lundi, 29 juillet 2024
29 juillet. Sainte Marthe, vierge, hôtesse de Notre Seigneur Jésus-Christ. 84.
- Sainte Marthe, vierge, hôtesse de Notre Seigneur Jésus-Christ, soeur de sainte Marie-Madeleine et de saint Lazare.
Pape : Saint Lin. Empereur romain : Vespasien.
" La vie revêt deux formes : Marthe est le symbole de la vie active, et Marie-Madeleine de la vie contemplative. L'une conduit à l'autre ; la première est la base de l'édifice, la seconde sa perfection."
Saint Grégoire le Grand.
Saint Pierre, sainte Marthe, sainte Marie-Madeleine et saint Léonard.
Marie-Madeleine, soeur de sainte Marthe, cette fois, avait été la première au-devant du Seigneur. Huit jours à peine étaient écoulés depuis son glorieux passage, que rendant à sa sœur le bon office qu'elle en reçut autrefois (Johan. XI, 28.), elle venait lui dire à son tour :
" Le bien-aimé est là, et il t'appelle."
Et Jésus, prenant les devants, paraissait lui-même :
" Viens, mon hôtesse ; viens de l'exil, tu seras couronnée." (Raban. De vita B. M. Magd. et S. Marthae, XLVII.).
Hôtesse du Seigneur, tel sera donc au ciel comme ici-bas le nom de Marthe et son titre de noblesse éternel.
" En quelque ville ou village que vous entriez, disait l'Homme-Dieu à ses disciples, informez-vous qui en est digne, et demeurez chez lui." (Matth. X, 11.).
Or, raconte saint Luc, il arriva que comme ils marchaient, lui-même entra en un certain village, et une femme nommée Marthe le reçut dans sa maison (Luc. X, 38.), Où chercher plus bel éloge, où trouver plus sûre louange de la sœur de Madeleine, que dans le rapprochement de ces deux textes du saint Evangile ?
Les reproches de Marthe à Marie. Legenda aurea.
Ce certain lieu où elle fut, comme en étant digne, élue par Jésus pour lui donner asile, ce village, dit saint Bernard (Bern. Sermo II in Assumpt. B. M. V.), est notre humble terre, perdue comme une bourgade obscure dans l'immensité des possessions du Seigneur (Baruch III, 24-2.S.). Le Fils de Dieu, parti des deux, faisait route à la recherche de la brebis perdue, guidé par l'amour (Psalm. XVIII ; Matth. XVIII, 12.). Sous le déguisement de notre chair de péché (Rom. VIII, 3.), il était venu dans ce monde qui était son oeuvre, et le monde ne l'avait point connu (Johan. I, 10.) ; Israël, son peuple, n'avait pas eu pour lui, même une pierre où il pût reposer sa tête (Matth., VIII, 20.), et l'avait laissé dans sa soif mendier l'eau des Samaritains (Johan. IV, 6, 7.). Nous, ses rachetés de la gentilité, qu'à travers reniements et fatigues il poursuivait ainsi, n'est-il pas vrai que sa gratitude doit être aussi la nôtre pour celle qui, bravant l'impopularité du moment, la persécution de l'avenir, voulut solder envers lui notre dette à tous ?
Notre Seigneur Jésus-Christ dans la maison de Marthe et Marie.
Gloire donc à la fille de Sion, descendante des rois, qui, fidèle aux traditions d'hospitalité des patriarches ses premiers pères, fut bénie plus qu'eux dans l'exercice de cette noble vertu ! Plus ou moins obscurément encore, ils savaient pourtant, ces ancêtres de notre foi, que le désiré d'Israël et l'attente des nations devait paraître en voyageur et en étranger sur la terre (Jerem. XIV, 8, 9.). Aussi, eux-mêmes pèlerins d'une patrie meilleure, sans demeure fixe (Heb. XI, 8-16.), ils honoraient le Sauveur futur en tout inconnu se présentant sous leur tente (Gen. XVIII, 1-5 ; XXIII, 6 ; XXVI, 28.) ; comme nous leurs fils dans la foi des mêmes promesses, accomplies maintenant, vénérons le Christ dans l'hôte que sa bonté nous envoie (Matth. XXV, 35, 40; Reg. S. P. Benedicti, LIII.). Pour eux comme pour nous, cette relation qui leur était montrée entre Celui qui devait venir et l'étranger cherchant un asile, faisait de l'hospitalité, fille du ciel, une des plus augustes suivantes de la divine charité. Plus d'une fois, la visite d'Anges se prêtant sous des traits humains aux bons offices de leur zèle, manifesta en effet la complaisance qu'y prenaient les cieux (Heb. XIII, 2.). Mais s'il convient d'estimer à leur prix ces célestes prévenances dont notre terre n'était point digne, combien pourtant s'élève plus haut le privilège de Marthe, vraie dame et princesse de la sainte hospitalité, depuis qu'elle en a placé l'étendard au sommet vers lequel convergèrent tous les siècles de l'attente et ceux qui suivirent !
Les reproches de Marthe à Marie.
S'il fut grand d'honorer le Christ, avant sa venue, dans ceux qui de près ou de loin étaient ses figures ; si Jésus promet l'éternelle récompense à quiconque, depuis qu'il n'est plus avec nous (Marc, XIV, 7.), l'abrite et le sert en ses membres mystiques : celle-là est plus grande et mérita plus, qui reçut en personne Celui dont le simple souvenir ou la pensée donne à la vertu dans tous les temps mérite et grandeur. Et de même que Jean l'emporte sur tous les Prophètes (Luc. VII, 28.), pour avoir montré présent le Messie qu'ils annonçaient à distance ; ainsi le privilège de Marthe, tirant son excellence de la propre et directe excellence du Verbe de Dieu qu'elle secourut dans la chair même qu'il avait prise pour nous sauver, établit la sœur de Madeleine au-dessus de tous ceux qui pratiquèrent jamais les œuvres de miséricorde.
Notre Seigneur Jésus-Christ dans la maison de sainte Marthe.
Si donc Madeleine aux pieds du Seigneur garde pour elle la meilleure part (Ibid. X, 42.), ne croyons pas que celle de Marthe doive être méprisée. Le corps est un, mais il a plusieurs membres, et tous ces membres n'ont pas le même rôle ; ainsi l'emploi de chacun dans le Christ est différent selon la grâce qu'il a reçue, soit pour prophétiser, soit pour servir (Rom. XII, 4-7.). Et l'Apôtre, exposant cette diversité de l'appel divin :
" Par la grâce qui m'a été donnée, disait-il, je recommande à tous ceux qui sont parmi vous de ne point être sage plus qu'il ne convient d'être sage, mais de se tenir à la mesure du don que Dieu départit à chacun dans la foi." (Ibid. 3.).
Ô discrétion, gardienne de la doctrine autant que mère des vertus (Reg. S. P. Benedicti, LXIV.), que de pertes dans les âmes, que de naufrages parfois, vous feriez éviter !
Sainte Marthe et sainte Marie-Madeleine.
" Quiconque, dit saint Grégoire avec son sens si juste toujours, quiconque s'est donné entièrement à Dieu, doit avoir soin de ne pas se répandre seulement dans les œuvres, et tendre aussi aux sommets de la contemplation. Cependant il importe extrêmement ici de savoir qu'il y a une grande variété de tempéraments spirituels. Tel qui pouvait vaquer paisible à la contemplation de Dieu, tombera écrasé sous les oeuvres ; tel que l'usuelle occupation des humains eût gardé dans une vie honnête, se blesse mortellement au glaive d'une contemplation qui dépasse ses forces : ou faute de l'amour qui empêche le repos de tourner en torpeur, ou faute de la crainte qui garde des illusions de l'orgueil et des sens. L'homme qui désire être parfait doit à cause de cela s'exercer dans la plaine d'abord, à la pratique des vertus, pour monter plus sûrement aux hauteurs, laissant en bas toute impulsion des sens qui ne peuvent qu'égarer les recherches de l'esprit, toute image dont les contours ne sauraient s'adapter à la lumière sans contours qu'il désire voir. A l'action donc le premier temps, à la contemplation le dernier. L'Evangile loue Marie, mais Marthe n'y est point blâmée, parce que grands sont les mérites de la vie active, quoique meilleurs ceux de la contemplation." (Moral, in Job. V, 26, passim.).
Et si nous voulons pénétrer plus avant le mystère des deux sœurs, observons que, bien que Marie soit la préférée, ce n'est pourtant point dans sa maison, ni dans celle de Lazare leur frère , mais dans la maison de Marthe , que l'Homme-Dieu nous est montré faisant séjour ici-bas avec ceux qu'il aime. Jésus, dit saint Jean, aimait Marthe, et sa sœur Marie, et Lazare (Johan. XI, 5.) : Lazare, figure des pénitents que sa miséricordieuse toute-puissance appelle chaque jour de la mort du péché à la vie divine; Marie, s'adonnant dès ce monde aux mœurs de l'éternité ; Marthe enfin, nommée ici la première comme l'aînée de son frère et de sa sœur, la première en date mystiquement selon ce que disait saint Grégoire, mais aussi comme celle de qui l'un et l'autre dépendent en cette demeure dont l'administration est remise à ses soins. Qui ne reconnaîtrait là le type parfait de l'Eglise, où, dans le dévouement d'un fraternel amour sous l'œil du Père qui est aux cieux, le ministère actif tient la préséance de gouvernement sur tous ceux que la grâce amène à Jésus ? Qui ne comprendrait aussi les préférences du Fils de Dieu pour cette maison bénie ? l'hospitalité qu'il y recevait, toute dévouée qu'elle fût, le reposait moins de sa route laborieuse que la vue si achevée déjà des traits de cette Eglise qui l'avait attiré du ciel en terre.
Sainte Marthe priant Notre Seigneur Jésus-Christ de ressuciter
saint Lazare. Résurrection de saint Lazare.
Marthe par avance avait donc compris que quiconque a la primauté doit être le serviteur : comme le Fils de l'homme est venu non pour être servi, mais pour servir (Matth. XX, 26-28.) ; comme plus tard le Vicaire de Jésus, le prince des prélats de la sainte Eglise, s'appellera Serviteur des serviteurs de Dieu. Mais en servant Jésus, comme elle servait avec lui et pour lui son frère et sa sœur, qui pourrait douter que plus que personne elle entrait en part des promesses de cet Homme-Dieu, lorsqu'il disait :
" Qui me sert me suit ; et où je serai, là aussi sera mon serviteur ; et mon Père l'honorera." (Johan. XII, 26.).
Résurrection de saint Lazare. Psalterium.
Et cette règle si belle de l'hospitalité antique, qui créait entre l'hôte et l'étranger admis une fois à son foyer des liens égaux à ceux du sang , croyons-nous que dans la circonstance l'Emmanuel ait pu n'en pas tenir compte, lorsqu'au contraire son Evangéliste nous dit qu'" à tous ceux qui le reçurent il a donné le pouvoir d'être faits enfants de Dieu " (Ibid. 1, 12.). C'est qu'en effet " quiconque le reçoit, déclare-t-il lui-même, ne reçoit pas lui seulement, mais le Père qui l'envoie " (Marc, IX, 36.).
La paix promise à toute maison qui se montrerait digne de recevoir les envoyés du ciel (Matth. X, 12, 13.), la paix qui ne va point sans l'Esprit d'adoption des enfants (Rom. VIII, 15.), s'était reposée sur Marthe avec une incomparable abondance. L'exubérance trop humaine qui d'abord s'était laissée voir dans sa sollicitude empressée, avait été pour l'Homme-Dieu l'occasion de montrer sa divine jalousie pour la perfection de cette âme si dévouée et si pure (Luc. X, 41.). Au contact sacré, la vive nature de l'hôtesse du Roi pacifique dépouilla ce qu'il lui restait de fébrile inquiétude ; et servante plus active que jamais, plus agréée qu'aucune autre (Cf. Matth. XXVI, 6 ; Johan. XII. 2.), elle puisa dans sa foi ardente au Christ Fils du Dieu vivant (Johan. XI, 27.) l'intelligence de l'unique nécessaire et de la meilleure part (Luc. X, 42.) qui devait un jour être aussi la sienne. Oh ! Quel maître de la vie spirituelle, quel modèle ici Jésus n'est-il pas de discrète fermeté, de patiente douceur, de sagesse du ciel dans la conduite des âmes aux sommets (Johan. XI.) !
Notre Seigneur Jésus-Christ et sainte Marthe.
Jusqu'à la fin de sa carrière mortelle, selon le conseil de stabilité que lui-même il donnait aux siens (Luc. X, 7.), l'Homme-Dieu resta fidèle à l'hospitalité de Béthanie : c'est de là qu'il partit pour sauver le monde en sa douloureuse Passion ; c'est de Béthanie encore que, quittant le monde, il voulut remonter dans les cieux (Ibid. XXIV, 5o.). Alors cette demeure, paradis de la terre, qui avait abrité Dieu, la divine Mère, le collège entier des Apôtres, parut bien vide à ceux qui l'habitaient. L'Eglise tout à l'heure nous dira par quelles voies, toutes d'amour pour nous Gentils, l'Esprit de la Pentecôte transporta dans la terre des Gaules la famille bénie des amis de l'Homme-Dieu.
Sainte Marthe près de saint Lazare mourant.
Sur les rives du Rhône, Marthe restée la même apparut comme une mère, compatissant à toutes misères, s'épuisant en bienfaits Jamais sans pauvres, dit l'ancien historien des deux sœurs, elle les nourrissait avec une tendre sollicitude des mets que le ciel fournissait abondamment à sa charité, n'oubliant qu'elle-même, ne se réservant que des herbes ; et en mémoire du glorieux passé, comme elle avait servi le Chef de l'Eglise en sa propre personne, elle le servait maintenant dans ses membres, toujours aimable pour tous, affable à chacun. Cependant les pratiques d'une effrayante pénitence étaient ses délices. Mille fois martyre, de toutes les puissances de son âme Marthe la très sainte aspirait aux deux. Son esprit, perdu en Dieu, s'absorbait dans la prière et y passait les nuits. Infatigablement prosternée, elle adorait régnant au ciel Celui qu'elle avait vu sans gloire en sa maison. Souvent aussi elle parcourait les villes et les bourgs, annonçant aux peuples le Christ Sauveur (Raban. De vita B. M. Magd. et S. Marthae, XLI.).
Sainte Marthe domptant la Tarasque. Anonyme. Chambéry. XVe.
Avignon et d'autres villes de la province Viennoise l'eurent pour apôtre. Tarascon fut par elle délivré de l'ancien serpent (Apoc. XX, 2.), qui sous une forme monstrueuse perdait les corps comme au dedans il tyrannisait les âmes. Ce fut là qu'au milieu d'une communauté de vierges qu'elle avait fondée, elle entendit le Seigneur l'appeler en retour de son hospitalité d'autrefois à celle des cieux. C'est là qu'aujourd'hui encore elle repose, protégeant son peuple de Provence, accueillant en souvenir de Jésus l'étranger. La paix des bienheureux qui respire en sa noble image, pénètre le pèlerin admis à baiser ses pieds apostoliques ; et en remontant les degrés de la crypte sacrée pour reprendre sa route dans cette vallée d'exil, il garde, comme un parfum de la patrie, le souvenir de l'unique et touchante épitaphe : SOLLICITA NON TURBATUR ; zélée toujours, elle n'est plus troublée.
La vision de sainte Marthe. La mort de sainte Marthe.
Marthe, née de parents nobles et riches, fut plus illustre encore par l'hospitalité du Christ Seigneur. Après son ascension au ciel, elle fut saisie par les Juifs avec son frère, sa sœur, Marcelle sa suivante, Maximin, l'un des soixante-douze disciples, qui avait baptisé toute cette maison. En leur compagnie et celle de beaucoup d'autres chrétiens, elle fut jetée sur la vaste mer, dans un vaisseau sans voiles et sans rames, au-devant d'un naufrage certain ; mais sous la conduite de Dieu, tous sains et saufs, le navire aborda à Marseille.
Sainte Marthe domptant la Tarasque. Heures à l'usage de Rome. XVIe.
Ce miracle et leur prédication amenèrent à croire au Christ les Marseillais d'abord, puis les habitants d'Aix et les nations limitrophes. Lazare fut fait évoque de Marseille, Maximin d'Aix. Madeleine, habituée à l'oraison et aux pieds du Seigneur, se retira dans la grotte déserte d'une montagne très élevée, pour y jouir de la meilleure part qu'elle avait choisie, dans la contemplation de la céleste béatitude ; là elle vécut trente ans, séparée de tout commerce des hommes, et tous les jours durant ce temps transportée par les Anges dans les hauteurs pour y entendre les chants des habitants des cieux.
Statue reliquire de sainte Marthe exorcisant la Tarasque.
Pour Marthe, son admirable charité et sainteté de vie lui gagna l'admiration et l'amour de tous les habitants de Marseille. Elle se retira avec plusieurs vertueuses femmes dans un lieu éloigné des hommes, où elle vécut longtemps en grande renommée de piété et de prudence. Enfin, glorifiée par ses miracles, ayant longtemps à l'avance prédit sa mort, elle passa au Seigneur le quatre des calendes d'août. Son corps repose à Tarascon en grande vénération.
Effigie processionnelle de la Tarasque. Tarascon. XIXe.
PRIERE
" Entrée pour jamais comme Madeleine en possession de la meilleure part, votre place, ô Marthe, est belle dans les cieux. Car celui qui sert dignement s'acquiert un rang élevé, dit saint Paul, et sa confiance est grande à juste titre dans la foi du Christ Jésus (I Tim. II, 13.) : le service que les diacres dont parlait l'Apôtre accomplissent pour l'Eglise, vous l'avez accompli pour son Chef et son Epoux ; vous avez bien gouverné votre maison (Ibid. 4.), qui était la figure de cette Eglise aimée du Fils de Dieu. Or, assure encore le Docteur des nations, " Dieu n'est point injuste, pour oublier vos œuvres et l'amour que vous avez témoigné pour son nom, vous qui avez servi les saints ". (Heb. VI, 10.).
Et le Saint des saints, devenu lui-même votre hôte et votre obligé, ne nous laisse-t-il pas déjà entrevoir assez vos grandeurs, lorsque parlant seulement du serviteur fidèle établi sur sa famille pour distribuer à chacun la nourriture au temps voulu, il s'écrie :
" Heureux ce serviteur que le Maître, quand il viendra, trouvera agissant de la sorte ! En vérité, je vous le dis, il l'établira sur tous ses biens." ( Matth. XXIV, 46, 47.).
Statue. Juan de la Huerta. Avignon. XVe.
Ô Marthe, l'Eglise tressaille en ce jour où le Seigneur vous trouva, sur notre terre des Gaules, continuant de l'accueillir en ces plus petits où il déclare que nous devons maintenant le chercher (Ibid. X, 42 ; XVIII, 5 ; XXV, 40.). Il est donc venu le moment de la rencontre éternelle ! Assise désormais, dans la maison de cet hôte fidèle plus qu'aucun aux lois de l'hospitalité, vous le voyez faire de sa table votre table (Luc. XXII, 30.), et se ceignant à son tour, vous servir comme vous l'avez servi (Ibid. XII, 37.).
Du sein de votre repos, protégez ceux qui continuent de gérer les intérêts du Christ ici-bas, dans son corps mystique qui est toute l'Eglise, dans ses membres fatigués ou souffrants qui sont les pauvres et les affligés de toutes sortes. Multipliez et bénissez les œuvres de la sainte hospitalité ; que le vaste champ de la miséricorde et de la charité voie ses prodigieuses moissons s'accroître encore en nos jours. Puisse rien ne se perdre de l'activité si louable où se dépense le zèle de tant d'âmes généreuses ! et dans ce but, Ô sœur de Madeleine, apprenez à tous, comme vous-même l'avez appris du Seigneur, à mettre au-dessus de tout l'unique nécessaire, à estimer à son prix la meilleure part (Ibid. X, 38-42.). Après la parole qui vous fut dite moins pour vous que pour tous, quiconque voudrait troubler Madeleine aux pieds de Jésus, ou l'empêcher de s'y rendre, verrait à bon droit le ciel froissé stériliser ses œuvres."
Tombeau de sainte Marthe. Eglise Sainte-Marthe. Tarascon. Provence.
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dimanche, 28 juillet 2024
28 juillet. Saint Samson (1/2), évêque de Dol-de-Bretagne, confesseur. vers 565.
- Saint Samson, évêque de Dol-de-Bretagne, confesseur. Vers 565.
Pape : Jean III. Roi de Domnonée : Judwal. Roi de Cornouailles : Alain Ier.
" Apostolos magnos praecipue effecit verus ac non simulatus gloriae atque pecuniae contemptus."
" Ce qui fait la grandeur des Apôtres, c'est leur mépris véritable et sincère de la gloire et de la richesse."
Saint Jean Chrysostome.
Statue de bronze de saint Samson.
Ammon et Anne, deux époux également illustres par leur naissance et par leurs vertus, dans la Grande-Bretagne, vivaient depuis plusieurs années sans avoir d'enfant, malgré leurs prières, leurs aumônes et leurs bonnes œuvres ; Dieu leur fit enfin connaître que leur voeu allait s'accomplir. L'an 480, il leur naquit un fils, qui fut nommé Samson aux fonts sacrés du Baptême. Samson naquit dans cette partie du South-Pays de Galles, aujourd'hui connue sous le nom de Glamorganshire. Cette contrée faisait partie du pays des Démètes, et était sur les frontières des Wénètes, qui habitaient la province appelée Guent (ou Gwent ou encore Gwend) par les Bretons, et présentement connue sous le nom de Moumouthshire. Ses parents n'oublièrent rien pour l'élever dans la crainte de Dieu et dans l'observance fidèle de ses commandements.
A l'âge de 5 ans, ayant déjà l'esprit ouvert, il leur fit paraître une inclination toute particulière pour les sciences, et demanda d'étudier. Son père y répugna d'abord, dans la crainte que son fils, devenu savant, ne se fît clerc ou religieux. Mais Dieu, qui avait inspiré de si bonnes inclinations à ce jeune homme, avertit Ammon, par un Ange, de le seconder. Cet excellent père obéit, et, quelque tendresse qu'il eût pour un fils si cher, il résolut d'en faire le sacrifice. Il le mena à saint Iltut, abbé d'un célèbre monastère de ce pays, qui, ayant connu d'abord les belles qualités de l'âme de cet enfant, le reçut avec joie.
Samson fut 10 ans sous la discipline d'un si bon maître, et bien qu'au bout de ce terme il n'eût encore que 15 ans, il avait fait des progrès si extraordinaires dans les sciences, qu'il égalait en doctrine les plus habiles de son temps. Il ne faut pas s'en étonner, puisque l'exercice de l'oraison était inséparable de ses études, et qu'il apprenait plus au pied du crucifix que dans tous les livres de philosophie. Un jour, qu'il était tombé sur une grande difficulté sans en pouvoir tirer la vraie solution, ni de son maître ni de ses livres, il eut recours à son refuge ordinaire, joignant à ses prières un jeûne rigoureux et d'autres austérités humiliantes. La troisième nuit, comme il était en oraison, toute sa chambre fut remplie d'une lumière extraordinaire, et, en même temps, il entendit une voix qui lui disait que " Dieu avait exaucé ses voeux, que, non-seulement il avait obtenu l'éclaircissement qu'il souhaitait, mais que, dans la suite, quelque grâce qu'il demandât du Ciel, elle lui serait accordée ". Cette promesse fut réalisée par de nombreux miracles.
Amon et Anne priant Dieu de leur accorder un enfant.
Un jour, saint Samson, encore écolier, alla avec ses compagnons par l'ordre de saint Iltut, pour arracher les mauvaises herbes d'une pièce de blé ; comme ils étaient occupés à ce travail, une vipère se glissa sous la robe d'un de ces jeunes écoliers, le mordit à la jambe, et l'infecta de son venin : la mort de cet enfant était imminente. Samson, se ressouvenant de la promesse qu'il avait reçue du Ciel, se mit en prières, puis, faisant couler de l'huile sainte et de l'eau bénite sur la plaie, il en fit sortir le venin goutte à goutte et rendit la santé au malade. Une autre fois, il chassa par sa parole, d'un champ nouvellement ensemencé, une nuée de corneilles qui s'y étaient arrêtées et qui mangeaient le grain qu'on y avait jeté, bien que saint Gildas, depuis abbé de Saint-Ruyer, et saint Paul, depuis évêque de Léon, avec tous leurs efforts, n'eussent pu les disperser. Et lorsqu'il fut évêque, il purgea encore les marais voisins de Dol d'une infinité d'oies sauvages qui, par leurs cris, troublaient extrêmement les religieux des monastères d'alentour, quand ils étaient en oraison, ou chantaient les divins offices.
Lorsque le jeune Samson eut achevé ses études, son père voulut le faire revenir, pour l'élever auprès de lui et en faire son appui dans le monde ; mais le saint jeune homme lui demanda avec tant d'instance la permission de se faire religieux, qu'Ammon, se souvenant des anciennes remontrances de l'Ange, n'osa lui refuser sa demande, dans la crainte de s'opposer aux desseins de Dieu. Samson vit donc l'accomplissement de son désir : il demanda l'habit monastique au saint abbé Iltut, qui le lui donna avec une joie incroyable, à la grande satisfaction de tous les religieux du monastère. Il ne fut pas plus tôt revêtu de ces précieuses livrées de Jésus-Christ, que, se dépouillant tout à fait du vieil Adam, il renonça à toutes les inclinations de la chair, pour ne plus suivre que celles de l'Esprit. Comme il redoubla sa première ferveur, il se rendit presque inimitable à ses frères dans la pratique des plus rares vertus. Sa vie était une oraison continuelle il y passait les nuits entières, et, s'il s'en dérobait quelques moments dans la journée, c'était pour s'appliquer à l'étude des saintes Ecritures ou à quelque autre chose pour l'utilité du monastère.
Son abstinence était surprenante. Depuis sa profession religieuse, il ne mangea jamais de chair ni de poisson, ni quoi que ce soit qui eût la vie sensitive : son jeûne était si extraordinaire, qu'il passait quelquefois une semaine entière sans rien manger, et, dans tout le Carême, il ne faisait ordinairement que 3 ou 4 repas, plutôt pour s'empêcher de mourir que pour tâcher de vivre. Il n'avait point d'autre lit que la terre; encore le plus souvent il dormait debout, appuyé seulement contre la muraille. Il faisait tant de cas de la chasteté, que cette rare vertu fut toute sa vie le plus bel ornement de son esprit et de son corps ; et, pour éviter ce qui aurait pu donner la moindre, atteinte à sa pudeur, il fuyait toute sorte de relations avec les femmes, et si la nécessité ou la charité l'obligeait de leur parler, il voulait qu'il y eût toujours quelqu'un qui l'accompagnât.
Saint Samson étudiant. Speculum historiale. V. de Beauvais. XIVe.
Dieu rehaussa les vertus de son serviteur par des signes miraculeux. Saint Dubrice, évêque de Caërlon, étant venu conférer les ordres dans le monastère, Samson reçut l'ordre du diaconat. Pendant cette cérémonie, on vit sur sa tête une blanche colombe qui fit connaître visiblement à tout le monde les profusions de grâce que le Saint-Esprit répandait dans son coeur au moment où le saint prélat imposait les mains sur son front. Ce prodige se renouvela plus tard, lorsqu'il reçut la prêtrise.
Des vertus si éminentes servaient beaucoup à augmenter le zèle de ses frères, qui avaient de bonnes inclinations et qui recherchaient leur perfection : elles ne furent, au contraire, qu'un sujet d'envie et de haine pour les deux neveux de l'abbé Iltut, dont l'âme était pervertie et les moeurs corrompues. Ils donnaient au Saint, dans toutes les rencontres, des marques de leur aversion, et l'excès de leur passion ne leur permettait pas de pouvoir la dissimuler. Le Saint, qui s'en aperçut aisément, eu fut extrêmement affligé, non qu'il craignît le mal qu'ils lui pouvaient faire, mais il était inconsolable du danger où il les voyait de se perdre. Il se regardait comme coupable de leur péché, parce qu'il en était l'objet et l'occasion, et cette vue pénétrait son coeur d'une douleur continuelle, qui le portait à faire des pénitences incroyables et des prières continuelles, pour obtenir la conversion de ces 2 malheureux. Mais plus il se sanctifiait à leur occasion, plus aussi croissaient leur rage et leur jalousie.
Celui des deux qui n'était pas prêtre avait la charge d'apothicaire de la maison. Cet emploi leur fit naître la pensée d'empoisonner le Saint, et ils s'imaginèrent qu'ils en viendraient à bout en lui présentant quelque breuvage. On avait la pratique, dans cette maison, de donner aux religieux, à certains temps, du jus de quelques herbes médicinales, pour la conservation de leur santé, et il n'était permis à personne de s'en abstenir. Ces deux malheureux, firent une potion empoisonnée, composée du suc de quelques plantes mortelles, dont ils essayèrent la force sur un animal à qui ils en donnèrent quelques gouttes dans du lait, et l'animal en mourut sur-le-champ.
Saint Samson recevant le diaconat de saint Dubrice.
Lorsque Samson se présenta pour boire, ils lui donnèrent une tasse pleine de cette boisson pernicieuse. Le Saint s'aperçut bien que le breuvage qu'on lui présentait était très différent des autres ; mais pour ne point donner sujet à ses ennemis de se plaindre qu'il les eût soupçonnés légèrement, et plein de confiance en Celui qui a dit dans l'Evangile que ceux qui auraient une foi vive boiraient les breuvages les plus mortels sans qu'ils leur puissent nuire, il avala tout ce qu'on lui avait donné, sans en ressentir aucun mal, au grand étonnement de ceux qui lui avaient préparé cette coupe empoisonnée. Samson, sachant bien que c'était à Dieu seul qu'il était redevable de la conservation de sa vie, en consacra de nouveau tous les moments à son service pour lui témoigner sa reconnaissance, et il remercia l'apothicaire d'une manière si douce et si honnête, qu'il gagna ce religieux, beaucoup moins méchant que le prêtre son frère, et le toucha tellement qu'il se repentit de son crime, et fit tous ses efforts pour réduire son frère à la raison, à quoi néanmoins il ne put réussir, tant l'envie possédait celui-ci.
Le dimanche suivant, Samson, faisant l'office de diacre au saint autel, présenta, selon la coutume, le calice à ce méchant prêtre. Mais ce sacrilège n'eut pas plus tôt communié, que le démon s'empara de lui dans le moment, et le tourmenta d'une manière horrible et honteuse ; ce qui causa tant de frayeur à son frère, qu'il confessa publiquement leur crime commun. Il promit d'en faire pénitence le reste de ses jours, et offrit même de les employer entièrement au service du Saint, pour réparer le mal qu'il avait voulu lui faire. Toute la communauté, extrêmement surprise et affligée, et Iltut à leur tête, supplièrent Samson de ne pas leur imputer le crime des deux frères.
Mais Samson, bien loin d'avoir le moindre mouvement d'indignation contre personne, était le plus désolé de tous, et se plaignait affectueusement à Dieu de ce qu'à son occasion il avait puni si sévèrement son confrère, et lui demandait pardon avec une contrition incroyable, comme s'il avait été coupable de tout le mal qu'on avait fait. Une si grande bonté donna la hardiesse aux religieux de le supplier de s'employer auprès de Dieu pour la délivrance du possédé, et d'avoir la charité de l'aller voir. Il le fit avec toute la tendresse possible, et le démon, ne pouvant souffrir les soins charitables d'un homme qui rendait si héroïquement le bien pour le mal, quitta le religieux, et le laissa sain et sauf à Samson, comme un trophée de l'amour des ennemis, d'autant plus glorieux que, pénitent de sa faute, ce religieux ne voulut plus depuis abandonner le saint.
Ordination de saint Samson par saint Dubrice, évêque de Caërlon.
Après que Samson eut exercé 2 ans son office de diacre, le même saint Dubrice lui conféra l'ordre de prêtrise, et il y eut encore dans cette circonstance une apparition de colombe pareille à la première. Cette sainte dignité fut pour Samson un nouveau motif d'augmenter les rigueurs de sa vie pénitente ; et ce fut alors qu'il lui sembla que la règle commune du monastère n'était pas assez austère pour lui.
Cependant, dans le désir de mener une vie plus cachée, car l'éclat de ses vertus et de ses miracles l'avait déjà rendu trop célèbre dans le pays où il était, notre saint religieux demanda à saint Iltut la permission de se retirer dans un autre monastère, gouverné par l'abbé Pyron, situé dans une île assez écartée dans la mer. Celui-ci la lui accorda ; mais il n'y demeura pas longtemps, car, peu de jours après son arrivée, il lui vint un courrier de la part de son père pour lui annoncer qu'il était à l'extrémité et qu'il désirait, qu'il avait même besoin de voir ce cher fils avant de mourir. L'abbé Pyron commanda à notre Bienheureux d'aller rendre ses derniers devoirs à ce bon vieillard. Il obéit, et, recevant cet ordre comme venu du Ciel, il partit aussitôt avec un autre religieux du même monastère qui lui fut donné pour compagnon.
Comme ils passaient par une forêt qui se rencontra sur leur chemin, le démon leur apparut sous la figure d'une femme qui n'oublia rien pour ébranler leur chasteté. Mais voyant que tous ses efforts étaient inutiles, il déchargea sa colère sur le compagnon de notre Saint ; il le jeta contre terre, le traîna dans le bois parmi les ronces et les épines et enfin l'accabla de mille coups. Samson, ne pouvant voir sans horreur cette insulte de Satan, fit d'une seule action un double miracle ; car, ayant recours à ses armes ordinaires, l'oraison et le signe de la croix, il mit en fuite le démon et guérit son compagnon de ses plaies ; et même, en lui rendant ses premières forces, il lui redonna aussi le courage de poursuivre leur route. Ils arrivèrent donc enfin au logis d'Ammon. Dès que cet illustre vieillard aperçut son fils, il en eut une si grande joie et prit tant de confiance en sa vertu et en ses mérites qu'il mit toute sa conscience entre ses mains et lui fit sa confession comme pour mourir.
Samson n'eut pas une moindre consolation, de son côté, de voir les bons sentiments de son père ; et par les ferventes prières qu'il fit à Dieu en sa faveur, il lui obtint la rémission de tous ses péchés et la guérison parfaite de sa maladie. Le vieillard fut si reconnaissant de ce double bienfait que, voulant consacrer au service de Dieu cette vie qu'il ne tenait plus que par un miracle du Ciel, il résolut de se faire religieux avec cinq de ses fils, frères de Samson, qui s'estimèrent heureux de prendre le parti de leur père. Son épouse, qui avait consenti à cette pieuse vocation, suivit la même route ; elle se fit aussi religieuse dans un monastère de filles, où elle passa saintement le reste de ses jours.
Ainsi, toute cette noble famille se sépara généreusement du monde pour aller chercher avec plus d'assurance, dans la solitude, l'unique objet de leur amour et de leurs désirs. Ils avaient encore une fille ; elle trouva cet état trop rigoureux pour elle et refusa de l'embrasser. Notre Saint, ne pouvant faire autre chose, se contenta de la recommander à ses proches pour en prendre soin et la conserver dans la pudeur et l'innocence. Il convertit de même Umbrafel, son oncle, et sa tante Asfrelle, qui suivirent en tout l'exemple d'Ammon et d'Anne.
Saint Samson, après avoir rendu grâces à Dieu d'une si belle conquête, s'en retourna dans son île avec une satisfaction qui ne peut s'exprimer. Mais sa joie fut bientôt changée en tristesse par la mort de l'abbé Pyron, qui arriva peu de temps après son retour. Cette douleur devint encore plus sensible lorsqu'il apprit que tous les religieux avaient jeté les yeux sur lui pour le faire leur abbé à la place de celui qu'ils venaient de perdre. Il fit tout ce qu'il put pour s'en défendre ; mais, enfin, il fut contraint de baisser la tête et de soumettre ses épaules à ce joug. Il se comporta, dans cette charge, avec tout le zèle, toute la prudence et toute la charité qu'on peut désirer dans un digne supérieur. Il eut aussi toujours un amour admirable pour les pauvres ; il défendit expressément d'en jamais rebuter aucun. Un jour, il avait ordonné qu'on donnât tout le miel des ruches, n'y ayant rien autre chose dans la maison ; le lendemain elles se trouvèrent plus pleines qu'auparavant, tant cette charité était agréable à Dieu. Cependant, comme son coeur aspirait toujours à la solitude, après avoir gouverné son abbaye environ 18 mois, il songea aux moyens de l'abandonner.
Intronisation de saint Samson.
La Providence divine conduisit en ce temps-là dans sa maison quelques religieux Scots qui retournaient de Rome en leur pays. Samson, s'entretenant avec eux, reconnut de grands trésors de science et de vertu dans ses hôtes, et remarqua qu'ils étaient incomparablement plus versés dans l'Ecriture sainte et dans la théologie que tous ceux qu'il avait connus jusque-là ; de sorte qu'espérant profiter beaucoup à leur école, il obtint permission de saint Dubrice de les suivre en Irlande. Il y demeura quelque temps avec eux en qualité de disciple, moins savant, à la vérité, mais beaucoup plus saint que ses maîtres ; et le don des miracles, que Dieu lui donna pour lors avec plus de plénitude qu'auparavant, le rendit fameux dans toute l'Hibernie.
Les honneurs qu'il y reçut furent cause que sa demeure dans ce pays devint insupportable à son humilité ; et ses maîtres ne lui pouvant plus rien apprendre, lui permirent de retourner à son monastère. Un navire tout prêt à faire voile lui en donnait l'occasion, et l'on n'attendait que lui pour se mettre en mer. On le pressait, et on le menaçait même de partir sans lui, s'il différait encore d'un moment : " Allez, leur dit alors le Saint, partez quand vous voudrez ; j'ai encore affaire ici pour tout un jour; mais demain sans faute nous ferons voyage ensemble ".
Ils le laissèrent à terre, et mirent à la voile. A peine furent-ils partis, que des religieux vinrent trouver Samson, et le prier de vouloir bien délivrer leur abbé, qui était possédé du démon. Le Saint, qui avait prédit qu'il avait encore cette affaire à terminer dans l'île, se transporta tout aussitôt au monastère de ces religieux qui n'était pas éloigné du port. Il fit sa prière et délivra l'énergumène, qui fut si reconnaissant, qu'il donna son abbaye à Samson, la lui soumit, et prit la résolution de n'abandonner jamais son libérateur. Le Saint, après avoir exhorté les religieux de cette maison à vivre conformément à leurs règles et à tendre toujours à la plus grande perfection, leur promit de leur envoyer bientôt un supérieur à la place de celui qu'il venait de guérir et auquel il avait permis de le suivre. Revenant ensuite au lieu d'où le navire était parti le jour précédent, il l'y trouva encore, parce qu'un coup de vent l'avait contraint de relâcher. Il s'y embarqua comme il l'avait prédit ; dès qu'il fut à bord, on eut un vent favorable, et Samson arriva heureusement à son monastère au bout de 3 jours.
Saint Samson change des porcs en chèvres.
Ce lui fut un grand sujet de joie d'apprendre que son père et son oncle étaient les deux plus réguliers et plus parfaits religieux de sa communauté, et plus particulièrement encore Umbrafel, son oncle ; ce qui l'obligea de l'envoyer comme abbé au monastère d'Irlande, qui lui avait été donné, et où il avait promis de choisir un de ses religieux pour le gouverner. Ammon y accompagna son frère par le commandement de son fils, quelque désir qu'il témoignât de suivre celui-ci partout. Mais Samson, sans avoir aucun égard aux sentiments naturels, fit partir son oncle et son père en sa présence, pour aller où il jugeait qu'ils étaient appelés de Dieu. Il prit ensuite la résolution de se retirer dans quelque désert, avec quatre des plus fervents et des plus parfaits de ses religieux, et passa pour cet effet en terre ferme, quelques efforts que sa communauté pût faire pour le retenir.
S'étant beaucoup avancé, on remontant le long des bords de la Saverne, il découvrit enfin un lieu tel qu'il le souhaitait. C'était une grotte cachée au fond d'une forêt très épaisse, écartée du commerce du monde, et néanmoins peu éloignée des ruines d'un vieux château. Il établit dans ces masures ses quatre religieux. Il n'y avait aucun sentier qui conduisît du château à la caverne où il se retira, et où il défendit à ses disciples de le venir trouver. Se persuadant alors qu'il n'avait rien fait jusque-là, il disait avec le Prophète : " C'est à présent que je vais commencer tout de bon ". Ce qu'on dit de son abstinence n'est presque pas croyable, car on assure qu'il jeûnait régulièrement les semaines entières sans prendre aucun aliment, et que le dimanche il mangeait la quatrième partie d'un pain qu'on lui donnait tous les mois. La prière, la contemplation et la lecture de l'Ecriture sainte étaient tous ses exercices ; il ne sortait de sa caverne que le dimanche, pour aller célébrer la messe dans l'oratoire que ses religieux avaient bâti dans le lieu de leur demeure, où il les communiait, les exhortait à la perfection ; après quoi il se retirait à travers les bois dans sa caverne, sans que le peuple qui venait à sa Messe pût savoir ce qu'il était devenu.
Ce genre de vie plaisait infiniment à Samson ; mais plus il se cachait, plus sa renommée devenait grande aux environs, et plus on eut envie de connaître un homme si extraordinaire. Quelqu'un s'attacha si bien à l'observer et à le suivre, qu'il découvrit enfin la grotte où il se retirait. L'évêque du diocèse, tenant un synode à quelques lieues de l'endroit où vivaient les saints anachorètes, entendit parler de leur vie admirable, et surtout de la conduite surprenante de leur supérieur. Le récit qu'en en fit à l'assemblée donna à tous l'envie de le voir et de le connaître ; et l'homme qui avait découvert le lieu de sa retraite s'offrit à servir de guide à ceux qu'on voudrait envoyer vers lui.
Saint Samson franchit la Manche pour gagner l'Armorique.
Quelques ecclésiastiques furent députés, qui l'amenèrent au synode, où tout le monde lui fit beaucoup d'honneur, et où il ne parut qu'avec bien de la confusion de sa part. On lui commanda de quitter cette vie sauvage, où il n'était bon qu'à lui seul, pour reprendre la vie cénobitique, où il serait utile à plusieurs ; et, pour lui ôter tout prétexte d'excuse, on le fit abbé d'un célèbre monastère que saint Germain d'Auxerre avait autrefois bâti dans cette contrée, et qui pour lors était sans supérieur.
L'assemblée voulut l'entendre prêcher avant qu'il partît, et il le fit par obéissance, avec beaucoup de simplicité apparente, mais au fond avec tant de force, tant de zèle, une si vive pénétration et un emploi si judicieux des paroles de l'Ecriture sainte, que les moins sensibles en furent touchés, et que tous jugèrent qu'une si grande lumière devait être tirée de l'obscurité du cloître pour être placée dans un lieu plus éminent.
Peu de temps après la tenue de ce synode, 3 évêques de la province s'assemblèrent au monastère de Samson pour ordonner un évêque dont le siége n'est point marqué. L'écrivain de la vie du Saint dit à ce propos que l'usage des églises de Cambrie était que l'on ne sacrait jamais un évêque seul ; et, comme il fallait, selon les canons, 3 évêques pour en ordonner 1 nouveau, que ces évêques de Cambrie ordonnaient toujours aussi 2 évêques assistants, avec celui qui devait remplir le siège vacant, de manière qu'il y avait toujours autant d'évêques ordonnés qu'il y en avait à les ordonner. On avait déjà choisi 2 sujets qui devaient recevoir l'imposition des mains, et l'on ignorait encore qui serait le troisième, parce que les prélats avaient remis sa nomination au temps de leur assemblée, après qu'ils en auraient conféré.
La veille du jour qu'ils devaient faire leur choix, Samson, passant selon sa coutume la nuit en prières, eut une admirable vision. Il lui sembla qu'au milieu d'une assemblée de personnes toutes vêtues de blanc et brillantes comme des astres, 3 prélats d'une majesté éclatante, revêtus d'ornements épiscopaux, le pressaient d'entrer dans l'église avec eux ; qu'il avait pris la liberté de leur demander respectueusement qui ils étaient., et qu'on lui avait répondu que l'un d'eux était Pierre, prince des Apôtres; l'autre, Jacques, frère du Seigneur, et le troisième, Jean, son bien-aimé disciple, envoyés de Dieu pour le sacrer évêque ; ce qu'ils firent ensuite avec les cérémonies ordinaires ; après quoi tout disparut.
Saint Samson. Détail. Vitrail contemporain inauguré
le 7 avril 2007 du maître verrier Emmanuel Prutanier.
Chapelle Saint-Samson. Ploemeur-Bodou. Bretagne.
Saint Dubrice, dans cette même nuit, fut averti par un Ange que Dieu avait choisi Samson pour être le troisième de ceux qu'on devait sacrer. Samson fut donc élu pour être le troisième et reçut l'imposition des mains avec les 2 autres ; mais une colombe blanche, lumineuse et visible à tous les assistants, parut encore sur sa tête lorsqu'on le fit asseoir sur le trône, et, se reposant tranquillement sur lui, elle ne s'envola point, quelque bruit et quelque mouvement que l'on fit jusqu'à la fin de la cérémonie. Pendant qu'il célébra le saint Sacrifice de la Messe, tous les assistants virent des flammes de feu sortir de sa bouche, de ses oreilles et de ses narines, et sa tête environnée de rayons comme le soleil ; et ce lui fut depuis une faveur assez ordinaire de voir des Anges à ses côtés, qui le servaient à l'autel.
L'emploi d'évêque auxiliaire ne suffisait pas au zèle immense de Samson, quoique ce fût déjà trop pour son humilité : Dieu le destinait à un ministère plus considérable. Quelques années après son sacre, une nuit de Pâques, un ange l'avertit qu'il devait traverser la mer et aller en France, dans l'Armorique, gouverner le troupeau que Dieu lui avait destiné. Avant de partir, Samson alla visiter sa mère, sa tante et ses autres parents ; de là, il alla d'abord évangéliser un pays au-delà de la Saverne, où régnait encore l'idolâtrie.
Un jour que Samson voyageait avec ses frères, il se trouva dans la nécessité de passer près d'un village dont les habitants célébraient, en présence du comte du pays, une fête païenne en l'honneur d'une ancienne idole qu'ils avaient conservée, et dont le culte consistait en jeux, en danses, en festins et en tontes sortes de dissolutions. C'est en ces occasions que la superstition est opiniâtre, parce que la sensualité la soutient ; et les fêtes où les sens trouvent leur satisfaction sont toujours les mieux gardées. Un jeune homme qui conduisait un char s'étant laissé tomber, mourut sur-le-champ de sa chute. Saint Samson s'étant fait apporter le corps, resta deux heures en prières, et lui rendit la vie. La résurrection de ce jeune homme toucha tellement tous les assistants, qu'ils aidèrent eux-mêmes à renverser leur idole, et qu'ils renoncèrent pour jamais à leurs fêtes sensuelles.
Le lecteur trouvera bon que nous l'avertissions, en passant, de ne pas se révolter contre un récit qui lui fait voir des idoles encore conservées et honorées parmi les Chrétiens dans le 6ième siècle de l'Eglise ; attendu que dans notre Bretagne et au temps de nos pères, on en a vu subsister jusqu'au XVIIe siècle avec une espèce de culte. Témoigne la statue de Vénus, ou de quelque autre fausse divinité, qu'on voit près d'Auray, dans les jardins du château de Quinipili, appelée " Groueg-Houarn ", c'est-à-dire " Femme de fer ", à cause de la couleur de la pierre dont est faite cette figure, à laquelle les paysans ont rendu jusqu'au siècle de Louis XIV un culte scandaleux.
Saint Samson délivra d'autres villageois du voisinage d'un serpent très venimeux, dans la caverne duquel il voulut habiter, et bâtit un monastère auprès. Par le moyen de ce miracle et de plusieurs autres qui servirent de confirmation à ses discours, il sanctifia toutes ces contrées. Ses compagnons l'assistaient dans les fonctions apostoliques, chacun de son côté. Il employa quelques années à cette mission, où le fruit qu'il faisait le retint plus qu'il ne l'avait résolu. Mais enfin voulant passer dans l'Armorique, où il lui était commandé d'aller, il fit venir d'Hibernie son père Ammon, et l'établit abbé du monastère qu'il avait bâti auprès du lieu d'où il avait chassé le serpent, et qù l'écrivain de sa vie dit avoir vu le signe de la croix sculpté sur une pierre très dure par le Saint lui-même. Il voulut ainsi faire triompher le Sauveur du monde, et le faire révérer dans le lieu qui avait servi de base à une idole que la superstition de ces peuples y avait adorée.
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28 juillet. Saint Samson (2/2), évêque de Dol-de-Bretagne, confesseur. vers 565.
Saint Samson rencontre Privatus, seigneur de la région de Dol,
sa femme atteinte de la lèpre et leur fille possédée.
Verrière de la cathédrale Saint-Samson de Dol-de-Bretagne.
Saint Dubrice, dans cette même nuit, fut averti par un Ange que Dieu avait choisi Samson pour être le troisième de ceux qu'on devait sacrer. Samson fut donc élu pour être le troisième et reçut l'imposition des mains avec les 2 autres ; mais une colombe blanche, lumineuse et visible à tous les assistants, parut encore sur sa tête lorsqu'on le fit asseoir sur le trône, et, se reposant tranquillement sur lui, elle ne s'envola point, quelque bruit et quelque mouvement que l'on fit jusqu'à la fin de la cérémonie. Pendant qu'il célébra le saint Sacrifice de la Messe, tous les assistants virent des flammes de feu sortir de sa bouche, de ses oreilles et de ses narines, et sa tête environnée de rayons comme le soleil ; et ce lui fut depuis une faveur assez ordinaire de voir des Anges à ses côtés, qui le servaient à l'autel.
L'emploi d'évêque auxiliaire ne suffisait pas au zèle immense de Samson, quoique ce fût déjà trop pour son humilité : Dieu le destinait à un ministère plus considérable. Quelques années après son sacre, une nuit de Pâques, un ange l'avertit qu'il devait traverser la mer et aller en France, dans l'Armorique, gouverner le troupeau que Dieu lui avait destiné. Avant de partir, Samson alla visiter sa mère, sa tante et ses autres parents ; de là, il alla d'abord évangéliser un pays au-delà de la Saverne, où régnait encore l'idolâtrie.
Un jour que Samson voyageait avec ses frères, il se trouva dans la nécessité de passer près d'un village dont les habitants célébraient, en présence du comte du pays, une fête païenne en l'honneur d'une ancienne idole qu'ils avaient conservée, et dont le culte consistait en jeux, en danses, en festins et en tontes sortes de dissolutions. C'est en ces occasions que la superstition est opiniâtre, parce que la sensualité la soutient ; et les fêtes où les sens trouvent leur satisfaction sont toujours les mieux gardées. Un jeune homme qui conduisait un char s'étant laissé tomber, mourut sur-le-champ de sa chute. Saint Samson s'étant fait apporter le corps, resta 2 heures en prières, et lui rendit la vie. La résurrection de ce jeune homme toucha tellement tous les assistants, qu'ils aidèrent eux-mêmes à renverser leur idole, et qu'ils renoncèrent pour jamais à leurs fêtes sensuelles.
Saint Samson exorcise la fille de Privatus et guérit sa femme.
Le lecteur trouvera bon que nous l'avertissions, en passant, de ne pas se révolter contre un récit qui lui fait voir des idoles encore conservées et honorées parmi les Chrétiens dans le VIe siècle de l'Eglise ; attendu que dans notre Bretagne et au temps de nos pères, on en a vu subsister jusqu'au XVIIe siècle avec une espèce de culte. Témoigne la statue de Vénus, ou de quelque autre fausse divinité, qu'on voit près d'Auray, dans les jardins du château de Quinipili, appelée " Groueg-Houarn ", c'est-à-dire " Femme de fer ", à cause de la couleur de la pierre dont est faite cette figure, à laquelle les paysans ont rendu jusqu'au siècle de Louis XIV un culte scandaleux.
Saint Samson délivra d'autres villageois du voisinage d'un serpent très venimeux, dans la caverne duquel il voulut habiter, et bâtit un monastère auprès. Par le moyen de ce miracle et de plusieurs autres qui servirent de confirmation à ses discours, il sanctifia toutes ces contrées. Ses compagnons l'assistaient dans les fonctions apostoliques, chacun de son côté. Il employa quelques années à cette mission, où le fruit qu'il faisait le retint plus qu'il ne l'avait résolu. Mais enfin voulant passer dans l'Armorique, où il lui était commandé d'aller, il fit venir d'Hibernie son père Ammon, et l'établit abbé du monastère qu'il avait bâti auprès du lieu d'où il avait chassé le serpent, et qù l'écrivain de sa vie dit avoir vu le signe de la croix sculpté sur une pierre très dure par le Saint lui-même. Il voulut ainsi faire triompher le Sauveur du monde, et le faire révérer dans le lieu qui avait servi de base à une idole que la superstition de ces peuples y avait adorée.
Sa dernière résolution étant prise, il exhorta son père à consommer saintement le peu qui lui restait de vie, ses religieux à se souvenir des avis salutaires qu'il leur avait donnés, et les peuples à persévérer dans la pureté de la foi qu'il leur avait enseignée, sans retourner jamais à leurs superstitions. Après quoi, suivi d'un grand nombre de saints religieux qui ne voulurent point le quitter, de saint Magloire et de saint Malo, il s'embarqua et vint heureusement aborder à la partie la plus orientale de la côte septentrionale de la Bretagne armoricaine, à un petit port nommé alors Winiau, que forme l'embouchure d'une rivière appelée le Petit-Gouyon.
A son débarquement, il rencontra un seigneur de l'endroit, nommé Privatus, qui paraissait très-affligé ; il lui demanda le sujet de sa tristesse. Privatus lui répondit que sa femme était couverte de lèpre et que sa fille était possédée du démon ; que c'était là ce qui causait sa douleur. Saint Samson le suivit dans sa maison, et ayant vu ces pauvres désolés, il les guérit miraculeusement l'une et l'autre. Privatus, voulant reconnaitre une grâce si extraordinaire, offrit au saint évêque un lieu sur ses terres pour y établir sa demeure. Saint Samson accepta son offre et fit bâtir un monastère qui fut appelé Dol, qui vent dire douleur, à cause du pitoyable état où était cette famille à l'arrivée du Saint. D'autres prétendent que le pays portait le nom de Dol avant l'arrivée du Saint : ce mot Dol, en breton cambrien, signifie " terre basse et fertile ", ce qui convient très bien, dit-on, à cette contrée. On y a édifié une ville entière qui porte le même nom et qui a été quelque temps un siége épiscopal, comme nous le dirons dans la suite. Peu de temps après, saint Samson fit encore bâtir, à Landtmeur (Lanmeur), un couvent dont il fit son neveu, saint Magloire, le premier abbé.
Saint Samson présente au roi Childebert le
serpent venimeux qu'il est parvenu à enchaîner.
Verrière de la cathédrale Saint-Samson de Dol-de-Bretagne.
Cependant, de furieux troubles s'élevèrent dans la Bretagne par l'ambition et la tyrannie de Canao, qui tua lui-même le roi Jonas, par surprise, un jour qu'il était à la chasse. Saint Samson, extrêmement irrité d'un meurtre si horrible, n'eut pas de peine à se laisser aller aux prières des principaux du pays, qui le conjurèrent de faire un voyage à Paris pour y demander du secours à Childebert, roi des Francs, en faveur de Judual, fils du défunt et légitime héritier de sa couronne. Le succès répondit à leur désir. Le saint évêque fit son voyage avec, toute sorte de bonheur, vers l'an 534. Un grand nombre de miracles que fit le Saint durant le chemin et à la cour, entre autres la mort d'un serpent très venimeux, et surtout la guérison d'un seigneur possédé du démon, lui valut un accueil très empressé auprès du roi Childebert.
Ce prince ne crut pas devoir rétablir si vite le jeune Judual dans les Etats de son père, à cause peut-être des difficultés de l'entreprise, et aussi parce que la reine Ultrogothe s'y opposait pour des motifs qu'il n'est pas opportun de décrire ici.
Mais, plein de vénération pour Samson dont il voyait les vertus et les miracles, il lui donna des terres sur la rivière de Risle, entre Brionne et Pont-Audemer, en Normandie. Notre Saint y bâtit le monastère de Pentalle (qui n'existe plus depuis longtemps), qu'il soumit, avec la permission de Childebert, à celui de Dol. Une fois, en allant à ce monastère, Samson passa par une maison de campagne de saint Germain, évêque de Paris, qui y était au temps des vendanges. Là il obtint une fontaine d'eau vive que saint Germain n'avait pas eu la pensée de demander à Dieu. Les deux Saints firent alors, dit-on, l'association de leurs monastères, à la condition qu'un des deux fournirait du vin à l'autre, qui n'en avait point, et que celui-ci, qui abondait en abeilles, donnerait à l'autre communauté du miel et de la cire.
Notre Saint obtint enfin que Judual rentrât en possession de ses Etats ; ce prince, en reconnaissance, fit des présents considérables au monastère de Dol ; à sa prière et à celle de Childebert, le pape Pélage Ier érigea ce monastère en évêché, tous les évêques de la Bretagne en ayant aussi témoigné le désir, et disant qu'ils recevraient volontiers ce saint prélat dans leur corps. Le pontife de Rome envoya un pallium à saint Samson, qui le reçut, pieds nus et prosterné devant l'autel. Depuis ce temps-là, les prélats qui lui ont succédé dans ce siège ont longtemps prétendu, contre les archevêques de Tours, au droit de métropolitain et à l'usage du pallium ; mais le pape Innocent III les déchut de leurs droits, en déclarant que saint Samson avait été simplement évêque de Dol, bien qu'il eût reçu la permission de se servir des ornements de cette dignité. Et c'est pour cela que ses successeurs conservaient encore la croix avant la suppression de ce siége, qu'ils la faisaient porter devant eux dans leur diocèse et qu'ils en timbraient leurs armes.
Cette histoire du pallium de saint Samson est racontée très diversement, très embrouillée, très contestée. N'ayant pu découvrir la vérité, nous avons laissé, à titre de document, ce passage du père Giry tel qu'il était.
Sarcophage de saint Samson. Déposé dans le jardin du
presbytère par l'abbé Pierre Chevrier, curé de Dol entre
1841 et 1866 ; c’est celui qui reçut le corps de saint Samson.
Mais revenons à notre illustre Saint : se voyant encore une fois engagé dans l'office de pasteur, il employa tous ses soins pour veiller sur le troupeau de Jésus-Christ qui lui était confié. Il visitait lui-même, une fois l'année, tout son diocèse, et, tous les ans, au premier jour de novembre, il assemblait son Synode provincial, où il travaillait avec un zèle incroyable au bon règlement de son évêché, à la réformation des moeurs du clergé et du peuple, au rétablissement et à l'ornement des églises et des hôpitaux, et mettait ses soins à remplir les cures d'ecclésiastiques qui fussent savants et vertueux.
Ce fut ce même zèle pour la maison de Dieu qui le fit transporter de nouveau à Paris, pour y assister au troisième Concile qui fut convoqué dans cette fameuse ville en 557 ; il y fit paraître sa profonde humilité car il ne voulut point souscrire entre les archevêques, comme il eût pu le prétendre ; il signa seulement l'avant-dernier de tous les évêques, en ces termes :
" Samson, pécheur, j'ai signé."
Cette même humilité lui fit refuser d'aller loger dans un appartement que le roi lui avait fait préparer dans son palais, ayant mieux aimé se retirer dans le monastère bâti par saint Germain, sous le nom de Saint-Vincent, et dont nous avons parlé ci-dessus. Notre Saint était, à cette époque, tout cassé par l'âge : il voyageait dans un chariot ; une des roues s'étant brisée, dans la Beauce, en un endroit où il n'y avait ni charron, ni aucun ouvrier, ni aucun bois, ceux qui l'accompagnaient furent consternés ; mais Samson fit le signe de la croix sur la roue qui fut aussitôt rétablie. Childebert, informé du miracle, voulut qu'on bâtit un monastère en ce lieu : notre saint l'appela Rotmou et le mit sous la dépendance de l'abbaye de Dol.
Cathédrale Saint-Samson de Dol-de-Bretagne.
En s'en retournant à son évêché, il fit dans tout le chemin des miracles continuels ; entre autres il fit sortir du corps d'un homme une couleuvre qui y était entrée pendant son sommeil. Etant arrivé à la ville de Dol, il retira 2 agonisants des portes de la mort ; il délivra 8 démoniaques et obtint la fécondité à plusieurs femmes stériles ; enfin, il rendit la vue à une dame de qualité qui l'avait perdue en punition de ce que, au mépris de sa défense, elle était entrée dans son monastère. Tels furent les miracles de ce grand Saint, qui passa, depuis, le reste de ses jours, ou plutôt toute sa vieillesse, dans la même ferveur, les mêmes oraisons, les mêmes jeûnes, les mêmes veilles et les mêmes austérités qu'il avait pratiquées dans la plus grande vigueur de son âge, et avant qu'il fût élevé à la prélature.
Mais enfin, Dieu, voulant récompenser ses mérites d'une couronne éternelle, lui envoya une maladie qui lui fit connaître que l'heure de son triomphe approchait. Alors, il fit appeler ses chanoines et ses religieux ; il les avertit de son trépas, leur présenta saint Magloire comme un autre Elisée, qu'il leur laissait avec l'esprit d'Elie, afin qu'ils en fissent l'élection pour son successeur, et, après avoir fait un discours des plus touchants et reçu de leurs mains les derniers Sacrements avec une dévotion qui tirait les larmes des yeux de tous les assistants, il leur donna sa bénédiction puis il rendit son esprit à son Dieu, le 28 juillet, l'an de Notre Seigneur 565.
Trois saints prélats honorèrent ses pompes funèbres : saint Brieuc, qui a donné son nom à sa ville et à son évêché; saint Gurval, évêque de Saint-Malo, et saint Ruélin, évêque de Tréguier. Les Anges voulurent aussi assister à ses obsèques : car, pendant qu'on faisait la cérémonie de son enterrement, il parut une lumière extraordinaire sur son tombeau, et l'on entendit un concert dont l'harmonie était si charmante, que chacun jugea bien qu'elle venait du Ciel. Les principaux disciples de Samson furent saint Magloire, son diacre et son successeur à Dol ; saint Budoc, successeur de saint Magloire ; saint Similien, abbé du monastère de Taurac ; saint Ethbin et saint Guénolé le Jeune, tous deux religieux du même monastère de Taurac ; le fameux saint Méen, fondateur de celui de Gaël ; outre le père, l'oncle, la mère, la tante, les frères, les cousins du Saint et plusieurs grands hommes en France, dans l'une et dans l'autre Bretagne, qui ont porté partout le nom et la gloire de Samson.
On le représente, tantôt avec une colombe planant sur sa tète, et quelquefois chassant devant lui un dragon.
Cathédrale Saint-Samson de Dol-de-Bretagne.
CULTE ET RELIQUES
Le nom de Samson est le premier dans les litanies anglaises du VIIe siècle, entre les saints confesseurs de la nation. Sa fête est marquée à 9 leçons dans les anciens bréviaires de Dol, de Léon et de Saint-Brieuc, au 28 de juillet, et à 12 dans celui de l'abbaye de Saint-Méen. Sa mémoire est aussi célébrée dans les bréviaires de Nantes, de Quimper, de Rennes, de Tréguier, d'Orléans, et dans les martyrologes romains d'Usuard et autres.
L'église cathédrale, aujourd'hui paroisse de Dol, porte le nom de Saint-Samson, aussi bien que plusieurs églises paroissiales dans les autres diocèses. Son corps fut enlevé de celle de Dol, du temps des Normands, et porté à Paris, nous le roi Lothaire, par Salvator, évêque de l'ancien siège d'Aleth (situé sur la rive occidentale de la Rance en face de la ville de Saint-Malo), avec plusieurs autres corps saints, et depuis une partie fut rapportée eu Bretagne.
Chapelle et autel de Saint-Samson.
Cathédrale Saint-Samson de Dol-de-Bretagne.
L'Eglise de Dol possédait un fémur, un tibia, quelques fragments d'autres ossements et quelques vertèbres de son saint patron. Ces saintes reliques furent visitées et transférées dans une châsse neuve, le 24 décembre 1579, par l'évêque diocésain nommé Charles d'Epinal. À l'époque de la Révolution, elles étaient placées à côté du maître-autel de la cathédrale, dans un très beau et très grand reliquaire ; mais elles sont maintenant détruites. Quant au reste du corps de saint Samson, laissé à Paris, il fut partagé entre l'église de Saint-Barthélémy et la ville d'Orléans.
Dans cette dernière, on bâtit, en l'honneur du Saint évêque, une église qui a été occupée par les Jésuites jusqu'à leur destruction. Ils ne possédaient pas les reliques de saint Samoon : elles avaient été si bien cachées, du temps des ravages des protestants, dans le 16ième siècle, qu'en n'a jamais pu les retrouver. Peut-étre furent-elles l'objet de la fureur de ces impies.
Les ossements, conservés à Paris, étaient, en dernier lieu, dans l'église de Saint- Magloire ; ils se trouvent maintenant dans celle de Saint-Jacques-du-Haut-Pas. La châsse qui contenait ces reliques ayant été ouverte en 1547, le 19 janvier, on y trouva la quantité d'ossements exprimée dans le procès-verbal, avec cette inscription :
" C'est ici la plus grande partie du corps de saint Samson."
Eglise Saint-Jacques-du-Haut-Pas où est conservée
la majeure partie des reliques de saint Samson. Paris.
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samedi, 27 juillet 2024
27 juillet. Les sept dormants d'Ephèse, frères, martyrs. 250.
- Les sept dormants d'Ephèse, frères, martyrs. 250.
Papes : Saint Fabien ; saint Damase. Empereurs romains : Dèce ; Théodose.
" La mort se relèvera en présentant sa victime, et, comme au sortir d'un long assoupissement, l'âme s'avancera pour rejoindre son corps."
Saint Ambroise.
Les sept saints dormants d'Ephèse. Icône grecque du Xe.
Les sept dormants étaient originaires d'Ephèse. L'empereur Dèce qui persécutait, les chrétiens, étant venu en cette ville fit construire des temples dans l’enceinte de cette cité, afin que tous se réunissent à lui pour sacrifiée aux idoles. Or, il avait ordonné qu'on cherchât tous les chrétiens ; et quand ils avaient été pris, il les forçait à sacrifier où à mourir ; on éprouva donc généralement une si grande crainte des supplices que l’ami reniait son ami, le père son fils, et le fils son père. Alors se trouvaient dans cette ville sept chrétiens, qui furent saisis d'une grande douleur quand ils virent ce qui se passait.
C'étaient Maximien, Malchus, Marcien, Denys, Jean, Sérapion et Constantin. Comme ils étaient les premiers officiers du palais, et qu'ils méprisaient les sacrifices offerts aux idoles, ils restaient cachés dans leur maison, se livrant aux jeûnes et aux oraisons.
Accusés et traduits devant Dèce ; puis convaincus d'être chrétiens, on leur donna le temps de revenir à résipiscence et il furent relâchés, jusqu'au retour de l’empereur. Mais dans cet intervalle, ils distribuèrent leur patrimoine entre les pauvres, et prirent la résolution de se retirer sur le mont Célion, où ils se décidèrent à rester cachés. Pendant longtemps, l’un d'eux se procurait ce qui leur était nécessaire, et chaque fois qu'il entrait dans la ville, il se déguisait en mendiant.
La grotte des sept dormants d'Ephèse aujourd'hui.
Ionie. Empire romain d'Orient. Actuelle Turquie.
Or, quand Dèce fut revenu dans Ephèse, il ordonna de les chercher pour les obliger à sacrifier. Malchus, qui les servait, revint effrayé trouver ses compagnons et leur faire part de la fureur de l’empereur. Ils furent saisis de crainte ; alors Malchus leur présenta les pains qu'il avait apportés, afin que, fortifiés parla nourriture, ils en devinssent plus braves pour le combat. Après leur repas du soir, ils s'assirent et s'entretinrent avec tristesse et larmes, et à l’instant, par la volonté de Dieu, ils s'endormirent.
Quand vint le matin, on les chercha et on ne put les trouver, Or, Dèce était désolé d'avoir perdu de pareils jeunes gens; on les accusa de s'être cachés jusqu'alors sur le mont Célion, et de persister dans leur résolution. On ajouta qu'ils avaient donné leurs biens aux pauvres. Dèce ordonna donc de faire comparaître leurs parents qu'il menaça de mort, s'il ne déclaraient tout ce qui était venu à leur connaissance au sujet des absents. Leurs parents les accusèrent comme les autres et se plaignirent de ce qu'ils avaient distribué leurs richesses aux pauvres. Alors Dèce réfléchit à la conduite. qu'il tiendrait à leur égard, et par l’inspiration ; de Dieu, il fit boucher avec des pierres l’entrée de la caverne afin qu'y étant renfermés, ils y mourussent de faim et de misère. On exécuta ses ordres et deux chrétiens, Théodore et Rufin, écrivirent la relation de leur martyre qu'ils placèrent avec précaution entre les pierres.
Or, quand Dèce, et toute la génération qui existait alors eut disparu, cent soixante-douze ans après, la trentième année de l’empire de Théodose, se propagea l’hérésie de ceux qui niaient la résurrection des morts. Théodose, qui était un empereur très chrétien, fut rempli de tristesse devoir la foi indignement attaquée. Il se revêtit d'un cilice ; et s'étant retiré dans l’intérieur de son palais, il pleurait tous les jours Dieu, qui vit cela dans Sa miséricorde, voulut consoler ces affligés et affermir l’espérance de la résurrection des morts ; il ouvrit les trésors de sa tendresse et ressuscita les sept martyrs, comme il suit.
Martyre des sept dormants d'Ephèse. Vies de saints. XIVe.
Il inspira à un citoyen d'Ephèse l’idée de faire construire sur le mont Célion des étables pour les bergers. Les maçons ayant ouvert la grotte, les saints se levèrent et se saluèrent, dans la pensée qu'ils n'avaient dormi qu'une nuit ; puis se rappelant leur tristesse de la veille, ils demandèrent à Malchus, qui les approvisionnait, ce que Dèce avait décrété à leur égard. Il répondit :
" Comme je vous l’ai dit hier soir, on nous a cherchés pour nous contraindre à sacrifier aux idoles : voilà les pensées de l’empereur par rapport à nous."
Maximien répondit :
" Et Dieu sait que nous ne sacrifierons pas."
Après avoir encouragé ses compagnons, il dit à Malchus de descendre à-la ville pour acheter du pain, en lui recommandant d'en prendre plus qu'il n'avait fait la veille, et de leur communiquer à son retour les ordonnances de l’empereur. Malchus prit cinq sols, sortit de la caverne. En voyant les pierres il fut étonné ; mais comme il pensait à autre chose, l’idée des pierres fit peu d'impression sur lui. Alors qu'il arrivait, non sans une certaine appréhension, à la porte de la ville, il fut singulièrement surpris de la voir surmontée du signe de la croix ; de là il alla à une autre porte. Quand il vit le même signe, il fut très étonné de voir une croix au-dessus de toutes les portes, et de trouver la ville changée ; il se signa, et revint à la première porte en pensant qu'il rêvait.
Les sept dormants d'Ephèse. Legenda aurea.
Enfin il se rassure, se cache le visage et pénètre dans la ville. Comme il entrait chez les marchands de pain, il entendit qu'on parlait de il fut stupéfait : " Qu'est ceci, pensait-il ? hier personne n'osait prononcer le nom de J.-C., et aujourd'hui ils se confessent tous chrétiens ? Je crois que ce n'est pas là la ville d'Ephèse : d'ailleurs elle est autrement bâtie ; c'est une autre ville, mais je ne sais laquelle."
Alors il prit des informations : on lui répondit que c'était Ephèse. Se croyant le jouet d'une erreur, il songea à venir retrouver ses compagnons. Cependant il entra chez ceux qui vendaient du pain, et ayant donné son argent, les marchands étonnés se disaient l’un à l’autre que ce jeune homme avait trouvé un vieux trésor.
Or, Malchus, en les voyant se parler en particulier, pensait qu'ils voulaient le mener à l’empereur, et, dans son effroi, il les pria de le laisser aller et de garder les pains et les pièces d'argent. Mais les boulangers le retinrent et lui dirent :
" D'où es-tu ? Puisque tu as trouvé des trésors des anciens empereurs ; indique-les-nous ; nous partagerons avec toi et nous te cacherons, car autrement tu ne peux t'en retirer."
Malchus ne savait quoi leur répondre, tant il avait peur. Alors les marchands, voyant qu'il se taisait, lui jetèrent une corde au cou, le traînèrent par les rues jusqu au milieu de la ville. C'était une rumeur générale qu'un jeune homme avai trouvé des trésors. Tout le monde s'assemblait autour de lui, et le regardait avec admiration. Malchus voulait faire comprendre qu'il n'avait rien trouvé. Il examinait tout le monde et personne ne pouvait le connaître ; il regardait au milieu : de la foule pour distinguer quelqu'un de ses parents (il les croyait vraiment encore en vie), et ne trouvant personne, il restait comme un hébété au milieu du peuple de la ville.
La grotte des sept dormants d'Ephèse aujourd'hui.
Ionie. Empire romain d'Orient. Actuelle Turquie.
Le fait vint aux oreilles de saint Martin, évêque ; et du proconsul Antipater, nouvellement arrivé dans la ville Ils commandèrent aux citoyens de leur mener ce jeune homme avec précaution et d'apporter en même temps son argent. Pendant que les officiers le conduisaient à l’église, il pensait qu'on le menait à l’empereur. L'évêque donc et l’empereur surpris de voir cet argent ; lui demandèrent où il avait trouvé un trésor, inconnu. Il répondit qu'il n'avait rien trouvé, mais qu'il avait en ces deniers dans la bourse de ses parents. On lui demanda alors de quelle ville il était. Il répondit :
" Je sais bien que je suis de cette ville, si tant est que cette ville soit Ephèse."
Le proconsul dit :
" Fais venir tes parents, afin qu'ils répondent pour toi."
Quand il eut cité leurs noms, personne ne les connaissant, on lui dit qu'il mentait pour pouvoir échapper, n'importe de quelle manière.
" Comment te croire, dit le proconsul ? tu prétends que cet argent vient de tes parents, et l’inscription a plus de 377 ans ; elle date des premiers temps de l’empereur Dèce, et ces pièces ne sont pas du tout pareilles à celles qui ont cours chez nous. Et comment tes parents vivaient-ils à cette époque, quand tu es si jeune ? Tu veux donc tromper les savants et les vieillards d'Ephèse ? Eh bien ! je vais te livrer à la rigueur des lois, jusqu'à ce, que tu fasses l’aveu de ta découverte." Alors Malchus se jeta à leurs pieds en disant :
" Pour Dieu, seigneurs, dites-moi ce que je vous demande, et je vous dirai ce qui est dans mon coeur. L'empereur Dèce, qui se trouvait dans cette ville, ou est-il à présent ?"
L'évêque lui répondit :
" Mon fils, il n'y a plus aujourd'hui ici-bas d'empereur qui s'appelle Dèce ; il y a longtemps qu'il l’était."
Mais Malchus dit :
" C'est pour cela, seigneur, que je suis bien étonné et que personne ne. me croit : or, suivez-moi, et je vous montrerai mes compagnons qui sont au mont Célion, et vous les croirez. Ce que je sais, c'est que nous avons fui quand Dèce s'est présenté ici ; et, hier soir, j'ai vu entrer Dèce dans cette ville, si tant est que ce soit Ephèse."
Alors l’évêque ayant réfléchi, dit au proconsul :
" C'est une vision que Dieu veut montrer par le ministère de ce jeune homme."
Ils le suivirent donc avec une grande multitude de citoyens. Malchus pénétra le premier dans le lieu où étaient, ses compagnons : l’évêque, qui entra après lui, trouva entre les pierres la relation scellée de deux sceaux d'argent. Il assembla le peuple, la lut, à l’admiration de tous ceux qui l’entendirent; et en voyant les saints de Dieu assis dans la caverne avec un visage qui avait la fraîcheur des roses, ils se prosternèrent en glorifiant Dieu. Aussitôt l’évêque et le proconsul envoyèrent prier l’empereur de venir de suite voir les miracles qui venaient de s'opérer.
Les sept dormants d'Ephèse. Vies de Saints.
R. de Monbaston. XIVe.
Aussitôt l’empereur quitta le sac qu'il portait, se leva et vint de Constantinople à Ephèse en rendant gloire à Dieu. On alla au-devant de lui et on l’accompagna à la grotte. Les saints n'eurent pas plutôt vu l’empereur que leur visage brilla,, comme le soleil ; ensuite l’empereur entra, se prosterna devant eux en glorifiant Dieu, se leva, les embrassa et pleura sur chacun d'eux en disant :
" Je vous vois, comme si je voyais le Seigneur ressuscitant Lazare."
Alors saint Maximien lui dit :
" Croyez-nous ; c'est pour vous que Dieu nous a ressuscités avant le jour de la grande résurrection, afin que vous croyiez indubitablement à la résurrection certaine des morts ; car nous sommes vraiment ressuscités et nous vivons : or, de même que l’enfant dans le sein de sa mère vit sans ressentir de lésion, de même, nous aussi , nous avons été vivants, reposant, dormant et n'éprouvant pas de sensations."
Quand il eut dit ces mots, les sept hommes inclinèrent la tête sur la terre, s'endormirent et rendirent l’esprit selon l’ordre de Dieu. Alors l’empereur se leva, se jeta sur eux avec larmes et les embrassa. Il ordonna ensuite de faire des cercueils d'or pour les renfermer ; mais cette nuit-là même, ils lui apparurent et lui dirent que jusqu'alors ils avaient reposé sur la terre et qu'ils étaient ressuscités de dessus la terre, qu'il les y fallait laisser, jusqu'à ce que le Seigneur le ressuscitât la seconde fois.
L'empereur ordonna donc qu'on ornât ce lieu. de pierres dorées, et que tous les évêques qui confessaient la résurrection fussent absous. Qu'ils aient dormi 377 ans, comme on le dit, la chose peut être douteuse, puisqu'ils ressuscitèrent l’an du Seigneur 418. Or, Dèce régna seulement un an et trois mois, en l’an 252 ; ainsi, ils ne dormirent que cent quatre-vingt-seize ans.
Le dolmen dans lequel les sept Saints dormants d'Ephèse
sont vénérés à Plouaret-Vieux-Marché. Bretagne. Ve-VIe.
CULTE
Notons que le culte des sept saints dormants d'Ephèse pénétra très tôt et très rapidement en Occident dont la Bretagne ne fut pas la dernière et la moins fervente à l'embrasser. Nos Saints sont notamment vénérés à Plouaret-Vieux-Marché, non loin de Lannion dès la fin du Ve siècle grâce à la venue en mission de moines grecs. Pour cette paroisse, on peut lire et télécharger la Guerz (chant psalmodique breton) que la piété populaire à dédié à nos Saints : http://www.vieux-marche.net/IMG/pdf/GUERZ-_20texte-2.pdf
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27 juillet. Saint Pantaléon, médecin, martyr à Nicomédie. 303.
- Saint Pantaléon, médecin, martyr à Nicomédie. 303.
Pape : Saint Marcelin. Empereur romain d'Orient : Dioclétien. Empereur romain d'Occident : Maximilien-Hercule.
" Ce qui donne le plus d'éclat à la toute-puissance du Verbe, c'est la puissance qu'il communique à ceux qui espèrent en lui."
Saint Bernard. Serm. LXXXIII sub Cant.
L'Orient célèbre aujourd'hui un de ses grands martyrs. Médecin des corps et conquérant des âmes, son nom qui indiquait la force du lion fut, au moment où il allait mourir, changé par le ciel en celui de Pantéléèmon ou tout miséricordieux : présage des biens que la gratuite libéralité du Seigneur se proposait de répandre par lui sur la terre. Les diverses translations et le partage de ses restes précieux dans notre Occident, y propagèrent son culte et sa renommée secourable, qui le fit ranger parmi les Saints auxiliateurs.
Saint Pantaléon vivait à Nicomédie. Son père était païen et sa mère chrétienne ; celle-ci mourut malheureusement bien trop tôt pour son enfant. Pantaléon, élevé dans la religion de Jésus-Christ, quoique non encore baptisé, subit l'influence de son père et finit par oublier les principes que sa mère lui avait inculqués dans son enfance.
Il s'attacha à l'étude de la médecine et y devint si célèbre, que l'empereur Maximien-Galère le choisit pour son médecin et voulut l'avoir à sa cour. Un prêtre chrétien, nommé Hermolaüs, résolut de ramener à la foi chrétienne un homme qui avait de si brillantes qualités ; il s'introduisit dans sa confiance et en vint à lui rappeler les vérités de la religion :
" A quoi, lui dit-il, vous serviront vos connaissances, si vous ignorez la science du salut ?"
Martyre de saint Pantaléon. Vies de saints.
Hermolaüs, voyant que ses paroles faisaient impression sur Pantaléon, le pressa davantage, et celui-ci lui déclara qu'il y penserait sérieusement. Ces heureuses dispositions s'affermirent par un miracle qu'il opéra en invoquant le nom de Jésus-Christ. Un jour qu'il se promenait dans la campagne, il rencontra un enfant mort, et, tout près de lui une vipère. Il ne douta point que l'enfant n'eût été la victime de ce reptile venimeux. Inspiré par la grâce, il s'adressa, plein de confiance, à Jésus-Christ, et dit :
" Enfant, lève-toi, au nom de Jésus-Christ !"
Puis, se tournant vers la vipère :
" Et toi, méchante bête, reçois le mal que tu as fait."
A l'instant l'enfant se relève vivant, et la vipère demeure inerte sur le sol. Pantaléon n'hésita plus à se faire baptiser.
Le martyre de saint Pantaléon. Verrière de la cathédrale de Chartres.
Le salut de son père fut sa première pensée, et il employa tout pour y réussir, la raison, le sentiment, la piété filiale et surtout la prière ; il acheva sa conquête par un miracle. Un jour, un aveugle vint le trouver et lui dit : " J'ai depuis longtemps employé sans effet tous les remèdes ; on m'a dit que vous êtes très habile médecin ; pourriez-vous me secourir ?
– Je vous guérirai, dit le médecin, si vous vous engagez à devenir chrétien."
L'aveugle promit avec joie et fut aussitôt guéri par l'invocation de Jésus-Christ. Son père, témoin de ce miracle, reçut le baptême avec l'aveugle guéri.
Pantaléon devint de plus en plus un apôtre de la foi ; à la mort de son père il vendit tous ses biens, les employa en bonnes oeuvres et ne se réserva que le produit de l'exercice de sa profession. Des médecins jaloux le dénoncèrent comme chrétien à l'empereur. Pantaléon fut condamné à divers supplices pendant plusieurs jours, dont celui d'être plongé dans une chaudière de plomb fondu, et fut enfin décapité.
Le martyre de saint Pantaléon. Legenda aurea.
Saint Hermolaüs, qui avait converti saint Pantaléon à la foi, et les saints ermites Hermippe et Hermocrate, frères, furent martyrisés par le même arrêt de Maximien-Galère.
Saint Charlemagne obtint une partie notable des reliques de notre saint - lesquelles étaient jusqu'alors conservées à Constantinople, et les fit mettre au trésor de l'abbaye de Saint-Denis. Le crâne de saint Pantaléon fut envoyé à Lyon et de là une partie dans l'église Saint-Etienne du village corrézien de Saint-Pantaléon-de-Lapleau.
Reliquaire contenant des fragments de crâne de saint Pantaléon.
Saint Pantaléon, honoré comme le principal patron des médecins après saint Luc, a bénéficié très vite d'un culte dans tous le monde chrétien. En France, un grand nombre de lieux de cultes lui furent rapidement dédiés ; la plus fameuse étant probablement celle de Troyes, caractéristique de l'école champenoise d'archotecture, de statuaire et de peinture.
PRIERE
" Qu'y a-t-il de plus fort que le lion, déplus doux que le miel (Jud., XIV, 18.) ? Plus grand que Samson, vous avez dans votre personne même, ô Martyr, posé et résolu l'énigme : du fort est sortie la douceur (Ibid. 14.). Ô lion qui marchiez si intrépidement à la suite du Lion de Juda,vous sûtes aussi imiter sa mansuétude ineffable ; et, comme il mérita d'être appelé l’Agneau à jamais, ainsi voulut-il que sa miséricorde resplendît dans le nom éternel par lequel, transformant votre nom de la terre, il vous appelait au festin des cieux. Pour l'honneur de celui qui en fit votre titre de gloire, justifiez-le toujours plus. Soyez propice à ceux qui vous implorent, aux malheureux qu'une triste consomption rapproche chaque jour des portes du tombeau, aux médecins qui comme vous se dépensent dans les soins donnés à leurs frères : aidez-les à soulager la souffrance physique, à guérir les corps ; montrez-leur à panser mieux encore les plaies morales, à conduire l'âme au salut."
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27 juillet. Saint Aréthas et les saints martyrs d'Arabie, au pays des Homérites. 524 (?).
- Saint Aréthas et les saints martyrs d'Arabie, au pays des Homérites. 524.
Pape : Jean Ier. Roi du Yémen : Dunaan.
" Viens, allons mourir pour le Christ !"
Saint Aréthas.
Ils habitaient le Yémen, c'est-à-dire le sud-ouest de l'Arabie ou " Arabie heureuse " (jadis le pays de la reine de Saba ; ce nom " classique " d'Homérites que leur donne le martyrologe vient de l'arabe " Himyar ").
La région était depuis peu sous la mouvance éthiopienne, et chrétienne çà et là par des groupes venus d'Afrique ; mais le Judaïsme dominait depuis la fin du Ve siècle.
Un prince, juif de religion, Dhû Nowas (ou Dunaan), entreprit, au début de l'hiver 522-523, de secouer le " joug " des Noirs éthiopiens. Il prit la ville de Safar, massacra la colonie abyssine chrétienne, et transforma l'église en " ceux d'en-face ".
Puis ce fut le tour de Nedjrân (ou Nagran, ou Najran). Il proposa une capitulation, car le siège traînait un peu. On l'accepta.
Dès qu'il fut entré, il oublia ses engagements et massacra tout Chrétien qui refusait l'apostasie. L'évêque défunt fut exhumé et mis au feu. On aménagea une immense fosse ardente où l'on jeta tout le clergé avec les vierges sacrées, holocauste de 427 victimes.
L'église flamba. Il y eut au total plus de 4.000 morts. Et 340 guerriers, de la tribu des Harith-ibn-Kaab, avec leur émir que nous appelons Aréthas, s'étaient enfermés dans la ville : ils avaient conseillé aux assiégés une attitude vigoureuse et énergique, mais en vain. Ils eurent le déplaisir d'être immolés sans avoir pourfendu de mécréants. Aréthas fut décapité. Une femme fut étendue à terre : on égorgea sur elle ses deux filles en sorte que leur sang lui coulât dans la bouche, puis on la tua.
L'épisode émouvant, recueilli par Baronius au 24 octobre, de l'enfant qui se jette au feu pour rejoindre sa mère, est un enjolivement hagiographique *. Voici les faits, d'après le document le plus sûr, une lettre de Siméon, évêque de Beit Archam :
" Un petit garçon trottinait pendu à la main de sa mère qu'on menait au supplice. Il aperçut le roi assis en magnifique apparat. Aussitôt il quitte sa mère, court au prince, embrasse ses genoux.
Dhû Nowas (Dunaan), touché, l'embrasse :
" Que préfères-tu, mon petit, aller avec maman, ou rester avec moi ?
- Par Notre-Seigneur, aller avec maman. Elle m'a dit : " Viens, allons mourir pour le Christ ". Laisse-moi retourner avec elle. Elle m'a dit que le roi des Juifs tuait ceux qui obéissaient au Christ.
- Comment as-tu connu le Christ ?
- Chaque jour je le vois quand j'accompagne maman à l'église.
- Qui aimes-tu mieux, maman ou moi ?
- Par Notre-Seigneur, j'aime mieux maman.
- Et qui aimes-tu mieux, moi ou le Christ ?
- J'aime mieux le Christ !
- Alors pourquoi es-tu venu embrasser mes genoux ?
- Je croyais que tu étais le roi Chrétien qui était à l'église, mais je vois que tu es juif.
- Je te donnerai des noix, des amandes, des figues !
- Non, par le Christ, jamais je ne mangerai des choses juives. Laisse-moi retourner avec maman.
- Reste ici, tu seras mon fils.
- Non, tu sens mauvais, et maman sent bon."
Martyre de saint Aréthas.
Alors le roi s'adressant à son entourage :
" Voyez-vous cela comme le Christ a séduit jusqu'à leurs gamins !"
Un noble intervint :
" Arrive, je te mène à la reine, tu seras son petit garçon.
- Toi, répliqua le petit, je te battrai ! Maman, qui me conduit à l'église, vaut mieux que ta reine."
Comme on le retenait, il mordit le roi à la jambe :
" Lâche-moi, Juif ! Laisse-moi retourner avec maman et mourir avec elle !"
On l'éloigna de force ; il résistait, trépignait, appelait sa mère :
" Maman, maman, prends-moi et conduis-moi à l'église !"
Sa mère lui cria :
" Souviens-toi que tu es gardé par le Christ, ne pleure pas. Attends-moi chez lui dans l'église. Je t'y rejoindrai."
Là-dessus, elle fut décapitée. L'énergique garçonnet, nommé Baïsar, survécut. Il fit plus tard partie d'une ambassade envoyée à Constantinople. Il n'aimait pas qu'on le questionnât sur son héroïsme puéril.
Ces vaillants Chrétiens, victimes du fanatisme juif et des suspicions politiques autorisées par leurs rapports avec l'Éthiopie et Byzance, furent vengés par le roi d'Axoum, Ellesbaas (fêté le 27 octobre). Une expédition partie d'Abyssinie défit Dhû Nowas (Dunaan) et mit fin à la domination juive au profit de l'Éthiopie (et de Byzance). Plus tard, les Homérites, las d'un joug étranger, se révoltèrent de nouveau à la voix d'un chef, Chrétien cette fois, Abraham. Puis l'empereur Justinien essaya de soumettre leur pays à son influence ; enfin le roi des Perses, Chosroès, établit son autorité, en attendant l'invasion musulmane.
Les Syriens Jacobites (monophysites) ont fêté nos héros le 31 décembre (P. O., t. 10, p. 31, 36, 49). Le synaxaire de Constantinople porte Aréthas le 24 octobre, et le calendrier de marbre trouvé à Naples (du IXe siècle) note Aréthas au 1er et au 24 octobre. Usuard (875) a mis le 1er octobre Aréthas, « mort martyr à Rome, avec 504 autres ". Une hymne attribuée à Sévère d'Antioche fait d'Aréthas un " Docteur ".
Rq : Bibl. - La meilleure source est une lettre de Siméon, évêque de Beit Archam.
Voir aussi : http://www.abbaye-saint-benoit.ch/martyrs/martyrs0004.htm...
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vendredi, 26 juillet 2024
26 juillet. Sainte Anne et saint Joachim, parents de Notre Dame la très sainte Vierge Marie. Ier siècle.
- Sainte Anne et saint Joachim, parents de Notre Dame la très sainte Vierge Marie. Ier siècle.
Pape : Saint Anaclet. Empereur romain : Domitien.
" Ô couple trois fois heureux de saint Joahim et de sainte Anne ! Vous avez à notre reconnaissance un droit imprescriptible : grâce à vous, nous avons pu offrir à notre Dieu le don le plus sensible à son coeur, une mère vierge, la seule mère digne du Créateur."
Saint Jean Damascène. Orat. I de nat. B. M. V.
Saint Joachim et sainte Anne à la Porte dorée. Nicolas d'Ypres. XVIe.
Joignant le sang des rois à celui des pontifes, Anne apparaît glorieuse plus encore de son incomparable descendance au milieu des filles d'Eve. La plus noble de toutes celles qui conçurent jamais en vertu du Croissez et multipliez des premiers jours (Gen. I, 28.), à elle s'arrête, comme parvenue à son sommet, comme au seuil de Dieu, la loi de génération de toute chair ; car de son fruit Dieu même doit sortir, fils uniquement ici-bas de la Vierge bénie, petit-fils à la fois d'Anne et de Joachim.
Avant d'être favorisés de la bénédiction la plus haute qu'union humaine dût recevoir, les deux saints aïeuls du Verbe fait chair connurent l'angoisse qui purifie l'âme. Des traditions dont l'expression, mélangée de détails de moindre valeur, remonte pourtant aux origines du christianisme, nous montrent les illustres époux soumis à l'épreuve d'une stérilité prolongée, en butte à cause d'elle aux dédains de leur peuple, Joachim repoussé du temple allant cacher sa tristesse au désert, et Anne demeurée seule pleurant son veuvage et son humiliation. Quel exquis sentiment dans ce récit, comparable aux plus beaux que nous aient gardes les saints Livres (dans le proto-évangile de Jacques) !
" C'était le jour d'une grande fête du Seigneur. Maigre sa tristesse extrême, Anne déposa ses vêtements de deuil, et elle orna sa tête, et elle se revêtit de sa robe nuptiale. Et vers la neuvième heure, elle descendit au jardin pour s'y promener ; et voyant un laurier, elle s'assit à son ombre et répandit sa prière en présence du Seigneur Dieu, disant :
" Dieu de mes pères, bénissez-moi et exaucez mes supplications, comme vous avez béni Sara et lui avez donné un fils !"
Et levant les yeux au ciel, elle vit sur le laurier un nid de passereau, et gémissant elle dit :
" Hélas ! Quel sein m'a portée, pour être ainsi malédiction en Israël ? A qui me comparer ? Je ne puis me comparer aux oiseaux du ciel ; car les oiseaux sont bénis de vous, Seigneur.
A qui me comparer ? Je ne puis me comparer aux animaux de la terre ; car eux aussi sont féconds devant vous.
A qui me comparer ? Je ne puis me comparer aux eaux ; car elles ne sont point stériles en votre présence, et les fleuves et les océans poissonneux vous louent dans leurs soulèvements ou leur cours paisible.
A qui me comparer ? Je ne puis me comparer à la terre même; car la terre elle aussi porte ses fruits en son temps, et elle vous bénit, Seigneur."
Or voici qu'un Ange du Seigneur survint, lui disant :
" Anne, Dieu a exaucé ta prière ; tu concevras et enfanteras, et ton fruit sera célébré dans toute terre habitée."
Et le temps venu, Anne mit au monde une fille, et elle dit :
" Mon âme est magnifiée à cette heure."
Et elle nomma l'enfant Marie ; et lui donnant le sein, elle entonna ce cantique au Seigneur :
" Je chanterai la louange du Seigneur mon Dieu ; car il m'a visitée, il a éloigné de moi l'opprobre, il m'a donné un fruit de justice. Qui annoncera aux fils de Ruben qu'Anne est devenue féconde ? Ecoutez, écoutez, douze tribus : voici qu'Anne allaite !"
Sainte Anne avec Notre Dame allant au Temple. J. Stella. XVIIe.
La fête de Joachim, que l'Eglise a placée au Dimanche dans l'Octave de l'Assomption de sa bienheureuse fille, nous permettra de compléter bientôt l'exposé si suave d'épreuves et de joies qui furent aussi les siennes. Averti par le ciel de quitter le désert, il avait rencontré son épouse sous la porte Dorée donnant accès au temple du côté de l'Orient. Non loin, près de la piscine Probatique, où les agneaux destinés à l'autel lavaient leur blanche toison avant d'être offerts au Seigneur, s'élève aujourd'hui la basilique restaurée de Sainte-Anne, appelée primitivement Sainte-Marie de la Nativité. C'est là que, dans la sérénité du paradis, germa sur la tige de Jessé le béni rejeton salué du Prophète a et qui devait porter la divine fleur éclose au sein du Père avant tous les temps. Séphoris, patrie d'Anne, Nazareth, où vécut Marie, disputent, il est vrai, à la Ville sainte l'honneur que réclament ici pour Jérusalem d'antiques et constantes traditions. Mais nos hommages à coup sûr ne sauraient s'égarer, quand ils s'adressent en ce jour à la bienheureuse Anne, vraie terre incontestée des prodiges dont le souvenir renouvelle l'allégresse des cieux, la fureur de Satan, le triomphe du monde.
Anne, point de départ du salut, horizon qu'observaient les Prophètes, région du ciel la première empourprée des feux de l'aurore ; sol béni, dont la fertilité si pure donna dès lors à croire aux Anges qu'Eden nous était rendu ! Mais dans l'auréole d'incomparable paix qui l'entoure, saluons en elle aussi la terre de victoire éclipsant tous les champs de bataille fameux : sanctuaire de l'Immaculée Conception, là fut repris par notre race humiliée le grand combat (Apoc. XII, 7-9.) commencé près du trône de Dieu par les célestes phalanges ; là le dragon chassé des deux vit broyer sa tête, et Michel surpassé en gloire remit joyeux à la douce souveraine qui, dès son éveil à l'existence, se déclarait ainsi, le commandement des armées du Seigneur.
Quelle bouche humaine, si le charbon ardent ne l’a touchée (Isai. VI, 6-7.), pourra dire l'admiratif étonnement des angéliques principautés, lorsque la sereine complaisance de la Trinité sainte, passant des brûlants Séraphins jusqu'aux derniers rangs des neuf chœurs, inclina leurs regards de feu à la contemplation de la sainteté subitement éclose au sein d'Anne ? Le Psalmiste avait dit de la Cité glorieuse dont les fondations se cachent en celle qui auparavant fut stérile: Ses fondements sont posés sur les saintes montagnes (Psalm. LXXXVI, 1.) ; et les célestes hiérarchies couronnant les pentes des collines éternelles découvrent là des hauteurs inconnues qu'elles n'atteignirent jamais, des sommets avoisinant la divinité de si presque déjà elle s'apprête à y poser son trône. Comme Moïse à la vue du buisson ardent sur Horeb, elles sont saisies d'une frayeur sainte, en reconnaissant au désert de notre monde de néant la montagne de Dieu, et comprennent que l'affliction d'Israël va cesser (Ex. III, 1-10.). Quoique sous le nuage qui la couvre encore, Marie, au sein d'Anne, est en effet déjà cette montagne bénie dont la base, le point de départ de grâce, dépasse le faîte des monts où les plus hautes saintetés créées trouvent leur consommation dans la gloire et l'amour.
Reliquaire de la cathédrale d'Apt. Y sont conservées
les précieuses reliques de sainte Anne. Provence.
Oh ! Combien donc justement Anne, par son nom, signifie grâce, elle qui, neuf mois durant, resta le lieu des complaisances souveraines du Très-Haut, de l'extase des très purs esprits, de l'espoir de toute chair ! Sans doute ce fut Marie, la fille et non la mère, dont l'odeur si suave attira dès lors si puissamment les cieux vers nos humbles régions. Mais c'est le propre du parfum d'imprégner de lui premièrement le vase qui le garde, et, lors même qu'il en est sorti, d'y laisser sa senteur. La coutume n'est-elle pas du reste que ce vase lui aussi soit avec mille soins préparé d'avance, qu'on le choisisse d'autant plus pure, d'autant plus noble matière, qu'on le relève d'autant plus riches ornements que plus exquise et plus rare est l'essence qu'on se propose d'y laisser séjourner ?
Ainsi Madeleine renfermait-elle son nard précieux dans l'albâtre (Marc, XIV, 3.). Ne croyons pas que l'Esprit-Saint, qui préside à la composition des parfums du ciel, ait pu avoir de tout cela moins souci que les hommes. Or le rôle de la bienheureuse Anne fut loin de se borner, comme fait le vase pour le parfum, à contenir passivement le trésor du monde. C'est de sa chair que prit un corps celle en qui Dieu prit chair à son tour ; c'est de son lait qu'elle fut nourrie ; c'est de sa bouche que, tout inondée qu'elle fût directement de la divine lumière, elle reçut les premières et pratiques notions de la vie. Anne eut dans l'éducation de son illustre fille la part de toute mère ; non seulement, quand Marie dut quitter ses genoux, elle dirigea ses premiers pas ; elle fut en toute vérité la coopératrice de l'Esprit-Saint dans la formation de cette âme et la préparation de ses incomparables destinées : jusqu'au jour où, l'œuvre parvenue à tout le développement qui relevait de sa maternité, sans retarder d'une heure, sans retour sur elle-même, elle offrit l'enfant de sa tendresse à celui qui la lui avait donnée.
" Sic fingit tabernaculum Deo." " Ainsi elle crée un tabernacle à Dieu."
C'était la devise que portaient, autour de l'image de sainte Anne instruisant Marie, les jetons de l'ancienne corporation des ébénistes et des menuisiers, qui, regardant la confection des tabernacles de nos églises où Dieu daigne habiter comme son œuvre la plus haute, avait pris sainte Anne pour patronne et modèle auguste. Heureux âge que celui où ce que l'on aime à nommer la naïve simplicité de nos pères, atteignait si avant dans l'intelligence pratique des mystères que la stupide infatuation de leurs fils se fait gloire d'ignorer ! Les travaux du fuseau, de tissage, de couture, de broderie, les soins d'administration domestique, apanage de la femme forte exaltée au livre des Proverbes (Prov. XXXI, 10-31.), rangèrent naturellement aussi dans ces temps les mères de famille, les maîtresses de maison, les ouvrières du vêtement, sous la protection directe de la sainte épouse de Joachim. Plus d'une fois, celles que le ciel faisait passer par l'épreuve douloureuse qui, sous le nid du passereau, avait dicté sa prière touchante, expérimentèrent la puissance d'intercession de l'heureuse mère de Marie pour attirer sur d'autres qu'elle-même la bénédiction du Seigneur Dieu.
Pardon de Sainte-Anne-la-Palud. XVIIIe siècle.
L'Orient précéda l'Occident dans le culte public de l'aïeule du Messie. Vers le milieu du VIe siècle, Constantinople lui dédiait une église. Le Typicon de saint Sabbas ramène sa mémoire liturgique trois fois dans l'année : le 9 septembre, en la compagnie de Joachim son époux, au lendemain de la Nativité de leur illustre fille ; le 9 décembre, où les Grecs, qui retardent d'un jour sur les Latins la solennité de la Conception immaculée de Notre-Dame, célèbrent cette fête sous un titre qui rappelle plus directement la part d'Anne au mystère ; enfin le 25 juillet, qui, n'étant point occupé chez eux par la mémoire de saint Jacques le Majeur anticipée au 3o avril, est appelé Dormition ou mort précieuse de sainte Anne, mère de la très sainte Mère de Dieu : ce sont les expressions mêmes que le Martyrologe romain devait adopter par la suite.
Si Rome, toujours plus réservée, n'autorisa que beaucoup plus tard l'introduction dans les Eglises latines d'une fête liturgique de sainte Anne, elle n'avait point attendu cependant pour diriger de ce côté, en l'encourageant, la piété des fidèles. Dès le temps de saint Léon III (795-816.) ,et parle commandement exprès de l'illustre Pontife, on représentait l'histoire d'Anne et de Joachim sur les ornements sacrés destinés aux plus nobles basiliques de la Ville éternelle (Lib. pontif. in Leon. III.). L'Ordre des Carmes, si dévot à sainte Anne, contribua puissamment, par son heureuse transmigration dans nos contrées, ai développement croissant d'un culte appelé d'ailleurs comme naturellement par les progrès de la dévotion des peuples à la Mère de Dieu. Cette étroite relation des deux cultes est en effet rappelée dans les termes de la concession par laquelle, en 1381, Urbain VI donnait satisfaction aux vœux des fidèles d'Angleterre et autorisait pour ce royaume la fête de la bienheureuse Anne (Labb. Concil. XI, p. II, col. 2050.). Déjà au siècle précédent, l'Eglise d'Apt en Provence était en possession de cette solennité : priorité s'expliquant chez elle par l'honneur insigne qui lui échut pour ainsi dire avec la foi, lorsque au premier âge du christianisme elle reçut en dépôt le très saint corps de l'aïeule du Messie.
Saint Joachim et Notre Dame. J. Stella. XVIIe.
Depuis que le Seigneur remonté aux cieux a voulu que, comme lui, Notre-Dame y fût couronnée sans plus tarder dans la totalité de son être virginal, n'est-il pas vrai de dire que les reliques de la Mère de Marie doivent être doublement chères au monde : et comme toutes autres, en raison de la sainteté de celle dont ils sont les restes augustes ; et plus qu'aucunes autres, par ce côté qui nous les montre en voisinage plus immédiat qu'aucune avec le mystère de la divine Incarnation ? Dans son abondance, l'Eglise d'Apt crut pouvoir se montrer prodigue ; si bien qu'il nous serait impossible d'énumérer les sanctuaires qui, soit de cette source incomparable, soit d'ailleurs pour de plus ou moins notables portions, se trouvent aujourd'hui enrichis d'une part de ces restes précieux. Nous ne pouvons omettre de nommer cependant, parmi ces lieux privilégiés, l'insigne basilique de Saint-Paul-hors-les-Murs ; dans une apparition à sainte Brigitte de Suède (Revelationes S. Birgittae, Lib. VI, cap. 104.), Anne voulut confirmer elle-même l'authenticité du bras que l'église où repose le Docteur des nations, conserve d'elle comme un des plus nobles joyaux de son opulent trésor.
Ce fut seulement en 1584, que Grégoire XIII ordonna la célébration de la fête du 26 juillet dans le monde entier, sous le rit double. C'était Léon XIII qui devait, de nos jours (1879), l'élever en même temps que celle de saint Joachim à la dignité des solennités de seconde Classe. Mais auparavant, en 1622, Grégoire XV, guéri d'une grave maladie par sainte Anne, avait déjà mis sa fête au nombre des fêtes de précepte entraînant l'abstention des œuvres serviles.
Anne recevait enfin ici-bas les hommages dus au rang qu'elle occupe au ciel ; elle ne tardait pas à reconnaître par des bienfaits nouveaux la louange plus solennelle qui lui venait delà terre. Dans les années 1623, 1624, 1625, au village de Keranna près Auray en Bretagne, elle se manifestait à Yves Nicolazic, et lui faisait trouver au champ du Bocenno, qu'il tenait à ferme, l'antique statue dont la découverte allait, après mille ans d'interruption et de ruines, amener les peuples au lieu où l'avaient jadis honorée les habitants de la vieille Armorique. Les grâces sans nombre obtenues en ce lieu, devaient en effet porter leur renommée bien au delà des frontières d'une province à laquelle sa foi, digne des anciens âges, venait de mériter la faveur de l'aïeule du Messie ; Sainte-Anne d'Auray allait compter bientôt parmi les principaux pèlerinages du monde chrétien.
CULTE
Le culte de sainte Anne a subi diverses alternatives. Son corps fut transporté dans les Gaules, au premier siècle de l'ère chrétienne, et enfoui dans un souterrain de l'église d'Apt, en Provence, à l'époque des persécutions. A la fin du VIIIe siècle, il fut miraculeusement découvert et devint l'objet d'un pèlerinage. Mais c'est surtout au XVIIe siècle que le culte de sainte Anne acquit la popularité dont il jouit. De tous les sanctuaires de sainte Anne, le plus célèbre est celui d'Auray, en Bretagne ; son origine est due à la miraculeuse découverte d'une vieille statue de la grande Sainte, accompagnée des circonstances les plus extraordinaires et suivies de prodiges sans nombre. Sainte-Anne d'Auray est encore aujourd'hui l'objet d'un pèlerinage national.
Statue de saint Joachim et de sainte Anne à la Porte dorée.
En Espagne elle avait été, dit-on, introduite par le Carmel qui lui a maintenu sa fidélité. On trouve un bel exemple de la dévotion espagnole dans Anne d'Autriche, qui, non contente de porter son nom, se plut à propager le culte de sa sainte patronne et à enrichir ses sanctuaires français d'Apt et d'Auray, après la naissance quasi miraculeuse de Louis XIV.
Mais la sainte avait décidé d'établir elle-même son culte en France et d'en faire en quelque sorte sa terre d'élection. Déjà la Provence l'honorait à Apt et se vantait de " posséder son corps ". (Il est vrai qu'on ne sait trop comment il y serait venu. Peut-être à la suite des croisades ? Ce fut une occasion pour beaucoup d'églises d'Occident de s'enrichir de reliques. Apt possède un tissu précieux de fabrication arabe rapporté par un de ses évêques qui fit justement partie de la Ière croisade.)
" Yves Nicolazic, ne craignez rien je suis Anne, mère de Marie. Dites à votre recteur qu'il y avait ici autrefois, même avant qu'il y eût aucun village, une chapelle dédiée en mon nom. C'était la première de tout le pays ; il y a 924 ans et 6 mois qu'elle a été ruinée ; je désire qu'elle soit rebâtie au plus tôt et que vous en preniez soin. Dieu veut que j'y sois honorée."
Le bienheureux Yves Nicolazic.
Dans la nuit du 7 mars 1625, la sainte lui apparut et lui dit :
" Yves Nicolazic, appelez vos voisins, comme on vous a conseillé ; menez-les avec vous au lieu où ce flambeau vous conduira, vous trouverez l'image qui vous mettra à couvert du monde, lequel connaîtra enfin la vérité de ce que je vous ai promis."
Maison d'Yves Nicolazic. Sainte-Anne-d'Auray. Bretagne.
Précédé de la lumière, accompagné de 4 laboureurs, il arriva dans le champ du Bocenno, où était jadis la chapelle, et découvrit la vénérable statue de bois. Peu à peu les obstacles s'aplanirent, une chapelle fut bâtie, qu'a remplacée, au XIXe siècle, une magnifique basilique.
Malheureusement, la statue a été brûlée sous la Révolution par les bêtes féroces révolutionnaires et l'actuelle n'en est qu'une réplique.
Le culte de sainte Anne a pris, à partir du XVIIe siècle, une grande extension en Bretagne, qui est devenue en quelque sorte son royaume. On ne peut s'empêcher de marquer la corrélation qui existe entre l'extension de ce culte et le renouveau de la foi en Bretagne, à cette époque, à la suite des missions du père Maunoir et de saint Louis-Marie Grignon de Montfort.
Nul doute que la sainte ne donna son appui à l'action des saints missionnaires et qu'elle ne fit de la Bretagne la terre Chrétienne qu'elle est restée. Sur le sol breton, 208 églises ou chapelles lui sont dédiées, au premier rang desquelles il faut citer Sainte-Anne-la-Palud, au bord de la baie de Douarnenez. Ce pèlerinage, vieux de près de 1.500 ans, rassemble, le dernier dimanche d'août, des foules de 60 à 80.000 personnes.
Pardon de Sainte-Anne-la-Palud. début du XXe siècle.
Pardon de Sainte-Anne-la-Palud. début du XXe siècle.
Basilique Sainte-Anne de Beaupré. Québec.
Près de Québec, Sainte-Anne-de-Beaupré est connue mondialement pour son sanctuaire, la Basilique Sainte-Anne de Beaupré. Ce lieu de pèlerinage attire plus d'un million de visiteurs chaque année.
En 1658, Etienne Lessard, dont l'épouse était d'origine bretonne, un des premiers colons, concède certaines terres en vue de la construction de la première chapelle de bois dédiée à Sainte-Anne, particulièrement vénérée en Nouvelle-France.
Construite trop près du fleuve, la chapelle est endommagée par les marées et reconstruite en 1661 un peu plus à l'est, au pied de la côte, à l'emplacement actuel de l'ancien cimetière.
En 1676, on l'a remplace par une église de pierre. Agrandie à plusieurs reprises, elle accueille des milliers de pèlerins pendant près de deux siècles.
Elle est démolie en 1872 et remplacée par la première basilique en 1878. Elle sera détruite par un incendie le 29 mars 1922.
L'actuelle basilique de style roman date de 1926. Elle compte parmi ses trésors des vases sacrés du XVIIIe siècles gravés par divers artistes, et une importante collection d'ex-voto. La chapelle nord, construite en 1878, contient plusieurs œuvres récupérées lors de la démolition de l'ancienne église, en particulier le clocher, qui a été reconstruit en 1788.
Statue processionnelle de sainte Anne et Notre Dame. Sainte Anne
et Notre Dame sont couronnées. Sainte-Anne-d'Auray. Bretagne.
CANTIQUE
Quel vrai Breton - c'est-à-dire chrétien - peut-il ignorer le " Sainte Anne, Ô bonne Mère... " !?
" Sainte Anne, Ô Bonne Mère,
Toi que nous implorons,
Entends notre prière,
Et bénis tes bretons. (Refrain).
Pour montrer à la terre
Que nous croyons au Ciel,
Notre Bretagne est fière
D'entourer ton autel.
Quand l'erreur se déchaîne
Pour vaincre notre foi,
Puissante souveraine,
Nous espérons en toi.
Protège le Saint Père,
Pilote doux et fort,
Sur la nef de Pierre,
Qu'il doit conduire au port.
Fais que la Sainte Eglise
Répande en liberté
Sur la terre soumise
L'auguste vérité.
Si la lourde souffrance
Vient l'écraser parfois,
Apprends à notre France
A bien porter sa croix.
Bénis nos missionnaires
Dans tous pays lointains
Où, pour sauver leurs frères,
Ils sèment le bon grain.
Soutiens dans la tourmente
Les pauvres matelots ;
Sauve la barque errante
De la fureur des flots.
Conserve à la Bretagne
Ses valeureux soldats ;
Ton cœur les accompagne
Au milieu des combats.
Que le pauvre village
Et les riches cités
Sous ton doux patronage
Soient toujours abrités.
Ta fille immaculée,
Reine au divin séjour,
A notre âme troublée
Sourit avec amour.
Dis-lui notre misère
Afin que sa bonté
Fléchisse la colère
De Jésus irrité.
Ô Sainte Anne, Ô Marie,
Nos vœux montent vers vous.
Sauvez notre patrie :
Priez, priez pour nous."
Fontaine de sainte Anne à Sainte-Anne-d'Auray. Bretagne.
PRIERE
" Plus heureuse que l'épouse d'Elcana, qui vous avait figurée par ses épreuves et son nom même (I Reg. I.), Ô Anne, vous chantez maintenant les magnificences du Seigneur (Ibid. II.). Où est la synagogue altière qui vous imposait ses mépris ? Les descendants de la stérile sont aujourd'hui sans nombre ; et nous tous, les frères de Jésus, les enfants comme lui de Marie votre fille, c'est dans la joie qu'amenés par notre Mère, nous vous présentons avec elle nos vœux en ce jour. Quelle fête plus touchante au foyer que celle de l'aïeule, quand autour d'elle, comme aujourd'hui, viennent se ranger ses petits-fils dans la déférence et l'amour ! Pour tant d'infortunés qui n'eussent jamais connu ces solennités suaves, ces fêtes de famille, de jour en jour, hélas, plus rares, où la bénédiction du paradis terrestre semble revivre en sa fraîcheur, quelle douce compensation réservait la miséricordieuse prévoyance de notre Dieu !
Il a voulu, ce Dieu très haut, tenir à nous de si près qu'il fût un de nous dans la chair ; Il a connu ainsi que nous les relations, les dépendances mutuelles résultant comme une loi de notre nature, ces liens d'Adam dans lesquels il avait projeté de nous prendre (Ose. XI, 4.) et où il se prit le premier. Car, en élevant la nature au-dessus d'elle-même, il ne l'avait pas supprimée ; il faisait seulement que la grâce, s'emparant d'elle, l'introduisît jusqu'aux cieux : en sorte qu'alliées dans le temps par leur commun auteur,nature et grâce demeurassent pour sa gloire unies dans l'éternité. Frères donc par la grâce de celui qui reste à jamais votre petit-fils par nature, nous devons à cette disposition pleine d'amour de la divine Sagesse de n'être point, sous votre toit, des étrangers en ce jour ; vraie fête du cœur pour Jésus et Marie, cette solennité de famille est aussi la nôtre.
Donc, Ô Mère, souriez à nos chants, bénissez nos vœux. Aujourd'hui et toujours, soyez propice aux supplications qui montent vers vous de ce séjour d'épreuves. Dans leurs désirs selon Dieu, dans leurs douloureuses confidences, exaucez les épouses et les mères. Maintenez, où il en est temps encore, les traditions du foyer chrétien. Mais déjà, que de familles où le souffle de ce siècle a passé, réduisant à néant le sérieux de la vie, débilitant la foi, ne semant qu'impuissance, lassitude, frivolité, sinon pis, à la place des fécondes et vraies joies de nos pères ! Oh ! Comme le Sage, s'il revenait parmi nous, dirait haut toujours :
" Qui trouvera la femme forte ?" (Prov. XXXI, 10.).
Elle seule, en effet, par son ascendant, peut encore conjurer ces maux, mais à la condition de ne point oublier où réside sa puissance ; à savoir dans les plus humbles soins du ménage exercés par elle-même, le dévouement qui se dépense obscurément, veilles de nuit, prévoyance de chaque heure, travaux de la laine et du lin, jeu du fuseau : toutes ces fortes choses (Ibid., 13-18.) qui lui assurent confiance et louange de la part de l'époux (Ibid., 11-28.), autorité sur tous (Ibid., 15.), abondance au foyer (Ibid., 11.), bénédiction du pauvre assisté par ses mains (Ibid., 20.), estime de l'étranger (Ibid., 24, 31.), respect de ses fils (Ibid., 28.), et pour elle-même, dans la crainte du Seigneur (Ibid., 30.), noblesse et dignité (Ibid., 22-23.), beauté autant que force (Ibid., 25.), sagesse, douceur et contentement (Prov. XXXI, 26, 27.), sérénité du dernier jour (Ibid., 25.).
Basilique Sainte-Anne-d'Auray. Bretagne.
Bienheureuse Anne, secourez la société qui se meurt parle défaut de ces vertus qui furent vôtres. Vos maternelles bontés, dont les effusions sont devenues plus fréquentes, ont accru la confiance de l'Eglise ; daignez répondre aux espérances qu'elle met en vous. Bénissez spécialement votre Bretagne fidèle ; ayez pitié de la France malheureuse, que vous avez aimée si tôt en lui confiant votre saint corps, que vous avez choisie plus tard de préférence comme le lieu toujours cher d'où vous vouliez vous manifester au monde, que naguère encore vous avez comblée en lui remettant le sanctuaire qui rappelle dans Jérusalem votre gloire et vos ineffables joies.
Ô vous donc qui, comme le Christ, aimez les Francs, qui dans la Gaule déchue daignez toujours voir le royaume de Marie, continuez-nous cet amour, tradition de famille pour nous si précieuse. Que votre initiative bénie vous fasse connaître par le monde à ceux de nos frères qui vous ignoreraient encore. Pour nous qui dès longtemps avons connu votre puissance, éprouvé vos bontés, laissez-nous toujours chercher en vous, Ô Mère, repos, sécurité, force en toute épreuve ; à qui s'appuie sur vous, rien n'est à craindre ici-bas : ce que votre bras porte est bien porté."
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