jeudi, 26 juin 2025
26 juin. Saint Jean et saint Paul, frères, martyrs. 362.
- Saint Jean et saint Paul, frères, martyrs. 362.
Pape : Saint Libère*. Empereur romain : Julien l'Apostat.
" Ils étaient frères déjà et par le sang et par la naissance ; une même foi, une même mort, voilà ce qui a mis le dernier sceau à cette fraternité."
M. l'abbé C. Martin.

Bréviaire franciscain. XVe.
Parmi les sanctuaires nombreux qui décorent la capitale de l'univers chrétien, l'Eglise des Saints-Jean-et-Paul est restée, depuis sa lointaine origine, un des centres principaux de la piété romaine. Du sommet du Cœlius elle domine le Colisée. On a retrouvé dans ses substructions les restes primitifs de la maison même qu'habitaient nos deux saints. Derniers des martyrs, ils achevèrent la couronne glorieuse offerte au Christ par cette Rome qu'il avait choisie pour siège de sa puissance. La lutte où leur sang fut versé consomma le triomphe dont l'heure avait sonné sous Constantin, mais qu'un retour offensif de l'enfer semblait compromettre.
Aucune attaque ne fut plus odieuse à l'Eglise, que celle du César apostat qu'elle avait nourri. Néron et Dioclétien, violemment et dans toute la franchise de leur haine, avaient déclaré au Dieu fait homme la guerre du glaive et des supplices ; et, sans récrimination, les chrétiens étaient morts par milliers, sachant que le témoignage ainsi réclamé d'eux était dans l'ordre, non moins que ne l'avait été, devant Ponce Pilate et sur la croix, celui de leur Chef (I Tim. VI, 13.).
Avec l'astucieuse habileté des traîtres et le dédain affecté du faux philosophe, Julien se promit d'étouffer le christianisme dans les réseaux d'une oppression savamment progressive, et respectueuse du sang humain : écarter les chrétiens des charges publiques, les renvoyer des chaires où ils enseignaient la jeunesse, c'était tout ce que prétendait l'apostat. Mais le sang qu'il eût voulu éviter de répandre, devait couler quand même sur ses mains hypocrites ; car l'effusion du sang peut seule, selon le plan divin, dénouer les situations extrêmes, et jamais plus grand péril n'avait menacé l'Eglise : elle qu'on avait vue garder sa royale liberté devant les bourreaux, on la voulait esclave, en attendant qu'elle disparût d'elle-même dans l'impuissance et l'avilissement.
Aussi les évêques d'alors trouvèrent-ils à l'adresse de l'apostat, dans leur âme indignée, des accents que leurs prédécesseurs avaient épargnés aux princes dont la violence avait inondé de sang chrétien tout l'empire. On rendit au tyran mépris pour mépris ; et le dédain, dont les témoignages arrivaient de toutes parts au fat couronné, finit par lui arracher son masque de fausse modération : Julien n'était plus qu'un vulgaire persécuteur, le sang coulait, l'Eglise était sauvée.
Ainsi nous est expliquée la reconnaissance que cette noble Epouse du Fils de Dieu n'a point cessé de manifester, depuis lors, aux glorieux martyrs que nous célébrons : parmi les chrétiens généreux dont l'indignation amena le dénouement de la terrible crise, il n'en est point de plus illustres. Julien eût été fier de les compter parmi ses familiers ; il les sollicitait dans ce sens, nous dit la Légende, et on ne voit pas qu'il y mît pour condition de renoncer à Jésus-Christ. N'auraient-ils donc pu, dira-t-on, se rendre au désir impérial, sans blesser leur conscience ? Trop de raideur devait fatalement indisposer le prince ; tandis que l'écouter, c'était l'adoucir, l'amener, peut-être, à relâcher quelque chose de ces malheureuses entraves administratives que son gouvernement prévenu imposait à l'Eglise. Et, qui sait ? la conversion possible de cette âme, le retour de tant d'égarés qui l'avaient suivie dans sa chute, tout cela ne méritait-il pas, tout cela n'imposait-il. pas quelque ménagement ?

Saint Jean et saint Paul avec Constance, fille de Constantin.
Eh ! oui : ce raisonnement eût paru à plusieurs d'une sage politique ; cette préoccupation du salut de l'apostat n'eût rien eu, sans doute, que d'inspiré par le zèle de l'Eglise et des âmes ; et, véritablement, le casuiste le plus outré n'aurait pu faire un crime à Jean et à Paul, d'habiter une cour où l'on ne leur demandait rien de contraire aux préceptes divins. Telle ne fut point pourtant la résolution des deux frères ; à la voie des ménagements, ils préférèrent celle de la franche expression de leurs sentiments qui mit en fureur le tyran et causa leur mort. L'Eglise jugea qu'ils n'avaient point tort; et il est, en conséquence, peu probable que la première de ces voies les eût conduits au même degré de sainteté devant Dieu.
Les noms de Jean et de Paul, inscrits au diptyque sacré, montrent bien leur crédit près de la grande Victime, qui ne s'offre jamais au Dieu trois fois Saint sans associer leur souvenir à celui de son immolation. L'enthousiasme excité par la noble attitude des deux vaillants témoins du Seigneur, a prolongé jusqu'à nous ses échos dans les Antiennes et Répons propres à la fête.
Autrefois précédée d'une Vigile avec jeûne, cette fête remonte au lendemain même du martyre des deux frères, ainsi que le sanctuaire qui s'éleva sur leur tombe. Par un privilège unique, exalté au Sacramentaire Léonien, tandis que les autres martyrs dormaient leur sommeil en dehors des murs de la ville sainte, Jean et Paul reposaient dans Rome même, dont la conquête définitive était acquise au Dieu des armées grâce à leurs combats. Un an jour pour jour après leur trépas victorieux (26 juin 363), Julien mourait, lançant au ciel son cri de rage :
" Tu as vaincu, Galiléen !"
De la cité reine de l'univers, leur renommée, passant les monts, brilla aussitôt d'un éclat presque égal en notre terre des Gaules. Au retour des luttes que lui aussi avait soutenues pour la divinité du Fils de Dieu, Hilaire de Poitiers propagea leur culte. A peine cinq années s'étaient écoulées depuis leur martyre, que le grand évêque s'en allait au Seigneur ; mais il avait eu le temps de consacrer sous leur nom l'église où ses mains pieuses avaient déposé la douce Abra et celle qu'elle avait eue pour mère, en attendant que lui-même vînt, entre elles deux, attendre la résurrection.
C'est de cette Eglise des Saints-Jean-et-Paul, devenue bientôt après Saint-Hilaire-le-Grand, que Clovis, à la veille de la bataille de Vouillé, vit sortir et se diriger vers lui la mystérieuse lumière, présage du triomphe qui devait chasser l'arianisme des Gaules et fonder l'unité monarchique. Les saints martyrs continuèrent de montrer, dans la suite, l'intérêt qu'ils prenaient à l'avancement du royaume de Dieu par les Francs ; lorsque l'issue de la seconde croisade abreuvait d'amertume saint Bernard qui l'avait prêchée, ils apparurent ici-bas pour relever son courage, et lui manifester par quels secrets le Roi des cieux avait tiré sa gloire d'événements où les hommes ne voyaient que désastres et fautes (Bern. Ep. 386, al. 333, Joannis Casae-Marii ad Bern.).

Missel romain. XIVe.
Jean et Paul étaient deux frères de haute famille ; ils demeuraient à Rome et remplissaient des emplois fort honorables dans la maison princière de Constance, fille de Constantin. Ils se faisaient remarquer par leurs oeuvres de piété et par une grande charité envers les pauvres.
Quand Julien l'Apostat fut monté sur le trône, ils renoncèrent à toutes leurs charges et se retirèrent dans leur maison du mont Coelius, dont on a retrouvé récemment des parties fort intéressantes et bien conservées, sous l'antique église construite en leur honneur et administrée encore aujourd'hui par les pseudo-Passionistes.
Julien n'était pas moins altéré de l'or que du sang des chrétiens, il résolut de s'emparer des biens des deux frères, qui avaient méprisé de le servir. Il leur fit demander de venir à sa cour, comme du temps de Constantin et de ses fils ; mais ils refusèrent de communiquer avec un apostat. Dix jours de réflexion leur sont accordés ; ils en profitent pour se préparer au martyre par les oeuvres de charité.
Ils vendent tout ce qu'ils peuvent de leurs propriétés, et distribuent aux pauvres argent, vêtements, meubles précieux, plutôt que de voir tous ces biens tomber entre les mains d'un homme aussi cupide qu'impie ; ils passent ensuite le reste de leur temps à prier et à fortifier les fidèles dans la résolution de mourir pour Jésus-Christ plutôt que d'abandonner la religion.
Le dixième jour, l'envoyé de l'empereur les trouve en prière et disposés à tout souffrir pour leur foi :
" Adorez Jupiter !", leur dit-il en leur présentant une petite idole de cette divinité.
" A Dieu ne plaise, répondent-ils, que nous adorions un démon ! Que Julien nous commande des choses utiles au bien de l'État et de sa personne : c'est son droit ; mais qu'il nous commande d'adorer les simulacres d'hommes vicieux et impurs, cela dépasse son pouvoir. Nous le reconnaissons pour notre empereur, mais nous n'avons point d'autre Dieu que le Père, le Fils et le Saint-Esprit, qui sont un seul Dieu en trois personnes."
Le messager, voyant qu'il ne pourrait ébranler leur courage invincible, ordonna de creuser une fosse dans leur jardin ; il les fit décapiter pendant la nuit dans leur propre maison, et ensuite enterrer secrètement.

Décollation de saint Jean et saint Paul par Julien l'Apostat.
L'empereur, craignant que cette exécution ne soulevât la réprobation de Rome, répandit le bruit qu'il les avait envoyés en exil ; mais les démons publièrent leur mort et leur triomphe, et l'exécuteur des ordres de Julien, après avoir vu son fils délivré du démon par l'intercession des martyrs, se convertit avec sa famille.
ANTIENNES ET RÉPONS
Nous donnons à la suites Antiennes et Répons propres dont il est pairlé plus haut, et qui se trouvent quant à l'ensemble, avec quelques variantes, dans les plus anciens Responsoriaux et An-tiphonaires parvenus jusqu'à nous. Le personnage mentionné dans l'une de ces Antiennes,sous le nom de Gallicanus , est un consulaire qui fut amené par les deux frères à la foi et à la sainteté ; sa mémoire était célébrée hier même au Martyrologe :
" Paul et Jean dirent à Julien : Nous adorons un seul Dieu, qui a fait le ciel et la terre.
Paul et Jean dirent à Térentianus : Si Julien est votre maître, ayez la paix avec lui ; pour nous, il n'en est point d'autre que le Seigneur Jésus-Christ.
Jean et Paul, connaissant bien la tyrannie de Julien, se mirent à distribuer leurs richesses aux pauvres.
Esprits célestes et âmes des justes, chantez un hymne à Dieu. Alléluia.
Jean et Paul dirent à Gallicanus : " Faites un vœu au Dieu du ciel, et vous serez vainqueur mieux que vous ne l'avez été."
Ant. de Magnificat aux premières Vêpres :
" Les justes se sont tenus devant le Seigneur, et n'ont point été séparés l'un de l'autre ; ils ont bu le calice du Seigneur, et on les a appelés amis de Dieu."
Ant. de Magnificat aux deuxièmes Vêpres :
" Ce sont là les deux oliviers et les deux chandeliers allumés qui sont devant le Seigneur ; ils ont la puissance d'empêcher le ciel de pleuvoir, et d'ouvrir ses portes ; car leurs langues sont devenues les clefs du ciel."
A Benedictus :
" Ce sont là les saints qui, pour l'amour du Christ, ont méprisé les menaces des hommes ; saints martyrs, ils tressaillent avec les anges dans le royaume des cieux ; oh ! qu'elle est précieuse la mort des saints, qui toujours se tiennent devant le Seigneur et ne sont point sépares l'un de l'autre !"
R/. Ce sont là les deux hommes de miséricorde, qui se tiennent devant le Seigneur " Souverain de toute la terre ".
V/. Ce sont là les deux oliviers et les deux chandeliers allumés, présents devant le Seigneur " Souverain de toute la terre ".
R/. J'ai vu, près l'un de l'autre, des hommes couverts de vêtements resplendissants ; et un ange du Seigneur m'a dit :
" Ce sont là les hommes pleins de sainteté, devenus les amis de Dieu."
V/. J'ai vu un ange de Dieu, plein de force, volant par le milieu du ciel, criant d'une voix retentissante et disant :
" Ce sont là les hommes pleins de sainteté, devenus les amis de Dieu."

Bréviaire à l'usage de Paris. XVe.
PRIERE
" Un double triomphe éclate au ciel et renvoie une double joie à la terre, en ce jour où votre sang répandu proclama la victoire du Fils de Dieu. C'est par le martyre de ses fidèles, en effet, que le Christ triomphe. L'effusion de son propre sang marqua la défaite du prince du monde ; le sang de ses membres mystiques garde toujours, et possède seul, la vertu d'établir son règne. La lutte ne fut jamais un mal pour l'Eglise militante ; la noble Epouse du Dieu des armées se complaît dans les combats ; car elle sait que l'Epoux est venu apporter sur terre, non la paix, mais le glaive (Matth. X, 34.). Aussi, jusqu'à la fin des siècles, proposera-t-elle en exemple à ses fils votre chevaleresque courage, et la franchise qui ne vous permit pas de dissimuler votre mépris au tyran apostat, de songer même aux considérations par lesquelles peut-être, en l'écoutant d'abord, votre conscience se fût tenue sauve.
Malheur aux temps où le mirage décevant d'une paix trompeuse égare les intelligences ; où, parce que le péché proprement dit ne se dresse pas devant elle, l'âme chrétienne abaisse la noblesse de son baptême à des compromis que répudierait l'honneur même d'un monde redevenu païen ! Illustres frères, écartez des enfants de l'Eglise l'erreur fatale qui les porterait à méconnaître ainsi les traditions dont ils ont reçu l'héritage ; maintenez la race des fils de Dieu à la hauteur de sentiments que réclament leur céleste origine, le trône qui les attend, le sang divin dont ils s'abreuvent chaque jour ; loin d'eux toute bassesse, et cette vulgarité qui attirerait, contre leur Père qui est aux cieux, le blasphème des habitants de la cité maudite ! Nos temps ont vu s'élever une persécution qui rappelle en tout celle où vous avez remporté la couronne : le programme de Julien est remis en honneur ; si les émules de l'apostat ne l'égalent point en intelligence, ils le dépassent dans sa haine et son hypocrisie. Mais Dieu ne fait pas plus défaut à l'Eglise maintenant qu'autrefois ; obtenez que de notre part la résistance soit la même qu'en vos jours, et le triomphe aussi sera le même.
Jean et Paul, vous nous rappelez par vos noms et l'Ami de l'Epoux dont l'Octave poursuit son cours, et ce Paul de la Croix qui fit revivre au dernier siècle l'héroïsme de la sainteté dans votre maison du Coelius. Unissez votre protection puissante à celle que le Précurseur étend sur l'Eglise mère et maîtresse, devenue, en raison de sa primauté, le but premier des attaques de l'ennemi ; soutenez la milice nouvelle que les besoins des derniers temps ont suscitée près de votre tombe, et qui garde dans une commune vénération vos restes sacrés et le corps de son glorieux fondateur. Vous souvenant enfin du pouvoir que vous reconnaît l'Eglise d'ouvrir et de fermer les portes du ciel, pour répandre ou arrêter la pluie sur les biens de la terre: bénissez les moissons prêtes à mûrir; soyez propices aux moissonneurs, allégez leurs pénibles travaux ; gardez du feu du ciel l'homme et ses possessions, la demeure qui l'abrite, les animaux qui le servent. Ingrate, oublieuse, trop souvent criminelle, l'humanité n'aurait droit qu'à votre colère ; montrez-vous les fils de Celui dont le soleil se lève pour les méchants comme pour les bons, et qui fait pleuvoir également sur les justes et les pécheurs (Matth. V, 45.)."
* Rappelons toujours et encore que le pape saint Libère - ainsi de saint Marcelin et d'Honorius d'ailleurs - ne fut jamais hérétiques car un pape ne peut pas l'être, ne l'a jamais été et ne le sera jamais.
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mercredi, 25 juin 2025
25 juin. Saint Salomon, roi et martyr en Bretagne. 874.
Nicolas Ier, pape. Lettre à saint Salomon.

Saint Salomon était de la race des anciens princes Bretons. Il était fort jeune, quand Rivallon, son père, mourrut, et son oncle Nominoé eut pour lui des soins et des bontés dont Salomon resta toujours reconnaissant.
Après la mort de Nominoé, en 851, il n'eut pas les mêmes égards ni le même attachement pour Erispoé, son successeur. Sous prétexte qu'il descendait du frère aîné de Nominoé, et qu'il avait plus de droits sur la Bretagne que son cousin, il se mit à caballer contre lui, et obtint du roi Charles-le-Chauve, en 853, le tiers de la Bretagne, sous la suzeraineté d'Erispoé.
Cette première satisfaction le rendit paisible pendant quelques années. Mais en 857, craignant de voir passer la couronne sur une autre tête, par le mariage de la fille de son rival, il ourdit une noire conspiration, et ne craignit pas de poursuivre Erispoé jusque dans une église, et de l'assassiner sur l'autel même.
Les Bretons, ignorant ce crime, acceptèrent Salomon pour roi, et l'aidèrent à repousser les Francs qui cherchaient à envahir la Bretagne. A part son crime, Salomon avait toutes les qualités que l'on peut souhaiter dans un prince : une taille majestueuse, la science de la guerre, un courage intrépide; il fît aussi paraître depuis beaucoup de justice et de piété.
Mais Dieu, qui ne laisse jamais le crime impuni, suscita à Salomon une foule d'affaires et d'épreuves qui servirent à expier son péché et à sanctifier son âme. Sans parler des guerres qu'il eût à soutenir contre les Francs et contre les Normands, il dût s'occuper des évêques injustement déposés, en 847, par Nominoé, et cette épineuse affaire lui occasionna bien des correspondances et bien des embarras, soit avec les évêques, soit avec le pape lui-même.

Eglise Saint-Salomon de Mezzer-Salün (" martyr de Salomon ")
Sans compter les pénitences qu'il accomplissait, Salomon, pour se purifier de plus en plus, multipliait les bonnes oeuvres, bâtissait le monastère de Plélan ou de saint-Maixent, et le comblait de dons magnifiques.
Cependant, une conspiration se trâmait aussi contre Salomon : la peine du Talion lui était réservée. Surpris par les conjurés et incapable de résister, il prit la fuite et se réfugia dans un petit monastère aux confins du Poher et du Léon, dans une paroisse appelée jadis Mezzer-Salün (" martyr de Salomon "), et aujourd'hui " La Martyre " (Finistère).
Les rebelles investirent sa retraite le 23 juin 874. Un reste de religion les empêcha de rien entreprendre contre lui le jour suivant, fête de la nativité de saint Jean Baptiste. Ils lui envoyèrent seulement un évêque pour l'engager à quitter son asile et à se rendre volontairement pour éviter la profanation possible du lieu saint. Salomon, résigné à tout, se munit du Sacrement de l'Eucharistie et se présenta devant ses ennemis avec un courage magnanime. Les Bretons, frappés de respect, n'osèrent tirer l'épée contre lui, et ils le livrèrent à Fulcoald, et à quelques autres Français qui lui firent crever les yeux par son propre filleul.
Le vieux roi ne pût survivre à ce cruel supplice et fût trouvé mort le lendemain, 25 juin 874. C'est encore le jour où l'Eglise de Vannes honore sa mémoire.
Le corps du roi Salomon fût inhumé dans le monastère de Plélan ou de Saint-Maixent, conformément aux désirs qu'il avait exprimés de reposer auprès de la reine Wembrit. Plus tard, ce corps fut enlevé, probablement pendant les ravages des Normands, et transporté, paraît-il, jusqu'à Pithiviers, au diocèse d'Orléans, où une église fût érigée en son honneur. Cependant une partie de ses reliques resta ou revint en Bretagne, car l'église de Saint-Salomon, à Vannes, possédait quelques ossements de ce saint roi jusqu'à la révolution. Depuis la destruction de l'église de Saint-Salomon en 1793, les reliques ont été transférées à la cathédrale, où elles sont encore l'objet de la vénération des fidèles.
Rq : On lira avec fruit la conséquente notice que dom Lobineau consacre à saint Salomon dans " Les vies des saints de Bretagne " (pp 193 et suiv.) : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k114592x.pagination
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25 juin. Saint Guillaume de Verceil, abbé, fondateur de la congrégation du Monte-Vergine. 1142.
Saint Jean Chrysostome. Hom. XXXIII sup Gen.
Ce n'est pas seulement dans la gloire incomparable du martyre, que l'Emmanuel fait éclater la puissance de sa grâce et la force victorieuse des exemples laissés par son Précurseur au monde. Voici que s'offre tout d'abord à nos hommages, un de ces innombrables athlètes de la pénitence qui suivirent Jean au désert ; fuyant comme lui, dès le plus jeune âge, une société où leur âme pressent qu'elle ne trouverait que froissements et périls, consacrant leur vie au triomphe complet du Christ en eux sur la triple concupiscence, ils rendent témoignage au Seigneur par des œuvres que la terre ignore, mais qui réjouissent les anges et font trembler l'enfer. Guillaume fut un des chefs de cette milice sainte. L'Ordre du Mont-Vierge, qui lui doit l'existence, a bien mérité de l'institut monastique et de l'Eglise, en ces régions de l'Italie méridionale où Dieu voulut, à diverses reprises, opposer comme une digue à l'entraînement des sens le spectacle des plus austères vertus.
Personnellement et par ses disciples, Guillaume eut pour mission d'infuser au royaume de Sicile, qui se fondait alors, l'élément de la sainteté que tout peuple chrétien réclame à sa base. Au Midi comme au Nord de l'Europe, la race normande venait d'être providentiellement appelée à promouvoir le règne de Jésus-Christ. C'était le moment où Byzance, impuissante à protéger ses dernières possessions d'Occident contre l'invasion sarrasine, n'en prétendait pas moins garder les églises de ces contrées dans les liens du schisme, où l'avait récemment engagée l'intrigante ambition de Michel Cérulaire. Le Croissant s'était vu contraint de reculer devant les fils de Tancrède de Hauteville ; et la perfidie grecque fut déjouée à son tour parla rude simplicité de ces hommes, qui apprirent vite à n'opposer d'autre argument que celui de leur épée aux fourberies byzantines. La papauté, un instant hésitante, comprit bientôt également de quel secours lui seraient les nouveaux venus, dans les querelles féodales qui s'agitaient depuis deux siècles autour d'elle, et préparaient la longue lutte du sacerdoce et de l'empire.

C'était l'Esprit-Saint qui, comme toujours depuis les temps de la Pentecôte, dirigeait ici les événements au plus grand bien de l'Eglise. Il inspirait aux Normands d'établir leurs conquêtes sur la fermeté de la Pierre apostolique, en se reconnaissant les feudataires du Saint-Siège. Mais en même temps, pour récompenser la fidélité de ce début, pour les rendre aussi plus dignes de la mission qui eût continué de faire leur honneur et leur force, s'ils eussent continué de la comprendre, il leur donnait des saints. Roger Ier avait vu saint Bruno intercéder pour son peuple dans les solitudes de Calabre, et le sauver miraculeusement lui-même des embûches dressées par la trahison; Roger II eut pour le ramener dans les sentiers de la justice, dont il s'écartait trop souvent, l'exemple et les exhortations du fondateur du Mont-Vierge.
Guillaume naquit de parents nobles, à Verceil en Piémont. A peine avait-il achevé sa quatorzième année, qu'embrasé des ardeurs d une merveilleuse piété, il entreprit le pèlerinage de Compostelle au célèbre temple de saint Jacques. Vêtu d'une seule tunique, ceint d'un double cercle de fer, nu-pieds, en butte aux rigueurs du froid et de la chaleur, de la faim et de la soif, il accomplit sa route en grand danger de la vie. De retour en Italie, il médite un nouveau pèlerinage au saint tombeau du Seigneur ; mais diverses sortes d'obstacles très graves s'opposent à son projet.
La divine Providence tournait à des desseins plus hauts et plus parfaits les religieux penchants du jeune homme. C'est alors qu'il passa deux ans au mont Solicchio, priant sans interruption, jeûnant, veillant, couchant sur la dure, soutenu du seul secours divin.
Ayant rendu la vue à un aveugle, le bruit du miracle se répandit, et Guillaume, qui ne pouvait plus rester caché, songea de nouveau à se rendre à Jérusalem. Plein d'ardeur, il se mit en route.
Mais Dieu, qui voulait de lui une vie plus utile et plus fructueuse pour l'Italie et d'autres contrées, lui apparut et l'avertit de renoncer à sa résolution. Gagnant donc le mont Virgilien, appelé depuis Mont-Vierge, il bâtit avec une rapidité étonnante un monastère au sommet, en dépit des difficultés que présente ce lieu inaccessible. Des compagnons, touchés de la grâce, s'adjoignent à lui, voulant vivre conformément aux préceptes et aux conseils de l'Evangile. Des règles empruntées en grande partie à saint Benoit, et, d'autre part, la parole de Guillaume et l'exemple de sa vie très sainte les aident admirablement à atteindre ce but.

Saint Guillaume de Verceil dirigeant les travaux du
D'autres monastères s'élevèrent dans la suite ; de jour en jour, éclatait davantage la sainteté du fondateur ; de toutes parts on venait à lui, attiré par le parfum de cette sainteté et la renommée de ses miracles. Car, à son intercession, les muets recouvraient la parole, les sourds l'ouïe ; la vigueur était rendue aux membres desséchés, la santé à tous ceux qu'affligeaient les plus diverses et les plus irrémédiables maladies.
Il changea l'eau en vin, et accomplit une multitude d'autres merveilles, entre lesquelles il faut citer la suivante : une femme perdue ayant été envoyée pour éprouver sa chasteté, il se roula sur des charbons ardents étendus à terre sans en éprouver aucun mal.
Roger, roi de Naples, ayant eu connaissance de ce fait, conçut une vénération profonde pour l'homme de Dieu. Il prédit au roi et à d'autres le temps de sa mort, et, illustre par ses vertus et miracles sans nombre, il s'endormit enfin dans le Seigneur, l'an du salut mil cent quarante-deux.
Bien des révolutions sont venues depuis lors montrer en cette contrée, dans laquelle vous aviez souffert et prié, l'instabilité des royaumes et des dynasties qui ne cherchent pas avant tout le royaume de Dieu et sa justice. Malgré l'oubli où trop souvent, depuis que vous avez quitté la terre, ont été mis vos enseignements et vos exemples, protégez le pays où Dieu vous accorda des grâces si grandes, et qu'il daigna confier à votre intercession puissante. La foi reste vive en ces peuples : conservez-la, malgré les efforts de l'ennemi contre elle en nos jours ; faites-lui produire ses fruits dans le champ des vertus. A travers bien des épreuves, votre descendance monastique a pu, jusqu'en notre siècle de persécution, se propager et servir l'Eglise : obtenez qu'avec toutes les autres familles religieuses, elle se montre jusqu'au bout plus forte que la tempête. Notre-Dame, dont vous avez bien mérité, se tient prête à seconder vos efforts : du sanctuaire dont le nom a prévalu sur les souvenirs du poète qui, sans le savoir, avait chanté ses grandeurs (Virg. Egl. IV.), puisse-t-elle sourire toujours aux foules qui chaque année gravissent la sainte montagne, célébrant le triomphe de sa virginité ; puisse-t-elle, à nous qui ne pouvons que de cœur accomplir le sacré pèlerinage, tenir compte du désir et de l'hommage que nous lui présentons par vos mains !"
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mardi, 24 juin 2025
24 juin. Saint Jean-Baptiste, précurseur de Notre Seigneur Jésus-Christ.
- Saint Jean-Baptiste, précurseur de Notre Seigneur Jésus-Christ.
Empereur romain : Tibère. Roi de Judée : Hérode Antipas.
" Nul ne s'est jamais rencontré qui fut plus grand que saint Jean-Baptiste. Il surpasse tous les autres, il brille au-dessus de tous ; auprès de lui les prophètes et les patriarches ne sont que des ombres, et tout homme né de la femme sera toujours impuissant à l'égaler."
Saint Thomas d'Aquin. Part. III, quest. 38, art. 1.
" Voix de celui qui crie dans le désert: Préparez les sentiers du Seigneur ; voici votre Dieu !" (Isai. XL, 3, 9.).
Oh ! qui, dans notre siècle refroidi, comprendra les transports de la terre à cette annonce si longtemps attendue ? Le Dieu promis n'est point manifesté encore ; mais déjà les cieux se sont abaissés (Psalm. XVII, 10.) pour lui livrer passage. Il n'a plus à venir, celui que nos pères, les illustres saints des temps prophétiques, appelaient sans fin dans leur indomptable espérance. Caché toujours , mais déjà parmi nous, il repose sous la nuée virginale près de laquelle pâlit pour lui la céleste pureté des Chérubins et des Trônes ; les ardeurs réunies des brûlants Séraphins se voient dépassées par l'amour dont l'entoure à elle seule , en son cœur humain, l'humble fille d'Adam qu'il s'est choisie pour mère.
La terre maudite, devenue soudain plus fortunée que l'inexorable ciel fermé jadis à ses supplications, n'attend plus que la révélation de l'auguste mystère ; l'heure est venue pour elle de joindre ses cantiques à l'éternelle et divine louange qui, dès maintenant, monte de ses profondeurs, et, n'étant autre que le Verbe lui-même, célèbre Dieu comme il mérite de l'être. Mais sous le voile d'humilité où, après comme avant sa naissance, doit continuer de se dérober aux hommes sa divinité, qui découvrira l'Emmanuel ? Qui surtout, l'ayant reconnu dans ses miséricordieux abaissements, saura le faire accepter d'un monde perdu d'orgueil, et pourra dire, en montrant dans la foule le fils du charpentier (Matth. XIII, 55.) : " Voilà celui qu'attendaient vos pères !"
Car tel est l'ordre établi d'en haut pour la manifestation du Messie : en conformité de ce qui se fait parmi les hommes, le Dieu fait homme ne s'ingérera pas de lui-même dans les actes de la vie publique ; il attendra, pour inaugurer son divin ministère, qu'un membre de cette race devenue la sienne, un homme venu avant lui, et doué à cette fin d'un crédit suffisant, le présente à son peuple.

Anonyme flamand du XVe.
Rôle sublime, qui fera d'une créature le garant de Dieu, le témoin du Verbe ! La grandeur de celui qui doit le remplir était signalée, comme celle du Messie, longtemps avant sa naissance. Dans la solennelle liturgie du temps des figures, le chœur des lévites, rappelant au Très-Haut la douceur de David et la promesse qui lui fut faite d'un glorieux héritier, saluait de loin la mystérieuse lumière préparée par Dieu même à son Christ (Psalm. CXXI, 17.). Non que, pour éclairer ses pas, le Christ dût avoir besoin d'un secours étranger : splendeur du Père, il n'avait qu'à paraître en nos obscures régions, pour les remplir de la clarté des cieux ; mais tant de fausses lueurs avaient trompé l'humanité, durant la nuit des siècles d'attente, que la vraie lumière, s'élevant soudain, n'eût point été comprise, ou n'eût fait qu'aveugler des yeux rendus impuissants par les ténèbres précédentes à porter son éclat.
L'éternelle Sagesse avait donc décrété que comme l'astre du jour est annoncé par l'étoile du matin, et prépare sa venue dans la clarté tempérée de l'aurore ; ainsi le Christ lumière serait précédé ici-bas d'un astre précurseur, et signalé parle rayonnement dont lui-même, non visible encore, revêtirait ce fidèle messager de son avènement. Lorsque autrefois le Très-Haut daignait pour ses prophètes illuminer l'avenir, l'éclair qui, par intervalle, sillonnait ainsi le ciel de l'ancienne alliance s'éteignait dans la nuit, sans amener le jour ; l'astre chanté dans le psaume ne connaîtra point la défaite ; signifiant à la nuit que désormais c'en est fini d'elle, il n'éteindra ses feux que dans la triomphante splendeur du Soleil de justice. Aussi intimement que l'aurore s'unit au jour, il confondra avec la lumière incréée sa propre lumière ; n'étant de lui-même, comme toute créature, que néant et ténèbres, il reflétera de si près la clarté du Messie, que plusieurs le prendront pour le Christ (Luc. III, 15.).

Dirck Bouts. XVe.
La mystérieuse conformité du Christ et de son Précurseur, l'incomparable proximité qui les unit, se retrouvent marquées en maints endroits des saints Livres. Si le Christ est le Verbe, la parole éternelle du Père, lui sera la Voix portant cette parole où elle doit parvenir ; Isaïe l'entend par avance qui remplit d'accents jusque-là inconnus le désert, et le prince des prophètes exprime sa joie dans l'enthousiasme d'une âme qui déjà se voit en présence de son Seigneur et Dieu (Isai. XL.).
Le Christ est l’ange de l’alliance ; mais dans le texte même où l'Esprit-Saint lui donne un titre si rempli pour nous d'espérance, paraît aussi portant ce. nom d'ange l'inséparable messager, l'ambassadeur fidèle à qui la terre devra de connaître l'Epoux :
" Voici que j'envoie mon ange qui préparera le chemin devant ma face, et aussitôt viendra dans son temple le dominateur que vous cherchez, l'ange de l'alliance que vous réclamez ; voici qu'il vient, dit le Seigneur des armées." (Malach. III, 1.).
Et mettant fin au ministère prophétique dont il est le dernier représentant, Malachie termine ses propres oracles par les paroles que nous avons entendu Gabriel adresser à Zacharie, pour lui notifier la naissance prochaine du Précurseur (Ibid. IV, 5, 6.).

Hans Memling. XVe.
La présence de Gabriel en cette occasion, montrait elle-même combien l'enfant promis alors serait l'intime du Fils de Dieu ; car le même prince des célestes milices allait aussi, bientôt, venir annoncer l'Emmanuel. Nombreux pourtant se pressent les messagers fidèles au pied du trône de la Trinité sainte, et le choix de ces augustes envoyés varie, d'ordinaire, selon la grandeur des instructions que le Très-Haut transmet par eux au monde. Mais il convenait que l'archange chargéde conclure les noces sacrées du Verbe avec l'humanité, préludât à cette grande mission en préparant la venue de celui que les décrets éternels avaient désigné comme l’ Ami de l'Epoux (Johan. III, 29.).
Six mois après, député vers Marie, il appuyait son divin message en révélant à la Vierge très pure le prodige qui, dès maintenant, donnait un fils à la stérile Elisabeth : premier pas du Tout-Puissant vers une merveille plus grande. Jean n'est pas né encore ; mais, sans plus tarder, son rôle est ouvert : il atteste la vérité des promesses de l'ange. Ineffable garantie que celle de cet enfant, caché toujours au sein de sa mère, et déjà témoin pour Dieu dans la négociatio sublime qui tient en suspens la terre et les deux ! Eclairée d'en haut, Marie reçoit le témoignage et n'hésite plus :
" Voici la servante du Seigneur, dit-elle à l'archange ; qu'il me soit fait selon votre parole." (Luc. I.).
Gabriel s'est retiré, emportant avec lui le secret divin qu'il n'est point charge de communiquer au reste du monde. La Vierge très prudente ne parlera pas davantage ; Joseph lui-même, son virginal époux, n'aura pas d'elle communication du mystère. Ne craignons point cependant : l'accablante stérilité dont le monde a gémi, ne sera pas suivie d'une ignorance plus triste encore, maintenant que la terre a donné son fruit (Psalm. LXXXIV, 13.). Il est quelqu'un pour qui l'Emmanuel n'aura ni secret, ni retard ; et lui saura bien révéler la merveille. A peine l'Epoux a-t-il pris possession du sanctuaire sans tache où doivent s'écouler les neuf premiers mois de son habitation parmi les hommes, à peine le Verbe s'est fait chair : et Notre-Dame, instruite au dedans du désir de son Fils, se rend en toute hâte vers les monts de Judée (Luc. I, 39.). Voix de mon bien-aimé ! Le voici qui vient, bondissant sur les montagnes, franchissant les collines (Cant. II, 8.). A l'ami de l'Epoux sa première visite, à Jean le début de ses grâces. Une fête distincte nous permettra d'honorer spécialement la journée précieuse où l'Enfant-Dieu, sanctifiant son Précurseur, se révèle à Jean par la voix de Marie ; où Notre-Dame, manifestée par Jean qui tressaille en sa mère, proclame enfin les grandes choses que le Tout-Puissant a opérées en elle selon la miséricordieuse promesse qu'il fit autrefois à nos pères, à Abraham et à sa postérité pour jamais (Luc. I, 55.).
Mais le temps est venu où, des enfants et des mères, la nouvelle doit s'étendre au pays d'alentour, en attendant qu'elle parvienne au monde entier. Jean va naître, et, ne pouvant parler encore, il déliera la langue de son père. Il fera cesser le mutisme dont le vieux prêtre, image de l'ancienne loi, avait été frappé par l'ange ; et Zacharie, rempli lui-même de l'Esprit-Saint, va publier dans un cantique nouveau la visite bénie du Seigneur Dieu d’Israël (Luc. I, 68.).

Notre Seigneur Jésus-Christ et saint Jean-Baptiste.
Giovanni di Paolo di Grazia. XVe.
HYMNE
Ce que l'on connaît mieux, est l'importance que la première de ces strophes a conquise dans l'histoire du chant grégorien et de la musique. L'air primitif sur lequel on chantait l'Hymne de Paul Diacre, offrait cette particularité que la syllabe initiale de chaque hémistiche s'élevait d'un degré sur la précédente dans l'échelle des sons ; on obtenait, en les rapprochant, la série des notes fondamentales qui forment la base de notre gamme actuelle. L'usage s'introduisit de donner aux notes elles-mêmes les noms de ces syllabes : Ut, Re, Mi, Fa, Sol, La.
Gui d'Arezzo, par sa méthode d'enseignement, avait donné naissance à cet usage ; en le complétant par l'introduction des lignes régulières de la portée musicale, il fit faire un pas immense à la science du chant sacré, auparavant laborieuse et longue à acquérir. Il convenait que le divin Précurseur, la Voix dont les accents révélèrent au monde l'harmonie du Cantique éternel, eût cet honneur de voir se rattacher à son nom l'organisation des mélodies de la terre.
" Ut queant laxis resonare fibris
Mira gestorum famuli tuorum,
Solve polluti labii reatum, Sancte Johannes.
Nuntius celso veniens olympo.
Te patri magnum fore nasciturum,
Nomen et vitae seriem gerenda ;
Ordine promit.
Ille, promissi dubius superni,
Perdidit promptae modulos loquelae ;
Sed reformasti genitus peremptae
Organa vocis.
Ventris obstruso recubans cubili,
Senseras regem thalamo manentem :
Hinc parens, nati meritis, uterque
Abdita pandit.
Sit decus Patri, genitaeque Proli,
Et tibi, compar utriusque virtus Spiritus,
Semper, Deus unus, omni Temporis aevo.
Amen."
V/. Fuit homo missus a Deo,
R/. Cui nomen erat Johannes.

Raphaël. XVIe.
" Pour que d'une voix étendue et puissante vos serviteurs fassent retentir les merveilles de vos actes, bannissez, Ô saint Jean, l'indignité de nos lèvres souillées.
Un messager venu des célestes sommets annonce à votre père que vous naîtrez et serez grand ; le nom que vous porterez, la vie que vous mènerez, il expose par ordre toutes choses.
Lui doute des célestes promesses, et soudain il n'a plus le pouvoir d'articuler les sons ; mais, en naissant, vous restaurez l'organe de sa voix éteinte.
Reposant dans le secret des entrailles maternelles, vous aviez senti la présence du roi séjournant en sa couche nuptiale ; en suite de quoi, par le mérite de leur fils, votre père et votre mère découvrirent tous deux les mystères.
Honneur au Père, et au Fils qu'il engendre, ainsi qu'à vous, puissance éternellement égale aux deux, Ô Esprit, Dieu unique, dans toute la suite des âges.
Amen."
V/. Il y eut un homme envoyé par Dieu,
R/. Dont le nom était Jean.

Retable de saint Jean-Baptiste. Rogier van der Weyden. XVe.
PRIERE
" Précurseur du Messie, nous partageons la joie que votre naissance apporta au monde. Elle annonçait la propre naissance du Fils de Dieu. Or, chaque année, l'Emmanuel prend vie à nouveau dans l'Eglise et les âmes ; et, pas plus aujourd'hui qu'il y a dix-huit siècles, il ne veut naître sans que vous-même ayez, comme alors, préparé les voies à cette nativité qui donne à chacun de nous son Sauveur. A peine s'achève, au Cycle sacré, la série des mystères qui ont consommé la glorification de l'Homme-Dieu et fondé l'Eglise, que déjà Noël se montre à l'horizon ; déjà, dans son berceau, Jean tressaille et révèle l'approche de l'Enfant-Dieu. Doux prophète du Très-Haut, qui ne pouvez parler encore et déjà, pourtant, dépassez tous les princes de la prophétie, bientôt le désert, comme nous le redirons, semblera vous avoir ravi pour jamais au commerce des hommes. Mais dans les jours de l'Avent, l'Eglise vous aura retrouvé ; elle nous ramènera sans cesse à vos enseignements sublimes, aux témoignages que vous rendrez à Celui qu'elle attend. Dès maintenant, commencez la préparation de nos âmes ; redescendu sur notre terre en ce jour d'allégresse, venu comme messager de la prochaine arrivée du Seigneur, pourriez-vous un instant rester oisif devant l'œuvre immense qui vous incombe en nous ?
Chasser le péché, dompter les vices, redresser les instincts faussés de la pauvre nature déchue : tout cela devrait être accompli sans doute, tout cela serait achevé dès longtemps, si nous avions répondu fidèlement à vos labeurs passés. Il n'est que trop vrai pourtant ; c'est à peine s'il semble, en plusieurs, que le défrichement ait jamais commencé : terres rebelles, où les pierres et les ronces défient vos soins depuis des années. Nous le reconnaissons, dans la confusion de nos âmes coupables : nous confessons nos fautes à vous et au Dieu tout-puissant, comme l'Eglise nous apprend à le faire au début du grand Sacrifice ; mais, en même temps, nous vous prions avec elle d'intercéder pour nous auprès du Seigneur notre Dieu. Vous le proclamiez au désert : de ces pierres mêmes, Dieu peut toujours faire sortir des fils d'Abraham.

Retable de saint Jean-Baptiste. Rogier van der Weyden. XVe.
Chaque jour, les solennelles formules de l'oblation qui prépare l'immolation sans cesse renouvelée du Sauveur, nous apprennent la part honorable extrêmement puissante qui vous revient dans cet auguste Sacrifice ; votre nom, de nouveau prononcé lorsque la victime sainte est sur l'autel, supplie alors pour nous pécheurs le Dieu de toutes miséricordes. Puisse-t-il, en considération de vos mérites et de notre misère, être propice à la prière persévérante de notre mère l'Eglise, changer nos cœurs, et remplacer leurs attaches mauvaises par les attraits des vertus qui nous vaudront la visite de l'Emmanuel !
A ce moment sacré des Mystères, trois fois invoqué selon la formule même que vous nous avez apprise, l'Agneau de Dieu qui ôte les péchés du monde aura lui-même pitié de nous et nous donnera la paix : cette paix précieuse avec le ciel, avec la terre, avec nous-mêmes, qui nous préparera pour l'Epoux en nous rendant les fils de Dieu (Johan I, 12 ; Matth. V, 9.) selon le témoignage que, chaque jour également, vous renouvelez par la bouche du prêtre au sortir de l'autel. Alors votre joie et la nôtre sera complète, ô Précurseur ; l'union sacrée, dont ce jour de votre nativité renferme pour nous l'espérance déjà si joyeuse, sera devenue, dès cette terre et sous les ombres de la foi, une réalité sublime, en attendant la claire vision de l'éternité."

Retable de saint Jean-Baptiste. Rogier van der Weyden. XVe.
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lundi, 23 juin 2025
23 juin. Sainte Audrey ou Edeltrude ou encore Etheldrède, reine, vierge et abbesse d'Ely. 679.
Répandant la lumière de la grâce sur toutes nos routes.
Née d'une noble et royale lignée,
Elle apporte du Christ son Roi une meilleure vie."
Bède le vénérable.
Saint Bernard. Lib. Med, c. 17.

Pour ses amis et sa famille, cette autrefois célèbre sainte femme Anglo-Saxone était Etheldred. Son nom en Vieil Anglais était " Aethelthryth ", signifiant " noble force ", qui prendra la forme par la suite d'Etheldred puis d'Audrey. Baptisée par saint Félix, l'Apôtre de l'Est-Anglie, c'est aussi lui qui l'instruira dans la Foi. Pour le pauvre peulple, elle était Audrey ou Audry, et le terme " clinquant " vint à l'origine des colliers bon marchés vendus lors des fêtes de sainte Audrey et qui qu'on croyait à même de guérir les maladies du cou et de la gorge. Ceci parce qu'Etheldred avait eu à souffrir d'un cancer du cou, qu'elle attribua à une punition divine pour avoir eu un jour la vanité de porter un riche collier. Elle eut une énorme tumeur à son cou quand elle mourrut, mais selon saint Bède, quand sa soeur sainte Sexburge fit ouvrir sa tombe, on trouva son corps incorrompu et la tumeur avait guéri.
Etheldred était une femme de noble naissance, fille du roi Anna d'Est Anglie, et soeur des saints Sexburge, Ethelburge, Erconwald, et Withburge. Elle naquit à une époque où les religieux étaient incompris dans leur désir d'une conversion complète de leurs vies pour Dieu. Pour Etheldred, la prière, la Sainte Communion et les oeuvres de miséricorde étaient des parties essentielles de sa Foi en Jésus-Christ. Depuis sa jeunesse, elle s'était dévouée à la piété, la pûreté et l'humilité. Bien qu'elle sembla destinée à la vie du cloître, à deux reprises, sainte Etheldred sera mariée et libérée de ces liens non-souhaités.

Bannière de procession de sainte Audrey.
A l'âge de 14 ans, Etheldred fut mariée à Tonbert. Parfois certains saints avaient à fuir un mariage quand ils se sentaient voués à la vie religieuse, mais Etheldred fit confiance à Dieu. Elle accepta calmement le mariage, et trouva que Tonbert était aussi dévot qu'elle, et fut heureux qu'ils puissent vivre dans la continence. Après 3 (ou 5) années ensemble, Tonbert mourrut.
Durant un certain temps, elle profita d'une vie solitaire sur l'île d'Ely, qui avait été une partie de sa dot, mais par raison d'Etat, elle fut à nouveau mariée. Son second mari, Egfrid, fils du roi Oswy de Northumbrie, était encore enfant à l'époque. Etheldred, bien qu'étant elle-même encore jeune, le traitta comme son fils ou frère, plutôt que comme un époux. Elle lui enseigna le catéchisme et dirigea sa croissance spirituelle, essayant clairement de le préparer à accepter un mariage de continence.

Détail d'une fresque. Cathédrale d'Ely. Angleterre. XVIe.
Mais après 12 ans de relations, Egfrid, devenu adulte, tenta d'en faire sa femme dans les faits autant que dans le nom. Ceci alarma Etheldred, qui chercha alors le conseil de l'archévêque saint Wilfrid d'York. Il la libéra de son mariage et lui conseilla de se retirer dans l'abbaye Bénédictine de Coldingham. Enfin, elle pouvait accomplir les désirs de son coeur. Elle prit le voile à Coldingham sous sainte Ebba.
Au début, Egfrid tenta de persuader Wilfrid d'ordonner à sa femme de revenir auprès de lui, mais sans succès. En 672, elle fonda le double monastère, où se trouve à présent la cathédrale d'Ely, et elle le gouverna comme abbesse. Egfrid envoya des hommes d'armes à Ely pour tenter de la forcer à revenir, mais l'expédition fut sans succès.

Scènes de la vie de sainte Audrey. Robart Pigott. XVIe.
Après avoir fondé Ely, Etheldred cessa de porter des fins vêtements de lin et ne porta plus que des vêtements de laine. Sauf à Pâques, Pentecôte et Epiphanie, elle ne se lavait que dans l'eau froide. A moins d'être malade ou aux grandes fêtes d'Eglise, sinon elle se contentait d'un repas par jour. Elle priait pour ceux ne pouvant plus prier, et veillait souvent à l'église de minuit jusqu'à l'aube. Sept ans après la fondation de l'abbaye d'Ely, elle mourrut de la peste.
Saint Bède écrivit une longue hymne à la louange d'Etheldred qui, à voir le nombre d'églises et de calendriers comportant son nom, dû avoir été la plus vénérée de toutes les saintes femmes Anglo-Saxonnes. Ceci est en partie dû aux innombrables miracles qui résultèrent de son intercession, qui fit d'Ely un important lieu de pélerinage (Attwater, Bénédictins, Bentley, Encyclopaedia).

Scènes de la vie de sainte Audrey. Robart Pigott. XVIe.
Dans l'art, sainte Etheldred est couronnée, tenant une crosse, un livre, et un bâton bourgeonnant. Elle peut parfois être représentée :
- assoupie sous un arbre en fleurs ;
- avec un livre et un lys ;
- avec une fontaine jaillissant à ses pieds ;
- avec le démon qui la fuit.
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dimanche, 22 juin 2025
22 juin. Saint Paulin, évêque de Nole. 434.
- Saint Paulin, évêque de Nole. 434.
Pape : Sixte III. Empereur romain d'Occident : Valentinien III.
" Allez dans la Campanie, voyez Paulin, cet homme si grand par sa naissance, par son génie et par ses richesses ; voyez avec quelle générosité c serviteur de Dieu s'est dépouillé de tout pour ne posséder que Dieu ; voyez comme il a renoncé à l'orgueil du monde pour embrasser l'humilité de la croix ; voyez comment il emploie présentement à louer Dieu ces trésors de science qui sont perdus quand on ne les consacrent pas à celui qui les a donnés."
Saint Augustin. Ep. XXVI ad Livent.
Il n'y a jamais eu personne qui ait fait plus d'efforts pour se cacher et pour se rendre inconnu dans le monde que saint Paulin ; et il n'y a jamais eu personne qui ait reçu plus de louanges, personne que les saints Pères se soient plus étudiés à relever par leurs éloges. Saint Ambroise, saint Augustin, saint Jérôme et saint Grégoire le Grand, que l'Eglise latine reconnaît pour ses 4 principaux docteurs, ont voulu être ses panégyristes, et ils ont été suivis en cela par beaucoup d'autres Pères qui ont cru que c'était louer la vertu même que de donner des louanges à cet excellent évêque de Nole. II naquit, vers l'année 353, à Bordeaux ou à Embrau, qui n'en est éloigné que de 4 lieues. Ses parents étaient de Rome, et des plus nobles de cette ville, maîtresse du monde ; ils comptaient dans leur maison des consuls et des patrices, et plusieurs même estiment que son père était de la famille des Anicius, la plus illustre de toutes les familles de Rome. Ils avaient de si riches possessions, non-seulement dans l'Italie, mais aussi dans les Gaules et dans l'Espagne, que le poète Ausone ne fait point difficulté de les appeler des royaumes. [Ponce Paulin, père de notre Saint, était préfet du prétoire dans les Gaules, et le premier magistrat de l'empire d'Occident].
Paulin reçut une éducation conforme à sa naissance ; et, lorsqu'il fut en âge d'étudier, il eut pour précepteur le même Ausone, qui passait pour le premier orateur et le plus excellent poète de son temps. Le disciple ne fut pas longtemps sans égaler et même sans surpasser son maître ; il devint si éloquent, que saint Jérôme, ayant lu une apologie qu'il avait faite pour la défense de l'empereur Théodose contre les calomnies des païens, la loua comme un des ouvrages les plus éloquents de cette époque, et dit que Théodose était heureux d'avoir pour défenseur un tel panégyriste. Il ajoute que Paulin est un écrivain accompli et que l'Eglise acquerrait un grand trésor s'il voulait s'appliquer à composer sur l'Ecriture sainte et sur les mystères de notre religion. Ausone même avoue qu'il était devenu meilleur poète que lui, et qu'il avait remporté en ce genre d'écriture un prix d'honneur que lui-même n'avait pas remporté.
Ces excellentes qualités, jointes aux biens immenses dont il se vit bientôt l'héritier, le rendirent célèbre par tout le monde. On dit qu'il fut quelque temps à la cour de l'empereur Valentinien l'ainé, et plaida aussi, étant jeune, plusieurs causes au barreau. Dieu lui donna une femme digne de lui et dont la noblesse et les grandes richesses étaient relevées par une vertu au-dessus du commun.

Bréviaire franciscain. XVe.
C'est la célèbre Thérasie, espagnole, qui contribua si heureusement à lui faire quitter le monde, et qui fut la compagne inséparable de sa vie pauvre et retirée, comme nous le dirons dans la suite. L'empereur trouva tant de jugement et de solidité dans son esprit, qu'il le fit consul à un âge où à peine les autres commencent à être employés aux affaires publiques, et lui donna ensuite le gouvernement de Rome, sous le nom de préfet. Lorsqu'il se fut très-dignement acquitté de ces grandes charges, les diverses négociations dont on le chargea et ses affaires domestiques l'obligèrent pendant 15 ans à divers voyages, tant dans les Gaules qu'en Italie et en Espagne.
Dans ces voyages, il alla quelquefois à Milan, où il eut le bonheur de fréquenter saint Ambroise, qui conçut pour lui une affection toute singulière, comme il le témoigne dans son épître 45. il y fut aussi connu de saint Augustin et d'Alipius, auxquels il a depuis écrit plusieurs lettres. Il eut un fils à Alcala de Hénarès, qui est une ville de l'Espagne Tarragonaise ; mais il ne le posséda que 8 jours, et, quoiqu'il eût souhaité fort longtemps cette bénédiction de son mariage, il en fut privé presque aussitôt qu'il l'eut reçue, afin que rien ne l'empèchât de renoncer entièrement au monde.
Ce qui commença à l'en dégager, ce fut un pèlerinage au tombeau de saint Félix, prêtre de Nole et martyr. Les grands miracles qui se firent devant ses yeux lui donnèrent tant d'affection pour ce glorieux martyr de Jésus-Christ, qu'il résolut dès lors, quoiqu'il n'eùt que 27 ans, de se retirer dans les terres qu'il avait auprès de cette ville, pour y passer le reste de sa vie en hommè privé. Il fut néanmoins encore plus de 15 ans sans exécuter ce dessein.
Les entretiens qu'il eut avec saint Ambroise et les sages conseils de Thérasie, son épouse, aidèrent aussi beaucoup à lui faire connaître la vanité des grandeurs du siècle ; mais celui qui acheva sa conversion fut saint Delphin, évêque de Bordeaux. II reçut de lui le baptême à l'âge de 38 ans, comme il paraît par une épître qu'il écrivit peu de temps après à saint Augustin, touchant ses 5 livres contre les Manichéens.
Ensuite il se retira, pour la seconde fois, en Espagne, et s'arrêta à Barcelone, où il commença à faire profession de la vie solitaire ; mais comme sa conduite donnait de l'admiration à tout le peuple, et que sa chasteté, sa modestie, son insigne charité et son oraison continuelle le faisaient juger digne des emplois ecclésiastiques, un jour de la Nativité de Notre-Seigneur, les clercs et les laïques demandèrent instamment à l'évêque Lampius qu'il l'ordonnât prêtre. Saint Paulin s'y opposa de toutes ses forces, non pas, comme il le dit lui-même en l'épître VIe, qu'il dédaignât d'être le ministre de Jésus-Christ dans cette église peu considérable, mais parce qu'il regardait le sacerdoce comme une dignité au-dessus de ses mérites, et que, d'ailleurs, il avait résolu de vivre dans la retraite auprès de Nole, dans la Campanie. Il se rendit néanmoins enfin à leur volonté, mais à condition qu'il ne serait nullement lié à l'église de Barcelone, et qu'il aurait une entière liberté de s'en aller quand il le voudrait.
En effet, après avoir séjourné 4 ans en Espagne, le désir de la vie parfaite embrasant son coeur de plus en plus, il vendit les biens qu'il avait en ce pays, et en distribua le prix aux pauvres; il repassa ensuite dans les Gaules, pour y faire la même chose. Il donna la liberté à ses esclaves, il ouvrit ses greniers, qui étaient remplis de grains, aux nécessiteux, et employa l'argent qu'il tira de la vente de ses terres et de ses maisons à racheter les captifs, à délivrer les prisonniers, à relever une infinité de familles que divers accidents avaient ruinées, à payer les dettes de ceux qui étaient persécutés par leurs créanciers, à fournir de quoi à un grand nombre de veuves et d'orphelins, à marier de pauvres filles que la nécessité aurait pu engager dans le désordre, à pourvoir aux secours des malades, et, pour tout dire en un mot, à enrichir les pauvres en s'appauvrissant lui-même.
Se voyant ainsi déchargé du poids, difficile à porter, des richesses, il se rendit à Milan, où saint Ambroise le reçut avec une joie et une tendresse merveilleuses et le pria même de trouver bon qu'il le mit au nombre des prêtres de son église ; notre Saint ne put le lui refuser, quoiqu'il se conservât toujours la liberté d'aller où Dieu l'appellerait. On a cru, avec beaucoup de raison, que ce grand docteur, qui était déjà fort âgé, jetait les yeux sur lui pour lui succéder après sa mort ; mais comme elle arriva dans un temps où saint Paulin était fort éloigné de Milan, le vieillard saint Simplicien fut mis en sa place.
Après que notre Saint eut fait quelque séjour dans cette ville, capitale de la Ligurie, il passa à Rome, capitale de l'empire. Le peuple, qui l'avait vu autrefois dans ses dignités éminentes de consul et de préfet, et qui connaissait ses rares qualités et l'excellence de sa vertu, l'y reçut avec un honneur extraordinaire. Il fut visité, principalement dans une maladie, par tout ce qu'il y avait de magistrats et de grands seigneurs en cette ville.
Ceux des villes voisines qui ne purent pas lui rendre ce devoir par eux-mêmes lui envoyèrent des députés pour lui témoigner la joie qu'ils avaient de son retour, et la part qu'ils prenaient à son incommodité. Il y eut même peu d'évêques des environs qui ne le vinssent voir ou qui ne lui écrivissent, pour le congratuler de ce qu'il avait quitté les espérances du monde pour embrasser l'état ecclésiastique.
Ces témoignages d'estime et de respect donnèrent de la jalousie aux principaux du clergé de Rome, et, au lieu d'être les premiers à lui faire honneur, ils n'eurent pour lui que de la froideur et de l'indifférence, et lui suscitèrent même quelque persécution. Le souverain Pontife ne lui témoigna pas non plus beaucoup d'amitié ; et il se plaint lui-même, en sa première épître à Sévère, de la réception un peu froide qu'il lui fit. Mais comme c'était le pape Sirice, qui a mérité, par sa piété et par les grands services qu'il a rendus à l'Eglise, d'être mis au nombre des Saints, il faut croire, avec le cardinal Baronius, que ce qui l'aigrit contre saint Paulin, ne fut autre chose qu'un zèle un peu trop ardent pour l'observance de la discipline ecclésiastique, qu'il crut avoir été violée dans l'ordination de ce saint prêtre car il avait été promu au sacerdoce aussitôt après son baptême et sans avoir passé par les degrés inférieurs, ou sans y être demeuré un temps suffisant, avant de monter plus haut. Néanmoins, Paulin n'était point coupable, puisque, s'il avait souffert cette ordination, ce n'était que par force et contre sa volonté ; et, d'ailleurs, cette manière de conférer les ordres sans garder les interstices, ni même les degrés ecclésiastiques, était en ce temps-là, autorisée par beaucoup d'exemples.
Quoi qu'il en soit, ce grand personnage se voyant devenu une occasion de plainte et de murmure, sortit promptement de Rome et se rendit, selon le dessein qu'il avait conçu 15 ans auparavant, à une maison qui lui appartenait auprès de Nole. Thérasia, son épouse, l'y suivit aussi ; mais ils logèrent séparément : et, ayant pris l'un et l'autre un habit de pénitence semblable à celui des solitaires, ils se mirent à pratiquer chacun de son côté toutes les pratiques de la vie religieuse. Un changement si admirable fit aussitôt grand bruit dans le monde ; les païens, encore nombreux dans le sénat et dans les premières magistratures de l'empire, en parlèrent avec beaucoup d'indignation, et comme d'une action extravagante.
Il y eut même des personnes considérables parmi les fidèles qui ne le purent goûter; elles disaient ouvertement que Paulin, étant capable de rendre de si grands services à l'Etat, commettait une injustice en lui dérobant ses soins, ses conseils et sa personne, pour mener une vie oisive dans un lieu champêtre et éloigné de la compagnie des autres hommes. Ausone, son ancien précepteur, fut surtout de ce nombre ; et il en écrivit souvent à ce cher disciple, dès le temps même qu'il quitta l'Aquitaine pour se retirer à Barcelone. Mais la grâce du Saint-Esprit, qui voulait donner aux grands du monde, en la personne de Paulin, un excellent modèle du mépris de toutes les choses de la terre, le fortifia contre ces plaintes et lui fit connaître, par expérience, que ce qu'il avait quitté était beaucoup moindre que ce qu'il gagnait en suivant Jésus-Christ ; elle lui mit dans la bouche des réponses si saintes et si évangéliques, qu'elles servent encore aujourd'hui de justification à tous ceux qui, imitant son exemple, renoncent aux plus grands emplois et aux fortunes les plus avantageuses pour suivre l'étendard de la Croix, et pour se faire humbles disciples d'un Dieu pauvre et souffrant pour l'amour des hommes.
Aussi, tandis que Paulin était blâmé par les gens du siècle, il était, au contraire, loué par tout ce qu'il y avait alors de docteurs et de saints personnages sur la terre. Saint Martin, qui vivait encore, et qui l'avait autrefois guéri par attouchement, d'une grande incommodité à l'oeil, le proposait à ses disciples comme un exemple achevé de la perfection évangélique, et leur disait souvent qu'il était presque le seul dans le monde qui eût accompli les préceptes de l'Evangile ; que c'était lui qu'il fallait suivre, que c'était lui qu'il fallait imiter, et que la plus grand bonheur de son siècle était d'avoir porté un homme si rare et si admirable. C'est ce que rapporte Sulpice Sévère, en la vie de ce saint évêque de Tours.

Saint Paulin de Nôle. Père Pierre Lacour. XIXe.
Saint Ambroise n'en parlait aussi que comme d'un prodige ; et, dans l'épître à Saban, il ne peut assez relever sa générosité d'avoir quitté ce que le monde a de plus éclatant pour embrasser l'abjection et la pauvreté de la vie religieuse. Saint Jérôme lui écrivit de Bethléem et le dissuada du voyage de Jérusalem, où notre Saint avait dessein de se retirer pour une plus grande perfection, lui représentant que son désert de la Campanie était beaucoup plus tranquille et plus propre aux exercices de la vie monastique, que cette ville, qui était alors pleine de trouble et de confusion.
Il lui prescrivit en même temps quelques règles de la vie solitaire qu'il avait embrassée, et lui témoigna qu'il ne pouvait assez louer sa résolution, d'autant plus recommandable, que ce qu'il avait abandonné pour Dieu avait plus de charmes pour l'arrèter dans le siècle. Dans une autre épître, adressée à Julien, il l'appelle un prêtre d'une foi très-fervente, et dit que, s'il avait quitté des richesses temporelles, il en était devenu plus riche par l'heureuse possession de Jésus-Christ, et que, s'il avait renoncé aux premiers honneurs de l'empire, la vie humble et abjecte à laquelle il s'était consacré l'avait rendu incomparablement plus glorieux qu'il n'était auparavant, puisque ce que l'on perd pour Jésus-Christ ne se perd point, mais se change en quelque chose de meilleur et de plus utile. Saint Augustin et saint Alipius liérent aussi une étroite amitié avec notre Saint, et se firent gloire d'avoir un fréquent commerce de lettres avec lui.
Le premier, lui adressant un jour un de ses disciples, lui mande qu'il l'envoie à son école, parce qu'il est sûr qu'il profitera beaucoup plus par son exemple, qu'il ne pouvait profiter de toutes les remontrances et de toutes les exhortations qu'il lui faisait ; et, écrivant à Décentius, il lui conseilla d'aller voir Paulin, parce qu'il trouverait en sa personne la modestie d'un véritable disciple de Jésus-Christ. Il y eut même une illustre compagnie d'évêques d'Afrique, qui, remplis d'une haute idée de sa sainteté, lui envoyèrent des députés avec une lettre, pour lui témoigner l'estime et la vénération qu'ils avaient pour son mérite. Le pape saint Anastase, qui succéda à Sirice, conçut aussi les mêmes sentiments pour lui ; car, à peine fut-il élevé au souverain pontificat, qu'il écrivit en sa faveur à tous les évêques de Campanie, leur témoignant l'amour qu'il avait pour ce saint prêtre. Et, une fois que notre Saint vint à Rome, pour assister à la solennité de la fête de saint Pierre, il l'y reçut avec de grandes démonstrations de bienveillance et d'honneur ; depuis, il l'invita à l'anniversaire de son couronnement : invitation que les papes ne faisaient ordinairement qu'aux évêques.
Enfin, saint Paulin était si célèbre par toute l'Europe, qu'on le proposait continuellement pour exemple à ceux qu'on voulait détromper de l'estime des biens de la terre et attirer au service de Jésus-Christ, comme fit saint Eucher dans son épître à Valérien. Ainsi, sa conduite fut d'une grande utilité pour toute l'Eglise, et elle servit non-seulement à la conversion d'une infinité de pécheurs, mais aussi à mettre en honneur la vie monastique et à la faire embrasser, par un grand nombre de personnes de toutes sortes de conditions.

Saint Paulin de Nole exorcisant un possédé. Bréviaire romain. XVe.
Au reste, c'est une chose merveilleuse que la modestie et l'humilité avec lesquelles il recevait toutes ces louanges. Il ne manquait jamais, dans ses réponses, d'en témoigner son mécontentement, parce qu'il ne voyait rien en lui que de méprisable, et qu'il ne souhaitait aussi que du mépris. Sulpice Sévère l'ayant prié de lui envoyer son portrait, il ne fit point difficulté de traiter cette demande de folie, et lui répondit qu'il ne pouvait pas la lui accorder, parce qu' il ne portait plus l'image de Dieu dans sa pureté, l'ayant, disait-il, souillée par la corruption de l'homme terrestre.
Cependant, ayant appris que, malgré ce refus, ce fidèle ami l'avait fait peindre dans un baptistère, à l'opposite de saint Martin, il lui en exprima sa douleur, et tourna cette action à son propre désavantage, disant que cela s'était fait par une conduite particulière de la divine Providence, afin que les nouveaux baptisés eussent devant les yeux, en sortant des fonts baptismaux, d'un côté celui qu'ils devaient imiter en la personne de saint Martin, et de l'autre, celui dont ils devaient fuir l'exemple, en la personne du pécheur Paulin.
Comme ce n'est pas assez d'entrer dans la voie de la perfection, si l'on n'y persévère avec constance, notre Saint persévéra toute sa vie dans l'amour de la pauvreté et de la mortification. Il avait changé sa vaisselle d'argent en vaisselle de bois et de terre, et jamais il n'en voulut avoir d'autre. Sa table était si frugale, que les religieux les plus austères avaient de la peine à en supporter la rigueur. La viande et le poisson en étaient bannis, et l'on n'y servait point d'autres mets que des herbes et des légumes. Ayant tout donné, il était lui-même dans la disette ; et cette nécessité lui attira une des plus rudes humiliations dont un homme de son rang soit capable ; ceux qui l'avaient autrefois honoré pour ses grands biens et pour les avantages qu'ils espéraient de sa libéralité, et les esclaves mêmes qu'il avait affranchis, l'abandonnèrent et le traitèrent quelquefois avec mépris.
Cependant il croyait toujours n'avoir rien souffert pour Dieu :
" Ô misérables que nous sommes ! disait-il, nous pensons avoir donné quelque chose à Dieu, nous nous trompons, nous trafiquons seulement avec lui, nous avons peu quitté pour avoir beaucoup, nons avons abandonné les choses de la terre qui ne sont rien, pour acquérir les biens du Ciel qui sont solides, permanents et véritables. Ô ! que nous avons les choses à bon marché ! Dieu nous a rachetés bien plus cher : il nous a donné son sang et sa vie, dont le prix est infini, pour acquérir de misérables esclaves !"
Etant dans ces sentiments, il ne s'arrêtait jamais dans le chemin de la perfection ; mais il s'y avançait à tous moments par la pratique de toutes les vertus, tant intérieures qu'extérieures.
Nous avons déjà remarqué que saint Jérôme l'appelle, dans une de ses épîtres, " un prêtre d'une foi trés-fervente " ; mais cette foi éclata principalement lorsque les Goths eurent pris Nole, et lui eurent enlevé à lui-même tout ce qu'il avait dans sa maison pour sa subsistance.
Saint Augustin, au premier livre de la Cité de Dieu, chapitre X, rapporte que ces barbares s'étant alors saisis de sa personne, et voulant le tourmenter pour l'obliger dedéclarer où était son trésor, il disait à Dieu, dans le secret de son coeur :
" Seigneur, ne souffrez pas que je sois tourmenté pour de l'or ou de l'argent ; car vous savez où sont tous mes biens."

Saint Paulin échangé contre un esclave. Vies de saints. R. de Montbaston. XIVe.
Cette prière, animée d'une foi vive et d'une parfaite confiance en la bonté divine, fut si efficace, qu'on ne lui fit aucun mal, et qu'il ne fut point non plus emmené en captivité. Cependant, sa nécessité devint si grande, qu'à peine avait-il du pain pour se nourrir, parce que, les Goths ayant tout enlevé, il n'était rien resté dans Nole pour la subsistance de ceux qu'ils y avaient laissés.
Mais dans une si grande misère, il ne pouvait manger un morceau de pain sans en faire part à ceux qu'il voyait dans la même peine, parce qu'il savait que Dieu, qui nourrit les oiseaux du ciel et les animaux de la terre, ne manquerait jamais de lui donner les choses nécessaires à la vie. On raconte qu'un pauvre étant venu lui demander l'aumône, il l'envoya à Thérasie, qui, de son épouse, était devenue sa soeur, lui disant de donner à ce pauvre ce qu'elle pourrait ; elle lui répondit qu'il ne restait plus en sa maison qu'un petit pain qui ferait tout son diner.
" Donnez-le, répliqua le Saint ; Jésus-Christ, qui demande par la bouche et par la main de ce pauvre, doit être préféré à nous."
Thérasie, contre sa coutume, n'en fit rien, parce qu'elle jugea sans doute, selon la prudence humaine, que, dans un besoin égal, la vie de ce grand homme était préférable à celle du mendiant, et qu'ainsi il valait mieux garder le pain que de le donner à cet étranger. Mais elle apprit bientôt que la Foi de Paulin était plus opulente et plus efficace que la précaution timide et défiante dont elle avait usé ; car, incontinent après, il arriva des hommes qui lui amenaient une grande provision de blé et de vin, s'excusant d'ailleurs et du peu qu'ils apportaient et de leur retardement, sur ce qu'une tempête avait submergé un de leurs vaisseaux qui était chargé de froment.
" Voilà, dit alors Paulin à Thérasie, le châtiment de votre incrédulité. Vous avez dérobé au pauvre le pain que je lui voulais donner, et Dieu, en punition, nous a privés de ce vaisseau de blé que sa providence nous envoyait."
Cette grande foi était dans notre saint prêtre la source de toutes les autres vertus. On ne peut assez dignement représenter sa douceur, sa miséricorde pour toutes sortes d'affligés, sa recounaissancé pour ceux qui lui faisaient du bien, sa vénération pour les excellents prélats qui vivaient do son temps, sa dévotion envers les Saints, et surtout envers saint Félix, dont il rendit la mémoire si célèbre par tout le monde ; et, enfin, son grand amour pour Jésus-Christ dont, selon le témoignage de saint Augustin, il jetait partout une odeur très-sainte et très-agréable.
Il y avait 15 ans que Paulin vivait dans la retraite, lorsqu'on l'élut pour succéder à Paul, évêque de Nole, qui mourut sur la fin de l'année 409.
" Dans la prélature, dit Uranius, un de ses prêtres, en l'abrégé de sa vie, il n'affecta point de se faire craindre, mais il s'étudia à se faire aimer de tout le monde. Comme il n'était point touché des injures que l'on faisait à sa personne, rien n'était capable de le mettre en colère ; il ne séparait jamais la miséricorde du jugement ; mais s'il était obligé de châtier, il le faisait d'une telle manière, qu'il était aisé de voir que c'étaient des châtiments de père, et non pas des vengeances de juge irrité. Sa vie était l'exemple de toutes sortes de bonnes oeuvres, et son accueil était le soulagement de tous les misérables. Qui a jamais imploré son secours sans en recevoir une consolation très-abondante ? Et quel pécheur a-t-il jamais rencontré qu'il ne lui ait présenté la main pour le relever de sa chute ? Il était humble, bénin, charitable, miséricordieux et pacifique ; il n'eut jamais de fierté ni de dédain pour qui que ce fût. II encourageait les faibles, il adoucissait ceux qui étaient d'une humeur emportée et violente. Il aidait les uns par l'autorité et le crédit que lui donnait sa charge, d'autres par la profusion de ses revenus, dont il ne se réservait que ce qui lui était absolument nécessaire ; d'autres, enfin, par ses sages conseils, dont on trouvait toujours de grands trésors dans sa conversation et dans ses lettres. Personne n'était éloigné de lui sans désirer de s'en approcher ; et personne n'avait le bonheur de lui parler sans souhaiter de ne s'en séparer jamais."
En un mot, comme sa réputation était si grande, qu'à peine il y avait un seul lieu sur la terre où le nom de Paulin ne fût célèbre ; aussi ses bienfaits étaient si étendus, que les îles et les solitudes les plus éloignées en étaient participantes. Comme le remarque l'auteur des livres de la " Vocation des Gentils ", qui sont attribués à saint Prosper, quoique Paulin eût abandonné ses propres biens pour Jésus-Christ, il ne laissa pas, néanmoins, d'avoir grand soin des biens ecclésiastiques de son évêché, parce qu'il n'ignorait pas qu'il n'en était que le dépositaire et le gardien ; et que, étant le patrimoine des pauvres, il était obligé de les conserver pour ceux en faveur desquels les fidèles les avaient donnés à l'Eglise. Mais il en conserva les fonds avec soin, il en distribua les revenus avec une liberté sans mesure ; de sorte qu'il n'était pas moins pauvre dans l'épiscopat qu'il l'avait été dans le monastère ; rien ne demeurant entre ses mains, il était autant dans la disette, sous l'éclat de la prélature, qu'il l'était sous l'humble habit de religieux.
Il ne faut pas oublier ici que ses éminentes vertus lui attirèrent même la vénération des empereurs. Honorius, fils du grand Théodose, avait pour lui la plus grande estime ; il voulut qu'il fût presque le seul arbitre du différend qui survint dans l'Eglise romaine pour la succession au pontificat du pape saint Zozime. Car, ayant ordonné l'assemblée d'un Concile pour examiner les prétentions d'Eulalius, schismatique, contre le droit légitime de saint Boniface, et sachant que ce saint évêque n'y pouvait pas assister, parce qu'il était tombé malade, il fit différer ce concile jusqu'à ce qu'il fut entré en convalescence. Il lui écrivit ensuite une lettre pleine d'un souverain respect, lui témoignant que rien ne pouvait être décidé sans lui ; il le prie de se trouver au Concile pour apprendre au monde la volonté de Dieu, pour déclarer à l'Eglise quel était son véritable pasteur, et pour lui donner à lui-même sa bénédiction.
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samedi, 21 juin 2025
21 juin. Saint Louis de Gonzague, prêtre de la Compagnie de Jésus. 1591.
Saint Louis de Gonzague.

Saint Louis de Gonzague et saint François de Paule. Venise. XVIIIe.
Saint Louis de Gonzague eut pour père Ferdinand de Gonzague, marquis de Castiglione degli Stivere. Il naquit en l'an 1568. Avant sa naissance, sa mère, en danger de mort, avait fait voeu de consacrer son enfant à Notre-Dame de Lorette, si elle obtenait une heureuse délivrance. Encore au berceau, s'il se présentait un pauvre, Louis pleurait jusqu'à ce qu'on lui eût fait l'aumône ; son visage respirait un tel air de vertu, que ceux qui le portaient dans leurs bras croyaient tenir un Ange.
A l'âge de cinq ans, il avait retenu et répété quelques paroles grossières qu'il avait entendues sortir de la bouche des soldats de son père, sans les comprendre; il en fut repris et en montra tant d'horreur, qu'il pleura cette faute, la plus grande de sa vie, et qu'il en fit pénitence jusqu'à la mort. Le père de Louis, qui songeait à la fortune de son fils, l'envoya successivement chez plusieurs princes, en qualité de page ; mais Dieu, qui avait d'autres vues, voulait ainsi montrer ce jeune Saint aux cours d'Europe, pour leur faire voir que la piété est de toutes les conditions, et l'innocence de tous les âges. Dans ces milieux mondains où il vivait comme n'y vivant pas, ses progrès dans la sainteté furent surprenants.
A huit ou neuf ans, il fit le voeu de virginité perpétuelle ; sa délicatesse était si angélique, que jamais il ne regarda une femme en face, pas même sa mère ; jamais il ne permit à son valet de chambre de l'aider à s'habiller, et sa pudeur était si grande, qu'il n'osa même pas lui laisser voir le bout de ses pieds nus. Vers l'âge de onze ans, il fit sa Première Communion des mains de saint Charles Borromée.
A seize ans, il se décida à entrer dans la Compagnie de Jésus. Peu de vocations ont été aussi éprouvées que la sienne : son père fut pour lui, pendant quelques temps, d'une dureté sans pareille ; mais il dut enfin céder devant la Volonté de Dieu, et Louis entra au noviciat des Jésuites, à Rome. Il y parut dès les premiers jours comme un modèle digne d'être proposé aux plus parfaits ; on vit en lui un prodige de mortification, un ange de pureté, une merveille d'amour de Dieu. La seule vue de Louis dissipait chez les autres les plus violentes tentations de la chair. Jamais il n'avait ressenti la concupiscence charnelle, et malgré cela il était cruel pour son propre corps à l'égal des Saints les plus austères.
Obligé par ses supérieurs, pour cause de santé, à ne pas se laisser absorber dans la pensée de Dieu, il devait s'écrier souvent, emporté par l'amour au-delà de l'obéissance :
" Éloignez-Vous de moi, Seigneur !"
Son premier miracle après sa mort fut la guérison de sa mère, à laquelle il apparut souriant et resplendissant de gloire. Ce fut le signal d'une dévotion qui fut récompensée par de nombreux prodiges.
Aussi, de quel prix n'était pas à vos yeux ce céleste trésor de l'oraison, toujours à notre portée comme il le fut à la vôtre ! Mais pour y trouver comme vous la voie abrégée de toute perfection, selon vos propres paroles, il y faut la persévérance et le soin d'éloigner de l'âme, par une répression généreuse de la nature, toute émotion qui ne serait pas de Dieu. Comment une eau bourbeuse ou agitée par les vents, reproduirait-elle l'image de celui qui se tient sur ses bords ? Ainsi l'âme souillée, et celle-là même qui, sans être l'esclave des passions, n'est point maîtresse encore de toute agitation provenant de la terre, n'arrivera point au but de l'oraison qui est de reproduire en elle l'image tranquille de son Dieu.
La reproduction du grand modèle fut parfaite en vous ; et l'on put constater combien la nature en ce qu'elle a de bon, loin de pâtir et de perdre, gagne au contraire à cette refonte au divin creuset. Même en ce qui touche les plus légitimes affections, vous n'aviez plus de regards du côté de la terre ; mais voyant tout en Dieu, combien les sens n'étaient-ils pas dépasses dans leur infirmité menteuse, et combien aussi par là même croissait votre amour ! Témoin vos suaves prévenances, ici-bas et du haut du ciel, pour l'admirable mère que vous avait donnée le Seigneur : où trouver plus de tendresse que dans les épanchements de la lettre si belle écrite par vous à cette digne mère d'un saint, dans les derniers jours de votre pèlerinage ? et quelle délicatesse exquise ne vous conduisait pas à lui réserver votre premier miracle, une fois dans la gloire ! Par ailleurs, l'Esprit-Saint, en vous embrasant de tous les feux de la divine charité, développait en vous pour le prochain un amour immense; caria charité est une; et on le vit bien, quand vous sacrifiâtes votre vie pour les malheureux pestiférés.
Ne cessez pas, illustre Saint, d'assister nos misères ; soyez propice à tous. Conduite par le successeur de Pierre au pied de votre trône, la jeunesse surtout se réclame de votre puissant patronage. Dirigez ses pas sollicités en tant de sens contraires ; que la prière et le travail pour Dieu soient sa sauvegarde ; éclairez-la, lorsque s'impose à elle le choix d'un état de vie. Puissiez-vous, durant ces critiques années de l'adolescence, user pour elle largement de votre beau privilège et protéger dans vos dévots clients l'angélique vertu ! Enfin, ô Louis, que ceux-là même qui ne vous auront pas imité innocent, vous suivent du moins dans la pénitence, ainsi que l'Eglise le demande au Seigneur en ce jour de votre fête."
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