dimanche, 08 septembre 2024
8 septembre. Nativité de la Bienheureuse Vierge Marie.
- La nativité de la Bienheureuse Vierge Marie, à Jérusalem dans la Maison Probatique.
" Marie naît pour devenir l'instrument du salut du monde, la médiatrice des anges et des hommes, la réparatrice de l'univers."
M. l'abbé Combalot. Conférence sur les grandeurs de Marie.
La maison probatique est la maison de saint Joachim et de sainte Anne qui se trouve à proximité du Temple et non loin de la Piscine probatique.
La porte Saint-Etienne s’appelait au temps du Christ la porte des brebis, parce que les animaux destinés à être sacrifiés au Temple passaient par là. A côté de la porte, deux énormes bassins de retenue, profonds de 13 mètres, avaient été creusés dans le roc pour retenir les eaux de ruissellement issues de la colline.
Une canalisation permettait d’alimenter en eau le Temple tout proche. Au temps d’Hérode le Grand, les nombreux sacrifices et les ablutions rituelles employaient d’énormes quantités d’eau qui nécessitèrent de nouveaux travaux plus proches du Temple.
De ce fait les anciennes citernes devinrent des bains publics et évidemment des thermes où se pratiquait le culte d’Esculape, le dieu d’Epidaure chargé par les Anciens de guérir les malades. On trouvait donc dans cette ancienne dépendance du Temple un complexe païen associant sanctuaire et pratiques magiques, piscine, promenade et peut-être un portique construit entre les deux bassin qui expliquerait l’expression de saint Jean : la piscine aux cinq portiques. Elle fut bientôt transformée en église puis en Basilique.
Il faut assurément chercher l'origine de la fête de la Nativité de la sainte Vierge en Orient où le synaxaire de Constantinople la marquait déjà au 8 septembre1, selon ce qu’avait décrété l’empereur Maurice (582 + 602). Il est probable que l’Eglise de Jérusalem fut la première à honorer le souvenir de la Nativité de Notre-Dame qu’elle célébrait dans une basilique proche de la piscine probatique, sur l’emplacement de la maison où, suivant la tradition, serait née la sainte Vierge.
La Nativité de la sainte Vierge est mentionnée dans les homélies d'André de Crète (660-740) :
" Aujourd'hui comme pour des noces, l'Eglise se pare de la perle inviolée, de la vraie pureté. Aujourd'hui, dans tout l'éclat de sa noblesse immaculée, l'humanité retrouve, grâce aux mains divines, son premier état et son ancienne beauté. Les hontes du péché avaient obscurci la splendeur et les charmes de la nature humaine ; mais, lorsque naît la Mère de celui qui est la Beauté par excellence, cette nature recouvre en elle ses anciens privilèges, elle est façonnée suivant un modèle parfait et entièrement digne de Dieu.
Et cette formation est une parfaite restauration et cette restauration est une divinisation et cette divinisation, une assimilation à l'état primitif. Aujourd'hui, contre toute espérance, la femme stérile devient mère et cette mère, donnant naissance à une descendance qui n'a pas de mère, née elle-même de l'infécondité, a consacré tous les enfantements de la nature. Aujourd'hui est apparu l'éclat de la pourpre divine, aujourd'hui la misérable nature humaine a revêtu la dignité royale.
Aujourd'hui, selon la prophétie, le sceptre de David a fleuri en même temps que le rameau toujours vert d'Aaron, qui, pour nous, a produit le Christ rameau de la force. Aujourd'hui, une jeune vierge est sortie de Juda et de David, portant la marque du règne et du sacerdoce de celui qui a reçu, suivant l'ordre de Melchisédech, le sacerdoce d'Aaron. Pour tout dire en un mot, aujourd'hui commence la régénération de notre nature, et le monde vieilli, soumis à une transformation divine, reçoit les prémices de la seconde création."
A Rome, on célébrait alors la dédicace de la basilique du martyr Adrien et il faudra attendre le pontificat du pape Serge Ier (687-701) pour trouver une trace incontestable de la célébration de la Nativité de la sainte Vierge où le Pape, en sandales, faisait procession de la basilique Saint-Adrien à celle de Sainte-Marie-Majeure. Les vieux livres liturgiques assignaient à cette fête les mêmes chants qu'à la solennité de l'Assomption.
Benoît XIV (1740-1758), dans l’Histoire des Mystères et des fêtes, raconte que chaque année, au 8 septembre, un solitaire entendait des chants célestes ; quand il en demanda la cause à Dieu, il lui fut répondu que c'était en l'honneur de la naissance de la Vierge Marie qui se célébrait au Ciel et qu'il en était averti car Marie étant née pour les hommes, il devrait faire en sorte que cette fête fût aussi célébrée sur terre. Le solitaire se rendit auprès du Pape qui, au récit de la vision, institua la fête de la Nativité de la sainte Vierge.
En France, la fête la Nativité de sa sainte Vierge porta longtemps le titre de Notre-Dame Angevine, rappelant que la Vierge Marie, apparut, en 430, près de Saint-Florent, au saint évêque Maurille d'Angers pour lui demander l'institution de la fête de sa Nativité . Avec le concours efficace du roi Robert le Pieux, Fulbert, évêque de Chartres (+1028) contribua beaucoup à introduire la fête de la Nativité de la sainte Vierge dans le nord du Royaume ; la nuit même de cette fête, sa cathédrale ayant été détruite par un incendie, il jeta les fondement de celle que nous connaissons aujourd’hui, dédiée à la Nativité de Notre-Dame.
A la mort le pape Célestin IV (1243), Frédéric II retint prisonniers des cardinaux pour que le conclave ne se réunît pas ; les prisonniers firent le vœu solennel de donner un octave à cette fête s'ils étaient rendus à la liberté ; libérés, ils élurent Innocent IV qui, au premier concile de Lyon (1245) accomplit le vœu. Grégoire XI fit une vigile qui fut célébrée à Anagni.
L'Ecriture ne parle guère de la naissance de la Sainte Vierge et il faut se référer ici aux traditions comme le firent les textes apocryphes en termes merveilleux.
Protévangile de Jacques
Naissance de Marie, la sainte qui engendra Dieu, très glorieuse mère de Jésus-Christ.
Ch. Ier
Dans les histoires des douze tribus d'Israël, on dit que Joachim était un homme comblé de richesses, mais qu'il apportait des offrandes doubles, en disant : " Ce que je donne en excédent sera pour tous ; je l'offre en expiation de mes péchés, pour que le Seigneur me soit propice ".
Etant arrivé le jour solennel du Seigneur où les fils d'Israël apportaient leurs offrandes, Ruben se dressa devant Joachim et lui dit : " Il ne t'est pas permis d'être le premier à déposer tes offrandes, car tu n'as pas engendré en Israël ".
Et Joachim fut comblé de tristesse, et il alla consulter les documents des douze tribus du peuple, disant : " Je verrai dans les documents des douze tribus d'Israël si j'ai été seul à n'avoir pas engendré en Israël ". Il chercha et trouva que tous les justes avaient engendré de la postérité en Israël. Mais il se souvint aussi du patriarche Abraham, et qu'en ses derniers jours Dieu lui avait donné un fils, Isaac.
Alors, comblé de tristesse, Joachim ne se présenta point devant sa femme, mais il se rendit au désert ; il y planta sa tente et jeûna quarante jours et quarante nuits, se disant à lui-même : " Je ne descendrai ni manger ni boire avant que le Seigneur mon Dieu m'ait visité, et la prière sera ma nourriture et ma boisson ".
Ch. II
Cependant sa femme Anne pleurait, ayant deux raisons de gémir. " Je me désolerai sur mon veuvage, disait-elle ; je me désolerai sur ma stérilité ".
Etant arrivé le jour solennel du Seigneur, Judith, sa servante, lui dit : " Jusques à quand auras-tu l'âme abattue ? Voici le jour solennel du Seigneur ; tu n'as pas le droit de pleurer. Mais prends ce serre-tête que m'a donné mon ancienne maîtresse ; je ne puis m'en orner car je suis serve et il porte le signe de la race royale ".
Anne répondit : " Eloigne-toi ; je ne ferai rien de tel, car le Seigneur m'a comblée d'humiliations. Sans doute est-ce un méchant qui t'a donné ce bandeau et tu essaies de me faire complice de ta faute ". Mais Judith répartit : " Quel mal pourrais-je te vouloir pire que celui que tu as, puisque le Seigneur a clos ton sein, afin qu'il n'engendre pas de postérité en Israël !"
Alors, au comble de l'affliction, Anne ôta ses habits de deuil, elle se lava la tête, revêtit ses habits de noce, et, vers la neuvième heure, descendit se promener au jardin. Elle vit un laurier, s'assit sous ses branches et se mit à invoquer le Tout-Puissant : " Dieu de mes pères, bénis-moi, exauce ma supplication, comme tu as béni Sarah dans ses entrailles et lui as donné son fils Isaac ".
Ch. III
Et levant les yeux vers le ciel, elle vit dans le laurier un nid de passereaux, et elle se reprit à gémir, se disant pour elle-même :
" Pitié de moi ! qui donc m'a engendrée, quelles entrailles m'ont enfantée, pour que je sois devenue maudite parmi les fils d'Israël, que je doive être chassée avec outrage du Temple du Seigneur ?"
" Pitié de moi ! à quoi donc ressemblé-je ? Pas même aux petits oiseaux du ciel , car les oiseaux du ciel sont féconds devant vous, Seigneur."
" Pitié de moi ! à quoi donc ressemblé-je ? Pas même aux bêtes sauvages de la terre, car les bêtes sauvages de la terre sont fécondes devant vous, Seigneur."
" Pitié de moi ! à quoi donc ressemblé-je ? Pas même à ces eaux que voilà, car ces eaux sont fécondes devant vous, Seigneur. Pitié de moi ! à quoi donc ressemblé-je ? Pas même à cette terre que voilà, car cette terre porte des fruits en leur temps, et elle vous bénit, Seigneur !"
Ch. IV
Or voici qu'un ange du Seigneur apparut et lui dit : " Anne, Anne, le Seigneur a entendu ta plainte. Tu concevras, tu engendreras, et l'on parlera de ta progéniture par toute la terre ". Anne répondit : " Aussi vrai que vit le Seigneur mon Dieu, si j'enfante soit un fils, soit une fille, je le consacrerai au Seigneur mon Dieu pour qu'il le serve tous les jours de sa vie !"
Alors deux anges arrivèrent auprès d'elle, lui disant : " Voici que Joachim, ton homme, s'en vient vers toi avec ses troupeaux, car un ange du Seigneur est descendu à lui et lui a dit : Joachim, Joachim, le Seigneur a entendu ta plainte. Descends d'ici, car voici que ta femme Anne va concevoir dans ses entrailles ".
Et Joachim descendit. Il appela ses bergers et leur dit : " Apportez-moi dix agneaux sans tache et parfaits ; ils seront pour le Seigneur mon Dieu. Apportez-moi aussi douze des veaux les plus tendres ; ils seront pour les prêtres et le Conseil des Anciens. Et cent chevreaux seront pour tout le peuple ".
Et voici que Joachim arriva avec ses troupeaux. Anne, qui se trouvait debout sur le seuil, le vit venir, courut à lui et s'accrochant à son cou, lui dit : " Maintenant, je sais que le Seigneur Dieu m'a comblée de bénédictions, car j'étais comme veuve et je ne le suis plus ; j'étais stérile et mes entrailles vont concevoir ". Et ce fut le premier soir que Joachim reposa dans sa maison.
Ch. V
Le lendemain, il vint présenter ses offrandes, se disant en lui-même : " Si le Seigneur Dieu m'est propice, il m'accordera de voir le disque d'or du prêtre !" (*) Il présenta donc ses offrandes, et fixa ses regards sur le disque du prêtre, lorsque celui-ci monta à l'autel, et il sut ainsi qu'il n'y avait aucune faute en lui. Et Joachim dit alors : " Maintenant, je sais que le Seigneur m'est propice et que mes péchés sont effacés ! Il descendit donc du temple du Seigneur, justifié, et il retourna dans sa maison ".
Or les mois d'Anne s'accomplissaient, et, au neuvième, elle enfanta. Et elle demanda à la sage-femme : " Qu'ai-je mis au monde ?" Celle-ci répondit : " Une fille ". Et Anne reprit : " Elle a été glorifiée en ce jour, mon âme !"
Et elle coucha l'enfant. Puis les jours d'usage étant accomplis, elle se releva, se lava, donna le sein à son enfant et l'appela Marie.
(*) Ce " test " que Joachim se propose à lui-même peut se comprendre ainsi : le Grand Prêtre, en tenue de cérémonie, portait un disque d'or dont il est question dans la Bible ( Exode, XXVIII, 36, 37 ; Lévitique, VIII, 9 ). Au moment où le Grand Prêtre traversait le sacré parvis pour se rendre à l'autel ou au Saint des Saints, il passait assez loin des simples fidèles, massés dans le parvis des Israélites. Pour discerner le disque d'or sans doute fallait-il qu'un éclat de lumière le fît briller. C'est cet éclat que Joachim demande comme un signe.
Saint Jean Damascène : Ière homélie pour la nativité de la Vierge Marie
" Neuf mois étant accomplis, Anne mit au monde une fille et l'appela du nom de Marie. Quand elle l'eut sevrée, la troisième année, Joachim et elle se rendirent au temple du Seigneur et, ayant offert au Seigneur des victimes, ils présentèrent leur petite fille Marie pour qu'elle habitât avec les vierges qui, nuit et jour, sans cesse, louaient Dieu.
Quand elle eut été amenée devant le temple du Seigneur, Marie gravit en courant les quinze marches sans se retourner pour regarder en arrière et sans regarder ses parents comme le font les petits enfants. Et cela frappa d'étonnement toute l'assistance, au point que les prêtres du Temple eux-mêmes étaient dans l'admiration.
Puisque la Vierge Marie devait naître d'Anne, la nature n'a pas osé devancer le germe béni de la grâce. Elle est restée sans fruit jusqu'à ce que la grâce eût porté le sien. En effet il s'agissait de la naissance, non d'un enfant ordinaire, mais de cette première-née d'où allait naître le premier-né de toute créature, en qui subsistent toutes chose. O bienheureux couple, Joachim et Anne ! Toute la création vous doit de la reconnaissance, car c'est en vous et par vous qu'elle offre au créateur le don qui surpasse tous les dons, je veux dire la chaste Mère qui était seule digne du Créateur.
Aujourd'hui sort de la souche de Jessé le rejeton sur lequel va s'épanouir pour le monde une fleur divine. Aujourd'hui Celui qui avait fait autrefois sortir le firmament des eaux crée sur la terre un ciel nouveau, formé d'une substance terrestre ; et ce ciel est beaucoup plus beau, beaucoup plus divin que l'autre, car c'est de lui que va naître le soleil de justice, celui qui a créé l'autre soleil....
Que de miracles se réunissent en cette enfant, que d'alliances se font en elle ! Fille de la stérilité, elle sera la virginité qui enfante. En elle se fera l'union de la divinité et de l'humanité, de l'impassibilité et de la souffrance, de la vie et de la mort, pour qu'en tout ce qui était mauvais soit vaincu par le meilleur. O fille d'Adam et Mère de Dieu ! Et tout cela a été fait pour moi, Seigneur ! Si grand était votre amour pour moi que vous avez voulu, non pas assurer mon salut par les anges ou quelque autre créature, mais restaurer par vous-même celui que vous aviez d'abord créé vous-même. C'est pourquoi je tressaille d'allégresse et je suis plein de fierté, et dans ma joie, je me tourne vers la source de ces merveilles, et emporté par les flots de mon bonheur, je prendrai la cithare de l'Esprit pour chanter les hymnes divins de cette naissance...
Aujourd’hui le créateur de toutes choses, Dieu le Verbe compose un livre nouveau jailli du cœur de son Père, et qu’il écrit par le Saint-Esprit, qui est langue de Dieu…
Ô fille du roi David et Mère de Dieu, Roi universel. O divin et vivant objet, dont la beauté a charmé le Dieu créateur, vous dont l'âme est toute sous l’action divine et attentive à Dieu seul ; tous vos désirs sont tendus vers cela seul qui mérite qu'on le cherche, et qui est digne d'amour ; vous n'avez de colère que pour le péché et son auteur. Vous aurez une vie supérieure à la nature, mais vous ne l'aurez pas pour vous, vous qui n'avez pas été créée pour vous. Vous l'aurez consacrée tout entière à Dieu, qui vous a introduite dans le monde, afin de servir au salut du genre humain, afin d'accomplir le dessein de Dieu, I'Incarnation de son Fils et la déification du genre humain. Votre cœur se nourrira des paroles de Dieu : elles vous féconderont, comme l'olivier fertile dans la maison de Dieu, comme l'arbre planté au bord des eaux vives de l'Esprit, comme l'arbre de vie, qui a donné son fruit au temps fixé : le Dieu incarné, la vie de toutes choses. Vos pensées n'auront d'autre objet que ce qui profite à l'âme, et toute idée non seulement pernicieuse, mais inutile, vous la rejetterez avant même d'en avoir senti le goût.
Vos yeux seront toujours tournés vers le Seigneur, vers la lumière éternelle et inaccessible ; vos oreilles attentives aux paroles divines et aux sons de la harpe de l'Esprit, par qui le Verbe est venu assumer noire chair... vos narines respireront le parfum de l'époux, parfum divin dont il peut embaumer son humanité. Vos lèvres loueront le Seigneur, toujours attaché aux lèvres de Dieu. Votre bouche savourera les paroles de Dieu et jouira de leur divine suavité. Votre cœur très pur, exempt de toute tache, toujours verra le Dieu de toute pureté et brûlera de désir pour lui. Votre sein sera la demeure de celui qu'aucun lieu ne peut contenir. Votre lait nourrira Dieu, dans le petit enfant Jésus. Vous êtes la porte de Dieu, éclatante d'une perpétuelle virginité. Vos mains porteront Dieu, et vos genoux seront pour lui un trône plus sublime que celui des chérubins... Vos pieds, conduits par la lumière de la loi divine, le suivant dans une course sans détours, vous entraîneront jusqu'à la possession du Bien-Aimé. Vous êtes le temple de l'Esprit-Saint, la cité du Dieu vivant, que réjouissent les fleuves abondants, les fleuves saints de la grâce divine. Vous êtes toute belle, toute proche de Dieu ; dominant les Chérubins, plus haute que les Séraphins, très proche de Dieu lui-même.
Salut, Marie, douce enfant d'Anne ; l’amour à nouveau me conduit jusqu’à vous. Comment décrire votre démarche pleine de gravité ? votre vêtement ? le charme de votre visage ? cette sagesse que donne l'âge unie à la jeunesse du corps ? Votre vêtement fut plein de modestie, sans luxe et sans mollesse. Votre démarche grave, sans précipitation, sans heurt et sans relâchement. Votre conduite austère, tempérée par la joie, n'attirant jamais l'attention des hommes. Témoin cette crainte que vous éprouvâtes à la visite inaccoutumée de l'ange ; vous étiez soumise et docile à vos parents ; votre âme demeurait humble au milieu des plus sublimes contemplations. Une parole agréable, traduisant la douceur de l'âme. Quelle demeure eût été plus digne de Dieu ? Il est juste que toutes les générations vous proclament bienheureuse, insigne honneur du genre humain. Vous êtes la gloire du sacerdoce, l’espoir des chrétiens, la plante féconde de la virginité. Par vous s'est répandu partout l'honneur de la virginité Que ceux qui vous reconnaissent pour la Mère de Dieu soient bénis, maudits ceux qui refusent...
Ô vous qui êtes la fille et la souveraine de Joachim et d'Anne, accueillez la prière de votre pauvre serviteur qui n'est qu'un pécheur, et qui pourtant vous aime ardemment et vous honore, qui veut trouver en vous la seule espérance de son bonheur, le guide de sa vie, la réconciliation auprès de votre Fils et le gage certain de son salut. Délivrez-moi du fardeau de mes péchés, dissipez les ténèbres amoncelées autour de mon esprit, débarrassez-moi de mon épaisse fange, réprimez les tentations, gouvernez heureusement ma vie, afin que je sois conduit par vous à la béatitude céleste, et accordez la paix au monde. A tous les fidèles de cette ville, donnez la joie parfaite et le salut éternel, par les prières de vos parents et de toute l'Eglise."
Prière en l'honneur de la nativité de Notre Dame :
" Ô Marie,
Vierge heureuse et bénie,
Permettez-moi de m'approcher de votre berceau,
Et de joindre mes louanges
A celles que vous rendent les anges
Qui vous entourent, heureux d'être les témoins
Des merveilles de votre naissance.
Agenouillé devant vous,
je vous fais l'offrande de mon coeur ;
Reine du ciel et de la terre,
recevez-moi et gardez-moi.
Je vous salue, Marie,
Ô fruit de pureté !
La terre maudite s'étonne d'avoir pu vous produire.
Ô Marie, pleine de grâces,
Vous relevez l'espoir des enfants d'Eve chassé du paradis
Et vous ranimez leur confiance.
Au jour de votre entrée dans le monde,
Nous avons relevés nos fronts abattus :
Votre naissance annonce celle du Rédempteur,
Comme l'aurore annonce la venue du jour.
Je vous salue, Marie, Ô étoile de Jacob !
Le soleil de justice va se lever, le jour de la grâce va luire,
et c'est vous qui avez hâté sa venue.
Vos désirs, plus ardents que ceux des patriarches et des prophètes,
Attirent le véritable Emmanuel dans votre sein,
Et c'est à vous qu'il appartiendra de nous donner le Verbe fait chair.
Que vos saintes mains, Ô Marie,
Répandent dans mon coeur avec profusion
L'humilité, l'innocence, la simplicité,
La douceur et la charité :
Que ces vertus de votre coeur saisissent le mien
Pour que j'appartienne avec vous au Christ, mon Seigneur,
Et qu'en lui je sache offrir le bien que je fais et le mal que je souffre
Pour la plus grande gloire de Dieu qui est le salut des pécheurs."
Rq : On lira l'homélie de saint Bernard de Clairvaux pour la nativité de la Bienheureuse Vierge Marie ; L'aqueduc :
http://www.abbaye-saint-benoit.ch/saints/bernard/tome03/h....
On lira aussi la nativité de la Bienheureuse Vierge Marie dans la Légende dorée du bienheureux Jacques de Voragine :
http://www.abbaye-saint-benoit.ch/voragine/tome03/132.htm
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samedi, 07 septembre 2024
7 septembre. Saint Cloud, prince, moine et prêtre. 560.
Saint Augustin, évêque d'Hippone.
Cette inhumanité fut bientôt sévèrement punie, non-seulement en sa personne, mais aussi en celles de ses propres enfants. Ayant remporté une seconde victoire près de Vienne, en Dauphiné, sur Gondemar, frère de saint Sigismond, comme il poursuivait les fuyards avec ardeur, il s'éloigna trop de ses gens et tomba entre les mains d'une troupe d'ennemis qui le tuèrent, lui coupèrent la tête et la mirent au bout d'une lance pour la faire voir aux Francs.
Après sa mort, ses enfants : Thibault, Gonthaire et Clodoald, (vulgairement Cloud), se trouvèrent sous la conduite de sainte Clotilde, leur grand-mère, qui les éleva chrétiennement et avec le plus grand soin, en attendant qu'ils partageassent les Etats de leur père, gouvernés pendant ce temps par des lieutenants.
Après avoir distribué aux églises et aux pauvres les biens que ses oncles n'avaient pu lui ravir, il se retira auprès d'un saint religieux, nommé Séverin, qui menait une vie solitaire et contemplative dans un ermitage aux portes de Paris. Le jeune prince reçut de ses mains l'habit religieux, et demeura quelque temps en sa compagnie, pour s'y former à toutes les vertus monastiques.
Cependant, ne se croyant pas assez solitaire, ou pour quelques raisons que son histoire ne marque pas, il quitta les environs de Paris et se retira secrètement en Provence, hors de la vue et de l'entretien de toutes les personnes de sa connaissance.
Pendant qu'il se construisait, de ses propres mains, une petite cellule, un pauvre se présenta devant lui et lui demanda l'aumône. Il était lui-même si pauvre, qu'il n'avait ni or, ni argent, ni provisions qu'il pût lui donner ; mais il se dépouilla généreusement de sa propre cuculle et lui en fit présent.
Cet acte de charité fut si agréable à Dieu, que, pour en découvrir le mérite, il rendit la nuit suivante cette cuculle toute lumineuse entre les mains du pauvre qui l'avait reçue. Les habitants des environs furent témoins de ce miracle, et reconnurent par là que saint Cloud était un excellent serviteur du Christ. Ils le vinrent donc trouver pour honorer sa sainteté et pour recevoir ses instructions ; mais leurs trop grandes déférences leur firent perdre un si précieux trésor : car saint Cloud, voyant qu'il n'était pas plus caché en Provence qu'à Paris, s'en retourna dans son premier ermitage.
Peut-être que l'appréhension d'être élevé à la prélature l'avait fait fuir, et que le sujet de sa crainte était passé par l'élection d'un autre à cette dignité.
On admirait en lui le pouvoir de la grâce, qui, d'un prince, ou pour mieux dire d'un roi légitime, avait fait un humble serviteur de la maison de Dieu. On louait hautement son humilité, sa modestie, son détachement des choses du monde, son amour pour la pénitence et sa charité incomparable.
Ce grand homme ne put souffrir longtemps ces honneurs, et, pour les éviter, il se retira sur une montagne, le long de la Seine, à deux lieues au-dessous de Paris, en un lieu que l'on appelait Nogent, mais qui, depuis, a changé de nom pour prendre celui de Saint-Cloud.
Enfin, il y mourut saintement le 7 septembre, vers l'an 560. Sa mort, qu'il avait prédite avant qu'elle arrivât, fut suivie de plusieurs miracles. On enterra son corps dans le même monastère, qui, depuis, a été changé en collégiale. Cette église est aujourd'hui paroissiale, et l'on y garde encore quelques-unes des reliques du Saint.
On peut voir dans toute son histoire, que ce que le monde appelle infortune est souvent le chemin du vrai bonheur, et que Dieu sait admirablement tirer le bien du mal, l'élévation de la plus grande humiliation. Ainsi, la véritable prudence est de s'abandonner entièrement à la conduite de Sa Divine Providence, et d'aimer les états, même les plus bas et les plus humiliés, où il Lui plaît de nous mettre.
On le représente çà et là comme solitaire, agenouillé devant une croix, et la couronne à terre près de lui.
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vendredi, 06 septembre 2024
6 septembre. Saint Zacharie, 11e des 12 petits prophètes. Ve siècle avant Notre Seigneur Jésus-Christ.
Il les exhorta aussi à se convertir au Seigneur et à ne pas imiter l'endurcissement de leurs pères, si souvent châtiés pour n'avoir pas écouté les Prophètes.
Dieu fit voir à Zacharie, dans deux visions différentes, et sous plusieurs figures, la succession des quatre monarchies, savoir des Assyriens, des Chaldéens, des Perses et des Grecs, qui devait se terminer au règne de Jésus-Christ dont il décrit la vie et la passion.
Une controverse, jusqu'ici demeurée sans solution définitive, s'est élevée entre les commentateurs, au sujet d'un texte fameux de l'Evangile où Notre Seigneur s'adresse aux Juifs et qui parait se rapporter à Zacharie :
" Je vous ai envoyé des prophètes, des sages, des docteurs ; vous les avez égorgés. Aussi du sang des justes versé sur la terre depuis l'innocent Abel jusqu'à Zacharie, fils de Barachie, que vous avez tué entre le temple et l'autel, retombera sur vos tètes."
Toutefois la tradition juive ou chrétienne n'a gardé aucun souvenir du meurtre du prophète Zacharie. On peut donc adopter sur ce point le système de saint Epiphane, qui appliquait les paroles de Notre-Seigneur au grand-prêtre Zacharie, mis à mort entre le temple et l'autel, sous le règne de Joas (870-831).
On lit dans l'historien grec Sozomène (Ve s.), que le corps du prophète Zacharie fut trouvé dans le territoire d'Eleuthéropolis, dans un bourg nommé Caphar. Il était intact, vêtu d'une robe blanche, et mis dans un cercueil de plomb, enfermé dans un autre de bois.
On le représente, comme les autres Prophètes, déroulant un cartouche où se lisent les principaux textes de sa prophétie.
On peut voit dans la collection des Bollandistes, au 6 septembre, les arguments que le père Stilting a réunis pour soutenir l'identité du Zacharie dont parle Notre-Seigneur avec le prophète.
Bergier, dans son Dictionnaire de théologie, les a repris en sous-oeuvre et développés avec une nouvelle force.
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jeudi, 05 septembre 2024
5 septembre. Saint Laurent Justinien, premier patriarche de Venise, confesseur. 1455.
- Saint Laurent Justinien, premier patriarche de Venise, confesseur. 1455.
Papes : Nicolas V ; Calixte III. Roi de France : Charles VII. Souverain du Saint-Empire : Frédéric III de Habsbourg. Roi de Castille et de Léon : Henri IV. Roi d'Aragon et de Naples : Alphonse V le Magnanime.
" Le premier sacrifice de justice que l'homme doit faire à Dieu, celui qui Lui est le plus agréable et qui le fait avancer davantage dans la perfection, c'est le sacrifice d'un coeur contrir à cause de ses péchés passés."
Esprit de saint Laurent Justinien.
Ce fut vers la congrégation des chanoines réguliers de Saint-Georges-in-Alga que le porta sa ferveur. On l'y vit inventer de nouveaux tourments pour sévir plus durement contre lui-même, se déclarant une guerre d'ennemi acharné, ne se permettant aucun plaisir.
Plus jamais il n'entra dans le jardin de sa famille, ni dans la maison paternelle, si ce n'est pour rendre les derniers devoirs à sa mère mourante, ce qu'il fit sans une larme. Non moindre était son zèle pour l'obéissance, la douceur, l'humilité surtout : il allait au-devant des offices les plus abjects du monastère ; il se plaisait à mendier par les lieux les plus fréquentés de la ville, cherchant moins la nourriture que l'opprobre ; les injures, les calomnies ne pouvaient l'émouvoir ni lui l'aire rompre le silence.
Quand, par une grande chaleur, on lui proposait de boire :
" Si nous ne pouvons supporter la soif, disait-il, comment supporterons-nous le feu du purgatoire ?"
A un frère qui se lamentait parce que le grenier de la communauté avait brûlé : " Pourquoi donc, dit-il, avons-nous fait le voeu de pauvreté ? Cet incendie est une grâce de Dieu pour nous !"
Ses vertus l'élevèrent bientôt aux fonctions de général de son Ordre.
Son grand secours était dans la prière continuelle ; souvent l'extase le ravissait en Dieu ; telle était l'ardeur dont brûlait son âme, qu'elle embrasait ses compagnons, les prémunissant contre la défaillance, les affermissant dans la persévérance et l'amour de Jésus-Christ.
Comme on lui demandait sur quelles ressources il comptait, ce faisant, il répondait :
" Sur celles de mon Seigneur, qui pourra facilement payer pour moi."
Il bâtit plusieurs monastères de vierges, et forma diligemment leurs habitantes à marcher dans les voies de la vie parfaite. Son zèle s'employa à détourner les matrones vénitiennes des pompes du siècle et des vaines parures, comme à réformer la discipline ecclésiastique et les mœurs.
Aussi fût-ce à bon droit que le même Eugène IV l'appela, en présence des cardinaux, la gloire et l'honneurde la prélature. Ce fut également pour reconnaître son mérite, que le successeur d'Eugène, Nicolas V, ayant transféré le titre patriarcal de Grado à Venise, l'institua premier patriarche de cette ville.
Maintes fois ses prières mirent en fuite maladies et démons. Bien qu'il n'eût presque point étudié la grammaire, il a laissé des livres remplis d'une céleste doctrine et respirant l'amour.
Cependant la maladie qui devait l'enlever de ce monde venait de l'atteindre ; ses gens lui préparaient un lit plus commode pour sa vieillesse et son infirmité ; mais lui, manifestant sa répulsion pour des délices trop peu en rapport avec la dure croix de son Seigneur mourant, voulut qu'on le déposât sur sa couche ordinaire. Sentant venue la fin de sa vie : " Un chrétien, dit-il avec saint Martin, doit mourir sur la cendre et le cilice." " Je viens à vous, Ô bon Jésus !" dit-il, les yeux levés au ciel. Ce fut le huit janvier qu'il s'endormit dans le Seigneur.
Combien sa mort avait été précieuse, c'est ce qu'attestèrent les concerts angéliques entendus par plusieurs Chartreux, et la conservation de son saint corps qui, pendant plus de deux mois que la sépulture en fut dilférée, demeura sans corruption, avec les couleurs de la vie et exhalant un suave parfum. D'autres miracles suivirent aussi cette mort, lesquels amenèrent le Souverain Pontife Alexandre VIII à l'inscrire au nombre des Saints. Innocent XII désigna pour sa fête le cinquième jour de septembre, où il avait été d'abord élevé sur la chaire des pontifes.
EXTRAITS DE SAINT LAURENT JUSTINIEN
" Venez, vous tous que sollicite l'attrait du bien immuable, et qui vainement le demandez à ce siècle qui passe ; je vous dirai ce que le ciel a fait pour moi. Comme vous jadis je cherchais fiévreusement ; et ce monde extérieur ne donnait point satisfaction à mon désir brûlant. Mais, par la divine grâce qui nourrissait mon angoisse, enfin m'est apparue, plus belle que le soleil, plus suave que le baume, Celle dont alors le nom m'était ignoré. Venant à moi, combien son visage, était doux ! combien pacifiante était sa voix, me disant : " Ô toi dont la jeunesse est toute pleine de l'amour que je t'inspire, pourquoi répandre ainsi ton cœur ? La paix que tu cherches par tant de sentiers divers est avec moi ; ton désir sera comblé, je t'en donne ma foi : si, cependant, tu veux de moi pour épouse."
J'avoue qu'à ces mots défaillit mon cœur ; mon âme fut transpercée du trait de son amour. Comme toutefois je désirais savoir son nom, sa dignité, son origine, die me dit qu'elle se nommait la Sagesse de Dieu, laquelle, invisible d'abord au sein du Père, avait pris d'une Mère une nature visible pour être plus facilement aimée. Alors, en grande allégresse, je lui donnai consentement ; et elle, me donnant le baiser, se retira joyeuse."
[...] " Depuis, la flamme de son amour a été croissant, absorbant mes pensées. Ses délices durent toujours ; c'est mon épouse bien-aimée, mon inséparable compagne. Par elle, la paix que je cherchais fait maintenant ma joie. Aussi, écoutez-moi, vous tous : allez à elle de même; car elle met son bonheur à ne rebuter personne."
Saint Laurent Justinien. Fasciculus amoris, chap. XVI.
PRIERE ET ELOGE DE SAINT LAURENT JUSTINIEN
" Ô Sagesse qui résidez sur votre trône sublime, Verbe par qui tout fut fait, soyez-moi propice dans la manifestation des secrets de votre saint amour."
C'était, Laurent, votre prière, lorsque craignant d'avoir à répondre du talent caché si vous gardiez pour vous seul ce qui pouvait profitera plusieurs, vous résolûtes de divulguer d'augustes mystères. Soyez béni d'avoir voulu nous faire partager le secret des cieux. Par la lecture de vos dévots ouvrages, par votre intercession près de Dieu, attirez-nous vers les hauteurs comme la flamme purifiée qui ne sait plus que monter toujours. Pour l'homme, c'est déchoir de sa noblesse native que de chercher son repos ailleurs qu'en Celui dont il est l'image. Tout ici-bas n'est que pour nous traduire l'éternelle beauté, nous apprendre à l'aimer, chanter avec nous notre amour.
Quelles délices ne furent pas les vôtres, à ces sommets de la charité, voisins du ciel, où conduisent les sentiers de la vérité qui sont les vertus ! C'est bien de vous-même en cette vie mortelle que vous faites le portrait, quand vous dites de l'âme admise à l'ineffable intimité de la Sagesse du Père : Tout lui profite ; où qu'elle se tourne, elle n'aperçoit qu'étincelles d'amour ; au-dessous d'elle, le monde qu'elle a méprisé se dépense à servir sa flamme ; sons, spectacles, suavités, parfums, aliments délectables, concerts de la terre et rayonnement des cieux, elle n'entend plus, elle ne voit plus dans la nature entière qu'une harmonie d'épithalame et le décor de la fête où le Verbe l'a épousée. Ô ! Puissions-nous marcher comme vous à la divine lumière, vivre d'union et de désir, aimer plus toujours, pour toujours être aimé davantage."
De castoconnubio Verbi et animae.
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mercredi, 04 septembre 2024
4 septembre. Sainte Rose de Viterbe, vierge, du Tiers ordre de saint François. 1252.
- Sainte Rose de Viterbe, vierge, du Tiers ordre de saint François. 1252.
Pape : Innocent IV. Roi de France : Saint Louis. Empereur germanique : Conrad IV. Rois de Castille et de Léon : Saint Ferdinand III ; Alphonse X le Sage. Roi d'Aragon : Jacques Ier le Conquérant.
" Omnia possum in eo qui me confortat."
" Je peux tout en celui qui me fortifie."
Philipp. IV, 13.
Sainte Rose de Viterbe triomphant de l'hérésie gibeline.
A l'époque où Frédéric II d'Allemagne persécutait l'Eglise et s'emparait des Etats pontificaux, Dieu suscitait sainte Rose pour la défense de Viterbe, capitale du patrimoine de saint Pierre et du territoire qui appartenait au souverain pontife et pour défendre la sujétion légitime du pouvoir temporel au pouvoir spirituel.
Les noms de Jésus et Marie furent les premiers mots qui sortirent de la bouche de cette candide créature. Elle avait trois ans lorsque Dieu manifesta Sa toute-puissance en ressuscitant par son intermédiaire une de ses tantes qu'on portait au cimetière. Lorsqu'elle fut capable de marcher, elle ne sortait que pour aller à l'église ou pour distribuer aux pauvres le pain qu'on lui donnait. Un jour son père la rencontra en chemin et lui demanda d'ouvrir son tablier pour voir ce qu'elle portait. O prodige ! Des roses vermeilles apparurent à la place du pain.
Au lieu de s'amuser comme toutes les fillettes de son âge, Rose de Viterbe passait la plus grande partie de son temps en prière devant de saintes images, les mains jointes, immobile et recueillie. A l'âge de sept ans, elle sollicita instamment la permission de vivre seule avec Dieu dans une petite chambre de la maison. La petite recluse s'y livra à une oraison ininterrompue et à des austérités effrayantes qu'elle s'imposait, disait-elle, pour apaiser la colère de Dieu. Entre autres mortifications, sainte Rose marchait toujours les pieds nus et dormait sur la terre.
Dieu lui révéla les châtiments éternels réservés aux pécheurs impénitents. Rose en fut toute bouleversée. La Très Sainte Vierge Marie lui apparut, la consola, la bénit et lui annonça que le Seigneur l'avait choisie pour convertir les pauvres pécheurs :
" Il faudra t'armer de courage, continua la Mère de Dieu, tu parcourras des villes pour exhorter les égarés et les ramener dans le chemin du salut."
Sainte Rose de Viterbe. Francisco de Zurbaran. XVIIe.
Une autre vision la fit participer au drame du Calvaire ; dès lors, la soif de sauver les âmes ne la quitta plus. Sa pénitence aussi austère que précoce, réduisit le frêle corps de Rose à un tel état de faiblesse qu'on désespérait de sauver sa vie. La Très Sainte Vierge la visita de nouveau, la guérit miraculeusement et lui dit d'aller visiter l'église de St-Jean-Baptiste le lendemain, puis celle de Saint-François où elle prendrait l'habit du Tiers Ordre.
Obéissante à la voix du ciel, elle commença à parcourir les places publiques de la ville de Viterbe vêtue de l'habit de pénitence, pieds nus, un crucifix à la main, exhortant la foule à la pénitence et à la soumission au Saint-Siège. Des miracles éclatants vinrent confirmer l'autorité de sa parole.
Instruit de ce qui se passait, le gouverneur impérial de la ville de Viterbe craignit que cette enfant extraordinaire ne détruisit complètement le prestige de l'empereur Frédéric et que l'autorité du pape s'affirmât à nouveau. Il fit comparaître sainte Rose à son tribunal et menaça de la jeter en prison si elle continuait à prêcher. La servante de Dieu lui répondit :
" Je parle sur l'ordre d'un Maître plus puissant que vous, je mourrai plutôt que de Lui désobéir."
Sur les instances d'hérétiques obstinés, sainte Rose est finalement chassée de Viterbe avec toute sa famille, en plein coeur de l'hiver.
Peu après, sainte Rose de Viterbe annonça le trépas de l'ennemi de Dieu, Frédéric II d'Allemagne. En effet, il ne tarda pas à expirer étouffé dans son lit. A cette nouvelle, les habitants de Viterbe s'empressèrent de rappeller leur petite Sainte, absente depuis dix-huit mois. Celle que tous regardaient comme la libératrice de la patrie, la consolatrice des affligés et le secours des pauvres fut reçue en triomphe dans sa ville natale, tandis que le pape Innocent IV, ramené à Rome, rentrait en possession de Viterbe.
Sa mission apostolique terminée, sainte Rose songea à réaliser son voeu le plus cher. Elle se présenta au couvent de Sainte-Marie-des-Roses, mais n'y fut pas acceptée, probablement à cause du genre de vie extraordinaire qu'elle avait menée auparavant. Rose vécut donc en recluse dans la maison paternelle, se vouant à la contemplation et aux plus rigoureuses pénitences. Plusieurs jeunes filles dont elle s'était déjà occupée la supplièrent de les prendre sous sa conduite. La demeure de la Sainte devint un véritable couvent où des âmes généreuses se livrèrent à l'exercice des plus sublimes vertus.
L'élue de Dieu avait dix-sept ans et six mois lorsque le divin jardinier vint cueillir Sa rose toute épanouie pour le ciel, le 6 mars 1252. A l'heure de son glorieux trépas, les cloches sonnèrent d'elles-mêmes. Sainte Rose de Viterbe apparut au souverain pontife pour lui demander de transporter son corps au monastère de Sainte-Marie-des-Roses, translation qui eut lieu six mois après sa mort. A cette occasion, son corps fut trouvé intact.
Eglise Sainte-Rose-de-Viterbe. Viterbe.
Il se conserve encore, au même endroit, dans toute sa fraîcheur et sa flexibilité. D'innombrables miracles ont illustré son tombeau.
Le corps incorrompu de sainte Rose, conservé dans l'église
Sainte-Rose-de-Viterbe à Viterbe. Sa fête donne lieu à une
grande procession chaque 4 septembre dans cette ville
dont elle est une des patronnes majeures.
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mardi, 03 septembre 2024
3 septembre. Saint Pie X, pape, confesseur. 1914.
Giuseppe Sarto, plus connu sous le nom de Pape Pie X, naquit le 2 juin 1835 à Riese, une bourgade de 4 500 habitants, dont ses parents, Jean Baptiste Sarto et Marguerite Sanson, contractèrent mariage le 13 février 1833 à l'église paroissiale st. Mathieu. C'est justement là que fut baptisé le petit Joseph, le lendemain de sa venue au monde.
Issu d'une famille modeste, Jean Baptiste exerçait l'emploi d'huissier municipal ; quant à Marguerite, elle était couturière de campagne. De leur union naquirent dix enfants : Joseph, Giuseppe (Joseph), Ange, Thérèse, Rose, Antonia, Marie, Lucie, Anne, et Pierre ; mais le premier et le dernier des garçons (Joseph et Pierre), à peine nés s'envolèrent au Paradis. Voilà pourquoi le second enfant fut baptisé Giuseppe (Joseph). Pourtant, qui pouvait dire de ce dernier, qu'un jour il serait le successeur de saint Pierre !...
Comme dans toutes les modestes familles nombreuses, la famille Sarto devait faire attention, car les revenus étaient faibles, mais tous se résignaient à la volonté du Seigneur, contents de la table qu'il leur servait chaque jour.
Epouse et mère exemplaire, Marguerite s'efforçait d'inculquer à ses enfants les vertus chrétiennes qu'elle avait elle même hérité de ses parents.
C'est dans cet esprit que le petit Joseph grandissait. Souvent, il allait prier au sanctuaire de Cendrole, à un kilomètre de Riese, car déjà très jeune il avait une dévotion toute spéciale pour la Sainte Vierge. Jamais il ne manquait le catéchisme ni manquait à la Messe. C'était pour lui une joie d'assister aux offices et servir à l'autel comme enfant de chœur. À la maison, il se plaisait à construire avec ses frères de petits autels, où, avec une simplicité enfantine, il s'exerçait aux cérémonies de l'église. Ces actes de piété naïve déposaient en son cœur les premiers germes de cette vocation qui un jour devait faire de lui le saint Pape que nous connaissons.
Ce goût prononcé pour le catéchisme et la Messe ne manqua pas d'attirer l'attention de Don Fusarini, le curé qui l'avait baptisé. Quand il eut terminé, avec succès, ses études élémentaires, il apprit le latin et fréquenta comme externe, de 1846 à 1850, le collège de Castelfranco (à 7 km de Riese) pour des études secondaires. Sur ces entrefaites, Joseph Sarto reçut la Confirmation le 1er décembre 1845 dans la cathédrale d'Asolo, et la première Communion le 6 avril 1847.
Été comme hiver, il parcourait à pied deux fois par jour la route qui le conduisait de chez lui au collège, avec un morceau de pain dans la poche pour son repas. Excellent élève, il était toujours le premier. Après un brillant succès aux examens, le jeune garçon voulait entrer au Séminaire car il se sentait appelé par le sacerdoce. Ses parents n'étaient pas en état de faire des frais pour payer les études de leur fils. Les maigres revenus de ses parents suffisaient à peine à faire vivre la nombreuse famille, et il était impossible de s'engager dans des frais supplémentaires.
AU SEMINAIRE DE PADOUE
Le jeune Joseph entra au séminaire à l'automne de 1850 où il y resta pendant huit ans. Ses supérieurs avaient gardé de lui un très bon souvenir. Il devint bien vite pour ses condisciples un modèle d'humilité et de simplicité ; vertus qu'il sut toujours allier à une grande fermeté de caractère. Maîtres et élèves appréciaient son intelligence, mais lui n'en tirait point vanité, ni ne cherchait point à paraître.
A Riese, tout le monde connaissait la situation très modeste de la famille Sarto. Bien que reçu gratuitement au Séminaire pour ce qui regarde la pension, les parents devaient faire face aux frais d'habillement, aux achats de livres et tout ce qu'il faut à un élève de Grand Séminaire. Quelques familles, qui estimaient et aimaient le jeune Sarto lui fournissaient un peu d'argent pour ces dépenses.
Le 4 mai 1852 un grand malheur vint troubler la joie de Joseph Sarto : la mort de son père, qui du coup plongea la famille dans une situation économique plus que dramatique. En cette douloureuse circonstance, Don Fusarini, archiprêtre, fut vraiment son ange consolateur : il assura à son père mourant qu'il continuerait à aider son fils Joseph dans ses études et ne cesserait de soulager les misères de la famille. Ainsi, le jeune séminariste se remit entre les mains de Dieu et se résigna à Sa volonté divine en esprit de sacrifice.
Son attention était aussi tourné à la musique et au chant d'église, si bien que ses supérieurs firent de lui le maître de chapelle du Séminaire. À la fin de l'année scolaire 1857-58, Joseph Sarto termina ses brillantes études.
PREMIÈRE MESSE
Le 18 septembre 1858 il fut ordonné prêtre. L'ordination se fit à la cathédrale de Castelfranco, et le lendemain, assisté par le curé de Riese, il put chanter avec une grande dévotion se première Messe là même où il fut baptisé. Peu après il fut nommé vicaire à Tombolo.
CURÉ À SALZANO
Au mois de mai 1867, alors âgé de 32 ans, il fut nommé archiprêtre de Salzano où il restera pendant neuf ans. Ses revenus étaient un peu plus important ici, mais ils servaient aux pauvres et aux malades. Il pensait à tous, excepté à lui-même, heureux seulement quand il pouvait faire du bien au prochain.
En neuf ans, il avait gagné les cœurs des paroissiens par sa parole, par ses actes et l'exemple d'une vie sainte.
CHANOINE À TRÉVISE
Trévise est situé à trente kilomètres de Venise. En 1875, trois stalles de chanoines se trouvèrent vacantes à la cathédrale de Trévise. L’Évêque songea donc à l'archiprêtre Sarto, dont il appréciait les éminentes qualités d'esprit et de cœur. En apprenant que l'Évêque voulait le nommer chanoine, il demanda à être ; dispensé de cette charge, mais en vain. C'est donc le 21 juillet 1875 qu'il se rendit à la cathédrale de Trévise pour prendre possession de son canonicat.
Autant il était charitable pour les autres, autant par contre il était sévère pour lui-même : il se souciait peu de ses vêtements ou de ses chaussures. Quel bel exemple de charité pour son prochain... !
VICAIRE CAPITULAIRE
Après la mort de Mgr. Zinelli, survenu le 24 novembre 1879, il eut la charge de gouverner le diocèse de Trévise du 27 novembre 1879 au 23 juin 1880. Ce peu de temps lui suffit pour faire beaucoup : Il prêchait plus qu'à l'ordinaire, redressait les mauvaises habitudes, introduisait les réformes que les constitutions Apostoliques permettent aux vicaires capitulaires ; mais son plus grand souci était que le peuple fût instruit de la religion, les enfants catéchisés et préparés avec soin à la première Communion.
LE SIÈGE ÉPISCOPAL DE MANTOUE
Les multiples mérites de cet homme de Dieu, ses vertus remarquables, sa sainteté de vie, son zèle pour le salut des âmes, sa compétence à gouverner le diocèse de Trévise étaient choses bien connues du Pape Léon XIII, qui, voulant lui témoigner sa confiance, le nomma dans le Consistoire du 10 novembre 1884, à l'évêché de Mantoue.
Le 25 février 1885, Mgr. Sarto obtint l'exequatur à la Bulle pontificale qui le nommait à l'évêché de Mantoue ; et c'est le 18 avril 1885 qu'il fit son entrée solennelle dans cette ville sous les applaudissements de la foule joyeuse et au son des cloches de la citée.
Pour les hommes destiné à de grandes choses, les voies de la Providence sont souvent mystérieuses. Mgr Sarto dut faire face à beaucoup de difficultés ; sa nouvelle fonction se présentant toute hérissée d'épines : nombreuses étaient les réformes à faire ; mais avec une inaltérable confiance en Dieu, il se mit au travail.
Il s'occupa d'abord du clergé : afin de relancer les vocations, il demanda que chacun selon son pouvoir vînt en aide aux séminaristes, de qui dépendait tout espoir d'un avenir meilleur pour le diocèse. Le résultat fut positif car le nombre des clercs s'éleva à 147.
Mgr Sarto eut particulièrement à cœur de former les séminaristes à l'esprit sacerdotal, au zèle pour le salut des âmes jusqu'au sacrifice de soi-même. Pour chaque jeune homme qui souhaitait entrer au séminaire, il voulait savoir si celui-ci avait la vocation, s'il était pieux, s'il fréquentait les sacrements, s'il priait... Bref, il souhaitait de vrais futurs prêtres pour l’Église.
Face au laissé aller qu'il y avait déjà à cette époque là dans certaines paroisses, il décida la tenue d'un Synode diocésain au terme duquel on y édita certaines prescriptions relatives à l'instruction religieuse du peuple :
- Explication, chaque dimanche, de l’Évangile ;
- Meilleure préparation des enfants à la première Communion ;
- Création de cercles et associations catholiques de jeunes gens, pour les tenir éloignés des dangers du monde ;
- Réorganisation des confréries.
On peut considérer ce Synode comme le point de départ de la restauration morale et religieuse de tout le diocèse de Mantoue.
CARDINAL ET PATRIARCHE
En octobre de cette année là, il alla revoir sa mère bien-aimée et sa ville natale. Il baptisa un grand nombre d'enfants. Ce fut la dernière fois qu'il embrassa sa chère maman : celle-ci rendit sa belle âme à Dieu en février de l'année suivante. On grava sur sa tombe cette inscription composée par son fils :
FEMME EXEMPLAIRE, ÉPOUSE VERTUEUSE
MÈRE INCOMPARABLE
LE 4 MAI 1852
PERDIT SON MARI BIEN-AIME
JEAN-BAPTISTE SARTO
RÉSIGNÉE ET CALME
DANS LES PEINES COMME DANS LES JOIES
AVEC UN COURAGE VIRIL
ELLE ÉLEVA CHRÉTIENNEMENT SES NEUF ENFANTS
LE 2 FÉVRIER 1894
DANS SA QUATRE-VINGT UNIÈME ANNÉE
ELLE COURONNA
PAR LA MORT DU JUSTE
UNE VIE DE TRAVAIL ET DE SACRIFICE.
POUR LEURS CHERS PARENTS
LE CARDINAL JOSEPH SARTO
SON FRÈRE ET SES SŒURS
DEMANDENT
La perte de sa mère lui causa une grande douleur.
Le 25 novembre 1894, il officia pontificalement pour la première fois dans la Basilique Saint-Marc, à Venise. Le nouveau Patriarche recevait chaque jour quiconque avait besoin de lui et administrait le sacrement de Confirmation. Né pauvre lui-même, il vécut toujours pauvre d'esprit, plein de pitié pour les souffrances des malheureux ; aussi était-il toujours prêt à secourir ceux d'entre eux qui s'adressaient à lui. On peut dire que personne ne frappa vainement à sa porte sans avoir été secouru.
Souvent, il visitait les hôpitaux, les hospices d'aliénés et les prisons. Le zèle et l'activité du Cardinal Sarto n'avaient pas de bornes quand il s'agissait de soulager les misères humaines de toutes sortes.
Pour ses armoiries, Mgr Sarto choisit : " d'azur à l'ancre tridentée d'argent au naturel au dessus d'une mer agitée, illuminée d'une étoile d'or ".
Les 3 branches de l'ancre symbolisent la foi, la charité et l'espérance ; " que nous retenons pour notre âme comme une ancre sûre et ferme " (Hebr. VI-19) ; l'étoile rappelait Marie, Étoile de la mer. Devenu patriarche de Venise, il ajouta à ses armoiries le lion ailé tenant l’Évangile, qui représente l'évangéliste saint Marc, patron principal de l'auguste cité, avec ces mots : " Pax tibi Marce evangelista meus !" ; devenu Pape, Sa Sainteté Pie X a conservé le lion dans ses armes, y ajoutant seulement les insignes du Souverain Pontificat.
UN PAPE REMARQUABLE
Le 20 juillet 1903, Léon XIII rendit son âme à Dieu. Quelques jours plus tard, le 26, il quittait Venise pour se rendre au Conclave. Après les neuf jours de prières prescrites pour le Pontife défunt, le soir du 31 juillet, les Cardinaux entrèrent en Conclave ; ils étaient au nombre de 62.
Les premiers scrutins s'étaient orientés vers le cardinal Rampolla, collaborateur direct de Léon XIII, et fort intelligent ; " Rampolla avait pour lui tous ceux qui voulaient voir se poursuivre la politique libérale du Pape défunt ".
Le 1er août, le veto de l'empereur d'Autriche François-Joseph Ier fut apporté par l'évêque de Cracovie, contre le cardinal Rampolla. Ce veto, qui fut tant critiqué, sauva l’Église ; car, après sa mort, Mgr Jouin découvrit des documents prouvant qu'il était Franc-maçon.
Très régulièrement - et pendant une époque chaque samedi -, le cardinal Rampolla allait en Suisse y chercher les instructions du pouvoir occulte qu'il avait mission d'appliquer dans le gouvernement de la Sainte Église. D'après ces documents, il avait reçu l'ordre, pour la France, de faire rallier les catholiques à la république (c'est sous son influence que Léon XIII exécuta cette malheureuse disposition) ; et pour l'église, de fonder au Vatican même une loge dont les membres seraient destinés à occuper les plus hauts postes dans la hiérarchie ecclésiastique.
Suite à ce veto, le choix du Conclave se porta en faveur du Cardinal Sarto. A chaque tour de scrutin les voix allaient croissant, et il supplia très humblement ses collègues de ne plus voter pour lui. Il s'efforçait, après chaque tour, d'énumérer avec preuves à l'appui, les titres qui lui manquaient, d'après lui, pour pouvoir être Pape ; mais Dieu avait décidé autrement : Au septième tour le Cardinal Sarto fut élu Successeur de saint Pierre, le 4 août 1903, par 50 voix en sa faveur.
L'humble élu, la tête basse, les yeux fermés et les lèvres murmurant une prière, écoute la sentence, et selon la formule habituelle, le Cardinal doyen s'approche de lui et l'interroge :
" Acceptez-vous votre élection, selon les règles canoniques, au Souverain Pontificat ?"
L'auguste élu, levant au ciel des yeux baignés de larmes dit, à l'exemple du Sauveur au Jardin des Oliviers :
" Si ce calice ne peut être éloigné de moi, que la volonté de Dieu soit faite : J'accepte."
Le grand sacrifice est accompli ; Joseph Sarto, l'humble enfant de l'huissier municipal et de la couturière de campagne, est Pape !
Très émouvante fut la cérémonie du couronnement, le 9 août 1903, dans la basilique saint Pierre où Pie X y célébra sa toute première Messe en tant que Souverain Pontife. La cérémonie dura cinq heures.
Durant les onze années de son pontificat, ce ne sont pas moins de 3 300 documents officiels qu'il rédigera pour restaurer tout dans le Christ : " Nous déclarons que notre but unique, dans l'exercice du suprême Pontificat, est de tout restaurer dans le Christ afin que le Christ soit tout et en tout ", écrivait-il dans sa première Encyclique E Supremi Apostolatus du 4 octobre 1903.
LE DEFENSEUR DE JESUS-CHRIST ET DE SON ÉGLISE
Un témoin rapporte :
" Quel est le rôle d'un Pape ? demandais-je un jour au curé qui se chargeait de faire le catéchisme. Le Pape, me dit-il, en sa qualité de Vicaire de Jésus-Christ sur la terre et défenseur de l’Église, a pour rôle de maintenir intacte la foi et la doctrine catholique."
A peine monté sur le trône pontifical, Pie X se mit courageusement à l'œuvre et commença par revendiquer la pleine liberté du Sacré-Collège dans l'élection du Souverain Pontife.
Un peu plus d'un an après son élection, Pie X dut faire face à l'injuste loi française de séparation de l’Église et de l'état, votée par le parlement, le 9 décembre 1905. Les effets de cette loi se firent sentir aussitôt :
- Spoliation des biens du clergé ;
- Persécution contre les institutions de bienfaisance ;
- Dissolution des congrégations religieuses ;
- Attaque sans merci contre les Sœurs des hôpitaux, des écoles ; des orphelinats et des asiles d'aliénés.
C'est dans ce contexte que Pie X protesta énergiquement : par l'Encyclique Vehementer du 11 février 1906 ; le Pape condamna solennellement la loi de séparation ; puis, près d'un an plus tard, il condamna dans son Encyclique " Une fois encore " la persécution contre l’Église, en France.
L’Église du Portugal fut elle aussi persécutée, d'une manière plus violente et plus barbare que l'avait été celle de France. Là encore, Pie X se conduisit comme il s'était conduit pour la France : L'Encyclique Jamdudum in Lusitania du 24 mai 1911 condamna les lois de persécutions et renouvela l'appel à l'union et à la persévérance dans la foi catholique. Ainsi, une seconde fois, le Pape Pie X, avec une charité évangélique, vint au secours des victimes de la persécution, accueillant par la même occasion, au Vatican, les prêtres et évêques portugais.
Le 24 mai 1910, il publia l'Encyclique Editae saepe dans laquelle il mettait en relief sa force d'âme dans la lutte contre les erreurs du temps. Il indiquait les caractères qui distinguent la vraie réforme de la fausse, en démasquant les prétendus réformateurs dont le but inavoué était de détruire la foi. C'est pourquoi, Pie X exhortait tous les fidèles à vivre en bons chrétiens, à fréquenter les sacrements et à se dépenser pour le salut des âmes.
Il eut également à protester contre les vexations des indiens du Pérou et des autres pays voisins. Il le fit par la lettre Lamentabili, du 7 juin 1912, aux évêques de l'Amérique Latine.
Les incroyants eux-mêmes ne purent s'empêcher d'admirer l'œuvre de Pie X : c'est ainsi que, le 24 juin 1914, la Serbie conclut un Concordat aux termes duquel les catholiques de ce pays jouiraient désormais d'une pleine liberté dans l'exercice du culte, et un Séminaire ouvrit à Belgrade.
DÉFENSEUR ET VENGEUR DE LA FOI
Déjà à l'époque, des théories nouvelles menaçaient l’Église. Certains éprouvaient la démangeaison de réformer les doctrines catholiques en les remplaçant par d'autres mieux adaptées aux conditions des temps modernes ; comme si les dogmes catholiques devaient changer avec les idées des hommes et comme si c'était à la religion à s'adapter aux hommes, et non le contraire. Dieu devrait-il être au service de l'homme ?
Les modernistes commençaient à s'infiltrer. Pie X s'en inquiéta pour le salut des âmes et pour la doctrine même de Eglise. Le 8 septembre 1907, il publia son admirable Encyclique Pascendi dominici gregis contre le modernisme, qui faisait suite au décret Lamentabili sane exitu paru un trimestre plus tôt, le 3 juillet 1907. C'est aussi à cette époque qu'il intervint dans la question du Sillon.
LE RÉFORMATEUR
Le Pape Pie X réglementa aussi la prédication et l'enseignement du catéchisme. Rappelant aux curés leur devoir d'instruire le peuple des vérités de la religion, il voulut que, chaque dimanche et à chaque fête de l'année, ils expliquent le texte du catéchisme du Concile de Trente.
Le 20 décembre 1905, il publia le décret Sacra Tridentina Synodus où il exhortait à la Communion fréquente et quotidienne, tous les fidèles ayant atteint l'âge de raison.
Cette sollicitude du Saint-Père à rappeler tous les fidèles à la Communion fréquente et quotidienne produisit partout une bonne impression : les prêtres rivalisèrent de zèle pour répandre cette sainte pratique, et les fidèles répondirent avec empressement à l'appel du Souverain Pontife. Ce fut un véritable réveil universel de la dévotion à l'Eucharistie.
Constatant qu'un peu partout on retardait d'une façon abusive l'acte solennel de la première Communion, il décida que celle-ci se ferait désormais à l'âge de sept ans.
LE LITURGISTE
Le seul chant liturgique adopté par l'Eglise fut celui auquel St Grégoire le Grand a donné son nom. A côté du chant grégorien l’Église admit aussi la musique polyphonique, que le génie classique de Palestrina entre autres porta à son apogée au XVIe siècle.
Ca et là, les compositions profanes et théâtrales prenaient le pas sur le chant grégorien qui, par ailleurs commençait à être dénaturé par les liturgistes.
Dans son Encyclique Motu proprio du 22 novembre 1903, le Pape Pie X s'élevait avec force contre cette profanation. Il créa une commission spécialement chargée de rétablir dans sa beauté primitive le chant liturgique, et fonda l'école supérieure de musique sacrée.
A ses réformes nécessaires, il se devait d'y ajouter celle du Bréviaire et du Missel : par la Bulle Divino afflatu du 1er novembre 1911, il traça les grandes lignes de cette importante réforme, à l'issu de quoi le nouveau Bréviaire et le nouveau Missel furent publiés.
Comme chacun le sait, les Saints et les Bienheureux sont nos intercesseurs auprès de Dieu. Pie X canonisa quatre Saints et béatifia soixante-treize Bienheureux :
Canonisations :
- 11 décembre 1904 : saint Alexandre Sauli, barnabite, Supérieur de sa congrégation, puis évêque du diocèse d'Aléria. Saint Gérard Majella, Frère laïque chez les rédemptoristes. Nombreux miracles.
- 20 mai 1909 : saint Joseph Oriol, Chanoine de Sainte-Marie du Pin, près de Barcelone. Saint Clément-Marie Hofbauer, Rédemptoriste. Fonda à Varsovie une congrégation de son Ordre.
Béatifications :
- 18 décembre 1904 : Bx Gaspar del Buffalo, fondateur de la congrégation des Missionnaires du Précieux-sang.
- 27 décembre 1904 : Bx Etienne Bellesini, Ermite de l'Ordre de St. Augustin, puis curé de Notre-Dame de Gennazano.
- 1er janvier 1905 : Bx Agathange de Vendôme, Capucin à Vendôme, fut envoyé en Egypte. Martyr en Abyssinie. Bx Cassien de Nantes, Capucin. Martyrisé en Abyssinie.
- 8 janvier 1905 : Bx Jean-Marie Vianney, curé d'Ars, en France
- 15 janvier 1905 : Bx Marc Crison, Chanoine, brutalement tué par des soldats calvinistes à Körösi, en Hongrie. Bx Etienne Pongracz, Jésuite, brutalement tué par des soldats calvinistes à Körösi, en Hongrie.
Bx Melchior Grodecz, Jésuite, brutalement tué par des soldats calvinistes à Körösi, en Hongrie.
- 13 mai 1906 : Bse Julie Billiart, fondatrice de l'institut de N.D pour l'éducation chrétienne des filles, à Amiens (France).
- 20 mai 1906 : Huit Martyrs dominicains du Tonkin, missionnaires envoyés au Viêt-nam, Martyrisés à Tonkin, en 1745
- 27 mai 1906 : Les seize Carmélites de Compiègne, Religieuses Martyrs sous la Révolution française, exécutées en 1794.
- 10 juin 1906 : Bx Bonaventure Gran, Frère mineur, fonda plusieurs maisons de retraite de son Ordre, en Italie.
- 17 mai 1908 : Bse Marie-Madeleine Postel, Fondatrice des Sœurs des écoles chrétiennes.
- 24 mai 1908 : Bse Madeleine-Sophie Barat, Fondatrice de la congrégation du Sacré-Cœur de Jésus.
- 31 mai 1908 : Bx Gabriel dell'Addolorata, Passioniste.
- 18 avril 1909 : Bse Jeanne d'Arc, Fille de paysans, elle délivra la France des anglais.
- 25 avril 1909 : Bx Jean Eudes, fonda la congrégation N.D de la Charité du refuge, et la Société de Jésus et de Marie.
- 2 mai 1909 : Trente-quatre missionnaires Martyrs d'Extrême-Orient, missionnaires envoyés en Chine, martyrs.
Le cinquantième anniversaire de la proclamation du Dogme de l'Immaculée Conception fut pour Pie X un motif de faire aimer notre très sainte Vierge Marie. L'Encyclique Ad diem illum du 2 février 1904 exhorte tous les fidèles à honorer cette bonne Mère du Ciel et à implorer sa protection.
LE LÉGISLATEUR
Le 19 mars 1904, Pie X décida qu'il fallait codifier le Droit canonique. Dans ce but, il établit une commission de Cardinaux chargée d'établir des projets de lois. Le nouveau code fut publié sous Benoît XV, son successeur, mais cela n'enlève rien à la gloire de Pie X, qui vraiment mit toute son âme au service de son élaboration.
En France, la famille commençait à être attaquée par les idées franc-maçonnes. Aussi, pour protéger l'intégrité de la famille, Pie X modifia, par décret Ne temere, du 2 août 1907, les règles relatives aux fiançailles et à la célébration du mariage.
LA MORT DU SAINT PAPE
1914 : la première guerre mondiale allait éclater. Saint Pie X eut la claire pensée de l'affreuse tuerie qui se préparait. L'ardente prière pour la paix qu'il envoya à tous les catholiques du monde, le 2 août 1914, fut l'expression la plus émouvante de sa douleur et de ses avertissements.
Une bronchite avait affaibli sa robuste constitution. L'auguste malade priait pour la paix. Le 19 août 1914, le Prélat Sacriste lui administra les derniers sacrements. Il avait perdu déjà l'usage de la parole, mais gardé sa pleine lucidité. A une heure et quart du matin, dans la nuit du 19 au 20, le saint Pape rendit son âme à Dieu.
Pour être complet, il faut savoir que saint Pie X s'apprêtait à excommunier les princes et les gouvernants catholiques en cause dans le futur conflit. Son aura et le respect dont il était entouré étaient un obstacle au déclenchement du conflit et ses ennemis le trouvaient extrêmement embarrassant. Un certain nombre de commentateurs dignes de foi ont évoqué la possibilité que l'on ait empoisonné ce saint pape à la santé robuste...
Saint Pie X sur son lit de mort.
Pie X débute son testament par une invocation à la Très Sainte Trinité, suivie d'un acte de confiance en la divine miséricorde, puis il ajoute :
" Je suis né pauvre, j'ai vécu pauvre et je veux mourir pauvre. Je prie le Saint-Siège d'accorder à mes sœurs Anne et Marie une pension qui ne dépasse pas 300 francs par mois, et à mon valet de chambre une pension de 60 francs."
De plus, il légua 10 000 francs à ses neveux, mais en soumettant ce don à l'approbation de son Successeur.
Il demanda que ses funérailles soient aussi simples que les règles liturgiques le permettaient, défendit d'embaumer son corps, et voulut qu'on l'ensevelît dans les souterrains de la Basilique Vaticane.
La dépouille mortelle de Pie X, revêtue des ornements pontificaux, fut exposée dans la Salle du Trône, puis on le transporta à la Basilique saint Pierre et exposée dans la chapelle du Très-Saint-Sacrement. La cérémonie religieuse eut lieu le 23 août 1914.
Le premier procès en vue de sa canonisation eut lieu le 14 février 1923 et dura jusqu'en 1931. Douze années plus tard, le Pape Pie XII ouvrit le second procès et, le 3 juin 1951 au matin, après le chant des Litanies des Saints, Pie X fut solennellement proclamé Bienheureux dans la Basilique Saint-Pierre de Rome, puis enfin canonisé en 1954.
Verrière représentant saint Jean-Marie Vianney et saint Pie X.
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lundi, 12 août 2024
12 août. Sainte Claire d'Assise, vierge et abbesse, institutrice des Pauvres Dames de l'ordre de Saint-François. 1253.
- Sainte Claire d'Assise, vierge et abbesse, institutrice des Pauvres Dames de l'ordre de Saint-François. 1253.
Pape : Innocent IV. Roi de France : Saint Louis. Roi de Castille : Alphonse X, le Sage. Roi d'Aragon : Jacques Ier, le Conquérant. Empereur d'Allemagne : Guillaume de Hollande.
" Une âme solide et vraiment pénétrée de la grandeur de ses destinées, est bien éloignée de mettre son bonheur à satisfaire sa sensualité."
Esprit de sainte Claire d'Assise.
Sainte Claire d'Assise. Piero Della Francesca. XVe.
L'année même où, préalablement à tout projet de réunir des fils, saint Dominique fondait le premier établissement des Sœurs de son Ordre, le compagnon destiné du ciel au père des Prêcheurs recevait du Crucifix de Saint-Damien sa mission par ces mots :
" Va, François, réparer ma maison qui tombe en ruines."
Et le nouveau patriarche inaugurait son œuvre en préparant, comme Dominique, à ses futures filles l'asile sacré où leur immolation obtiendrait toute grâce à l'Ordre puissant qu'il devait fonder. Sainte-Marie de la Portioncule, berceau des Mineurs, ne devait qu'après Saint-Damien, maison des Pauvres-Dames, occuper la pensée du séraphin d'Assise. Ainsi une deuxième fois dans ce mois, l'éternelle Sagesse veut-elle nous montrer que tout fruit de salut, qu'il semble provenir de la parole ou de l'action, procède premièrement de la contemplation silencieuse.
Sainte Claire fut pour saint François l'aide semblable à lui-même (Gen. II, 18.) dont la maternité engendra au Seigneur cette multitude d'héroïques vierges, d'illustres pénitentes, que l'Ordre séraphique compta bientôt sous toutes les latitudes, venant à lui des plus humbles conditions comme des marches du trône.
Dans la nouvelle chevalerie du Christ, la Pauvreté, que le père des Mineurs avait choisie pour Dame, était aussi la souveraine de celle que Dieu lui avait donnée pour émule et pour fille. Suivant jusqu'aux dernières extrémités l'Homme-Dieu humilié et dénué pour nous, elle-même pourtant déjà se sentait reine avec ses sœurs au royaume des cieux (Regula Damianitarum, VIII.). Dans le petit nid de son dénûment, répétait-elle avec amour, quel joyau d'épouse égalerait jamais la conformité avec le Dieu sans nul bien que la plus pauvre des mères enserra tout petit de viles langes en une crèche étroite ! (Regula, II ; Vita S. Clarae coeva, II.).
Sainte Claire d'Assise reçoit une palme de l'évêque d'Assise
et l'instrument de la pénitence de saint François d'Assise.
Ecole allemande. XIVe.
Aussi la vit-on défendre intrépidement, contre les plus hautes interventions, ce privilège de la pauvreté absolue dont la demande avait fait tressaillir le grand Pape Innocent III, dont la confirmation définitive, obtenue l'avant-veille de la mort de la sainte, apparut comme la récompense ambitionnée de quarante années de prières et de souffrances pour l'Eglise de Dieu.
La noble fille d'Assise avait justifié la prophétie qui, soixante ans plus tôt, l'annonçait à sa pieuse mère Hortulana comme devant éclairer le monde ; bien inspiré avait été le choix du nom qu'on lui donnait à sa naissance (Clara claris praeclara meritis, magnas in cœlo claritate glorias ac in terra splendore miraculorum sublimium, clare claret, Bulla canonizationis.).
" Oh ! comme puissante fut cette clarté de la vierge, s'écrie dans la bulle de sa canonisation le Pontife suprême ! Comme pénétrants furent ses rayons ! Elle se cachait au plus profond du cloître, et son éclat, transperçant tout, remplissait la maison de Dieu." (Ibid.).
Sainte Claire d'Assise portant le Très Saint Sacrement.
Dessin. Anonyme français. XVIIe.
De sa pauvre solitude qu'elle ne quitta jamais, le nom seul de Claire semblait porter partout la grâce avec la lumière, et, pour Dieu et son père saint François, fécondait les cités les plus lointaines.
Vaste comme le monde, où se multipliait l'admirable lignée de sa virginité, son cœur de mère débordait d'ineffable tendresse pour ces filles qu'elle n'avait jamais vues. A ceux qui croient que l'austérité embrassée pour Dieu dessèche l'âme, citons ces lignes de sa correspondance avec la Bienheureuse Agnès de Bohême. Fille d'Ottocare Ier, Agnès avait répudié pour la bure d'impériales fiançailles et renouvelait à Prague les merveilles de Saint-Damien :
" Ô ma Mère et ma fille, lui disait notre sainte, si je ne vous ai pas écrit aussi souvent que l'eût désiré mon âme et la vôtre, n'en soyez point surprise : comme vous aimaient les entrailles de votre mère, ainsi je vous chéris ; mais rares sont les messagers, grands les périls des routes. Aujourd'hui que l'occasion m'en est présentée, mon allégresse est entière, et je me réjouis avec vous dans la joie du Saint-Esprit. Comme la première Agnès s'unit à l'Agneau immaculé, ainsi donc vous est-il donné, Ô fortunée, de jouir de cette union, étonnement des cieux, avec Celui dont le désir ravit toute âme, dont la bonté est toute douceur, dont la vision fait les bienheureux, lui la lumière de l'éternelle lumière, le miroir sans nulle tache ! Regardez-vous dans ce miroir, Ô Reine, Ô Epouse ! Sans cesse, à son reflet, relevez vos charmes ; au dehors, au dedans, ornez-vous des vertus, parez comme il convient la fille et l'épouse du Roi suprême : Ô bien-aimée, les yeux sur ce miroir, de quelles délices il vous sera donné de jouir en la divine grâce!... Souvenez-vous cependant de votre pauvre Mère, et sachez que pour moi j'ai gravé à jamais votre bienheureux souvenir en mon cœur." (S. Clarae ad B. Agnetem, Epist. IV.).
La famille franciscaine n'était pas seule à bénéficier d'une charité qui s'étendait à tous les nobles intérêts de ce monde. Assise, délivrée des lieutenants de Frédéric II et de la horde sarrasine à la solde de l'excommunié, comprenait quel rempart est une sainte pour sa patrie de la terre. Mais c'étaient surtout les princes de la sainte Eglise, c'était le Vicaire du Christ, que le ciel aimait à voir éprouver la puissance toute d'humilité, l'ascendant mystérieux dont il plaisait au Seigneur de douer son élue.
Stigmates de saint François et sainte Claire bénit une religieuse.
Détail d'un tryptique. Bonifazio Bembo. XVe.
Saint François, le premier, ne lui avait-il pas, dans un jour de crise comme en connaissent les saints, demandé direction et lumière pour son âme séraphique ? De la part des anciens d'Israël arrivaient à la vierge, qui n'avait pas trente ans alors, des messages de cette sorte :
" A sa très chère sœur en Jésus-Christ, à sa mère, Dame Claire servante du Christ, Hugolin d'Ostie, évêque indigne et pécheur.
Depuis l'heure où il a fallu me priver de vos saints entretiens, m'arracher à cette joie du ciel, une telle amertume de cœur fait couler mes larmes que, si je ne trouvais aux pieds de Jésus la consolation que ne refuse jamais son amour, mon esprit en arriverait à défaillir et mon âme à se fondre. Où est la glorieuse allégresse de cette Pâque célébrée en votre compagnie et en celle des autres servantes du Christ ?... Je me savais pécheur ; mais au souvenir de la suréminence de votre vertu, ma misère m'accable, et je me crois indigne de retrouver jamais cette conversation des saints, si vos larmes et vos prières n'obtiennent grâce pour mes péchés. Je vous remets donc mon âme ; à vous je confie mon esprit, pour que vous m'en répondiez au jour du jugement. Le Seigneur Pape doit venir prochainement à Assise ; puissé-je l'accompagner et vous revoir ! Saluez ma sœur Agnès (c'était la sœur même de Claire et sa première fille en Dieu) ; saluez toutes vos sœurs dans le Christ." (Wadding, ad an. 1221.).
Le grand cardinal Hugolin, âgé de plus de quatre-vingts ans, devenait peu après Grégoire IX. Durant son pontificat de quatorze années, qui fut l'un des plus glorieux et des plus laborieux du XIIIe siècle, il ne cessa point d'intéresser Claire aux périls de l'Eglise et aux immenses soucis dont la charge menaçait d'écraser sa faiblesse. Car, dit l'historien contemporain de notre sainte, " il savait pertinemment ce que peut l'amour, et que l'accès du palais sacré est toujours libre aux vierges : à qui le Roi des cieux se donne lui-même, quelle demande pourrait être refusée " (Vita S. Clarae coaeva, III.) ?
Sainte Claire d'Assise. Carte marine. Lyon. XVIIe.
L'exil, qui après la mort de François s'était prolongé vingt-sept ans pour la sainte, devait pourtant finir enfin. Des ailes de feu, aperçues par ses filles au-dessus de sa tête et couvrant ses épaules, indiquaient qu'en elle aussi la formation séraphique était à son terme. A la nouvelle de l'imminence d'un tel départ intéressant toute l'Eglise, le Souverain Pontife d'alors, Innocent IV, était venu de Pérouse avec les cardinaux de sa suite. Il imposa une dernière épreuve à l'humilité de la sainte, en lui ordonnant de bénir devant lui les pains qu'on avait présentés à la bénédiction du Pontife suprême (Wadding, ad an. 1253, bien que le fait soit rapporté par d'autres au pontificat de Grégoire IX.) ; le ciel, ratifiant l'invitation du Pontife et l'obéissance de Claire au sujet de ces pains, fit qu'à la bénédiction de la vierge, ils parurent tous marqués d'une croix.
La prédiction que Claire ne devait pas mourir sans avoir reçu la visite du Seigneur entouré de ses disciples, était accomplie. Le Vicaire de Jésus-Christ présida les solennelles funérailles qu'Assise voulut faire à celle qui était sa seconde gloire devant les hommes et devant Dieu. Déjà on commençait les chants ordinaires pour les morts, lorsqu'Innocent voulut prescrire qu'on substituât à l'Office des défunts celui des saintes vierges ; sur l'observation cependant qu'une canonisation semblable, avant que le corps n'eût même été confié à la terre, courrait risque de sembler prématurée, le Pontife laissa reprendre les chants accoutumés. L'insertion de la vierge au catalogue des Saints ne fut au reste différée que de deux ans.
Le mariage mystique de sainte Catherine d'Alexandrie.
Sainte Claire et saint François y sont reconnaissables.
Tryptique. Jacopo di Cione. XIVe.
La noble vierge Claire naquit à Assise en Ombrie, dans les Etats de l'Eglise. Tout comme saint François, d'une famille noble et riche dont presque tous les garçons avaient fait profession des armes, son père se nommait Favorino Sciffi et sa mère, Hortolana, était de l'antique maison de Fiumi.
Hortolana était une dame très pieuse qui entreprit par dévotion les pèlerinages de Jérusalem, de Saint-Michel au mont Gargan et de Saint-Pierre de Rome, et, après la mort de son mari, entra dans l'Ordre que sa fille avait fondé, où elle vécut et mourut en odeur de sainteté. Un jour qu'elle faisait ses prières devant un crucifix pour mériter l'assistance du ciel dans ses couches, elle entendit une voix qui lui disait :
" Ne craignez rien, Hortolana ; vous mettrez heureusement au jour une lumière qui éclairera tout le monde."
Cette voix fut cause qu'elle fit donner à sa fille, au baptême, le nom de Claire. Elle eut encore deux autres filles, Agnès et Béatrix, que nous verrons bientôt, à l'exemple de leur aînée, renoncer à toutes les choses de la terre pour se faire pauvres disciples de saint François.
L'enfance de Claire fut parfaitement innocente la grâce la prévint tellement, qu'on ne vit rien en elle de la pétulance ordinaire à cet âge. Elle était modeste, tranquille, docile, véridique en ses paroles, obéissante et toujours prête à prier Dieu et à s'acquitter des dévotions que sa mère lui prescrivait.
Lorsque la raison se fut développée, elle fit bientôt paraître qu'elle suivrait toujours le parti de la vertu le jeûne, l'aumône et l'oraison étaient ses plus chers exercices ; devenue plus grande, elle fut obligée, pour contenter ses parents, de s'habiller comme les personnes de son rang ; mais elle portait sous ses habits un petit cilice pour crucifier sa chair virginale.
Sainte Claire d'Assise. Missel romain. Touraine. XVIe.
Ses parents firent de vains efforts pour l'engager dans le mariage. Elle ne voulut point d'autre époux que Jésus-Christ. Avide d'entendre saint François d'Assise, elle put se procurer ce bonheur et en fut ravie. Elle désira même avoir une entrevue avec lui. L'ayant obtenue, elle vint le voir dans son petit couvent de la Portioncule, et lui découvrit les sentiments que Dieu imprimait dans son coeur. Le Saint la confirma dans le dessein de garder inviolablement sa pureté virginale et de quitter tous les biens de la terre pour n'avoir plus d'autre héritage que Jésus-Christ. Comme Claire lui rendit ensuite d'autres visites, il la forma de plus en plus selon son esprit de pénitence et de pauvreté, et lui fit concevoir la résolution de faire pour son sexe ce que lui-même avait fait pour les hommes.
Ainsi, l'an 1212, le jour des Rameaux, qui tombait au 19 mars, où l'on célèbre ordinairement la fête de saint Joseph, elle parut le matin dans l'église cathédrale d'Assise, avec ce qu'elle avait de joyaux et d'habits précieux ; elle se rendit le soir dans la petite église de la Portioncule, où, ayant été reçue avec une très grande joie par le saint patriarche et par ses religieux, qui avaient tous un cierge a la main, elle se dépouilla de tous ses ornements de vanité, donna ses cheveux à couper, et fut revêtue d'un sac et d'une corde comme des véritables livrées d'un Dieu pauvre, souffrant et humilié. Après une action si généreuse, le Saint, qui ne la pouvait pas retirer dans son couvent, et qui, d'ailleurs, n'avait pas encore de maison où il la pût loger en particulier, la conduisit chez les Bénédictines de Saint-Paul.
Sainte Claire d'Assise portant le Très Saint Sacrement.
Dessin. Ennemond Petitot. XVIIIe.
Lorsque cette résolution de Claire fut divulguée, chacun en parla selon son caprice. Les uns l'attribuaient à une légèreté de jeunesse, car elle n'avait encore que dix-huit ans les autres à une ferveur indiscrète et une dévotion mal réglée. Ses proches surtout en furent extrêmement irrités, et ils n'épargnèrent rien pour lui persuader de revenir au logis de son père et d'accepter une alliance avantageuse dont on lui avait déjà fait la proposition. Ils voulurent user de violence et la tirer par force de l'asile sacré où elle s'était réfugiée ; mais, pour leur ôter toute espérance de la revoir jamais dans le monde, elle leur fit voir ses cheveux coupés et s'attacha si fort aux ornements de l'autel, qu'on ne pouvait pas sans sacrilége et profanation l'en arracher. Ils cessèrent donc de la tourmenter, après plusieurs jours de poursuites, et saint François, qui veillait toujours à sa sanctification, la fit passer du monastère de Saint-Paul, où il l'avait mise, dans celui de Saint-Ange de Panso, aussi de l'Ordre de Saint-Benoît, qui était hors de ville.
Ce fut là que cette chère amante de Jésus, prosternée aux pieds de son Epoux, le pria instamment de lui donner pour compagne celle qu'il lui avait donnée pour soeur, savoir, la petite Agnès de Sciffi. Sa prière fut exaucée, et seize jours seulement après cette retraite, cette chère soeur sortit secrètement de la maison de ses parents et vint se rendre auprès de Claire, pour pratiquer avec elle les exercices de la pénitence et de la mortification, dont elle donnait de si rares exemples. Si la fuite de l'aînée avait si fort irrité leurs parents, celle de la cadette les offensa encore davantage.
Ils viennent au nombre de douze au monastère de Saint-Ange, et, comme Agnès refuse de les suivre, ils l'accablent de coups de pieds et de poings, la traînent par les cheveux et l'enlèvent de force, comme un lion ou un loup enlève une brebis après l'avoir saisie au milieu du bercail. Tout ce que peut faire cette innocente vierge, c'est de crier à sa soeur qu'elle ait pitié d'elle et qu'elle ne souffre pas un enlèvement si injuste. Claire se met en oraison, et aussitôt, par un grand miracle de la divine Providence, la petite Agnès, qu'on avait déjà emportée assez loin, devient si pesante et si immobile, que ces douze hommes ne peuvent la lever de terre ni la remuer.
La Sainte Famille adorée par saint François et sainte Claire.
Dessin. Carlo Bononi. XVIIIe.
De rage, Monalde, son oncle, veut la tuer mais il est saisi à l'heure même d'une si grande douleur au bras, qu'il ne peut presque plus se soutenir. Enfin, lorsqu'ils sont tous dans la confusion, Claire arrive et les oblige par ses remontrances de lui rendre sa chère soeur elle la ramène donc au monastère, et, peu de temps après, elle reçoit l'habit des mains de saint François, quoiqu'elle n'ait que quatorze ans. Il mit ensuite les deux soeurs dans une petite maison qui était contiguë à l'église de Saint-Damien.
Ce fut donc là proprement que commença l'Ordre des religieuses du Saint-François, comme celui des religieux avait commencé dans l'église de la Portioncule. Les deux soeurs eurent bientôt un grand nombre de compagnes car, l'odeur de la sainteté de la vierge Claire se répandant partout, beaucoup de femmes et de filles voulurent l'avoir pour leur mère. Les principales, outre Hortolana, sa mère, et Béatrix, sa dernière soeur, furent les vénérables dames Pacifique, Aimée, Christine, Agnès, Françoise, Bienvenue, Balbine, Benoîte, une autre Balbine, Philippa, Cécile et Luce, toutes excellentes religieuses et que Dieu a rendues illustres par des miracles, comme il est écrit au martyrologe des Saints de cet Ordre.
Claire fut d'abord établie leur supérieure par saint François, entre les mains duquel elles promirent toutes obéissance mais lorsqu'elle vit leur nombre augmenter, elle voulut se démettre de cette charge, aimant mieux servir Dieu dans l'humilité et la soumission, que commander à des filles qu'elle croyait plus vertueuses qu'elle mais le Saint, qui connaissait combien sa nouvelle plante profiterait par la culture d'une si sainte abbesse, la confirma pour toute sa vie dans son office la communauté applaudit à cette mesure car, bien qu'elle fût remplie d'excellents sujets qui ont même été employés à de nouveaux établissements, nulle néanmoins n'était si capable de gouverner que Claire, qui possédait éminemment l'esprit du bienheureux patriarche.
Sainte Catherine d'Alexandrie, sainte Marguerite et sainte Claire.
Fresque. Chapelle Sainte-Claire. Eglise Saint-Sébastien.
Venanson. Comté de Nice. XIVe.
Aussi, bien loin de s'enorgueillir de sa prélature, elle ne s'en servit que pour s'humilier davantage. Elle était la première à pratiquer les exercices de mortification et de pénitence. Les emplois les plus bas étaient ceux qui lui semblaient les plus agréables. Elle donnait elle-même à laver à ses soeurs, et souvent, lorsqu'elles étaient à table, elle demeurait debout et les servait. Elle lavait aussi les pieds des filles de service qui venaient du dehors, et les baisait avec respect et humilité. Rien n'est si dégoûtant ni si contraire à la délicatesse des jeunes filles que les ministères qu'il faut rendre aux malades dans les infirmeries ; mais elle ne croyait pas que sa dignité de supérieure l'en dût exempter, et si elle députait quelques s?urs pour en avoir la charge, c'était à condition que souvent elles lui laissassent faire ce qui était plus difficile et dont les autres auraient eu plus d'aversion.
De cette grande humilité naissait dans son coeur un ardent amour pour la sainte pauvreté. La succession de son père lui étant échue au commencement de sa conversion, elle n'en retint rien pour elle-même, ni pour son monastère, mais la fit distribuer tout entière aux pauvres. Non seulement elle ne voulut point que sa maison possédât aucune rente et revenu, mais elle ne souffrait pas même qu'on y gardât de grandes provisions, se contentant de ce qui était nécessaire pour vivre chaque jour.
Elle aimait mieux que les frères qui quêtaient pour son monastère, apportassent des morceaux de pain déjà sec que des pains entiers. Enfin, tout son dessein était de ressembler à Jésus-Christ pauvre, qui n'a jamais rien possédé sur la terre, et qui, né tout nu dans une pauvre étable, est mort tout nu sur le pauvre lit de la croix. Elle obtint du pape Innocent III, le privilége de la pauvreté, c'est-à-dire le droit de s'établir sur le seul fondement de la charité des fidèles, avec l'excellente qualité de pauvre, comme un titre d'honneur et de gloire c'est pourquoi son Ordre est communément appelé l'Ordre des Pauvres Dames. Et lorsque le pape Grégoire IX, jugeant qu'une si grande pauvreté était trop rigoureuse pour des femmes, voulut la mitiger en les dispensant du v?u qu'elles en avaient fait et en leur donnant des rentes, elle remercia Sa Sainteté de cette offre, et la pria instamment de ne rien changer aux premières dispositions de son établissement ce qu'il lui accorda. Dieu a souvent justifié par des miracles cette conduite de sa servante, et fait voir qu'il veille au secours de ceux qui se confient en lui.
Sainte Claire d'Assise. Bréviaire franciscain. Savoie. XVe.
Un jour, il n'y avait qu'un pain assez médiocre dans le monastère, et le temps du dîner étant arrivé, elle ordonna à la s?ur dépensière d'en envoyer la moitié aux religieux qui les assistaient et de partager l'autre moitié en cinquante morceaux, pour autant de pauvres dames qui composaient alors sa communauté. La dépensière fit avec une obéissance aveugle ce qui lui était commandé, et, par une merveille surprenante, ces morceaux se grossirent tellement, qu'ils furent suffisants pour nourrir toutes les religieuses. Une autre fois, il n'y avait plus d'huile dans le monastère Claire prit un baril, le lava, et envoya chercher le frère quêteur, afin qu'il l'allât faire remplir d'huile par aumône. Il vint aussitôt, mais, au lieu de le trouver vide, il le trouva tout plein. Cela lui fit croire que les bonnes dames s'étaient voulu moquer de lui, et il s'en plaignit; mais il changea ses plaintes en admiration et en actions de grâces, lorsqu'on lui apprit qu'on avait mis le baril vide sur le tour, et que l'huile qu'il y avait vue était une huile miraculeuse.
Pour les austérités de notre Sainte, elle n'était vêtue que d'une vile tunique et d'un petit manteau de grosse étoffe et elle marchait toujours les pieds nus, sans socques ni sandales, couchait sur la dure, jeûnait toute l'année, excepté le dimanche, et souvent au pain et à l'eau. Elle gardait un perpétuel silence hors les devoirs indispensables de la nécessité et de la charité ; il est vrai que ces pratiques lui étaient communes avec ses soeurs. Mais quel rapport entre un corps délicat comme le sien et un vêtement de peau de porc, dont elle appliquait le côté velu et hérissé et les soies dures et piquantes sur sa chair, pour lui faire endurer un martyre continuel. Elle se servait aussi d'un cilice fait de crin de cheval, qu'elle serrait encore plus étroitement avec une corde de semblable tissure, armée de treize noeuds.
Son abstinence était si sévère, que ce qu'elle mangeait n'aurait pas été suffisant pour sa nourriture, si la vertu de Dieu ne l'eût soutenue. Pendant le grand Carême et celui de Saint-Martin, elle ne vivait que de pain et d'eau encore ne mangeait-elle point du tout les lundis, les mercredis et les vendredis. La terre nue, ou un tas de sarments de vigne, avec un morceau de bois pour oreiller, firent au commencement tout l'appareil de son lit ; depuis, se sentant trop faible, elle coucha sur un tapis de cuir et mit de la paille sous sa tête. Enfin, elle était tellement insatiable de peines et de souffrances, que saint François fut obligé de modérer cette ardeur et de la faire modérer par l'évoque d'Assise. Ils lui ordonnèrent donc de coucher sur une paillasse et de ne point passer de jour sans manger. Mais son repas des lundis, des mercredis et des vendredis, en Carême, se composait d'une once et demie de pain et d'une gorgée d'eau, qui servaient plutôt à irriter sa faim et sa soif qu'à les apaiser.
Sainte Claire d'Assise. Statue en bois de noyer. Bourgogne. XVe.
Comme elle était entièrement morte au monde, et qu'elle avait le coeur parfaitement pur, rien ne l'empêchait de vaquer à l'oraison et de s'occuper en tous temps et en tous lieux des grandeurs et des bontés de son Dieu. Son ordinaire était de passer plusieurs heures en prières après Complies, avec ses soeurs, devant le Saint-Sacrement, où elle répandait beaucoup de pleurs et excitait les autres à gémir et à soupirer par l'exemple de sa ferveur. Lorsqu'elles se retiraient pour aller prendre un peu de repos, elle demeurait encore constamment au choeur, pour y entendre, comme furtivement, dans la solitude, les mouvements secrets de l'Esprit de Dieu. Là, toute baignée dans ses larmes et prosternée contre terre, tantôt elle détestait ses offenses, tantôt elle implorait la divine miséricorde pour son peuple, tantôt elle déplorait les douleurs de Jésus-Christ, son bien-aimé.
Une nuit, l'ange des ténèbres lui apparut sous la figure d'un petit enfant tout noir et lui dit :
" Si tu ne mets fin à tes larmes, tu perdras bientôt la vue."
Et elle lui répondit sur-le-champ :
" Celui-là verra bien clair qui aura l'honneur de voir Dieu."
Ce qui obligea ce monstre de se retirer avec confusion.
Il revint néanmoins après Matines, et ajouta qu'à force de pleurs elle se rendrait malade. Mais elle le repoussa encore vigoureusement, lui disant que celui qui sert Dieu ne craint aucune incommodité.
On ne saurait décrire les faveurs qu'elle recevait dans ce saint exercice. Un jour, soeur Bienvenue, une de ses religieuses, aperçut durant ce temps un globe de feu qui se reposait sur sa tête et qui la rendait admirablement belle et lumineuse. Une autre fois, soeur Françoise vit sur ses genoux un enfant parfaitement beau, lui faisant de très aimables caresses. Malade, une nuit de Noël, il lui fut impossible de se lever pour aller à Matines cependant elle se mit en prières ; dans son pauvre lit, elle entendit distinctement tout l'office qui fut chanté par les religieux de saint François, dans l'église de Notre-Dame de la Portioncule, fort éloignée de son monastère et, ce qui est plus merveilleux, elle eut le bonheur de voir l'Enfant Jésus couché dans sa crèche.
Lorsqu'elle sortait de ses communications avec Dieu, ses paroles étaient toutes de feu, et elles répandaient une certaine onction qui gagnait et emportait les coeurs de tous ceux qui avaient le bonheur de l'entendre.
D'ailleurs, elle avait tant de crédit auprès de Dieu qu'elle obtenait aisément tout ce qu'elle lui demandait. Il n'en faut point d'autre preuve que ce qui arriva à l'égard de l'armée des Sarrasins que l'empereur Frédéric II, dans ses démêlés avec le Saint-Siège, envoya dépeupler le duché de Spolète, et qui vint pour assiéger la ville d'Assise et pour piller le couvent de Saint-Damien. Tout était à craindre, pour des femmes sans défense, de la part de Barbares sans pudeur ni religion. Dans un si grand sujet de terreur et d'effroi, elles coururent toutes à sainte Claire, qui était malade à l'infirmerie, comme les poussins courent sous les ailes de leur mère lorsqu'ils aperçoivent le milan qui vient fondre sur eux.
Sainte Claire bénissant ses religieuses lors de l'attaque des
Sarrasins, que l'empereur prévaricateur Frédéric II avait
envoyé pour ravager les Etats de l'Eglise. Anonyme français. XVIIe.
Elle leur dit de ne rien craindre, et, dans la confiance dont elle était remplie, elle se traîna le mieux qu'elle put, soutenue par leurs bras, à la porte du couvent, où elle fit mettre devant elle le très-saint Sacrement renfermé dans un ciboire d'argent et dans une boîte d'ivoire. Là, se prosternant devant son souverain Seigneur, elle lui dit les larmes aux yeux :
" Souffrirez-vous, mon Dieu, que vos servantes faibles et sans défense, que j'ai nourries du lait de votre amour, tombent entre les mains des infidèles ? Je ne puis plus les garder, mais je vous les remets entre les mains, et je vous supplie de les protéger dans une extrémité si terrible et si pressante."
A peine eut-elle achevé ces mots, qu'elle entendit une petite voix, comme d'un enfant, qui lui répondit :
" Je vous garderai toujours."
Alors, se sentant plus hardie, elle ajouta :
" Permettez-moi, mon Seigneur, d'implorer aussi votre miséricorde et votre secours pour la ville d'Assise, qui nous nourrit de ses aumônes.
- Elle souffrira plusieurs dommages, répondit le Sauveur, mais j'empêcherai qu'elle soit prise."
Après des réponses si avantageuses, la Sainte leva la tête et dit à ses filles :
" Je vous donne ma parole, mes soeurs, que vous n'aurez point de mal seulement confiez-vous en Dieu."
Les Sarrasins avaient déjà escaladé le monastère, et quelques-uns étaient entrés dans le cloître mais, à l'instant même où cette prière fut achevée, ils furent saisis d'une terreur panique, remontèrent précipitamment les mêmes murs et laissèrent les servantes de Dieu en paix, et, peu de temps après, ils levèrent le siége d'Assise et quittèrent entièrement l'Ombrie.
La même ville était une autre fois extrêmement pressée par Vital d'Averse, capitaine de l'armée impériale il avait juré de ne point s'en retourner qu'il ne l'eût emportée de force, ou qu'elle ne se fût rendue à discrétion. La Sainte, touchée de ce malheur, assembla toutes ses filles et leur remontra que ce serait une ingratitude à elles, si, après avoir reçu tant de charités des habitants d'Assise, elles n'employaient tout ce qu'elles avaient de crédit auprès de Dieu pour obtenir la délivrance de cette ville. Elle fit donc venir de la cendre, s'en couvrit la tête la première et en couvrit ensuite la tête à toutes les autres, puis, en cet état, elles pressèrent si efficacement la bonté de Dieu de regarder cette ville d'un oeil de pitié et de miséricorde, que la nuit même toute l'armée de ce nouvel Holopherne fut mise en déroute, et, obligé lui-même de se retirer avec confusion, il mourut peu de temps après d'une mort violente, juste punition de son orgueil.
Sainte Claire d'Assise. Bréviaire romain. Auvergne. XVe.
La dévotion de sainte Claire envers le Très Saint Sacrement était admirable. Dans ses plus grandes maladies, elle se faisait mettre sur son séant, afin de travailler à des corporaux pour les paroisses des environs d'Assise. Elle faisait aussi des corporaliers de soie ou de pourpre, et, quoiqu'elle aimât souverainement la pauvreté, elle ne laissait pas d'employer les plus riches étoffes lorsqu'il était question de faire quelque ornement pour la célébration de ce grand mystère.
Elle communiait toute baignée de larmes n'ayant pas moins de respect pour son Dieu renfermé sous les voiles du Sacrement que pour lui-même tonnant dans les cieux et gouvernant tout le monde visible et invisible. Elle sentait aussi une tendresse extrême pour le mystère de la Passion et pour les plaies de son Sauveur crucifié, qu'elle contemplait avec une ardeur et un amour qui né se peuvent exprimer. Un jour, elle fut tellement abîmée dans la considération des bontés de son Dieu mourant qu'elle demeura en extase depuis le jeudi saint jusqu'à la nuit du samedi saint. Le démon, ne pouvant souffrir cette affection pour un mystère dont il a tant d'horreur, lui donna une fois un soufflet qui lui ensanglanta l'oeil et lui rendit la joue toute livide ; mais la Sainte n'en fit que rire et eut une joie extrême de souffrir du démon même ce que son Sauveur a souffert de l'un de ses ministres dans la maison de Caïphe.
Sainte Claire d'Assise. Estampes. Pellerin imprimeur. Epinal. XIXe.
Elle fit de grands miracles par la vertu du signe de la croix. Surtout elle guérit par ce moyen un nommé Etienne, malade de fièvre chaude, que saint François lui avait envoyé et elle rendit la santé à plusieurs de ses filles affligées de diverses infirmités. Un jour, un enfant lui ayant été amené, dont l'oeil était tout défiguré, elle le fit conduire à la bienheureuse Hortolana, sa mère, afin qu'elle fît elle-même ce signe salutaire sur son oeil ; cela fut si efficace, que l'enfant reçut la guérison en même temps.
Comme elle était extrêmement affamée du pain de la parole de Dieu, elle écoutait avec joie les prédicateurs qui la distribuaient dans son Eglise et ayant ouï dire que le Pape avait défendu aux religieux de son Ordre d'aller chez les religieuses sans sa permission, elle renvoya aussi ceux qui faisaient la quête, disant qu'il n'était pas raisonnable d'avoir des religieux qui apportassent le pain matériel et de n'en point avoir qui apportassent le pain spirituel, ce qui fit que Sa Sainteté révoqua aussitôt cette défense.
Elle donnait des instructions admirables à ses filles elle leur apprenait à mépriser les demandes importunes et les feintes nécessités du corps, à retenir leur langue et à garder soigneusement le silence intérieur et extérieur ; à se détacher de l'affection de leurs parents, et à mettre leur inclination et leur amour en Jésus-Christ seul ; à secouer toutes sortes de paresse et de négligence, et à faire continuellement succéder l'oraison au travail. Quelque sévère qu'elle fût à elle-même, et quelque soin qu'elle eût que sa règle fût inviolablement observée, elle était néanmoins pleine de compassion et de bonté pour ses soeurs, et elle avait un soin extrême de tous leurs besoins corporels. Aussi ne vit-on jamais de communauté plus unie que la sienne, ni de religieuses plus affectionnées à leur supérieure que ses filles l'étaient envers elle.
Sainte Claire d'Assise recevant le corps de
saint François au couvent de Sainte-Marie-des-Anges.
Léon Bénouville. France. XIXe.
Enfin, il plut à Notre-Seigneur de contenter les désirs de son Epouse, qui demandait, avec une ardeur incroyable, de jouir de lui dans l'éternité bienheureuse. Il y avait déjà quarante-deux ans qu'elle était dans la pratique fidèle et assidue de tous les exercices de la religion, sans que plusieurs maladies violentes, qu'elle avait endurées durant vingt-huit ou trente ans, eussent arraché de sa bouche un mot de plainte et de murmure, ni eussent été capables de diminuer le feu de son zèle et de sa charité.
Elle avait aussi prédit, il y avait deux ans, qu'elle ne mourrait point avant que le Seigneur ne fût venu la visiter avec ses disciples. Le temps donc de sa récompense étant arrivé, le pape Innocent IV, qui avait une estime extraordinaire pour sa vertu et qui l'aimait parfaitement en Jésus-Christ comme la plus fidèle Epouse que cet aimable Sauveur eût sur la terre, revint de Lyon à Pérouse avec le collége sacré des cardinaux. Il apprit, dans cette ville, que Claire était dangereusement malade, et qu'il y avait beaucoup d'apparence que sa fin était proche. Il se transporta au plus tôt à Assise, avec sa cour, et dans son couvent de Saint-Damien, accompagné de ses cardinaux, comme Notre-Seigneur de ses disciples, il lui donna sa bénédiction apostolique avec l'indulgence plénière de tous ses péchés, que cette âme déjà toute céleste lui demanda avec grande instance et reçut avec une très profonde humilité.
Elle avait reçu le même jour le saint Viatique des mains du provincial des Mineurs, et, lorsqu'on le lui avait administré, on avait vu, dans la sainte hostie, un enfant d'une beauté inestimable, avec un globe de feu au dessus.
Lorsque Sa Sainteté fut retirée, sainte Claire, toute baignée de larmes, les mains jointes et les yeux levés vers le ciel, dit à ses soeurs :
" Rendez grâces à Dieu, mes chères filles, de ce que j'ai eu aujourd'hui un honneur que le ciel et la terre ne pourraient jamais payer, ayant été si heureuse que de recevoir mon Sauveur, et d'être visitée de son vicaire."
Sa soeur Agnès la pria de ne la point laisser sur la terre, mais de l'emmener avec elle dans le ciel :
" Ton heure n'est pas encore venue, répondit-elle, mais réjouis-toi, car elle n'est pas nëe, et, avant de mourir, tu recevras de ton Epoux bien-aimé une grande consolation."
La chose arriva selon cette prédiction.
Sainte Claire d'Assise. Fresque. Détail.
Basilique Sainte-Ckaire. Assise. Ombrie. XIIIe.
Ses religieuses ne l'abandonnèrent point, et ne se mettaient point en peine ni de manger, ni de dormir, pourvu qu'elles perdissent pas une parole d'une mère si chère et d'une si sainte amante du Sauveur. A l'exemple de saint François, elle dicta un testament, non pas pour léguer à ses flles des biens temporels dont elle était entièrement dépourvue, mais pour leur léguer la sainte pauvreté et le parfait dépouillement de toutes choses, qui est un plus grand trésor que tous les biens de ce monde.
Frère Regnault s'étant approché de son lit pour lui faire une petite exhortation sur les avantages de la patience, elle lui dit, avec une force héroïque, que, depuis que Notre-Seigneur l'avait appelée à son service par le moyen de son ami saint François, nulle peine, par sa grâce, ne lui avait été fâcheuse, nulle pénitence difficile, et nulle maladie désagréable. Plusieurs cardinaux et plusieurs évêques la visitèrent en particulier et, ce qui est merveilleux, bien qu'il lui fût impossible de rien prendre, ce qui dura dix-sept jours, on vit toujours en elle une présence d'esprit et une vigueur extraordinaires elle reçut ces prélats avec toute la piété et la dévotion que demandait l'honneur de leur visite, et elle exhortait même à la piété tous ceux qui l'approchaient, de même que si elle eût joui d'une parfaite santé.
Elle fut encore assistée, dans cette extrémité, par frère Junipère, frère Ange et frère Léon, trois excellents compagnons de saint François, lesquels, mêlant leurs flammes avec celles de la Sainte, en firent un brasier d'amour qui ne se peut exprimer.
Enfin Claire, étant près de mourir, parla elle-même à son âme et lui dit :
" Sors hardiment, mon âme, ne crains rien, tu as un bon guide et un bon sauf-conduit. Sors, dis-je, hardiment ; car celui qui t'a créée, qui t'a sanctifiée, et qui t'a aimée comme une mère aime sa fille, est lui-même disposé à te recevoir."
Puis adressant la parole à son Sauveur, elle lui dit :
" Et vous, mon Seigneur et mon Dieu, qui m'avez donné l'être et la vie, soyez béni."
Au même instant Notre-Seigneur lui apparut, avec une compagnie bienheureuse de vierges couronnées de fleurs d'une beauté et d'une odeur sans pareilles ; l'une d'elles, dont la couronne était fermée, et rendait plus de lumière que le soleil (c'était la très sainte Vierge Marie), s'approcha d'elle pour l'embrasser. Les autres à l'envi étendirent sur son corps un tapis d'une étoffe inestimable, et, pendant cette action, dont elle fit part à ses soeurs, son âme toute pure s'envola dans le sein de la Divinité, pour y posséder éternellement son souverain bonheur.
Ce fut l'an 1253, le onzième jour du mois d'août, qui est le lendemain de la fête de saint Laurent, bien que l'on ait remis la sienne au 12, où l'on fit son enterrement.
Sainte Claire d'Assise. Lorenzo d'Alessandro. XVe.
Le bruit de ce bienheureux décès étant divulgué, toute la ville d'Assise, pour ainsi dire, accourut au monastère de Saint-Damien afin d'y voir le corps qui avait logé une âme si sainte. Le Pape même, assisté des cardinaux, s'y transporta pour être présent à ses funérailles. Les religieux de l'Ordre de Saint-François v furent aussi appelés pour chanter l'office : ils commencèrent à entonner celui des morts mais le Pape les arrêta et leur dit qu'il fallait chanter l'office d'une sainte Vierge, comme la voulant canoniser avant qu'elle fut inhumée, et cela eût été fait si le cardinal d'Ostie n'eût fait observer à Sa Sainteté que dans une affaire de cette importance il fallait toujours prendre du temps pour la décider. Ce même cardinal fit l'oraison funèbre, où, après avoir montré la vanité de toutes les choses du monde, il releva avec beaucoup de force et d'éloquence le mérite de cette Sainte.
Au reste, quoique sainte Claire ne soit point sortie durant sa vie de son monastère de Saint-Damien, son Ordre néanmoins s'est étendu dès son vivant en plusieurs endroits de l'Europe, et elle a envoyé quelques-unes de ses filles en divers lieux pour fonder de nouveaux monastères. Il s'est depuis multiplié jusqu'à l'infini, et s'est partagé en diverses branches, dont les unes se sont maintenues inviolablement dans l'ancienne observance, ou l'ont reprise par la réforme de sainte Colette, et retiennent le premier nom de Pauvres-Dames de Sainte-Claire ; d'autres, qui ont dégénéré de la grande pauvreté du premier institut, en prenant des rentes par la permission du pape Urbain IV, sont nommées Urbanistes ; d'autres, qui ont ajouté aux unes ou aux autres quelques constitutions particulières, sont appelées ou Capucines, ou de la Conception, ou Annonciades, ou Récollettes, ou Cordelières. Il y avait de tous ces Ordres ensemble près de quatre mille couvents et près de cent mille religieuses dans les années 1900 *.
Le nombre des saintes qu'ils ont données à l'Eglise ne peut se compter. Surtout, l'on ne pouvait assez admirer l'austérité des religieuses de l'Ave Maria de Paris, qui vivaient dans un corps comme si elles n'en eussent point, et qui étaient sur la terre comme si elles eussent été déjà entièrement séparées de la terre. Cette communauté n'existe plus depuis la révolution, et la maison est devenue une caserne.
On représente sainte Claire d'Assise ordinairement au pied du très-saint sacrement de l'autel quelquefois avec saint François d'Assise, ravis tous les deux en extase pendant qu'ils s'entretenaient ensemble en diverses circonstances devant un pape, soit lorsqu'elle refuse la dispense de l'étroite pauvreté dont elle avait fait profession, soit lorsque, bénissant la table au réfectoire par ordre du souverain Pontife, il arriva que tous les pains se trouvèrent marqués d'une croix, soit quand le Pape voulut se charger de lui donner le viatique, et assister solennellement à ses obsèques avec les cardinaux.
Sainte Claire d'Assise. Faïence. Manufacture des Fauchiers.
Sèvres. France. XVIIIe.
CULTE ET RELIQUES
Son corps fut inhumé à Assise, au couvent de Saint-Georges, que le pape Grégoire IX lui avait donné, et où celui de saint François avait aussi été transporté, afin qu'ils fussent plus en
sûreté et moins exposés aux courses et aux insultes des ennemis. Il s'y fit aussitôt un si grand nombre de miracles par l'intercession de la Sainte, que le pape Alexandre IV, successeur d'Innocent, ne fit point de difnculte de la canoniser deux ans seulement après son décès (1253).
Depuis 1260, ses dépouilles sacrées ont été transférées dans une église bâtie en son honneur, qui lui fut dédiée en 1266, en présence du pape Clément IV. Elles restèrent là, non pas exposées à la vénération des fidèles, mais inhumées. Après cinq cents ans, c'est-à-dire le 23 août 1850, on résolut de tirer ce saint corps de l'obscurité du tombeau. On fit les fouilles nécessaires à cet effet on le découvrit la tombe fut ouverte avec toute la pompe qui convenait à une si grande fête. et les ossements reconnus juridiquement. Ils étaient conservés entiers, et non pulvérisés, malgré l'humidité du caveau ; on les mit dans une châsse, à l'exception d'une côte, la plus rapprochée dn coeur destinée au souverain Pontife, et des fragments réservés pour les Clarisses de France (23 septembre 1850). Plusieurs miracles furent opérés en cette occasion. Le réduit obscur où avaient reposé pendant des siècles les reliques de sainte Claire, fut changé en une église souterraine.
Le voile de sainte Claire est conservé en entier au couvent de Florence, et Dieu s'en sert encore pour opérer plusieurs miracles, particulièrement en faveur des enfants tombés en léthargie.
Sainte Claire d'Assise. Huile sur bois.
Jan Provost. Bourgogne. XVe-XVIe.
PRIERE
" Ô Claire, le reflet de l'Epoux dont l'Eglise se pare en ce monde ne vous suffit plus ; c'est directement que vous vient la lumière. La clarté du Seigneur se joue avec délices dans le cristal de votre âme si pure, accroissant l’allégresse du ciel, donnant joie en ce jour à la vallée d'exil. Céleste phare dont l'éclat est si doux, éclairez nos ténèbres. Puissions nous avec vous, par la netteté du cœur, par la droiture de la pensée, par la simplicité du regard, affermir sur nous le rayon divin qui vacille dans l'âme hésitante et s'obscurcit de nos troubles, qu'écarte ou brise la duplicité d'une vie partagée entre Dieu et la terre.
Votre vie, Ô vierge, ne fut pas ainsi divisée. La très haute pauvreté, que vous eûtes pour maîtresse et pour guide, préservait votre esprit de cette fascination de la frivolité qui ternit l'éclat des vrais biens pour nous mortels (Sap. IV, 12.). Le détachement de tout ce qui passe maintenait votre œil fixé vers les éternelles réalités ; il ouvrait votre âme aux ardeurs séraphiques qui devaient achever de faire de vous l'émule de François votre père. Aussi, comme celle des Séraphins qui n'ont que pour Dieu de regards, votre action sur terre était immense ; et Saint-Damien, tandis que vous vécûtes, fut une des fermes bases sur lesquelles le monde vieilli put étayer ses ruines.
Daignez nous continuer votre secours. Multipliez vos filles, et maintenez-les fidèles à suivre les exemples qui feront d'elles, comme de leur mère, le soutien puissant de l'Eglise. Que la famille franciscaine en ses diverses branches s'échauffe toujours à vos rayons ; que tout l'Ordre religieux s'illumine à leur suave clarté. Brillez enfin sur tous, Ô Claire, pour nous montrer ce que valent cette vie qui passe et l'autre qui ne doit pas finir."
Sainte Claire d'Assise. Volet intérieur d'un tryptique.
Ecole flamande. XVIe.
* A ce point, doit-on préciser que ces ordres, pas plus que l'immense majorité des ordres religieux hélas, n'ont pas résisté à l'ouragan révolutionnaire libéral et moderniste qui a vu l'Eglise de Notre Seigneur Jésus-Christ être éclipsée ? Doit-on, entre autres épouvantables profanations, rappeler les réunions d'Asssise de 1987 et de 2002, lors desquelles le chef de la secte conciliaire prétendument catholique convoqua un grand nombre de fausses religions - lesquelles adorent des démons -, au prétexte, insultant pour Notre Seigneur Jésus-Christ, d'un faux oecuménisme ? Doit-on rappeler que chacune de ces rencontres furent suivies d'un violent tremblement de terre qui ruina et dégrada nombre de saints lieux de la ville d'Assise ?
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