe, et je volerai et je me reposerait.

V/. Voici mon bien-aimé, il me dit : Lève-toi, mon amie, et viens * Qui me donnera.

R/. Scholastique parut sous la forme d'une colombe; l'âme de son frère témoigna son allégresse par des hymnes et des cantiques : * Béni soit ce départ ! mais bien plus encore soit bénie cette entrée !

V/. Le vénérable Père Benoit demeura tout inondé d'une joie céleste. * Béni soit.

R/. L'âme de Scholastique sortit de l'arche de son corps, comme la colombe portant le rameau d'olivier, signe de paix et de grâce ; * Elle s'envola dans les cieux.

V/. Comme elle ne trouvait pas où reposer son pied, * Elle s'envola dans les cieux.


Saint Benoît et sainte Scholastique.
Giovanni Giacomo Pandolfi. XVIIe.

Ant. Que l'assemblée des fidèles tressaille d'allégresse pour la gloire de l'auguste vierge Scholastique ; que la troupe des vierges sacrées se livre à une joie plus grande encore, en célébrant la fête de celle qui par ses larmes fléchit le Seigneur, et fut plus puissante sur lui que son frère, parce qu'elle eut plus d'amour.

Ant. Aujourd'hui la sacrée vierge Scholastique monte au ciel toute joyeuse, sous la forme d'une colombe. Aujourd'hui elle jouit pour jamais avec son frère des délices de la vie céleste.

HYMNE

Voici deux Hymnes empruntées au même Office bénédictin :

" Heureuse épouse du Christ , Scholastique, colombe des vierges , les habitants du ciel te comblent de louanges ; nos cœurs te saluent en faisant monter vers toi l'hommage d'un joyeux concert.

Tu foulas aux pieds les honneurs du monde et ses couronnes ; dirigée par les enseignements de ton frère et les préceptes de sa Règle sainte, attirée par l'odeur des grâces célestes, tu appris de bonne heure à prendre le chemin de la patrie.

Ô force invincible de l'amour ! Ô victoire à jamais glorieuse, en ce jour où par la force de tes larmes tu fais descendre les pluies du ciel, et contrains le Patriarche de Nursie à continuer ses entretiens célestes.

Aujourd'hui tu brilles, au plus haut des cieux, de l'éclat de cette lumière vers laquelle tu soupirais ; les feux de la charité, les splendeurs de la grâce embellissent ton front; unie à l'Epoux, tu reposes au sein de la gloire.

Daigne donc maintenant écarter du cœur des fidèles les nuages d'ici-bas, afin que le Soleil éternel, versant sur nous sa splendeur sereine, nous comble des joies de la lumière sans fin.

Chantons gloire au Père et gloire au Fils unique ; hommage égal au Paraclet divin ; honneur éternel à celui qui créa les siècles et qui les gouverne.

Amen."


Sainte Scholastique. Eglise Saint-Jean-Baptiste.
Chaource. Champagne. XVIe.

HYMNE

" Les ombres de la nuit disparaissent, le jour désiré se lève, auquel l'Epoux éternel s'unit à la vierge Scholastique.

Le temps des frimas est passé, les nuages pluvieux ont disparu, les plaines du ciel s'émaillent de fleurs éternelles.

A l'appel du Dieu qui est amour, la bien-aimée déploie ses ailes ; conviée au baiser mystique, la colombe s'élance d'un vol rapide.

Que tu es belle dans ta marche triomphante, fille chérie du grand Roi ! L'œil de ton frère contemple ton départ ; son cœur rend grâces au Dieu éternel.

De sa droite l'Epoux la presse sur son sein ; elle recueille les couronnes qui lui sont dues ; plongée dans un fleuve de gloire, elle s'enivre des joies divines.

Ô Christ, fleur des vallons, que tous les siècles vous adorent, avec le Père et le Paraclet, dans toute l'étendue de cet univers.

Amen."


Scènes de la vie de saint Benoît. Mort de sainte Scholastique.
Ecrits sur saint Benoît. Jean de Stavelot. XIIIe.

PRIERE

" Colombe chérie de l'Epoux, que votre vol fut rapide, lorsque, quittant cette terre d'exil, vous prîtes votre essor vers lui ! L'œil de votre illustre frère, qui vous suivit un instant, vous perdit bientôt de vue ; mais toute la cour céleste tressaillit de joie à votre entrée. Vous êtes maintenant à la source de cet amour qui remplissait votre cœur, et rendait ses désirs tout-puissants sur celui de votre Epoux. Désaltérez-vous éternellement à cette fontaine de vie ; et que votre suave blancheur devienne toujours plus pure et plus éclatante, dans la compagnie de ces autres colombes, vierges de l'Agneau comme vous, et qui forment un si noble essaim autour des lis du jardin céleste.

Souvenez-vous cependant de cette terre désolée qui a été pour vous, comme elle l'est pour nous, le lieu d'épreuve où vous avez mérité vos honneurs. Ici-bas, cachée dans le creux de la pierre, comme parle le divin Cantique, vous n'avez pas déployé vos ailes, parce que rien n'y était digne de ce trésor d'amour que Dieu lui-même avait versé dans votre cœur. Timide devant les hommes, simple et innocente, vous ignoriez à quel point vous aviez " blessé le cœur de l'Epoux ".

Vous traitiez avec lui dans l'humilité et la confiance d'une âme qu'aucun remords n'agita jamais, et il se rendait à vos désirs par une aimable condescendance; et Benoit, chargé d'années et de mérites, Benoit accoutumé à voir la nature obéir à ses ordres, était vaincu par vous, dans une lutte où votre simplicité avait vu plus loin que sa profonde sagesse.

Qui donc vous avait révélé, Ô Scholastique, ce sens sublime qui, en ce jour-là, vous fit paraître plus sage que le grand homme choisi de Dieu pour être la règle vivante des parfaits ? Ce fut celui-là même qui avait élu Benoît comme l'une des colonnes de la Religion, mais qui voulut montrer que la sainte tendresse d'une charité pure l'emporte encore à ses yeux sur la plus rigoureuse fidélité à des lois qui n'ont été faites que pour aider à conduire les hommes au but que votre cœur avait déjà atteint. Benoît, l'ami de Dieu, le comprit ; et bientôt, reprenant le cours de leur céleste entretien, vos deux âmes se confondirent dans la douceur de cet amour incréé qui venait de se révéler et de se glorifier lui-même avec tant d'éclat. Mais vous étiez mûre pour le ciel, Ô Scholastique ; votre amour n'avait plus rien de terrestre ; il vous attirait en haut. Encore quelques heures, et la voix de l'Epoux allait vous faire entendre ces paroles de l'immortel Cantique, que l'Esprit-Saint semble avoir dictées pour vous :
" Lève-toi, Ô mon amie, ma belle, et viens ; ma colombe, montre-moi ton visage ; que ta voix résonne à mon oreille ; car ta voix est douce, et ton visage est plein d'attraits." (Cant. II, 10.).

Dans votre départ de la terre, ne nous oubliez pas, Ô Scholastique ! Nos âmes sont appelées à vous suivre, bien qu'elles n'aient pas les mêmes charmes aux yeux de l'Epoux. Moins fortunées que la vôtre, il leur faut se purifier longtemps pour être admises dans le séjour où elles contempleront votre félicité. Votre prière força les nuées du ciel à envoyer leur pluie sur la terre ; qu'elle obtienne pour nous les larmes de la pénitence. Vos délices furent dans les entretiens sur la vie éternelle ; rompez nos conversations futiles et dangereuses ; faites-nous goûter ces discours du ciel, dans lesquels les âmes aspirent à s'unir à Dieu. Vous aviez trouvé le secret de cette charité fraternelle dont la tendresse même est un parfum de vertu qui réjouit le coeur de Dieu ; ouvrez nos cœurs à l'amour de nos frères ; chassez-en la froideur et l'indifférence, et faites-nous aimer comme Dieu veut que nous aimions.

Mais, Ô colombe de la solitude, souvenez-vous de l'arbre sous les rameaux duquel s'est abritée votre vie. Le cloître bénédictin vous réclame, non seulement comme la sœur, mais encore comme la fille de son auguste Patriarche. Du haut du ciel, contemplez les débris de cet arbre autrefois si vigoureux et si fécond, à l'ombre duquel les nations de l'Occident se sont reposées durant tant de siècles. De toutes parts, la hache dévastatrice de l'impiété s'est plue aie frapper dans ses branches et dans ses racines. Ses ruines sont partout ; elles jonchent le sol de l'Europe entière. Cependant, nous savons qu'il doit revivre, qu'il poussera de nouveaux rameaux, et que votre divin Epoux, Ô Scholastique, a daigné enchaîner le sort de cet arbre antique aux destinées mêmes de l'Eglise. Priez pour que la sève première revive en lui ; protégez d'un soin maternel les faibles rejetons qu'il produit encore ; défendez-les de l'orage, bénissez-les, et rendez-les dignes de la confiance que l'Eglise daigne avoir en eux."

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